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Officieux

"On ne bâtit pas la ville de demain sans diversité" - Christel Zordan, piloter une foncière en temps de crise

"On ne bâtit pas la ville de demain sans diversité" - Christel Zordan, piloter une foncière en temps de crise

51min |17/09/2025
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51min |17/09/2025
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Description

🏗️ Investissements, stratégies et parité : l’immobilier d’entreprise vu par Christel Zordan


Dans cet épisode d’Officieux, je reçois Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l’immobilier, Christel incarne la rigueur et l’engagement. Tout au long de notre conversation, elle m’a parlé de stratégie bien sûr, mais aussi de transformation des usages, de macroéconomie, de reconversion d’actifs, d’égalité professionnelle. Et elle a partagé son parcours, sans filtre.


💬 "..."


🔎 Au programme de cet épisode :


Un parcours guidé par des choix, plus que par des plans : Christel n'avait pas prévu de faire de l'immobilier, et encore moins d'y rester. Mais à chaque étape, elle a saisi ce qui lui ressemblait davantage. De PWC à la STE, elle raconte un chemin construit sans plan de carrière, mais avec lucidité, curiosité et l'envie d'apprendre.


La Société de la Tour Eiffel : une foncière pas comme les autres : Un héritage inattendu lié à Gustave Eiffel, Christel raconte l’origine de la structure, sa stratégie actuelle et les quiproquos étonnants autour de son nom.


Le fonctionnement d'une foncière cotée : Cotation, transparence, gouvernance, obligations réglementaires, impact stratégique... Elle nous explique ce que ça change, ce que ça impose et ce que ça apporte.


Naviguer dans un contexte économique mouvementé : Hausse des taux, inflation, crise du bureau, arbitrages patrimoniaux : Christel revient sur les indicateurs qu'elle suit au quotidien et partage comment elle et ses équipes s'adaptent dans une logique long terme.


L'impact réel des transformations d'usage : Le Covid et l'essor du télétravail ont modifié les attentes des utilisateurs. Comment réagir quand les immeubles ne trouvent plus preneur ? Transformation en logements, projets mixtes, réversibilité, Christel partage ses réflexions sur ces sujets.

Miser sur les régions : Avec des taux d'occupation plus élevé et des actifs plus adaptés, les régions deviennent un pilier de la stratégie de la STE, Christel explique pourquoi ce virage est à la fois un retour aux fondamentaux et un pari pour demain.


Parité dans l’immobilier : faire bouger les lignes, sans stigmatiser : À la tête de l’Observatoire de la Charte pour la parité, Christel décrit un secteur encore inégalitaire, surtout dans les postes dirigeants. Elle évoque les freins, les biais, ses anecdotes personnelles, parfois édifiantes et sa conviction : la parité n’est pas un combat contre, mais un projet avec.


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Transcription

  • Salomé

    Hello à tous, ici Salomé, j'ai 26 ans, je suis ingénieure en bâtiment et je suis surtout ravie de vous accueillir sur Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise. Je vous propose de changer votre regard sur cet univers en vous emmenant avec moi pour en découvrir les coulisses. Tous les 15 jours, je vais à la rencontre d'archis, de constructeurs, d'investisseurs pour leur poser toutes mes questions et discuter ensemble des tendances qui font bouger le marché. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l'immobilier, Christel incarne la rigueur et l'expertise avec beaucoup d'humilité et une vraie accessibilité. Notre échange a eu des allures de discussion autour d'un café avec autant de richesses, micro ouvert, qu'hors micro. Nous avons évoqué énormément de choses passionnantes : le rôle d'une foncière, le contexte macroéconomique dans lequel elle évolue aujourd'hui, les évolutions des usages du bureau, les enjeux d'un investisseur en ce moment. Mais je retiens particulièrement un sujet qui est un petit peu un pas de côté dans ce que vous avez l'habitude d'entendre ici, c'est celui de la parité dans l'immobilier. C'est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur et on aurait pu en discuter encore longtemps. Je vous invite à écouter notre échange jusqu'au bout, car Christel y partage son expérience personnelle, son engagement concret et surtout ses précieux conseils à destination des jeunes femmes qui démarrent leur carrière dans l'immobilier ou pas, d'ailleurs. Rejoignez-nous sur LinkedIn pour nous partager vos avis. Je vous laisse toutes les informations nécessaires dans les notes de l'épisode. En attendant, je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Christel.

  • Christel

    Bonjour Salomé.

  • Salomé

    Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Il s'agit du passage de flambeau de Magali Marton. Je suis ravie de te recevoir sur le podcast.

  • Christel

    Ravie également, c'est une première pour moi et très flattée que Magali ait pensé à moi.

  • Salomé

    Alors, pour commencer, ma petite question rituelle, c'est est-ce que tu peux te présenter et me parler de ton parcours, s'il te plaît ?

  • Christel

    Alors, c'est une question très compliquée. Moi, j'ai un parcours où j'ai... beaucoup, beaucoup changé. Mon père trouve que j'ai trop changé d'ailleurs. Donc moi, j'ai commencé ma vie professionnelle en 2001, année un peu particulière dans le monde, avec les événements du 11 septembre qu'on connaît. À l'époque, j'avais démarré ne sachant pas trop quoi faire après une école de commerce, j'avais démarré dans le conseil aux entreprises en difficulté, chez un big five à l'époque, qui ne sont plus que quatre maintenant. Et le hasard a fait qu'au bout de quelques années, je me suis retrouvée à faire de l'immobilier alors que je ne voulais surtout pas en faire. Je ne voulais surtout pas travailler avec l'associé en charge de l'immobilier. Et puis finalement, ça fait plus de 20 ans que je travaille dans l'immobilier. J'ai travaillé 7 ans et demi avec cette personne, pas uniquement chez Price, puisqu'après je l'ai rejoint chez GE, qui était alors un énorme investisseur institutionnel. La filiale de General Electric, qui à l'époque avait énormément d'immobilier. En France, on achetait et on vendait quasiment un milliard d'euros par an. Et puis la crise de 2009 est passée par là. Et donc j'ai quitté GE d'abord pour quelques mois chez un investisseur pour compte de tiers hollandais, mais qui n'avait pas de réelle vélévité d'être présent en France. Donc assez vite, j'en suis partie pour rejoindre l'univers du commerce et de la promotion, puisque j'ai rejoint la compagnie de Falsbourg de Philippe Journeau, avec qui j'ai travaillé pendant trois ans et trois jours. C'est très important, chez lui, chaque jour compte. Ensuite, j'en suis partie pour retourner dans le monde des bureaux, puisque j'ai rejoint Altarea Cogedim dans le fonds Altafund, qui est un fonds qui était surtout value-add et qui avait la vertu de faire travailler aussi la partie promotion d'Altarea Cogedim. On a fait des sujets absolument passionnants parce que c'était une période de marché hyper favorable à ce type de modèle. Et j'ai quitté ensuite Altarea Cogedim pour prendre la tête du bureau parisien de Nuveen, qui est un asset manager anglo-saxon pour compte de tiers qui, à l'époque, s'appelait TH Real Estate, qui a quand même changé de nom quatre fois en quatre ans. Donc aujourd'hui, on le connaît sous le nom de Nuveen. Et puis, j'ai quitté Nuveen pour prendre la direction générale de la Société de la Tour Eiffel fin 2021.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Où je suis donc depuis un peu plus de trois ans et demi.

  • Salomé

    Dans tes précédentes prises de parole, je t'ai déjà entendu dire que ce n'était pas toi qui avais trouvé l'immobilier, c'était l'immobilier qui t'avait trouvé. Comment est-ce que tu en es arrivée à faire cette bascule de la finance chez Price à l'immobilier ensuite ?

  • Christel

    Alors, je ne me souvenais pas avoir dit ça, mais je l'ai sûrement dit. En fait, moi, je ne voulais vraiment pas travailler dans l'immobilier parce que pour moi, c'était de la pierre, ce n'était pas très vivant, c'était assez minéral dans le concept. Et puis, il se trouve qu'en plus, j'avais un camarade de promotion qui était parti chez Unibail. Je me suis dit, c'était le début d'Unibail, "Qu'est-ce qu'il va faire dans une agence immobilière ?" Enfin, je n'avais vraiment rien compris. Et c'est vrai que quand je travaillais dans le monde des entreprises en difficulté, c'était un monde très particulier. C'est un monde où fréquentent les tribunaux de commerce, les mandataires judiciaires. C'est souvent des contextes humains compliqués. Et finalement, il se trouve qu'à l'époque, l'immobilier commençait sa financiarisation, mais c'était vraiment le début. Et donc, dans les grands cabinets anglo-saxons comme Price, EY, Arthur Anderson et autres, il n'y avait pas forcément de secteur immobilier très, très structuré. Et souvent, l'immobilier était au sein des départements de ce qu'on appelait recovery, donc de conseil aux entreprises en difficulté, parce que c'était un moyen pour les entreprises industrielles qui avaient des problèmes de trésorerie, de très rapidement, en vendant le siège parisien, en vendant l'usine, de récupérer du cash. Et donc, c'est pour ça qu'il y avait une petite cellule d'immobilier chez Price au sein du département recovery. Mais pour moi, j'étais venue là pour faire du recovery et pas de l'immobilier. Et puis, au bout de 2-3 ans, le hasard a fait que... Enfin, c'est toujours le hasard, mais on était au mois d'août. À l'époque, je prenais mes vacances en juillet. Évidemment, en août, il n'y avait personne. Il y a une mission d'immobilier qui est tombée. Et donc, il n'y avait que moi. Je me suis retrouvée à travailler sur cette mission qui était en plus une mission de cession de 20 ensembles immobiliers de logements sociaux en région parisienne, donc ce n'est pas l'immobilier le plus glamour en plus. Je ne voulais vraiment pas y aller, mais il n'y avait pas le choix. Donc j'y suis allée. Et puis finalement, je sortais quand même de deux, trois ans dans le monde des entreprises en difficulté, où humainement, c'est quand même difficile. Assez vite, je devais annoncer à des gens qu'ils ne seraient pas payés à la fin du mois, qu'ils allaient perdre leur emploi, que ça allait être très compliqué avec des situations. On a 23 ans, 24 ans, et puis il y a des gens en larmes devant vous parce que d'un coup, ils ont l'impression que le sol s'écroule sous leurs pieds. Et je me suis dit, finalement, l'immobilier, il n'y a pas d'humain, c'est peut-être pas mal. Ça va peut-être me reposer émotionnellement et puis je vais peut-être mieux vivre les choses. Et puis donc, cette première mission s'est très bien passée. Ça a très bien fité avec l'associé en charge. Et puis voilà, on a fait sept ans et demi ensemble derrière. Et plus de 20 ans d'immobilier depuis, parce que finalement derrière l'immobilier, derrière ce côté minéral dont j'avais l'image, il y a quand même beaucoup d'humain. Et cette appétence pour l'humain, qui est quelque chose que j'aime, je peux quand même en faire dans un contexte d'immobilier. Donc finalement, j'y ai trouvé quelque chose qui me convient et qui me correspond.

  • Salomé

    Comment tu es arrivée au sein de la société de la Tour Eiffel ?

  • Christel

    Une chasse classique. Le conseil d'administration avait fait des choix concernant la direction générale précédente et donc a lancé une chasse pour trouver un nouveau directeur général, a mandaté un cabinet de chasseurs de tête pour ça. Et après quelques rounds d'entretien, dont un dernier devant 80% de mon conseil d'administration de l'époque, donc quand même une grosse dizaine de personnes, ils ont finalement porté leur choix sur moi et c'est comme ça que je suis arrivée à la société de la Tour Eiffel.

  • Salomé

    D'accord. Est-ce que tu peux me présenter la société de la Tour Eiffel, s'il te plaît, quelle est sa mission et son ADN ?

  • Christel

    Alors, la société de la tour Eiffel, c'est une très vieille dame, puisque pour la petite histoire, elle a été fondée par Gustave Eiffel pour la construction de la tour Eiffel, donc en 1889. À l'époque, Gustave Eiffel a dû faire appel à des financements bancaires externes, puisqu'on lui avait, en gros, suite à ces différents scandales dans la presse, on lui avait dit « Ok, t'as le droit d'avoir un terrain au Champ de Mars pour l'exposition universelle, en revanche, tu finances ta tour tout seul, si tu veux vraiment la faire. » Et donc, il avait trouvé des financements bancaires qu'il devait rembourser. Donc il avait négocié en échange du fait qu'il allait faire la tour pour pouvoir rembourser ses intérêts, d'avoir le droit de faire payer les entrées et donc d'avoir une concession pendant à l'origine je ne sais plus si c'était 20 ou 30 ans pour exploiter la tour et que les recettes des touristes ou des personnes qui montent dans la tour lui permettent de rembourser son emprunt. La tour avait d'ailleurs vocation à être démolie à l'époque. Et puis le temps passant, il a réussi à renégocier que ses concessions soient renouvelées, lui, puis ses descendants évidemment à la faveur notamment des différentes guerres lors desquelles la Tour a servi à la fois pour les ondes radio et puis pour des tests sur tout ce qui était prise au vent. Enfin voilà, je passe les détails. Et puis en 1979, Jacques Chirac, qui était à l'époque maire de Paris, a trouvé que c'était pas normal que la Tour soit détenue par une société privée. Et donc il a décidé que la concession qui venait à échéance en 1979 serait la dernière. Et la ville a repris la propriété et l'exploitation de la Tour. À l'époque, cette exploitation était gérée au sein d'une entité juridique qui a été cotée, qui a donc été mise en sommeil. Et ensuite, dans les années 2000, est apparu le fameux statut SIC, statut fiscal qui permettait d'être exonéré d'impôts à la fois sur les loyers et sur les plus-values de cession, à condition de plein de choses, mais notamment d'être détenu via une société cotée. Et donc, beaucoup d'investisseurs se sont mis en quête d'une structure déjà cotée, ce qui est plus rapide que de créer une structure et ensuite de la coter en bourse. Et donc, deux Anglais, ce qui est quand même... Ce qui est quand même drôle quand on y pense, ont acheté la structure juridique Société de la Tour Eiffel parce qu'elle était cotée. Et ils y ont mis leur immobilier et c'est comme ça qu'elle a vécu cette nouvelle vie de foncière cotée. Ce qu'elle est aujourd'hui. Elle détient aujourd'hui à peu près 1,6-1,7 milliards d'euros de patrimoine. Alors essentiellement en bureaux. Mais un de nos axes de stratégie c'est de transformer ce patrimoine en le rendant un peu plus diversifié vers l'activité, vers le résidentiel géré, vers du commerce et plus généralement vers de la mixité d'usages. Et puis ce patrimoine est aussi essentiellement francilien, même si on a toujours eu beaucoup de patrimoine en région. Et l'idée, c'est aussi d'accentuer cette part d'immobilier en région, puisqu'on est présent aujourd'hui à Lille, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Bordeaux et à Toulouse. Et que l'idée, c'est de continuer à être présent dans ces grandes métropoles.

  • Salomé

    C'est hyper chouette, je ne connaissais pas du tout l'histoire.

  • Christel

    Oui, alors pour l'anecdote, on reçoit beaucoup, beaucoup de courriers qui sont en fait adressés à la société d'exploitation de la tour. Donc je passe les demandes de lots pour les kermesses, mais on a aussi des choses beaucoup plus drôles qui nous arrivent. Voilà, moi j'ai été appelée par Jack Lang, par exemple, qui voulait utiliser la tour Eiffel pour fêter les 40 ans de la fête de la musique. Et quand je lui ai dit que malheureusement je ne pouvais rien faire pour lui, il m'a demandé si on avait volé le nom. Je lui ai dit que pas du tout. Je lui ai raconté l'histoire, mais je n'ai pas été invitée aux 40 ans de la fête de la musique, malheureusement.

  • Salomé

    C'est quand même la petite histoire qui percute la grande.

  • Christel

    Oui, tout à fait. L'avantage, c'est qu'on a un très beau nom, et puis tout le monde retient. Après, c'est vrai qu'il y a quand même beaucoup, beaucoup de confusion. On vit avec, et puis on transmet à nos amis de la Société d'exploitation de la Tour Eiffel, qu'on connaît par ailleurs grâce aux descendants de Gustave Eiffel, qui sont, pour au moins l'un d'entre eux en tout cas, au conseil d'administration de notre fondation.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Parce qu'on a une fondation de la Société de la Tour Eiffel qui a pour vocation d'aider les étudiants en école d'architecture ou d'ingénieur en donnant des bourses à l'issue d'un concours qui a lieu tous les 2-3 ans. Et comme une des descendantes fait partie de ce conseil d'administration et qu'elle est également en relation avec les gens qui gèrent la Tour Eiffel, la relation a été faite et donc on a nos adresses respectives et on peut se transférer les courriers et autres messages qui ne sont pas adressés à la bonne entité.

  • Salomé

    C'est rigolo. Pour ceux qui sont pas familier avec le concept, c'est quoi une foncière ?

  • Christel

    Alors une foncière, c'est un investisseur institutionnel long terme, donc qui a vocation à détenir son patrimoine sur de très nombreuses années. Donc c'est évidemment un patrimoine sur lequel on peut être amené à arbitrer et à faire des sessions, mais c'est pas la vocation première. La vocation première, c'est vraiment de gérer un patrimoine en bon père de famille et de se projeter sur des durées au-delà de 10-15 ans.

  • Salomé

    D'accord. C'est quoi la différence entre une foncière cotée et une foncière non cotée ? Vous êtes cotés ?

  • Christel

    Nous, on est coté. Alors, on est coté tout simplement quand on a une cotation en bourse et donc quand on a des actionnaires personnes physiques qui détiennent des titres de la société. Jusqu'à il y a peu, on avait à peu près 20% de flottants, c'est-à-dire 20% de notre capital qui était détenu par des minoritaires, personnes physiques ou petites institutionnelles via la bourse. Depuis notre augmentation de capital, on est plutôt à 2-3%. Mais à partir du moment où on a une partie de son capital qui a une cotation en bourse, c'est-à-dire où il y a des échanges entre des acquéreurs et des vendeurs d'actions de titres, on est coté en bourse.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Et ça implique d'être régi par l'AMF, d'avoir un certain nombre d'instances qui doivent se réunir à rythme régulier. On doit respecter un certain formalisme. On doit aussi une certaine transparence au marché. Donc on doit divulguer au marché toutes les informations susceptibles d'avoir une influence sur le cours de bourse qui varie tous les jours en fonction des achats et des reventes de titres. Donc ça implique un certain nombre de choses que moi je trouve assez positives, notamment la transparence parce que je trouve que ça permet une certaine rigueur et puis un certain réflexe aussi de la part de tous ceux qui travaillent pour l'entreprise. Mais ça implique aussi un certain nombre de contraintes, notamment de formalisme qu'il faut avoir en tête et qu'il faut respecter.

  • Salomé

    C'est justement la question que j'allais te poser de ça. Est-ce que ça implique dans la gestion ou dans la stratégie ?

  • Christel

    Dans la stratégie en tant que telle, ça n'est pas une contrainte. Certaines boîtes cotées le font peut-être, mais on définit une stratégie pour le bien de l'entreprise. Et in fine, l'entreprise, son rôle, c'est d'être rentable. Sinon, c'est l'association, mais c'est d'être rentable et de rendre aux actionnaires un certain niveau de retour sur investissement qu'on espère le meilleur possible. Et en général, on définit cette stratégie de sorte que cette rentabilité soit la meilleure possible, même si on sait que dans certains métiers, dont l'immobilier, ça peut être du temps long et donc ce n'est pas forcément une rentabilité immédiate. Mais le fait d'être coté impose d'avoir des instances, un conseil d'administration qui répond à un certain nombre de règles, dont celui d'avoir 40% de femmes minimum, de publier des résultats au moins deux fois par an. D'avoir des experts qui réévaluent notre patrimoine de manière régulière. Pour certaines entreprises, c'est par trimestre, pour d'autres, c'est par semestre. Je parle pour les sociétés immobilières, évidemment. Ça implique d'avoir un comité d'audit, d'avoir un comité des rémunérations, de répondre à un certain nombre d'engagements et de contraintes. Mais encore une fois, ça a aussi la vertu d'imposer une certaine discipline et puis une certaine transparence sur tout ce que fait l'entreprise et tout ce qu'on doit reporter à nos actionnaires.

  • Salomé

    D'accord. Donc sur la question, est-ce que la cotation est un accélérateur ou une contrainte ou un peu les deux ?

  • Christel

    Je dirais un peu les deux. Après, certains vont vivre ça comme une contrainte parce qu'ils préfèreraient vivre tout dans leur coin et puis dire aux actionnaires, t'inquiète, ça va bien se passer. Moi, je trouve que cette contrainte, elle est plus, encore une fois, de l'ordre du formel, mais elle implique d'autres choses qui sont pour moi plutôt vertueuses.

  • Salomé

    D'accord. Alors, une petite question sur le marché. Donc aujourd'hui, on en parlait hors micro juste avant, le marché de l'immobilier et notamment le marché de l'immobilier tertiaire vit une période un peu mouvementée.

  • Christel

    On peut dire ça.

  • Salomé

    Quels sont aujourd'hui les indicateurs que toi tu suis ?

  • Christel

    Alors nous, les indicateurs qu'on va suivre, ça va être le TO, donc le taux d'occupation, qui chez nous est un gros axe de développement. Il y a un gros axe sur lequel on travaille énormément. On a un patrimoine qui date plutôt des années 60-70 pour certains des bâtiments. Et un patrimoine surtout qui est beaucoup en seconde couronne parisienne. Donc une classe au sein du secteur bureau, c'est probablement la partie qui souffre le plus. Donc on a un gros sujet là-dessus évidemment, sur lequel on travaille énormément, soit en transformation, soit en commercialisation très active. Tu peux me rappeler la question ? Pardon.

  • Salomé

    Sur les indicateurs que vous suivez.

  • Christel

    Un autre indicateur qu'on va suivre et qui est lié notamment à cet âge de notre patrimoine, ça va être le pourcentage de CAPEX, donc de travaux de maintenance. Pas de travaux qui créent de la valeur type transformation, mais vraiment les CAPEX de maintenance. Ça, c'est un autre indicateur. Nous, on est autour de 1% de la valeur de notre patrimoine, là où nos pairs sont plutôt 0,5-0,7%. Donc, c'est un peu élevé, ça s'explique. Mais c'est aussi pour ça qu'on est en train de... qu'on entame depuis trois ans. Un gros travail de repositionnement de notre patrimoine et que parmi les axes de réflexion qui nous amènent à céder des actifs, il y a ce sujet de l'obsolescence et du montant des capex à injecter. Typiquement, on a cédé un immeuble assez récemment, il y a un an. Les capex à injecter, c'était quasiment 40% de la valeur de l'actif. On préfère le céder plutôt que de mettre cet argent à cet endroit-là. Donc ça, c'est un second indicateur qu'on regarde. Et après, il y a les grands ratios financiers aussi que regardent toutes les foncières, mais notamment les foncières cotées, qui sont les ratios LTV-ICR. Donc LTV, ça veut dire Loan-to-Value, et c'est le rapport entre la dette et la valeur du patrimoine. Donc l'idée, c'est que... Alors c'est souvent des ratios sur lesquels les banques nous imposent un certain niveau d'endettement. Au-delà de 50%, on franchit un peu la ligne rouge. Donc nous, on est maintenant 13 ans de ça grâce à notre augmentation de capital récente. Et puis ICR, ça veut dire Interest Coverage Ratio, c'est la capacité à couvrir les frais financiers avec les loyers nets de toutes les charges qu'on a. Parfois, quand c'est calculé au projet, c'est juste sur les loyers. Quand c'est au niveau corporate comme nous, ça prend en compte aussi toutes les charges de l'entreprise. Et donc là, en général, il faut qu'on puisse couvrir au moins deux fois les frais financiers.

  • Salomé

    D'accord. Une autre question que moi je voulais te poser sur les indicateurs, qui est plutôt une question sur les indicateurs vraiment très généraux de santé du marché, de l'immobilier, c'est est-ce que vous regardez, vous suivez tout ce qui est les taux d'inflation ? Je suppose que oui ? Les taux d'intérêt, Bien sûr. Je t'ai entendu dire aussi il n'y a pas si longtemps qu'effectivement les taux d'intérêt étaient en baisse, mais que l'OAT, lui, remontait. Est-ce que tu peux expliquer un peu ce que ça veut dire ? L'OAT, je pense que ça ne parle pas à tout le monde. Donc voilà, expliquez ce que c'est et ce qu'ils nous disent de la santé du marché.

  • Christel

    Alors en fait, l'immobilier, il est extrêmement corrélé au taux de la BCE notamment et à l'OAT. Pourquoi ? Parce que les investisseurs, ils ont le choix entre investir, si on prend l'OAT, 10 ans, qui est un peu le...

  • Salomé

    Donc ça, c'est obligation assimilable au trésor, c'est ça ?

  • Christel

    Voilà, sur 10 ans, qui est un peu la référence parce que l'immobilier, comme c'est du temps long, on est plutôt sur du 10 ans en termes comparables. Aujourd'hui, il est autour de 3,30 la dernière fois que j'avais regardé. Les investisseurs vont se dire, j'ai le choix entre investir sans risque et avoir un rendement de 3,3% ou j'ai le choix de prendre du risque en investissant dans une classe d'actifs, quelle qu'elle soit, en l'occurrence l'immobilier. Il faut que j'ai une prime de risque qui rémunère, c'est-à-dire qu'il faut que j'ai un rendement qui soit au-delà des 3,3%. Sinon, ça n'a aucun intérêt, autant ne pas prendre de risque. Et donc, il y a en permanence ce qu'on appelle le spread, qui est la différence entre l'OAT et le taux auquel on va acheter l'actif en l'occurrence, l'immobilier, il faut que le spread soit suffisant pour se dire « Ok, j'ai pris du risque, mais parce que je sais que je vais avoir une rémunération plus forte en face. » Et donc, on est corrélé de cette manière-là. Mais on est aussi corrélé au taux et notamment au taux des financements. Donc là, on est plutôt sur le rebord. Parce que l'immobilier, comme beaucoup de classes d'actifs, c'est vrai aussi en private equity et dans d'autres instruments financiers, on va chercher à avoir du levier, donc à mettre des financements bancaires pour augmenter cette rentabilité. Et il faut que le financement, en général, en immobilier, quand on est très core, donc très sans risque, on va le mettre autour de 30-35% de la valeur de l'immeuble. Et puis, quand on a envie de prendre un peu plus de risque, on va monter. Alors, depuis la crise de 2009, on monte rarement au-delà de 70%, en tout cas pour les institutionnels. Mais comme on met en place cet effet de levier, on va être aussi, du coup, hyper impacté par une évolution de le rebord. Et nous, c'est ce qui nous a amené, par exemple, à faire notre augmentation de capital, c'est que le rebord est passé de moins quelque chose ou zéro à 2, 2,5. Et donc, notre coût de financement, il a beaucoup augmenté. Donc, on se retrouve avec des charges financières qui ont doublé, triplé, quadruplé, selon les cas. Et à côté de ça, des loyers qui, eux, n'ont ni doublé, ni triplé, ni quadruplé. Et donc, à un moment, un effet ciseau qui fait que ça ne marche plus. Parce que d'un côté, on a trop de charges, on n'a plus de produits pour répondre à nos ratios bancaires que les banques nous imposent. C'est là où on a quand même énormément d'impact, à la fois parce qu'on se retrouve à être financé par des banques qui nous répercutent les évolutions du rebord, ce qui est normal, et à la fois par des investisseurs qui n'ont plus envie de mettre dans l'immobilier puisque l'OAT leur offre sans risque un rendement qui est somme toute relativement similaire. Ou alors, ils vont dire « Ok, mais moi, ce que j'achetais à 3% avant, quand l'OAT était à 1 ou 2, là, je vais l'acheter à 4, 5, 6%. » Et donc tous nos modèles où on disait « j'ai perçu avoir du loyer et puis je vais revendre » quand on était dans Paris à 3% de taux de capitalisation. Donc le taux de capitalisation, c'est le pourcentage par lequel on divise le montant du loyer pour avoir la valeur de l'immeuble. Aujourd'hui, ils nous disent 4, 5, 6. Dans certaines localisations, on est même à 10 ou 12%. Et donc là où on pensait gagner beaucoup d'argent, finalement on en gagne peu, voire on en perd. Et donc le modèle doit être un peu appréhendé différemment. Aujourd'hui et je pense que c'est vraiment ça qui cristallise la crise du bureau aujourd'hui, c'est cet effet de taux qui a été en plus très brutal, c'est-à-dire que les taux ont augmenté de façon hyper importante en très très peu de temps donc on savait tous que ça allait arriver un jour on était tous avec la méthode Coué à se dire depuis 10-12 ans c'est génial l'argent est gratuit mais bon on savait qu'un jour ça s'arrêterait, sauf que ça s'est arrêté très brutalement et donc voilà il faut se réinventer, il faut retravailler nos modèles. Et puis surtout, il faut se poser la question aujourd'hui, est-ce que, alors nous les foncières cotées, on n'a pas vocation à vendre beaucoup, donc c'est peut-être plus facile aussi de se poser ce type de questions, mais est-ce qu'au lieu de vendre, on ne va pas garder plus longtemps ? Quand on a des locataires, finalement, ce n'est pas plus mal de prendre du loyer et puis d'attendre de voir ce qui va se passer en se disant qu'un jour, ça ira mieux. Enfin voilà, c'est tous les arbitrages auxquels on est confrontés aujourd'hui et ça rend la période passionnante, mais malgré tout relativement stressante.

  • Salomé

    Justement, en parlant du bureau, j'aurais aimé qu'on parle un petit peu de transformation des usages, d'une stratégie qui fait partie de votre feuille de route, la stratégie diversification. Quand on parle de transformation des usages, on parle surtout de télétravail, d'hybridation, des nouveaux services. Comment est-ce que vous, vous y répondez ?

  • Christel

    Alors nous, on l'a pris de plein fouet, comme beaucoup en 2020, au moment du Covid. On a vu surtout nos locataires qui nous sollicitaient pour nous rendre des surfaces. Quand on a un taux de cultivation qui est un vrai enjeu, il n'est vraiment pas simple. Après, on s'est adapté. Je pense qu'aujourd'hui, nos locataires sont arrivés un peu à un point d'équilibre. C'est-à-dire qu'ils ont quand même passé 2-3 ans à se poser énormément de questions. Est-ce que je rends des surfaces ? Est-ce que j'en reprends ? Est-ce que j'ai le bon format de bureau par rapport à des équipes qui sont X jours en télétravail ? Ils se sont posé beaucoup de questions et nous, on a essayé de suivre, mais c'était parfois un peu compliqué. Aujourd'hui, je pense qu'on a nos locataires, en tout cas dans notre portefeuille, qui sont relativement au clair sur ce qu'ils souhaitent et sur les besoins qui sont les leurs. Donc ça, c'est déjà un élément un peu plus stable dans les discussions. Après, entre-temps, le rapport de force entre les bailleurs et les preneurs, c'est quand même pas mal déséquilibré. Il était peut-être trop en faveur des bailleurs. Aujourd'hui, il est beaucoup en faveur des preneurs. Donc voilà, il faut aussi s'adapter à ces demandes-là. Il y avait évidemment tous les sujets des services qui restent extrêmement prégnants. Il y a tout un tas d'adaptations des immeubles de bureaux qu'il a fallu mettre en place. Et puis après, il y a la problématique, et nous je pense qu'on a une petite demi-douzaine de sujets qui sont concernés par cette difficulté. C'est la problématique des bureaux qui n'ont plus vocation à être du bureau et qui sont dans des localisations, où on ne peut pas compter sur le fait que ces immeubles redeviennent du bureau un jour ou soient réutilisés en tant que bureau. Donc là, il y a tout un travail de réflexion qui est mené, d'abord nous avec nous-mêmes, et puis il y a nous avec les pouvoirs publics et les élus notamment, pour savoir ce qu'on fait de ces immeubles et pour savoir si on peut les transformer en autre chose. Alors évidemment, le premier réflexe, c'est "on va faire du logement". Parce que voilà, on sait tous qu'il y a un sujet de manque de logement en France, que c'est un vrai besoin. Et puis, on est souvent dans des localisations où le prix du mètre carré bureau et le prix du mètre carré de logement sont soit comparables, soit le logement vaut plus cher que le bureau. Donc économiquement, ça fait beaucoup de sens. Et puis après, il faut aller parler aux élus et c'est là que ça devient un peu compliqué. D'abord parce qu'eux ont une vision beaucoup plus macro que nous. Nous, on raisonne uniquement à notre localisation, souvent on en a qu'un peut-être deux ou trois mais voilà on a n'a pas le maillage total de la commune. Et puis aussi parce que eux ont leurs propres enjeux, leurs propres timings, et c'est pas forcément le même que le nôtre. Donc voilà, ces discussions ne sont pas simples, mais effectivement, il y a beaucoup de sites sur lesquels on se dit que ça ferait du sens d'avoir d'autres usages. Moi, je ne suis pas une grande acharnée du 100% logement. C'est-à-dire qu'en tout cas, sur les sites qui nous concernent, je pense que la solution n'est pas uniquement par le logement. Je crois beaucoup en la mixité des usages et je crois beaucoup au fait qu'il faut repenser les choses de façon beaucoup plus multidestination. Et c'est ce qu'on a commencé à faire. On a un projet, par exemple, qui a été livré à Lyon où on avait historiquement 15 000 m² de bureaux et aujourd'hui, on a 5 000 m² de logements en résidentiel géré, 5 000 m² de bureaux et 5 000 m² de résidentiels étudiants, alors qu'il y a du social qui a été cédé à l'agglo, mais il y a eu un parcours paysager qui remplace un grand parking. Ssi je précise c'est hyper important et donc je pense qu'avec un projet comme ça on est exactement dans dans la mixité et dans ce qui est probablement le mieux à faire pour pour ces sites là après encore une fois voilà c'est une discussion qu'il faut avoir avec les pouvoirs publics et c'est pas simple parce que eux mêmes ont des sujets financiers hyper important et donc c'est vrai que ça peut être confortable pour eux de continuer à percevoir la taxe aménagement, la taxe bureau, la taxe parking, quand bien même l'immeuble est vide, pour eux c'est pareil. Alors que le jour où il y a des occupants autres, les revenus ne sont pas tout à fait les mêmes. Donc c'est beaucoup plus complexe.

  • Salomé

    Justement, aujourd'hui un quart de votre portefeuille est en région. Oui. L'objectif, tu me l'as dit quand on a préparé l'interview, c'est de passer à un tiers. Pourquoi ce virage régional ?

  • Christel

    Alors déjà parce qu'à partir du moment où on sort du tout bureau... le champ d'action et le terrain de jeu est beaucoup plus large, donc on se dit qu'on peut aller partout en France. Ensuite, parce qu'on a ce maillage territorial de portefeuilles depuis quand même très longtemps, même si en valeur ça représente moins, parce que les mètres carrés en région sont souvent moins valorisés que les mètres carrés en région parisienne, on a toujours eu historiquement beaucoup d'immeubles en région, et souvent des immeubles de plus petite taille. qui correspondent probablement à ce qu'on sait un peu mieux gérer dans les équipes. Et puis ce maillage territorial et cette présence dans les grandes métropoles qu'on a toujours eues fait que nos équipes connaissent bien les micro-localisations au sein de chaque métropole et que nous-mêmes sommes bien identifiés par les acteurs locaux. Donc ça permet quand même de capitaliser sur quelque chose qui existe déjà. Et puis force est de constater que la performance de notre patrimoine régional est bien meilleure que celle de notre patrimoine francilien puisque notre taux d'occupation, si je prends cet indicateur-là... Et entre 85 et 90% tous les ans, là où celui en Ile-de-France est plus faible. Donc voilà, c'est bien la preuve qu'on a un patrimoine probablement plus adapté et sur lequel on est nous-mêmes meilleurs. Donc voilà, ça fait partie des bonnes raisons pour lesquelles on se dit qu'il faut qu'on soit davantage présent en région. En revanche, on ne sera présent que dans ces métropoles dans lesquelles, encore une fois, on a cette présence et cette connaissance des marchés.

  • Salomé

    Pour toi, s'implanter en région, c'est plutôt un pari sur l'avenir ou un retour aux fondamentaux ?

  • Christel

    Les deux. C'est-à-dire que ça fait partie de notre ADN et c'est quelque chose sur lequel il faut continuer. Après, les régions ne feront probablement jamais 50% de notre patrimoine, mais pour moi, ça doit être une part importante de notre avenir.

  • Salomé

    Il y avait un autre sujet que je voulais évoquer avec toi. C'est un peu un pas de côté par rapport au sujet d'immobilier pur. Tu as parlé rapidement tout à l'heure d'un sujet de parité. Tu es présidente de l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier. Est-ce que tu peux m'expliquer en quoi ça consiste et quel est son rôle ?

  • Christel

    Alors, l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier, c'est un observatoire qui a été créé le 8 mars 2022, qui est en fait la suite logique d'un livre blanc qu'on a écrit avec d'autres femmes. On était toutes au sein d'une association qui s'appelle le Cercle des Femmes de l'Immobilier et pour lequel, à la faveur d'un changement de présidence, la nouvelle présidente qui était Stéphanie Bensimon à l'époque a voulu entendre un peu toutes les femmes et il y a eu quelques voix, dont la mienne, qui ont dit voilà ce serait bien quand même de faire quelque chose pour un peu promouvoir la parité dans les organisations de l'immobilier et elle nous a dit "bah écoutez, banco, allez-y." Et donc on est quelques-unes, on était cinq à avoir écrit un livre blanc. Livre blanc qu'on a écrit en étudiant énormément d'articles, d'études, de travaux de recherche sur les sujets de parité en général et dans l'immobilier également. Et à l'issue de ce livre blanc, on s'est dit qu'il fallait proposer quelque chose aux acteurs du secteur pour améliorer les choses. Et donc on a proposé de mettre en place une charte d'engagement pour laquelle les signataires prendraient à la fois quatre engagements obligatoires et puis à l'époque c'était six engagements sur une quinzaine complémentaires pour marquer leur souhait de faire avancer la parité dans l'immobilier. Et puis pour tout un tas de raisons, c'était complexe de faire vivre cette charte au sein du Cercle des femmes de l'immobilier, qui était là où finalement elle avait pris naissance. Et donc on a fait le choix de créer une association loi 1901 différente, dans laquelle nous avons un bureau, alors pas paritaire mais mixte. Donc avec également des hommes et c'était aussi un des enjeux qui a fait qu'on a souhaité créer cette association à part entière. Et notre travail depuis le 8 mars 2022, c'est d'inciter un maximum d'acteurs de l'immobilier à signer cette charte, à s'engager pour la faire vivre et pour la respecter. Et on publie tous les ans une étude avec un organisme indépendant qui est l'IEF et une sociologue qui va interroger tous nos signataires sur un certain nombre d'indicateurs qui sont peu ou prou les indicateurs de l'index EGA Pro et nous permettre de mesurer à quel point la parité évolue ou pas. Enfin, elle évolue, malheureusement pas toujours dans le bon sens, dans le secteur de l'immobilier. Aujourd'hui, on a 157 signataires. Donc, ça représente, on avait fait un calcul, aujourd'hui, on est à peu près entre 20 et 22 %. de l'ensemble des salariés de l'immobilier, sachant qu'on n'a pas complètement ouvert au monde de la construction, parce que sinon, ça fait vraiment beaucoup trop de monde. Et tous les ans, on publie cette étude et on choisit un axe plus spécifique pour interroger un peu plus en détail un certain nombre de signataires. On a quand même cette conviction que la parité est un vecteur de performance, et c'est une conviction très forte. On a également la conviction que la parité n'avancera qu'avec les hommes. L'idée, ce n'est pas du tout de s'opposer aux hommes, bien au contraire. D'ailleurs, si des hommes m'écoutent et ont envie de s'engager au sein du bureau, ils seront les bienvenus. Et on n'est pas là du tout pour faire du name and shame. C'est-à-dire que, on le redit à chaque signataire, vous signez une charte d'engagement, elle vous engage, vous, probablement vis-à-vis de vos collaborateurs, mais si demain vous ne respectez pas la charte, nous on ne va pas venir faire la police, on ne va pas venir vous embêter, c'est vous avec vous-même. Nous la seule « contrainte » qu'on impose, et encore il n'y a pas de sanction évidemment, c'est de répondre à notre questionnaire, ou au questionnaire en tout cas de l'IEIF, tous les ans pour qu'on puisse mesurer l'évolution de la parité. En fait on n'a pas d'autres exigences, et on part du principe que quand un dirigeant signe ce type de charte et en fait la publicité sur LinkedIn, auprès de ses collaborateurs, quelque part il est déjà engagé et donc charge à lui ou à elle de porter le sujet. Maintenant encore une fois on n'est pas là pour taper sur les doigts de ceux qui ne respectent pas le micro-engagement qu'ils ont pris on a pu voir que beaucoup de dirigeants prenaient le sujet très au sérieux et ça nous suffit pour nous dire qu'on a des gens engagés. Maintenant malheureusement ce qu'on constate quand même depuis que la crise est clairement installée c'est que pour certaines entreprises signataires c'est plus vraiment une priorité. Et c'est un peu dommage parce qu'encore une fois, moi, je reste convaincue que la parité, c'est un vecteur de performance. Alors, je sais que les mots sont interdits aux États-Unis, mais en France, pas encore. Donc, je vais les dire. Au-delà de la parité, je pense que la parité est un des verrous qui débloquent aussi la diversité en général et que quand on est ouvert à la parité, on est ouvert finalement à toutes sortes de sujets. Alors, nous, on ne va pas s'emparer d'autres sujets parce que ce n'est pas notre raison d'être. Mais on se rend compte que quand des entreprises s'ouvrent à la parité et ont leurs chakras ouverts, finalement, elles les ouvrent sur tout et que c'est bien pour la société au sens large.

  • Salomé

    D'accord. Je ne pensais pas, tu vois, que la parité avait reculé ces dernières années.

  • Christel

    Nous, dans les chiffres, malheureusement, c'est ce qu'on constate. Alors, pas forcément à l'échelle des entreprises en tant que nombre de salariés. On est toujours à peu près sur un 50-50. Évidemment, ça dépend des secteurs. Les promoteurs, les investisseurs, les conseils, ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres, mais globalement, c'est autant 50%. Mais là où on avait vu une amélioration dans les instances dirigeantes ou dans le middle management, ces chiffres reculent un peu. On ne parle pas de 10% de perte de femmes sur ces niveaux de responsabilité, mais ça recule. Alors que les premières années, on voyait une évolution favorable.

  • Salomé

    D'accord. Qu'est-ce qui a fait que c'est un combat qui te tient à cœur ? Est-ce que toi, tu as été victime ou témoin du plafond de verre ? Soit de ne pas pouvoir augmenter plus dans l'entreprise ou alors de la falaise de verre, au contraire, d'être mise devant un challenge devant lequel un homme ou une femme n'aurait pas réussi ou on préfère mettre une femme qui sera finalement le fusible avant de remettre quelqu'un ?

  • Christel

    Alors, je ne pense pas avoir été dans le cas que tu évoques, le cas du fusible. En revanche, alors des anecdotes de discrimination, j'en ai plein. Alors déjà, pour répondre au début de la question, moi, c'est né parce qu'il se trouve que j'ai un père d'origine italienne, assez misogyne, qui n'a eu que des filles, pas de chance. Et moi, ça me rendait folle. Ça me rendait folle de voir ma grand-mère se mettre en quatre et pas un mec autour de la table se lever pour l'aider. Ma mère, un peu pareil. Ma mère qui nous dit encore, "Les filles venez m'aider", pendant que nos chers maris sont très contents d'être en vacances. Voilà, tout ça, ça me rend dingue. Ce qui est bizarre, parce que ma soeur, ça ne la rend pas dingue, mais moi, ça me rend dingue. Donc voilà, je pense que c'est né en même temps que mon... Enfin voilà, l'endroit dans lequel je suis née, j'adore mon père et voilà. Mais bon, je pense qu'il y a un côté culturel. Donc je pense qu'il y a eu ça au départ. Et puis après, malgré tout, j'ai subi beaucoup, alors je ne sais pas, discrimination c'est peut-être un très grand mot, mais d'anecdotes qui m'ont bien rappelé que j'étais une femme dans le monde de l'immobilier. Mais après, je pense qu'il y a plein d'autres secteurs dans lesquels c'est vrai. Mais peut-être pour en citer quelques-unes. Quand j'ai annoncé que j'étais enceinte de mon premier enfant, je l'ai dit à mon associé, un homme, qui à l'époque d'ailleurs ne voulait pas embaucher de femme. Il avait dû faire preuve de ruse avec le manager qui voulait m'embaucher pour que je puisse intégrer l'équipe. J'ai annoncé que j'étais enceinte, ça faisait à peu près 4-5 ans que je travaillais avec lui. Il était hyper heureux, il m'a prise dans ses bras, il était hyper content. Donc je me suis dit ça y est, j'ai réussi un truc. Et puis à l'inverse, une autre associée qui était responsable d'un service plus large, qui elle-même avait trois enfants et qui m'a dit "Christel, vous êtes sûre que vous voulez le garder parce que quand même, ça ne nous arrange pas trop en termes de timing". Alors je l'ai regardé et je lui ai dit "Je suis venue vous l'annoncer en étant très heureuse".

  • Salomé

    Oui, c'est une belle nouvelle. C'était quand ?

  • Christel

    Ça date, c'était en 2005. Ça c'est une anecdote mais bon, le nombre de fois où on m'a dit, "Ah non, vous avez un enfant, vous allez en avoir un deuxième, donc c'est mieux que vous ne bougiez pas" ou bien, Des postes auxquels j'ai postulé, on m'a dit « Ah, on vous aurait bien prise, mais bon, avec des enfants en bas âge, vous comprenez, vous risquez d'être beaucoup absente, donc on ne va pas vous prendre. » Au final, j'ai été beaucoup moins absente que la plupart des hommes qui m'entouraient. Et puis un autre sujet qui est un sujet aussi majeur au-delà de la présence des femmes, c'est aussi tout ce qui est progression et notamment progression salariale. Une des contraintes dont on parlait pour les sociétés cotées, c'est que les salaires sont publics. Donc quand j'ai été chassée pour le poste où je suis aujourd'hui, le salaire de mon prédécesseur était public, donc je savais à combien il était. Donc c'était beaucoup plus facile. Mais dans mes postes précédents, où les salaires étaient évidemment confidentiels, je me suis rendue compte... qu'en tout cas quand je remplaçais quelqu'un que j'ai toujours remplacé des gens qui avaient à peu près mon âge, à peu près le même niveau d'études, à peu près le même niveau d'expérience et qui étaient des hommes et qui gagnaient 30% de plus et avait la voiture de fonction à laquelle évidemment je n'avais pas droit. Donc voilà, il y a aussi ce sujet de salaire et puis nous les femmes, on a quand même aussi cette tendance à être notre propre ennemi où "Ah bah non on m'a déjà donné ma chance, je ne vais quand même pas demander une augmentation en plus". Voilà, c'est quand même assez fréquent. Et je suis la première à être comme ça. Mais voilà, je pense que toutes les femmes qui évoluent dans des mondes relativement masculins ont été confrontées à ça. Et je ne parle pas des anecdotes où on nous demande de faire le café en réunion, ou bien où on est la seule femme. Ça nous arrive à toutes. On le remarque plus ou moins, d'ailleurs. Et j'ai noté que moi, il y avait des choses qui ne me choquaient pas il y a dix ans qui aujourd'hui me choqueraient. Donc c'est plutôt positif. Oui, c'est une bonne nouvelle que les biais se passent. Moi, j'ai deux garçons, donc j'essaye de les éduquer pour pas qu'ils reproduisent les erreurs. Alors après, je me souviens de mon fils aîné quand il avait 5-6 ans, qui avait passé trois semaines chez mes parents. Et quand il est revenu, il a regardé mon mari qui faisait la vaisselle. Il lui a dit "mais c'est pas toi qui fais la vaisselle. C'est que maman et la nounou. Les hommes, on fait pas la vaisselle". Je l'ai pris entre quatre yeux. Je lui ai expliqué les règles.

  • Salomé

    Tu vas voir comment ça va se passer.

  • Christel

    Mais je pense que c'est notre devoir à toutes, en tant que femmes en tout cas, d'éduquer nos enfants pour essayer que les mentalités changent, même si culturellement c'est quand même très ancré et même les femmes, on a des biais inconscients énormes. Ça prendra beaucoup de temps. Ça se fera encore une fois uniquement avec les hommes, pas contre les hommes, mais avec les hommes. Voilà, si on travaille tous ensemble pour faire en sorte que nos fils, nos filles aient les mêmes chances demain. On sera tous très heureux. Je ne sais pas si on sera encore là pour le voir, mais en tout cas, ce sera bien pour tout le monde. En revanche, ça reste un sujet qui passe un peu après, quand on est en période de crise. Et c'est bien dommage parce que, encore une fois, je suis assez convaincue, notamment dans l'immobilier. C'était le titre de notre livre blanc. On bâtit la ville de demain avec ceux qui l'habitent. Et ceux qui l'habitent, c'est tout le monde, en fait. C'est les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, les gens valides, les gens moins valides. Et donc, il faut évidemment qu'on travaille avec des profils hyper diversifiés si on veut s'assurer qu'on bâtit vraiment la ville de demain. Sinon, on va bâtir la ville dont rêve l'homme blanc de moins de 50 ans, si je caricature, et ce n'est pas forcément souhaitable pour le reste de la population qui ne fait pas partie de cette catégorie. Donc voilà, je pense qu'il faut qu'on travaille tous ensemble dans cette direction-là et qu'à un moment, le sujet du genre ne soit plus un sujet, en fait. Et qu'on attribue des postes et des salaires uniquement à des gens parce qu'ils le méritent ou parce qu'on sait qu'ils vont être performants dans ce poste-là.

  • Salomé

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme qui débute dans l'immobilier, justement ?

  • Christel

    Alors déjà, avant, je lui dirais de ne pas se mettre de barrière et de bien choisir les maths. Non, mais blague à part, je pense qu'un des sujets, c'est surtout de ne pas se mettre de limite. C'est-à-dire que malgré mon père d'origine italienne, il ne m'a jamais dit « ce n'est pas un truc pour toi parce que tu es une fille » . Je pense qu'il y en a qui ont dû vivre ça. Moi, j'ai eu la chance de ne pas vivre ça. Et donc, je n'ai jamais pensé que quelque chose m'était interdit. Même si j'ai toutes les croyances autolimitantes, de la plupart des femmes, celle-là, je ne l'ai pas eue. Même si je ne suis pas forcément quelqu'un qui va aller au-delà de ce qu'elle pense pouvoir faire. Si on me propose un poste demain, si je ne me sens pas capable, je n'irai pas. Là où un homme ne se posera même pas la question.

  • Salomé

    C'est la question que j'allais poser. Est-ce que le syndrome de l'imposteur, c'est un truc avec lequel tu as du dealer à un moment donné ? Non, pas forcément. Mais j'ai aussi eu la chance sans vraiment... Moi, je n'ai jamais eu de plan de carrière. J'ai toujours été fascinée par les gens qui disent « je vais faire ça, comme ça, ça va m'emmener là, et puis après là » . Moi, je n'ai jamais fait ça et j'en suis totalement incapable. j'ai essayé de jouer aux échecs, j'ai jamais retenu les règles. Donc voilà, c'est pas fait pour moi. En revanche, j'ai toujours été très curieuse et moi, mon mantra, ça a toujours été d'apprendre. Donc j'ai toujours bougé quand je considérais que j'apprenais plus ou que je risquais de ne plus apprendre assez vite et que donc j'allais m'encrouter dans quelque chose et quelque part me fermer des portes après. Parce que j'aurais pas appris assez. Et tant que j'apprends, je suis très heureuse. Bon, en étant payée, pareil que les hommes, évidemment, tant qu'à faire. Mais si je devais donner un conseil aux jeunes filles, c'est ne vous mettez pas de limites, ne vous dites pas que quelque chose n'est pas fait pour vous. Allez là où vous avez envie d'aller et puis ne vous dévalorisez pas. Même si c'est quelque chose que j'ai du mal à faire moi-même, ne vous dévalorisez pas. Et puis surtout, mais ça s'adresse à tout le monde, je suis quelqu'un qui reste convaincue que le travail paye et que quand on travaille beaucoup, ça finit toujours par fonctionner. Alors je suis peut-être un peu utopiste parce que je sais bien qu'il y a d'autres choses. Mais je reste convaincue que quand on est un gros bosseur, on finit par y arriver. Et donc, voilà. Ça me parle beaucoup. Ça résonne énormément. Et un dirigeant qui n'a pas encore signé la charte, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Christel

    Il faut signer. Il faut signer parce que ça montre une ouverture d'esprit, parce que c'est un engagement qu'on prend vis-à-vis de ses salariés, parce que c'est un vecteur. On a beaucoup parlé ces dernières années d'attractivité, d'attraction des talents, de rétention des talents. Et moi, je le vois aujourd'hui, j'ai des gens dans mes équipes qui m'ont dit « Je voulais partir, mais je reste parce que tu es une dirigeante et pas un dirigeant. » Ou parce qu'on voit dans les équipes qu'il y a une vraie ouverture d'esprit. Ça fait partie des sujets auxquels peut-être les plus jeunes, mais je l'espère les moins jeunes aussi, restent sensibles. Et donc, c'est une façon aussi, encore une fois, d'être là pour construire l'immobilier de demain avec tout le monde.

  • Salomé

    Alors, je te propose qu'on passe aux questions signatures du podcast. Tout d'abord, y a-t-il une maxime, un mantra, une phrase qui t'accompagne au quotidien ou qui t'inspire ?

  • Christel

    Pas vraiment, mais comme je le disais tout à l'heure, moi j'ai mon mantra personnel qui est de toujours apprendre. Je pense que c'est un peu ce qui fait que j'ai le parcours que j'ai, bien ou mal. Et puis aussi de ne pas se mettre de barrières, comme on le disait tout à l'heure, les femmes ont tendance à se mettre assez facilement des barrières. J'essaye de ne pas trop m'en mettre, même si le naturel revient souvent. Mais voilà, j'essaye de ne pas trop m'en mettre. Et puis, s'il y a un autre... Alors, c'est moins une maxime ou une citation, mais une autre chose que je dirais à une jeune femme, parce que je reviens à la question tout à l'heure, désolée, c'est aussi d'être bien entourée. C'est-à-dire que j'ai la chance d'avoir un mari qui m'a permis aussi de prendre les postes que j'ai pris et de faire mes choix. Encore heureux, on dirait. Mais en tout cas, de faire en sorte que je puisse le faire et d'avoir une approche un peu féministe des choses, à tel point que régulièrement, il me dit « Mais t'es sûre que je dois encore travailler ? » Parce que franchement... Voilà. Donc oui, oui, il doit travailler. Mais je pense qu'il faut être bien entouré et être entouré par un conjoint, des amis, un environnement familial qui nous pousse aussi à ne pas nous mettre ces barrières-là. Parce que finalement... Si on a des gens qui nous disent « Oh là là, mais t'as vu, le poste que t'as, c'est déjà très bien. Franchement, ne va pas chercher plus haut. » Alors que c'est ce qu'on a envie de faire. Si ce n'est pas ce qu'on a envie de faire, c'est OK. Mais si c'est ce qu'on a envie de faire, ce n'est pas le bon entourage. Donc voilà, il faut être bien entouré.

  • Salomé

    Oui, créer les conditions de la confiance en soi. Voilà. Quelle a été la chose la plus inattendue que tu aies faite dans ta carrière ? Un moment décisif ou un moment fort ? Oh là là, très très dur. Évidemment, je n'avais pas lu les questions avant, donc c'est très compliqué, probablement parce que j'aurais répondu si j'avais un peu réfléchi à la question, c'est pas bien. On héberge aujourd'hui des artistes dans un de nos sites, et c'est vrai que c'est une approche un peu différente de la vie. Voilà, donc moi j'aime beaucoup aller sur ce site qui s'appelle Push, alors ils quittent les lieux fin septembre, mais ça donne une autre perspective à l'immobilier, ça donne une autre façon de percevoir les immeubles, et c'est vrai que depuis le projet Morland de mon ancienne vie, où le promoteur qui est féru d'art avait fait en sorte de mettre des œuvres d'art un peu partout, je me rends compte que l'art est quelque chose qui permet vraiment d'approcher l'immobilier différemment. Et donc, c'est une démarche qu'on suit aujourd'hui. Alors, on n'a pas signé formellement la charte d'un immeuble, une œuvre, mais depuis que je suis là, je dis qu'on va le faire, donc on va le faire. Mais la démarche même de mettre de l'art au sein des bâtiments est quelque chose, je trouve, d'extrêmement vertueux et qui... pour reprendre l'expression de tout à l'heure, ouvre vraiment les chakras. Et donc, je trouve que c'est quelque chose auquel on ne s'attend pas quand on parle d'immobilier, de projet, de bâtiment. Mais c'est quelque chose qui est vraiment un plus pour vivre les immeubles et habiter les immeubles.

  • Christel

    Qui est-ce que tu aimerais entendre sur le podcast ?

  • Salomé

    Alors, là, j'ai eu le temps de réfléchir un peu. Moi, il y a deux personnes que ça me ferait plaisir d'entendre. Une première qui s'appelle Alexandra Chevalier, qui est quelqu'un que j'ai connue dans le cadre d'une association de professionnels de l'immobilier qui s'appelle le Cercle 30, qui est une femme, qui est une femme très engagée, très engagée aussi sur les sujets ESG, qui s'est beaucoup réinventée et qui aujourd'hui est entrepreneur puisqu'elle a lancé son fonds d'investissement. Et donc je trouve que ça serait intéressant, parce que tu me disais que tu aimerais bien avoir quelqu'un plutôt du monde de l'investissement. Donc je pense que d'avoir quelqu'un à la fois d'engagé sur les sujets RSE, de convaincus, entrepreneur après une carrière chez des institutionnels, qui a aussi été broker. Enfin, voilà, je pense que c'est une femme qui a un parcours hyper intéressant. Elle a aussi plein d'anecdotes sur les sujets de la discrimination vers les femmes au quotidien. Mais au-delà de ça, c'est une femme très intelligente et c'est une femme, je pense, qui a beaucoup de choses à raconter. Donc, voilà, je te dirais d'abord Alexandra Chevalier. Et puis, alors, j'ai pas forcément de nom, mais je pense que ce serait intéressant d'écouter une femme dans un EPA, dans un établissement public d'aménagement. Parce que c'est un acteur de la ville majeure. Les EPA sont souvent très importantes dans la façon dont on va pouvoir réinventer les immeubles, les quartiers, les espaces de vie. Souvent, ils sont incontournables. Ils ont parfois, en tout cas auprès des investisseurs ou des promoteurs, une image mitigée. Et donc, je pense qu'une femme au sein d'un EPA, ça peut être un profil intéressant pour avoir cette vision-là aussi de la fabrique de la ville. D'accord. Et ma dernière question, où est-ce qu'on peut te suivre ou te retrouver ?

  • Christel

    J'ai la chance d'être souvent invitée pour parler immobilier sur différentes conférences.

  • Salomé

    Récemment au Siati.

  • Christel

    Récemment. Je ne me leurre pas. Je sais que c'est souvent parce qu'on a besoin d'une femme dans les panels. Mais je prends ce rôle très volontiers parce que je reste convaincue que c'est bien qu'il y ait au moins une femme sur les panels. Et ça me déprime à chaque fois que je vois sur LinkedIn des panels 100% masculins. Aussi pour que les plus jeunes puissent se projeter, c'est toujours pareil, il y a aussi une question de visibilité et d'exemplarité. J'espère que je n'y raconte pas trop de bêtises d'ailleurs, mais voilà, sur différentes conférences et puis lors des prochains événements de la charte parité, évidemment. Et puis lors de nos événements sur les semestriels et les annuels, puisque encore une fois, ce sont des exercices et des passages obligés en tant que foncière cotée. Donc tous les six mois, on a un événement pour les analystes et les actionnaires. Donc voilà, ça peut être aussi, si ça intéresse de suivre la Société de la Tour Eiffel et nos actualités financières, c'est également un rendez-vous sur lequel je suis, évidemment.

  • Salomé

    Je te remercie beaucoup d'avoir répondu à toutes mes questions. C'était très chouette. Moi, j'ai passé un super bon moment. J'espère que l'expérience t'a plu.

  • Christel

    De même, merci beaucoup Salomé. Merci pour tes questions. Merci pour ta bienveillance. Et puis, merci pour cette idée de podcast où tu donnes la parole à... à des gens sur des sujets peut-être un peu moins corporate, mais pas moins intéressants.

  • Salomé

    Je suis ravie. Merci beaucoup.

  • Christel

    Merci.

  • Salomé

    Allez, c'est la fin de cet épisode. Je remercie encore une fois Christelle, qui a accepté de répondre à toutes mes questions et de partager son expérience avec authenticité et bienveillance. Je vous remercie mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. Si vous voulez me poser des questions, me faire vos retours ou me proposer de nouveaux invités, je vous attends sur LinkedIn. Enfin, je remercie chaleureusement Bouygues Construction, qui soutient le podcast et sans qui il n'existerait pas. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à me laisser des étoiles et des commentaires sur Spotify et Apple Podcast, ça m'aide beaucoup. On se retrouve dans 15 jours pour un nouvel épisode d'Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • 🧭 De la finance à l’immobilier : itinéraire d’une dirigeante engagée

    01:30

  • 🏛️ Présentation de la Société de la Tour Eiffel : une petite histoire dans la grande Histoire

    07:17

  • 🏢 Qu'est-ce qu'une foncière ? Et qu’est-ce que ça change d’être cotée ?

    11:36

  • 📉 Stratégie & contexte macro-économique : naviguer en pleine tempête

    15:27

  • 🔁 Transformations des usages : réinventer le bureau à l'heure de l'hybridation

    22:21

  • ⚖️ L’Observatoire de la charte de la parité dans l’immobilier : où en est-on ?

    29:15

  • 🎙️ Les questions signatures du podcast

    44:09

  • Conclusion

    50:22

Description

🏗️ Investissements, stratégies et parité : l’immobilier d’entreprise vu par Christel Zordan


Dans cet épisode d’Officieux, je reçois Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l’immobilier, Christel incarne la rigueur et l’engagement. Tout au long de notre conversation, elle m’a parlé de stratégie bien sûr, mais aussi de transformation des usages, de macroéconomie, de reconversion d’actifs, d’égalité professionnelle. Et elle a partagé son parcours, sans filtre.


💬 "..."


🔎 Au programme de cet épisode :


Un parcours guidé par des choix, plus que par des plans : Christel n'avait pas prévu de faire de l'immobilier, et encore moins d'y rester. Mais à chaque étape, elle a saisi ce qui lui ressemblait davantage. De PWC à la STE, elle raconte un chemin construit sans plan de carrière, mais avec lucidité, curiosité et l'envie d'apprendre.


La Société de la Tour Eiffel : une foncière pas comme les autres : Un héritage inattendu lié à Gustave Eiffel, Christel raconte l’origine de la structure, sa stratégie actuelle et les quiproquos étonnants autour de son nom.


Le fonctionnement d'une foncière cotée : Cotation, transparence, gouvernance, obligations réglementaires, impact stratégique... Elle nous explique ce que ça change, ce que ça impose et ce que ça apporte.


Naviguer dans un contexte économique mouvementé : Hausse des taux, inflation, crise du bureau, arbitrages patrimoniaux : Christel revient sur les indicateurs qu'elle suit au quotidien et partage comment elle et ses équipes s'adaptent dans une logique long terme.


L'impact réel des transformations d'usage : Le Covid et l'essor du télétravail ont modifié les attentes des utilisateurs. Comment réagir quand les immeubles ne trouvent plus preneur ? Transformation en logements, projets mixtes, réversibilité, Christel partage ses réflexions sur ces sujets.

Miser sur les régions : Avec des taux d'occupation plus élevé et des actifs plus adaptés, les régions deviennent un pilier de la stratégie de la STE, Christel explique pourquoi ce virage est à la fois un retour aux fondamentaux et un pari pour demain.


Parité dans l’immobilier : faire bouger les lignes, sans stigmatiser : À la tête de l’Observatoire de la Charte pour la parité, Christel décrit un secteur encore inégalitaire, surtout dans les postes dirigeants. Elle évoque les freins, les biais, ses anecdotes personnelles, parfois édifiantes et sa conviction : la parité n’est pas un combat contre, mais un projet avec.


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Transcription

  • Salomé

    Hello à tous, ici Salomé, j'ai 26 ans, je suis ingénieure en bâtiment et je suis surtout ravie de vous accueillir sur Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise. Je vous propose de changer votre regard sur cet univers en vous emmenant avec moi pour en découvrir les coulisses. Tous les 15 jours, je vais à la rencontre d'archis, de constructeurs, d'investisseurs pour leur poser toutes mes questions et discuter ensemble des tendances qui font bouger le marché. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l'immobilier, Christel incarne la rigueur et l'expertise avec beaucoup d'humilité et une vraie accessibilité. Notre échange a eu des allures de discussion autour d'un café avec autant de richesses, micro ouvert, qu'hors micro. Nous avons évoqué énormément de choses passionnantes : le rôle d'une foncière, le contexte macroéconomique dans lequel elle évolue aujourd'hui, les évolutions des usages du bureau, les enjeux d'un investisseur en ce moment. Mais je retiens particulièrement un sujet qui est un petit peu un pas de côté dans ce que vous avez l'habitude d'entendre ici, c'est celui de la parité dans l'immobilier. C'est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur et on aurait pu en discuter encore longtemps. Je vous invite à écouter notre échange jusqu'au bout, car Christel y partage son expérience personnelle, son engagement concret et surtout ses précieux conseils à destination des jeunes femmes qui démarrent leur carrière dans l'immobilier ou pas, d'ailleurs. Rejoignez-nous sur LinkedIn pour nous partager vos avis. Je vous laisse toutes les informations nécessaires dans les notes de l'épisode. En attendant, je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Christel.

  • Christel

    Bonjour Salomé.

  • Salomé

    Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Il s'agit du passage de flambeau de Magali Marton. Je suis ravie de te recevoir sur le podcast.

  • Christel

    Ravie également, c'est une première pour moi et très flattée que Magali ait pensé à moi.

  • Salomé

    Alors, pour commencer, ma petite question rituelle, c'est est-ce que tu peux te présenter et me parler de ton parcours, s'il te plaît ?

  • Christel

    Alors, c'est une question très compliquée. Moi, j'ai un parcours où j'ai... beaucoup, beaucoup changé. Mon père trouve que j'ai trop changé d'ailleurs. Donc moi, j'ai commencé ma vie professionnelle en 2001, année un peu particulière dans le monde, avec les événements du 11 septembre qu'on connaît. À l'époque, j'avais démarré ne sachant pas trop quoi faire après une école de commerce, j'avais démarré dans le conseil aux entreprises en difficulté, chez un big five à l'époque, qui ne sont plus que quatre maintenant. Et le hasard a fait qu'au bout de quelques années, je me suis retrouvée à faire de l'immobilier alors que je ne voulais surtout pas en faire. Je ne voulais surtout pas travailler avec l'associé en charge de l'immobilier. Et puis finalement, ça fait plus de 20 ans que je travaille dans l'immobilier. J'ai travaillé 7 ans et demi avec cette personne, pas uniquement chez Price, puisqu'après je l'ai rejoint chez GE, qui était alors un énorme investisseur institutionnel. La filiale de General Electric, qui à l'époque avait énormément d'immobilier. En France, on achetait et on vendait quasiment un milliard d'euros par an. Et puis la crise de 2009 est passée par là. Et donc j'ai quitté GE d'abord pour quelques mois chez un investisseur pour compte de tiers hollandais, mais qui n'avait pas de réelle vélévité d'être présent en France. Donc assez vite, j'en suis partie pour rejoindre l'univers du commerce et de la promotion, puisque j'ai rejoint la compagnie de Falsbourg de Philippe Journeau, avec qui j'ai travaillé pendant trois ans et trois jours. C'est très important, chez lui, chaque jour compte. Ensuite, j'en suis partie pour retourner dans le monde des bureaux, puisque j'ai rejoint Altarea Cogedim dans le fonds Altafund, qui est un fonds qui était surtout value-add et qui avait la vertu de faire travailler aussi la partie promotion d'Altarea Cogedim. On a fait des sujets absolument passionnants parce que c'était une période de marché hyper favorable à ce type de modèle. Et j'ai quitté ensuite Altarea Cogedim pour prendre la tête du bureau parisien de Nuveen, qui est un asset manager anglo-saxon pour compte de tiers qui, à l'époque, s'appelait TH Real Estate, qui a quand même changé de nom quatre fois en quatre ans. Donc aujourd'hui, on le connaît sous le nom de Nuveen. Et puis, j'ai quitté Nuveen pour prendre la direction générale de la Société de la Tour Eiffel fin 2021.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Où je suis donc depuis un peu plus de trois ans et demi.

  • Salomé

    Dans tes précédentes prises de parole, je t'ai déjà entendu dire que ce n'était pas toi qui avais trouvé l'immobilier, c'était l'immobilier qui t'avait trouvé. Comment est-ce que tu en es arrivée à faire cette bascule de la finance chez Price à l'immobilier ensuite ?

  • Christel

    Alors, je ne me souvenais pas avoir dit ça, mais je l'ai sûrement dit. En fait, moi, je ne voulais vraiment pas travailler dans l'immobilier parce que pour moi, c'était de la pierre, ce n'était pas très vivant, c'était assez minéral dans le concept. Et puis, il se trouve qu'en plus, j'avais un camarade de promotion qui était parti chez Unibail. Je me suis dit, c'était le début d'Unibail, "Qu'est-ce qu'il va faire dans une agence immobilière ?" Enfin, je n'avais vraiment rien compris. Et c'est vrai que quand je travaillais dans le monde des entreprises en difficulté, c'était un monde très particulier. C'est un monde où fréquentent les tribunaux de commerce, les mandataires judiciaires. C'est souvent des contextes humains compliqués. Et finalement, il se trouve qu'à l'époque, l'immobilier commençait sa financiarisation, mais c'était vraiment le début. Et donc, dans les grands cabinets anglo-saxons comme Price, EY, Arthur Anderson et autres, il n'y avait pas forcément de secteur immobilier très, très structuré. Et souvent, l'immobilier était au sein des départements de ce qu'on appelait recovery, donc de conseil aux entreprises en difficulté, parce que c'était un moyen pour les entreprises industrielles qui avaient des problèmes de trésorerie, de très rapidement, en vendant le siège parisien, en vendant l'usine, de récupérer du cash. Et donc, c'est pour ça qu'il y avait une petite cellule d'immobilier chez Price au sein du département recovery. Mais pour moi, j'étais venue là pour faire du recovery et pas de l'immobilier. Et puis, au bout de 2-3 ans, le hasard a fait que... Enfin, c'est toujours le hasard, mais on était au mois d'août. À l'époque, je prenais mes vacances en juillet. Évidemment, en août, il n'y avait personne. Il y a une mission d'immobilier qui est tombée. Et donc, il n'y avait que moi. Je me suis retrouvée à travailler sur cette mission qui était en plus une mission de cession de 20 ensembles immobiliers de logements sociaux en région parisienne, donc ce n'est pas l'immobilier le plus glamour en plus. Je ne voulais vraiment pas y aller, mais il n'y avait pas le choix. Donc j'y suis allée. Et puis finalement, je sortais quand même de deux, trois ans dans le monde des entreprises en difficulté, où humainement, c'est quand même difficile. Assez vite, je devais annoncer à des gens qu'ils ne seraient pas payés à la fin du mois, qu'ils allaient perdre leur emploi, que ça allait être très compliqué avec des situations. On a 23 ans, 24 ans, et puis il y a des gens en larmes devant vous parce que d'un coup, ils ont l'impression que le sol s'écroule sous leurs pieds. Et je me suis dit, finalement, l'immobilier, il n'y a pas d'humain, c'est peut-être pas mal. Ça va peut-être me reposer émotionnellement et puis je vais peut-être mieux vivre les choses. Et puis donc, cette première mission s'est très bien passée. Ça a très bien fité avec l'associé en charge. Et puis voilà, on a fait sept ans et demi ensemble derrière. Et plus de 20 ans d'immobilier depuis, parce que finalement derrière l'immobilier, derrière ce côté minéral dont j'avais l'image, il y a quand même beaucoup d'humain. Et cette appétence pour l'humain, qui est quelque chose que j'aime, je peux quand même en faire dans un contexte d'immobilier. Donc finalement, j'y ai trouvé quelque chose qui me convient et qui me correspond.

  • Salomé

    Comment tu es arrivée au sein de la société de la Tour Eiffel ?

  • Christel

    Une chasse classique. Le conseil d'administration avait fait des choix concernant la direction générale précédente et donc a lancé une chasse pour trouver un nouveau directeur général, a mandaté un cabinet de chasseurs de tête pour ça. Et après quelques rounds d'entretien, dont un dernier devant 80% de mon conseil d'administration de l'époque, donc quand même une grosse dizaine de personnes, ils ont finalement porté leur choix sur moi et c'est comme ça que je suis arrivée à la société de la Tour Eiffel.

  • Salomé

    D'accord. Est-ce que tu peux me présenter la société de la Tour Eiffel, s'il te plaît, quelle est sa mission et son ADN ?

  • Christel

    Alors, la société de la tour Eiffel, c'est une très vieille dame, puisque pour la petite histoire, elle a été fondée par Gustave Eiffel pour la construction de la tour Eiffel, donc en 1889. À l'époque, Gustave Eiffel a dû faire appel à des financements bancaires externes, puisqu'on lui avait, en gros, suite à ces différents scandales dans la presse, on lui avait dit « Ok, t'as le droit d'avoir un terrain au Champ de Mars pour l'exposition universelle, en revanche, tu finances ta tour tout seul, si tu veux vraiment la faire. » Et donc, il avait trouvé des financements bancaires qu'il devait rembourser. Donc il avait négocié en échange du fait qu'il allait faire la tour pour pouvoir rembourser ses intérêts, d'avoir le droit de faire payer les entrées et donc d'avoir une concession pendant à l'origine je ne sais plus si c'était 20 ou 30 ans pour exploiter la tour et que les recettes des touristes ou des personnes qui montent dans la tour lui permettent de rembourser son emprunt. La tour avait d'ailleurs vocation à être démolie à l'époque. Et puis le temps passant, il a réussi à renégocier que ses concessions soient renouvelées, lui, puis ses descendants évidemment à la faveur notamment des différentes guerres lors desquelles la Tour a servi à la fois pour les ondes radio et puis pour des tests sur tout ce qui était prise au vent. Enfin voilà, je passe les détails. Et puis en 1979, Jacques Chirac, qui était à l'époque maire de Paris, a trouvé que c'était pas normal que la Tour soit détenue par une société privée. Et donc il a décidé que la concession qui venait à échéance en 1979 serait la dernière. Et la ville a repris la propriété et l'exploitation de la Tour. À l'époque, cette exploitation était gérée au sein d'une entité juridique qui a été cotée, qui a donc été mise en sommeil. Et ensuite, dans les années 2000, est apparu le fameux statut SIC, statut fiscal qui permettait d'être exonéré d'impôts à la fois sur les loyers et sur les plus-values de cession, à condition de plein de choses, mais notamment d'être détenu via une société cotée. Et donc, beaucoup d'investisseurs se sont mis en quête d'une structure déjà cotée, ce qui est plus rapide que de créer une structure et ensuite de la coter en bourse. Et donc, deux Anglais, ce qui est quand même... Ce qui est quand même drôle quand on y pense, ont acheté la structure juridique Société de la Tour Eiffel parce qu'elle était cotée. Et ils y ont mis leur immobilier et c'est comme ça qu'elle a vécu cette nouvelle vie de foncière cotée. Ce qu'elle est aujourd'hui. Elle détient aujourd'hui à peu près 1,6-1,7 milliards d'euros de patrimoine. Alors essentiellement en bureaux. Mais un de nos axes de stratégie c'est de transformer ce patrimoine en le rendant un peu plus diversifié vers l'activité, vers le résidentiel géré, vers du commerce et plus généralement vers de la mixité d'usages. Et puis ce patrimoine est aussi essentiellement francilien, même si on a toujours eu beaucoup de patrimoine en région. Et l'idée, c'est aussi d'accentuer cette part d'immobilier en région, puisqu'on est présent aujourd'hui à Lille, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Bordeaux et à Toulouse. Et que l'idée, c'est de continuer à être présent dans ces grandes métropoles.

  • Salomé

    C'est hyper chouette, je ne connaissais pas du tout l'histoire.

  • Christel

    Oui, alors pour l'anecdote, on reçoit beaucoup, beaucoup de courriers qui sont en fait adressés à la société d'exploitation de la tour. Donc je passe les demandes de lots pour les kermesses, mais on a aussi des choses beaucoup plus drôles qui nous arrivent. Voilà, moi j'ai été appelée par Jack Lang, par exemple, qui voulait utiliser la tour Eiffel pour fêter les 40 ans de la fête de la musique. Et quand je lui ai dit que malheureusement je ne pouvais rien faire pour lui, il m'a demandé si on avait volé le nom. Je lui ai dit que pas du tout. Je lui ai raconté l'histoire, mais je n'ai pas été invitée aux 40 ans de la fête de la musique, malheureusement.

  • Salomé

    C'est quand même la petite histoire qui percute la grande.

  • Christel

    Oui, tout à fait. L'avantage, c'est qu'on a un très beau nom, et puis tout le monde retient. Après, c'est vrai qu'il y a quand même beaucoup, beaucoup de confusion. On vit avec, et puis on transmet à nos amis de la Société d'exploitation de la Tour Eiffel, qu'on connaît par ailleurs grâce aux descendants de Gustave Eiffel, qui sont, pour au moins l'un d'entre eux en tout cas, au conseil d'administration de notre fondation.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Parce qu'on a une fondation de la Société de la Tour Eiffel qui a pour vocation d'aider les étudiants en école d'architecture ou d'ingénieur en donnant des bourses à l'issue d'un concours qui a lieu tous les 2-3 ans. Et comme une des descendantes fait partie de ce conseil d'administration et qu'elle est également en relation avec les gens qui gèrent la Tour Eiffel, la relation a été faite et donc on a nos adresses respectives et on peut se transférer les courriers et autres messages qui ne sont pas adressés à la bonne entité.

  • Salomé

    C'est rigolo. Pour ceux qui sont pas familier avec le concept, c'est quoi une foncière ?

  • Christel

    Alors une foncière, c'est un investisseur institutionnel long terme, donc qui a vocation à détenir son patrimoine sur de très nombreuses années. Donc c'est évidemment un patrimoine sur lequel on peut être amené à arbitrer et à faire des sessions, mais c'est pas la vocation première. La vocation première, c'est vraiment de gérer un patrimoine en bon père de famille et de se projeter sur des durées au-delà de 10-15 ans.

  • Salomé

    D'accord. C'est quoi la différence entre une foncière cotée et une foncière non cotée ? Vous êtes cotés ?

  • Christel

    Nous, on est coté. Alors, on est coté tout simplement quand on a une cotation en bourse et donc quand on a des actionnaires personnes physiques qui détiennent des titres de la société. Jusqu'à il y a peu, on avait à peu près 20% de flottants, c'est-à-dire 20% de notre capital qui était détenu par des minoritaires, personnes physiques ou petites institutionnelles via la bourse. Depuis notre augmentation de capital, on est plutôt à 2-3%. Mais à partir du moment où on a une partie de son capital qui a une cotation en bourse, c'est-à-dire où il y a des échanges entre des acquéreurs et des vendeurs d'actions de titres, on est coté en bourse.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Et ça implique d'être régi par l'AMF, d'avoir un certain nombre d'instances qui doivent se réunir à rythme régulier. On doit respecter un certain formalisme. On doit aussi une certaine transparence au marché. Donc on doit divulguer au marché toutes les informations susceptibles d'avoir une influence sur le cours de bourse qui varie tous les jours en fonction des achats et des reventes de titres. Donc ça implique un certain nombre de choses que moi je trouve assez positives, notamment la transparence parce que je trouve que ça permet une certaine rigueur et puis un certain réflexe aussi de la part de tous ceux qui travaillent pour l'entreprise. Mais ça implique aussi un certain nombre de contraintes, notamment de formalisme qu'il faut avoir en tête et qu'il faut respecter.

  • Salomé

    C'est justement la question que j'allais te poser de ça. Est-ce que ça implique dans la gestion ou dans la stratégie ?

  • Christel

    Dans la stratégie en tant que telle, ça n'est pas une contrainte. Certaines boîtes cotées le font peut-être, mais on définit une stratégie pour le bien de l'entreprise. Et in fine, l'entreprise, son rôle, c'est d'être rentable. Sinon, c'est l'association, mais c'est d'être rentable et de rendre aux actionnaires un certain niveau de retour sur investissement qu'on espère le meilleur possible. Et en général, on définit cette stratégie de sorte que cette rentabilité soit la meilleure possible, même si on sait que dans certains métiers, dont l'immobilier, ça peut être du temps long et donc ce n'est pas forcément une rentabilité immédiate. Mais le fait d'être coté impose d'avoir des instances, un conseil d'administration qui répond à un certain nombre de règles, dont celui d'avoir 40% de femmes minimum, de publier des résultats au moins deux fois par an. D'avoir des experts qui réévaluent notre patrimoine de manière régulière. Pour certaines entreprises, c'est par trimestre, pour d'autres, c'est par semestre. Je parle pour les sociétés immobilières, évidemment. Ça implique d'avoir un comité d'audit, d'avoir un comité des rémunérations, de répondre à un certain nombre d'engagements et de contraintes. Mais encore une fois, ça a aussi la vertu d'imposer une certaine discipline et puis une certaine transparence sur tout ce que fait l'entreprise et tout ce qu'on doit reporter à nos actionnaires.

  • Salomé

    D'accord. Donc sur la question, est-ce que la cotation est un accélérateur ou une contrainte ou un peu les deux ?

  • Christel

    Je dirais un peu les deux. Après, certains vont vivre ça comme une contrainte parce qu'ils préfèreraient vivre tout dans leur coin et puis dire aux actionnaires, t'inquiète, ça va bien se passer. Moi, je trouve que cette contrainte, elle est plus, encore une fois, de l'ordre du formel, mais elle implique d'autres choses qui sont pour moi plutôt vertueuses.

  • Salomé

    D'accord. Alors, une petite question sur le marché. Donc aujourd'hui, on en parlait hors micro juste avant, le marché de l'immobilier et notamment le marché de l'immobilier tertiaire vit une période un peu mouvementée.

  • Christel

    On peut dire ça.

  • Salomé

    Quels sont aujourd'hui les indicateurs que toi tu suis ?

  • Christel

    Alors nous, les indicateurs qu'on va suivre, ça va être le TO, donc le taux d'occupation, qui chez nous est un gros axe de développement. Il y a un gros axe sur lequel on travaille énormément. On a un patrimoine qui date plutôt des années 60-70 pour certains des bâtiments. Et un patrimoine surtout qui est beaucoup en seconde couronne parisienne. Donc une classe au sein du secteur bureau, c'est probablement la partie qui souffre le plus. Donc on a un gros sujet là-dessus évidemment, sur lequel on travaille énormément, soit en transformation, soit en commercialisation très active. Tu peux me rappeler la question ? Pardon.

  • Salomé

    Sur les indicateurs que vous suivez.

  • Christel

    Un autre indicateur qu'on va suivre et qui est lié notamment à cet âge de notre patrimoine, ça va être le pourcentage de CAPEX, donc de travaux de maintenance. Pas de travaux qui créent de la valeur type transformation, mais vraiment les CAPEX de maintenance. Ça, c'est un autre indicateur. Nous, on est autour de 1% de la valeur de notre patrimoine, là où nos pairs sont plutôt 0,5-0,7%. Donc, c'est un peu élevé, ça s'explique. Mais c'est aussi pour ça qu'on est en train de... qu'on entame depuis trois ans. Un gros travail de repositionnement de notre patrimoine et que parmi les axes de réflexion qui nous amènent à céder des actifs, il y a ce sujet de l'obsolescence et du montant des capex à injecter. Typiquement, on a cédé un immeuble assez récemment, il y a un an. Les capex à injecter, c'était quasiment 40% de la valeur de l'actif. On préfère le céder plutôt que de mettre cet argent à cet endroit-là. Donc ça, c'est un second indicateur qu'on regarde. Et après, il y a les grands ratios financiers aussi que regardent toutes les foncières, mais notamment les foncières cotées, qui sont les ratios LTV-ICR. Donc LTV, ça veut dire Loan-to-Value, et c'est le rapport entre la dette et la valeur du patrimoine. Donc l'idée, c'est que... Alors c'est souvent des ratios sur lesquels les banques nous imposent un certain niveau d'endettement. Au-delà de 50%, on franchit un peu la ligne rouge. Donc nous, on est maintenant 13 ans de ça grâce à notre augmentation de capital récente. Et puis ICR, ça veut dire Interest Coverage Ratio, c'est la capacité à couvrir les frais financiers avec les loyers nets de toutes les charges qu'on a. Parfois, quand c'est calculé au projet, c'est juste sur les loyers. Quand c'est au niveau corporate comme nous, ça prend en compte aussi toutes les charges de l'entreprise. Et donc là, en général, il faut qu'on puisse couvrir au moins deux fois les frais financiers.

  • Salomé

    D'accord. Une autre question que moi je voulais te poser sur les indicateurs, qui est plutôt une question sur les indicateurs vraiment très généraux de santé du marché, de l'immobilier, c'est est-ce que vous regardez, vous suivez tout ce qui est les taux d'inflation ? Je suppose que oui ? Les taux d'intérêt, Bien sûr. Je t'ai entendu dire aussi il n'y a pas si longtemps qu'effectivement les taux d'intérêt étaient en baisse, mais que l'OAT, lui, remontait. Est-ce que tu peux expliquer un peu ce que ça veut dire ? L'OAT, je pense que ça ne parle pas à tout le monde. Donc voilà, expliquez ce que c'est et ce qu'ils nous disent de la santé du marché.

  • Christel

    Alors en fait, l'immobilier, il est extrêmement corrélé au taux de la BCE notamment et à l'OAT. Pourquoi ? Parce que les investisseurs, ils ont le choix entre investir, si on prend l'OAT, 10 ans, qui est un peu le...

  • Salomé

    Donc ça, c'est obligation assimilable au trésor, c'est ça ?

  • Christel

    Voilà, sur 10 ans, qui est un peu la référence parce que l'immobilier, comme c'est du temps long, on est plutôt sur du 10 ans en termes comparables. Aujourd'hui, il est autour de 3,30 la dernière fois que j'avais regardé. Les investisseurs vont se dire, j'ai le choix entre investir sans risque et avoir un rendement de 3,3% ou j'ai le choix de prendre du risque en investissant dans une classe d'actifs, quelle qu'elle soit, en l'occurrence l'immobilier. Il faut que j'ai une prime de risque qui rémunère, c'est-à-dire qu'il faut que j'ai un rendement qui soit au-delà des 3,3%. Sinon, ça n'a aucun intérêt, autant ne pas prendre de risque. Et donc, il y a en permanence ce qu'on appelle le spread, qui est la différence entre l'OAT et le taux auquel on va acheter l'actif en l'occurrence, l'immobilier, il faut que le spread soit suffisant pour se dire « Ok, j'ai pris du risque, mais parce que je sais que je vais avoir une rémunération plus forte en face. » Et donc, on est corrélé de cette manière-là. Mais on est aussi corrélé au taux et notamment au taux des financements. Donc là, on est plutôt sur le rebord. Parce que l'immobilier, comme beaucoup de classes d'actifs, c'est vrai aussi en private equity et dans d'autres instruments financiers, on va chercher à avoir du levier, donc à mettre des financements bancaires pour augmenter cette rentabilité. Et il faut que le financement, en général, en immobilier, quand on est très core, donc très sans risque, on va le mettre autour de 30-35% de la valeur de l'immeuble. Et puis, quand on a envie de prendre un peu plus de risque, on va monter. Alors, depuis la crise de 2009, on monte rarement au-delà de 70%, en tout cas pour les institutionnels. Mais comme on met en place cet effet de levier, on va être aussi, du coup, hyper impacté par une évolution de le rebord. Et nous, c'est ce qui nous a amené, par exemple, à faire notre augmentation de capital, c'est que le rebord est passé de moins quelque chose ou zéro à 2, 2,5. Et donc, notre coût de financement, il a beaucoup augmenté. Donc, on se retrouve avec des charges financières qui ont doublé, triplé, quadruplé, selon les cas. Et à côté de ça, des loyers qui, eux, n'ont ni doublé, ni triplé, ni quadruplé. Et donc, à un moment, un effet ciseau qui fait que ça ne marche plus. Parce que d'un côté, on a trop de charges, on n'a plus de produits pour répondre à nos ratios bancaires que les banques nous imposent. C'est là où on a quand même énormément d'impact, à la fois parce qu'on se retrouve à être financé par des banques qui nous répercutent les évolutions du rebord, ce qui est normal, et à la fois par des investisseurs qui n'ont plus envie de mettre dans l'immobilier puisque l'OAT leur offre sans risque un rendement qui est somme toute relativement similaire. Ou alors, ils vont dire « Ok, mais moi, ce que j'achetais à 3% avant, quand l'OAT était à 1 ou 2, là, je vais l'acheter à 4, 5, 6%. » Et donc tous nos modèles où on disait « j'ai perçu avoir du loyer et puis je vais revendre » quand on était dans Paris à 3% de taux de capitalisation. Donc le taux de capitalisation, c'est le pourcentage par lequel on divise le montant du loyer pour avoir la valeur de l'immeuble. Aujourd'hui, ils nous disent 4, 5, 6. Dans certaines localisations, on est même à 10 ou 12%. Et donc là où on pensait gagner beaucoup d'argent, finalement on en gagne peu, voire on en perd. Et donc le modèle doit être un peu appréhendé différemment. Aujourd'hui et je pense que c'est vraiment ça qui cristallise la crise du bureau aujourd'hui, c'est cet effet de taux qui a été en plus très brutal, c'est-à-dire que les taux ont augmenté de façon hyper importante en très très peu de temps donc on savait tous que ça allait arriver un jour on était tous avec la méthode Coué à se dire depuis 10-12 ans c'est génial l'argent est gratuit mais bon on savait qu'un jour ça s'arrêterait, sauf que ça s'est arrêté très brutalement et donc voilà il faut se réinventer, il faut retravailler nos modèles. Et puis surtout, il faut se poser la question aujourd'hui, est-ce que, alors nous les foncières cotées, on n'a pas vocation à vendre beaucoup, donc c'est peut-être plus facile aussi de se poser ce type de questions, mais est-ce qu'au lieu de vendre, on ne va pas garder plus longtemps ? Quand on a des locataires, finalement, ce n'est pas plus mal de prendre du loyer et puis d'attendre de voir ce qui va se passer en se disant qu'un jour, ça ira mieux. Enfin voilà, c'est tous les arbitrages auxquels on est confrontés aujourd'hui et ça rend la période passionnante, mais malgré tout relativement stressante.

  • Salomé

    Justement, en parlant du bureau, j'aurais aimé qu'on parle un petit peu de transformation des usages, d'une stratégie qui fait partie de votre feuille de route, la stratégie diversification. Quand on parle de transformation des usages, on parle surtout de télétravail, d'hybridation, des nouveaux services. Comment est-ce que vous, vous y répondez ?

  • Christel

    Alors nous, on l'a pris de plein fouet, comme beaucoup en 2020, au moment du Covid. On a vu surtout nos locataires qui nous sollicitaient pour nous rendre des surfaces. Quand on a un taux de cultivation qui est un vrai enjeu, il n'est vraiment pas simple. Après, on s'est adapté. Je pense qu'aujourd'hui, nos locataires sont arrivés un peu à un point d'équilibre. C'est-à-dire qu'ils ont quand même passé 2-3 ans à se poser énormément de questions. Est-ce que je rends des surfaces ? Est-ce que j'en reprends ? Est-ce que j'ai le bon format de bureau par rapport à des équipes qui sont X jours en télétravail ? Ils se sont posé beaucoup de questions et nous, on a essayé de suivre, mais c'était parfois un peu compliqué. Aujourd'hui, je pense qu'on a nos locataires, en tout cas dans notre portefeuille, qui sont relativement au clair sur ce qu'ils souhaitent et sur les besoins qui sont les leurs. Donc ça, c'est déjà un élément un peu plus stable dans les discussions. Après, entre-temps, le rapport de force entre les bailleurs et les preneurs, c'est quand même pas mal déséquilibré. Il était peut-être trop en faveur des bailleurs. Aujourd'hui, il est beaucoup en faveur des preneurs. Donc voilà, il faut aussi s'adapter à ces demandes-là. Il y avait évidemment tous les sujets des services qui restent extrêmement prégnants. Il y a tout un tas d'adaptations des immeubles de bureaux qu'il a fallu mettre en place. Et puis après, il y a la problématique, et nous je pense qu'on a une petite demi-douzaine de sujets qui sont concernés par cette difficulté. C'est la problématique des bureaux qui n'ont plus vocation à être du bureau et qui sont dans des localisations, où on ne peut pas compter sur le fait que ces immeubles redeviennent du bureau un jour ou soient réutilisés en tant que bureau. Donc là, il y a tout un travail de réflexion qui est mené, d'abord nous avec nous-mêmes, et puis il y a nous avec les pouvoirs publics et les élus notamment, pour savoir ce qu'on fait de ces immeubles et pour savoir si on peut les transformer en autre chose. Alors évidemment, le premier réflexe, c'est "on va faire du logement". Parce que voilà, on sait tous qu'il y a un sujet de manque de logement en France, que c'est un vrai besoin. Et puis, on est souvent dans des localisations où le prix du mètre carré bureau et le prix du mètre carré de logement sont soit comparables, soit le logement vaut plus cher que le bureau. Donc économiquement, ça fait beaucoup de sens. Et puis après, il faut aller parler aux élus et c'est là que ça devient un peu compliqué. D'abord parce qu'eux ont une vision beaucoup plus macro que nous. Nous, on raisonne uniquement à notre localisation, souvent on en a qu'un peut-être deux ou trois mais voilà on a n'a pas le maillage total de la commune. Et puis aussi parce que eux ont leurs propres enjeux, leurs propres timings, et c'est pas forcément le même que le nôtre. Donc voilà, ces discussions ne sont pas simples, mais effectivement, il y a beaucoup de sites sur lesquels on se dit que ça ferait du sens d'avoir d'autres usages. Moi, je ne suis pas une grande acharnée du 100% logement. C'est-à-dire qu'en tout cas, sur les sites qui nous concernent, je pense que la solution n'est pas uniquement par le logement. Je crois beaucoup en la mixité des usages et je crois beaucoup au fait qu'il faut repenser les choses de façon beaucoup plus multidestination. Et c'est ce qu'on a commencé à faire. On a un projet, par exemple, qui a été livré à Lyon où on avait historiquement 15 000 m² de bureaux et aujourd'hui, on a 5 000 m² de logements en résidentiel géré, 5 000 m² de bureaux et 5 000 m² de résidentiels étudiants, alors qu'il y a du social qui a été cédé à l'agglo, mais il y a eu un parcours paysager qui remplace un grand parking. Ssi je précise c'est hyper important et donc je pense qu'avec un projet comme ça on est exactement dans dans la mixité et dans ce qui est probablement le mieux à faire pour pour ces sites là après encore une fois voilà c'est une discussion qu'il faut avoir avec les pouvoirs publics et c'est pas simple parce que eux mêmes ont des sujets financiers hyper important et donc c'est vrai que ça peut être confortable pour eux de continuer à percevoir la taxe aménagement, la taxe bureau, la taxe parking, quand bien même l'immeuble est vide, pour eux c'est pareil. Alors que le jour où il y a des occupants autres, les revenus ne sont pas tout à fait les mêmes. Donc c'est beaucoup plus complexe.

  • Salomé

    Justement, aujourd'hui un quart de votre portefeuille est en région. Oui. L'objectif, tu me l'as dit quand on a préparé l'interview, c'est de passer à un tiers. Pourquoi ce virage régional ?

  • Christel

    Alors déjà parce qu'à partir du moment où on sort du tout bureau... le champ d'action et le terrain de jeu est beaucoup plus large, donc on se dit qu'on peut aller partout en France. Ensuite, parce qu'on a ce maillage territorial de portefeuilles depuis quand même très longtemps, même si en valeur ça représente moins, parce que les mètres carrés en région sont souvent moins valorisés que les mètres carrés en région parisienne, on a toujours eu historiquement beaucoup d'immeubles en région, et souvent des immeubles de plus petite taille. qui correspondent probablement à ce qu'on sait un peu mieux gérer dans les équipes. Et puis ce maillage territorial et cette présence dans les grandes métropoles qu'on a toujours eues fait que nos équipes connaissent bien les micro-localisations au sein de chaque métropole et que nous-mêmes sommes bien identifiés par les acteurs locaux. Donc ça permet quand même de capitaliser sur quelque chose qui existe déjà. Et puis force est de constater que la performance de notre patrimoine régional est bien meilleure que celle de notre patrimoine francilien puisque notre taux d'occupation, si je prends cet indicateur-là... Et entre 85 et 90% tous les ans, là où celui en Ile-de-France est plus faible. Donc voilà, c'est bien la preuve qu'on a un patrimoine probablement plus adapté et sur lequel on est nous-mêmes meilleurs. Donc voilà, ça fait partie des bonnes raisons pour lesquelles on se dit qu'il faut qu'on soit davantage présent en région. En revanche, on ne sera présent que dans ces métropoles dans lesquelles, encore une fois, on a cette présence et cette connaissance des marchés.

  • Salomé

    Pour toi, s'implanter en région, c'est plutôt un pari sur l'avenir ou un retour aux fondamentaux ?

  • Christel

    Les deux. C'est-à-dire que ça fait partie de notre ADN et c'est quelque chose sur lequel il faut continuer. Après, les régions ne feront probablement jamais 50% de notre patrimoine, mais pour moi, ça doit être une part importante de notre avenir.

  • Salomé

    Il y avait un autre sujet que je voulais évoquer avec toi. C'est un peu un pas de côté par rapport au sujet d'immobilier pur. Tu as parlé rapidement tout à l'heure d'un sujet de parité. Tu es présidente de l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier. Est-ce que tu peux m'expliquer en quoi ça consiste et quel est son rôle ?

  • Christel

    Alors, l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier, c'est un observatoire qui a été créé le 8 mars 2022, qui est en fait la suite logique d'un livre blanc qu'on a écrit avec d'autres femmes. On était toutes au sein d'une association qui s'appelle le Cercle des Femmes de l'Immobilier et pour lequel, à la faveur d'un changement de présidence, la nouvelle présidente qui était Stéphanie Bensimon à l'époque a voulu entendre un peu toutes les femmes et il y a eu quelques voix, dont la mienne, qui ont dit voilà ce serait bien quand même de faire quelque chose pour un peu promouvoir la parité dans les organisations de l'immobilier et elle nous a dit "bah écoutez, banco, allez-y." Et donc on est quelques-unes, on était cinq à avoir écrit un livre blanc. Livre blanc qu'on a écrit en étudiant énormément d'articles, d'études, de travaux de recherche sur les sujets de parité en général et dans l'immobilier également. Et à l'issue de ce livre blanc, on s'est dit qu'il fallait proposer quelque chose aux acteurs du secteur pour améliorer les choses. Et donc on a proposé de mettre en place une charte d'engagement pour laquelle les signataires prendraient à la fois quatre engagements obligatoires et puis à l'époque c'était six engagements sur une quinzaine complémentaires pour marquer leur souhait de faire avancer la parité dans l'immobilier. Et puis pour tout un tas de raisons, c'était complexe de faire vivre cette charte au sein du Cercle des femmes de l'immobilier, qui était là où finalement elle avait pris naissance. Et donc on a fait le choix de créer une association loi 1901 différente, dans laquelle nous avons un bureau, alors pas paritaire mais mixte. Donc avec également des hommes et c'était aussi un des enjeux qui a fait qu'on a souhaité créer cette association à part entière. Et notre travail depuis le 8 mars 2022, c'est d'inciter un maximum d'acteurs de l'immobilier à signer cette charte, à s'engager pour la faire vivre et pour la respecter. Et on publie tous les ans une étude avec un organisme indépendant qui est l'IEF et une sociologue qui va interroger tous nos signataires sur un certain nombre d'indicateurs qui sont peu ou prou les indicateurs de l'index EGA Pro et nous permettre de mesurer à quel point la parité évolue ou pas. Enfin, elle évolue, malheureusement pas toujours dans le bon sens, dans le secteur de l'immobilier. Aujourd'hui, on a 157 signataires. Donc, ça représente, on avait fait un calcul, aujourd'hui, on est à peu près entre 20 et 22 %. de l'ensemble des salariés de l'immobilier, sachant qu'on n'a pas complètement ouvert au monde de la construction, parce que sinon, ça fait vraiment beaucoup trop de monde. Et tous les ans, on publie cette étude et on choisit un axe plus spécifique pour interroger un peu plus en détail un certain nombre de signataires. On a quand même cette conviction que la parité est un vecteur de performance, et c'est une conviction très forte. On a également la conviction que la parité n'avancera qu'avec les hommes. L'idée, ce n'est pas du tout de s'opposer aux hommes, bien au contraire. D'ailleurs, si des hommes m'écoutent et ont envie de s'engager au sein du bureau, ils seront les bienvenus. Et on n'est pas là du tout pour faire du name and shame. C'est-à-dire que, on le redit à chaque signataire, vous signez une charte d'engagement, elle vous engage, vous, probablement vis-à-vis de vos collaborateurs, mais si demain vous ne respectez pas la charte, nous on ne va pas venir faire la police, on ne va pas venir vous embêter, c'est vous avec vous-même. Nous la seule « contrainte » qu'on impose, et encore il n'y a pas de sanction évidemment, c'est de répondre à notre questionnaire, ou au questionnaire en tout cas de l'IEIF, tous les ans pour qu'on puisse mesurer l'évolution de la parité. En fait on n'a pas d'autres exigences, et on part du principe que quand un dirigeant signe ce type de charte et en fait la publicité sur LinkedIn, auprès de ses collaborateurs, quelque part il est déjà engagé et donc charge à lui ou à elle de porter le sujet. Maintenant encore une fois on n'est pas là pour taper sur les doigts de ceux qui ne respectent pas le micro-engagement qu'ils ont pris on a pu voir que beaucoup de dirigeants prenaient le sujet très au sérieux et ça nous suffit pour nous dire qu'on a des gens engagés. Maintenant malheureusement ce qu'on constate quand même depuis que la crise est clairement installée c'est que pour certaines entreprises signataires c'est plus vraiment une priorité. Et c'est un peu dommage parce qu'encore une fois, moi, je reste convaincue que la parité, c'est un vecteur de performance. Alors, je sais que les mots sont interdits aux États-Unis, mais en France, pas encore. Donc, je vais les dire. Au-delà de la parité, je pense que la parité est un des verrous qui débloquent aussi la diversité en général et que quand on est ouvert à la parité, on est ouvert finalement à toutes sortes de sujets. Alors, nous, on ne va pas s'emparer d'autres sujets parce que ce n'est pas notre raison d'être. Mais on se rend compte que quand des entreprises s'ouvrent à la parité et ont leurs chakras ouverts, finalement, elles les ouvrent sur tout et que c'est bien pour la société au sens large.

  • Salomé

    D'accord. Je ne pensais pas, tu vois, que la parité avait reculé ces dernières années.

  • Christel

    Nous, dans les chiffres, malheureusement, c'est ce qu'on constate. Alors, pas forcément à l'échelle des entreprises en tant que nombre de salariés. On est toujours à peu près sur un 50-50. Évidemment, ça dépend des secteurs. Les promoteurs, les investisseurs, les conseils, ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres, mais globalement, c'est autant 50%. Mais là où on avait vu une amélioration dans les instances dirigeantes ou dans le middle management, ces chiffres reculent un peu. On ne parle pas de 10% de perte de femmes sur ces niveaux de responsabilité, mais ça recule. Alors que les premières années, on voyait une évolution favorable.

  • Salomé

    D'accord. Qu'est-ce qui a fait que c'est un combat qui te tient à cœur ? Est-ce que toi, tu as été victime ou témoin du plafond de verre ? Soit de ne pas pouvoir augmenter plus dans l'entreprise ou alors de la falaise de verre, au contraire, d'être mise devant un challenge devant lequel un homme ou une femme n'aurait pas réussi ou on préfère mettre une femme qui sera finalement le fusible avant de remettre quelqu'un ?

  • Christel

    Alors, je ne pense pas avoir été dans le cas que tu évoques, le cas du fusible. En revanche, alors des anecdotes de discrimination, j'en ai plein. Alors déjà, pour répondre au début de la question, moi, c'est né parce qu'il se trouve que j'ai un père d'origine italienne, assez misogyne, qui n'a eu que des filles, pas de chance. Et moi, ça me rendait folle. Ça me rendait folle de voir ma grand-mère se mettre en quatre et pas un mec autour de la table se lever pour l'aider. Ma mère, un peu pareil. Ma mère qui nous dit encore, "Les filles venez m'aider", pendant que nos chers maris sont très contents d'être en vacances. Voilà, tout ça, ça me rend dingue. Ce qui est bizarre, parce que ma soeur, ça ne la rend pas dingue, mais moi, ça me rend dingue. Donc voilà, je pense que c'est né en même temps que mon... Enfin voilà, l'endroit dans lequel je suis née, j'adore mon père et voilà. Mais bon, je pense qu'il y a un côté culturel. Donc je pense qu'il y a eu ça au départ. Et puis après, malgré tout, j'ai subi beaucoup, alors je ne sais pas, discrimination c'est peut-être un très grand mot, mais d'anecdotes qui m'ont bien rappelé que j'étais une femme dans le monde de l'immobilier. Mais après, je pense qu'il y a plein d'autres secteurs dans lesquels c'est vrai. Mais peut-être pour en citer quelques-unes. Quand j'ai annoncé que j'étais enceinte de mon premier enfant, je l'ai dit à mon associé, un homme, qui à l'époque d'ailleurs ne voulait pas embaucher de femme. Il avait dû faire preuve de ruse avec le manager qui voulait m'embaucher pour que je puisse intégrer l'équipe. J'ai annoncé que j'étais enceinte, ça faisait à peu près 4-5 ans que je travaillais avec lui. Il était hyper heureux, il m'a prise dans ses bras, il était hyper content. Donc je me suis dit ça y est, j'ai réussi un truc. Et puis à l'inverse, une autre associée qui était responsable d'un service plus large, qui elle-même avait trois enfants et qui m'a dit "Christel, vous êtes sûre que vous voulez le garder parce que quand même, ça ne nous arrange pas trop en termes de timing". Alors je l'ai regardé et je lui ai dit "Je suis venue vous l'annoncer en étant très heureuse".

  • Salomé

    Oui, c'est une belle nouvelle. C'était quand ?

  • Christel

    Ça date, c'était en 2005. Ça c'est une anecdote mais bon, le nombre de fois où on m'a dit, "Ah non, vous avez un enfant, vous allez en avoir un deuxième, donc c'est mieux que vous ne bougiez pas" ou bien, Des postes auxquels j'ai postulé, on m'a dit « Ah, on vous aurait bien prise, mais bon, avec des enfants en bas âge, vous comprenez, vous risquez d'être beaucoup absente, donc on ne va pas vous prendre. » Au final, j'ai été beaucoup moins absente que la plupart des hommes qui m'entouraient. Et puis un autre sujet qui est un sujet aussi majeur au-delà de la présence des femmes, c'est aussi tout ce qui est progression et notamment progression salariale. Une des contraintes dont on parlait pour les sociétés cotées, c'est que les salaires sont publics. Donc quand j'ai été chassée pour le poste où je suis aujourd'hui, le salaire de mon prédécesseur était public, donc je savais à combien il était. Donc c'était beaucoup plus facile. Mais dans mes postes précédents, où les salaires étaient évidemment confidentiels, je me suis rendue compte... qu'en tout cas quand je remplaçais quelqu'un que j'ai toujours remplacé des gens qui avaient à peu près mon âge, à peu près le même niveau d'études, à peu près le même niveau d'expérience et qui étaient des hommes et qui gagnaient 30% de plus et avait la voiture de fonction à laquelle évidemment je n'avais pas droit. Donc voilà, il y a aussi ce sujet de salaire et puis nous les femmes, on a quand même aussi cette tendance à être notre propre ennemi où "Ah bah non on m'a déjà donné ma chance, je ne vais quand même pas demander une augmentation en plus". Voilà, c'est quand même assez fréquent. Et je suis la première à être comme ça. Mais voilà, je pense que toutes les femmes qui évoluent dans des mondes relativement masculins ont été confrontées à ça. Et je ne parle pas des anecdotes où on nous demande de faire le café en réunion, ou bien où on est la seule femme. Ça nous arrive à toutes. On le remarque plus ou moins, d'ailleurs. Et j'ai noté que moi, il y avait des choses qui ne me choquaient pas il y a dix ans qui aujourd'hui me choqueraient. Donc c'est plutôt positif. Oui, c'est une bonne nouvelle que les biais se passent. Moi, j'ai deux garçons, donc j'essaye de les éduquer pour pas qu'ils reproduisent les erreurs. Alors après, je me souviens de mon fils aîné quand il avait 5-6 ans, qui avait passé trois semaines chez mes parents. Et quand il est revenu, il a regardé mon mari qui faisait la vaisselle. Il lui a dit "mais c'est pas toi qui fais la vaisselle. C'est que maman et la nounou. Les hommes, on fait pas la vaisselle". Je l'ai pris entre quatre yeux. Je lui ai expliqué les règles.

  • Salomé

    Tu vas voir comment ça va se passer.

  • Christel

    Mais je pense que c'est notre devoir à toutes, en tant que femmes en tout cas, d'éduquer nos enfants pour essayer que les mentalités changent, même si culturellement c'est quand même très ancré et même les femmes, on a des biais inconscients énormes. Ça prendra beaucoup de temps. Ça se fera encore une fois uniquement avec les hommes, pas contre les hommes, mais avec les hommes. Voilà, si on travaille tous ensemble pour faire en sorte que nos fils, nos filles aient les mêmes chances demain. On sera tous très heureux. Je ne sais pas si on sera encore là pour le voir, mais en tout cas, ce sera bien pour tout le monde. En revanche, ça reste un sujet qui passe un peu après, quand on est en période de crise. Et c'est bien dommage parce que, encore une fois, je suis assez convaincue, notamment dans l'immobilier. C'était le titre de notre livre blanc. On bâtit la ville de demain avec ceux qui l'habitent. Et ceux qui l'habitent, c'est tout le monde, en fait. C'est les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, les gens valides, les gens moins valides. Et donc, il faut évidemment qu'on travaille avec des profils hyper diversifiés si on veut s'assurer qu'on bâtit vraiment la ville de demain. Sinon, on va bâtir la ville dont rêve l'homme blanc de moins de 50 ans, si je caricature, et ce n'est pas forcément souhaitable pour le reste de la population qui ne fait pas partie de cette catégorie. Donc voilà, je pense qu'il faut qu'on travaille tous ensemble dans cette direction-là et qu'à un moment, le sujet du genre ne soit plus un sujet, en fait. Et qu'on attribue des postes et des salaires uniquement à des gens parce qu'ils le méritent ou parce qu'on sait qu'ils vont être performants dans ce poste-là.

  • Salomé

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme qui débute dans l'immobilier, justement ?

  • Christel

    Alors déjà, avant, je lui dirais de ne pas se mettre de barrière et de bien choisir les maths. Non, mais blague à part, je pense qu'un des sujets, c'est surtout de ne pas se mettre de limite. C'est-à-dire que malgré mon père d'origine italienne, il ne m'a jamais dit « ce n'est pas un truc pour toi parce que tu es une fille » . Je pense qu'il y en a qui ont dû vivre ça. Moi, j'ai eu la chance de ne pas vivre ça. Et donc, je n'ai jamais pensé que quelque chose m'était interdit. Même si j'ai toutes les croyances autolimitantes, de la plupart des femmes, celle-là, je ne l'ai pas eue. Même si je ne suis pas forcément quelqu'un qui va aller au-delà de ce qu'elle pense pouvoir faire. Si on me propose un poste demain, si je ne me sens pas capable, je n'irai pas. Là où un homme ne se posera même pas la question.

  • Salomé

    C'est la question que j'allais poser. Est-ce que le syndrome de l'imposteur, c'est un truc avec lequel tu as du dealer à un moment donné ? Non, pas forcément. Mais j'ai aussi eu la chance sans vraiment... Moi, je n'ai jamais eu de plan de carrière. J'ai toujours été fascinée par les gens qui disent « je vais faire ça, comme ça, ça va m'emmener là, et puis après là » . Moi, je n'ai jamais fait ça et j'en suis totalement incapable. j'ai essayé de jouer aux échecs, j'ai jamais retenu les règles. Donc voilà, c'est pas fait pour moi. En revanche, j'ai toujours été très curieuse et moi, mon mantra, ça a toujours été d'apprendre. Donc j'ai toujours bougé quand je considérais que j'apprenais plus ou que je risquais de ne plus apprendre assez vite et que donc j'allais m'encrouter dans quelque chose et quelque part me fermer des portes après. Parce que j'aurais pas appris assez. Et tant que j'apprends, je suis très heureuse. Bon, en étant payée, pareil que les hommes, évidemment, tant qu'à faire. Mais si je devais donner un conseil aux jeunes filles, c'est ne vous mettez pas de limites, ne vous dites pas que quelque chose n'est pas fait pour vous. Allez là où vous avez envie d'aller et puis ne vous dévalorisez pas. Même si c'est quelque chose que j'ai du mal à faire moi-même, ne vous dévalorisez pas. Et puis surtout, mais ça s'adresse à tout le monde, je suis quelqu'un qui reste convaincue que le travail paye et que quand on travaille beaucoup, ça finit toujours par fonctionner. Alors je suis peut-être un peu utopiste parce que je sais bien qu'il y a d'autres choses. Mais je reste convaincue que quand on est un gros bosseur, on finit par y arriver. Et donc, voilà. Ça me parle beaucoup. Ça résonne énormément. Et un dirigeant qui n'a pas encore signé la charte, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Christel

    Il faut signer. Il faut signer parce que ça montre une ouverture d'esprit, parce que c'est un engagement qu'on prend vis-à-vis de ses salariés, parce que c'est un vecteur. On a beaucoup parlé ces dernières années d'attractivité, d'attraction des talents, de rétention des talents. Et moi, je le vois aujourd'hui, j'ai des gens dans mes équipes qui m'ont dit « Je voulais partir, mais je reste parce que tu es une dirigeante et pas un dirigeant. » Ou parce qu'on voit dans les équipes qu'il y a une vraie ouverture d'esprit. Ça fait partie des sujets auxquels peut-être les plus jeunes, mais je l'espère les moins jeunes aussi, restent sensibles. Et donc, c'est une façon aussi, encore une fois, d'être là pour construire l'immobilier de demain avec tout le monde.

  • Salomé

    Alors, je te propose qu'on passe aux questions signatures du podcast. Tout d'abord, y a-t-il une maxime, un mantra, une phrase qui t'accompagne au quotidien ou qui t'inspire ?

  • Christel

    Pas vraiment, mais comme je le disais tout à l'heure, moi j'ai mon mantra personnel qui est de toujours apprendre. Je pense que c'est un peu ce qui fait que j'ai le parcours que j'ai, bien ou mal. Et puis aussi de ne pas se mettre de barrières, comme on le disait tout à l'heure, les femmes ont tendance à se mettre assez facilement des barrières. J'essaye de ne pas trop m'en mettre, même si le naturel revient souvent. Mais voilà, j'essaye de ne pas trop m'en mettre. Et puis, s'il y a un autre... Alors, c'est moins une maxime ou une citation, mais une autre chose que je dirais à une jeune femme, parce que je reviens à la question tout à l'heure, désolée, c'est aussi d'être bien entourée. C'est-à-dire que j'ai la chance d'avoir un mari qui m'a permis aussi de prendre les postes que j'ai pris et de faire mes choix. Encore heureux, on dirait. Mais en tout cas, de faire en sorte que je puisse le faire et d'avoir une approche un peu féministe des choses, à tel point que régulièrement, il me dit « Mais t'es sûre que je dois encore travailler ? » Parce que franchement... Voilà. Donc oui, oui, il doit travailler. Mais je pense qu'il faut être bien entouré et être entouré par un conjoint, des amis, un environnement familial qui nous pousse aussi à ne pas nous mettre ces barrières-là. Parce que finalement... Si on a des gens qui nous disent « Oh là là, mais t'as vu, le poste que t'as, c'est déjà très bien. Franchement, ne va pas chercher plus haut. » Alors que c'est ce qu'on a envie de faire. Si ce n'est pas ce qu'on a envie de faire, c'est OK. Mais si c'est ce qu'on a envie de faire, ce n'est pas le bon entourage. Donc voilà, il faut être bien entouré.

  • Salomé

    Oui, créer les conditions de la confiance en soi. Voilà. Quelle a été la chose la plus inattendue que tu aies faite dans ta carrière ? Un moment décisif ou un moment fort ? Oh là là, très très dur. Évidemment, je n'avais pas lu les questions avant, donc c'est très compliqué, probablement parce que j'aurais répondu si j'avais un peu réfléchi à la question, c'est pas bien. On héberge aujourd'hui des artistes dans un de nos sites, et c'est vrai que c'est une approche un peu différente de la vie. Voilà, donc moi j'aime beaucoup aller sur ce site qui s'appelle Push, alors ils quittent les lieux fin septembre, mais ça donne une autre perspective à l'immobilier, ça donne une autre façon de percevoir les immeubles, et c'est vrai que depuis le projet Morland de mon ancienne vie, où le promoteur qui est féru d'art avait fait en sorte de mettre des œuvres d'art un peu partout, je me rends compte que l'art est quelque chose qui permet vraiment d'approcher l'immobilier différemment. Et donc, c'est une démarche qu'on suit aujourd'hui. Alors, on n'a pas signé formellement la charte d'un immeuble, une œuvre, mais depuis que je suis là, je dis qu'on va le faire, donc on va le faire. Mais la démarche même de mettre de l'art au sein des bâtiments est quelque chose, je trouve, d'extrêmement vertueux et qui... pour reprendre l'expression de tout à l'heure, ouvre vraiment les chakras. Et donc, je trouve que c'est quelque chose auquel on ne s'attend pas quand on parle d'immobilier, de projet, de bâtiment. Mais c'est quelque chose qui est vraiment un plus pour vivre les immeubles et habiter les immeubles.

  • Christel

    Qui est-ce que tu aimerais entendre sur le podcast ?

  • Salomé

    Alors, là, j'ai eu le temps de réfléchir un peu. Moi, il y a deux personnes que ça me ferait plaisir d'entendre. Une première qui s'appelle Alexandra Chevalier, qui est quelqu'un que j'ai connue dans le cadre d'une association de professionnels de l'immobilier qui s'appelle le Cercle 30, qui est une femme, qui est une femme très engagée, très engagée aussi sur les sujets ESG, qui s'est beaucoup réinventée et qui aujourd'hui est entrepreneur puisqu'elle a lancé son fonds d'investissement. Et donc je trouve que ça serait intéressant, parce que tu me disais que tu aimerais bien avoir quelqu'un plutôt du monde de l'investissement. Donc je pense que d'avoir quelqu'un à la fois d'engagé sur les sujets RSE, de convaincus, entrepreneur après une carrière chez des institutionnels, qui a aussi été broker. Enfin, voilà, je pense que c'est une femme qui a un parcours hyper intéressant. Elle a aussi plein d'anecdotes sur les sujets de la discrimination vers les femmes au quotidien. Mais au-delà de ça, c'est une femme très intelligente et c'est une femme, je pense, qui a beaucoup de choses à raconter. Donc, voilà, je te dirais d'abord Alexandra Chevalier. Et puis, alors, j'ai pas forcément de nom, mais je pense que ce serait intéressant d'écouter une femme dans un EPA, dans un établissement public d'aménagement. Parce que c'est un acteur de la ville majeure. Les EPA sont souvent très importantes dans la façon dont on va pouvoir réinventer les immeubles, les quartiers, les espaces de vie. Souvent, ils sont incontournables. Ils ont parfois, en tout cas auprès des investisseurs ou des promoteurs, une image mitigée. Et donc, je pense qu'une femme au sein d'un EPA, ça peut être un profil intéressant pour avoir cette vision-là aussi de la fabrique de la ville. D'accord. Et ma dernière question, où est-ce qu'on peut te suivre ou te retrouver ?

  • Christel

    J'ai la chance d'être souvent invitée pour parler immobilier sur différentes conférences.

  • Salomé

    Récemment au Siati.

  • Christel

    Récemment. Je ne me leurre pas. Je sais que c'est souvent parce qu'on a besoin d'une femme dans les panels. Mais je prends ce rôle très volontiers parce que je reste convaincue que c'est bien qu'il y ait au moins une femme sur les panels. Et ça me déprime à chaque fois que je vois sur LinkedIn des panels 100% masculins. Aussi pour que les plus jeunes puissent se projeter, c'est toujours pareil, il y a aussi une question de visibilité et d'exemplarité. J'espère que je n'y raconte pas trop de bêtises d'ailleurs, mais voilà, sur différentes conférences et puis lors des prochains événements de la charte parité, évidemment. Et puis lors de nos événements sur les semestriels et les annuels, puisque encore une fois, ce sont des exercices et des passages obligés en tant que foncière cotée. Donc tous les six mois, on a un événement pour les analystes et les actionnaires. Donc voilà, ça peut être aussi, si ça intéresse de suivre la Société de la Tour Eiffel et nos actualités financières, c'est également un rendez-vous sur lequel je suis, évidemment.

  • Salomé

    Je te remercie beaucoup d'avoir répondu à toutes mes questions. C'était très chouette. Moi, j'ai passé un super bon moment. J'espère que l'expérience t'a plu.

  • Christel

    De même, merci beaucoup Salomé. Merci pour tes questions. Merci pour ta bienveillance. Et puis, merci pour cette idée de podcast où tu donnes la parole à... à des gens sur des sujets peut-être un peu moins corporate, mais pas moins intéressants.

  • Salomé

    Je suis ravie. Merci beaucoup.

  • Christel

    Merci.

  • Salomé

    Allez, c'est la fin de cet épisode. Je remercie encore une fois Christelle, qui a accepté de répondre à toutes mes questions et de partager son expérience avec authenticité et bienveillance. Je vous remercie mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. Si vous voulez me poser des questions, me faire vos retours ou me proposer de nouveaux invités, je vous attends sur LinkedIn. Enfin, je remercie chaleureusement Bouygues Construction, qui soutient le podcast et sans qui il n'existerait pas. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à me laisser des étoiles et des commentaires sur Spotify et Apple Podcast, ça m'aide beaucoup. On se retrouve dans 15 jours pour un nouvel épisode d'Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • 🧭 De la finance à l’immobilier : itinéraire d’une dirigeante engagée

    01:30

  • 🏛️ Présentation de la Société de la Tour Eiffel : une petite histoire dans la grande Histoire

    07:17

  • 🏢 Qu'est-ce qu'une foncière ? Et qu’est-ce que ça change d’être cotée ?

    11:36

  • 📉 Stratégie & contexte macro-économique : naviguer en pleine tempête

    15:27

  • 🔁 Transformations des usages : réinventer le bureau à l'heure de l'hybridation

    22:21

  • ⚖️ L’Observatoire de la charte de la parité dans l’immobilier : où en est-on ?

    29:15

  • 🎙️ Les questions signatures du podcast

    44:09

  • Conclusion

    50:22

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Description

🏗️ Investissements, stratégies et parité : l’immobilier d’entreprise vu par Christel Zordan


Dans cet épisode d’Officieux, je reçois Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l’immobilier, Christel incarne la rigueur et l’engagement. Tout au long de notre conversation, elle m’a parlé de stratégie bien sûr, mais aussi de transformation des usages, de macroéconomie, de reconversion d’actifs, d’égalité professionnelle. Et elle a partagé son parcours, sans filtre.


💬 "..."


🔎 Au programme de cet épisode :


Un parcours guidé par des choix, plus que par des plans : Christel n'avait pas prévu de faire de l'immobilier, et encore moins d'y rester. Mais à chaque étape, elle a saisi ce qui lui ressemblait davantage. De PWC à la STE, elle raconte un chemin construit sans plan de carrière, mais avec lucidité, curiosité et l'envie d'apprendre.


La Société de la Tour Eiffel : une foncière pas comme les autres : Un héritage inattendu lié à Gustave Eiffel, Christel raconte l’origine de la structure, sa stratégie actuelle et les quiproquos étonnants autour de son nom.


Le fonctionnement d'une foncière cotée : Cotation, transparence, gouvernance, obligations réglementaires, impact stratégique... Elle nous explique ce que ça change, ce que ça impose et ce que ça apporte.


Naviguer dans un contexte économique mouvementé : Hausse des taux, inflation, crise du bureau, arbitrages patrimoniaux : Christel revient sur les indicateurs qu'elle suit au quotidien et partage comment elle et ses équipes s'adaptent dans une logique long terme.


L'impact réel des transformations d'usage : Le Covid et l'essor du télétravail ont modifié les attentes des utilisateurs. Comment réagir quand les immeubles ne trouvent plus preneur ? Transformation en logements, projets mixtes, réversibilité, Christel partage ses réflexions sur ces sujets.

Miser sur les régions : Avec des taux d'occupation plus élevé et des actifs plus adaptés, les régions deviennent un pilier de la stratégie de la STE, Christel explique pourquoi ce virage est à la fois un retour aux fondamentaux et un pari pour demain.


Parité dans l’immobilier : faire bouger les lignes, sans stigmatiser : À la tête de l’Observatoire de la Charte pour la parité, Christel décrit un secteur encore inégalitaire, surtout dans les postes dirigeants. Elle évoque les freins, les biais, ses anecdotes personnelles, parfois édifiantes et sa conviction : la parité n’est pas un combat contre, mais un projet avec.


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Transcription

  • Salomé

    Hello à tous, ici Salomé, j'ai 26 ans, je suis ingénieure en bâtiment et je suis surtout ravie de vous accueillir sur Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise. Je vous propose de changer votre regard sur cet univers en vous emmenant avec moi pour en découvrir les coulisses. Tous les 15 jours, je vais à la rencontre d'archis, de constructeurs, d'investisseurs pour leur poser toutes mes questions et discuter ensemble des tendances qui font bouger le marché. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l'immobilier, Christel incarne la rigueur et l'expertise avec beaucoup d'humilité et une vraie accessibilité. Notre échange a eu des allures de discussion autour d'un café avec autant de richesses, micro ouvert, qu'hors micro. Nous avons évoqué énormément de choses passionnantes : le rôle d'une foncière, le contexte macroéconomique dans lequel elle évolue aujourd'hui, les évolutions des usages du bureau, les enjeux d'un investisseur en ce moment. Mais je retiens particulièrement un sujet qui est un petit peu un pas de côté dans ce que vous avez l'habitude d'entendre ici, c'est celui de la parité dans l'immobilier. C'est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur et on aurait pu en discuter encore longtemps. Je vous invite à écouter notre échange jusqu'au bout, car Christel y partage son expérience personnelle, son engagement concret et surtout ses précieux conseils à destination des jeunes femmes qui démarrent leur carrière dans l'immobilier ou pas, d'ailleurs. Rejoignez-nous sur LinkedIn pour nous partager vos avis. Je vous laisse toutes les informations nécessaires dans les notes de l'épisode. En attendant, je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Christel.

  • Christel

    Bonjour Salomé.

  • Salomé

    Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Il s'agit du passage de flambeau de Magali Marton. Je suis ravie de te recevoir sur le podcast.

  • Christel

    Ravie également, c'est une première pour moi et très flattée que Magali ait pensé à moi.

  • Salomé

    Alors, pour commencer, ma petite question rituelle, c'est est-ce que tu peux te présenter et me parler de ton parcours, s'il te plaît ?

  • Christel

    Alors, c'est une question très compliquée. Moi, j'ai un parcours où j'ai... beaucoup, beaucoup changé. Mon père trouve que j'ai trop changé d'ailleurs. Donc moi, j'ai commencé ma vie professionnelle en 2001, année un peu particulière dans le monde, avec les événements du 11 septembre qu'on connaît. À l'époque, j'avais démarré ne sachant pas trop quoi faire après une école de commerce, j'avais démarré dans le conseil aux entreprises en difficulté, chez un big five à l'époque, qui ne sont plus que quatre maintenant. Et le hasard a fait qu'au bout de quelques années, je me suis retrouvée à faire de l'immobilier alors que je ne voulais surtout pas en faire. Je ne voulais surtout pas travailler avec l'associé en charge de l'immobilier. Et puis finalement, ça fait plus de 20 ans que je travaille dans l'immobilier. J'ai travaillé 7 ans et demi avec cette personne, pas uniquement chez Price, puisqu'après je l'ai rejoint chez GE, qui était alors un énorme investisseur institutionnel. La filiale de General Electric, qui à l'époque avait énormément d'immobilier. En France, on achetait et on vendait quasiment un milliard d'euros par an. Et puis la crise de 2009 est passée par là. Et donc j'ai quitté GE d'abord pour quelques mois chez un investisseur pour compte de tiers hollandais, mais qui n'avait pas de réelle vélévité d'être présent en France. Donc assez vite, j'en suis partie pour rejoindre l'univers du commerce et de la promotion, puisque j'ai rejoint la compagnie de Falsbourg de Philippe Journeau, avec qui j'ai travaillé pendant trois ans et trois jours. C'est très important, chez lui, chaque jour compte. Ensuite, j'en suis partie pour retourner dans le monde des bureaux, puisque j'ai rejoint Altarea Cogedim dans le fonds Altafund, qui est un fonds qui était surtout value-add et qui avait la vertu de faire travailler aussi la partie promotion d'Altarea Cogedim. On a fait des sujets absolument passionnants parce que c'était une période de marché hyper favorable à ce type de modèle. Et j'ai quitté ensuite Altarea Cogedim pour prendre la tête du bureau parisien de Nuveen, qui est un asset manager anglo-saxon pour compte de tiers qui, à l'époque, s'appelait TH Real Estate, qui a quand même changé de nom quatre fois en quatre ans. Donc aujourd'hui, on le connaît sous le nom de Nuveen. Et puis, j'ai quitté Nuveen pour prendre la direction générale de la Société de la Tour Eiffel fin 2021.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Où je suis donc depuis un peu plus de trois ans et demi.

  • Salomé

    Dans tes précédentes prises de parole, je t'ai déjà entendu dire que ce n'était pas toi qui avais trouvé l'immobilier, c'était l'immobilier qui t'avait trouvé. Comment est-ce que tu en es arrivée à faire cette bascule de la finance chez Price à l'immobilier ensuite ?

  • Christel

    Alors, je ne me souvenais pas avoir dit ça, mais je l'ai sûrement dit. En fait, moi, je ne voulais vraiment pas travailler dans l'immobilier parce que pour moi, c'était de la pierre, ce n'était pas très vivant, c'était assez minéral dans le concept. Et puis, il se trouve qu'en plus, j'avais un camarade de promotion qui était parti chez Unibail. Je me suis dit, c'était le début d'Unibail, "Qu'est-ce qu'il va faire dans une agence immobilière ?" Enfin, je n'avais vraiment rien compris. Et c'est vrai que quand je travaillais dans le monde des entreprises en difficulté, c'était un monde très particulier. C'est un monde où fréquentent les tribunaux de commerce, les mandataires judiciaires. C'est souvent des contextes humains compliqués. Et finalement, il se trouve qu'à l'époque, l'immobilier commençait sa financiarisation, mais c'était vraiment le début. Et donc, dans les grands cabinets anglo-saxons comme Price, EY, Arthur Anderson et autres, il n'y avait pas forcément de secteur immobilier très, très structuré. Et souvent, l'immobilier était au sein des départements de ce qu'on appelait recovery, donc de conseil aux entreprises en difficulté, parce que c'était un moyen pour les entreprises industrielles qui avaient des problèmes de trésorerie, de très rapidement, en vendant le siège parisien, en vendant l'usine, de récupérer du cash. Et donc, c'est pour ça qu'il y avait une petite cellule d'immobilier chez Price au sein du département recovery. Mais pour moi, j'étais venue là pour faire du recovery et pas de l'immobilier. Et puis, au bout de 2-3 ans, le hasard a fait que... Enfin, c'est toujours le hasard, mais on était au mois d'août. À l'époque, je prenais mes vacances en juillet. Évidemment, en août, il n'y avait personne. Il y a une mission d'immobilier qui est tombée. Et donc, il n'y avait que moi. Je me suis retrouvée à travailler sur cette mission qui était en plus une mission de cession de 20 ensembles immobiliers de logements sociaux en région parisienne, donc ce n'est pas l'immobilier le plus glamour en plus. Je ne voulais vraiment pas y aller, mais il n'y avait pas le choix. Donc j'y suis allée. Et puis finalement, je sortais quand même de deux, trois ans dans le monde des entreprises en difficulté, où humainement, c'est quand même difficile. Assez vite, je devais annoncer à des gens qu'ils ne seraient pas payés à la fin du mois, qu'ils allaient perdre leur emploi, que ça allait être très compliqué avec des situations. On a 23 ans, 24 ans, et puis il y a des gens en larmes devant vous parce que d'un coup, ils ont l'impression que le sol s'écroule sous leurs pieds. Et je me suis dit, finalement, l'immobilier, il n'y a pas d'humain, c'est peut-être pas mal. Ça va peut-être me reposer émotionnellement et puis je vais peut-être mieux vivre les choses. Et puis donc, cette première mission s'est très bien passée. Ça a très bien fité avec l'associé en charge. Et puis voilà, on a fait sept ans et demi ensemble derrière. Et plus de 20 ans d'immobilier depuis, parce que finalement derrière l'immobilier, derrière ce côté minéral dont j'avais l'image, il y a quand même beaucoup d'humain. Et cette appétence pour l'humain, qui est quelque chose que j'aime, je peux quand même en faire dans un contexte d'immobilier. Donc finalement, j'y ai trouvé quelque chose qui me convient et qui me correspond.

  • Salomé

    Comment tu es arrivée au sein de la société de la Tour Eiffel ?

  • Christel

    Une chasse classique. Le conseil d'administration avait fait des choix concernant la direction générale précédente et donc a lancé une chasse pour trouver un nouveau directeur général, a mandaté un cabinet de chasseurs de tête pour ça. Et après quelques rounds d'entretien, dont un dernier devant 80% de mon conseil d'administration de l'époque, donc quand même une grosse dizaine de personnes, ils ont finalement porté leur choix sur moi et c'est comme ça que je suis arrivée à la société de la Tour Eiffel.

  • Salomé

    D'accord. Est-ce que tu peux me présenter la société de la Tour Eiffel, s'il te plaît, quelle est sa mission et son ADN ?

  • Christel

    Alors, la société de la tour Eiffel, c'est une très vieille dame, puisque pour la petite histoire, elle a été fondée par Gustave Eiffel pour la construction de la tour Eiffel, donc en 1889. À l'époque, Gustave Eiffel a dû faire appel à des financements bancaires externes, puisqu'on lui avait, en gros, suite à ces différents scandales dans la presse, on lui avait dit « Ok, t'as le droit d'avoir un terrain au Champ de Mars pour l'exposition universelle, en revanche, tu finances ta tour tout seul, si tu veux vraiment la faire. » Et donc, il avait trouvé des financements bancaires qu'il devait rembourser. Donc il avait négocié en échange du fait qu'il allait faire la tour pour pouvoir rembourser ses intérêts, d'avoir le droit de faire payer les entrées et donc d'avoir une concession pendant à l'origine je ne sais plus si c'était 20 ou 30 ans pour exploiter la tour et que les recettes des touristes ou des personnes qui montent dans la tour lui permettent de rembourser son emprunt. La tour avait d'ailleurs vocation à être démolie à l'époque. Et puis le temps passant, il a réussi à renégocier que ses concessions soient renouvelées, lui, puis ses descendants évidemment à la faveur notamment des différentes guerres lors desquelles la Tour a servi à la fois pour les ondes radio et puis pour des tests sur tout ce qui était prise au vent. Enfin voilà, je passe les détails. Et puis en 1979, Jacques Chirac, qui était à l'époque maire de Paris, a trouvé que c'était pas normal que la Tour soit détenue par une société privée. Et donc il a décidé que la concession qui venait à échéance en 1979 serait la dernière. Et la ville a repris la propriété et l'exploitation de la Tour. À l'époque, cette exploitation était gérée au sein d'une entité juridique qui a été cotée, qui a donc été mise en sommeil. Et ensuite, dans les années 2000, est apparu le fameux statut SIC, statut fiscal qui permettait d'être exonéré d'impôts à la fois sur les loyers et sur les plus-values de cession, à condition de plein de choses, mais notamment d'être détenu via une société cotée. Et donc, beaucoup d'investisseurs se sont mis en quête d'une structure déjà cotée, ce qui est plus rapide que de créer une structure et ensuite de la coter en bourse. Et donc, deux Anglais, ce qui est quand même... Ce qui est quand même drôle quand on y pense, ont acheté la structure juridique Société de la Tour Eiffel parce qu'elle était cotée. Et ils y ont mis leur immobilier et c'est comme ça qu'elle a vécu cette nouvelle vie de foncière cotée. Ce qu'elle est aujourd'hui. Elle détient aujourd'hui à peu près 1,6-1,7 milliards d'euros de patrimoine. Alors essentiellement en bureaux. Mais un de nos axes de stratégie c'est de transformer ce patrimoine en le rendant un peu plus diversifié vers l'activité, vers le résidentiel géré, vers du commerce et plus généralement vers de la mixité d'usages. Et puis ce patrimoine est aussi essentiellement francilien, même si on a toujours eu beaucoup de patrimoine en région. Et l'idée, c'est aussi d'accentuer cette part d'immobilier en région, puisqu'on est présent aujourd'hui à Lille, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Bordeaux et à Toulouse. Et que l'idée, c'est de continuer à être présent dans ces grandes métropoles.

  • Salomé

    C'est hyper chouette, je ne connaissais pas du tout l'histoire.

  • Christel

    Oui, alors pour l'anecdote, on reçoit beaucoup, beaucoup de courriers qui sont en fait adressés à la société d'exploitation de la tour. Donc je passe les demandes de lots pour les kermesses, mais on a aussi des choses beaucoup plus drôles qui nous arrivent. Voilà, moi j'ai été appelée par Jack Lang, par exemple, qui voulait utiliser la tour Eiffel pour fêter les 40 ans de la fête de la musique. Et quand je lui ai dit que malheureusement je ne pouvais rien faire pour lui, il m'a demandé si on avait volé le nom. Je lui ai dit que pas du tout. Je lui ai raconté l'histoire, mais je n'ai pas été invitée aux 40 ans de la fête de la musique, malheureusement.

  • Salomé

    C'est quand même la petite histoire qui percute la grande.

  • Christel

    Oui, tout à fait. L'avantage, c'est qu'on a un très beau nom, et puis tout le monde retient. Après, c'est vrai qu'il y a quand même beaucoup, beaucoup de confusion. On vit avec, et puis on transmet à nos amis de la Société d'exploitation de la Tour Eiffel, qu'on connaît par ailleurs grâce aux descendants de Gustave Eiffel, qui sont, pour au moins l'un d'entre eux en tout cas, au conseil d'administration de notre fondation.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Parce qu'on a une fondation de la Société de la Tour Eiffel qui a pour vocation d'aider les étudiants en école d'architecture ou d'ingénieur en donnant des bourses à l'issue d'un concours qui a lieu tous les 2-3 ans. Et comme une des descendantes fait partie de ce conseil d'administration et qu'elle est également en relation avec les gens qui gèrent la Tour Eiffel, la relation a été faite et donc on a nos adresses respectives et on peut se transférer les courriers et autres messages qui ne sont pas adressés à la bonne entité.

  • Salomé

    C'est rigolo. Pour ceux qui sont pas familier avec le concept, c'est quoi une foncière ?

  • Christel

    Alors une foncière, c'est un investisseur institutionnel long terme, donc qui a vocation à détenir son patrimoine sur de très nombreuses années. Donc c'est évidemment un patrimoine sur lequel on peut être amené à arbitrer et à faire des sessions, mais c'est pas la vocation première. La vocation première, c'est vraiment de gérer un patrimoine en bon père de famille et de se projeter sur des durées au-delà de 10-15 ans.

  • Salomé

    D'accord. C'est quoi la différence entre une foncière cotée et une foncière non cotée ? Vous êtes cotés ?

  • Christel

    Nous, on est coté. Alors, on est coté tout simplement quand on a une cotation en bourse et donc quand on a des actionnaires personnes physiques qui détiennent des titres de la société. Jusqu'à il y a peu, on avait à peu près 20% de flottants, c'est-à-dire 20% de notre capital qui était détenu par des minoritaires, personnes physiques ou petites institutionnelles via la bourse. Depuis notre augmentation de capital, on est plutôt à 2-3%. Mais à partir du moment où on a une partie de son capital qui a une cotation en bourse, c'est-à-dire où il y a des échanges entre des acquéreurs et des vendeurs d'actions de titres, on est coté en bourse.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Et ça implique d'être régi par l'AMF, d'avoir un certain nombre d'instances qui doivent se réunir à rythme régulier. On doit respecter un certain formalisme. On doit aussi une certaine transparence au marché. Donc on doit divulguer au marché toutes les informations susceptibles d'avoir une influence sur le cours de bourse qui varie tous les jours en fonction des achats et des reventes de titres. Donc ça implique un certain nombre de choses que moi je trouve assez positives, notamment la transparence parce que je trouve que ça permet une certaine rigueur et puis un certain réflexe aussi de la part de tous ceux qui travaillent pour l'entreprise. Mais ça implique aussi un certain nombre de contraintes, notamment de formalisme qu'il faut avoir en tête et qu'il faut respecter.

  • Salomé

    C'est justement la question que j'allais te poser de ça. Est-ce que ça implique dans la gestion ou dans la stratégie ?

  • Christel

    Dans la stratégie en tant que telle, ça n'est pas une contrainte. Certaines boîtes cotées le font peut-être, mais on définit une stratégie pour le bien de l'entreprise. Et in fine, l'entreprise, son rôle, c'est d'être rentable. Sinon, c'est l'association, mais c'est d'être rentable et de rendre aux actionnaires un certain niveau de retour sur investissement qu'on espère le meilleur possible. Et en général, on définit cette stratégie de sorte que cette rentabilité soit la meilleure possible, même si on sait que dans certains métiers, dont l'immobilier, ça peut être du temps long et donc ce n'est pas forcément une rentabilité immédiate. Mais le fait d'être coté impose d'avoir des instances, un conseil d'administration qui répond à un certain nombre de règles, dont celui d'avoir 40% de femmes minimum, de publier des résultats au moins deux fois par an. D'avoir des experts qui réévaluent notre patrimoine de manière régulière. Pour certaines entreprises, c'est par trimestre, pour d'autres, c'est par semestre. Je parle pour les sociétés immobilières, évidemment. Ça implique d'avoir un comité d'audit, d'avoir un comité des rémunérations, de répondre à un certain nombre d'engagements et de contraintes. Mais encore une fois, ça a aussi la vertu d'imposer une certaine discipline et puis une certaine transparence sur tout ce que fait l'entreprise et tout ce qu'on doit reporter à nos actionnaires.

  • Salomé

    D'accord. Donc sur la question, est-ce que la cotation est un accélérateur ou une contrainte ou un peu les deux ?

  • Christel

    Je dirais un peu les deux. Après, certains vont vivre ça comme une contrainte parce qu'ils préfèreraient vivre tout dans leur coin et puis dire aux actionnaires, t'inquiète, ça va bien se passer. Moi, je trouve que cette contrainte, elle est plus, encore une fois, de l'ordre du formel, mais elle implique d'autres choses qui sont pour moi plutôt vertueuses.

  • Salomé

    D'accord. Alors, une petite question sur le marché. Donc aujourd'hui, on en parlait hors micro juste avant, le marché de l'immobilier et notamment le marché de l'immobilier tertiaire vit une période un peu mouvementée.

  • Christel

    On peut dire ça.

  • Salomé

    Quels sont aujourd'hui les indicateurs que toi tu suis ?

  • Christel

    Alors nous, les indicateurs qu'on va suivre, ça va être le TO, donc le taux d'occupation, qui chez nous est un gros axe de développement. Il y a un gros axe sur lequel on travaille énormément. On a un patrimoine qui date plutôt des années 60-70 pour certains des bâtiments. Et un patrimoine surtout qui est beaucoup en seconde couronne parisienne. Donc une classe au sein du secteur bureau, c'est probablement la partie qui souffre le plus. Donc on a un gros sujet là-dessus évidemment, sur lequel on travaille énormément, soit en transformation, soit en commercialisation très active. Tu peux me rappeler la question ? Pardon.

  • Salomé

    Sur les indicateurs que vous suivez.

  • Christel

    Un autre indicateur qu'on va suivre et qui est lié notamment à cet âge de notre patrimoine, ça va être le pourcentage de CAPEX, donc de travaux de maintenance. Pas de travaux qui créent de la valeur type transformation, mais vraiment les CAPEX de maintenance. Ça, c'est un autre indicateur. Nous, on est autour de 1% de la valeur de notre patrimoine, là où nos pairs sont plutôt 0,5-0,7%. Donc, c'est un peu élevé, ça s'explique. Mais c'est aussi pour ça qu'on est en train de... qu'on entame depuis trois ans. Un gros travail de repositionnement de notre patrimoine et que parmi les axes de réflexion qui nous amènent à céder des actifs, il y a ce sujet de l'obsolescence et du montant des capex à injecter. Typiquement, on a cédé un immeuble assez récemment, il y a un an. Les capex à injecter, c'était quasiment 40% de la valeur de l'actif. On préfère le céder plutôt que de mettre cet argent à cet endroit-là. Donc ça, c'est un second indicateur qu'on regarde. Et après, il y a les grands ratios financiers aussi que regardent toutes les foncières, mais notamment les foncières cotées, qui sont les ratios LTV-ICR. Donc LTV, ça veut dire Loan-to-Value, et c'est le rapport entre la dette et la valeur du patrimoine. Donc l'idée, c'est que... Alors c'est souvent des ratios sur lesquels les banques nous imposent un certain niveau d'endettement. Au-delà de 50%, on franchit un peu la ligne rouge. Donc nous, on est maintenant 13 ans de ça grâce à notre augmentation de capital récente. Et puis ICR, ça veut dire Interest Coverage Ratio, c'est la capacité à couvrir les frais financiers avec les loyers nets de toutes les charges qu'on a. Parfois, quand c'est calculé au projet, c'est juste sur les loyers. Quand c'est au niveau corporate comme nous, ça prend en compte aussi toutes les charges de l'entreprise. Et donc là, en général, il faut qu'on puisse couvrir au moins deux fois les frais financiers.

  • Salomé

    D'accord. Une autre question que moi je voulais te poser sur les indicateurs, qui est plutôt une question sur les indicateurs vraiment très généraux de santé du marché, de l'immobilier, c'est est-ce que vous regardez, vous suivez tout ce qui est les taux d'inflation ? Je suppose que oui ? Les taux d'intérêt, Bien sûr. Je t'ai entendu dire aussi il n'y a pas si longtemps qu'effectivement les taux d'intérêt étaient en baisse, mais que l'OAT, lui, remontait. Est-ce que tu peux expliquer un peu ce que ça veut dire ? L'OAT, je pense que ça ne parle pas à tout le monde. Donc voilà, expliquez ce que c'est et ce qu'ils nous disent de la santé du marché.

  • Christel

    Alors en fait, l'immobilier, il est extrêmement corrélé au taux de la BCE notamment et à l'OAT. Pourquoi ? Parce que les investisseurs, ils ont le choix entre investir, si on prend l'OAT, 10 ans, qui est un peu le...

  • Salomé

    Donc ça, c'est obligation assimilable au trésor, c'est ça ?

  • Christel

    Voilà, sur 10 ans, qui est un peu la référence parce que l'immobilier, comme c'est du temps long, on est plutôt sur du 10 ans en termes comparables. Aujourd'hui, il est autour de 3,30 la dernière fois que j'avais regardé. Les investisseurs vont se dire, j'ai le choix entre investir sans risque et avoir un rendement de 3,3% ou j'ai le choix de prendre du risque en investissant dans une classe d'actifs, quelle qu'elle soit, en l'occurrence l'immobilier. Il faut que j'ai une prime de risque qui rémunère, c'est-à-dire qu'il faut que j'ai un rendement qui soit au-delà des 3,3%. Sinon, ça n'a aucun intérêt, autant ne pas prendre de risque. Et donc, il y a en permanence ce qu'on appelle le spread, qui est la différence entre l'OAT et le taux auquel on va acheter l'actif en l'occurrence, l'immobilier, il faut que le spread soit suffisant pour se dire « Ok, j'ai pris du risque, mais parce que je sais que je vais avoir une rémunération plus forte en face. » Et donc, on est corrélé de cette manière-là. Mais on est aussi corrélé au taux et notamment au taux des financements. Donc là, on est plutôt sur le rebord. Parce que l'immobilier, comme beaucoup de classes d'actifs, c'est vrai aussi en private equity et dans d'autres instruments financiers, on va chercher à avoir du levier, donc à mettre des financements bancaires pour augmenter cette rentabilité. Et il faut que le financement, en général, en immobilier, quand on est très core, donc très sans risque, on va le mettre autour de 30-35% de la valeur de l'immeuble. Et puis, quand on a envie de prendre un peu plus de risque, on va monter. Alors, depuis la crise de 2009, on monte rarement au-delà de 70%, en tout cas pour les institutionnels. Mais comme on met en place cet effet de levier, on va être aussi, du coup, hyper impacté par une évolution de le rebord. Et nous, c'est ce qui nous a amené, par exemple, à faire notre augmentation de capital, c'est que le rebord est passé de moins quelque chose ou zéro à 2, 2,5. Et donc, notre coût de financement, il a beaucoup augmenté. Donc, on se retrouve avec des charges financières qui ont doublé, triplé, quadruplé, selon les cas. Et à côté de ça, des loyers qui, eux, n'ont ni doublé, ni triplé, ni quadruplé. Et donc, à un moment, un effet ciseau qui fait que ça ne marche plus. Parce que d'un côté, on a trop de charges, on n'a plus de produits pour répondre à nos ratios bancaires que les banques nous imposent. C'est là où on a quand même énormément d'impact, à la fois parce qu'on se retrouve à être financé par des banques qui nous répercutent les évolutions du rebord, ce qui est normal, et à la fois par des investisseurs qui n'ont plus envie de mettre dans l'immobilier puisque l'OAT leur offre sans risque un rendement qui est somme toute relativement similaire. Ou alors, ils vont dire « Ok, mais moi, ce que j'achetais à 3% avant, quand l'OAT était à 1 ou 2, là, je vais l'acheter à 4, 5, 6%. » Et donc tous nos modèles où on disait « j'ai perçu avoir du loyer et puis je vais revendre » quand on était dans Paris à 3% de taux de capitalisation. Donc le taux de capitalisation, c'est le pourcentage par lequel on divise le montant du loyer pour avoir la valeur de l'immeuble. Aujourd'hui, ils nous disent 4, 5, 6. Dans certaines localisations, on est même à 10 ou 12%. Et donc là où on pensait gagner beaucoup d'argent, finalement on en gagne peu, voire on en perd. Et donc le modèle doit être un peu appréhendé différemment. Aujourd'hui et je pense que c'est vraiment ça qui cristallise la crise du bureau aujourd'hui, c'est cet effet de taux qui a été en plus très brutal, c'est-à-dire que les taux ont augmenté de façon hyper importante en très très peu de temps donc on savait tous que ça allait arriver un jour on était tous avec la méthode Coué à se dire depuis 10-12 ans c'est génial l'argent est gratuit mais bon on savait qu'un jour ça s'arrêterait, sauf que ça s'est arrêté très brutalement et donc voilà il faut se réinventer, il faut retravailler nos modèles. Et puis surtout, il faut se poser la question aujourd'hui, est-ce que, alors nous les foncières cotées, on n'a pas vocation à vendre beaucoup, donc c'est peut-être plus facile aussi de se poser ce type de questions, mais est-ce qu'au lieu de vendre, on ne va pas garder plus longtemps ? Quand on a des locataires, finalement, ce n'est pas plus mal de prendre du loyer et puis d'attendre de voir ce qui va se passer en se disant qu'un jour, ça ira mieux. Enfin voilà, c'est tous les arbitrages auxquels on est confrontés aujourd'hui et ça rend la période passionnante, mais malgré tout relativement stressante.

  • Salomé

    Justement, en parlant du bureau, j'aurais aimé qu'on parle un petit peu de transformation des usages, d'une stratégie qui fait partie de votre feuille de route, la stratégie diversification. Quand on parle de transformation des usages, on parle surtout de télétravail, d'hybridation, des nouveaux services. Comment est-ce que vous, vous y répondez ?

  • Christel

    Alors nous, on l'a pris de plein fouet, comme beaucoup en 2020, au moment du Covid. On a vu surtout nos locataires qui nous sollicitaient pour nous rendre des surfaces. Quand on a un taux de cultivation qui est un vrai enjeu, il n'est vraiment pas simple. Après, on s'est adapté. Je pense qu'aujourd'hui, nos locataires sont arrivés un peu à un point d'équilibre. C'est-à-dire qu'ils ont quand même passé 2-3 ans à se poser énormément de questions. Est-ce que je rends des surfaces ? Est-ce que j'en reprends ? Est-ce que j'ai le bon format de bureau par rapport à des équipes qui sont X jours en télétravail ? Ils se sont posé beaucoup de questions et nous, on a essayé de suivre, mais c'était parfois un peu compliqué. Aujourd'hui, je pense qu'on a nos locataires, en tout cas dans notre portefeuille, qui sont relativement au clair sur ce qu'ils souhaitent et sur les besoins qui sont les leurs. Donc ça, c'est déjà un élément un peu plus stable dans les discussions. Après, entre-temps, le rapport de force entre les bailleurs et les preneurs, c'est quand même pas mal déséquilibré. Il était peut-être trop en faveur des bailleurs. Aujourd'hui, il est beaucoup en faveur des preneurs. Donc voilà, il faut aussi s'adapter à ces demandes-là. Il y avait évidemment tous les sujets des services qui restent extrêmement prégnants. Il y a tout un tas d'adaptations des immeubles de bureaux qu'il a fallu mettre en place. Et puis après, il y a la problématique, et nous je pense qu'on a une petite demi-douzaine de sujets qui sont concernés par cette difficulté. C'est la problématique des bureaux qui n'ont plus vocation à être du bureau et qui sont dans des localisations, où on ne peut pas compter sur le fait que ces immeubles redeviennent du bureau un jour ou soient réutilisés en tant que bureau. Donc là, il y a tout un travail de réflexion qui est mené, d'abord nous avec nous-mêmes, et puis il y a nous avec les pouvoirs publics et les élus notamment, pour savoir ce qu'on fait de ces immeubles et pour savoir si on peut les transformer en autre chose. Alors évidemment, le premier réflexe, c'est "on va faire du logement". Parce que voilà, on sait tous qu'il y a un sujet de manque de logement en France, que c'est un vrai besoin. Et puis, on est souvent dans des localisations où le prix du mètre carré bureau et le prix du mètre carré de logement sont soit comparables, soit le logement vaut plus cher que le bureau. Donc économiquement, ça fait beaucoup de sens. Et puis après, il faut aller parler aux élus et c'est là que ça devient un peu compliqué. D'abord parce qu'eux ont une vision beaucoup plus macro que nous. Nous, on raisonne uniquement à notre localisation, souvent on en a qu'un peut-être deux ou trois mais voilà on a n'a pas le maillage total de la commune. Et puis aussi parce que eux ont leurs propres enjeux, leurs propres timings, et c'est pas forcément le même que le nôtre. Donc voilà, ces discussions ne sont pas simples, mais effectivement, il y a beaucoup de sites sur lesquels on se dit que ça ferait du sens d'avoir d'autres usages. Moi, je ne suis pas une grande acharnée du 100% logement. C'est-à-dire qu'en tout cas, sur les sites qui nous concernent, je pense que la solution n'est pas uniquement par le logement. Je crois beaucoup en la mixité des usages et je crois beaucoup au fait qu'il faut repenser les choses de façon beaucoup plus multidestination. Et c'est ce qu'on a commencé à faire. On a un projet, par exemple, qui a été livré à Lyon où on avait historiquement 15 000 m² de bureaux et aujourd'hui, on a 5 000 m² de logements en résidentiel géré, 5 000 m² de bureaux et 5 000 m² de résidentiels étudiants, alors qu'il y a du social qui a été cédé à l'agglo, mais il y a eu un parcours paysager qui remplace un grand parking. Ssi je précise c'est hyper important et donc je pense qu'avec un projet comme ça on est exactement dans dans la mixité et dans ce qui est probablement le mieux à faire pour pour ces sites là après encore une fois voilà c'est une discussion qu'il faut avoir avec les pouvoirs publics et c'est pas simple parce que eux mêmes ont des sujets financiers hyper important et donc c'est vrai que ça peut être confortable pour eux de continuer à percevoir la taxe aménagement, la taxe bureau, la taxe parking, quand bien même l'immeuble est vide, pour eux c'est pareil. Alors que le jour où il y a des occupants autres, les revenus ne sont pas tout à fait les mêmes. Donc c'est beaucoup plus complexe.

  • Salomé

    Justement, aujourd'hui un quart de votre portefeuille est en région. Oui. L'objectif, tu me l'as dit quand on a préparé l'interview, c'est de passer à un tiers. Pourquoi ce virage régional ?

  • Christel

    Alors déjà parce qu'à partir du moment où on sort du tout bureau... le champ d'action et le terrain de jeu est beaucoup plus large, donc on se dit qu'on peut aller partout en France. Ensuite, parce qu'on a ce maillage territorial de portefeuilles depuis quand même très longtemps, même si en valeur ça représente moins, parce que les mètres carrés en région sont souvent moins valorisés que les mètres carrés en région parisienne, on a toujours eu historiquement beaucoup d'immeubles en région, et souvent des immeubles de plus petite taille. qui correspondent probablement à ce qu'on sait un peu mieux gérer dans les équipes. Et puis ce maillage territorial et cette présence dans les grandes métropoles qu'on a toujours eues fait que nos équipes connaissent bien les micro-localisations au sein de chaque métropole et que nous-mêmes sommes bien identifiés par les acteurs locaux. Donc ça permet quand même de capitaliser sur quelque chose qui existe déjà. Et puis force est de constater que la performance de notre patrimoine régional est bien meilleure que celle de notre patrimoine francilien puisque notre taux d'occupation, si je prends cet indicateur-là... Et entre 85 et 90% tous les ans, là où celui en Ile-de-France est plus faible. Donc voilà, c'est bien la preuve qu'on a un patrimoine probablement plus adapté et sur lequel on est nous-mêmes meilleurs. Donc voilà, ça fait partie des bonnes raisons pour lesquelles on se dit qu'il faut qu'on soit davantage présent en région. En revanche, on ne sera présent que dans ces métropoles dans lesquelles, encore une fois, on a cette présence et cette connaissance des marchés.

  • Salomé

    Pour toi, s'implanter en région, c'est plutôt un pari sur l'avenir ou un retour aux fondamentaux ?

  • Christel

    Les deux. C'est-à-dire que ça fait partie de notre ADN et c'est quelque chose sur lequel il faut continuer. Après, les régions ne feront probablement jamais 50% de notre patrimoine, mais pour moi, ça doit être une part importante de notre avenir.

  • Salomé

    Il y avait un autre sujet que je voulais évoquer avec toi. C'est un peu un pas de côté par rapport au sujet d'immobilier pur. Tu as parlé rapidement tout à l'heure d'un sujet de parité. Tu es présidente de l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier. Est-ce que tu peux m'expliquer en quoi ça consiste et quel est son rôle ?

  • Christel

    Alors, l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier, c'est un observatoire qui a été créé le 8 mars 2022, qui est en fait la suite logique d'un livre blanc qu'on a écrit avec d'autres femmes. On était toutes au sein d'une association qui s'appelle le Cercle des Femmes de l'Immobilier et pour lequel, à la faveur d'un changement de présidence, la nouvelle présidente qui était Stéphanie Bensimon à l'époque a voulu entendre un peu toutes les femmes et il y a eu quelques voix, dont la mienne, qui ont dit voilà ce serait bien quand même de faire quelque chose pour un peu promouvoir la parité dans les organisations de l'immobilier et elle nous a dit "bah écoutez, banco, allez-y." Et donc on est quelques-unes, on était cinq à avoir écrit un livre blanc. Livre blanc qu'on a écrit en étudiant énormément d'articles, d'études, de travaux de recherche sur les sujets de parité en général et dans l'immobilier également. Et à l'issue de ce livre blanc, on s'est dit qu'il fallait proposer quelque chose aux acteurs du secteur pour améliorer les choses. Et donc on a proposé de mettre en place une charte d'engagement pour laquelle les signataires prendraient à la fois quatre engagements obligatoires et puis à l'époque c'était six engagements sur une quinzaine complémentaires pour marquer leur souhait de faire avancer la parité dans l'immobilier. Et puis pour tout un tas de raisons, c'était complexe de faire vivre cette charte au sein du Cercle des femmes de l'immobilier, qui était là où finalement elle avait pris naissance. Et donc on a fait le choix de créer une association loi 1901 différente, dans laquelle nous avons un bureau, alors pas paritaire mais mixte. Donc avec également des hommes et c'était aussi un des enjeux qui a fait qu'on a souhaité créer cette association à part entière. Et notre travail depuis le 8 mars 2022, c'est d'inciter un maximum d'acteurs de l'immobilier à signer cette charte, à s'engager pour la faire vivre et pour la respecter. Et on publie tous les ans une étude avec un organisme indépendant qui est l'IEF et une sociologue qui va interroger tous nos signataires sur un certain nombre d'indicateurs qui sont peu ou prou les indicateurs de l'index EGA Pro et nous permettre de mesurer à quel point la parité évolue ou pas. Enfin, elle évolue, malheureusement pas toujours dans le bon sens, dans le secteur de l'immobilier. Aujourd'hui, on a 157 signataires. Donc, ça représente, on avait fait un calcul, aujourd'hui, on est à peu près entre 20 et 22 %. de l'ensemble des salariés de l'immobilier, sachant qu'on n'a pas complètement ouvert au monde de la construction, parce que sinon, ça fait vraiment beaucoup trop de monde. Et tous les ans, on publie cette étude et on choisit un axe plus spécifique pour interroger un peu plus en détail un certain nombre de signataires. On a quand même cette conviction que la parité est un vecteur de performance, et c'est une conviction très forte. On a également la conviction que la parité n'avancera qu'avec les hommes. L'idée, ce n'est pas du tout de s'opposer aux hommes, bien au contraire. D'ailleurs, si des hommes m'écoutent et ont envie de s'engager au sein du bureau, ils seront les bienvenus. Et on n'est pas là du tout pour faire du name and shame. C'est-à-dire que, on le redit à chaque signataire, vous signez une charte d'engagement, elle vous engage, vous, probablement vis-à-vis de vos collaborateurs, mais si demain vous ne respectez pas la charte, nous on ne va pas venir faire la police, on ne va pas venir vous embêter, c'est vous avec vous-même. Nous la seule « contrainte » qu'on impose, et encore il n'y a pas de sanction évidemment, c'est de répondre à notre questionnaire, ou au questionnaire en tout cas de l'IEIF, tous les ans pour qu'on puisse mesurer l'évolution de la parité. En fait on n'a pas d'autres exigences, et on part du principe que quand un dirigeant signe ce type de charte et en fait la publicité sur LinkedIn, auprès de ses collaborateurs, quelque part il est déjà engagé et donc charge à lui ou à elle de porter le sujet. Maintenant encore une fois on n'est pas là pour taper sur les doigts de ceux qui ne respectent pas le micro-engagement qu'ils ont pris on a pu voir que beaucoup de dirigeants prenaient le sujet très au sérieux et ça nous suffit pour nous dire qu'on a des gens engagés. Maintenant malheureusement ce qu'on constate quand même depuis que la crise est clairement installée c'est que pour certaines entreprises signataires c'est plus vraiment une priorité. Et c'est un peu dommage parce qu'encore une fois, moi, je reste convaincue que la parité, c'est un vecteur de performance. Alors, je sais que les mots sont interdits aux États-Unis, mais en France, pas encore. Donc, je vais les dire. Au-delà de la parité, je pense que la parité est un des verrous qui débloquent aussi la diversité en général et que quand on est ouvert à la parité, on est ouvert finalement à toutes sortes de sujets. Alors, nous, on ne va pas s'emparer d'autres sujets parce que ce n'est pas notre raison d'être. Mais on se rend compte que quand des entreprises s'ouvrent à la parité et ont leurs chakras ouverts, finalement, elles les ouvrent sur tout et que c'est bien pour la société au sens large.

  • Salomé

    D'accord. Je ne pensais pas, tu vois, que la parité avait reculé ces dernières années.

  • Christel

    Nous, dans les chiffres, malheureusement, c'est ce qu'on constate. Alors, pas forcément à l'échelle des entreprises en tant que nombre de salariés. On est toujours à peu près sur un 50-50. Évidemment, ça dépend des secteurs. Les promoteurs, les investisseurs, les conseils, ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres, mais globalement, c'est autant 50%. Mais là où on avait vu une amélioration dans les instances dirigeantes ou dans le middle management, ces chiffres reculent un peu. On ne parle pas de 10% de perte de femmes sur ces niveaux de responsabilité, mais ça recule. Alors que les premières années, on voyait une évolution favorable.

  • Salomé

    D'accord. Qu'est-ce qui a fait que c'est un combat qui te tient à cœur ? Est-ce que toi, tu as été victime ou témoin du plafond de verre ? Soit de ne pas pouvoir augmenter plus dans l'entreprise ou alors de la falaise de verre, au contraire, d'être mise devant un challenge devant lequel un homme ou une femme n'aurait pas réussi ou on préfère mettre une femme qui sera finalement le fusible avant de remettre quelqu'un ?

  • Christel

    Alors, je ne pense pas avoir été dans le cas que tu évoques, le cas du fusible. En revanche, alors des anecdotes de discrimination, j'en ai plein. Alors déjà, pour répondre au début de la question, moi, c'est né parce qu'il se trouve que j'ai un père d'origine italienne, assez misogyne, qui n'a eu que des filles, pas de chance. Et moi, ça me rendait folle. Ça me rendait folle de voir ma grand-mère se mettre en quatre et pas un mec autour de la table se lever pour l'aider. Ma mère, un peu pareil. Ma mère qui nous dit encore, "Les filles venez m'aider", pendant que nos chers maris sont très contents d'être en vacances. Voilà, tout ça, ça me rend dingue. Ce qui est bizarre, parce que ma soeur, ça ne la rend pas dingue, mais moi, ça me rend dingue. Donc voilà, je pense que c'est né en même temps que mon... Enfin voilà, l'endroit dans lequel je suis née, j'adore mon père et voilà. Mais bon, je pense qu'il y a un côté culturel. Donc je pense qu'il y a eu ça au départ. Et puis après, malgré tout, j'ai subi beaucoup, alors je ne sais pas, discrimination c'est peut-être un très grand mot, mais d'anecdotes qui m'ont bien rappelé que j'étais une femme dans le monde de l'immobilier. Mais après, je pense qu'il y a plein d'autres secteurs dans lesquels c'est vrai. Mais peut-être pour en citer quelques-unes. Quand j'ai annoncé que j'étais enceinte de mon premier enfant, je l'ai dit à mon associé, un homme, qui à l'époque d'ailleurs ne voulait pas embaucher de femme. Il avait dû faire preuve de ruse avec le manager qui voulait m'embaucher pour que je puisse intégrer l'équipe. J'ai annoncé que j'étais enceinte, ça faisait à peu près 4-5 ans que je travaillais avec lui. Il était hyper heureux, il m'a prise dans ses bras, il était hyper content. Donc je me suis dit ça y est, j'ai réussi un truc. Et puis à l'inverse, une autre associée qui était responsable d'un service plus large, qui elle-même avait trois enfants et qui m'a dit "Christel, vous êtes sûre que vous voulez le garder parce que quand même, ça ne nous arrange pas trop en termes de timing". Alors je l'ai regardé et je lui ai dit "Je suis venue vous l'annoncer en étant très heureuse".

  • Salomé

    Oui, c'est une belle nouvelle. C'était quand ?

  • Christel

    Ça date, c'était en 2005. Ça c'est une anecdote mais bon, le nombre de fois où on m'a dit, "Ah non, vous avez un enfant, vous allez en avoir un deuxième, donc c'est mieux que vous ne bougiez pas" ou bien, Des postes auxquels j'ai postulé, on m'a dit « Ah, on vous aurait bien prise, mais bon, avec des enfants en bas âge, vous comprenez, vous risquez d'être beaucoup absente, donc on ne va pas vous prendre. » Au final, j'ai été beaucoup moins absente que la plupart des hommes qui m'entouraient. Et puis un autre sujet qui est un sujet aussi majeur au-delà de la présence des femmes, c'est aussi tout ce qui est progression et notamment progression salariale. Une des contraintes dont on parlait pour les sociétés cotées, c'est que les salaires sont publics. Donc quand j'ai été chassée pour le poste où je suis aujourd'hui, le salaire de mon prédécesseur était public, donc je savais à combien il était. Donc c'était beaucoup plus facile. Mais dans mes postes précédents, où les salaires étaient évidemment confidentiels, je me suis rendue compte... qu'en tout cas quand je remplaçais quelqu'un que j'ai toujours remplacé des gens qui avaient à peu près mon âge, à peu près le même niveau d'études, à peu près le même niveau d'expérience et qui étaient des hommes et qui gagnaient 30% de plus et avait la voiture de fonction à laquelle évidemment je n'avais pas droit. Donc voilà, il y a aussi ce sujet de salaire et puis nous les femmes, on a quand même aussi cette tendance à être notre propre ennemi où "Ah bah non on m'a déjà donné ma chance, je ne vais quand même pas demander une augmentation en plus". Voilà, c'est quand même assez fréquent. Et je suis la première à être comme ça. Mais voilà, je pense que toutes les femmes qui évoluent dans des mondes relativement masculins ont été confrontées à ça. Et je ne parle pas des anecdotes où on nous demande de faire le café en réunion, ou bien où on est la seule femme. Ça nous arrive à toutes. On le remarque plus ou moins, d'ailleurs. Et j'ai noté que moi, il y avait des choses qui ne me choquaient pas il y a dix ans qui aujourd'hui me choqueraient. Donc c'est plutôt positif. Oui, c'est une bonne nouvelle que les biais se passent. Moi, j'ai deux garçons, donc j'essaye de les éduquer pour pas qu'ils reproduisent les erreurs. Alors après, je me souviens de mon fils aîné quand il avait 5-6 ans, qui avait passé trois semaines chez mes parents. Et quand il est revenu, il a regardé mon mari qui faisait la vaisselle. Il lui a dit "mais c'est pas toi qui fais la vaisselle. C'est que maman et la nounou. Les hommes, on fait pas la vaisselle". Je l'ai pris entre quatre yeux. Je lui ai expliqué les règles.

  • Salomé

    Tu vas voir comment ça va se passer.

  • Christel

    Mais je pense que c'est notre devoir à toutes, en tant que femmes en tout cas, d'éduquer nos enfants pour essayer que les mentalités changent, même si culturellement c'est quand même très ancré et même les femmes, on a des biais inconscients énormes. Ça prendra beaucoup de temps. Ça se fera encore une fois uniquement avec les hommes, pas contre les hommes, mais avec les hommes. Voilà, si on travaille tous ensemble pour faire en sorte que nos fils, nos filles aient les mêmes chances demain. On sera tous très heureux. Je ne sais pas si on sera encore là pour le voir, mais en tout cas, ce sera bien pour tout le monde. En revanche, ça reste un sujet qui passe un peu après, quand on est en période de crise. Et c'est bien dommage parce que, encore une fois, je suis assez convaincue, notamment dans l'immobilier. C'était le titre de notre livre blanc. On bâtit la ville de demain avec ceux qui l'habitent. Et ceux qui l'habitent, c'est tout le monde, en fait. C'est les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, les gens valides, les gens moins valides. Et donc, il faut évidemment qu'on travaille avec des profils hyper diversifiés si on veut s'assurer qu'on bâtit vraiment la ville de demain. Sinon, on va bâtir la ville dont rêve l'homme blanc de moins de 50 ans, si je caricature, et ce n'est pas forcément souhaitable pour le reste de la population qui ne fait pas partie de cette catégorie. Donc voilà, je pense qu'il faut qu'on travaille tous ensemble dans cette direction-là et qu'à un moment, le sujet du genre ne soit plus un sujet, en fait. Et qu'on attribue des postes et des salaires uniquement à des gens parce qu'ils le méritent ou parce qu'on sait qu'ils vont être performants dans ce poste-là.

  • Salomé

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme qui débute dans l'immobilier, justement ?

  • Christel

    Alors déjà, avant, je lui dirais de ne pas se mettre de barrière et de bien choisir les maths. Non, mais blague à part, je pense qu'un des sujets, c'est surtout de ne pas se mettre de limite. C'est-à-dire que malgré mon père d'origine italienne, il ne m'a jamais dit « ce n'est pas un truc pour toi parce que tu es une fille » . Je pense qu'il y en a qui ont dû vivre ça. Moi, j'ai eu la chance de ne pas vivre ça. Et donc, je n'ai jamais pensé que quelque chose m'était interdit. Même si j'ai toutes les croyances autolimitantes, de la plupart des femmes, celle-là, je ne l'ai pas eue. Même si je ne suis pas forcément quelqu'un qui va aller au-delà de ce qu'elle pense pouvoir faire. Si on me propose un poste demain, si je ne me sens pas capable, je n'irai pas. Là où un homme ne se posera même pas la question.

  • Salomé

    C'est la question que j'allais poser. Est-ce que le syndrome de l'imposteur, c'est un truc avec lequel tu as du dealer à un moment donné ? Non, pas forcément. Mais j'ai aussi eu la chance sans vraiment... Moi, je n'ai jamais eu de plan de carrière. J'ai toujours été fascinée par les gens qui disent « je vais faire ça, comme ça, ça va m'emmener là, et puis après là » . Moi, je n'ai jamais fait ça et j'en suis totalement incapable. j'ai essayé de jouer aux échecs, j'ai jamais retenu les règles. Donc voilà, c'est pas fait pour moi. En revanche, j'ai toujours été très curieuse et moi, mon mantra, ça a toujours été d'apprendre. Donc j'ai toujours bougé quand je considérais que j'apprenais plus ou que je risquais de ne plus apprendre assez vite et que donc j'allais m'encrouter dans quelque chose et quelque part me fermer des portes après. Parce que j'aurais pas appris assez. Et tant que j'apprends, je suis très heureuse. Bon, en étant payée, pareil que les hommes, évidemment, tant qu'à faire. Mais si je devais donner un conseil aux jeunes filles, c'est ne vous mettez pas de limites, ne vous dites pas que quelque chose n'est pas fait pour vous. Allez là où vous avez envie d'aller et puis ne vous dévalorisez pas. Même si c'est quelque chose que j'ai du mal à faire moi-même, ne vous dévalorisez pas. Et puis surtout, mais ça s'adresse à tout le monde, je suis quelqu'un qui reste convaincue que le travail paye et que quand on travaille beaucoup, ça finit toujours par fonctionner. Alors je suis peut-être un peu utopiste parce que je sais bien qu'il y a d'autres choses. Mais je reste convaincue que quand on est un gros bosseur, on finit par y arriver. Et donc, voilà. Ça me parle beaucoup. Ça résonne énormément. Et un dirigeant qui n'a pas encore signé la charte, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Christel

    Il faut signer. Il faut signer parce que ça montre une ouverture d'esprit, parce que c'est un engagement qu'on prend vis-à-vis de ses salariés, parce que c'est un vecteur. On a beaucoup parlé ces dernières années d'attractivité, d'attraction des talents, de rétention des talents. Et moi, je le vois aujourd'hui, j'ai des gens dans mes équipes qui m'ont dit « Je voulais partir, mais je reste parce que tu es une dirigeante et pas un dirigeant. » Ou parce qu'on voit dans les équipes qu'il y a une vraie ouverture d'esprit. Ça fait partie des sujets auxquels peut-être les plus jeunes, mais je l'espère les moins jeunes aussi, restent sensibles. Et donc, c'est une façon aussi, encore une fois, d'être là pour construire l'immobilier de demain avec tout le monde.

  • Salomé

    Alors, je te propose qu'on passe aux questions signatures du podcast. Tout d'abord, y a-t-il une maxime, un mantra, une phrase qui t'accompagne au quotidien ou qui t'inspire ?

  • Christel

    Pas vraiment, mais comme je le disais tout à l'heure, moi j'ai mon mantra personnel qui est de toujours apprendre. Je pense que c'est un peu ce qui fait que j'ai le parcours que j'ai, bien ou mal. Et puis aussi de ne pas se mettre de barrières, comme on le disait tout à l'heure, les femmes ont tendance à se mettre assez facilement des barrières. J'essaye de ne pas trop m'en mettre, même si le naturel revient souvent. Mais voilà, j'essaye de ne pas trop m'en mettre. Et puis, s'il y a un autre... Alors, c'est moins une maxime ou une citation, mais une autre chose que je dirais à une jeune femme, parce que je reviens à la question tout à l'heure, désolée, c'est aussi d'être bien entourée. C'est-à-dire que j'ai la chance d'avoir un mari qui m'a permis aussi de prendre les postes que j'ai pris et de faire mes choix. Encore heureux, on dirait. Mais en tout cas, de faire en sorte que je puisse le faire et d'avoir une approche un peu féministe des choses, à tel point que régulièrement, il me dit « Mais t'es sûre que je dois encore travailler ? » Parce que franchement... Voilà. Donc oui, oui, il doit travailler. Mais je pense qu'il faut être bien entouré et être entouré par un conjoint, des amis, un environnement familial qui nous pousse aussi à ne pas nous mettre ces barrières-là. Parce que finalement... Si on a des gens qui nous disent « Oh là là, mais t'as vu, le poste que t'as, c'est déjà très bien. Franchement, ne va pas chercher plus haut. » Alors que c'est ce qu'on a envie de faire. Si ce n'est pas ce qu'on a envie de faire, c'est OK. Mais si c'est ce qu'on a envie de faire, ce n'est pas le bon entourage. Donc voilà, il faut être bien entouré.

  • Salomé

    Oui, créer les conditions de la confiance en soi. Voilà. Quelle a été la chose la plus inattendue que tu aies faite dans ta carrière ? Un moment décisif ou un moment fort ? Oh là là, très très dur. Évidemment, je n'avais pas lu les questions avant, donc c'est très compliqué, probablement parce que j'aurais répondu si j'avais un peu réfléchi à la question, c'est pas bien. On héberge aujourd'hui des artistes dans un de nos sites, et c'est vrai que c'est une approche un peu différente de la vie. Voilà, donc moi j'aime beaucoup aller sur ce site qui s'appelle Push, alors ils quittent les lieux fin septembre, mais ça donne une autre perspective à l'immobilier, ça donne une autre façon de percevoir les immeubles, et c'est vrai que depuis le projet Morland de mon ancienne vie, où le promoteur qui est féru d'art avait fait en sorte de mettre des œuvres d'art un peu partout, je me rends compte que l'art est quelque chose qui permet vraiment d'approcher l'immobilier différemment. Et donc, c'est une démarche qu'on suit aujourd'hui. Alors, on n'a pas signé formellement la charte d'un immeuble, une œuvre, mais depuis que je suis là, je dis qu'on va le faire, donc on va le faire. Mais la démarche même de mettre de l'art au sein des bâtiments est quelque chose, je trouve, d'extrêmement vertueux et qui... pour reprendre l'expression de tout à l'heure, ouvre vraiment les chakras. Et donc, je trouve que c'est quelque chose auquel on ne s'attend pas quand on parle d'immobilier, de projet, de bâtiment. Mais c'est quelque chose qui est vraiment un plus pour vivre les immeubles et habiter les immeubles.

  • Christel

    Qui est-ce que tu aimerais entendre sur le podcast ?

  • Salomé

    Alors, là, j'ai eu le temps de réfléchir un peu. Moi, il y a deux personnes que ça me ferait plaisir d'entendre. Une première qui s'appelle Alexandra Chevalier, qui est quelqu'un que j'ai connue dans le cadre d'une association de professionnels de l'immobilier qui s'appelle le Cercle 30, qui est une femme, qui est une femme très engagée, très engagée aussi sur les sujets ESG, qui s'est beaucoup réinventée et qui aujourd'hui est entrepreneur puisqu'elle a lancé son fonds d'investissement. Et donc je trouve que ça serait intéressant, parce que tu me disais que tu aimerais bien avoir quelqu'un plutôt du monde de l'investissement. Donc je pense que d'avoir quelqu'un à la fois d'engagé sur les sujets RSE, de convaincus, entrepreneur après une carrière chez des institutionnels, qui a aussi été broker. Enfin, voilà, je pense que c'est une femme qui a un parcours hyper intéressant. Elle a aussi plein d'anecdotes sur les sujets de la discrimination vers les femmes au quotidien. Mais au-delà de ça, c'est une femme très intelligente et c'est une femme, je pense, qui a beaucoup de choses à raconter. Donc, voilà, je te dirais d'abord Alexandra Chevalier. Et puis, alors, j'ai pas forcément de nom, mais je pense que ce serait intéressant d'écouter une femme dans un EPA, dans un établissement public d'aménagement. Parce que c'est un acteur de la ville majeure. Les EPA sont souvent très importantes dans la façon dont on va pouvoir réinventer les immeubles, les quartiers, les espaces de vie. Souvent, ils sont incontournables. Ils ont parfois, en tout cas auprès des investisseurs ou des promoteurs, une image mitigée. Et donc, je pense qu'une femme au sein d'un EPA, ça peut être un profil intéressant pour avoir cette vision-là aussi de la fabrique de la ville. D'accord. Et ma dernière question, où est-ce qu'on peut te suivre ou te retrouver ?

  • Christel

    J'ai la chance d'être souvent invitée pour parler immobilier sur différentes conférences.

  • Salomé

    Récemment au Siati.

  • Christel

    Récemment. Je ne me leurre pas. Je sais que c'est souvent parce qu'on a besoin d'une femme dans les panels. Mais je prends ce rôle très volontiers parce que je reste convaincue que c'est bien qu'il y ait au moins une femme sur les panels. Et ça me déprime à chaque fois que je vois sur LinkedIn des panels 100% masculins. Aussi pour que les plus jeunes puissent se projeter, c'est toujours pareil, il y a aussi une question de visibilité et d'exemplarité. J'espère que je n'y raconte pas trop de bêtises d'ailleurs, mais voilà, sur différentes conférences et puis lors des prochains événements de la charte parité, évidemment. Et puis lors de nos événements sur les semestriels et les annuels, puisque encore une fois, ce sont des exercices et des passages obligés en tant que foncière cotée. Donc tous les six mois, on a un événement pour les analystes et les actionnaires. Donc voilà, ça peut être aussi, si ça intéresse de suivre la Société de la Tour Eiffel et nos actualités financières, c'est également un rendez-vous sur lequel je suis, évidemment.

  • Salomé

    Je te remercie beaucoup d'avoir répondu à toutes mes questions. C'était très chouette. Moi, j'ai passé un super bon moment. J'espère que l'expérience t'a plu.

  • Christel

    De même, merci beaucoup Salomé. Merci pour tes questions. Merci pour ta bienveillance. Et puis, merci pour cette idée de podcast où tu donnes la parole à... à des gens sur des sujets peut-être un peu moins corporate, mais pas moins intéressants.

  • Salomé

    Je suis ravie. Merci beaucoup.

  • Christel

    Merci.

  • Salomé

    Allez, c'est la fin de cet épisode. Je remercie encore une fois Christelle, qui a accepté de répondre à toutes mes questions et de partager son expérience avec authenticité et bienveillance. Je vous remercie mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. Si vous voulez me poser des questions, me faire vos retours ou me proposer de nouveaux invités, je vous attends sur LinkedIn. Enfin, je remercie chaleureusement Bouygues Construction, qui soutient le podcast et sans qui il n'existerait pas. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à me laisser des étoiles et des commentaires sur Spotify et Apple Podcast, ça m'aide beaucoup. On se retrouve dans 15 jours pour un nouvel épisode d'Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • 🧭 De la finance à l’immobilier : itinéraire d’une dirigeante engagée

    01:30

  • 🏛️ Présentation de la Société de la Tour Eiffel : une petite histoire dans la grande Histoire

    07:17

  • 🏢 Qu'est-ce qu'une foncière ? Et qu’est-ce que ça change d’être cotée ?

    11:36

  • 📉 Stratégie & contexte macro-économique : naviguer en pleine tempête

    15:27

  • 🔁 Transformations des usages : réinventer le bureau à l'heure de l'hybridation

    22:21

  • ⚖️ L’Observatoire de la charte de la parité dans l’immobilier : où en est-on ?

    29:15

  • 🎙️ Les questions signatures du podcast

    44:09

  • Conclusion

    50:22

Description

🏗️ Investissements, stratégies et parité : l’immobilier d’entreprise vu par Christel Zordan


Dans cet épisode d’Officieux, je reçois Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l’immobilier, Christel incarne la rigueur et l’engagement. Tout au long de notre conversation, elle m’a parlé de stratégie bien sûr, mais aussi de transformation des usages, de macroéconomie, de reconversion d’actifs, d’égalité professionnelle. Et elle a partagé son parcours, sans filtre.


💬 "..."


🔎 Au programme de cet épisode :


Un parcours guidé par des choix, plus que par des plans : Christel n'avait pas prévu de faire de l'immobilier, et encore moins d'y rester. Mais à chaque étape, elle a saisi ce qui lui ressemblait davantage. De PWC à la STE, elle raconte un chemin construit sans plan de carrière, mais avec lucidité, curiosité et l'envie d'apprendre.


La Société de la Tour Eiffel : une foncière pas comme les autres : Un héritage inattendu lié à Gustave Eiffel, Christel raconte l’origine de la structure, sa stratégie actuelle et les quiproquos étonnants autour de son nom.


Le fonctionnement d'une foncière cotée : Cotation, transparence, gouvernance, obligations réglementaires, impact stratégique... Elle nous explique ce que ça change, ce que ça impose et ce que ça apporte.


Naviguer dans un contexte économique mouvementé : Hausse des taux, inflation, crise du bureau, arbitrages patrimoniaux : Christel revient sur les indicateurs qu'elle suit au quotidien et partage comment elle et ses équipes s'adaptent dans une logique long terme.


L'impact réel des transformations d'usage : Le Covid et l'essor du télétravail ont modifié les attentes des utilisateurs. Comment réagir quand les immeubles ne trouvent plus preneur ? Transformation en logements, projets mixtes, réversibilité, Christel partage ses réflexions sur ces sujets.

Miser sur les régions : Avec des taux d'occupation plus élevé et des actifs plus adaptés, les régions deviennent un pilier de la stratégie de la STE, Christel explique pourquoi ce virage est à la fois un retour aux fondamentaux et un pari pour demain.


Parité dans l’immobilier : faire bouger les lignes, sans stigmatiser : À la tête de l’Observatoire de la Charte pour la parité, Christel décrit un secteur encore inégalitaire, surtout dans les postes dirigeants. Elle évoque les freins, les biais, ses anecdotes personnelles, parfois édifiantes et sa conviction : la parité n’est pas un combat contre, mais un projet avec.


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Transcription

  • Salomé

    Hello à tous, ici Salomé, j'ai 26 ans, je suis ingénieure en bâtiment et je suis surtout ravie de vous accueillir sur Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise. Je vous propose de changer votre regard sur cet univers en vous emmenant avec moi pour en découvrir les coulisses. Tous les 15 jours, je vais à la rencontre d'archis, de constructeurs, d'investisseurs pour leur poser toutes mes questions et discuter ensemble des tendances qui font bouger le marché. Dans cet épisode, j'ai le plaisir de recevoir Christel Zordan, directrice générale de la Société de la Tour Eiffel. Passée de la finance à l'immobilier, Christel incarne la rigueur et l'expertise avec beaucoup d'humilité et une vraie accessibilité. Notre échange a eu des allures de discussion autour d'un café avec autant de richesses, micro ouvert, qu'hors micro. Nous avons évoqué énormément de choses passionnantes : le rôle d'une foncière, le contexte macroéconomique dans lequel elle évolue aujourd'hui, les évolutions des usages du bureau, les enjeux d'un investisseur en ce moment. Mais je retiens particulièrement un sujet qui est un petit peu un pas de côté dans ce que vous avez l'habitude d'entendre ici, c'est celui de la parité dans l'immobilier. C'est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur et on aurait pu en discuter encore longtemps. Je vous invite à écouter notre échange jusqu'au bout, car Christel y partage son expérience personnelle, son engagement concret et surtout ses précieux conseils à destination des jeunes femmes qui démarrent leur carrière dans l'immobilier ou pas, d'ailleurs. Rejoignez-nous sur LinkedIn pour nous partager vos avis. Je vous laisse toutes les informations nécessaires dans les notes de l'épisode. En attendant, je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Christel.

  • Christel

    Bonjour Salomé.

  • Salomé

    Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation. Il s'agit du passage de flambeau de Magali Marton. Je suis ravie de te recevoir sur le podcast.

  • Christel

    Ravie également, c'est une première pour moi et très flattée que Magali ait pensé à moi.

  • Salomé

    Alors, pour commencer, ma petite question rituelle, c'est est-ce que tu peux te présenter et me parler de ton parcours, s'il te plaît ?

  • Christel

    Alors, c'est une question très compliquée. Moi, j'ai un parcours où j'ai... beaucoup, beaucoup changé. Mon père trouve que j'ai trop changé d'ailleurs. Donc moi, j'ai commencé ma vie professionnelle en 2001, année un peu particulière dans le monde, avec les événements du 11 septembre qu'on connaît. À l'époque, j'avais démarré ne sachant pas trop quoi faire après une école de commerce, j'avais démarré dans le conseil aux entreprises en difficulté, chez un big five à l'époque, qui ne sont plus que quatre maintenant. Et le hasard a fait qu'au bout de quelques années, je me suis retrouvée à faire de l'immobilier alors que je ne voulais surtout pas en faire. Je ne voulais surtout pas travailler avec l'associé en charge de l'immobilier. Et puis finalement, ça fait plus de 20 ans que je travaille dans l'immobilier. J'ai travaillé 7 ans et demi avec cette personne, pas uniquement chez Price, puisqu'après je l'ai rejoint chez GE, qui était alors un énorme investisseur institutionnel. La filiale de General Electric, qui à l'époque avait énormément d'immobilier. En France, on achetait et on vendait quasiment un milliard d'euros par an. Et puis la crise de 2009 est passée par là. Et donc j'ai quitté GE d'abord pour quelques mois chez un investisseur pour compte de tiers hollandais, mais qui n'avait pas de réelle vélévité d'être présent en France. Donc assez vite, j'en suis partie pour rejoindre l'univers du commerce et de la promotion, puisque j'ai rejoint la compagnie de Falsbourg de Philippe Journeau, avec qui j'ai travaillé pendant trois ans et trois jours. C'est très important, chez lui, chaque jour compte. Ensuite, j'en suis partie pour retourner dans le monde des bureaux, puisque j'ai rejoint Altarea Cogedim dans le fonds Altafund, qui est un fonds qui était surtout value-add et qui avait la vertu de faire travailler aussi la partie promotion d'Altarea Cogedim. On a fait des sujets absolument passionnants parce que c'était une période de marché hyper favorable à ce type de modèle. Et j'ai quitté ensuite Altarea Cogedim pour prendre la tête du bureau parisien de Nuveen, qui est un asset manager anglo-saxon pour compte de tiers qui, à l'époque, s'appelait TH Real Estate, qui a quand même changé de nom quatre fois en quatre ans. Donc aujourd'hui, on le connaît sous le nom de Nuveen. Et puis, j'ai quitté Nuveen pour prendre la direction générale de la Société de la Tour Eiffel fin 2021.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Où je suis donc depuis un peu plus de trois ans et demi.

  • Salomé

    Dans tes précédentes prises de parole, je t'ai déjà entendu dire que ce n'était pas toi qui avais trouvé l'immobilier, c'était l'immobilier qui t'avait trouvé. Comment est-ce que tu en es arrivée à faire cette bascule de la finance chez Price à l'immobilier ensuite ?

  • Christel

    Alors, je ne me souvenais pas avoir dit ça, mais je l'ai sûrement dit. En fait, moi, je ne voulais vraiment pas travailler dans l'immobilier parce que pour moi, c'était de la pierre, ce n'était pas très vivant, c'était assez minéral dans le concept. Et puis, il se trouve qu'en plus, j'avais un camarade de promotion qui était parti chez Unibail. Je me suis dit, c'était le début d'Unibail, "Qu'est-ce qu'il va faire dans une agence immobilière ?" Enfin, je n'avais vraiment rien compris. Et c'est vrai que quand je travaillais dans le monde des entreprises en difficulté, c'était un monde très particulier. C'est un monde où fréquentent les tribunaux de commerce, les mandataires judiciaires. C'est souvent des contextes humains compliqués. Et finalement, il se trouve qu'à l'époque, l'immobilier commençait sa financiarisation, mais c'était vraiment le début. Et donc, dans les grands cabinets anglo-saxons comme Price, EY, Arthur Anderson et autres, il n'y avait pas forcément de secteur immobilier très, très structuré. Et souvent, l'immobilier était au sein des départements de ce qu'on appelait recovery, donc de conseil aux entreprises en difficulté, parce que c'était un moyen pour les entreprises industrielles qui avaient des problèmes de trésorerie, de très rapidement, en vendant le siège parisien, en vendant l'usine, de récupérer du cash. Et donc, c'est pour ça qu'il y avait une petite cellule d'immobilier chez Price au sein du département recovery. Mais pour moi, j'étais venue là pour faire du recovery et pas de l'immobilier. Et puis, au bout de 2-3 ans, le hasard a fait que... Enfin, c'est toujours le hasard, mais on était au mois d'août. À l'époque, je prenais mes vacances en juillet. Évidemment, en août, il n'y avait personne. Il y a une mission d'immobilier qui est tombée. Et donc, il n'y avait que moi. Je me suis retrouvée à travailler sur cette mission qui était en plus une mission de cession de 20 ensembles immobiliers de logements sociaux en région parisienne, donc ce n'est pas l'immobilier le plus glamour en plus. Je ne voulais vraiment pas y aller, mais il n'y avait pas le choix. Donc j'y suis allée. Et puis finalement, je sortais quand même de deux, trois ans dans le monde des entreprises en difficulté, où humainement, c'est quand même difficile. Assez vite, je devais annoncer à des gens qu'ils ne seraient pas payés à la fin du mois, qu'ils allaient perdre leur emploi, que ça allait être très compliqué avec des situations. On a 23 ans, 24 ans, et puis il y a des gens en larmes devant vous parce que d'un coup, ils ont l'impression que le sol s'écroule sous leurs pieds. Et je me suis dit, finalement, l'immobilier, il n'y a pas d'humain, c'est peut-être pas mal. Ça va peut-être me reposer émotionnellement et puis je vais peut-être mieux vivre les choses. Et puis donc, cette première mission s'est très bien passée. Ça a très bien fité avec l'associé en charge. Et puis voilà, on a fait sept ans et demi ensemble derrière. Et plus de 20 ans d'immobilier depuis, parce que finalement derrière l'immobilier, derrière ce côté minéral dont j'avais l'image, il y a quand même beaucoup d'humain. Et cette appétence pour l'humain, qui est quelque chose que j'aime, je peux quand même en faire dans un contexte d'immobilier. Donc finalement, j'y ai trouvé quelque chose qui me convient et qui me correspond.

  • Salomé

    Comment tu es arrivée au sein de la société de la Tour Eiffel ?

  • Christel

    Une chasse classique. Le conseil d'administration avait fait des choix concernant la direction générale précédente et donc a lancé une chasse pour trouver un nouveau directeur général, a mandaté un cabinet de chasseurs de tête pour ça. Et après quelques rounds d'entretien, dont un dernier devant 80% de mon conseil d'administration de l'époque, donc quand même une grosse dizaine de personnes, ils ont finalement porté leur choix sur moi et c'est comme ça que je suis arrivée à la société de la Tour Eiffel.

  • Salomé

    D'accord. Est-ce que tu peux me présenter la société de la Tour Eiffel, s'il te plaît, quelle est sa mission et son ADN ?

  • Christel

    Alors, la société de la tour Eiffel, c'est une très vieille dame, puisque pour la petite histoire, elle a été fondée par Gustave Eiffel pour la construction de la tour Eiffel, donc en 1889. À l'époque, Gustave Eiffel a dû faire appel à des financements bancaires externes, puisqu'on lui avait, en gros, suite à ces différents scandales dans la presse, on lui avait dit « Ok, t'as le droit d'avoir un terrain au Champ de Mars pour l'exposition universelle, en revanche, tu finances ta tour tout seul, si tu veux vraiment la faire. » Et donc, il avait trouvé des financements bancaires qu'il devait rembourser. Donc il avait négocié en échange du fait qu'il allait faire la tour pour pouvoir rembourser ses intérêts, d'avoir le droit de faire payer les entrées et donc d'avoir une concession pendant à l'origine je ne sais plus si c'était 20 ou 30 ans pour exploiter la tour et que les recettes des touristes ou des personnes qui montent dans la tour lui permettent de rembourser son emprunt. La tour avait d'ailleurs vocation à être démolie à l'époque. Et puis le temps passant, il a réussi à renégocier que ses concessions soient renouvelées, lui, puis ses descendants évidemment à la faveur notamment des différentes guerres lors desquelles la Tour a servi à la fois pour les ondes radio et puis pour des tests sur tout ce qui était prise au vent. Enfin voilà, je passe les détails. Et puis en 1979, Jacques Chirac, qui était à l'époque maire de Paris, a trouvé que c'était pas normal que la Tour soit détenue par une société privée. Et donc il a décidé que la concession qui venait à échéance en 1979 serait la dernière. Et la ville a repris la propriété et l'exploitation de la Tour. À l'époque, cette exploitation était gérée au sein d'une entité juridique qui a été cotée, qui a donc été mise en sommeil. Et ensuite, dans les années 2000, est apparu le fameux statut SIC, statut fiscal qui permettait d'être exonéré d'impôts à la fois sur les loyers et sur les plus-values de cession, à condition de plein de choses, mais notamment d'être détenu via une société cotée. Et donc, beaucoup d'investisseurs se sont mis en quête d'une structure déjà cotée, ce qui est plus rapide que de créer une structure et ensuite de la coter en bourse. Et donc, deux Anglais, ce qui est quand même... Ce qui est quand même drôle quand on y pense, ont acheté la structure juridique Société de la Tour Eiffel parce qu'elle était cotée. Et ils y ont mis leur immobilier et c'est comme ça qu'elle a vécu cette nouvelle vie de foncière cotée. Ce qu'elle est aujourd'hui. Elle détient aujourd'hui à peu près 1,6-1,7 milliards d'euros de patrimoine. Alors essentiellement en bureaux. Mais un de nos axes de stratégie c'est de transformer ce patrimoine en le rendant un peu plus diversifié vers l'activité, vers le résidentiel géré, vers du commerce et plus généralement vers de la mixité d'usages. Et puis ce patrimoine est aussi essentiellement francilien, même si on a toujours eu beaucoup de patrimoine en région. Et l'idée, c'est aussi d'accentuer cette part d'immobilier en région, puisqu'on est présent aujourd'hui à Lille, à Lyon, à Marseille, à Nantes, à Bordeaux et à Toulouse. Et que l'idée, c'est de continuer à être présent dans ces grandes métropoles.

  • Salomé

    C'est hyper chouette, je ne connaissais pas du tout l'histoire.

  • Christel

    Oui, alors pour l'anecdote, on reçoit beaucoup, beaucoup de courriers qui sont en fait adressés à la société d'exploitation de la tour. Donc je passe les demandes de lots pour les kermesses, mais on a aussi des choses beaucoup plus drôles qui nous arrivent. Voilà, moi j'ai été appelée par Jack Lang, par exemple, qui voulait utiliser la tour Eiffel pour fêter les 40 ans de la fête de la musique. Et quand je lui ai dit que malheureusement je ne pouvais rien faire pour lui, il m'a demandé si on avait volé le nom. Je lui ai dit que pas du tout. Je lui ai raconté l'histoire, mais je n'ai pas été invitée aux 40 ans de la fête de la musique, malheureusement.

  • Salomé

    C'est quand même la petite histoire qui percute la grande.

  • Christel

    Oui, tout à fait. L'avantage, c'est qu'on a un très beau nom, et puis tout le monde retient. Après, c'est vrai qu'il y a quand même beaucoup, beaucoup de confusion. On vit avec, et puis on transmet à nos amis de la Société d'exploitation de la Tour Eiffel, qu'on connaît par ailleurs grâce aux descendants de Gustave Eiffel, qui sont, pour au moins l'un d'entre eux en tout cas, au conseil d'administration de notre fondation.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Parce qu'on a une fondation de la Société de la Tour Eiffel qui a pour vocation d'aider les étudiants en école d'architecture ou d'ingénieur en donnant des bourses à l'issue d'un concours qui a lieu tous les 2-3 ans. Et comme une des descendantes fait partie de ce conseil d'administration et qu'elle est également en relation avec les gens qui gèrent la Tour Eiffel, la relation a été faite et donc on a nos adresses respectives et on peut se transférer les courriers et autres messages qui ne sont pas adressés à la bonne entité.

  • Salomé

    C'est rigolo. Pour ceux qui sont pas familier avec le concept, c'est quoi une foncière ?

  • Christel

    Alors une foncière, c'est un investisseur institutionnel long terme, donc qui a vocation à détenir son patrimoine sur de très nombreuses années. Donc c'est évidemment un patrimoine sur lequel on peut être amené à arbitrer et à faire des sessions, mais c'est pas la vocation première. La vocation première, c'est vraiment de gérer un patrimoine en bon père de famille et de se projeter sur des durées au-delà de 10-15 ans.

  • Salomé

    D'accord. C'est quoi la différence entre une foncière cotée et une foncière non cotée ? Vous êtes cotés ?

  • Christel

    Nous, on est coté. Alors, on est coté tout simplement quand on a une cotation en bourse et donc quand on a des actionnaires personnes physiques qui détiennent des titres de la société. Jusqu'à il y a peu, on avait à peu près 20% de flottants, c'est-à-dire 20% de notre capital qui était détenu par des minoritaires, personnes physiques ou petites institutionnelles via la bourse. Depuis notre augmentation de capital, on est plutôt à 2-3%. Mais à partir du moment où on a une partie de son capital qui a une cotation en bourse, c'est-à-dire où il y a des échanges entre des acquéreurs et des vendeurs d'actions de titres, on est coté en bourse.

  • Salomé

    D'accord.

  • Christel

    Et ça implique d'être régi par l'AMF, d'avoir un certain nombre d'instances qui doivent se réunir à rythme régulier. On doit respecter un certain formalisme. On doit aussi une certaine transparence au marché. Donc on doit divulguer au marché toutes les informations susceptibles d'avoir une influence sur le cours de bourse qui varie tous les jours en fonction des achats et des reventes de titres. Donc ça implique un certain nombre de choses que moi je trouve assez positives, notamment la transparence parce que je trouve que ça permet une certaine rigueur et puis un certain réflexe aussi de la part de tous ceux qui travaillent pour l'entreprise. Mais ça implique aussi un certain nombre de contraintes, notamment de formalisme qu'il faut avoir en tête et qu'il faut respecter.

  • Salomé

    C'est justement la question que j'allais te poser de ça. Est-ce que ça implique dans la gestion ou dans la stratégie ?

  • Christel

    Dans la stratégie en tant que telle, ça n'est pas une contrainte. Certaines boîtes cotées le font peut-être, mais on définit une stratégie pour le bien de l'entreprise. Et in fine, l'entreprise, son rôle, c'est d'être rentable. Sinon, c'est l'association, mais c'est d'être rentable et de rendre aux actionnaires un certain niveau de retour sur investissement qu'on espère le meilleur possible. Et en général, on définit cette stratégie de sorte que cette rentabilité soit la meilleure possible, même si on sait que dans certains métiers, dont l'immobilier, ça peut être du temps long et donc ce n'est pas forcément une rentabilité immédiate. Mais le fait d'être coté impose d'avoir des instances, un conseil d'administration qui répond à un certain nombre de règles, dont celui d'avoir 40% de femmes minimum, de publier des résultats au moins deux fois par an. D'avoir des experts qui réévaluent notre patrimoine de manière régulière. Pour certaines entreprises, c'est par trimestre, pour d'autres, c'est par semestre. Je parle pour les sociétés immobilières, évidemment. Ça implique d'avoir un comité d'audit, d'avoir un comité des rémunérations, de répondre à un certain nombre d'engagements et de contraintes. Mais encore une fois, ça a aussi la vertu d'imposer une certaine discipline et puis une certaine transparence sur tout ce que fait l'entreprise et tout ce qu'on doit reporter à nos actionnaires.

  • Salomé

    D'accord. Donc sur la question, est-ce que la cotation est un accélérateur ou une contrainte ou un peu les deux ?

  • Christel

    Je dirais un peu les deux. Après, certains vont vivre ça comme une contrainte parce qu'ils préfèreraient vivre tout dans leur coin et puis dire aux actionnaires, t'inquiète, ça va bien se passer. Moi, je trouve que cette contrainte, elle est plus, encore une fois, de l'ordre du formel, mais elle implique d'autres choses qui sont pour moi plutôt vertueuses.

  • Salomé

    D'accord. Alors, une petite question sur le marché. Donc aujourd'hui, on en parlait hors micro juste avant, le marché de l'immobilier et notamment le marché de l'immobilier tertiaire vit une période un peu mouvementée.

  • Christel

    On peut dire ça.

  • Salomé

    Quels sont aujourd'hui les indicateurs que toi tu suis ?

  • Christel

    Alors nous, les indicateurs qu'on va suivre, ça va être le TO, donc le taux d'occupation, qui chez nous est un gros axe de développement. Il y a un gros axe sur lequel on travaille énormément. On a un patrimoine qui date plutôt des années 60-70 pour certains des bâtiments. Et un patrimoine surtout qui est beaucoup en seconde couronne parisienne. Donc une classe au sein du secteur bureau, c'est probablement la partie qui souffre le plus. Donc on a un gros sujet là-dessus évidemment, sur lequel on travaille énormément, soit en transformation, soit en commercialisation très active. Tu peux me rappeler la question ? Pardon.

  • Salomé

    Sur les indicateurs que vous suivez.

  • Christel

    Un autre indicateur qu'on va suivre et qui est lié notamment à cet âge de notre patrimoine, ça va être le pourcentage de CAPEX, donc de travaux de maintenance. Pas de travaux qui créent de la valeur type transformation, mais vraiment les CAPEX de maintenance. Ça, c'est un autre indicateur. Nous, on est autour de 1% de la valeur de notre patrimoine, là où nos pairs sont plutôt 0,5-0,7%. Donc, c'est un peu élevé, ça s'explique. Mais c'est aussi pour ça qu'on est en train de... qu'on entame depuis trois ans. Un gros travail de repositionnement de notre patrimoine et que parmi les axes de réflexion qui nous amènent à céder des actifs, il y a ce sujet de l'obsolescence et du montant des capex à injecter. Typiquement, on a cédé un immeuble assez récemment, il y a un an. Les capex à injecter, c'était quasiment 40% de la valeur de l'actif. On préfère le céder plutôt que de mettre cet argent à cet endroit-là. Donc ça, c'est un second indicateur qu'on regarde. Et après, il y a les grands ratios financiers aussi que regardent toutes les foncières, mais notamment les foncières cotées, qui sont les ratios LTV-ICR. Donc LTV, ça veut dire Loan-to-Value, et c'est le rapport entre la dette et la valeur du patrimoine. Donc l'idée, c'est que... Alors c'est souvent des ratios sur lesquels les banques nous imposent un certain niveau d'endettement. Au-delà de 50%, on franchit un peu la ligne rouge. Donc nous, on est maintenant 13 ans de ça grâce à notre augmentation de capital récente. Et puis ICR, ça veut dire Interest Coverage Ratio, c'est la capacité à couvrir les frais financiers avec les loyers nets de toutes les charges qu'on a. Parfois, quand c'est calculé au projet, c'est juste sur les loyers. Quand c'est au niveau corporate comme nous, ça prend en compte aussi toutes les charges de l'entreprise. Et donc là, en général, il faut qu'on puisse couvrir au moins deux fois les frais financiers.

  • Salomé

    D'accord. Une autre question que moi je voulais te poser sur les indicateurs, qui est plutôt une question sur les indicateurs vraiment très généraux de santé du marché, de l'immobilier, c'est est-ce que vous regardez, vous suivez tout ce qui est les taux d'inflation ? Je suppose que oui ? Les taux d'intérêt, Bien sûr. Je t'ai entendu dire aussi il n'y a pas si longtemps qu'effectivement les taux d'intérêt étaient en baisse, mais que l'OAT, lui, remontait. Est-ce que tu peux expliquer un peu ce que ça veut dire ? L'OAT, je pense que ça ne parle pas à tout le monde. Donc voilà, expliquez ce que c'est et ce qu'ils nous disent de la santé du marché.

  • Christel

    Alors en fait, l'immobilier, il est extrêmement corrélé au taux de la BCE notamment et à l'OAT. Pourquoi ? Parce que les investisseurs, ils ont le choix entre investir, si on prend l'OAT, 10 ans, qui est un peu le...

  • Salomé

    Donc ça, c'est obligation assimilable au trésor, c'est ça ?

  • Christel

    Voilà, sur 10 ans, qui est un peu la référence parce que l'immobilier, comme c'est du temps long, on est plutôt sur du 10 ans en termes comparables. Aujourd'hui, il est autour de 3,30 la dernière fois que j'avais regardé. Les investisseurs vont se dire, j'ai le choix entre investir sans risque et avoir un rendement de 3,3% ou j'ai le choix de prendre du risque en investissant dans une classe d'actifs, quelle qu'elle soit, en l'occurrence l'immobilier. Il faut que j'ai une prime de risque qui rémunère, c'est-à-dire qu'il faut que j'ai un rendement qui soit au-delà des 3,3%. Sinon, ça n'a aucun intérêt, autant ne pas prendre de risque. Et donc, il y a en permanence ce qu'on appelle le spread, qui est la différence entre l'OAT et le taux auquel on va acheter l'actif en l'occurrence, l'immobilier, il faut que le spread soit suffisant pour se dire « Ok, j'ai pris du risque, mais parce que je sais que je vais avoir une rémunération plus forte en face. » Et donc, on est corrélé de cette manière-là. Mais on est aussi corrélé au taux et notamment au taux des financements. Donc là, on est plutôt sur le rebord. Parce que l'immobilier, comme beaucoup de classes d'actifs, c'est vrai aussi en private equity et dans d'autres instruments financiers, on va chercher à avoir du levier, donc à mettre des financements bancaires pour augmenter cette rentabilité. Et il faut que le financement, en général, en immobilier, quand on est très core, donc très sans risque, on va le mettre autour de 30-35% de la valeur de l'immeuble. Et puis, quand on a envie de prendre un peu plus de risque, on va monter. Alors, depuis la crise de 2009, on monte rarement au-delà de 70%, en tout cas pour les institutionnels. Mais comme on met en place cet effet de levier, on va être aussi, du coup, hyper impacté par une évolution de le rebord. Et nous, c'est ce qui nous a amené, par exemple, à faire notre augmentation de capital, c'est que le rebord est passé de moins quelque chose ou zéro à 2, 2,5. Et donc, notre coût de financement, il a beaucoup augmenté. Donc, on se retrouve avec des charges financières qui ont doublé, triplé, quadruplé, selon les cas. Et à côté de ça, des loyers qui, eux, n'ont ni doublé, ni triplé, ni quadruplé. Et donc, à un moment, un effet ciseau qui fait que ça ne marche plus. Parce que d'un côté, on a trop de charges, on n'a plus de produits pour répondre à nos ratios bancaires que les banques nous imposent. C'est là où on a quand même énormément d'impact, à la fois parce qu'on se retrouve à être financé par des banques qui nous répercutent les évolutions du rebord, ce qui est normal, et à la fois par des investisseurs qui n'ont plus envie de mettre dans l'immobilier puisque l'OAT leur offre sans risque un rendement qui est somme toute relativement similaire. Ou alors, ils vont dire « Ok, mais moi, ce que j'achetais à 3% avant, quand l'OAT était à 1 ou 2, là, je vais l'acheter à 4, 5, 6%. » Et donc tous nos modèles où on disait « j'ai perçu avoir du loyer et puis je vais revendre » quand on était dans Paris à 3% de taux de capitalisation. Donc le taux de capitalisation, c'est le pourcentage par lequel on divise le montant du loyer pour avoir la valeur de l'immeuble. Aujourd'hui, ils nous disent 4, 5, 6. Dans certaines localisations, on est même à 10 ou 12%. Et donc là où on pensait gagner beaucoup d'argent, finalement on en gagne peu, voire on en perd. Et donc le modèle doit être un peu appréhendé différemment. Aujourd'hui et je pense que c'est vraiment ça qui cristallise la crise du bureau aujourd'hui, c'est cet effet de taux qui a été en plus très brutal, c'est-à-dire que les taux ont augmenté de façon hyper importante en très très peu de temps donc on savait tous que ça allait arriver un jour on était tous avec la méthode Coué à se dire depuis 10-12 ans c'est génial l'argent est gratuit mais bon on savait qu'un jour ça s'arrêterait, sauf que ça s'est arrêté très brutalement et donc voilà il faut se réinventer, il faut retravailler nos modèles. Et puis surtout, il faut se poser la question aujourd'hui, est-ce que, alors nous les foncières cotées, on n'a pas vocation à vendre beaucoup, donc c'est peut-être plus facile aussi de se poser ce type de questions, mais est-ce qu'au lieu de vendre, on ne va pas garder plus longtemps ? Quand on a des locataires, finalement, ce n'est pas plus mal de prendre du loyer et puis d'attendre de voir ce qui va se passer en se disant qu'un jour, ça ira mieux. Enfin voilà, c'est tous les arbitrages auxquels on est confrontés aujourd'hui et ça rend la période passionnante, mais malgré tout relativement stressante.

  • Salomé

    Justement, en parlant du bureau, j'aurais aimé qu'on parle un petit peu de transformation des usages, d'une stratégie qui fait partie de votre feuille de route, la stratégie diversification. Quand on parle de transformation des usages, on parle surtout de télétravail, d'hybridation, des nouveaux services. Comment est-ce que vous, vous y répondez ?

  • Christel

    Alors nous, on l'a pris de plein fouet, comme beaucoup en 2020, au moment du Covid. On a vu surtout nos locataires qui nous sollicitaient pour nous rendre des surfaces. Quand on a un taux de cultivation qui est un vrai enjeu, il n'est vraiment pas simple. Après, on s'est adapté. Je pense qu'aujourd'hui, nos locataires sont arrivés un peu à un point d'équilibre. C'est-à-dire qu'ils ont quand même passé 2-3 ans à se poser énormément de questions. Est-ce que je rends des surfaces ? Est-ce que j'en reprends ? Est-ce que j'ai le bon format de bureau par rapport à des équipes qui sont X jours en télétravail ? Ils se sont posé beaucoup de questions et nous, on a essayé de suivre, mais c'était parfois un peu compliqué. Aujourd'hui, je pense qu'on a nos locataires, en tout cas dans notre portefeuille, qui sont relativement au clair sur ce qu'ils souhaitent et sur les besoins qui sont les leurs. Donc ça, c'est déjà un élément un peu plus stable dans les discussions. Après, entre-temps, le rapport de force entre les bailleurs et les preneurs, c'est quand même pas mal déséquilibré. Il était peut-être trop en faveur des bailleurs. Aujourd'hui, il est beaucoup en faveur des preneurs. Donc voilà, il faut aussi s'adapter à ces demandes-là. Il y avait évidemment tous les sujets des services qui restent extrêmement prégnants. Il y a tout un tas d'adaptations des immeubles de bureaux qu'il a fallu mettre en place. Et puis après, il y a la problématique, et nous je pense qu'on a une petite demi-douzaine de sujets qui sont concernés par cette difficulté. C'est la problématique des bureaux qui n'ont plus vocation à être du bureau et qui sont dans des localisations, où on ne peut pas compter sur le fait que ces immeubles redeviennent du bureau un jour ou soient réutilisés en tant que bureau. Donc là, il y a tout un travail de réflexion qui est mené, d'abord nous avec nous-mêmes, et puis il y a nous avec les pouvoirs publics et les élus notamment, pour savoir ce qu'on fait de ces immeubles et pour savoir si on peut les transformer en autre chose. Alors évidemment, le premier réflexe, c'est "on va faire du logement". Parce que voilà, on sait tous qu'il y a un sujet de manque de logement en France, que c'est un vrai besoin. Et puis, on est souvent dans des localisations où le prix du mètre carré bureau et le prix du mètre carré de logement sont soit comparables, soit le logement vaut plus cher que le bureau. Donc économiquement, ça fait beaucoup de sens. Et puis après, il faut aller parler aux élus et c'est là que ça devient un peu compliqué. D'abord parce qu'eux ont une vision beaucoup plus macro que nous. Nous, on raisonne uniquement à notre localisation, souvent on en a qu'un peut-être deux ou trois mais voilà on a n'a pas le maillage total de la commune. Et puis aussi parce que eux ont leurs propres enjeux, leurs propres timings, et c'est pas forcément le même que le nôtre. Donc voilà, ces discussions ne sont pas simples, mais effectivement, il y a beaucoup de sites sur lesquels on se dit que ça ferait du sens d'avoir d'autres usages. Moi, je ne suis pas une grande acharnée du 100% logement. C'est-à-dire qu'en tout cas, sur les sites qui nous concernent, je pense que la solution n'est pas uniquement par le logement. Je crois beaucoup en la mixité des usages et je crois beaucoup au fait qu'il faut repenser les choses de façon beaucoup plus multidestination. Et c'est ce qu'on a commencé à faire. On a un projet, par exemple, qui a été livré à Lyon où on avait historiquement 15 000 m² de bureaux et aujourd'hui, on a 5 000 m² de logements en résidentiel géré, 5 000 m² de bureaux et 5 000 m² de résidentiels étudiants, alors qu'il y a du social qui a été cédé à l'agglo, mais il y a eu un parcours paysager qui remplace un grand parking. Ssi je précise c'est hyper important et donc je pense qu'avec un projet comme ça on est exactement dans dans la mixité et dans ce qui est probablement le mieux à faire pour pour ces sites là après encore une fois voilà c'est une discussion qu'il faut avoir avec les pouvoirs publics et c'est pas simple parce que eux mêmes ont des sujets financiers hyper important et donc c'est vrai que ça peut être confortable pour eux de continuer à percevoir la taxe aménagement, la taxe bureau, la taxe parking, quand bien même l'immeuble est vide, pour eux c'est pareil. Alors que le jour où il y a des occupants autres, les revenus ne sont pas tout à fait les mêmes. Donc c'est beaucoup plus complexe.

  • Salomé

    Justement, aujourd'hui un quart de votre portefeuille est en région. Oui. L'objectif, tu me l'as dit quand on a préparé l'interview, c'est de passer à un tiers. Pourquoi ce virage régional ?

  • Christel

    Alors déjà parce qu'à partir du moment où on sort du tout bureau... le champ d'action et le terrain de jeu est beaucoup plus large, donc on se dit qu'on peut aller partout en France. Ensuite, parce qu'on a ce maillage territorial de portefeuilles depuis quand même très longtemps, même si en valeur ça représente moins, parce que les mètres carrés en région sont souvent moins valorisés que les mètres carrés en région parisienne, on a toujours eu historiquement beaucoup d'immeubles en région, et souvent des immeubles de plus petite taille. qui correspondent probablement à ce qu'on sait un peu mieux gérer dans les équipes. Et puis ce maillage territorial et cette présence dans les grandes métropoles qu'on a toujours eues fait que nos équipes connaissent bien les micro-localisations au sein de chaque métropole et que nous-mêmes sommes bien identifiés par les acteurs locaux. Donc ça permet quand même de capitaliser sur quelque chose qui existe déjà. Et puis force est de constater que la performance de notre patrimoine régional est bien meilleure que celle de notre patrimoine francilien puisque notre taux d'occupation, si je prends cet indicateur-là... Et entre 85 et 90% tous les ans, là où celui en Ile-de-France est plus faible. Donc voilà, c'est bien la preuve qu'on a un patrimoine probablement plus adapté et sur lequel on est nous-mêmes meilleurs. Donc voilà, ça fait partie des bonnes raisons pour lesquelles on se dit qu'il faut qu'on soit davantage présent en région. En revanche, on ne sera présent que dans ces métropoles dans lesquelles, encore une fois, on a cette présence et cette connaissance des marchés.

  • Salomé

    Pour toi, s'implanter en région, c'est plutôt un pari sur l'avenir ou un retour aux fondamentaux ?

  • Christel

    Les deux. C'est-à-dire que ça fait partie de notre ADN et c'est quelque chose sur lequel il faut continuer. Après, les régions ne feront probablement jamais 50% de notre patrimoine, mais pour moi, ça doit être une part importante de notre avenir.

  • Salomé

    Il y avait un autre sujet que je voulais évoquer avec toi. C'est un peu un pas de côté par rapport au sujet d'immobilier pur. Tu as parlé rapidement tout à l'heure d'un sujet de parité. Tu es présidente de l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier. Est-ce que tu peux m'expliquer en quoi ça consiste et quel est son rôle ?

  • Christel

    Alors, l'Observatoire de la charte pour la parité dans l'immobilier, c'est un observatoire qui a été créé le 8 mars 2022, qui est en fait la suite logique d'un livre blanc qu'on a écrit avec d'autres femmes. On était toutes au sein d'une association qui s'appelle le Cercle des Femmes de l'Immobilier et pour lequel, à la faveur d'un changement de présidence, la nouvelle présidente qui était Stéphanie Bensimon à l'époque a voulu entendre un peu toutes les femmes et il y a eu quelques voix, dont la mienne, qui ont dit voilà ce serait bien quand même de faire quelque chose pour un peu promouvoir la parité dans les organisations de l'immobilier et elle nous a dit "bah écoutez, banco, allez-y." Et donc on est quelques-unes, on était cinq à avoir écrit un livre blanc. Livre blanc qu'on a écrit en étudiant énormément d'articles, d'études, de travaux de recherche sur les sujets de parité en général et dans l'immobilier également. Et à l'issue de ce livre blanc, on s'est dit qu'il fallait proposer quelque chose aux acteurs du secteur pour améliorer les choses. Et donc on a proposé de mettre en place une charte d'engagement pour laquelle les signataires prendraient à la fois quatre engagements obligatoires et puis à l'époque c'était six engagements sur une quinzaine complémentaires pour marquer leur souhait de faire avancer la parité dans l'immobilier. Et puis pour tout un tas de raisons, c'était complexe de faire vivre cette charte au sein du Cercle des femmes de l'immobilier, qui était là où finalement elle avait pris naissance. Et donc on a fait le choix de créer une association loi 1901 différente, dans laquelle nous avons un bureau, alors pas paritaire mais mixte. Donc avec également des hommes et c'était aussi un des enjeux qui a fait qu'on a souhaité créer cette association à part entière. Et notre travail depuis le 8 mars 2022, c'est d'inciter un maximum d'acteurs de l'immobilier à signer cette charte, à s'engager pour la faire vivre et pour la respecter. Et on publie tous les ans une étude avec un organisme indépendant qui est l'IEF et une sociologue qui va interroger tous nos signataires sur un certain nombre d'indicateurs qui sont peu ou prou les indicateurs de l'index EGA Pro et nous permettre de mesurer à quel point la parité évolue ou pas. Enfin, elle évolue, malheureusement pas toujours dans le bon sens, dans le secteur de l'immobilier. Aujourd'hui, on a 157 signataires. Donc, ça représente, on avait fait un calcul, aujourd'hui, on est à peu près entre 20 et 22 %. de l'ensemble des salariés de l'immobilier, sachant qu'on n'a pas complètement ouvert au monde de la construction, parce que sinon, ça fait vraiment beaucoup trop de monde. Et tous les ans, on publie cette étude et on choisit un axe plus spécifique pour interroger un peu plus en détail un certain nombre de signataires. On a quand même cette conviction que la parité est un vecteur de performance, et c'est une conviction très forte. On a également la conviction que la parité n'avancera qu'avec les hommes. L'idée, ce n'est pas du tout de s'opposer aux hommes, bien au contraire. D'ailleurs, si des hommes m'écoutent et ont envie de s'engager au sein du bureau, ils seront les bienvenus. Et on n'est pas là du tout pour faire du name and shame. C'est-à-dire que, on le redit à chaque signataire, vous signez une charte d'engagement, elle vous engage, vous, probablement vis-à-vis de vos collaborateurs, mais si demain vous ne respectez pas la charte, nous on ne va pas venir faire la police, on ne va pas venir vous embêter, c'est vous avec vous-même. Nous la seule « contrainte » qu'on impose, et encore il n'y a pas de sanction évidemment, c'est de répondre à notre questionnaire, ou au questionnaire en tout cas de l'IEIF, tous les ans pour qu'on puisse mesurer l'évolution de la parité. En fait on n'a pas d'autres exigences, et on part du principe que quand un dirigeant signe ce type de charte et en fait la publicité sur LinkedIn, auprès de ses collaborateurs, quelque part il est déjà engagé et donc charge à lui ou à elle de porter le sujet. Maintenant encore une fois on n'est pas là pour taper sur les doigts de ceux qui ne respectent pas le micro-engagement qu'ils ont pris on a pu voir que beaucoup de dirigeants prenaient le sujet très au sérieux et ça nous suffit pour nous dire qu'on a des gens engagés. Maintenant malheureusement ce qu'on constate quand même depuis que la crise est clairement installée c'est que pour certaines entreprises signataires c'est plus vraiment une priorité. Et c'est un peu dommage parce qu'encore une fois, moi, je reste convaincue que la parité, c'est un vecteur de performance. Alors, je sais que les mots sont interdits aux États-Unis, mais en France, pas encore. Donc, je vais les dire. Au-delà de la parité, je pense que la parité est un des verrous qui débloquent aussi la diversité en général et que quand on est ouvert à la parité, on est ouvert finalement à toutes sortes de sujets. Alors, nous, on ne va pas s'emparer d'autres sujets parce que ce n'est pas notre raison d'être. Mais on se rend compte que quand des entreprises s'ouvrent à la parité et ont leurs chakras ouverts, finalement, elles les ouvrent sur tout et que c'est bien pour la société au sens large.

  • Salomé

    D'accord. Je ne pensais pas, tu vois, que la parité avait reculé ces dernières années.

  • Christel

    Nous, dans les chiffres, malheureusement, c'est ce qu'on constate. Alors, pas forcément à l'échelle des entreprises en tant que nombre de salariés. On est toujours à peu près sur un 50-50. Évidemment, ça dépend des secteurs. Les promoteurs, les investisseurs, les conseils, ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres, mais globalement, c'est autant 50%. Mais là où on avait vu une amélioration dans les instances dirigeantes ou dans le middle management, ces chiffres reculent un peu. On ne parle pas de 10% de perte de femmes sur ces niveaux de responsabilité, mais ça recule. Alors que les premières années, on voyait une évolution favorable.

  • Salomé

    D'accord. Qu'est-ce qui a fait que c'est un combat qui te tient à cœur ? Est-ce que toi, tu as été victime ou témoin du plafond de verre ? Soit de ne pas pouvoir augmenter plus dans l'entreprise ou alors de la falaise de verre, au contraire, d'être mise devant un challenge devant lequel un homme ou une femme n'aurait pas réussi ou on préfère mettre une femme qui sera finalement le fusible avant de remettre quelqu'un ?

  • Christel

    Alors, je ne pense pas avoir été dans le cas que tu évoques, le cas du fusible. En revanche, alors des anecdotes de discrimination, j'en ai plein. Alors déjà, pour répondre au début de la question, moi, c'est né parce qu'il se trouve que j'ai un père d'origine italienne, assez misogyne, qui n'a eu que des filles, pas de chance. Et moi, ça me rendait folle. Ça me rendait folle de voir ma grand-mère se mettre en quatre et pas un mec autour de la table se lever pour l'aider. Ma mère, un peu pareil. Ma mère qui nous dit encore, "Les filles venez m'aider", pendant que nos chers maris sont très contents d'être en vacances. Voilà, tout ça, ça me rend dingue. Ce qui est bizarre, parce que ma soeur, ça ne la rend pas dingue, mais moi, ça me rend dingue. Donc voilà, je pense que c'est né en même temps que mon... Enfin voilà, l'endroit dans lequel je suis née, j'adore mon père et voilà. Mais bon, je pense qu'il y a un côté culturel. Donc je pense qu'il y a eu ça au départ. Et puis après, malgré tout, j'ai subi beaucoup, alors je ne sais pas, discrimination c'est peut-être un très grand mot, mais d'anecdotes qui m'ont bien rappelé que j'étais une femme dans le monde de l'immobilier. Mais après, je pense qu'il y a plein d'autres secteurs dans lesquels c'est vrai. Mais peut-être pour en citer quelques-unes. Quand j'ai annoncé que j'étais enceinte de mon premier enfant, je l'ai dit à mon associé, un homme, qui à l'époque d'ailleurs ne voulait pas embaucher de femme. Il avait dû faire preuve de ruse avec le manager qui voulait m'embaucher pour que je puisse intégrer l'équipe. J'ai annoncé que j'étais enceinte, ça faisait à peu près 4-5 ans que je travaillais avec lui. Il était hyper heureux, il m'a prise dans ses bras, il était hyper content. Donc je me suis dit ça y est, j'ai réussi un truc. Et puis à l'inverse, une autre associée qui était responsable d'un service plus large, qui elle-même avait trois enfants et qui m'a dit "Christel, vous êtes sûre que vous voulez le garder parce que quand même, ça ne nous arrange pas trop en termes de timing". Alors je l'ai regardé et je lui ai dit "Je suis venue vous l'annoncer en étant très heureuse".

  • Salomé

    Oui, c'est une belle nouvelle. C'était quand ?

  • Christel

    Ça date, c'était en 2005. Ça c'est une anecdote mais bon, le nombre de fois où on m'a dit, "Ah non, vous avez un enfant, vous allez en avoir un deuxième, donc c'est mieux que vous ne bougiez pas" ou bien, Des postes auxquels j'ai postulé, on m'a dit « Ah, on vous aurait bien prise, mais bon, avec des enfants en bas âge, vous comprenez, vous risquez d'être beaucoup absente, donc on ne va pas vous prendre. » Au final, j'ai été beaucoup moins absente que la plupart des hommes qui m'entouraient. Et puis un autre sujet qui est un sujet aussi majeur au-delà de la présence des femmes, c'est aussi tout ce qui est progression et notamment progression salariale. Une des contraintes dont on parlait pour les sociétés cotées, c'est que les salaires sont publics. Donc quand j'ai été chassée pour le poste où je suis aujourd'hui, le salaire de mon prédécesseur était public, donc je savais à combien il était. Donc c'était beaucoup plus facile. Mais dans mes postes précédents, où les salaires étaient évidemment confidentiels, je me suis rendue compte... qu'en tout cas quand je remplaçais quelqu'un que j'ai toujours remplacé des gens qui avaient à peu près mon âge, à peu près le même niveau d'études, à peu près le même niveau d'expérience et qui étaient des hommes et qui gagnaient 30% de plus et avait la voiture de fonction à laquelle évidemment je n'avais pas droit. Donc voilà, il y a aussi ce sujet de salaire et puis nous les femmes, on a quand même aussi cette tendance à être notre propre ennemi où "Ah bah non on m'a déjà donné ma chance, je ne vais quand même pas demander une augmentation en plus". Voilà, c'est quand même assez fréquent. Et je suis la première à être comme ça. Mais voilà, je pense que toutes les femmes qui évoluent dans des mondes relativement masculins ont été confrontées à ça. Et je ne parle pas des anecdotes où on nous demande de faire le café en réunion, ou bien où on est la seule femme. Ça nous arrive à toutes. On le remarque plus ou moins, d'ailleurs. Et j'ai noté que moi, il y avait des choses qui ne me choquaient pas il y a dix ans qui aujourd'hui me choqueraient. Donc c'est plutôt positif. Oui, c'est une bonne nouvelle que les biais se passent. Moi, j'ai deux garçons, donc j'essaye de les éduquer pour pas qu'ils reproduisent les erreurs. Alors après, je me souviens de mon fils aîné quand il avait 5-6 ans, qui avait passé trois semaines chez mes parents. Et quand il est revenu, il a regardé mon mari qui faisait la vaisselle. Il lui a dit "mais c'est pas toi qui fais la vaisselle. C'est que maman et la nounou. Les hommes, on fait pas la vaisselle". Je l'ai pris entre quatre yeux. Je lui ai expliqué les règles.

  • Salomé

    Tu vas voir comment ça va se passer.

  • Christel

    Mais je pense que c'est notre devoir à toutes, en tant que femmes en tout cas, d'éduquer nos enfants pour essayer que les mentalités changent, même si culturellement c'est quand même très ancré et même les femmes, on a des biais inconscients énormes. Ça prendra beaucoup de temps. Ça se fera encore une fois uniquement avec les hommes, pas contre les hommes, mais avec les hommes. Voilà, si on travaille tous ensemble pour faire en sorte que nos fils, nos filles aient les mêmes chances demain. On sera tous très heureux. Je ne sais pas si on sera encore là pour le voir, mais en tout cas, ce sera bien pour tout le monde. En revanche, ça reste un sujet qui passe un peu après, quand on est en période de crise. Et c'est bien dommage parce que, encore une fois, je suis assez convaincue, notamment dans l'immobilier. C'était le titre de notre livre blanc. On bâtit la ville de demain avec ceux qui l'habitent. Et ceux qui l'habitent, c'est tout le monde, en fait. C'est les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, les gens valides, les gens moins valides. Et donc, il faut évidemment qu'on travaille avec des profils hyper diversifiés si on veut s'assurer qu'on bâtit vraiment la ville de demain. Sinon, on va bâtir la ville dont rêve l'homme blanc de moins de 50 ans, si je caricature, et ce n'est pas forcément souhaitable pour le reste de la population qui ne fait pas partie de cette catégorie. Donc voilà, je pense qu'il faut qu'on travaille tous ensemble dans cette direction-là et qu'à un moment, le sujet du genre ne soit plus un sujet, en fait. Et qu'on attribue des postes et des salaires uniquement à des gens parce qu'ils le méritent ou parce qu'on sait qu'ils vont être performants dans ce poste-là.

  • Salomé

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme qui débute dans l'immobilier, justement ?

  • Christel

    Alors déjà, avant, je lui dirais de ne pas se mettre de barrière et de bien choisir les maths. Non, mais blague à part, je pense qu'un des sujets, c'est surtout de ne pas se mettre de limite. C'est-à-dire que malgré mon père d'origine italienne, il ne m'a jamais dit « ce n'est pas un truc pour toi parce que tu es une fille » . Je pense qu'il y en a qui ont dû vivre ça. Moi, j'ai eu la chance de ne pas vivre ça. Et donc, je n'ai jamais pensé que quelque chose m'était interdit. Même si j'ai toutes les croyances autolimitantes, de la plupart des femmes, celle-là, je ne l'ai pas eue. Même si je ne suis pas forcément quelqu'un qui va aller au-delà de ce qu'elle pense pouvoir faire. Si on me propose un poste demain, si je ne me sens pas capable, je n'irai pas. Là où un homme ne se posera même pas la question.

  • Salomé

    C'est la question que j'allais poser. Est-ce que le syndrome de l'imposteur, c'est un truc avec lequel tu as du dealer à un moment donné ? Non, pas forcément. Mais j'ai aussi eu la chance sans vraiment... Moi, je n'ai jamais eu de plan de carrière. J'ai toujours été fascinée par les gens qui disent « je vais faire ça, comme ça, ça va m'emmener là, et puis après là » . Moi, je n'ai jamais fait ça et j'en suis totalement incapable. j'ai essayé de jouer aux échecs, j'ai jamais retenu les règles. Donc voilà, c'est pas fait pour moi. En revanche, j'ai toujours été très curieuse et moi, mon mantra, ça a toujours été d'apprendre. Donc j'ai toujours bougé quand je considérais que j'apprenais plus ou que je risquais de ne plus apprendre assez vite et que donc j'allais m'encrouter dans quelque chose et quelque part me fermer des portes après. Parce que j'aurais pas appris assez. Et tant que j'apprends, je suis très heureuse. Bon, en étant payée, pareil que les hommes, évidemment, tant qu'à faire. Mais si je devais donner un conseil aux jeunes filles, c'est ne vous mettez pas de limites, ne vous dites pas que quelque chose n'est pas fait pour vous. Allez là où vous avez envie d'aller et puis ne vous dévalorisez pas. Même si c'est quelque chose que j'ai du mal à faire moi-même, ne vous dévalorisez pas. Et puis surtout, mais ça s'adresse à tout le monde, je suis quelqu'un qui reste convaincue que le travail paye et que quand on travaille beaucoup, ça finit toujours par fonctionner. Alors je suis peut-être un peu utopiste parce que je sais bien qu'il y a d'autres choses. Mais je reste convaincue que quand on est un gros bosseur, on finit par y arriver. Et donc, voilà. Ça me parle beaucoup. Ça résonne énormément. Et un dirigeant qui n'a pas encore signé la charte, qu'est-ce que tu lui dirais ?

  • Christel

    Il faut signer. Il faut signer parce que ça montre une ouverture d'esprit, parce que c'est un engagement qu'on prend vis-à-vis de ses salariés, parce que c'est un vecteur. On a beaucoup parlé ces dernières années d'attractivité, d'attraction des talents, de rétention des talents. Et moi, je le vois aujourd'hui, j'ai des gens dans mes équipes qui m'ont dit « Je voulais partir, mais je reste parce que tu es une dirigeante et pas un dirigeant. » Ou parce qu'on voit dans les équipes qu'il y a une vraie ouverture d'esprit. Ça fait partie des sujets auxquels peut-être les plus jeunes, mais je l'espère les moins jeunes aussi, restent sensibles. Et donc, c'est une façon aussi, encore une fois, d'être là pour construire l'immobilier de demain avec tout le monde.

  • Salomé

    Alors, je te propose qu'on passe aux questions signatures du podcast. Tout d'abord, y a-t-il une maxime, un mantra, une phrase qui t'accompagne au quotidien ou qui t'inspire ?

  • Christel

    Pas vraiment, mais comme je le disais tout à l'heure, moi j'ai mon mantra personnel qui est de toujours apprendre. Je pense que c'est un peu ce qui fait que j'ai le parcours que j'ai, bien ou mal. Et puis aussi de ne pas se mettre de barrières, comme on le disait tout à l'heure, les femmes ont tendance à se mettre assez facilement des barrières. J'essaye de ne pas trop m'en mettre, même si le naturel revient souvent. Mais voilà, j'essaye de ne pas trop m'en mettre. Et puis, s'il y a un autre... Alors, c'est moins une maxime ou une citation, mais une autre chose que je dirais à une jeune femme, parce que je reviens à la question tout à l'heure, désolée, c'est aussi d'être bien entourée. C'est-à-dire que j'ai la chance d'avoir un mari qui m'a permis aussi de prendre les postes que j'ai pris et de faire mes choix. Encore heureux, on dirait. Mais en tout cas, de faire en sorte que je puisse le faire et d'avoir une approche un peu féministe des choses, à tel point que régulièrement, il me dit « Mais t'es sûre que je dois encore travailler ? » Parce que franchement... Voilà. Donc oui, oui, il doit travailler. Mais je pense qu'il faut être bien entouré et être entouré par un conjoint, des amis, un environnement familial qui nous pousse aussi à ne pas nous mettre ces barrières-là. Parce que finalement... Si on a des gens qui nous disent « Oh là là, mais t'as vu, le poste que t'as, c'est déjà très bien. Franchement, ne va pas chercher plus haut. » Alors que c'est ce qu'on a envie de faire. Si ce n'est pas ce qu'on a envie de faire, c'est OK. Mais si c'est ce qu'on a envie de faire, ce n'est pas le bon entourage. Donc voilà, il faut être bien entouré.

  • Salomé

    Oui, créer les conditions de la confiance en soi. Voilà. Quelle a été la chose la plus inattendue que tu aies faite dans ta carrière ? Un moment décisif ou un moment fort ? Oh là là, très très dur. Évidemment, je n'avais pas lu les questions avant, donc c'est très compliqué, probablement parce que j'aurais répondu si j'avais un peu réfléchi à la question, c'est pas bien. On héberge aujourd'hui des artistes dans un de nos sites, et c'est vrai que c'est une approche un peu différente de la vie. Voilà, donc moi j'aime beaucoup aller sur ce site qui s'appelle Push, alors ils quittent les lieux fin septembre, mais ça donne une autre perspective à l'immobilier, ça donne une autre façon de percevoir les immeubles, et c'est vrai que depuis le projet Morland de mon ancienne vie, où le promoteur qui est féru d'art avait fait en sorte de mettre des œuvres d'art un peu partout, je me rends compte que l'art est quelque chose qui permet vraiment d'approcher l'immobilier différemment. Et donc, c'est une démarche qu'on suit aujourd'hui. Alors, on n'a pas signé formellement la charte d'un immeuble, une œuvre, mais depuis que je suis là, je dis qu'on va le faire, donc on va le faire. Mais la démarche même de mettre de l'art au sein des bâtiments est quelque chose, je trouve, d'extrêmement vertueux et qui... pour reprendre l'expression de tout à l'heure, ouvre vraiment les chakras. Et donc, je trouve que c'est quelque chose auquel on ne s'attend pas quand on parle d'immobilier, de projet, de bâtiment. Mais c'est quelque chose qui est vraiment un plus pour vivre les immeubles et habiter les immeubles.

  • Christel

    Qui est-ce que tu aimerais entendre sur le podcast ?

  • Salomé

    Alors, là, j'ai eu le temps de réfléchir un peu. Moi, il y a deux personnes que ça me ferait plaisir d'entendre. Une première qui s'appelle Alexandra Chevalier, qui est quelqu'un que j'ai connue dans le cadre d'une association de professionnels de l'immobilier qui s'appelle le Cercle 30, qui est une femme, qui est une femme très engagée, très engagée aussi sur les sujets ESG, qui s'est beaucoup réinventée et qui aujourd'hui est entrepreneur puisqu'elle a lancé son fonds d'investissement. Et donc je trouve que ça serait intéressant, parce que tu me disais que tu aimerais bien avoir quelqu'un plutôt du monde de l'investissement. Donc je pense que d'avoir quelqu'un à la fois d'engagé sur les sujets RSE, de convaincus, entrepreneur après une carrière chez des institutionnels, qui a aussi été broker. Enfin, voilà, je pense que c'est une femme qui a un parcours hyper intéressant. Elle a aussi plein d'anecdotes sur les sujets de la discrimination vers les femmes au quotidien. Mais au-delà de ça, c'est une femme très intelligente et c'est une femme, je pense, qui a beaucoup de choses à raconter. Donc, voilà, je te dirais d'abord Alexandra Chevalier. Et puis, alors, j'ai pas forcément de nom, mais je pense que ce serait intéressant d'écouter une femme dans un EPA, dans un établissement public d'aménagement. Parce que c'est un acteur de la ville majeure. Les EPA sont souvent très importantes dans la façon dont on va pouvoir réinventer les immeubles, les quartiers, les espaces de vie. Souvent, ils sont incontournables. Ils ont parfois, en tout cas auprès des investisseurs ou des promoteurs, une image mitigée. Et donc, je pense qu'une femme au sein d'un EPA, ça peut être un profil intéressant pour avoir cette vision-là aussi de la fabrique de la ville. D'accord. Et ma dernière question, où est-ce qu'on peut te suivre ou te retrouver ?

  • Christel

    J'ai la chance d'être souvent invitée pour parler immobilier sur différentes conférences.

  • Salomé

    Récemment au Siati.

  • Christel

    Récemment. Je ne me leurre pas. Je sais que c'est souvent parce qu'on a besoin d'une femme dans les panels. Mais je prends ce rôle très volontiers parce que je reste convaincue que c'est bien qu'il y ait au moins une femme sur les panels. Et ça me déprime à chaque fois que je vois sur LinkedIn des panels 100% masculins. Aussi pour que les plus jeunes puissent se projeter, c'est toujours pareil, il y a aussi une question de visibilité et d'exemplarité. J'espère que je n'y raconte pas trop de bêtises d'ailleurs, mais voilà, sur différentes conférences et puis lors des prochains événements de la charte parité, évidemment. Et puis lors de nos événements sur les semestriels et les annuels, puisque encore une fois, ce sont des exercices et des passages obligés en tant que foncière cotée. Donc tous les six mois, on a un événement pour les analystes et les actionnaires. Donc voilà, ça peut être aussi, si ça intéresse de suivre la Société de la Tour Eiffel et nos actualités financières, c'est également un rendez-vous sur lequel je suis, évidemment.

  • Salomé

    Je te remercie beaucoup d'avoir répondu à toutes mes questions. C'était très chouette. Moi, j'ai passé un super bon moment. J'espère que l'expérience t'a plu.

  • Christel

    De même, merci beaucoup Salomé. Merci pour tes questions. Merci pour ta bienveillance. Et puis, merci pour cette idée de podcast où tu donnes la parole à... à des gens sur des sujets peut-être un peu moins corporate, mais pas moins intéressants.

  • Salomé

    Je suis ravie. Merci beaucoup.

  • Christel

    Merci.

  • Salomé

    Allez, c'est la fin de cet épisode. Je remercie encore une fois Christelle, qui a accepté de répondre à toutes mes questions et de partager son expérience avec authenticité et bienveillance. Je vous remercie mille fois de nous avoir écoutés jusqu'au bout. Si vous voulez me poser des questions, me faire vos retours ou me proposer de nouveaux invités, je vous attends sur LinkedIn. Enfin, je remercie chaleureusement Bouygues Construction, qui soutient le podcast et sans qui il n'existerait pas. J'espère que cet épisode vous a plu. N'hésitez pas à me laisser des étoiles et des commentaires sur Spotify et Apple Podcast, ça m'aide beaucoup. On se retrouve dans 15 jours pour un nouvel épisode d'Officieux, le podcast qui vous livre les confidences de ceux qui font l'immobilier d'entreprise.

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • 🧭 De la finance à l’immobilier : itinéraire d’une dirigeante engagée

    01:30

  • 🏛️ Présentation de la Société de la Tour Eiffel : une petite histoire dans la grande Histoire

    07:17

  • 🏢 Qu'est-ce qu'une foncière ? Et qu’est-ce que ça change d’être cotée ?

    11:36

  • 📉 Stratégie & contexte macro-économique : naviguer en pleine tempête

    15:27

  • 🔁 Transformations des usages : réinventer le bureau à l'heure de l'hybridation

    22:21

  • ⚖️ L’Observatoire de la charte de la parité dans l’immobilier : où en est-on ?

    29:15

  • 🎙️ Les questions signatures du podcast

    44:09

  • Conclusion

    50:22

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