- Méril Loquette
Le Para badminton, c'est un sport explosif, ludique. C'est un sport avec une diversité de dingue en club, presque d'égalité hommes et femmes, et je trouve ça génial. Je dirais que comme toutes les personnes ont vécu quelque chose de fort dans leur vie dû à leur handicap, ça fait qu'on est soudés, que ce soit avec les pays étrangers, avec notre nation, et c'est ça qui est bien. Franchement, ça fait qu'on est une grosse famille.
- Ludivine Munos
Le sport comme lieu d'égalité, d'inclusion, de tolérance et de fraternité. Avec Meril Loquette, le badminton deviendrait presque un programme politique. Pourtant, le francilien né à Boulogne-Biancourt est bien un champion de son sport. À 27 ans, il a déjà fait les Jeux à Tokyo, il a été numéro 3 mondial et il a arraché deux titres de champion d'Europe en 2023, un en simple, l'autre en double. Mais Meril n'est pas qu'un athlète, c'est aussi une personnalité lumineuse. Sa gaieté et sa légèreté irradient au-delà des coups de raquettes et des volants gagnants. Je m'appelle Ludivine Munos, nageuse. J'ai remporté 12 médailles aux Jeux paralympiques. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte donc le Parabadminton à travers l'histoire de Meryl Lockett.
- Roland Richard
La discipline a pris le temps de se structurer, Ludivine, entre la création d'une fédération internationale de Parabadminton en 1995 en Grande-Bretagne, la tenue de... premier championnat du monde en 1998 aux Pays-Bas et finalement une arrivée aux Jeux paralympiques à Tokyo en 2021. Un premier tournoi paralympique où la France brille grâce à l'ami de Meril Loquette, un certain Lucas Mazur. Médaillé d'or en simple et médaillé d'argent en double mixte aux côtés de Faustine Noël. Et pour la France, Nuka Mazur, quelles sont les Jeux Paralympiques. C'est pour lui, bien sûr, de gagner le medal de guilde dans la catégorie de singles, le SL4, les singles de hommes. Et maintenant, un medal de guilde dans les doubles mixtes, SL3 à SU5, classification pour son partenaire, Osteen Null, sa première medal de ces Jeux Paralympiques. Loquette était de l'aventure japonaise, mais il n'a pas réussi à jouer la médaille. Alors il est reparti à l'entraînement, comme un fou. Avec Paris à l'esprit. Cette passion dévorante pour le volant, elle remonte à loin, à l'adolescence, à la fin des années 2000.
- Méril Loquette
Le para-baminton, je l'ai découvert tout simplement à l'UNSS, à l'AS du collège. J'avais un de mes meilleurs potes qui était en équipe de France valide, lui de badminton. Et de fil en aiguille, il m'a dit Tu te débrouilles quand même bien Meryl, tu devrais t'inscrire dans un club. Mais c'est qu'en 2015 que j'apprends qu'il y a du para-baminton. qu'il y a même des sports pour personnes handicapées, parce que je n'en avais pas la moindre idée. Et c'est à partir de 2018 où je deviens professionnel.
- Ludivine Munos
En 2015, Meril a 18 ans. Et l'année suivante, il arrache déjà deux médailles de bronze aux championnats d'Europe, aux Pays-Bas, en simple et en double, avant donc de passer pro en 2018. Le jeune badiste fait peu de cas de son handicap. Pourtant, il est né sans main droite. Il performe en badminton, mais aussi en judo. Alors pourquoi avoir finalement choisi le premier ?
- Méril Loquette
Comme tout le monde, moi je pensais que c'était un sport de plage. Donc je me suis dit, bon, moi je ne veux pas faire un sport de plage, je veux faire un vrai sport olympique de dingue. Et après j'ai fait quelques petites initiations et j'ai fait, oula, c'est vraiment super sympa ce sport, c'est difficile. Il faut être explosif comme je le disais, il faut être athlétique, il faut être malin.
- Ludivine Munos
Mais la volonté de se confronter à la difficulté. à l'entraînement, au travail, ne suffit pas. Parce que le judo requiert les mêmes dispositions d'esprit, la même régularité. Alors on insiste, et là Meryl nous avoue la raison principale, ainsi qu'un petit secret.
- Méril Loquette
Il n'y a pas de para-judo pour les personnes avec un handicap comme le mien ou d'autres handicaps, c'est que les personnes qui ont un problème de vue. Et donc je me suis dit, c'est mon rêve d'être sportif de haut niveau, faire les Jeux c'est un truc que j'ai toujours voulu faire. Je vais me diriger vers le badminton et après plus précisément le parabadminton. Mais s'il y avait eu du para-judo avec mon handicap, je ne sais pas si j'aurais fait du badminton honnêtement. Parce que j'aime tellement ce sport.
- Roland Richard
Fort heureusement pour l'équipe de France Paralympique, Meryl choisit donc de martyriser des volants plutôt que des kimonos. Et le passage du badminton vers le parabadminton n'a pas été compliqué. Les règles sont pratiquement les mêmes. Le filet est à 1,55 m de hauteur et les dimensions du terrain ne changent pas, sauf pour les catégories WH1. et WH2 comprendre les badistes en fauteuil roulant. WH pour wheelchair, le fauteuil roulant en anglais. Pour ces deux catégories, on joue sur demi-terrain et sans la zone avant, celle collée au filet. En prime, le couloir du fond n'est pas valable au service. En revanche, en double, les WH1 et WH2 jouent sur tout le terrain, sauf la zone avant, toujours.
- Ludivine Munos
Puisqu'on est parti dans les catégories roulant, il faut dire qu'il y a ensuite quatre catégories debout en simple. Les SL3. SL4, SU5 et SH6. Les SL3 et SL4 ont des difficultés aux jambes. S pour standing, debout donc, et L pour lower, le bas du corps. Les SL3 sont davantage limités dans leur capacité de déplacement, donc eux aussi jouent sur demi-terrain.
- Roland Richard
En revanche, Ludivine, pour les SL4, les SU5, standing, upper, les athlètes debout avec un handicap des membres supérieurs, comme Meryl, Pour short stature, la petite taille, il n'y a pas de restrictions au niveau du terrain.
- Ludivine Munos
Si le plus difficile pour les SL3 et SL4, touchés aux membres inférieurs, c'est le déplacement, le plus gros problème pour les SU5 concerne la gestuelle, notamment au service pour Meryl, puisque le volant est posé sur son poignet avant d'engager. Mais au cours d'un point, la limite est d'un autre ordre.
- Méril Loquette
Sur tout ce qui est revers, on a un déséquilibre, parce que j'ai moins de force dans le bras droit, il est plus petit. Donc il y a toujours un déséquilibre et l'équilibre joue beaucoup. En fait, comme c'est un sport où il n'y a pas de rebond, donc il y a beaucoup d'explosivité, de réactivité, le moindre déséquilibre peut te faire perdre une demi-seconde et t'as perdu le point.
- Ludivine Munos
Pour gagner un point, il faut faire tomber le volant sur le sol, dans l'air de jeu, du côté de son adversaire. Et pour gagner un match, il faut remporter 2 sets de 21 points. La règle des deux points d'écart s'applique si on atteint 20 partout. Mais à 29-29, il y a une sorte de golden point, celui qui atteint 30 ravit la manche. Sauf que pour emporter une rencontre, Mary Lockett fait face à un second handicap, invisible celui-là.
- Méril Loquette
Moi je suis né droitier, même si je n'ai pas eu d'accident ou quoi, j'ai eu un bug à ma naissance. Mon cerveau n'a pas fait la liaison du fait que j'avais plus de doigts, plus de mains à droite. Et il m'a dit, ouais t'es quand même droitier, donc c'est pour ça que quand je suis fatigué, mon cerveau un peu... Un peu reptilien, il reprend le dessus et c'est là où je dois avoir une très grosse concentration parce que j'ai des petits réflexes à droite.
- Roland Richard
Un service moins précis, un déséquilibre sur les revers en raison d'une différence de poids des deux bras et donc ce coup du sort à la naissance d'un droitier sans main droite. Au fil des années, Meryl Lockett a appris à conjurer les limites de son handicap. Le problème, c'est qu'il n'est pas le seul à les connaître et évidemment... Les parabadistes utilisent ces connaissances dans leurs tactiques.
- Méril Loquette
C'est clair, je fais hyper attention à l'adversaire que j'ai en face de moi, savoir ce qu'il a comme pathologie. Hier, je suis rentré de tournoi. En demi-finale, j'affronte un gars qui a un handicap assez lourd, mais qui est hyper mobile. Donc je sais que je vais le jouer beaucoup plus au fond et jamais deux fois au même endroit. Il faut créer un déséquilibre avec le mouvement. Et donc on fait hyper attention à ça. Mais de toute façon, ça c'est comme le valide. Il y en a, ils ne savent pas faire des trucs. Il y en a, ils savent faire. C'est juste que là, on... C'est un peu plus clair et net qu'on va jouer du côté où il n'a plus de bras. C'est la guerre sur le
- Roland Richard
terrain. et SH6 possèdent chacune une épreuve de simple messieurs et une de simple dame. En double, en revanche, il y a des regroupements. Les WH1 et WH2 ensemble pour des doubles hommes et des doubles femmes. Les SL3, SL4 et SU5 ensemble pour des doubles mixtes et les SH6 de leur côté pour des doubles mixtes également.
- Ludivine Munos
Si l'on résume, sont acceptés aux Jeux paralympiques les handicaps suivants. Tétraplégie, 3 ou 4 membres touchés, paraplégie, le bas du corps, hémiplégie, un côté du corps, les handicaps orthopédiques, les paralysies d'origine cérébrale, les handicaps neurologiques, évolutifs ou d'origine, et donc la petite taille. Cette ouverture à un large éventail de handicaps permet au parabadminton de voir ses volants voltiger dans plus de 60 pays dans le monde. Une expansion synonyme de densité dans les différentes catégories. C'est pour cette raison que les athlètes suivent désormais une préparation semblable à leurs homologues olympiens. Et ce, du lundi au vendredi.
- Méril Loquette
Je m'entraîne deux heures le matin, tous les jours. Et j'ai re-deux heures de badminton le soir. Après, je fais une heure de physique. J'essaie de ne pas en faire tous les jours parce qu'après, je suis cuit. Mais j'essaie de faire au moins trois, quatre entraînements physiques. Donc, ça fait à peu près entre quatre et cinq heures par jour.
- Roland Richard
25 à 30 heures par semaine, si l'on compte la récupération, les massages, tout ce que Meryl Lockett n'aime pas. Le Francélien est sans doute l'un des athlètes qui s'entraîne le plus. avec Alex Portal en natation, parmi ceux et celles que nous avons interrogés. Méride le confesse sans peine, il adore s'entraîner. Mais le revers de la médaille est parfois brutal, comme au Mondiaux, fin février.
- Méril Loquette
C'est une claque monumentale que je me suis pris, où je m'étais entraîné comme un chien, et j'ai eu zéro résultat. J'ai fait mes pires résultats de ma carrière, alors que jamais été aussi bon, entre guillemets. Grosse remise en question, parce que je me suis dit, mais pourquoi ? Je fais un stage en Indonésie pendant un mois où je me bute et tout, vraiment j'y vais à fond. Et en fait, je me suis trop entraîné et je suis arrivé mais claqué.
- Roland Richard
Concentration en berne, difficulté à appliquer un choix tactique à haute intensité et une élimination en deux manches sèches au premier tour contre l'Indonésien Deva Andrimusti, numéro 2 mondial et futur vice-champion du monde.
- Ludivine Munos
Preuve de l'intelligence de Lockett, il réduit tout de suite sa préparation physique et consacre davantage de temps. à la préparation mentale, notamment aux côtés d'un coach réputé en la matière, Boris Marais. L'objectif, c'est entre autres de garder sa concentration au travers de petits rituels, un peu comme le fait un certain Raphaël Nadal en tennis.
- Roland Richard
Les résultats se font sentir en Écosse en juin, lui divine. En poule, le vice-champion du monde indonésien est de nouveau sur sa route et cette fois, Lockett l'emporte en 3-7. En demi-finale, il embarque le troisième joueur mondial dans un match âpre, une fois de plus en trois manches. Et même si ça ne tourne finalement pas en sa faveur, qu'importe, la confiance est revenue. Cette confiance acquise lors du double titre européen obtenu en août 2023 à Rotterdam. En simple et en double messieurs. Ces titres, ils ont changé bien des choses dans la vie du Français.
- Méril Loquette
De savoir qu'est-ce que ça fait vraiment de gagner un titre, ça m'a un peu projeté de qu'est-ce que ça va être à Paris. Parce que là, j'étais déjà hyper content. Je me suis dit, mais là, je vais chialer, c'est sûr. Je vais chialer s'il y a une médaille à Paris. Ah ouais, c'est clair. Je vais voir ma maman, je vais dire Maman, j'ai gagné !
- Roland Richard
Tout cela donne le sentiment que Meryl Lockett est un tournant. Il a 27 ans, il a intégré le top 3 mondial et glané deux fois l'or dans une grande compétition l'an passé. Il a fait les ajustements nécessaires et ils ont déjà payé. Alors le badiste le dit, il se sent hyper bien en ce moment.
- Ludivine Munos
Il ne sera pas seul, il se rend huit à défendre les couleurs tricolores. Lucas Mazur, Charles Knox ou Maud Lefort sont de solides chances de médaille. à ses yeux. Meryl lui-même n'est pas loin mais il faudra donc délambiancer de la toute nouvelle aréna Porte de la Chapelle. Alors en guise de fin, il a accepté d'imaginer son entrée sur le cours le 29 août.
- Méril Loquette
Un couloir un peu sombre avec au bout de la lumière. On a eu de la chance de voir un peu l'osmose parce qu'il y a eu un tournoi valide pour préparer les Jeux donc on y est allé, on a vu. Donc je vois un peu le bruit que ça va faire quand il y aura du public. Donc je m'imagine un peu le public. Je suis prêt à me battre. Et j'ai envie que le public, il me porte. Qu'on soit deux contre un. Dès que je gagne un point, je vais retourner. Et faire... Comme ça, j'ai envie de devenir un banque. J'ai envie qu'à la fin de mon match, on m'interne à l'hôpital. Vraiment. Je veux qu'on dise lui qu'il faut qu'on fasse quelque chose pour lui. Parce que c'est pas possible.