- Bopha Kong
Le Para taekwondo, c'est un art martial coréen. Le sport, ça m'a changé beaucoup de choses et puis ça m'a fait devenir qui je suis, en fait. En gros, avant, je faisais beaucoup de conneries.
- Ludivine Munos
Pour certains, le sport, c'est l'école de la vie. Pour Bopha Kong, ce fut l'école de la rédemption. À 43 ans, le Français est quadruple champion du monde de Para taekwondo. Papa apaisé et né protecteur pour ses partenaires de l'équipe de France, il a trouvé sa voie dans le sport. L'accident qui a tout changé survient quand il a 18 ans. Dans son quartier de Gonesse, en région parisienne, ses copains fabriquent une bombe artisanale et elle lui explose dans les mains. Il est amputé au milieu des avant-bras, abandonne ses mauvaises fréquentations et avec les années, devient un champion d'exception. Reste à aller chercher la reconnaissance suprême aux Jeux de Paris, sans doute ces derniers. Aujourd'hui, avec Roland Richard, mon acolyte journaliste, on vous raconte donc le Para taekwondo à travers l'histoire de Bofa Kung.
- Roland Richard
Et la discipline est jeune, Ludivine. En 2005, World Taekwondo, la fédération internationale, crée un comité pour promouvoir et développer cet art martial coréen auprès des athlètes en situation de handicap. La pratique est centrée sur les coups de pied dans le combat. Alors très vite, le Para taekwondo s'ouvre aux athlètes avec des handicaps des bras ou des avant-bras. Les premiers championnats du monde de Para taekwondo se tiennent en 2009 à Bakou, en Azerbaïdjan. Bofa est déjà de l'aventure parce que ce sport, il l'a découvert pile dix ans plus tôt, après son accident.
- Bopha Kong
J'ai un peu près six mois d'hospitalisation et six mois en centre de rééducation. Quand j'étais en centre de rééducation, je sortais le week-end pour rentrer chez moi. Ma première réaction, c'était... vouloir chercher un sport qui était adapté par rapport à mon handicap.
- Roland Richard
Déjà pratiquant de kickboxing et de boxe anglaise avant son accident, il fréquente une salle de remise en forme après son hospitalisation. Et c'est là qu'il découvre le taekwondo, un peu par hasard. Les premiers cours sont une révélation.
- Bopha Kong
J'ai essayé et puis j'ai tout de suite adhéré, j'ai tout de suite accroché dans ce sport. Je l'ai fait par loisir en première partie. Mon objectif c'était... Pas spécialement dans les compétitions, mais vouloir toujours me dépasser et montrer que je suis capable d'être fort malgré mon handicap.
- Ludivine Munos
Mais la compétition va s'inviter dans la vie du francilien lors des Jeux d'Athènes en 2004. Bofa Kong est à l'hôpital lorsqu'il assiste à la finale des plus de 80 kilos entre le grec Alexandros Nikolaidis et le sud-coréen Moon Dae-sung. Le premier rang n'a pas le temps de s'achever que Moon réalise un coup de pied en rotation et pousse tout flanc. Nikolaidis est KO et Bofa subjugué.
- Bopha Kong
C'était le coup de fou, je me dis c'est extraordinaire, j'avais vraiment envie de venir. Ce genre de personne, en fait, c'était spectaculaire pour moi. Et puis, à la fois précis et puis le coup, le chaos que j'ai vu, il était bien exécuté. C'est-à-dire que ça m'a vraiment inspiré et vouloir faire la même chose.
- Roland Richard
Le petit garçon d'origine vietnamienne, arrivé à trois ans en France et transformé par cet accident à 18, trouve finalement un sens à son existence lorsqu'il a 23 printemps au moment de ses Jeux d'Athènes. Cinq ans plus tard, en 2009, il ravit l'or au premier championnat du monde de para-taekwondo de l'histoire. Et sa carrière accompagne la structuration internationale de la discipline jusqu'à son irruption aux Jeux Paralympiques de Tokyo en 2021. Mais au Japon, le quadruple champion du monde, grand favori, perd sa petite finale et repart sans médaille. S'il est aux Jeux de Paris, c'est parce que ce revers, il ne l'a pas oublié.
- Ludivine Munos
A Paris, Beaufacomte a quatre duels à disputer si tout se passe bien à Roland. Des huitièmes de finale jusqu'à la finale. Si jamais il y a une défaite en route, en quart ou en demi, il sera basculé dans le tableau des repêchages. Dès lors, le Français se battrait pour obtenir une des deux médailles de bronze. En combat, les athlètes portent des casques, des protections et l'objectif est d'effectuer des coups de pied pour toucher le torse de l'adversaire. Sur le torse, chacun porte un plastron. La différence majeure avec le taekwondo olympique, c'est que frapper à la tête est interdit. En Para taekwondo donc, pas de fin spectaculaire de l'affrontement, comme en 2004 entre Moon et Nikolaidis. Pour triompher, il faut marquer plus de points que son adversaire. Le nombre de points varie en fonction de la technique de coup de pied, petit lexique de langue coréenne.
- Speaker #3
Le coup de pied,
- Bopha Kong
on appelle ça un pi-chigi, un bandage chigi, au plastron, c'est deux points. Le coup de pied retourné, le coup de pied cheval, on appelle ça du chigi, ça vaut trois points. Et la rotation, le 360. C'est à vos 4 points.
- Roland Richard
Si l'un des combattants creuse un écart de 30 points, il l'emporte. Si en revanche l'un d'eux commet 10 fautes, il est éliminé. Sinon s'impose celui qui mène au score à l'issue du temps imparti. Ce temps imparti, c'est un seul round de 5 minutes. Une nouveauté puisqu'à Tokyo, c'était 3 rounds de 2 minutes. En cas d'égalité à l'issue de ces 5 minutes, il y a prolongation sous forme de golden score. Le premier à marquer gagne le combat. 5 minutes est potentiellement une prolongation. Cela nécessite un cardio conséquent. Reste que les coachs des deux duellistes peuvent chacun demander un temps mort d'une minute durant l'affrontement.
- Ludivine Munos
Voilà pour le combat lui-même, Roland. Penchons-nous désormais sur l'identité des taekwondoïstes des Jeux Paralympiques. Eh bien, ils ne sont pas regroupés par handicap, mais par catégorie de poids. Pour les messieurs, cela va des moins de 58 kg, c'est là où se trouve Bofa, jusqu'aux plus de 80. Et pour les dames, des moins de 47 kg, jusqu'aux plus de 65. Cela fait donc dix podiums différents au total. S'il n'y a pas de distinction de handicap, c'est parce que deux classifications ont été fusionnées lors de l'apparition au jeu en 2021, les K43 et les K44. K pour Kyorugi, le combat en coréen.
- Roland Richard
Les K43 ont une double amputation des avant-bras ou une limitation orthopédique équivalente des membres supérieurs. C'est le cas de Bofa Kong. Les K44 ont un handicap orthopédique d'un seul bras. ou bien une amputation. L'absence de doigt de pied peut également permettre d'obtenir cette classification parce que cela nuit à la dynamique des gens plus divines.
- Ludivine Munos
Mais disons-le Roland, les athlètes K43 comme le français ne jouent pas à armes égales avec les K44.
- Bopha Kong
Bien sûr, je suis désavantagé par rapport aux autres. Dans toutes les catégories confondues, que ce soit chez les filles ou chez les garçons, il y a peu de personnes qui ont mon handicap qui arrivent à faire des podiums. Mais c'est plus fort, on est plus fiers. quand la victoire est plus dure.
- Ludivine Munos
Bofakong refuse de s'apitoyer sur son sort, mais reste que son armoire atrophée est garnie de titres mondiaux et européens, glanés en K43. Faire médaille au jeu face à une majorité d'athlètes K44 serait donc incontestablement le plus grand exploit de sa carrière. Alors pour triompher à Paris, après l'échec de Tokyo, où il était déjà confronté à cette adversité, le quadragénaire a... totalement changé son approche stratégique.
- Bopha Kong
J'essaie d'être moins puissant, moins de donner des gros shoots, et plus piqué, c'est-à-dire être rapide, puis être patient aussi. J'ai l'espérance à Tokyo, je sais que moi j'ai perdu parce que j'étais beaucoup agressif, j'étais beaucoup d'enchaînement et que mon adversaire était beaucoup sur la défensive. Je vais essayer dans ma tête d'éviter de prendre des points, mais le plus important, c'est de bouger aussi. À un moment, je sais que j'étais beaucoup statique, mais là, il faut que je joue avec mon corps, je bloque bien et puis les points, ça viendra tout seul.
- Roland Richard
Bofa a donc bien sûr changé sa façon de s'entraîner avec ses coachs, M. Barendiaï et la médaillée d'argent de Rio, Abinyaré. Pour Tokyo, son sparring partner émergeait chez les moins de 74 kilos, une quinzaine de kilos de plus que Bofa. Désormais, ses deux partenaires, Erwan et Nathan, sont toujours sans handicap et toujours plus lourds que lui, mais ils figurent dans la catégorie des moins de 67 seulement. La recherche de vitesse a bien pris le pas sur la quête de puissance. Les entraînements, c'est une vingtaine d'heures par semaine, deux heures de taekwondo par jour et deux heures de préparation physique. Il faut aussi ménager ce corps de 43 ans, abîmé par l'accident et par les combats. Les soins, la kiné, prennent davantage de place qu'avant. Bo Fakong vit les derniers feux de sa vie de sportif, il le sait. Et cette perspective a semble-t-il entretenu. attiser même son ambition.
- Bopha Kong
Moi, mon objectif est clair, c'est la médaille d'or. J'espère et je crois en moi, je crois faire vraiment créer la surprise par rapport à mes adversaires parce que actuellement, je suis l'un des favoris, mais je ne suis pas le favori. Mais je vais tout faire justement pour inverser cette situation et j'y crois en moi parce que je travaille dur.
- Ludivine Munos
Et même si les championnats du monde comme d'Europe se sont terminé sans médaille l'an passé, le francilien a rebondi lors de la finale du Grand Prix en décembre où il a décroché l'argent vaincu seulement par l'israélien Azaf Yassour, le champion du monde.
- Speaker #4
Bofa Kong n'a donc pas
- Ludivine Munos
oublié comment gagner, comment faire mal à ses adversaires. Il a remporté quatre titres mondiaux, trois titres européens, mais il a aussi effectué un tour du monde doré. Le Para taekwondo a souvent eu recours à des combattants européens ou asiatiques pour garnir les rangs des championnats continentaux en Amérique, en Afrique ou en Océanie. Résultat, Bofa Kong s'est imposé partout, au moins une fois. Il ne manque donc qu'une seule reconnaissance, qu'une seule médaille, celle des Jeux Paralympiques.
- Bopha Kong
Ça représente la cerise sur le gâteau de ma carrière en fait, parce que non seulement c'est le seul titre qui me manque, mais en plus... Comme je vous ai dit, il y a une seule classification et il n'y a rien de plus merveilleux et plus honorable de combattre avec des personnes qui sont parfois avantagées.
- Roland Richard
Il est donc prêt parce qu'il se bat pour les bonnes raisons. Pour être un modèle, un exemple de comportement, ce qui se comprend après son accident. Mais aussi pour sa famille, son épouse et sa petite-fille. Il se bat pour ses camarades de l'équipe de France aussi. Jellica Diallo et Sophie Caverzan, médaillée de bronze mondiale à Veracruz. La pause l'an dernier. Le jour de légende du 29 au 31 août nous attend sous la verrière du Grand Palais, en plein cœur de Paris, pour une première médaille française en Para taekwondo au jeu. Alors, comme disent nos amis coréens, Shi, Jack, c'est parti.
- Speaker #3
Merci.