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#19 – A toute pagaie avec Nélia Barbosa en Para canoë cover
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PAR Amour du sport !

#19 – A toute pagaie avec Nélia Barbosa en Para canoë

#19 – A toute pagaie avec Nélia Barbosa en Para canoë

14min |29/08/2024
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PAR Amour du sport !

#19 – A toute pagaie avec Nélia Barbosa en Para canoë

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14min |29/08/2024
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Description

Elle est tombée dans la marmite à émotions magiques quand elle était adolescente. Nélia Barbosa fait partie de ces athlètes pour qui la pratique de leur sport est une joie, une passion. Longtemps, la compétition est secondaire pour la jeune femme. Mais après son amputation du pied droit quand elle a 19 ans à cause d’une neurofibromatose, l’idée des Jeux Paralympiques fait son chemin. Tout part d’une rencontre avec Sylvain Curinier, médaillé d’argent olympique en Canoë Slalom à Barcelone en 1992. Amoureuse elle aussi du slalom, Barbosa se convertit finalement au 200 m sprint, seule épreuve présente aux Jeux Paralympiques, et décroche l’argent à Tokyo, à seulement 22 ans. Cette fois, il s’agit de monter une marche sur le podium, bien sûr, mais aussi de préserver son âme de jeune kayakiste, celle qui l’emmène sur tous les bassins du monde…

 

Les épreuves de Para canoë aux Jeux de Paris 2024 ont lieu du 6 au 8 septembre au Stade Nautique de Vaires-sur-Marne.


PAR Amour du sport est un podcast de Paris 2024 de 22 épisodes, soit un épisode par discipline présente aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Chaque sport, son histoire, ses règles, le niveau de performance qu’il requiert, est raconté à travers le parcours d’une ou d’un athlète. Les épisodes sont publiés dans l’ordre de l’apparition des sports aux Jeux Paralympiques d’été depuis la première édition à Rome en 1960. A l’époque, il y n’avait que huit disciplines en compétition, six d’entre elles sont toujours présentes : le Para athlétisme, la Para natation, l’Escrime fauteuil, le Basket fauteuil, le Para tir à l’arc et le Para tennis de table.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Roland Richard

    Le para canoé, avant d'être un sport de compétition, c'est un sport de passion. C'est un sport qu'on peut pratiquer avec autant d'envie et autant de âme qu'en face de la compétition ou pas. Je ne vais absolument pas arrêter le paracanoé et le joueur paralympique, parce que c'est une discipline qu'on voit assez peu et qui, je le trouve, est assez spectaculaire. Il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule discipline, on ne fait que du sprint. Il n'y a qu'une seule distance, c'est le 200 mètres. 200 mètres, c'est durant moins de 50 secondes. Donc franchement, c'est très rapide. On a le temps de passer par toutes les émotions.

  • Ludivine Munos

    C'est un choc de plaisir, d'adrénaline. Des courses passionnantes menées par des passionnés. À 25 ans, Nélia Barbosa, vice-championne paralympique de paracanoé et de siennes-là. Son sport représente bien davantage que la compétition, les médailles. la gloire. La francilienne est une inconditionnelle de son sport. Un coup de foudre intervenu à l'adolescence, on y reviendra. Je m'appelle Ludivine Munoz, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte donc le paracanoé à travers l'histoire de Nelia Barbosa.

  • Roland Richard

    C'est l'une des plus jeunes disciplines paralympiques, Ludivine, mais son histoire est fulgurante. Première exhibition internationale de paracanoé en 2009 au Canada. Premier championnat du monde l'année suivante en 2010 en Chine. Premier jeu paralympique en 2016 au Brésil, à Rio. Pas de surprise, jusqu'ici le paracanoé est une affaire de Britannique. Les sujets de sa majesté ont dominé les deux premières éditions paralympiques, avec trois titres à chaque fois. En 2016, il n'y avait que le kayak et déjà une médaille de bronze pour la France avec Cindy Moreau. En 2021, à Tokyo, la pirogue s'est jointe à la fête, mais les médailles sont pour le kayak, le bronze pour Rémi Boulet et l'argent pour Nelia Barbosa.

  • Ludivine Munos

    Mais revenons d'abord à son adolescence, puisque c'est là que tout a commencé en Corse.

  • Nélia Barbosa

    J'ai fait une colonie de vacances, donc j'avais 12 ans à l'époque. Et là, j'ai fait de la planche à voile, de la voile, du catamaran et du kayak. Il y a deux sports qui m'ont vraiment marquée, c'est la voile et le kayak. Et donc, en rentrant chez moi après les vacances, j'ai dit à ma mère que je voulais absolument faire un des deux sports. Et ma meilleure amie de l'époque m'a dit, fais surtout pas de voile parce que les animateurs, ils sont trop méchants au club de voile où tu veux aller. Et donc, je me suis inscrite au club de kayak.

  • Ludivine Munos

    La petite Nelia, violoniste, pratique enfin un sport. Elle se l'était interdit jusqu'ici en raison de son handicap. une malformation génétique de la cheville droite, une neurofibromatose. Cette inscription au club de Champigny en région parisienne, c'est une thérapie. Elle y trouve enfin une activité où elle n'a pas besoin d'être debout ou d'utiliser ses jambes. C'est aussi une respiration parce que le collège les court assis, le fait d'être cloîtré entre quatre murs, ce n'est pas pour elle. Nelia Barbosa fleurit dans les trois épreuves du kayak. La course en ligne, la descente, mais surtout le slalom. Elle découvre la compétition aux côtés des kayakistes sans handicap, progresse et savoure. Mais tout change peu avant ses 19 ans, en 2017. Son pied droit lui fait mal, trop mal, et l'annonce des médecins tombe sans prévenir.

  • Nélia Barbosa

    On m'annonce qu'il faudrait que je me fasse amputer parce que mon pied n'est plus du tout fonctionnel, il est trop douloureux. La condition pour que je me fasse amputer, c'est que je puisse continuer le kayak. On me dit qu'il n'y a absolument aucun problème, que je pourrais continuer le kayak, que ce n'est absolument pas incompatible. Je suis allée un petit peu à l'aventure avec cette nouvelle vie, avec ma jambe amputée, avec une super prothèse. Mais jamais dans l'optique de faire les Jeux paralympiques, je n'y avais jamais réellement pensé.

  • Roland Richard

    La jeune femme ne s'imagine pas comme une athlète, simplement comme une sportive. De plus, avant l'opération, le choc psychologique, la rééducation, elle faisait jeu égal avec ses rivales, mais sans handicap. L'idée des Jeux paralympiques ne fait donc pas partie de son imaginaire. Du moins, jusqu'à l'été suivant son opération, l'été 2018, et jusqu'à une rencontre qui va tout bouleverser.

  • Nélia Barbosa

    C'est un jour, quand j'encadrais un groupe de jeunes sur un bassin de slalom pendant les vacances d'été, que j'ai fait une rencontre avec un homme qui s'appelle Sylvain Curigny, qui a été déjà médaillé sur les Jeux olympiques. qui a entraîné Emilie Fer, qui a été championne olympique aussi, et qui me dit, écoute, je t'ai vu naviguer, tu navigues très bien, puis j'ai vu aussi que tu avais un petit handicap. Nous, on est en train de rechercher des athlètes. Est-ce que déjà, tu aimes la compétition ? Et ensuite, est-ce que ça te tenterait peut-être de tenter une sélection en équipe de France ?

  • Roland Richard

    Un discours qui sonne familier. Ce n'est pas la première fois que la francilienne est approchée ainsi. Mais cette fois... Ça vient d'un champion. Alors elle accepte d'essayer, pour faire plaisir et pour confirmer son impression à elle. Elle n'a pas le niveau qu'on lui prête. Elle teste les bateaux, mais en compétition paralympique, c'est du sprint uniquement. Les embarcations sont plus étroites, moins stables que celles de son slalom chéri. La technique aussi diffère.

  • Ludivine Munos

    Première compétition, quelques mois plus tard, Roland. Et là, elle prend une claque face à la médaillée de bronze de Rio, Cindy Moreau, 8 secondes. Mais lors du deuxième op... l'écart se réduit. Trois secondes. Et en mai 2019, moins d'un an après son échange estival avec Sylvain Curigny, elle passe les sélections tricolores et réussit de justesse. Le même mois, elle décroche même sa première médaille internationale, l'argent au championnat d'Europe à Poznan, en Pologne. À la fin de l'été, en août, elle fait quatrième au Mondiaux, et change de dimension. En l'espace d'un an, la jeune femme est devenue une athlète et une prétendante au podium des Jeux de Tokyo.

  • Roland Richard

    Pourtant, on l'a dit, la transition du slalom vers la course en ligne n'avait rien d'évident. Déjà, il faut tenir sur un kayak de 5,20 m de long et de 50 cm de large.

  • Nélia Barbosa

    J'en rigolais il y a quelques mois avec un ami qui est en équipe de France de para-judo qui me dit que le kayak c'est trop facile. Finalement, je l'ai fait monter dans mon kayak, il n'a pas tenu une seconde, je tiens à le dire.

  • Roland Richard

    Et là, il faut résister. 200 m à raison d'une centaine de battements effectués en moins de 50 secondes. Avec une pagaie double, un manche et deux pales donc. On est assis, il faut mettre de la vitesse, de la force, mais il faut surtout sentir le rythme approprié pour naviguer. La pirogue ou va est un peu plus grande, 7,20 m maximum. On navigue avec un genou au fond du bateau et une pagaie munie d'une seule pâle. L'embarcation est ici équipée d'un flotteur relié au bateau par deux bras de liaison. 200 m sur de tels appareils, c'est un effort intense de chaque instant, un effort comparable aux 400 m en athlétisme en termes de longueur de course.

  • Nélia Barbosa

    Ça dure moins de 50 secondes, donc on va dire entre 46 et 48 secondes. Donc on rentre assez rapidement dans une phase lactique presque. Il y a les bras qui brûlent, il y a la vision qui se rétrécit. On sent qu'il ne faut pas que ça dure plus longtemps parce que sinon le corps ne tient pas. On a mal partout, donc il faut réussir à le gérer. Pareil, on est en confrontation directe, donc on peut sentir les concurrents qui remontent à côté de nous et il ne faut surtout pas craquer parce que sinon, on est spectateur de sa course et c'est la pire chose qui puisse arriver.

  • Ludivine Munos

    Ne pas craquer. qui est ni en série, ni en demi-finale, ni bien sûr en finale. Lorsqu'on obtient les meilleurs temps comme Nelia Barbosa, on est placé au centre pour le tour suivant. Cela permet justement de voir ses adversaires sur les côtés. Le couloir de course mesure 9 mètres de large à raison de 8 concurrents ou concurrentes maximum en même temps. Le tout en extérieur donc, avec des conditions météo variables, du vent ou des vagues. Chaque seconde compte et le départ est donc un moment déterminant. Les bateaux sont placés derrière une cale qui plonge sous l'eau au commandement du starter.

  • Nélia Barbosa

    Le départ est très important parce que le 200 mètres est relativement court. Si on loupe son départ, il est très difficile de remonter et de rattraper son retard. Quand on part avec déjà une bonne pointe d'avance, pour soi-même c'est rassurant. Ça permet de partir avec beaucoup de confiance. Et pour les autres, c'est assez paniquant de voir un bateau qui sort directement de la starting zone. C'est un peu comme un élastique. L'objectif, c'est vraiment de faire comme un rebond et de garder cette pointe le plus longtemps possible devant. Donc voilà, les premières secondes sont primordiales.

  • Speaker #3

    Barbosa a toujours eu un bon start. Oui, elle le fait. Elle a aussi l'air vraiment déterminée, la femme française. Nellie Barbosa.

  • Roland Richard

    Voilà pour la CULS. Mais qui peut participer ? Eh bien, les athlètes avec des handicaps physiques. Handicap des membres, limitation de l'amplitude de mouvement. ou limitation de la puissance musculaire. Il y a trois catégories en kayak, Ludivine. KL1, KL2, KL3 et deux catégories en pirogue, VL2 et VL3. V pour VAR, la pirogue en Thaïsien. Pour chaque catégorie, un 200 mètres, aussi bien pour les dames que pour les messieurs.

  • Ludivine Munos

    En KL1, les athlètes n'ont aucune mobilité des jambes. Leur tronc est soit figé, soit très faiblement mobile. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'équivalent en pirogue où il faut mettre un genou dans le fond du bateau pour pagailler. On l'a dit, en KL2 et VL2, les athlètes ont des jambes et un tronc aux facultés limitées. Et en KL3, la catégorie de Nelia Barbosa, comme en VL3, les athlètes ont davantage de flexion au niveau du tronc et la possibilité d'utiliser au moins une jambe.

  • Roland Richard

    Comme en cyclisme, le poids de l'embarcation est important. La pirogue et le flotteur ne doivent pas peser moins de 13 kg. Le kayak, 12 kg. Pour la francilienne, il y a ses 12 kg plus les 3 de sa prothèse. Elle mène alors une réflexion avec son prothésiste et une entreprise spécialisée. Le résultat est bluffant. La prothèse est finalement intégrée au bateau et à son poids. 12 kg, dont les 3 de la prothèse.

  • Ludivine Munos

    Mais les gains ne concernent pas que le matériel, Roland. Nelia Barbosa a lancé une véritable révolution. À quelques mois des Jeux, elle change d'entraîneur et choisit Jean-Pascal Crochet, ancien entraîneur en chef de l'équipe de France Olympique. Elle change aussi de préparateur physique. Audrey Foucault est désormais à ses côtés. Une décision rare à un tel moment.

  • Nélia Barbosa

    C'est assez dangereux. On voit assez peu d'athlètes. J'ai deux staffs complètement à la veille des Jeux. Mais je pense qu'il était absolument nécessaire que je fasse ça pour pouvoir m'épanouir. pour pouvoir continuer de performer à l'international et pour pouvoir progresser aussi. Je pense que j'avais atteint un palier et je n'arrivais pas, je ne voyais pas comment évoluer sur ce palier-là.

  • Roland Richard

    Ce palier, c'est ce qui l'empêche sans doute de remporter l'or dans les grandes compétitions internationales, championnats d'Europe,

  • Speaker #3

    du monde et Jeux paralympiques.

  • Roland Richard

    En six ans, la francilienne s'est imposée comme l'une des leaders de son sport. Elle a remporté neuf médailles, deux en bronze, sept en argent, mais aucune en or. Il était temps, à ses yeux, de tenter autre chose avec un autre staff, Ludivine.

  • Ludivine Munos

    Le lieu d'entraînement a également évolué. C'était l'INSEP, dans le bois de Vincennes, près de Paris. C'est aujourd'hui principalement à Vers-sur-Marne, là où auront lieu les épreuves des Jeux. Enfin, pour ce qui est du contenu des séances, la semaine est bien chargée.

  • Nélia Barbosa

    C'est de l'entraînement bi-quotidien. Je ne fais pas que du kayak, je fais aussi beaucoup de renforcement musculaire. On a un sport où il est très important d'être très puissant, donc je fais de la musculation entre 3 et 4 fois par semaine. Je fais aussi de l'aérobie. L'objectif de l'aérobie, c'est de pouvoir encaisser les séances dures et donc de faire aussi de la récupération. En général, en aérobie, je repose le haut du corps, donc je fais du vélo ou de la natation. Et après, évidemment, des séances spécifiques en kayak. Les séances en kayak, c'est tous les jours.

  • Ludivine Munos

    Une journée et demie de repos par semaine seulement. pour réussir les Jeux, dont les épreuves auront pratiquement lieu chez elles. Barbosa a grandi à Sucy-en-Brie, à seulement 20 kilomètres du stade nautique de Vers-sur-Marne. Mais pour faire mieux qu'à Tokyo, mieux que l'argent paralympique japonais, il faut franchir ce palier. C'est l'objectif, clairement.

  • Nélia Barbosa

    Évidemment, je vais aller faire l'or à Paris. Je fais tout pour faire une médaille d'or. Mais si ça n'arrive pas, j'ai 25 ans. Donc, il y a les Jeux de Los Angeles, où j'aurai 29 ans, où je serai encore jeune. Et je pourrai encore aller performer. Il y aura à Brisbane, où je serai jeune aussi. Donc voilà, les Jeux de Paris, c'est presque l'objectif d'une vie, parce que c'est les Jeux à la maison. Mais je ne me mettrai pas en danger et je ne vais pas me faire du mal pour aller chercher cette médaille.

  • Roland Richard

    Si Nelia Barbosa évoque cette mise en danger, c'est que sa quête paralympique l'avait un peu éloignée, l'année dernière au Mondiaux, de son plaisir adolescent d'être sur un kayak. Sa pratique doit rester un amusement. Et elle le revendique, même aux Jeux. Un discours un peu plus facile à tenir, de Pique Barbosa, réussi. à battre sa grande rivale, la Britannique Laura Sugar, au printemps 2023 en Coupe du Monde. Laura Sugar, championne paralympique à Tokyo devant Nelia,

  • Speaker #3

    justement.

  • Ludivine Munos

    Et Barbosa ne sera pas seule. Elle vit cette aventure de manière collective avec ses proches, sa famille, mais aussi ses camarades de l'équipe de France comme Abel Aber en pirogue VL3 ou Rémi Boulet. Il ne manque donc que vous, du 6 au 8 septembre, pour que l'équipe soit au concours.

Description

Elle est tombée dans la marmite à émotions magiques quand elle était adolescente. Nélia Barbosa fait partie de ces athlètes pour qui la pratique de leur sport est une joie, une passion. Longtemps, la compétition est secondaire pour la jeune femme. Mais après son amputation du pied droit quand elle a 19 ans à cause d’une neurofibromatose, l’idée des Jeux Paralympiques fait son chemin. Tout part d’une rencontre avec Sylvain Curinier, médaillé d’argent olympique en Canoë Slalom à Barcelone en 1992. Amoureuse elle aussi du slalom, Barbosa se convertit finalement au 200 m sprint, seule épreuve présente aux Jeux Paralympiques, et décroche l’argent à Tokyo, à seulement 22 ans. Cette fois, il s’agit de monter une marche sur le podium, bien sûr, mais aussi de préserver son âme de jeune kayakiste, celle qui l’emmène sur tous les bassins du monde…

 

Les épreuves de Para canoë aux Jeux de Paris 2024 ont lieu du 6 au 8 septembre au Stade Nautique de Vaires-sur-Marne.


PAR Amour du sport est un podcast de Paris 2024 de 22 épisodes, soit un épisode par discipline présente aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Chaque sport, son histoire, ses règles, le niveau de performance qu’il requiert, est raconté à travers le parcours d’une ou d’un athlète. Les épisodes sont publiés dans l’ordre de l’apparition des sports aux Jeux Paralympiques d’été depuis la première édition à Rome en 1960. A l’époque, il y n’avait que huit disciplines en compétition, six d’entre elles sont toujours présentes : le Para athlétisme, la Para natation, l’Escrime fauteuil, le Basket fauteuil, le Para tir à l’arc et le Para tennis de table.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Roland Richard

    Le para canoé, avant d'être un sport de compétition, c'est un sport de passion. C'est un sport qu'on peut pratiquer avec autant d'envie et autant de âme qu'en face de la compétition ou pas. Je ne vais absolument pas arrêter le paracanoé et le joueur paralympique, parce que c'est une discipline qu'on voit assez peu et qui, je le trouve, est assez spectaculaire. Il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule discipline, on ne fait que du sprint. Il n'y a qu'une seule distance, c'est le 200 mètres. 200 mètres, c'est durant moins de 50 secondes. Donc franchement, c'est très rapide. On a le temps de passer par toutes les émotions.

  • Ludivine Munos

    C'est un choc de plaisir, d'adrénaline. Des courses passionnantes menées par des passionnés. À 25 ans, Nélia Barbosa, vice-championne paralympique de paracanoé et de siennes-là. Son sport représente bien davantage que la compétition, les médailles. la gloire. La francilienne est une inconditionnelle de son sport. Un coup de foudre intervenu à l'adolescence, on y reviendra. Je m'appelle Ludivine Munoz, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte donc le paracanoé à travers l'histoire de Nelia Barbosa.

  • Roland Richard

    C'est l'une des plus jeunes disciplines paralympiques, Ludivine, mais son histoire est fulgurante. Première exhibition internationale de paracanoé en 2009 au Canada. Premier championnat du monde l'année suivante en 2010 en Chine. Premier jeu paralympique en 2016 au Brésil, à Rio. Pas de surprise, jusqu'ici le paracanoé est une affaire de Britannique. Les sujets de sa majesté ont dominé les deux premières éditions paralympiques, avec trois titres à chaque fois. En 2016, il n'y avait que le kayak et déjà une médaille de bronze pour la France avec Cindy Moreau. En 2021, à Tokyo, la pirogue s'est jointe à la fête, mais les médailles sont pour le kayak, le bronze pour Rémi Boulet et l'argent pour Nelia Barbosa.

  • Ludivine Munos

    Mais revenons d'abord à son adolescence, puisque c'est là que tout a commencé en Corse.

  • Nélia Barbosa

    J'ai fait une colonie de vacances, donc j'avais 12 ans à l'époque. Et là, j'ai fait de la planche à voile, de la voile, du catamaran et du kayak. Il y a deux sports qui m'ont vraiment marquée, c'est la voile et le kayak. Et donc, en rentrant chez moi après les vacances, j'ai dit à ma mère que je voulais absolument faire un des deux sports. Et ma meilleure amie de l'époque m'a dit, fais surtout pas de voile parce que les animateurs, ils sont trop méchants au club de voile où tu veux aller. Et donc, je me suis inscrite au club de kayak.

  • Ludivine Munos

    La petite Nelia, violoniste, pratique enfin un sport. Elle se l'était interdit jusqu'ici en raison de son handicap. une malformation génétique de la cheville droite, une neurofibromatose. Cette inscription au club de Champigny en région parisienne, c'est une thérapie. Elle y trouve enfin une activité où elle n'a pas besoin d'être debout ou d'utiliser ses jambes. C'est aussi une respiration parce que le collège les court assis, le fait d'être cloîtré entre quatre murs, ce n'est pas pour elle. Nelia Barbosa fleurit dans les trois épreuves du kayak. La course en ligne, la descente, mais surtout le slalom. Elle découvre la compétition aux côtés des kayakistes sans handicap, progresse et savoure. Mais tout change peu avant ses 19 ans, en 2017. Son pied droit lui fait mal, trop mal, et l'annonce des médecins tombe sans prévenir.

  • Nélia Barbosa

    On m'annonce qu'il faudrait que je me fasse amputer parce que mon pied n'est plus du tout fonctionnel, il est trop douloureux. La condition pour que je me fasse amputer, c'est que je puisse continuer le kayak. On me dit qu'il n'y a absolument aucun problème, que je pourrais continuer le kayak, que ce n'est absolument pas incompatible. Je suis allée un petit peu à l'aventure avec cette nouvelle vie, avec ma jambe amputée, avec une super prothèse. Mais jamais dans l'optique de faire les Jeux paralympiques, je n'y avais jamais réellement pensé.

  • Roland Richard

    La jeune femme ne s'imagine pas comme une athlète, simplement comme une sportive. De plus, avant l'opération, le choc psychologique, la rééducation, elle faisait jeu égal avec ses rivales, mais sans handicap. L'idée des Jeux paralympiques ne fait donc pas partie de son imaginaire. Du moins, jusqu'à l'été suivant son opération, l'été 2018, et jusqu'à une rencontre qui va tout bouleverser.

  • Nélia Barbosa

    C'est un jour, quand j'encadrais un groupe de jeunes sur un bassin de slalom pendant les vacances d'été, que j'ai fait une rencontre avec un homme qui s'appelle Sylvain Curigny, qui a été déjà médaillé sur les Jeux olympiques. qui a entraîné Emilie Fer, qui a été championne olympique aussi, et qui me dit, écoute, je t'ai vu naviguer, tu navigues très bien, puis j'ai vu aussi que tu avais un petit handicap. Nous, on est en train de rechercher des athlètes. Est-ce que déjà, tu aimes la compétition ? Et ensuite, est-ce que ça te tenterait peut-être de tenter une sélection en équipe de France ?

  • Roland Richard

    Un discours qui sonne familier. Ce n'est pas la première fois que la francilienne est approchée ainsi. Mais cette fois... Ça vient d'un champion. Alors elle accepte d'essayer, pour faire plaisir et pour confirmer son impression à elle. Elle n'a pas le niveau qu'on lui prête. Elle teste les bateaux, mais en compétition paralympique, c'est du sprint uniquement. Les embarcations sont plus étroites, moins stables que celles de son slalom chéri. La technique aussi diffère.

  • Ludivine Munos

    Première compétition, quelques mois plus tard, Roland. Et là, elle prend une claque face à la médaillée de bronze de Rio, Cindy Moreau, 8 secondes. Mais lors du deuxième op... l'écart se réduit. Trois secondes. Et en mai 2019, moins d'un an après son échange estival avec Sylvain Curigny, elle passe les sélections tricolores et réussit de justesse. Le même mois, elle décroche même sa première médaille internationale, l'argent au championnat d'Europe à Poznan, en Pologne. À la fin de l'été, en août, elle fait quatrième au Mondiaux, et change de dimension. En l'espace d'un an, la jeune femme est devenue une athlète et une prétendante au podium des Jeux de Tokyo.

  • Roland Richard

    Pourtant, on l'a dit, la transition du slalom vers la course en ligne n'avait rien d'évident. Déjà, il faut tenir sur un kayak de 5,20 m de long et de 50 cm de large.

  • Nélia Barbosa

    J'en rigolais il y a quelques mois avec un ami qui est en équipe de France de para-judo qui me dit que le kayak c'est trop facile. Finalement, je l'ai fait monter dans mon kayak, il n'a pas tenu une seconde, je tiens à le dire.

  • Roland Richard

    Et là, il faut résister. 200 m à raison d'une centaine de battements effectués en moins de 50 secondes. Avec une pagaie double, un manche et deux pales donc. On est assis, il faut mettre de la vitesse, de la force, mais il faut surtout sentir le rythme approprié pour naviguer. La pirogue ou va est un peu plus grande, 7,20 m maximum. On navigue avec un genou au fond du bateau et une pagaie munie d'une seule pâle. L'embarcation est ici équipée d'un flotteur relié au bateau par deux bras de liaison. 200 m sur de tels appareils, c'est un effort intense de chaque instant, un effort comparable aux 400 m en athlétisme en termes de longueur de course.

  • Nélia Barbosa

    Ça dure moins de 50 secondes, donc on va dire entre 46 et 48 secondes. Donc on rentre assez rapidement dans une phase lactique presque. Il y a les bras qui brûlent, il y a la vision qui se rétrécit. On sent qu'il ne faut pas que ça dure plus longtemps parce que sinon le corps ne tient pas. On a mal partout, donc il faut réussir à le gérer. Pareil, on est en confrontation directe, donc on peut sentir les concurrents qui remontent à côté de nous et il ne faut surtout pas craquer parce que sinon, on est spectateur de sa course et c'est la pire chose qui puisse arriver.

  • Ludivine Munos

    Ne pas craquer. qui est ni en série, ni en demi-finale, ni bien sûr en finale. Lorsqu'on obtient les meilleurs temps comme Nelia Barbosa, on est placé au centre pour le tour suivant. Cela permet justement de voir ses adversaires sur les côtés. Le couloir de course mesure 9 mètres de large à raison de 8 concurrents ou concurrentes maximum en même temps. Le tout en extérieur donc, avec des conditions météo variables, du vent ou des vagues. Chaque seconde compte et le départ est donc un moment déterminant. Les bateaux sont placés derrière une cale qui plonge sous l'eau au commandement du starter.

  • Nélia Barbosa

    Le départ est très important parce que le 200 mètres est relativement court. Si on loupe son départ, il est très difficile de remonter et de rattraper son retard. Quand on part avec déjà une bonne pointe d'avance, pour soi-même c'est rassurant. Ça permet de partir avec beaucoup de confiance. Et pour les autres, c'est assez paniquant de voir un bateau qui sort directement de la starting zone. C'est un peu comme un élastique. L'objectif, c'est vraiment de faire comme un rebond et de garder cette pointe le plus longtemps possible devant. Donc voilà, les premières secondes sont primordiales.

  • Speaker #3

    Barbosa a toujours eu un bon start. Oui, elle le fait. Elle a aussi l'air vraiment déterminée, la femme française. Nellie Barbosa.

  • Roland Richard

    Voilà pour la CULS. Mais qui peut participer ? Eh bien, les athlètes avec des handicaps physiques. Handicap des membres, limitation de l'amplitude de mouvement. ou limitation de la puissance musculaire. Il y a trois catégories en kayak, Ludivine. KL1, KL2, KL3 et deux catégories en pirogue, VL2 et VL3. V pour VAR, la pirogue en Thaïsien. Pour chaque catégorie, un 200 mètres, aussi bien pour les dames que pour les messieurs.

  • Ludivine Munos

    En KL1, les athlètes n'ont aucune mobilité des jambes. Leur tronc est soit figé, soit très faiblement mobile. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'équivalent en pirogue où il faut mettre un genou dans le fond du bateau pour pagailler. On l'a dit, en KL2 et VL2, les athlètes ont des jambes et un tronc aux facultés limitées. Et en KL3, la catégorie de Nelia Barbosa, comme en VL3, les athlètes ont davantage de flexion au niveau du tronc et la possibilité d'utiliser au moins une jambe.

  • Roland Richard

    Comme en cyclisme, le poids de l'embarcation est important. La pirogue et le flotteur ne doivent pas peser moins de 13 kg. Le kayak, 12 kg. Pour la francilienne, il y a ses 12 kg plus les 3 de sa prothèse. Elle mène alors une réflexion avec son prothésiste et une entreprise spécialisée. Le résultat est bluffant. La prothèse est finalement intégrée au bateau et à son poids. 12 kg, dont les 3 de la prothèse.

  • Ludivine Munos

    Mais les gains ne concernent pas que le matériel, Roland. Nelia Barbosa a lancé une véritable révolution. À quelques mois des Jeux, elle change d'entraîneur et choisit Jean-Pascal Crochet, ancien entraîneur en chef de l'équipe de France Olympique. Elle change aussi de préparateur physique. Audrey Foucault est désormais à ses côtés. Une décision rare à un tel moment.

  • Nélia Barbosa

    C'est assez dangereux. On voit assez peu d'athlètes. J'ai deux staffs complètement à la veille des Jeux. Mais je pense qu'il était absolument nécessaire que je fasse ça pour pouvoir m'épanouir. pour pouvoir continuer de performer à l'international et pour pouvoir progresser aussi. Je pense que j'avais atteint un palier et je n'arrivais pas, je ne voyais pas comment évoluer sur ce palier-là.

  • Roland Richard

    Ce palier, c'est ce qui l'empêche sans doute de remporter l'or dans les grandes compétitions internationales, championnats d'Europe,

  • Speaker #3

    du monde et Jeux paralympiques.

  • Roland Richard

    En six ans, la francilienne s'est imposée comme l'une des leaders de son sport. Elle a remporté neuf médailles, deux en bronze, sept en argent, mais aucune en or. Il était temps, à ses yeux, de tenter autre chose avec un autre staff, Ludivine.

  • Ludivine Munos

    Le lieu d'entraînement a également évolué. C'était l'INSEP, dans le bois de Vincennes, près de Paris. C'est aujourd'hui principalement à Vers-sur-Marne, là où auront lieu les épreuves des Jeux. Enfin, pour ce qui est du contenu des séances, la semaine est bien chargée.

  • Nélia Barbosa

    C'est de l'entraînement bi-quotidien. Je ne fais pas que du kayak, je fais aussi beaucoup de renforcement musculaire. On a un sport où il est très important d'être très puissant, donc je fais de la musculation entre 3 et 4 fois par semaine. Je fais aussi de l'aérobie. L'objectif de l'aérobie, c'est de pouvoir encaisser les séances dures et donc de faire aussi de la récupération. En général, en aérobie, je repose le haut du corps, donc je fais du vélo ou de la natation. Et après, évidemment, des séances spécifiques en kayak. Les séances en kayak, c'est tous les jours.

  • Ludivine Munos

    Une journée et demie de repos par semaine seulement. pour réussir les Jeux, dont les épreuves auront pratiquement lieu chez elles. Barbosa a grandi à Sucy-en-Brie, à seulement 20 kilomètres du stade nautique de Vers-sur-Marne. Mais pour faire mieux qu'à Tokyo, mieux que l'argent paralympique japonais, il faut franchir ce palier. C'est l'objectif, clairement.

  • Nélia Barbosa

    Évidemment, je vais aller faire l'or à Paris. Je fais tout pour faire une médaille d'or. Mais si ça n'arrive pas, j'ai 25 ans. Donc, il y a les Jeux de Los Angeles, où j'aurai 29 ans, où je serai encore jeune. Et je pourrai encore aller performer. Il y aura à Brisbane, où je serai jeune aussi. Donc voilà, les Jeux de Paris, c'est presque l'objectif d'une vie, parce que c'est les Jeux à la maison. Mais je ne me mettrai pas en danger et je ne vais pas me faire du mal pour aller chercher cette médaille.

  • Roland Richard

    Si Nelia Barbosa évoque cette mise en danger, c'est que sa quête paralympique l'avait un peu éloignée, l'année dernière au Mondiaux, de son plaisir adolescent d'être sur un kayak. Sa pratique doit rester un amusement. Et elle le revendique, même aux Jeux. Un discours un peu plus facile à tenir, de Pique Barbosa, réussi. à battre sa grande rivale, la Britannique Laura Sugar, au printemps 2023 en Coupe du Monde. Laura Sugar, championne paralympique à Tokyo devant Nelia,

  • Speaker #3

    justement.

  • Ludivine Munos

    Et Barbosa ne sera pas seule. Elle vit cette aventure de manière collective avec ses proches, sa famille, mais aussi ses camarades de l'équipe de France comme Abel Aber en pirogue VL3 ou Rémi Boulet. Il ne manque donc que vous, du 6 au 8 septembre, pour que l'équipe soit au concours.

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Description

Elle est tombée dans la marmite à émotions magiques quand elle était adolescente. Nélia Barbosa fait partie de ces athlètes pour qui la pratique de leur sport est une joie, une passion. Longtemps, la compétition est secondaire pour la jeune femme. Mais après son amputation du pied droit quand elle a 19 ans à cause d’une neurofibromatose, l’idée des Jeux Paralympiques fait son chemin. Tout part d’une rencontre avec Sylvain Curinier, médaillé d’argent olympique en Canoë Slalom à Barcelone en 1992. Amoureuse elle aussi du slalom, Barbosa se convertit finalement au 200 m sprint, seule épreuve présente aux Jeux Paralympiques, et décroche l’argent à Tokyo, à seulement 22 ans. Cette fois, il s’agit de monter une marche sur le podium, bien sûr, mais aussi de préserver son âme de jeune kayakiste, celle qui l’emmène sur tous les bassins du monde…

 

Les épreuves de Para canoë aux Jeux de Paris 2024 ont lieu du 6 au 8 septembre au Stade Nautique de Vaires-sur-Marne.


PAR Amour du sport est un podcast de Paris 2024 de 22 épisodes, soit un épisode par discipline présente aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Chaque sport, son histoire, ses règles, le niveau de performance qu’il requiert, est raconté à travers le parcours d’une ou d’un athlète. Les épisodes sont publiés dans l’ordre de l’apparition des sports aux Jeux Paralympiques d’été depuis la première édition à Rome en 1960. A l’époque, il y n’avait que huit disciplines en compétition, six d’entre elles sont toujours présentes : le Para athlétisme, la Para natation, l’Escrime fauteuil, le Basket fauteuil, le Para tir à l’arc et le Para tennis de table.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Roland Richard

    Le para canoé, avant d'être un sport de compétition, c'est un sport de passion. C'est un sport qu'on peut pratiquer avec autant d'envie et autant de âme qu'en face de la compétition ou pas. Je ne vais absolument pas arrêter le paracanoé et le joueur paralympique, parce que c'est une discipline qu'on voit assez peu et qui, je le trouve, est assez spectaculaire. Il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule discipline, on ne fait que du sprint. Il n'y a qu'une seule distance, c'est le 200 mètres. 200 mètres, c'est durant moins de 50 secondes. Donc franchement, c'est très rapide. On a le temps de passer par toutes les émotions.

  • Ludivine Munos

    C'est un choc de plaisir, d'adrénaline. Des courses passionnantes menées par des passionnés. À 25 ans, Nélia Barbosa, vice-championne paralympique de paracanoé et de siennes-là. Son sport représente bien davantage que la compétition, les médailles. la gloire. La francilienne est une inconditionnelle de son sport. Un coup de foudre intervenu à l'adolescence, on y reviendra. Je m'appelle Ludivine Munoz, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte donc le paracanoé à travers l'histoire de Nelia Barbosa.

  • Roland Richard

    C'est l'une des plus jeunes disciplines paralympiques, Ludivine, mais son histoire est fulgurante. Première exhibition internationale de paracanoé en 2009 au Canada. Premier championnat du monde l'année suivante en 2010 en Chine. Premier jeu paralympique en 2016 au Brésil, à Rio. Pas de surprise, jusqu'ici le paracanoé est une affaire de Britannique. Les sujets de sa majesté ont dominé les deux premières éditions paralympiques, avec trois titres à chaque fois. En 2016, il n'y avait que le kayak et déjà une médaille de bronze pour la France avec Cindy Moreau. En 2021, à Tokyo, la pirogue s'est jointe à la fête, mais les médailles sont pour le kayak, le bronze pour Rémi Boulet et l'argent pour Nelia Barbosa.

  • Ludivine Munos

    Mais revenons d'abord à son adolescence, puisque c'est là que tout a commencé en Corse.

  • Nélia Barbosa

    J'ai fait une colonie de vacances, donc j'avais 12 ans à l'époque. Et là, j'ai fait de la planche à voile, de la voile, du catamaran et du kayak. Il y a deux sports qui m'ont vraiment marquée, c'est la voile et le kayak. Et donc, en rentrant chez moi après les vacances, j'ai dit à ma mère que je voulais absolument faire un des deux sports. Et ma meilleure amie de l'époque m'a dit, fais surtout pas de voile parce que les animateurs, ils sont trop méchants au club de voile où tu veux aller. Et donc, je me suis inscrite au club de kayak.

  • Ludivine Munos

    La petite Nelia, violoniste, pratique enfin un sport. Elle se l'était interdit jusqu'ici en raison de son handicap. une malformation génétique de la cheville droite, une neurofibromatose. Cette inscription au club de Champigny en région parisienne, c'est une thérapie. Elle y trouve enfin une activité où elle n'a pas besoin d'être debout ou d'utiliser ses jambes. C'est aussi une respiration parce que le collège les court assis, le fait d'être cloîtré entre quatre murs, ce n'est pas pour elle. Nelia Barbosa fleurit dans les trois épreuves du kayak. La course en ligne, la descente, mais surtout le slalom. Elle découvre la compétition aux côtés des kayakistes sans handicap, progresse et savoure. Mais tout change peu avant ses 19 ans, en 2017. Son pied droit lui fait mal, trop mal, et l'annonce des médecins tombe sans prévenir.

  • Nélia Barbosa

    On m'annonce qu'il faudrait que je me fasse amputer parce que mon pied n'est plus du tout fonctionnel, il est trop douloureux. La condition pour que je me fasse amputer, c'est que je puisse continuer le kayak. On me dit qu'il n'y a absolument aucun problème, que je pourrais continuer le kayak, que ce n'est absolument pas incompatible. Je suis allée un petit peu à l'aventure avec cette nouvelle vie, avec ma jambe amputée, avec une super prothèse. Mais jamais dans l'optique de faire les Jeux paralympiques, je n'y avais jamais réellement pensé.

  • Roland Richard

    La jeune femme ne s'imagine pas comme une athlète, simplement comme une sportive. De plus, avant l'opération, le choc psychologique, la rééducation, elle faisait jeu égal avec ses rivales, mais sans handicap. L'idée des Jeux paralympiques ne fait donc pas partie de son imaginaire. Du moins, jusqu'à l'été suivant son opération, l'été 2018, et jusqu'à une rencontre qui va tout bouleverser.

  • Nélia Barbosa

    C'est un jour, quand j'encadrais un groupe de jeunes sur un bassin de slalom pendant les vacances d'été, que j'ai fait une rencontre avec un homme qui s'appelle Sylvain Curigny, qui a été déjà médaillé sur les Jeux olympiques. qui a entraîné Emilie Fer, qui a été championne olympique aussi, et qui me dit, écoute, je t'ai vu naviguer, tu navigues très bien, puis j'ai vu aussi que tu avais un petit handicap. Nous, on est en train de rechercher des athlètes. Est-ce que déjà, tu aimes la compétition ? Et ensuite, est-ce que ça te tenterait peut-être de tenter une sélection en équipe de France ?

  • Roland Richard

    Un discours qui sonne familier. Ce n'est pas la première fois que la francilienne est approchée ainsi. Mais cette fois... Ça vient d'un champion. Alors elle accepte d'essayer, pour faire plaisir et pour confirmer son impression à elle. Elle n'a pas le niveau qu'on lui prête. Elle teste les bateaux, mais en compétition paralympique, c'est du sprint uniquement. Les embarcations sont plus étroites, moins stables que celles de son slalom chéri. La technique aussi diffère.

  • Ludivine Munos

    Première compétition, quelques mois plus tard, Roland. Et là, elle prend une claque face à la médaillée de bronze de Rio, Cindy Moreau, 8 secondes. Mais lors du deuxième op... l'écart se réduit. Trois secondes. Et en mai 2019, moins d'un an après son échange estival avec Sylvain Curigny, elle passe les sélections tricolores et réussit de justesse. Le même mois, elle décroche même sa première médaille internationale, l'argent au championnat d'Europe à Poznan, en Pologne. À la fin de l'été, en août, elle fait quatrième au Mondiaux, et change de dimension. En l'espace d'un an, la jeune femme est devenue une athlète et une prétendante au podium des Jeux de Tokyo.

  • Roland Richard

    Pourtant, on l'a dit, la transition du slalom vers la course en ligne n'avait rien d'évident. Déjà, il faut tenir sur un kayak de 5,20 m de long et de 50 cm de large.

  • Nélia Barbosa

    J'en rigolais il y a quelques mois avec un ami qui est en équipe de France de para-judo qui me dit que le kayak c'est trop facile. Finalement, je l'ai fait monter dans mon kayak, il n'a pas tenu une seconde, je tiens à le dire.

  • Roland Richard

    Et là, il faut résister. 200 m à raison d'une centaine de battements effectués en moins de 50 secondes. Avec une pagaie double, un manche et deux pales donc. On est assis, il faut mettre de la vitesse, de la force, mais il faut surtout sentir le rythme approprié pour naviguer. La pirogue ou va est un peu plus grande, 7,20 m maximum. On navigue avec un genou au fond du bateau et une pagaie munie d'une seule pâle. L'embarcation est ici équipée d'un flotteur relié au bateau par deux bras de liaison. 200 m sur de tels appareils, c'est un effort intense de chaque instant, un effort comparable aux 400 m en athlétisme en termes de longueur de course.

  • Nélia Barbosa

    Ça dure moins de 50 secondes, donc on va dire entre 46 et 48 secondes. Donc on rentre assez rapidement dans une phase lactique presque. Il y a les bras qui brûlent, il y a la vision qui se rétrécit. On sent qu'il ne faut pas que ça dure plus longtemps parce que sinon le corps ne tient pas. On a mal partout, donc il faut réussir à le gérer. Pareil, on est en confrontation directe, donc on peut sentir les concurrents qui remontent à côté de nous et il ne faut surtout pas craquer parce que sinon, on est spectateur de sa course et c'est la pire chose qui puisse arriver.

  • Ludivine Munos

    Ne pas craquer. qui est ni en série, ni en demi-finale, ni bien sûr en finale. Lorsqu'on obtient les meilleurs temps comme Nelia Barbosa, on est placé au centre pour le tour suivant. Cela permet justement de voir ses adversaires sur les côtés. Le couloir de course mesure 9 mètres de large à raison de 8 concurrents ou concurrentes maximum en même temps. Le tout en extérieur donc, avec des conditions météo variables, du vent ou des vagues. Chaque seconde compte et le départ est donc un moment déterminant. Les bateaux sont placés derrière une cale qui plonge sous l'eau au commandement du starter.

  • Nélia Barbosa

    Le départ est très important parce que le 200 mètres est relativement court. Si on loupe son départ, il est très difficile de remonter et de rattraper son retard. Quand on part avec déjà une bonne pointe d'avance, pour soi-même c'est rassurant. Ça permet de partir avec beaucoup de confiance. Et pour les autres, c'est assez paniquant de voir un bateau qui sort directement de la starting zone. C'est un peu comme un élastique. L'objectif, c'est vraiment de faire comme un rebond et de garder cette pointe le plus longtemps possible devant. Donc voilà, les premières secondes sont primordiales.

  • Speaker #3

    Barbosa a toujours eu un bon start. Oui, elle le fait. Elle a aussi l'air vraiment déterminée, la femme française. Nellie Barbosa.

  • Roland Richard

    Voilà pour la CULS. Mais qui peut participer ? Eh bien, les athlètes avec des handicaps physiques. Handicap des membres, limitation de l'amplitude de mouvement. ou limitation de la puissance musculaire. Il y a trois catégories en kayak, Ludivine. KL1, KL2, KL3 et deux catégories en pirogue, VL2 et VL3. V pour VAR, la pirogue en Thaïsien. Pour chaque catégorie, un 200 mètres, aussi bien pour les dames que pour les messieurs.

  • Ludivine Munos

    En KL1, les athlètes n'ont aucune mobilité des jambes. Leur tronc est soit figé, soit très faiblement mobile. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'équivalent en pirogue où il faut mettre un genou dans le fond du bateau pour pagailler. On l'a dit, en KL2 et VL2, les athlètes ont des jambes et un tronc aux facultés limitées. Et en KL3, la catégorie de Nelia Barbosa, comme en VL3, les athlètes ont davantage de flexion au niveau du tronc et la possibilité d'utiliser au moins une jambe.

  • Roland Richard

    Comme en cyclisme, le poids de l'embarcation est important. La pirogue et le flotteur ne doivent pas peser moins de 13 kg. Le kayak, 12 kg. Pour la francilienne, il y a ses 12 kg plus les 3 de sa prothèse. Elle mène alors une réflexion avec son prothésiste et une entreprise spécialisée. Le résultat est bluffant. La prothèse est finalement intégrée au bateau et à son poids. 12 kg, dont les 3 de la prothèse.

  • Ludivine Munos

    Mais les gains ne concernent pas que le matériel, Roland. Nelia Barbosa a lancé une véritable révolution. À quelques mois des Jeux, elle change d'entraîneur et choisit Jean-Pascal Crochet, ancien entraîneur en chef de l'équipe de France Olympique. Elle change aussi de préparateur physique. Audrey Foucault est désormais à ses côtés. Une décision rare à un tel moment.

  • Nélia Barbosa

    C'est assez dangereux. On voit assez peu d'athlètes. J'ai deux staffs complètement à la veille des Jeux. Mais je pense qu'il était absolument nécessaire que je fasse ça pour pouvoir m'épanouir. pour pouvoir continuer de performer à l'international et pour pouvoir progresser aussi. Je pense que j'avais atteint un palier et je n'arrivais pas, je ne voyais pas comment évoluer sur ce palier-là.

  • Roland Richard

    Ce palier, c'est ce qui l'empêche sans doute de remporter l'or dans les grandes compétitions internationales, championnats d'Europe,

  • Speaker #3

    du monde et Jeux paralympiques.

  • Roland Richard

    En six ans, la francilienne s'est imposée comme l'une des leaders de son sport. Elle a remporté neuf médailles, deux en bronze, sept en argent, mais aucune en or. Il était temps, à ses yeux, de tenter autre chose avec un autre staff, Ludivine.

  • Ludivine Munos

    Le lieu d'entraînement a également évolué. C'était l'INSEP, dans le bois de Vincennes, près de Paris. C'est aujourd'hui principalement à Vers-sur-Marne, là où auront lieu les épreuves des Jeux. Enfin, pour ce qui est du contenu des séances, la semaine est bien chargée.

  • Nélia Barbosa

    C'est de l'entraînement bi-quotidien. Je ne fais pas que du kayak, je fais aussi beaucoup de renforcement musculaire. On a un sport où il est très important d'être très puissant, donc je fais de la musculation entre 3 et 4 fois par semaine. Je fais aussi de l'aérobie. L'objectif de l'aérobie, c'est de pouvoir encaisser les séances dures et donc de faire aussi de la récupération. En général, en aérobie, je repose le haut du corps, donc je fais du vélo ou de la natation. Et après, évidemment, des séances spécifiques en kayak. Les séances en kayak, c'est tous les jours.

  • Ludivine Munos

    Une journée et demie de repos par semaine seulement. pour réussir les Jeux, dont les épreuves auront pratiquement lieu chez elles. Barbosa a grandi à Sucy-en-Brie, à seulement 20 kilomètres du stade nautique de Vers-sur-Marne. Mais pour faire mieux qu'à Tokyo, mieux que l'argent paralympique japonais, il faut franchir ce palier. C'est l'objectif, clairement.

  • Nélia Barbosa

    Évidemment, je vais aller faire l'or à Paris. Je fais tout pour faire une médaille d'or. Mais si ça n'arrive pas, j'ai 25 ans. Donc, il y a les Jeux de Los Angeles, où j'aurai 29 ans, où je serai encore jeune. Et je pourrai encore aller performer. Il y aura à Brisbane, où je serai jeune aussi. Donc voilà, les Jeux de Paris, c'est presque l'objectif d'une vie, parce que c'est les Jeux à la maison. Mais je ne me mettrai pas en danger et je ne vais pas me faire du mal pour aller chercher cette médaille.

  • Roland Richard

    Si Nelia Barbosa évoque cette mise en danger, c'est que sa quête paralympique l'avait un peu éloignée, l'année dernière au Mondiaux, de son plaisir adolescent d'être sur un kayak. Sa pratique doit rester un amusement. Et elle le revendique, même aux Jeux. Un discours un peu plus facile à tenir, de Pique Barbosa, réussi. à battre sa grande rivale, la Britannique Laura Sugar, au printemps 2023 en Coupe du Monde. Laura Sugar, championne paralympique à Tokyo devant Nelia,

  • Speaker #3

    justement.

  • Ludivine Munos

    Et Barbosa ne sera pas seule. Elle vit cette aventure de manière collective avec ses proches, sa famille, mais aussi ses camarades de l'équipe de France comme Abel Aber en pirogue VL3 ou Rémi Boulet. Il ne manque donc que vous, du 6 au 8 septembre, pour que l'équipe soit au concours.

Description

Elle est tombée dans la marmite à émotions magiques quand elle était adolescente. Nélia Barbosa fait partie de ces athlètes pour qui la pratique de leur sport est une joie, une passion. Longtemps, la compétition est secondaire pour la jeune femme. Mais après son amputation du pied droit quand elle a 19 ans à cause d’une neurofibromatose, l’idée des Jeux Paralympiques fait son chemin. Tout part d’une rencontre avec Sylvain Curinier, médaillé d’argent olympique en Canoë Slalom à Barcelone en 1992. Amoureuse elle aussi du slalom, Barbosa se convertit finalement au 200 m sprint, seule épreuve présente aux Jeux Paralympiques, et décroche l’argent à Tokyo, à seulement 22 ans. Cette fois, il s’agit de monter une marche sur le podium, bien sûr, mais aussi de préserver son âme de jeune kayakiste, celle qui l’emmène sur tous les bassins du monde…

 

Les épreuves de Para canoë aux Jeux de Paris 2024 ont lieu du 6 au 8 septembre au Stade Nautique de Vaires-sur-Marne.


PAR Amour du sport est un podcast de Paris 2024 de 22 épisodes, soit un épisode par discipline présente aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Chaque sport, son histoire, ses règles, le niveau de performance qu’il requiert, est raconté à travers le parcours d’une ou d’un athlète. Les épisodes sont publiés dans l’ordre de l’apparition des sports aux Jeux Paralympiques d’été depuis la première édition à Rome en 1960. A l’époque, il y n’avait que huit disciplines en compétition, six d’entre elles sont toujours présentes : le Para athlétisme, la Para natation, l’Escrime fauteuil, le Basket fauteuil, le Para tir à l’arc et le Para tennis de table.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Roland Richard

    Le para canoé, avant d'être un sport de compétition, c'est un sport de passion. C'est un sport qu'on peut pratiquer avec autant d'envie et autant de âme qu'en face de la compétition ou pas. Je ne vais absolument pas arrêter le paracanoé et le joueur paralympique, parce que c'est une discipline qu'on voit assez peu et qui, je le trouve, est assez spectaculaire. Il faut savoir qu'il n'y a qu'une seule discipline, on ne fait que du sprint. Il n'y a qu'une seule distance, c'est le 200 mètres. 200 mètres, c'est durant moins de 50 secondes. Donc franchement, c'est très rapide. On a le temps de passer par toutes les émotions.

  • Ludivine Munos

    C'est un choc de plaisir, d'adrénaline. Des courses passionnantes menées par des passionnés. À 25 ans, Nélia Barbosa, vice-championne paralympique de paracanoé et de siennes-là. Son sport représente bien davantage que la compétition, les médailles. la gloire. La francilienne est une inconditionnelle de son sport. Un coup de foudre intervenu à l'adolescence, on y reviendra. Je m'appelle Ludivine Munoz, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte donc le paracanoé à travers l'histoire de Nelia Barbosa.

  • Roland Richard

    C'est l'une des plus jeunes disciplines paralympiques, Ludivine, mais son histoire est fulgurante. Première exhibition internationale de paracanoé en 2009 au Canada. Premier championnat du monde l'année suivante en 2010 en Chine. Premier jeu paralympique en 2016 au Brésil, à Rio. Pas de surprise, jusqu'ici le paracanoé est une affaire de Britannique. Les sujets de sa majesté ont dominé les deux premières éditions paralympiques, avec trois titres à chaque fois. En 2016, il n'y avait que le kayak et déjà une médaille de bronze pour la France avec Cindy Moreau. En 2021, à Tokyo, la pirogue s'est jointe à la fête, mais les médailles sont pour le kayak, le bronze pour Rémi Boulet et l'argent pour Nelia Barbosa.

  • Ludivine Munos

    Mais revenons d'abord à son adolescence, puisque c'est là que tout a commencé en Corse.

  • Nélia Barbosa

    J'ai fait une colonie de vacances, donc j'avais 12 ans à l'époque. Et là, j'ai fait de la planche à voile, de la voile, du catamaran et du kayak. Il y a deux sports qui m'ont vraiment marquée, c'est la voile et le kayak. Et donc, en rentrant chez moi après les vacances, j'ai dit à ma mère que je voulais absolument faire un des deux sports. Et ma meilleure amie de l'époque m'a dit, fais surtout pas de voile parce que les animateurs, ils sont trop méchants au club de voile où tu veux aller. Et donc, je me suis inscrite au club de kayak.

  • Ludivine Munos

    La petite Nelia, violoniste, pratique enfin un sport. Elle se l'était interdit jusqu'ici en raison de son handicap. une malformation génétique de la cheville droite, une neurofibromatose. Cette inscription au club de Champigny en région parisienne, c'est une thérapie. Elle y trouve enfin une activité où elle n'a pas besoin d'être debout ou d'utiliser ses jambes. C'est aussi une respiration parce que le collège les court assis, le fait d'être cloîtré entre quatre murs, ce n'est pas pour elle. Nelia Barbosa fleurit dans les trois épreuves du kayak. La course en ligne, la descente, mais surtout le slalom. Elle découvre la compétition aux côtés des kayakistes sans handicap, progresse et savoure. Mais tout change peu avant ses 19 ans, en 2017. Son pied droit lui fait mal, trop mal, et l'annonce des médecins tombe sans prévenir.

  • Nélia Barbosa

    On m'annonce qu'il faudrait que je me fasse amputer parce que mon pied n'est plus du tout fonctionnel, il est trop douloureux. La condition pour que je me fasse amputer, c'est que je puisse continuer le kayak. On me dit qu'il n'y a absolument aucun problème, que je pourrais continuer le kayak, que ce n'est absolument pas incompatible. Je suis allée un petit peu à l'aventure avec cette nouvelle vie, avec ma jambe amputée, avec une super prothèse. Mais jamais dans l'optique de faire les Jeux paralympiques, je n'y avais jamais réellement pensé.

  • Roland Richard

    La jeune femme ne s'imagine pas comme une athlète, simplement comme une sportive. De plus, avant l'opération, le choc psychologique, la rééducation, elle faisait jeu égal avec ses rivales, mais sans handicap. L'idée des Jeux paralympiques ne fait donc pas partie de son imaginaire. Du moins, jusqu'à l'été suivant son opération, l'été 2018, et jusqu'à une rencontre qui va tout bouleverser.

  • Nélia Barbosa

    C'est un jour, quand j'encadrais un groupe de jeunes sur un bassin de slalom pendant les vacances d'été, que j'ai fait une rencontre avec un homme qui s'appelle Sylvain Curigny, qui a été déjà médaillé sur les Jeux olympiques. qui a entraîné Emilie Fer, qui a été championne olympique aussi, et qui me dit, écoute, je t'ai vu naviguer, tu navigues très bien, puis j'ai vu aussi que tu avais un petit handicap. Nous, on est en train de rechercher des athlètes. Est-ce que déjà, tu aimes la compétition ? Et ensuite, est-ce que ça te tenterait peut-être de tenter une sélection en équipe de France ?

  • Roland Richard

    Un discours qui sonne familier. Ce n'est pas la première fois que la francilienne est approchée ainsi. Mais cette fois... Ça vient d'un champion. Alors elle accepte d'essayer, pour faire plaisir et pour confirmer son impression à elle. Elle n'a pas le niveau qu'on lui prête. Elle teste les bateaux, mais en compétition paralympique, c'est du sprint uniquement. Les embarcations sont plus étroites, moins stables que celles de son slalom chéri. La technique aussi diffère.

  • Ludivine Munos

    Première compétition, quelques mois plus tard, Roland. Et là, elle prend une claque face à la médaillée de bronze de Rio, Cindy Moreau, 8 secondes. Mais lors du deuxième op... l'écart se réduit. Trois secondes. Et en mai 2019, moins d'un an après son échange estival avec Sylvain Curigny, elle passe les sélections tricolores et réussit de justesse. Le même mois, elle décroche même sa première médaille internationale, l'argent au championnat d'Europe à Poznan, en Pologne. À la fin de l'été, en août, elle fait quatrième au Mondiaux, et change de dimension. En l'espace d'un an, la jeune femme est devenue une athlète et une prétendante au podium des Jeux de Tokyo.

  • Roland Richard

    Pourtant, on l'a dit, la transition du slalom vers la course en ligne n'avait rien d'évident. Déjà, il faut tenir sur un kayak de 5,20 m de long et de 50 cm de large.

  • Nélia Barbosa

    J'en rigolais il y a quelques mois avec un ami qui est en équipe de France de para-judo qui me dit que le kayak c'est trop facile. Finalement, je l'ai fait monter dans mon kayak, il n'a pas tenu une seconde, je tiens à le dire.

  • Roland Richard

    Et là, il faut résister. 200 m à raison d'une centaine de battements effectués en moins de 50 secondes. Avec une pagaie double, un manche et deux pales donc. On est assis, il faut mettre de la vitesse, de la force, mais il faut surtout sentir le rythme approprié pour naviguer. La pirogue ou va est un peu plus grande, 7,20 m maximum. On navigue avec un genou au fond du bateau et une pagaie munie d'une seule pâle. L'embarcation est ici équipée d'un flotteur relié au bateau par deux bras de liaison. 200 m sur de tels appareils, c'est un effort intense de chaque instant, un effort comparable aux 400 m en athlétisme en termes de longueur de course.

  • Nélia Barbosa

    Ça dure moins de 50 secondes, donc on va dire entre 46 et 48 secondes. Donc on rentre assez rapidement dans une phase lactique presque. Il y a les bras qui brûlent, il y a la vision qui se rétrécit. On sent qu'il ne faut pas que ça dure plus longtemps parce que sinon le corps ne tient pas. On a mal partout, donc il faut réussir à le gérer. Pareil, on est en confrontation directe, donc on peut sentir les concurrents qui remontent à côté de nous et il ne faut surtout pas craquer parce que sinon, on est spectateur de sa course et c'est la pire chose qui puisse arriver.

  • Ludivine Munos

    Ne pas craquer. qui est ni en série, ni en demi-finale, ni bien sûr en finale. Lorsqu'on obtient les meilleurs temps comme Nelia Barbosa, on est placé au centre pour le tour suivant. Cela permet justement de voir ses adversaires sur les côtés. Le couloir de course mesure 9 mètres de large à raison de 8 concurrents ou concurrentes maximum en même temps. Le tout en extérieur donc, avec des conditions météo variables, du vent ou des vagues. Chaque seconde compte et le départ est donc un moment déterminant. Les bateaux sont placés derrière une cale qui plonge sous l'eau au commandement du starter.

  • Nélia Barbosa

    Le départ est très important parce que le 200 mètres est relativement court. Si on loupe son départ, il est très difficile de remonter et de rattraper son retard. Quand on part avec déjà une bonne pointe d'avance, pour soi-même c'est rassurant. Ça permet de partir avec beaucoup de confiance. Et pour les autres, c'est assez paniquant de voir un bateau qui sort directement de la starting zone. C'est un peu comme un élastique. L'objectif, c'est vraiment de faire comme un rebond et de garder cette pointe le plus longtemps possible devant. Donc voilà, les premières secondes sont primordiales.

  • Speaker #3

    Barbosa a toujours eu un bon start. Oui, elle le fait. Elle a aussi l'air vraiment déterminée, la femme française. Nellie Barbosa.

  • Roland Richard

    Voilà pour la CULS. Mais qui peut participer ? Eh bien, les athlètes avec des handicaps physiques. Handicap des membres, limitation de l'amplitude de mouvement. ou limitation de la puissance musculaire. Il y a trois catégories en kayak, Ludivine. KL1, KL2, KL3 et deux catégories en pirogue, VL2 et VL3. V pour VAR, la pirogue en Thaïsien. Pour chaque catégorie, un 200 mètres, aussi bien pour les dames que pour les messieurs.

  • Ludivine Munos

    En KL1, les athlètes n'ont aucune mobilité des jambes. Leur tronc est soit figé, soit très faiblement mobile. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'équivalent en pirogue où il faut mettre un genou dans le fond du bateau pour pagailler. On l'a dit, en KL2 et VL2, les athlètes ont des jambes et un tronc aux facultés limitées. Et en KL3, la catégorie de Nelia Barbosa, comme en VL3, les athlètes ont davantage de flexion au niveau du tronc et la possibilité d'utiliser au moins une jambe.

  • Roland Richard

    Comme en cyclisme, le poids de l'embarcation est important. La pirogue et le flotteur ne doivent pas peser moins de 13 kg. Le kayak, 12 kg. Pour la francilienne, il y a ses 12 kg plus les 3 de sa prothèse. Elle mène alors une réflexion avec son prothésiste et une entreprise spécialisée. Le résultat est bluffant. La prothèse est finalement intégrée au bateau et à son poids. 12 kg, dont les 3 de la prothèse.

  • Ludivine Munos

    Mais les gains ne concernent pas que le matériel, Roland. Nelia Barbosa a lancé une véritable révolution. À quelques mois des Jeux, elle change d'entraîneur et choisit Jean-Pascal Crochet, ancien entraîneur en chef de l'équipe de France Olympique. Elle change aussi de préparateur physique. Audrey Foucault est désormais à ses côtés. Une décision rare à un tel moment.

  • Nélia Barbosa

    C'est assez dangereux. On voit assez peu d'athlètes. J'ai deux staffs complètement à la veille des Jeux. Mais je pense qu'il était absolument nécessaire que je fasse ça pour pouvoir m'épanouir. pour pouvoir continuer de performer à l'international et pour pouvoir progresser aussi. Je pense que j'avais atteint un palier et je n'arrivais pas, je ne voyais pas comment évoluer sur ce palier-là.

  • Roland Richard

    Ce palier, c'est ce qui l'empêche sans doute de remporter l'or dans les grandes compétitions internationales, championnats d'Europe,

  • Speaker #3

    du monde et Jeux paralympiques.

  • Roland Richard

    En six ans, la francilienne s'est imposée comme l'une des leaders de son sport. Elle a remporté neuf médailles, deux en bronze, sept en argent, mais aucune en or. Il était temps, à ses yeux, de tenter autre chose avec un autre staff, Ludivine.

  • Ludivine Munos

    Le lieu d'entraînement a également évolué. C'était l'INSEP, dans le bois de Vincennes, près de Paris. C'est aujourd'hui principalement à Vers-sur-Marne, là où auront lieu les épreuves des Jeux. Enfin, pour ce qui est du contenu des séances, la semaine est bien chargée.

  • Nélia Barbosa

    C'est de l'entraînement bi-quotidien. Je ne fais pas que du kayak, je fais aussi beaucoup de renforcement musculaire. On a un sport où il est très important d'être très puissant, donc je fais de la musculation entre 3 et 4 fois par semaine. Je fais aussi de l'aérobie. L'objectif de l'aérobie, c'est de pouvoir encaisser les séances dures et donc de faire aussi de la récupération. En général, en aérobie, je repose le haut du corps, donc je fais du vélo ou de la natation. Et après, évidemment, des séances spécifiques en kayak. Les séances en kayak, c'est tous les jours.

  • Ludivine Munos

    Une journée et demie de repos par semaine seulement. pour réussir les Jeux, dont les épreuves auront pratiquement lieu chez elles. Barbosa a grandi à Sucy-en-Brie, à seulement 20 kilomètres du stade nautique de Vers-sur-Marne. Mais pour faire mieux qu'à Tokyo, mieux que l'argent paralympique japonais, il faut franchir ce palier. C'est l'objectif, clairement.

  • Nélia Barbosa

    Évidemment, je vais aller faire l'or à Paris. Je fais tout pour faire une médaille d'or. Mais si ça n'arrive pas, j'ai 25 ans. Donc, il y a les Jeux de Los Angeles, où j'aurai 29 ans, où je serai encore jeune. Et je pourrai encore aller performer. Il y aura à Brisbane, où je serai jeune aussi. Donc voilà, les Jeux de Paris, c'est presque l'objectif d'une vie, parce que c'est les Jeux à la maison. Mais je ne me mettrai pas en danger et je ne vais pas me faire du mal pour aller chercher cette médaille.

  • Roland Richard

    Si Nelia Barbosa évoque cette mise en danger, c'est que sa quête paralympique l'avait un peu éloignée, l'année dernière au Mondiaux, de son plaisir adolescent d'être sur un kayak. Sa pratique doit rester un amusement. Et elle le revendique, même aux Jeux. Un discours un peu plus facile à tenir, de Pique Barbosa, réussi. à battre sa grande rivale, la Britannique Laura Sugar, au printemps 2023 en Coupe du Monde. Laura Sugar, championne paralympique à Tokyo devant Nelia,

  • Speaker #3

    justement.

  • Ludivine Munos

    Et Barbosa ne sera pas seule. Elle vit cette aventure de manière collective avec ses proches, sa famille, mais aussi ses camarades de l'équipe de France comme Abel Aber en pirogue VL3 ou Rémi Boulet. Il ne manque donc que vous, du 6 au 8 septembre, pour que l'équipe soit au concours.

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