undefined cover
undefined cover
Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage. cover
Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage. cover
Parlons Chansons – chanson française, artistes et découvertes musicales

Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage.

Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage.

1h08 |10/11/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage. cover
Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage. cover
Parlons Chansons – chanson française, artistes et découvertes musicales

Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage.

Parlons chansons, avec Brice Homs : Transmission, Lien, IA et culture...de l'espoir en partage.

1h08 |10/11/2025
Play

Description

C'est mon ami et c'est mon maître aurait dit Serge Lama.


Brice Homs est auteur avec un grand A : parolier, romancier, scénariste, showrunner... Vice président du Conseil d'administration de la SACEM et président de son Conseil de l'Innovation. Diplômé de philosophie et de logique, je ne pouvais pas rêver meilleur interlocuteur pour aborder les dangers de l'Intelligence Artificielle... Et la valeur de la musique en général et de la chanson française en particulier.

En retraçant son parcours artistique et en déroulant la bande originale de sa vie, on a fait quelques digressions pour parler transmission, partage, création... des deux côtés de l'Atlantique puisque cet amoureux de Louisiane y a installé son dernier roman "Quelque chose comme de l'Or" paru chez Calmann-Levy.


Il nous fait également découvrir deux artistes :

Jansi :https://www.youtube.com/@jansimusique

et

Katcho https://www.youtube.com/@tchakomusic


à retrouver dans la plaît-liste !



Merci d'avoir écouté cet épisode. Pensez à nous laisser un commentaire sur spotify ou à nous noter sur Apple Music, ça aide énormément à la découvrabilité du podcast !


La plaît-liste est sur Spotify

https://open.spotify.com/playlist/6AqcJznoUlUhkw408H4lCp?si=AlBg4YDnSk6XI1CmZLAv_Q&pi=QZmd70eyQo--U

Et deezer:

https://dzr.page.link/S7ApTtZispBnH3DU7


Vous pouvez aussi nous suivre sur nos réseaux :


You Tube : www.youtube.com/@PROVIDENCEPROD

Instagram : instagram.com/providence.prod

Facebook : facebook.com/ProvProd

TikTok : https://www.tiktok.com/@providenceprod?_t=ZN-8wUptYozz7u&_r=1


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Sauvane Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse Mais ça, vous le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant Et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi Sauf que maintenant, ça va changer Et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes Alors, si la chanson française, ça vous parle Restez avec nous et parlons chanson C'est mon ami et c'est mon maître, aurait dit Serge Dama. C'est un auteur et un passeur curieux et engagé. Les chansons qu'il a écrites, de Michel Fugain à Daniel Lavoie, en passant par Florent Pagny, nous accompagnent toutes et tous. Pour lui, l'amour est une forteresse, et à l'heure de la sortie de son quatrième roman, il nous apprend aussi que l'amitié, c'est quelque chose comme de l'or. Vous n'imaginez pas ma fierté de recevoir celui qui a été mon maître et dont j'ai l'immense honneur d'être aujourd'hui l'ami,

  • Speaker #1

    M. Brice Holmes.

  • Speaker #0

    Je te remercie beaucoup d'avoir accepté cette invitation et de nous recevoir toi, parce que d'habitude c'est moi qui invite, mais là c'est toi qui en reçoit, à la SACEM dans le salon Georges Bizet, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Bienvenue dans le salon Georges Bizet à la SACEM, 7ème étage.

  • Speaker #0

    Dans la maison des auteurs. des compositeurs et des éditeurs dont tu es actuellement vice-président et directeur du Conseil pour l'innovation.

  • Speaker #2

    Alors je suis vice-président du Conseil d'administration de la SACEM et je suis président de son Conseil pour l'innovation. qui est un conseil que nous avons créé il y a maintenant 4 ans avec Patrick Sigwald et Dominique Dalkan et sous le parrainage de Jean-Michel Jarre.

  • Speaker #0

    On en reparlera un petit peu plus tard tout à l'heure pour parler IA et toutes les nouveautés technologiques qui aident et menacent nos métiers, les deux à la fois j'imagine. La première question que je vais te poser, c'est celle que je pose à tous mes invités, qui est pour toi, c'est quoi la variété française ?

  • Speaker #2

    Alors la variété françoise, française, mais pour moi, déjà, la réponse est contenue dans la question, c'est la variété. Alors, c'est la variété, ça veut dire qu'il y a plein de choses différentes, plein de gens différents, plein de styles différents dedans, et moi, je vois ce mot variété au sens noble du terme. Alors, c'est vrai qu'il a eu prix, en tout cas, quand moi, j'étais un jeune auteur, on va dire, dans les années 90, ça a eu prix un sens un peu péjoratif, c'était la variété. Ce qui veut dire que c'était pas bien. Parce qu'il y avait une enveloppe entre guillemets commerciale qui entourait ce mot, la variété, c'était ce qui marchait.

  • Speaker #0

    Et par essence, ce qui marche, c'est pas bien ?

  • Speaker #2

    Non, mais il y avait cette espèce de conception que c'était fait pour faire du fric entre guillemets. Mais moi, je ne l'ai jamais entendu comme ça. Moi, je ne me suis jamais senti dévalorisé quand on me disait, tu fais de la variété. Moi, j'ai eu le sentiment de faire de la chanson, que c'était parfois mis dans le registre ou sous l'étiquette variété ne me dérange pas du tout. Pour moi, la variété française, c'est la chanson française dans toute son exception. Et ça peut être très commercial et très bien.

  • Speaker #0

    Et voilà. Tu es né à Fontainebleau, c'est ça ? d'un papa officier et d'une maman violoniste, si j'ai bien fait mon travail. Est-ce que tu as baigné dans la chanson française quand tu étais petit, dans la musique en général et dans la chanson en particulier ? Et si oui, qu'est-ce qu'on écoutait quand tu étais petit chez les Homs ?

  • Speaker #2

    Alors, qu'est-ce qu'on écoutait ? Moi déjà, j'ai commencé la pratique de la musique par le violon. T'es obligé à 5 ans. Mère violoniste, violon. Au conservatoire, à la dure. Et puis après... Quand j'ai eu 13-14 ans, je suis passé à la guitare. Qu'est-ce qu'on écoutait ? Ma mère écoutait beaucoup de chansons. Elle écoutait beaucoup Charles Aznavour. Donc j'ai grandi avec la musique classique et Charles Aznavour. C'est pas mal, hein ? Et après, mon parrain qui était aux États-Unis, à Huntsville, en Alabama, quand il venait en France, il me ramenait des disques américains. Donc j'ai commencé à découvrir Simon & Garfunkel. à découvrir beaucoup de country parce qu'en Alabama, ça a été quand même l'endroit. Et puis comme mon père était officier, il y avait la base de l'OTAN où il y avait un PX, qui est le magasin pour les soldes américains. Et là, on a acheté les 10 d'Elvis, etc. Donc j'ai grandi avec Charles Aznavour et de la country et Elvis. C'est pas mal,

  • Speaker #0

    c'est large, c'est vaste en tout cas. Et ta première émotion, toi, devant une chanson française ? Parce que tu as grandi avec Aznavour, mais à partir de quel moment est-ce que ça touche vraiment ta sensibilité, aussi bien émusicalement que textuellement, je dirais ?

  • Speaker #2

    Chanson française, la première ? Incapable de... Alors, dans Charles Aznavour, non, je n'ai rien oublié, parce que j'étais tétanisé, j'étais un petit garçon, mais j'étais tétanisé par cette chanson qui était comme un film, qui racontait quelque chose. c'est un p**** Le dialogue entre un personnage qui parlait à la femme qu'il avait aimée, qui retrouvait, et puis tout d'un coup on découvrait que les parents n'avaient pas voulu de ce mariage. Et moi j'étais... Incroyable, j'avais jamais entendu une chanson comme ça, où quelqu'un parlait à quelqu'un d'autre, et moi j'entendais ça comme ça. Une discussion d'adultes, des trucs d'adultes qu'on n'entendait pas à la maison. Moi j'avais des parents qui ne parlaient pas beaucoup. Mon père était officier, donc...

  • Speaker #0

    Tu avais des frères et soeurs ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'avais un grand frère, ouais. mais mon père n'était pas quelqu'un de... très dans la parole, et ma mère finalement non plus. Donc en fait, c'est la première fois avec cette chanson que j'assistais à une discussion sensible et intime d'adulte. C'est pas rien ça !

  • Speaker #0

    Ah non, c'est énorme !

  • Speaker #2

    C'était vraiment la première chanson dont je me souviens comme étant plus qu'une chanson.

  • Speaker #3

    Je n'aurais jamais cru qu'on se rencontrerait Le hasard est curieux Il provoque les choses et le destin pressé, un instant, prend la pause.

  • Speaker #2

    Plus qu'un truc qu'on entend à la radio. Sinon, ma mère écoutait la radio, j'entendais, c'est la chanson de Paul Simon, Late in the evening, où il entend sa mère qui écoute des trucs à la radio, et il entend toute cette musique.

  • Speaker #0

    Ça nourrissait quand même déjà ton imaginaire.

  • Speaker #2

    Tout Sardou, tout Jodassin, sans jamais l'avoir écouté.

  • Speaker #3

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que c'était ce qu'on entendait, ce qui était dans l'air, ce qui était dans la radio.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en tant que parent, on a une responsabilité de ce qu'on met dans les oreilles de nos enfants. Clairement, ta maman t'a bien enrichi avec Aznavour et la variété en général. Alors Aznavour,

  • Speaker #2

    c'est ce qu'elle écoutait, elle.

  • Speaker #0

    Elle, vraiment.

  • Speaker #2

    La radio, c'est ce qui passait, mais on avait les disques d'Aznavour, on avait les disques, voilà, si, Marcel Hamon. J'ai grandi avec ça et avec Paul Simon, donc quand même avec des grands songwriters.

  • Speaker #0

    Et toi, après, tu as fait des études de philosophie et de logique, c'est ça ? Je ne savais pas qu'on pouvait apprendre la logique.

  • Speaker #2

    Alors j'ai fait des études de philosophie à la Sorbonne et j'ai fait la première licence de logique qui a été créée, donc c'était la première année. Alors la logique c'est un terrain qui est commun aux mathématiciens, aux philosophes, c'est-à-dire que c'est que du raisonnement, tous les A sont B, tous les B sont C, donc tous les A sont C, etc. Donc c'est tout ce qui a servi ensuite, j'allais dire, de concept pour créer les intelligences artificielles. du binaire, du non-binaire, etc., du numérique et de l'intelligence artificielle. C'est pour ça que j'ai eu une appétence à m'intéresser à ces sujets, car très jeune, comme j'étais très bon en maths et que j'aimais la philo, j'avais trouvé un terrain commun qui était la logique et j'ai fait la première licence qui a été créée à la Sorbonne. Et on était cinq, on a tous eu 19.

  • Speaker #0

    Et pendant des études qui sont certainement aussi lourdes et aussi poussées, tu continuais à pratiquer la musique et à en écouter ?

  • Speaker #2

    Mais je jouais dans des groupes.

  • Speaker #0

    Toi, tu es guitariste et bassiste, c'est ça ? Et mandoliniste aussi,

  • Speaker #2

    visiblement. Mais j'étais surtout guitariste et bassiste, et j'étais surtout songwriter, j'écrivais des chansons pour les groupes.

  • Speaker #0

    Comment ça t'est venu de commencer à écrire des chansons ?

  • Speaker #2

    J'étais assez solitaire. Quand tu es fils de militaire, on vit sur des bases, on est dans des casernes, et puis on déménage souvent, etc. Et un jour, des voisins m'ont donné une guitare qu'ils avaient ramenée d'Espagne pour leur fille qui ne voulait pas en jouer. J'ai récupéré la guitare, et la première chose que j'ai faite... Et ça je m'en souviens. Je ne savais même pas jouer ni rien, j'avais joué du violon, donc je savais poser mes doigts sur des cordes. La première chose que j'ai faite quand j'ai pris la guitare, c'est pas d'essayer d'en jouer, c'est d'écrire une chanson avec un poème que j'avais fait. Avec un doigt sur des cordes, je ne savais même pas faire un accord, mais avec ce que je savais faire au violon et d'appuyer sur des cordes, et puis la première chose que j'ai faite, c'est d'écrire une chanson. Je pense qu'elle n'était pas accordée. Donc c'était probablement une très mauvaise chanson.

  • Speaker #0

    Et donc tu continuais tout en jouant dans des groupes, en faisant tes études et tout. On est en quelle année ? On est dans les années 70, fin des années 70. Pour toi, ce que tu écoutes à ce moment-là, c'est quoi ?

  • Speaker #2

    Ce que j'écoute surtout, c'est Crosby, C.S. Nash & Young, c'est Jackson Browne, c'est James Taylor. J'écoute toujours. pas mal de country et en chanson française, c'est la grande époque Igelin.

  • Speaker #4

    Julien Clerc. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Julien Clerc, mon colloque.

  • Speaker #0

    Julien Clerc avec les textes de Roda Gilles.

  • Speaker #2

    avec les textes d'Abadi. et de Rodagil. Les deux, mais mon colloque avec qui j'habitais, qui était étudiant en médecine, C'était un fan de Julien Clerc.

  • Speaker #5

    Il faut le croire, moi seul je sais quand elle a froid. Ses regards ne regardent que moi. Par hasard, elle aime mon incertitude. Par hasard, j'aime sa solitude.

  • Speaker #2

    Donc avec Fred, j'écoutais beaucoup de Julien Clerc. Toute cette génération d'artistes. Alors là, des vrais chanteurs engagés, ce qu'on appelait des chanteurs engagés. La chanson, c'était Lavillier après. Après Lavillier, Cabrel, Francis Cabrel. Toute cette nouvelle vague de chanteurs-songwriters français qui a émergé à ce moment-là avec des figures incroyables comme ça. Ma première fois où j'ai entendu Lavillier, les barbares, je suis pris une claque.

  • Speaker #6

    Les barbares habitaient dans les angles tranchants des cités exilées au large du Paz-Nest. Ils rivaient leur blouson d'étrange firmament, où visaient la folie, la mort et la jeunesse.

  • Speaker #2

    Instantanément, j'ai dit waouh !

  • Speaker #0

    Mais toi tu n'avais aucun lien dans ce milieu, tu faisais de la musique, toi tu jouais dans des groupes. Oui mais je ne faisais personne, non non. Et comment ça arrive quand on est songwriter dans son coin, entre guillemets, et que d'un coup tes mots arrivent à la bouche d'artistes ? Aussi renommé que ceux pour qui tu as écrit, que ce soit Fugain, Enzo Enzo...

  • Speaker #2

    Une succession de... Alors pas de hasard, ça ne serait pas vrai de dire des hasards, mais de dominos qui tombent, tu vois, c'est une théorie des dominos. J'ai commencé à jouer dans des groupes, et comme j'écrivais des textes, on a commencé à m'en demander, parce que c'était un peu la denrée rare. Donc je me suis retrouvé à écrire pour 3, 4 groupes. Moi j'ai très vite compris que je n'étais pas chanteur, et qu'il fallait qu'il y ait d'autres gens qui chantent mes textes. Donc j'ai écrit Proudhon. des groupes, des chanteurs, des chanteuses, qui étaient des groupes étudiants comme nous, qu'on croisait dans le circuit, des petits bars, des petits clubs, etc. Et puis à un moment donné, il y a un de ces groupes dans lesquels je jouais, il y avait un des musiciens qui connaissait un gars qui était avant musicien, qui était maintenant DA dans une maison d'édition, et qui nous a fait faire des maquettes. Et puis ça intéressait l'éditeur, mais à ce moment-là... Le groupe a splitté, il y en a un, il faisait ses études de médecine, l'autre il est parti faire autre chose, l'autre il était au service militaire. Je me suis retrouvé tout seul. Et on m'a demandé des textes. Et j'ai fait des textes qui ne sont jamais sortis pendant deux ou trois ans. C'est ce que te demandent les éditeurs. Donc pendant deux ans, j'ai fait des textes qui ne sortaient jamais. Mais ça m'occupait, je trouvais ça sympa, et puis j'apprenais, et puis je me disais peut-être le prochain. Et puis en même temps, je continuais à jouer dans des groupes. Et puis à un moment donné, il y a un des groupes dans lesquels je jouais, il y avait une chanteuse qui cherchait... C'était l'époque où il y avait beaucoup d'émissions de télé. Et il y avait une chanteuse qui marchait, qui commençait à marcher, et elle cherchait un groupe pour l'accompagner sur les télés, en playback. Et quand on avait un bon look, et qu'on jouait un peu le truc de l'époque... On s'est retrouvé à faire de la figuration intelligente ou pas, je sais pas, derrière une chanteuse qui avait un gros tube. Et c'était Jeanne Masse et c'était En Rouge et Noir.

  • Speaker #1

    En rouge et noir, j'exilerai ma peur, j'irai plus haut que ces montagnes de douleur. En rouge et noir, j'afficherai mon cœur en échange d'une traite de douceur.

  • Speaker #2

    Donc si tu vois... toute la promo dans Rouge et Noir de Jeanne Masse, le mec à la base derrière avec la Steinberger, c'est moi. Et puis à un moment donné, il y avait un garçon qui s'occupait de Jeanne Masse, qui était son manager, qui s'appelle Nicolas du Noyer de Secondzac. Et il me dit, écoute, là je m'occupe d'un chanteur qui revient, qui avait arrêté, qui était parti, il cherche des jeunes auteurs. Tu devrais l'appeler. Et je lui dis, c'est qui ? Il me dit, c'est Michel Fugain. Oui, Michel Fugain, je connaissais un peu quand même. Ce n'était pas ce que j'écoutais moi, mais mon frère aîné écoutait beaucoup Fugain. Et je ne l'ai pas appelé, évidemment. Et donc Nicolas est revenu deux ou trois fois à la charge en me disant, mais dis-donc, j'ai vu Fugain, tu ne l'as pas appelé. Je dis, si, si, je vais le faire, je vais le faire. Évidemment je ne l'ai pas fait. Et puis un jour, mon téléphone sonne. C'est Michel Fugain qui m'appelle. Nicolas lui avait donné mon numéro en disant « Appelle-le » . Je décroche. « Bonjour, c'est Michel Fugain. » « Ah bonjour, oui, oui, Nicolas m'en a parlé. » « Tu fais quoi là ? » « Là, je suis chez moi, dans ma chambre d'étudiants. » « Bon, ben j'arrive ! » Une demi-heure après, il y a Fugain qui déboule chez moi. Il raconte toujours ça. J'habitais dans une petite chambre avec une grosse grèche parce que c'était ma période Strecats. Et là, c'était assez drôle parce que Michel arrivait en survêtement avec ses baskets. Il a commencé à tourner comme ça dans toute la pièce, en me disant, parce que tu comprends, si tu veux écrire pour moi, je ne vais pas enfiler des perles, il ne faut pas m'écrire des conneries.

  • Speaker #5

    C'est tellement lui !

  • Speaker #2

    En même temps, le mec, hyper généreux, et il me laisse une cassette avec trois chansons. Et donc, j'essaie d'écrire des textes, parce que quand même, je réécoute un peu ce qu'il a fait, ça me documente un peu plus. Puis je me fais quand même les textes de Delanoë, Vidalin, Lemel. Tu te dis, putain, il y a du level là quand même, tu vois, c'est waouh, ça donne envie d'essayer, en même temps ça te rend humble. Donc j'essaye, je fais un ou deux textes, j'envoie à l'époque, c'était des faxes, il me rappelle, il me dit, ouais c'est pas mal, mais tu comprends ça, je l'ai fait plein de fois, il fallait vraiment que tu fasses autre chose, il emploie un autre mot plus trivial, et il faut que tu te bouges un peu, quoi. Ouais, quoi, il n'y a pas de problème, moi j'ai jamais eu de problème à refaire quoi que ce soit, tu vois, puis en même temps j'avais tellement l'habitude que les trucs ne se fassent pas, Donc j'étais... quasiment certain que ça n'allait pas se faire. Et moi, je prenais ça comme un bootcamp. Je me suis dit, le mec, il a bossé avec les plus grands auteurs, je vais apprendre des trucs. En plus, il est hyper généreux. Il n'est pas avare de critique, mais dans le sens positif du terme. Et puis, donc la carpe, elle l'a peint quand même, on est d'accord. Et puis, à un moment donné, je fais un texte, je le renvoie. Il me rappelle une heure après, il me dit « Écoute, je l'enregistre demain. » Il me rappelle cinq minutes après, il me dit « Tu ne veux pas faire tout l'album ? » Et je me suis retrouvé le lendemain, au studio Trema.

  • Speaker #7

    A quoi ça sert l'amour si c'est un aller sans retour ? Y'a plus que du vide à la place Mais que veux-tu que j'en fasse ? A quoi ça sert la vie Quand on meurt petit à petit S'il ne reste plus que l'absence ?

  • Speaker #2

    Et donc voilà, c'est comme ça qu'a démarré le truc avec Michel. Et après j'avais un copain, Claude Samard, qui jouait avec Philippe Laville. Philippe Laville était très copain avec Michel Fugain. Il dit « Ah non, c'est bien les textes que tu as fait pour Michel, tu ne veux pas me faire des textes pour moi ? » Je dis « Ben ouais, super ! » Et puis voilà, après les gens continuent à me demander des textes.

  • Speaker #0

    Et tu n'as toujours été qu'auteur pour les autres ou tu as aussi composé pour d'autres ?

  • Speaker #2

    Non, très peu. Très peu, ouais, mais je ne suis pas un bon compositeur. j'ai pas assez de capacité mais j'ai eu la chance de travailler avec beaucoup de... d'artistes qui étaient chanteurs-compositeurs. Que ce soit Michel Fugain, que ce soit David Cohen, que ce soit Fred Blandin, que ce soit Daniel Lavois. Tu n'as pas écrit pour Julien Clerc ? Jamais. J'aurais aimé. Il ne m'a jamais demandé. Il a dit ce qu'il fallait quand même. J'aurais adoré. Après, moi, je n'ai rien fait non plus. Je suis incapable d'aller proposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Je ne suis pas équipé pour ça. J'ai eu beaucoup de chance. dans ces rencontres. Je n'aurais jamais imaginé que le fait d'aller faire la basse derrière Jeanne Masse, ça m'aurait amené à écrire des chansons pour Michel Fugain, Daniel Lavoie, Philippe Laville, Florent Pagny plus tard.

  • Speaker #0

    Toi qui as connu cette époque où il y avait effectivement beaucoup de chanteurs qui n'étaient que chanteurs ou compositeurs, ou même des interprètes purs, et où donc il y avait vraiment un vrai métier d'auteur de chansons, un vrai métier de parolier. Alors il y en a encore aujourd'hui, mais je pense qu'il y en a moins. Il y en a moins,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu trouves que c'est une évolution nécessaire et logique d'être arrivé dans une période où on a beaucoup d'auteurs, compositeurs, interprètes ? Ou est-ce que tu trouves que, j'allais le dire, c'était mieux avant, sans aller jusque-là, mais que la diversité des auteurs et des interprètes et des mélanges qui se faisaient enrichissait la chanson ? Est-ce que tu trouves que c'était plus riche avant ?

  • Speaker #2

    Non, mais c'est riche tout le temps, c'est bien tout le temps. Moi, je ne souscris pas à cette idée que c'était mieux avant et que maintenant, il n'y a plus de trumeurs. Il faut juste aller les chercher. Il faut des fois se donner un peu de mal. Mais non, moi, ce que je voudrais répondre au début de ta question, c'est-à-dire que moi, je suis arrivé à la fin de la période du règne des auteurs et des compositeurs. Où il y avait des grandes équipes. Julien Clerc, Julien Clerc c'était Dabadie, Roda Gilles et quelques autres, David MacNeill, d'autres, quelques autres, Luc Plamondon. Il y avait des grands auteurs comme Delanoë, comme Vidalin, comme Roda Gilles, comme Boris Berman, comme Jacques de Marny. comme beaucoup d'autres, je ne voudrais pas oublier trop de gens, qui fournissaient, entre guillemets, les grandes chansons pour les grands interprètes. Que ce soit Gilbert Becaud, Michel Fugain, Michel Sardou, Joe Dassin, les chanteuses, toutes les grandes chanteuses, Nicoletta, tout ce qu'on appelle la variété dont tu parlais tout à l'heure, mais aussi la chanson, Gérard Lenormand, Thierry Charcel, c'était des auteurs, Michel Delpech, magnifique texte. magnifiques mélodies de Michel Pelé et d'autres. Donc il y avait des auteurs-compositeurs comme il y a encore aujourd'hui à Nashville. Et comme il y avait à Tinpanel et à New York, qui écrivaient les chansons, que chantaient plein d'interprètes. Et il y avait peut-être une cinquantaine de personnes qui vivaient de ce métier, qui fournissaient des grandes chansons. C'était des grands auteurs, c'était des grands compositeurs, et ils étaient grands les deux ensemble. Oued Aji, il avait une définition de ça que je trouvais géniale. Dans une interview, on lui demandait ce que c'était qu'une bonne chanson. Il disait, tu prends un bon texte, une mauvaise musique, tu as une bonne chanson. Tu prends un mauvais texte, une bonne musique, tu as une bonne chanson. C'est quand tu as un truc bien des deux côtés que les emmerdements commencent. Typique Étienne. Ça, ça a disparu pratiquement au moment où moi je suis arrivé.

  • Speaker #0

    Oui, début des années 80, Goldman.

  • Speaker #2

    Voilà, il y a un moment donné où a émergé une génération, et notamment dans les maisons de disques, où ils ont associé les noms et les audiences. C'est-à-dire, on prenait deux artistes connus, on récupérait les deux audiences. et on avait un succès. C'est-à-dire, il y avait une martingale pour avoir du succès, c'est de demander à des gens connus de se mettre ensemble pour faire des chansons. Ce qui marche toujours. Et des fois, c'était presque une revanche du destin. Parce que j'en parlais avec Marc Lombroso, l'autre fois, je dînais avec Marc, et il me disait, mais tu sais que Jean-Jacques Goldman, il ne voulait pas être chanteur, il voulait écrire pour d'autres. Et il s'est trouvé dans cette situation-là. Je ne savais pas ça. Ne trouvant personne pour chanter ses chansons, il se résout sous la pression de Marc et d'autres à les chanter lui-même. mais c'est ce qui lui a permis au fait de pouvoir écrire pour d'autres. Donc là, revanche du destin, mais ça n'a pas toujours été le cas comme ça. Donc après, j'allais dire le vivier d'auteurs, de compositeurs qui fournissaient Issetari, parce qu'on ne les sollicitait plus. Moi j'ai eu de la chance, parce que je suis arrivé à la fin de cette comète-là, j'ai écrit soit pour des chanteurs qui étaient beaucoup plus vieux que moi, ou un peu plus vieux que moi, et qui avaient déjà cette pratique-là avec des auteurs, et qui savaient travailler avec des auteurs. Parce que travailler avec des gens comme Michel Fugain, qui ont travaillé avec des grands auteurs, tu leur... Tu ne casses pas un texte. Tu le retravailles 50 fois.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Mais c'est très riche aussi.

  • Speaker #2

    Parce qu'il sait ce qu'il veut, mais il sait surtout ce qu'il ne veut pas. Et moi, je me souviens, Michel, il m'avait dit un truc que moi, je pouvais comprendre parce que j'avais fait beaucoup de scènes. Il m'a dit que moi, quand je suis sur scène, je suis à poil. Donc, je ne vais pas chanter des conneries. Et moi, je sais ça. Je sais qu'un chanteur, quand il est sur scène, s'il ne ressent pas la chanson, si elle est compliquée, si elle est mal écrite, d'abord, il va mal respirer parce qu'il ne le porte pas bien, il y a toujours une phrase qui va accrocher. Non, il faut que la chanson soit à 100%, la chanson qu'il a envie de chanter, qu'il peut chanter, qui va habiter. Après, il y a une part aussi d'interprétation. On peut chanter une chanson de quelqu'un d'autre qui n'a pas été faite pour soi. Mais en tout cas, il faut que ce combo-là, entre guillemets, existe. Donc, ces chanteurs-là avaient cette exigence-là. Et moi, j'ai appris à réécrire des chansons en travaillant avec des gens comme ça. avec des artistes performeurs de scène. Michel Fugain, c'est un mec de scène. Être en studio, ça l'emmerde. C'est une punition pour lui. Quand on écrit une chanson, quand il compose une chanson, quand il enregistre une chanson, il pense à la scène. Il pense à quand il va avoir des gens en face de lui. C'est génial. Moi, j'ai tellement appris à travailler avec lui. J'en ai chié, mais qu'est-ce que j'ai appris ? Et ça, c'est formidable parce qu'il y a une chose là-dedans, c'est le cadeau. C'est quand je veux avoir des gens en face de moi, je veux avoir quelque chose à leur dire. Il ne s'agit pas d'argent, il ne s'agit pas de glamour, il s'agit de parler à quelqu'un. Il s'agit de transmettre quelque chose. Vous voyez, il y a cette exigence-là, il y a ce cadeau, cette générosité, cette authenticité d'artiste. Il faut être à la hauteur.

  • Speaker #0

    Mais toi, en même temps que tu écrivais des chansons, tu as suivi aussi des formations pour écrire du scénario, avec des grands scénaristes hollywoodiens, dont Shane Black. Shane Black, c'est l'arme fatale quand même. C'est mon premier prof de scénario. Et pourquoi ? Est-ce que c'est parce que l'espace de la chanson ne te suffisait plus pour raconter des histoires ? Ou est-ce que tu voulais vraiment explorer d'autres domaines ?

  • Speaker #1

    Mais tu sais, quand tu écris, tu écris. Donc moi, j'étais plus à l'aise et j'étais plus... performant entre guillemets et plus proche de l'écriture. Donc j'ai toujours eu envie d'écrire autre chose que des poèmes ou des chansons. On commence par ça parce que d'abord c'est ce qui me venait le plus naturellement. Puis après j'ai eu une ambition un peu supérieure et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #0

    Tu as écrit ton roman avant de commencer à faire du scénario ? Oui, oui, complètement. Donc on parle de Blue.

  • Speaker #1

    Oui, Blue, voilà. Donc j'ai écrit mon roman Blue et je ne connaissais personne et je l'ai envoyé par la poste. Je suis allé voir ma libraire en bas de chez moi et je lui ai dit J'écris un roman, ça parle un peu de ça. à qui je pourrais l'envoyer ? Elle m'a dit, chez Flammarion, il y a une petite collection qui sont en train de monter, peut-être que vous pourriez leur envoyer. Donc, c'est quoi l'adresse de Flammarion ? Je l'ai envoyé chez Flammarion et puis je n'ai pas eu de réponse pendant un an. Et puis, complètement par hasard, plus tard dans un...

  • Speaker #0

    Et donc tu laisses ça dans un coin de ta tête, tu ne l'envoies à personne d'autre qu'à Flammarion ? Ou tu essayes quand même de l'envoyer ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, je ne l'envoie à personne d'autre.

  • Speaker #0

    Donc tu écris un roman, tu l'envoies à un éditeur et t'attends ?

  • Speaker #1

    Tu vois, je suis super bon à me vendre. Et donc, quelques mois plus tard, mais beaucoup de mois, je rencontre une journaliste qui me parle de mes chansons et je lui dis mais... J'ai aussi créé un roman, mais je l'ai envoyé et je n'ai jamais eu de réponse. Elle me dit « Tu l'as envoyé chez qui ? » Je lui ai envoyé chez Flammarion. Elle me dit « Ah, mais j'ai un copain qui a publié chez Flammarion. Je vais lui demander qui. » Et elle tient parole. Et elle me rappelle en me disant « Écoute, il en a parlé. Et il y a une directrice littéraire qui va le lire. Renvoie-le. » Alors, je le renvoie. Et là, trois semaines après, je reçois un coup de fil. Un jour, « Bonjour, c'est Catherine Colomoni. Je viens de dire votre moment. J'adore. Je voulais juste vous dire que je le défends au comité de lecture ce soir. Et je lui dis, merci de m'avoir appelé avant. Et puis elle m'a rappelé après, elle m'a dit, on vous publie. C'est bon, j'ai eu le feu vert. Et ça s'est passé comme ça. Et l'anecdote très amusante, c'est qu'on a travaillé, alors là aussi j'ai réécrit beaucoup avec mon éditrice, en tout cas sous son influence et son travail. Et un mois avant que mon roman soit publié, je reçois une lettre de refus. de Flammarion. Et c'était le premier qui avait mis un an et demi ou deux ans à faire le tour, qui avait été refusé par les gens qui l'avaient lu dans ce circuit-là, alors que j'étais déjà publié chez eux. C'est drôle, je l'ai gardé, je l'ai encadré. Comme quoi, ne vous découragez pas, c'est des rencontres. Et donc, pour finir ta question, je suis très bon à faire des ellipses par contre, j'ai eu de très bons articles. Dans la presse, ça a été très bien reçu. Ça a été nommé à des prix du premier roman. Et il y a eu deux propositions d'achat des droits pour le cinéma, dont une qu'on a acceptée. Et le réalisateur m'a demandé de travailler au scénario avec lui. Et moi, j'ai refusé. Parce que tu ne te sentais pas légitime ? Mais non, je ne savais pas le faire. Donc je lui ai dit, écoutez, non, non, mais moi... Moi, je n'ai pas de problème, j'ai écrit mon roman. Faites votre film, trahissez tout ce que vous voulez, changez tout ce que vous voulez, ça n'effacera pas les pages. Il s'est dit, en plus, il n'est pas chiant. Donc, il s'est dit, non, mais il y a quand même un ton, il y a un truc que j'aimerais bien garder. Je dis, je ne suis pas sûr. Et puis, la patronne de la maison d'édition de l'époque s'appelait Françoise Verny, qui était un personnage, patronne de Flammarion, qui était un personnage à un moment donné, il m'a dit, écoute,

  • Speaker #2

    tu me casses les couilles,

  • Speaker #1

    Françoise Verny tout craché et puis donc je l'ai fait et je me suis retrouvé comme c'était un garçon qui faisait son premier film et qui était premier assistant de plein d'autres réalisateurs il a passé son temps à être premier assistant de plein d'autres réalisateurs et puis au bout de 200 ans j'avais écrit tout seul et ce que j'avais fait c'était très très mauvais parce que je ne savais pas le faire donc je me suis retrouvé avec un très très mauvais scénario l'option qui était tombée parce que Olivier il bossait tout le temps Et je me suis retrouvé à la tête d'un mauvais scénario.

  • Speaker #0

    Tu t'es dit, il faut que j'apprenne à en faire de bon.

  • Speaker #1

    Et il faut que j'apprenne à en faire de bon. Et du coup, grâce au Fonds culturel franco-américain, qui est géré par l'ASACM dans cette maison, j'ai pu faire un stage d'écriture avec Shane Black. Et je lui ai pitché mon projet. Il m'a dit, c'est vachement bien, c'est une bonne idée, il faut que tu travailles. Après, j'ai fait un autre stage d'écriture et de réalisation avec Brent Maddock et Ron Underwood. Et là... J'ai un peu sympathisé avec eux. Ils m'ont dit, écoute, quand tu viens aux États-Unis, appelle-nous et viens nous voir. Et puis quand j'étais aux États-Unis, je les ai appelés. Ils m'ont dit « Non, viens, c'est vachement bien, il faut que tu travailles avec nous. » Et j'ai commencé à travailler avec eux. Et après, les droits du roman ont été rachetés une deuxième fois par une réalisatrice américaine qui s'appelle Ronda Haynes, qui avait fait « Les enfants du silence » . Et elle parlait français, et elle adorait la France. Elle a optionné les droits du roman, et elle m'a redemandé de travailler avec elle.

  • Speaker #0

    Là, tu étais beaucoup plus prêt.

  • Speaker #1

    Là, j'étais un peu plus prêt. Et je suis parti à Los Angeles travailler avec Ronda sur une nouvelle mouture du scénario. Et là, j'ai appris vachement. Parce que Ronda... c'est quelqu'un qui est une grande directrice d'acteurs. Dans toutes les phases de l'écriture, dans toutes les scènes, elle pensait aux acteurs. Qu'est-ce qu'il a à jouer ? Qu'est-ce qu'il a à défendre ? Et c'était son obsession.

  • Speaker #0

    C'est presque la même obsession que Michel devant la scène, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Et grâce à Randa, et grâce au travail que j'ai fait avec elle sur le scénario, on a fait quand même trois ou quatre versions, j'ai appris à écrire pour des acteurs. Et j'ai appris à quel point c'était important d'imaginer non plus le texte, comme quelque chose d'écrit, mais comme quelque chose qui allait être joué, qui n'allait plus exister. Un scénario, c'est quelque chose qui n'existe pas. Ça devient des images, ça devient des gens qui parlent, ça devient un montage. Et pendant presque 20 ans, j'ai travaillé sur des scénarios, comme scénariste sur des séries et comme script doctor.

  • Speaker #0

    Et comme showrunner.

  • Speaker #1

    Et comme showrunner avec Antigone 34 en France.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu dirais que toutes ces différentes disciplines de l'écriture, se nourrissent les unes les autres ? Est-ce que tu racontes de meilleures histoires en chansons parce que tu sais écrire des scénarios ? Est-ce que tu fais des scénarios plus concis parce que tu sais l'exigence que c'est de rentrer toute une histoire dans trois minutes ?

  • Speaker #1

    C'est génial la question que tu me poses, Adore. Tu viens de me rappeler un truc que j'avais oublié. Avant de partir travailler aux Etats-Unis avec Randa, j'avais essayé après de caser mon scénario en France et j'avais une espèce de barrière à chaque fois. On me disait, mais qu'est-ce que vous avez fait ? J'ai dit, ben ouais, mais j'ai écrit des chansons. C'est très, très différent. Un cinéma très très différent, vous comprenez, c'est pas du tout la même chose. J'écris un roman, ouais, ouais, c'est différent. Et c'est vrai. Et quand je suis arrivé aux Etats-Unis, j'ai bossé avec Randa, par une fille que je rencontre, qui était de Lafayette, que je connaissais, qui bossait comme assistante chez Amblin, je me retrouve chez la boîte de production de Steven Spielberg. Et là, je tombe sur une directrice artistique, une productrice. Et je lui dis ça. Il me dit, qu'est-ce que vous avez fait ? Et je lui dis, j'ai fait des grandes chansons, j'ai écrit un roman. Elle me dit, c'est génial. Vous avez écrit des chansons, ça veut dire que vous avez le sens de la formule, vous avez le sens de la musicalité, du rythme. Vous avez écrit un roman, vous savez raconter une histoire. Mais c'est formidable, ça, pour écrire un scénario. C'est marrant comme on peut prendre les choses de l'autre côté.

  • Speaker #0

    Du coup, est-ce que tu penses que c'est parce qu'en France, on met vraiment les gens dans des cases et qu'on ne veut surtout pas les sortir de leurs cases et que ce n'est pas du tout le cas aux États-Unis ? Parce que dans, pas dans l'épisode précédent, mais dans celui d'avant où j'interviewais Pierre Billon et sa fille.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Pierre me disait qu'effectivement, en France, on a un vrai problème de cases. Alors qu'aux États-Unis, tu n'as jamais de problème. L'esthétique smoking et grand orchestre mélangé avec un rappeur, ça ne pose pas de problème. Il n'y a pas de frontière. C'est pareil dans l'écriture aussi. Il n'y a pas de frontière chez eux entre le songwriter et le scénariste. Alors qu'ici, on te dit qu'écrire des chansons, ça n'a rien à voir avec le scénario.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je pense qu'ils ne considèrent pas les choses sous le même angle, sous le même prisme. Aux États-Unis, l'entertainment, c'est un business avant tout. Et puis, il y a une espèce de curiosité. Peut-être qu'en France, on a une image, peut-être après la Nouvelle Vague, plus du cinéma d'auteur, plus élitiste, plus, j'allais dire, intellectuel. Je pense qu'il y a un rapport aussi à la façon dont on se projette. Les Américains, dans l'industrie du cinéma ou de la télé que j'ai rencontré aux États-Unis, Ils sont toujours à la recherche d'opportunités et on ne sait jamais. Peut-être que le gars qui est chauffeur de taxi, demain, c'est une superstar. Parce qu'il y en a eu plein. On ne sait jamais. Donc, ils vont t'accorder une importance.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une vraie terre d'opportunités.

  • Speaker #1

    Jusqu'à preuve du contraire que tu sois mauvais, tu peux être un bon. En France, c'est peut-être un peu l'inverse. Il faut que tu fasses tes preuves avant que vraiment on s'intéresse à toi ou qu'on te donne accès, tu vois. Peut-être, moi, je le formulerais comme ça. Je sais pas si c'est encore comme ça, mais je me souviens d'une chose... qui m'avait dit de quelqu'un que j'ai énormément aimé, que tu as peut-être connu, qui s'appelle Jean-Michel Boris, qui était le directeur de l'Olympia. Et Jean-Michel m'avait un jour dit un truc. Tu sais, il y a une chose qu'il faut que tu n'oublies jamais, parce que tu vas réussir. Merci. Mais il dit, une chose, n'oublie jamais, les gens que tu croises en montant, tu vas les recroiser en descendant. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai jamais oublié et qu'il ne faut pas oublier. c'est qu'il faut... Tout ça est très fragile. Et ce qui est important, c'est de toujours faire les choses avec sincérité. toujours être curieux des autres. Je crois que la curiosité dans nos métiers, c'est une valeur cardinale.

  • Speaker #0

    C'est bien parce que tu me permets de faire une transition super efficace que je n'avais pas prévue dans mes questions comme ça, parce que je l'avais mise ailleurs, la transition, mais là elle est parfaite. Est-ce que c'est cette curiosité qui t'a poussé à t'engager dans des organisations professionnelles, que ce soit le CNC, l'Assasem, à t'engager comme ça pour la transmission aux générations plus jeunes ou même à tes pères, la défense du droit d'auteur, tout ça, est-ce que ça vient de cette curiosité de l'autre ?

  • Speaker #1

    Il y a sûrement une part de curiosité. Après, c'est un peu complexe. Je vais essayer d'être honnête complètement. Il y a une part de militantisme, entre guillemets, parce que moi, j'ai toujours cette fibre associative. Ça, c'est mon parcours catho. Moi, j'ai une famille très catholique. Donc, j'ai toujours... Et puis, à un moment donné, c'est aussi cette fibre collective. Moi, j'ai le sens du collectif. Et c'est un des premiers éditeurs avec qui j'ai travaillé, qui s'appelait Max Enfoux, qui a été une des figures de cette maison. C'est lui qui m'a... proposé de travailler avec Enzo Enzo, avec Cydlie Maréchal quand on a fait l'album chez le Roptal Blues, avec d'autres gens après. Et Max, c'était un militant du droit d'auteur. C'était un éditeur de la vieille école, un personnage. Alors, bigger than life, c'est le cas de le dire. Et c'était un des piliers de cette maison. Il était au conseil d'administration de cette maison. Et c'était lui qui m'avait dit, il faut que tu viennes à la commission des variétés parce qu'avec Alamax, avec la Gouaille, tu n'es pas trop con. Peut-être que ça serait bien que tu t'intéresses un peu à ce qui se passe dans ton métier, tu vois. Et donc je me suis retrouvé à la commission des variétés assez jeune, et effectivement là, c'était passionnant. C'est là où j'ai appris comment fonctionnait ce métier. Et puis après, il y a aussi cette très belle phrase d'Emmanuel Lévinas, le philosophe qui dit « vivre c'est apprendre, célébrer, transmettre » . C'est notre job à nous ça. Et donc il y a toujours ce côté... La transmission, tu vois, qui est de partager ce qu'on a appris. D'autres l'ont fait avec moi. Mais c'est très égoïste, parce que moi, j'apprends autant quand j'apprends aux autres. Et puis, en fait, ce n'est pas très vrai de dire qu'on apprend. On partage, on partage. Pendant des années, j'ai animé des ateliers d'écriture, si tu veux, des variétés.

  • Speaker #0

    Mais cela dit, ce n'est pas vrai. On apprend quand même beaucoup. Moi, j'ai la sensation d'avoir énormément appris à ton contact. Mais je pense, c'est comme... comme des comédiens au conservatoire, je crois que jamais un prof d'interprétation, comme on dit, n'apprendra un acteur à avoir du talent. Mais par contre, il va lui apprendre tellement pour mettre son talent au service d'une œuvre. Et je crois que c'est ce que tu as fait avec tous les gens qui ont appris à écrire avec toi. C'est-à-dire que je pense que tu ne peux pas nous apprendre à écrire une chanson, mais tu peux nous apprendre à bien écrire une chanson.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Moi, je ne pense pas avoir appris à qui que ce soit à écrire une chanson. Je pense que... Mais par contre, ce que j'ai pu apprendre, c'est à retravailler. Moi, ce que j'ai eu la chance d'apprendre avec des Michel Fugain, avec des Daniel Lavoie, avec des David Coven, avec des Rhonda Haynes pour le cinéma, avec des Catherine Colombani pour la littérature, c'est à retravailler. En fait, moi, j'ai simplement transmis l'exigence et les grilles de travail que j'avais appris avec ces gens-là. Après, j'ai essayé de le faire à ma façon, mais c'est plus de la mise en commun, parce que... Moi, beaucoup des gens, et il y en a beaucoup qui sont passés dans mes ateliers d'écriture, que ce soit au Studio des Vérités, que ce soit aux Rencontres d'Astafour, que ce soit au CMA, que ce soit dans d'autres structures, je pense que c'est beaucoup, beaucoup de gens. Mais c'était des gens qui avaient du talent. J'ai aussi appris à travailler avec eux. Ce qui est bien, c'est que c'était moi qui étais payé, mais ce n'était pas très bien payé, donc ce n'est pas grave. C'est un échange entre artistes. Moi, j'ai toujours considéré ça. Tu as fait mes ateliers, tu as bien vu. moi j'ai toujours considéré que j'avais en face de moi des artistes comme moi. J'ai toujours privilégié le fait que c'était aussi un privilège pour moi que d'échanger avec des gens de talent. Parce que quand tu travailles avec des gens de talent, que tu travailles ensemble, que tu échanges ensemble, tu grandis les uns et les autres. Et moi, je le vis toujours comme un privilège. Et j'adore ça. Après,

  • Speaker #0

    on va passer sur... Ton dernier roman vient de sortir, il s'appelle Quelque chose comme de l'or, il se situe à Lafayette en Louisiane, c'était déjà le cas du précédent, Allons danser. Je pense que c'est un pan très important de ta vie de nous parler de la Louisiane, et la Louisiane c'est aussi un îlot de culture francophone, et donc de musique francophone, donc on peut revenir et par les littératures et par les chansons en même temps. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce lien si ténu qui t'attache à la Louisiane ?

  • Speaker #1

    Ah c'est une vraie histoire d'amour !

  • Speaker #0

    Parce qu'on devrait t'appeler lieutenant en fait, tu es lieutenant ?

  • Speaker #1

    Oui je suis lieutenant, lieutenant ! Non, du bureau du gouverneur.

  • Speaker #2

    Du bureau du gouverneur.

  • Speaker #1

    Du lieutenant-gouverneur. Et je suis citoyen d'honneur de la ville de Lafayette. Non, en fait, j'ai débarqué en Louisie. Alors, je ne connaissais pas grand-chose de la Louisienne. Je connaissais la chanson de Michel Fugain, « Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes » . Je connaissais à peu près ce qu'on en connaît quand on lit des livres d'histoire. Je connaissais les chansons de Zacharie Richard.

  • Speaker #0

    Ce que tout le monde ne connaît pas déjà forcément. Ça prouve déjà une certaine curiosité.

  • Speaker #1

    Oui, on connaît

  • Speaker #2

    Travailler, c'est trop dur parce que Julien Clerc l'avait chanté. Chaque jour, comment je vis, en deux mondes, comment je vis ? Je dis que je vis sur l'amour et j'espère de vivre...

  • Speaker #1

    Et puis je me retrouve en fait en Louisiane, dans les années 80, milieu des années 90, c'était Bella Bowé qui était au studio des variétés, qui me dit tiens, ils cherchent des gens pour aller faire des ateliers d'écriture dans les écoles qui ont des programmes en français en Louisiane. C'était à l'époque où il y avait un vrai revival. du français en Louisiane, dans les écoles. Donc il y avait 75 classes en français. Et c'était avec Radio France Internationale, pour laquelle travaillait Bella, et il me dit, toi qui fais des ateliers d'écriture, de chanson, tu ne veux pas y aller, faire des ateliers d'écriture de chanson. J'ai dit, bah ouais. Et puis j'étais parti trois jours, et ça a duré jusqu'à maintenant.

  • Speaker #0

    C'est ça. Tu n'étais jamais vraiment revenu.

  • Speaker #1

    Ouais, je fais des allers-retours tout le temps.

  • Speaker #0

    après on a passé pas mal t'as créé un festival là-bas non ?

  • Speaker #1

    non non il existait déjà mais j'ai collaboré à sa programmation on a monté tout un round pour pouvoir faire venir des artistes francophones on a eu des artistes incroyables qu'elles soient Angelique Kidjo Roca Traoré Sergent Garcia

  • Speaker #0

    Freedom for King Kong et en même temps tu as aussi initié Tu fais partie de ceux qui ont initié un concert pour aider les populations après l'ouragan Katrina ? Oui,

  • Speaker #1

    avec Francis Cabrel et d'autres. Après Katrina, j'avais quand même développé depuis dix ans des liens très forts avec la Louisiane. J'y vivais plusieurs mois par an. Et puis, après Katrina, il y a des musiciens qui m'ont appelé en me disant... C'est très émouvant d'en parler. Je n'ai jamais fait de mal à personne, j'ai tout perdu. Et j'ai personne vers qui me tourner. Et donc, il nous disait, il faudrait que j'ai au moins des instruments pour pouvoir continuer à faire mon métier. J'ai tout perdu, ma maison, ma voiture, mes instruments. Je ne pouvais plus travailler. Et on s'est dit, il faut faire quelque chose. Donc, on a commencé à monter avec les organisations professionnelles, avec des associations. J'ai commencé à décrocher le téléphone, appeler les gens. Et puis, Zachary avait monté un truc aussi, lui, Richard, là-bas, sur place. Il y avait eu d'autres initiatives, qui est Eric Sovia qui connaissait, qui avait travaillé avec Zachary, qui avait parlé de ça à Francis, avec qui jouait aussi Eric Sovia qui est un super guitariste. Et donc on a mergé les trois initiatives, celle d'Eric qui avait contacté Francis, celle que moi j'avais montée avec toutes les organisations et tous les organismes. Et puis Zachary et puis les gens qui travaillaient là-bas aussi sur des trucs comme ça et on s'est réunis, on a fait ce fameux concert qui était au Palais des Sports et on a récolté des fonds puis on a continué à essayer d'aider ces musiciens à retrouver des instruments pour qu'ils puissent retravailler, qu'ils puissent revivre de leur droit. Après il y avait d'autres systèmes d'aide pour d'autres choses mais nous on a essayé de faire ça et je crois qu'on a fait du bien. On a réussi à les aider pour ça.

  • Speaker #0

    Et donc parle-nous un petit peu de ton livre alors.

  • Speaker #1

    Alors mon roman s'appelle « Quelque chose comme de l'or » . Donc ça se passe dans ce petit coin de Louisiane francophone qui est dans les Bayoux, autour de Lafayette. C'est vraiment l'endroit où vivaient les Cajuns, les francophones. Et c'est là qu'est né le zaïdéco. Le zaïdéco, c'est la musique des créoles de Louisiane. Ça a été créé par un garçon qui s'appelait Amédée Ardo. Et c'est l'idée d'un créole d'origine africaine qui prend un accordéon et qui en fait un instrument de percussion et qui va créer un genre musical qui s'appelle le zaïdéko. Et il était francophone. Il faut comprendre que dans les années 30, en Louisiane, les gens parlent français. Dans cette Louisiane-là, pas à Shreveport au Nord, pas à New Orleans, mais là, les gens parlent français. Ils ne parlaient pas anglais. Descendants de l'esclave. Et donc, ils créent ce genre musical. Et donc, en fait, les personnages de mon roman... Ce sont des vieux bluesmen qui ont été rapatriés de la Nouvelle-Orléans après Katrina, qui se retrouvent dans une petite maison de retraite à Lafayette. Et puis cette petite maison de retraite, il n'y a plus d'argent, elle va fermer. Ils ont cinq ou six à rester. Et puis il y a une jeune infirmière qui se retrouve là, qui a été embauchée à la sortie de l'école. Elle a 24 ans, elle s'appelle Jodie Leblanc. Alors ils ont tous des noms francophones comme on trouve là-bas. Ils s'appellent Thibaudot, Fontenot, Arsenault, Bergeron. Le Blanc. Et elle, elle décide qu'elle ne va pas laisser faire ça. Et donc elle va fédérer autour d'elle un tas de personnages qui n'auraient jamais se retrouver ensemble. Et ils vont hériter d'une maison, de quelqu'un qui va leur léguer une maison. Sauf que cette maison, elle a un problème, et c'est que là, les ennuis commencent. Et ils vont aller de catastrophe en catastrophe en catastrophe. C'est drôle, c'est un roman drôle. Très drôle et j'espère poétique. Mais on a cette galerie de personnages, avec des vieux bluesmans, une jeune fille blanche, une fausse voyante vietnamienne, des indiens, francophones. Et tous ces gens vont se retrouver ensemble. Et sans le savoir, en allant de catastrophe en catastrophe, ils vont réparer une injustice encore plus grande qui remonte à la guerre de sécession. Mais c'est drôle, ça aime les gens. Et puis c'est vraiment un petit mode d'emploi de la Louisiane francophone. J'espère et je crois, d'après ce qu'on me dit, que ça donne envie d'aller là-bas.

  • Speaker #0

    Déjà, rien qu'avec Allons danser, j'avais déjà envie. Donc j'ai hâte de commencer celui-là pour avoir encore plus envie.

  • Speaker #1

    Mais moi, j'aime cette idée. Tu vois, c'est mon vieux fond. associatifs, militants. J'aime cette idée que les gens se mettent ensemble pour faire des choses. Et là, c'est des gens qui se mettent ensemble pour réparer une petite injustice, et qui vont réparer une plus grande, sans le savoir. Mais ils vont trouver autre chose que ce qu'ils cherchent. Quelque chose comme de l'or. Et c'est le fait d'être ensemble.

  • Speaker #0

    Ça fait envie.

  • Speaker #1

    C'est pas si mal.

  • Speaker #0

    Ah, c'est pas mal. Tu l'as bien pitché. Tu nous l'as très très bien vendu. Donc c'est sorti chez Calman Levy.

  • Speaker #1

    C'est sorti chez Calman Levy, en vente dans toutes les bonnes librairies.

  • Speaker #0

    Et en restant un petit peu en Louisiane, puisque c'est un petit mode d'emploi de la Louisiane, est-ce que tu pourrais nous dire, quand on ne connaît rien du tout à cette musique-là et à sa partie francophone justement, par où commencer pour découvrir cette culture ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs scènes. Il y a la scène Cajun-Créole, qui est vraiment du côté de Lafayette. Et puis il y a toute la scène Funk-Blues qui est sur New Orleans. Là qui est plus francophone, vraiment.

  • Speaker #0

    Et en francophone, les premières références vers lesquelles se tourner pour découvrir cet univers ?

  • Speaker #1

    Zachary Richard, of course. Immense songwriter. immense parolier, compositeur, chanteur. J'ai toujours du mal à comprendre qu'il ne soit pas encore reconnu en France, à cette distance nord-américaine. Il est très reconnu au Canada. En France, on n'a pas encore découvert la richesse et la qualité de son travail. Après, il y a toute une scène Cajun, avec plein de groupes qui chantent en français Cajun. Et puis, il y a toute la scène de la Zaydeco, Créole. Il y a tout ce qui se mélange entre les deux. Il y a vraiment une vitalité, beaucoup de jeunes groupes. Cédric Watson, toute la famille Savoie, les Pine Leaf Boys, Thivralien de Mamou Playboys, avec qui j'ai eu l'occasion. Oui, Mamou, c'est une ville de Louisiane. Et donc, il y a toute une génération. Ce serait les Lost Bayou Ramblers, les Manuela Sisters. Il y a plein... Plein, plein, les Daiquiri Queens, je prends en note, c'était des dizaines.

  • Speaker #0

    Ça pourrait faire l'objet d'une émission à part.

  • Speaker #1

    Feu follé, le groupe Feu follé. Il y a plein, plein de groupes et de chanteurs, de chanteuses de cette jeune génération qui sont entre 25 et 40 là, et qui chantent en français. Cherchez, fouinez, écoutez K.R.V.S. qui est RIS, la station de l'université de Louisiane, sur Internet. Venez au Festival international de Louisiane à Lafayette. Et puis j'espère qu'on aura l'occasion d'en voir et d'en entendre davantage en France. C'est une musique qui transmet un héritage, mais qui dit aussi quelque chose d'aujourd'hui. Une des choses que j'aime dans cette musique, c'est la même chose que j'aime dans cette cuisine. C'est que c'est plein d'influences différentes qui se sont mélangées et dans lesquelles tout le monde se reconnaît. Et ça, il y a un gumbo. comme il y a un gumbo musical. Ça fait quelque chose d'unique, mais dans lequel tout le monde se reconnaît autour de la musique, la danse, la culture, la langue française, qui fait commun dans un des plus beaux endroits du monde. Moi, j'adore ça.

  • Speaker #0

    Ça fait envie. Ce qui fait envie, surtout, c'est d'imaginer qu'il y a une telle créativité qui continue là-bas et qu'il y a un vrai vivier d'artistes, parce qu'on s'inquiète tous un petit peu, je pense, quand on est dans nos métiers, de la façon dont l'avenir se profile. Pour les artistes, toi qui es au Conseil de l'Innovation, tu en sais quelque chose. La transition est un petit peu hasardeuse, mais on y arrive quand même. Comment tu vois l'avenir de la musique, de la chanson française en particulier, ou francophone même, puisque tu la connais des deux côtés de l'Atlantique, cette chanson francophone ? Comment tu vois l'avenir avec les menaces ou les promesses des outils numériques qui arrivent ?

  • Speaker #1

    La chanson francophone est aussi très vivante au Canada. Il y a une énorme scène francophone de chansons. Au Canada, il y a une francophonie africaine aussi, qui est très importante. Donc la francophonie, c'est une richesse extraordinaire dans ça, musicalement, culturellement, dans les échanges. Donc ça, c'est intéressant. Après, sur l'intelligence artificielle, aujourd'hui, c'est un problème d'abord économique, qui est que... On a des gens qui ont créé des plateformes d'intelligence artificielle générative, qui ont, pour entraîner leur modèle, absorbé toutes nos œuvres. Donc eux, ils ont pris nos œuvres, ils les ont rentrées dans leur base de données et ils vont se servir dedans pour fabriquer des produits algorithmiques qui sont générés par statistiques. Comment ça marche une intelligence artificielle générative ? Ça va statistiquement te dire, statistiquement le mot le plus pertinent dans tout ce que j'ai pu analyser, c'est celui-là. Donc il va partir d'une... d'une collection de data et il va te sortir ce qui est le plus pertinent selon ses analyses, ses statistiques. C'est pas ce qu'il dit, c'est pas ce qu'il fait, c'est la statistique. Quand t'as dit ça, t'as compris qu'on a pris toutes nos œuvres et qu'on les utilise pour faire des produits, et pas des œuvres, des contenus comme on dit, qui arrivent en concurrence directe avec nos œuvres sur les plateformes.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui si j'ai, je crois avoir entendu ça dans une interview de Cécile Rapp-Weber, c'est 28%.

  • Speaker #1

    Sur Deezer.

  • Speaker #0

    Sur Deezer ou Spotify ? Spotify c'est pire.

  • Speaker #1

    Spotify ils veulent pas dire. Donc ça veut dire qu'aujourd'hui, il y a presque 30% des titres qui sont uploadés, qui sont issus de l'IA. C'est-à-dire, soit des gens les déposent et prennent les droits en disant que ça n'en est pas, ils trichent, soit il y a... Pour qu'il y ait droit d'auteur, il faut qu'il y ait une définition, c'est œuvre de l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, mais qu'est-ce qui t'empêche aujourd'hui de prendre un produit issu d'eau et de le déposer à ton nom ?

  • Speaker #1

    Il y en a, mais maintenant, ces contenus-là sont repérés et sont exclus de l'assiette. Mais comprenez bien ça, on a... pris nos œuvres, on les démonte, on les mixe, on les atomise, on les reconstitue, on fait un produit avec, qu'on vient vendre, c'est pas gratuit, en concurrence avec nos œuvres. Donc, en fait, on nous pille deux fois, parce que c'est nos œuvres qu'on utilise pour faire ça. Donc, nous, ce qu'on demande à la SACEN, et dans les sociétés de droit d'auteur, de gestion collective, nous, ce qu'on demande, c'est d'abord de la transparence. Quelles sont les œuvres que vous avez utilisées ? Quelles sont les œuvres sur lesquelles vous avez entraîné ? Et quand vous sortez un truc. quelles sont les œuvres que vous êtes allé piocher pour fabriquer ça. Oui,

  • Speaker #0

    un peu comme une bibliographie à la fin d'un livre, pour faire ce produit-là, on a utilisé telle chanson, telle chanson, telle...

  • Speaker #1

    Exactement. Quelle est votre base de données ? Quelle est la base que vous avez retravaillée ? Et qu'est-ce qu'il y a dans ce que vous sortez ?

  • Speaker #0

    En théorie, les plateformes d'IA sont en capacité de donner ça ?

  • Speaker #1

    Ils savent bien ce qu'ils ont à gérer, et ils savent bien comment fonctionne leur algorithme.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Alors, quand on leur demande, ils nous disent, ah non, non, non, secret professionnel. Et là, il y a une réponse qui a été... proposée par le professeur Alexandra Ben Samoun de l'Université de Paris-Saclay, qui est une professeure de droit spécialisée dans le numérique. Et elle a dit, oui, mais attendez, nous, on ne vous demande pas la recette, on vous demande les ingrédients. Donc, c'est ça. Quand je passe un prompt, je ne fais pas œuvre d'artiste, je passe une commande. Après, il y a une recette, et après, il y a des ingrédients. La recette, c'est l'algorithme, les ingrédients, c'est nos œuvres. Et sort à la fin un truc. Mais un prompt, c'est juste une commande. Aujourd'hui, nous ce qu'on demande c'est un, de la transparence, deux, une juste rémunération. On utilise nos œuvres. sans notre consentement. Donc nous, on a tracé un trait et on a déclaré opt-out. Opt-out, ça veut dire vous n'avez pas le droit d'utiliser notre répertoire sans faire de licence avec nous. Nous, ce qu'on veut, c'est faire des licences. On ne veut pas interdire l'IA. On est pour. Mais on n'est pas pour qu'elle utilise nos œuvres en captant notre droit d'auteur à leur bénéfice avec nos œuvres.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus, après, en balançant des œuvres, enfin des œuvres, des produits sur les plateformes qui diluent complètement le... S'il y a un tiers des œuvres qui est... n'appartient à personne puisqu'elle appartient à l'IA, ça fait qu'il y a trois tiers d'artistes qui sont rémunérés avec deux tiers des droits en fait.

  • Speaker #1

    C'est ça, il y a une dilution. Il y a une dilution terrible.

  • Speaker #0

    Déjà que le prix du stream.

  • Speaker #1

    On est d'accord.

  • Speaker #0

    Comment on vide sa musique aujourd'hui ? Et comment on en vivra demain ? Pour toi, c'est quoi ? Toi qui es au Conseil de l'Innovation, qui j'imagine a donc une idée peut-être un peu plus visionnaire que celle de... du commun des artistes. Comment tu visualises la suite ? Comment tu penses qu'on vit de notre musique et de nos créations demain ?

  • Speaker #1

    Recréer de la valeur. Déjà en respectant, déjà on est très loin de ce qu'on devrait toucher avec le streaming. Parce que c'est un modèle qui a été pensé pour tout sauf pour rémunérer les créateurs. Ils avaient oublié ça. Donc c'est un modèle qui a été déficitaire très longtemps. Ils commencent à gagner de l'argent. Donc chaque année on commence à percevoir davantage sur le streaming. On est encore très loin du compte. Très très loin du compte. Mais c'est de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'il n'y a pas de la pédagogie aussi à faire vis-à-vis du public ? Parce qu'à force de payer 10 balles par mois pour avoir toutes les musiques du monde, la musique n'a plus de... Si elle n'a pas de prix, elle n'a pas de valeur.

  • Speaker #1

    C'est ça. La musique, elle est partout. Aujourd'hui, on a l'impression qu'elle ne vaut plus rien. Et comme tout ce qui est dématérialisé, on a l'impression que ça ne vaut rien. Et aujourd'hui, quand tu t'abonnes et que tout est à disposition des millions de titres, tu ne comprends pas pourquoi ça voudrait quelque chose.

  • Speaker #0

    Puis est-ce que tu les écoutes vraiment encore ? courir une playlist.

  • Speaker #1

    Mais tu sais que 99% des titres qui sont uploadés ne sont jamais écoutés, même le mec qui les a mis en ligne ne les a jamais écoutés. Parce que c'est des millions de titres par semaine. Donc c'est une telle profusion que tout ne peut pas être écouté. Donc là, il y a une énorme dilution. Recréer de la valeur, déjà comme ça, qu'on nous paye quand on utilise nos œuvres, qu'on puisse différencier une œuvre de quelque chose qui n'en est pas, c'est-à-dire d'un produit algorithmique, les gens vont vite s'enlacer. C'est pas si bien que ça.

  • Speaker #0

    Passer le fait que tu aies esbrouffé par dire oh là là ça sonne de mieux en mieux. Quelle est l'émotion humaine ? Quelle est l'expérience humaine que je mets en partage ? Voilà, c'est ça qui touche les gens. Ça peut être une mauvaise chanson, elle te touche. Et puis tu peux faire le produit algorithmique le plus sophistiqué, le plus calculé pour marcher et tu t'en foutras royalement. C'est toute la magie du truc, c'est toute la beauté et tout le mystère des émotions humaines. L'expérience humaine, je pense qu'elle aura toujours une valeur ajoutée supplémentaire. Donc ça, la vraie question qui est au bout de ça, ce n'est pas tellement les prouesses technologiques, ce n'est pas tellement le business va s'arranger. Il faut juste que les gens acceptent de se mettre autour d'une table et de négocier. Pour l'instant, ils ne veulent pas. On va bien convaincre les législateurs de les obliger à le faire, ou eux-mêmes, ils vont avoir besoin de data de qualité. À un moment donné, ils ne vont pas s'entraîner sur eux-mêmes. La vraie question, au bout du compte. C'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, à quoi ça sert.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'aujourd'hui un public à qui on donne, à qui on donne oui, toutes les musiques pour une bouchée de pain, avec toutes les autres emmerdes que le public a autour de ça, enfin je veux dire c'est toujours comme comparer la fin du monde et la fin du mois, à quel moment cette charge économique elle s'inverse sur les grands géants du streaming et sur le public qui finalement aujourd'hui ne veut plus payer pour quelque chose qu'on lui donne gratuitement ?

  • Speaker #0

    Le lien humain. Aujourd'hui, il y a des tas de gens qui s'abonnent sur Patreon ou qui s'abonnent au site d'artistes parce qu'ils veulent les soutenir, parce qu'ils veulent créer du lien avec eux, parce que c'est important pour eux. Moi, je vais te donner un exemple, c'est celui que j'ai donné aux députés européens. Quand je suis allé pour la première fois au Parlement européen, il y avait des rencontres qui s'appelaient Meet the Author. Moi, je me suis retrouvé en huitième position. Donc, il y avait eu des discours de MEPs polonais, italiens. Français, Allemands, déjà eux-mêmes, les députés avaient parlé. Et quand j'arrive, ils étaient tous sur leur portable. Et là, je dis, bon, je ne veux pas perdre mon temps, tout a été dit. Donc je leur ai dit, écoutez, je vais juste prendre deux minutes de votre temps. Tout a été dit, de façon très claire, très sincère, très juste. Je n'ai rien de plus à ajouter. Je vais juste vous dire une chose, je vais prendre deux minutes de votre temps et je vais vous parler du pouvoir d'une chanson. Souvenez-vous, première pandémie, on était confinés, on était anxieux, des gens mouraient. ne savaient pas ce qui allait se passer, qu'est-ce qu'ils ont fait les gens ? Ils ont ouvert leurs fenêtres, ils ont chanté des chansons ensemble. Vous avez des milliers de ça sur YouTube. Si ça, ça ne vaut rien, si ça, ça ne fait pas commun, si ça, ce n'est pas ce qu'on fait quand on a besoin d'être ensemble, alors qu'est-ce qui vaut quelque chose ? Je n'ai rien de plus à vous dire. L'art, la culture, ça sert aussi à ça. Ça sert à mettre les gens ensemble. Ça sert à avoir la capacité de transmettre et recevoir des émotions. Ça s'appelle l'empathie. Et dans un monde où on remplacerait l'empathie par des produits algorithmiques, Alors moi je suis très inquiet, non pas du monde qu'on va laisser à nos enfants, mais des enfants qu'on va laisser à ce monde. Parce que là on est dans la culture de la satisfaction. Je fais un prompt, donne-moi ce que j'aime, donne-moi ce qui me plaît. Quelle est l'intention derrière un produit algorithmique faire du fric ? Point barre. Prenez un abonnement, abonnez-vous à mon truc, et puis vous aurez ce que vous aimez déjà. Moi des fois je veux qu'on me propose quelque chose que j'aime pas déjà, mais je veux qu'on me dise quelque chose. Je me souviens à l'époque où on achetait des disques, des CD ou des vinyles. Il fallait des fois écouter 10-15 fois le vinyle pour t'apercevoir que la chanson 5, finalement, elle n'est pas si mal que ça. Et puis en fait, finalement, c'est celle que tu préfères. Alors qu'à la première écoute, ça demande d'aller vers l'autre. Ça demande du temps.

  • Speaker #1

    Et tu penses que ce temps-là, on va réussir à le faire reprendre aux gens ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis persuadé que c'est nécessaire.

  • Speaker #1

    Nécessaire, oui. Mais possible ?

  • Speaker #0

    Oui. Il suffit de législater. Il suffit de demander aux législateurs, déjà. d'imposer certaines règles, des règles de droit. Nous avons un droit, la propriété intellectuelle, le droit d'auteur, qui nous a été confisqué par des gens qui veulent faire du profit avec nos œuvres. Quand dans une démocratie, on confisque un droit à une communauté, à des citoyens, à des artistes, pour faire du profit de façon extrêmement cynique et violente, c'est quoi le prochain droit ? Quel est le prochain droit qui va tomber ? Voilà ce que je pourrais essayer de... Transmettre à travers ce podcast, c'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, dans quel monde avons-nous envie de vivre ? Vous avez des multiples petites pratiques. Je décide de payer ma musique, je décide de ne pas financer des produits algorithmiques. On peut y aller par curiosité. Je décide de faire attention à ce que je mange. Parce qu'attention, tout ça, ça a un coût écologique catastrophique. Le coût écologique pour le stockage est catastrophique. Il faudrait construire des dizaines de centrales nucléaires. Je vous rappelle qu'on en a quatre à l'arrêt. Aux États-Unis, il y a des villes qui n'ont plus d'eau et qui n'ont plus d'électricité parce que tout a été préacheté par les data centers. Et ça ne suffit pas. Donc il y a un moment donné, il faut peut-être réserver l'intelligence artificielle à ce qui est vraiment utile pour la médecine, pour la société, pour la sécurité. Et puis quand ce n'est pas nécessaire et que c'est que pour faire du fric, on considère peut-être que pour que ces gens s'enrichissent un milliard, Ils peuvent peut-être essayer de trouver quelque chose de plus utile qu'à faire qu'à piller les artistes et à affaiblir l'apport essentiel de la culture à l'éducation, au vivre ensemble et à l'humanité. À nous de le mériter, à nous de faire des choses qui soient sincères, qui soient joyeuses, qui soient humaines. Avant tout, il faut qu'on se repose la question, nous, de la place de la culture, de la place de l'art. Et nous, qu'est-ce qu'on a à dire là-dedans ? et regarde bien de quoi on a parlé depuis le début de ce podcast les chansons qui restent, c'est celles qui disent quelque chose les autres on n'en a pas parlé et je ne m'en souviens même pas, les chansons qui restent c'est celles qui mettent en partage c'est celles qui disent quelque chose de nous qui disent quelque chose, qui nous parlent qui nous accompagnent, c'est la bande son de la vie des gens et moi je suis très fier quand j'ai une chanson qui n'a pas beaucoup marché ça m'est arrivé en étant dans un salon du livre il n'y a pas longtemps j'ai dédicacé mon roman d'avant et il y a J'étais tellement jeune homme, il devait avoir 35 et 40, qu'il vient me voir et il me dit « Mais vous écrivez pas des chansons ? » Je dis « Si. » « C'est pas vous qui avez écrit Le Mal par le Mal pour Fred Blandin ? » Je dis « Si. »

  • Speaker #2

    C'est pas la première fois, c'est pas la dernière fois non plus, mon vieux, que je soignerai comme ça, Le Mal par le Mal.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, vous savez cette chanson, je l'écoutais en boucle dans un moment très difficile de ma vie, une rupture, et cette chanson ça m'a vraiment aidé. Je m'étais toujours dit que si un jour je vous rencontrais, je vous le dirais. Voilà, c'est fait. Et je lui ai dit, vous voyez, c'est arrivé à destination, mais ça veut dire que ma chanson aussi est arrivée à destination. Parce que si cette chanson, elle vous a tenu la main dans un moment difficile, qu'elle vous a aidé à le passer, moi je suis payé. Moi c'est pour ça que je fais ce métier. C'est ça cet engagement. C'est cet engagement humain. Et ça, ça vaut quelque chose. Ça mérite les sacrifices, ça mérite les fois où je n'ai pas pu payer mon loyer, les fois où je me suis retrouvé à la rue, les fois où j'avais les huissiers, beaucoup de fois, avec les enfants au rond d'oignon derrière. Bon voilà, c'est des fois le prix qu'on accepte de payer pour ça. Et ça, c'est important parce que les gens ne voient jamais ça derrière. On voit que le réussite, les tubes et machin. Mais pour faire un tube... Oui,

  • Speaker #1

    mais à l'heure justement où aujourd'hui, à travers les réseaux sociaux, beaucoup, chacun se dévoile, se met à nu, peut-être qu'il serait judicieux de parler aux gens de la vraie vie des artistes et des créateurs et de ce qui se passe derrière, en fait. Parce que la plupart des gens pensent qu'à partir du moment où tu es auteur, ça va, tu as l'assassin, tu as les droits d'auteur, c'est bon, tu es blindé. On sait bien, nous qui voyons ça de très près, que ce n'est pas vrai pour beaucoup, beaucoup de créateurs qui sont ici. une poignée de gens qui s'en sortent encore, mais...

  • Speaker #0

    C'est de plus en plus difficile.

  • Speaker #1

    De plus en plus dur, même pour ceux qui font des chansons qui marchent, parce que finalement, un million de streams, ce n'est pas un million de disques en termes de droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Loin de là.

  • Speaker #1

    En tout cas, je retiens ton optimisme sur le lien humain et le partage, qui pour toi est l'essentiel et qui devrait prévaloir surtout, mais je crois qu'il faut aussi faire un vrai travail de communication pour diffuser cet optimisme. Et ça vaut quelque chose. Je crois qu'il faut en parler.

  • Speaker #0

    Oui, il faut en parler, et il faut faire en sorte que ça vaille quelque chose. Et puis, c'est le principe de la gestion collective. On n'a pas eu l'occasion de beaucoup parler de l'Assasem, mais l'Assasem, c'est une société de gestion collective. C'est un collectif qui s'est créé en 1851. C'est parti d'une bagarre dans un café. Pour vous dire que le droit d'auteur, c'est toujours un combat, et ça a toujours été un combat. L'Assasem, ça commence dans un café-concert. qui s'appelait Les Ambassadeurs. Et donc il y avait un petit orchestre avec une chanteuse. Et puis dans les gens qui dînaient, il y avait deux compositeurs, un auteur. Et quand le patron émet de l'édition, il dit « ben non, on ne paye pas » . « Ben on ne paye pas, vous avez joué nos chansons et nous on n'a pas été payés » . Le ton monte, ça se termine en bagarre au poste. Ils appellent leur éditeur et ils décident d'être, comme ils sont poursuivis pour Grivellerie, ils attaquent sur le principe de beau marché, de la propriété intellectuelle. Ils gagnent. Et donc ils montent un syndicat. Donc au début, la CSM c'est un syndicat. Ils fédèrent d'autres gens. Et puis au bout de quelques années, ça devient une société. des auteurs, des compositeurs, des acteurs qui sont tous un peu comme une mutuelle. Et c'est la même société que vous avez aujourd'hui. La même société dont je suis administrateur, je suis un auteur élu pour participer à la gestion de la société sur un mandat de trois ans, etc. Mais c'est à nous, c'est pas l'État, c'est une société privée, pardon, à but non lucratif, en dehors des frais de fonctionnement, tout est reversé, chaque centime est reversé à ses membres en fonction des passages, des machins, des trucs. Et c'est ça le principe de la gestion collective, c'est que c'est notre maison. Et qu'ensemble, on collecte et on répartit nos droits. Et accessoirement, on les défend. C'est ça la SACEB. Et c'est pour ça qu'on est là et que je suis très heureux de vous accueillir ici, dans cette maison qui est, si vous êtes auteur, compositeur ou éditeur, c'est votre maison.

  • Speaker #1

    Et on y est très bien. Et je vais finir donc avec la dernière question que je pose à tout le monde. Tout à l'heure, tu disais qu'il y avait plein de choses bien qui se faisaient aujourd'hui et je suis tout à fait d'accord. Et tu disais qu'il fallait un peu parfois chercher pour trouver des trucs à découvrir et à écouter. Est-ce que tu pourrais nous recommander un, deux, trois artistes francophones ? Je dis francophone, en général, je dis français, mais comme toi, tu connais aussi beaucoup d'artistes québécois ou cajuns. Voilà, un, deux ou trois artistes francophones qui seraient peut-être boudés par les algorithmes et qui mériteraient vraiment qu'on aille les rencontrer.

  • Speaker #0

    Je vais en donner deux. Je vais donner une fille et un garçon, tiens. J'ai une jeune fille qui s'appelle Jansi, J-A-N-S-I. Je le dis comme ça, qui est dans le sud-ouest.

  • Speaker #3

    Je suis une fille sage, je fais tout pour plaire à ceux que j'aime, à ceux que j'aime pas. Je supporte pas qu'on m'aime pas, je reste plantée là à faire ce qu'on m'a appris. Surtout, je lâche pas prise, je dors huit heures par nuit. J'ai jamais fait de bêtises, avec la tisse j'y vais tout doux. J'ai jamais fumé de weed, j'ai jamais fumé tout court. Ah oui, aussi, je fais de la méditation, je gère mes émotions, je contrôle ma communication.

  • Speaker #0

    Et je trouve ça super bien foutu, il a des super beaux textes. C'est... Je la suis depuis un moment, j'aime bien écouter, je trouve que c'est quelqu'un qui a une vraie originalité, c'est la chanson. Mais c'est malin, c'est pétillant, c'est intelligent, c'est sensible, je trouve ça très très bien, et tout jeune. Et puis il y a un garçon qui s'appelle Chaco, que tu connais peut-être, qui a une super voix et qui fait des très très belles choses.

  • Speaker #4

    La vieille parade sur les façades de nos espérances Ça c'est des gens que j'écoute en

  • Speaker #0

    ce moment, que j'ai découvert. Et franchement, je trouve que justement ça c'est un des bons trucs des réseaux sociaux, une des bonnes choses dans les réseaux sociaux, c'est de pouvoir découvrir des gens qu'on ne découvrirait pas. forcément autrement non plus. Donc ça, c'est bien. Si on est curieux, encore une fois, je pense qu'il faut être curieux. Je crois que c'est une grande qualité dans nos métiers et dans la vie en général d'être curieux. Donc moi, j'essaie d'être le plus curieux possible. Merci de m'avoir reçu. Merci beaucoup de ton accueil ici.

  • Speaker #1

    En plus.

  • Speaker #0

    Dans notre maison commune.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Brice. Un engagement militant, une curiosité sans borne et surtout un optimisme lucide à toute épreuve. De la chanson au roman en passant par le scénario, un seul maître mot, le cadeau. Le lien, l'expérience humaine qu'on met en partage. Nos talents et la force du collectif pour redonner de la valeur à l'art. Finalement, est-ce que ce n'est pas ça notre plus belle arme pour sauver le monde ? Je vous laisse avec cette réflexion et pour ceux qui rêvent de Louisiane, Quelque chose comme de l'or, le dernier roman de Brissoms, est disponible aux éditions Calman-Levy. Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode, parlons chansons.

Description

C'est mon ami et c'est mon maître aurait dit Serge Lama.


Brice Homs est auteur avec un grand A : parolier, romancier, scénariste, showrunner... Vice président du Conseil d'administration de la SACEM et président de son Conseil de l'Innovation. Diplômé de philosophie et de logique, je ne pouvais pas rêver meilleur interlocuteur pour aborder les dangers de l'Intelligence Artificielle... Et la valeur de la musique en général et de la chanson française en particulier.

En retraçant son parcours artistique et en déroulant la bande originale de sa vie, on a fait quelques digressions pour parler transmission, partage, création... des deux côtés de l'Atlantique puisque cet amoureux de Louisiane y a installé son dernier roman "Quelque chose comme de l'Or" paru chez Calmann-Levy.


Il nous fait également découvrir deux artistes :

Jansi :https://www.youtube.com/@jansimusique

et

Katcho https://www.youtube.com/@tchakomusic


à retrouver dans la plaît-liste !



Merci d'avoir écouté cet épisode. Pensez à nous laisser un commentaire sur spotify ou à nous noter sur Apple Music, ça aide énormément à la découvrabilité du podcast !


La plaît-liste est sur Spotify

https://open.spotify.com/playlist/6AqcJznoUlUhkw408H4lCp?si=AlBg4YDnSk6XI1CmZLAv_Q&pi=QZmd70eyQo--U

Et deezer:

https://dzr.page.link/S7ApTtZispBnH3DU7


Vous pouvez aussi nous suivre sur nos réseaux :


You Tube : www.youtube.com/@PROVIDENCEPROD

Instagram : instagram.com/providence.prod

Facebook : facebook.com/ProvProd

TikTok : https://www.tiktok.com/@providenceprod?_t=ZN-8wUptYozz7u&_r=1


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Sauvane Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse Mais ça, vous le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant Et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi Sauf que maintenant, ça va changer Et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes Alors, si la chanson française, ça vous parle Restez avec nous et parlons chanson C'est mon ami et c'est mon maître, aurait dit Serge Dama. C'est un auteur et un passeur curieux et engagé. Les chansons qu'il a écrites, de Michel Fugain à Daniel Lavoie, en passant par Florent Pagny, nous accompagnent toutes et tous. Pour lui, l'amour est une forteresse, et à l'heure de la sortie de son quatrième roman, il nous apprend aussi que l'amitié, c'est quelque chose comme de l'or. Vous n'imaginez pas ma fierté de recevoir celui qui a été mon maître et dont j'ai l'immense honneur d'être aujourd'hui l'ami,

  • Speaker #1

    M. Brice Holmes.

  • Speaker #0

    Je te remercie beaucoup d'avoir accepté cette invitation et de nous recevoir toi, parce que d'habitude c'est moi qui invite, mais là c'est toi qui en reçoit, à la SACEM dans le salon Georges Bizet, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Bienvenue dans le salon Georges Bizet à la SACEM, 7ème étage.

  • Speaker #0

    Dans la maison des auteurs. des compositeurs et des éditeurs dont tu es actuellement vice-président et directeur du Conseil pour l'innovation.

  • Speaker #2

    Alors je suis vice-président du Conseil d'administration de la SACEM et je suis président de son Conseil pour l'innovation. qui est un conseil que nous avons créé il y a maintenant 4 ans avec Patrick Sigwald et Dominique Dalkan et sous le parrainage de Jean-Michel Jarre.

  • Speaker #0

    On en reparlera un petit peu plus tard tout à l'heure pour parler IA et toutes les nouveautés technologiques qui aident et menacent nos métiers, les deux à la fois j'imagine. La première question que je vais te poser, c'est celle que je pose à tous mes invités, qui est pour toi, c'est quoi la variété française ?

  • Speaker #2

    Alors la variété françoise, française, mais pour moi, déjà, la réponse est contenue dans la question, c'est la variété. Alors, c'est la variété, ça veut dire qu'il y a plein de choses différentes, plein de gens différents, plein de styles différents dedans, et moi, je vois ce mot variété au sens noble du terme. Alors, c'est vrai qu'il a eu prix, en tout cas, quand moi, j'étais un jeune auteur, on va dire, dans les années 90, ça a eu prix un sens un peu péjoratif, c'était la variété. Ce qui veut dire que c'était pas bien. Parce qu'il y avait une enveloppe entre guillemets commerciale qui entourait ce mot, la variété, c'était ce qui marchait.

  • Speaker #0

    Et par essence, ce qui marche, c'est pas bien ?

  • Speaker #2

    Non, mais il y avait cette espèce de conception que c'était fait pour faire du fric entre guillemets. Mais moi, je ne l'ai jamais entendu comme ça. Moi, je ne me suis jamais senti dévalorisé quand on me disait, tu fais de la variété. Moi, j'ai eu le sentiment de faire de la chanson, que c'était parfois mis dans le registre ou sous l'étiquette variété ne me dérange pas du tout. Pour moi, la variété française, c'est la chanson française dans toute son exception. Et ça peut être très commercial et très bien.

  • Speaker #0

    Et voilà. Tu es né à Fontainebleau, c'est ça ? d'un papa officier et d'une maman violoniste, si j'ai bien fait mon travail. Est-ce que tu as baigné dans la chanson française quand tu étais petit, dans la musique en général et dans la chanson en particulier ? Et si oui, qu'est-ce qu'on écoutait quand tu étais petit chez les Homs ?

  • Speaker #2

    Alors, qu'est-ce qu'on écoutait ? Moi déjà, j'ai commencé la pratique de la musique par le violon. T'es obligé à 5 ans. Mère violoniste, violon. Au conservatoire, à la dure. Et puis après... Quand j'ai eu 13-14 ans, je suis passé à la guitare. Qu'est-ce qu'on écoutait ? Ma mère écoutait beaucoup de chansons. Elle écoutait beaucoup Charles Aznavour. Donc j'ai grandi avec la musique classique et Charles Aznavour. C'est pas mal, hein ? Et après, mon parrain qui était aux États-Unis, à Huntsville, en Alabama, quand il venait en France, il me ramenait des disques américains. Donc j'ai commencé à découvrir Simon & Garfunkel. à découvrir beaucoup de country parce qu'en Alabama, ça a été quand même l'endroit. Et puis comme mon père était officier, il y avait la base de l'OTAN où il y avait un PX, qui est le magasin pour les soldes américains. Et là, on a acheté les 10 d'Elvis, etc. Donc j'ai grandi avec Charles Aznavour et de la country et Elvis. C'est pas mal,

  • Speaker #0

    c'est large, c'est vaste en tout cas. Et ta première émotion, toi, devant une chanson française ? Parce que tu as grandi avec Aznavour, mais à partir de quel moment est-ce que ça touche vraiment ta sensibilité, aussi bien émusicalement que textuellement, je dirais ?

  • Speaker #2

    Chanson française, la première ? Incapable de... Alors, dans Charles Aznavour, non, je n'ai rien oublié, parce que j'étais tétanisé, j'étais un petit garçon, mais j'étais tétanisé par cette chanson qui était comme un film, qui racontait quelque chose. c'est un p**** Le dialogue entre un personnage qui parlait à la femme qu'il avait aimée, qui retrouvait, et puis tout d'un coup on découvrait que les parents n'avaient pas voulu de ce mariage. Et moi j'étais... Incroyable, j'avais jamais entendu une chanson comme ça, où quelqu'un parlait à quelqu'un d'autre, et moi j'entendais ça comme ça. Une discussion d'adultes, des trucs d'adultes qu'on n'entendait pas à la maison. Moi j'avais des parents qui ne parlaient pas beaucoup. Mon père était officier, donc...

  • Speaker #0

    Tu avais des frères et soeurs ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'avais un grand frère, ouais. mais mon père n'était pas quelqu'un de... très dans la parole, et ma mère finalement non plus. Donc en fait, c'est la première fois avec cette chanson que j'assistais à une discussion sensible et intime d'adulte. C'est pas rien ça !

  • Speaker #0

    Ah non, c'est énorme !

  • Speaker #2

    C'était vraiment la première chanson dont je me souviens comme étant plus qu'une chanson.

  • Speaker #3

    Je n'aurais jamais cru qu'on se rencontrerait Le hasard est curieux Il provoque les choses et le destin pressé, un instant, prend la pause.

  • Speaker #2

    Plus qu'un truc qu'on entend à la radio. Sinon, ma mère écoutait la radio, j'entendais, c'est la chanson de Paul Simon, Late in the evening, où il entend sa mère qui écoute des trucs à la radio, et il entend toute cette musique.

  • Speaker #0

    Ça nourrissait quand même déjà ton imaginaire.

  • Speaker #2

    Tout Sardou, tout Jodassin, sans jamais l'avoir écouté.

  • Speaker #3

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que c'était ce qu'on entendait, ce qui était dans l'air, ce qui était dans la radio.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en tant que parent, on a une responsabilité de ce qu'on met dans les oreilles de nos enfants. Clairement, ta maman t'a bien enrichi avec Aznavour et la variété en général. Alors Aznavour,

  • Speaker #2

    c'est ce qu'elle écoutait, elle.

  • Speaker #0

    Elle, vraiment.

  • Speaker #2

    La radio, c'est ce qui passait, mais on avait les disques d'Aznavour, on avait les disques, voilà, si, Marcel Hamon. J'ai grandi avec ça et avec Paul Simon, donc quand même avec des grands songwriters.

  • Speaker #0

    Et toi, après, tu as fait des études de philosophie et de logique, c'est ça ? Je ne savais pas qu'on pouvait apprendre la logique.

  • Speaker #2

    Alors j'ai fait des études de philosophie à la Sorbonne et j'ai fait la première licence de logique qui a été créée, donc c'était la première année. Alors la logique c'est un terrain qui est commun aux mathématiciens, aux philosophes, c'est-à-dire que c'est que du raisonnement, tous les A sont B, tous les B sont C, donc tous les A sont C, etc. Donc c'est tout ce qui a servi ensuite, j'allais dire, de concept pour créer les intelligences artificielles. du binaire, du non-binaire, etc., du numérique et de l'intelligence artificielle. C'est pour ça que j'ai eu une appétence à m'intéresser à ces sujets, car très jeune, comme j'étais très bon en maths et que j'aimais la philo, j'avais trouvé un terrain commun qui était la logique et j'ai fait la première licence qui a été créée à la Sorbonne. Et on était cinq, on a tous eu 19.

  • Speaker #0

    Et pendant des études qui sont certainement aussi lourdes et aussi poussées, tu continuais à pratiquer la musique et à en écouter ?

  • Speaker #2

    Mais je jouais dans des groupes.

  • Speaker #0

    Toi, tu es guitariste et bassiste, c'est ça ? Et mandoliniste aussi,

  • Speaker #2

    visiblement. Mais j'étais surtout guitariste et bassiste, et j'étais surtout songwriter, j'écrivais des chansons pour les groupes.

  • Speaker #0

    Comment ça t'est venu de commencer à écrire des chansons ?

  • Speaker #2

    J'étais assez solitaire. Quand tu es fils de militaire, on vit sur des bases, on est dans des casernes, et puis on déménage souvent, etc. Et un jour, des voisins m'ont donné une guitare qu'ils avaient ramenée d'Espagne pour leur fille qui ne voulait pas en jouer. J'ai récupéré la guitare, et la première chose que j'ai faite... Et ça je m'en souviens. Je ne savais même pas jouer ni rien, j'avais joué du violon, donc je savais poser mes doigts sur des cordes. La première chose que j'ai faite quand j'ai pris la guitare, c'est pas d'essayer d'en jouer, c'est d'écrire une chanson avec un poème que j'avais fait. Avec un doigt sur des cordes, je ne savais même pas faire un accord, mais avec ce que je savais faire au violon et d'appuyer sur des cordes, et puis la première chose que j'ai faite, c'est d'écrire une chanson. Je pense qu'elle n'était pas accordée. Donc c'était probablement une très mauvaise chanson.

  • Speaker #0

    Et donc tu continuais tout en jouant dans des groupes, en faisant tes études et tout. On est en quelle année ? On est dans les années 70, fin des années 70. Pour toi, ce que tu écoutes à ce moment-là, c'est quoi ?

  • Speaker #2

    Ce que j'écoute surtout, c'est Crosby, C.S. Nash & Young, c'est Jackson Browne, c'est James Taylor. J'écoute toujours. pas mal de country et en chanson française, c'est la grande époque Igelin.

  • Speaker #4

    Julien Clerc. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Julien Clerc, mon colloque.

  • Speaker #0

    Julien Clerc avec les textes de Roda Gilles.

  • Speaker #2

    avec les textes d'Abadi. et de Rodagil. Les deux, mais mon colloque avec qui j'habitais, qui était étudiant en médecine, C'était un fan de Julien Clerc.

  • Speaker #5

    Il faut le croire, moi seul je sais quand elle a froid. Ses regards ne regardent que moi. Par hasard, elle aime mon incertitude. Par hasard, j'aime sa solitude.

  • Speaker #2

    Donc avec Fred, j'écoutais beaucoup de Julien Clerc. Toute cette génération d'artistes. Alors là, des vrais chanteurs engagés, ce qu'on appelait des chanteurs engagés. La chanson, c'était Lavillier après. Après Lavillier, Cabrel, Francis Cabrel. Toute cette nouvelle vague de chanteurs-songwriters français qui a émergé à ce moment-là avec des figures incroyables comme ça. Ma première fois où j'ai entendu Lavillier, les barbares, je suis pris une claque.

  • Speaker #6

    Les barbares habitaient dans les angles tranchants des cités exilées au large du Paz-Nest. Ils rivaient leur blouson d'étrange firmament, où visaient la folie, la mort et la jeunesse.

  • Speaker #2

    Instantanément, j'ai dit waouh !

  • Speaker #0

    Mais toi tu n'avais aucun lien dans ce milieu, tu faisais de la musique, toi tu jouais dans des groupes. Oui mais je ne faisais personne, non non. Et comment ça arrive quand on est songwriter dans son coin, entre guillemets, et que d'un coup tes mots arrivent à la bouche d'artistes ? Aussi renommé que ceux pour qui tu as écrit, que ce soit Fugain, Enzo Enzo...

  • Speaker #2

    Une succession de... Alors pas de hasard, ça ne serait pas vrai de dire des hasards, mais de dominos qui tombent, tu vois, c'est une théorie des dominos. J'ai commencé à jouer dans des groupes, et comme j'écrivais des textes, on a commencé à m'en demander, parce que c'était un peu la denrée rare. Donc je me suis retrouvé à écrire pour 3, 4 groupes. Moi j'ai très vite compris que je n'étais pas chanteur, et qu'il fallait qu'il y ait d'autres gens qui chantent mes textes. Donc j'ai écrit Proudhon. des groupes, des chanteurs, des chanteuses, qui étaient des groupes étudiants comme nous, qu'on croisait dans le circuit, des petits bars, des petits clubs, etc. Et puis à un moment donné, il y a un de ces groupes dans lesquels je jouais, il y avait un des musiciens qui connaissait un gars qui était avant musicien, qui était maintenant DA dans une maison d'édition, et qui nous a fait faire des maquettes. Et puis ça intéressait l'éditeur, mais à ce moment-là... Le groupe a splitté, il y en a un, il faisait ses études de médecine, l'autre il est parti faire autre chose, l'autre il était au service militaire. Je me suis retrouvé tout seul. Et on m'a demandé des textes. Et j'ai fait des textes qui ne sont jamais sortis pendant deux ou trois ans. C'est ce que te demandent les éditeurs. Donc pendant deux ans, j'ai fait des textes qui ne sortaient jamais. Mais ça m'occupait, je trouvais ça sympa, et puis j'apprenais, et puis je me disais peut-être le prochain. Et puis en même temps, je continuais à jouer dans des groupes. Et puis à un moment donné, il y a un des groupes dans lesquels je jouais, il y avait une chanteuse qui cherchait... C'était l'époque où il y avait beaucoup d'émissions de télé. Et il y avait une chanteuse qui marchait, qui commençait à marcher, et elle cherchait un groupe pour l'accompagner sur les télés, en playback. Et quand on avait un bon look, et qu'on jouait un peu le truc de l'époque... On s'est retrouvé à faire de la figuration intelligente ou pas, je sais pas, derrière une chanteuse qui avait un gros tube. Et c'était Jeanne Masse et c'était En Rouge et Noir.

  • Speaker #1

    En rouge et noir, j'exilerai ma peur, j'irai plus haut que ces montagnes de douleur. En rouge et noir, j'afficherai mon cœur en échange d'une traite de douceur.

  • Speaker #2

    Donc si tu vois... toute la promo dans Rouge et Noir de Jeanne Masse, le mec à la base derrière avec la Steinberger, c'est moi. Et puis à un moment donné, il y avait un garçon qui s'occupait de Jeanne Masse, qui était son manager, qui s'appelle Nicolas du Noyer de Secondzac. Et il me dit, écoute, là je m'occupe d'un chanteur qui revient, qui avait arrêté, qui était parti, il cherche des jeunes auteurs. Tu devrais l'appeler. Et je lui dis, c'est qui ? Il me dit, c'est Michel Fugain. Oui, Michel Fugain, je connaissais un peu quand même. Ce n'était pas ce que j'écoutais moi, mais mon frère aîné écoutait beaucoup Fugain. Et je ne l'ai pas appelé, évidemment. Et donc Nicolas est revenu deux ou trois fois à la charge en me disant, mais dis-donc, j'ai vu Fugain, tu ne l'as pas appelé. Je dis, si, si, je vais le faire, je vais le faire. Évidemment je ne l'ai pas fait. Et puis un jour, mon téléphone sonne. C'est Michel Fugain qui m'appelle. Nicolas lui avait donné mon numéro en disant « Appelle-le » . Je décroche. « Bonjour, c'est Michel Fugain. » « Ah bonjour, oui, oui, Nicolas m'en a parlé. » « Tu fais quoi là ? » « Là, je suis chez moi, dans ma chambre d'étudiants. » « Bon, ben j'arrive ! » Une demi-heure après, il y a Fugain qui déboule chez moi. Il raconte toujours ça. J'habitais dans une petite chambre avec une grosse grèche parce que c'était ma période Strecats. Et là, c'était assez drôle parce que Michel arrivait en survêtement avec ses baskets. Il a commencé à tourner comme ça dans toute la pièce, en me disant, parce que tu comprends, si tu veux écrire pour moi, je ne vais pas enfiler des perles, il ne faut pas m'écrire des conneries.

  • Speaker #5

    C'est tellement lui !

  • Speaker #2

    En même temps, le mec, hyper généreux, et il me laisse une cassette avec trois chansons. Et donc, j'essaie d'écrire des textes, parce que quand même, je réécoute un peu ce qu'il a fait, ça me documente un peu plus. Puis je me fais quand même les textes de Delanoë, Vidalin, Lemel. Tu te dis, putain, il y a du level là quand même, tu vois, c'est waouh, ça donne envie d'essayer, en même temps ça te rend humble. Donc j'essaye, je fais un ou deux textes, j'envoie à l'époque, c'était des faxes, il me rappelle, il me dit, ouais c'est pas mal, mais tu comprends ça, je l'ai fait plein de fois, il fallait vraiment que tu fasses autre chose, il emploie un autre mot plus trivial, et il faut que tu te bouges un peu, quoi. Ouais, quoi, il n'y a pas de problème, moi j'ai jamais eu de problème à refaire quoi que ce soit, tu vois, puis en même temps j'avais tellement l'habitude que les trucs ne se fassent pas, Donc j'étais... quasiment certain que ça n'allait pas se faire. Et moi, je prenais ça comme un bootcamp. Je me suis dit, le mec, il a bossé avec les plus grands auteurs, je vais apprendre des trucs. En plus, il est hyper généreux. Il n'est pas avare de critique, mais dans le sens positif du terme. Et puis, donc la carpe, elle l'a peint quand même, on est d'accord. Et puis, à un moment donné, je fais un texte, je le renvoie. Il me rappelle une heure après, il me dit « Écoute, je l'enregistre demain. » Il me rappelle cinq minutes après, il me dit « Tu ne veux pas faire tout l'album ? » Et je me suis retrouvé le lendemain, au studio Trema.

  • Speaker #7

    A quoi ça sert l'amour si c'est un aller sans retour ? Y'a plus que du vide à la place Mais que veux-tu que j'en fasse ? A quoi ça sert la vie Quand on meurt petit à petit S'il ne reste plus que l'absence ?

  • Speaker #2

    Et donc voilà, c'est comme ça qu'a démarré le truc avec Michel. Et après j'avais un copain, Claude Samard, qui jouait avec Philippe Laville. Philippe Laville était très copain avec Michel Fugain. Il dit « Ah non, c'est bien les textes que tu as fait pour Michel, tu ne veux pas me faire des textes pour moi ? » Je dis « Ben ouais, super ! » Et puis voilà, après les gens continuent à me demander des textes.

  • Speaker #0

    Et tu n'as toujours été qu'auteur pour les autres ou tu as aussi composé pour d'autres ?

  • Speaker #2

    Non, très peu. Très peu, ouais, mais je ne suis pas un bon compositeur. j'ai pas assez de capacité mais j'ai eu la chance de travailler avec beaucoup de... d'artistes qui étaient chanteurs-compositeurs. Que ce soit Michel Fugain, que ce soit David Cohen, que ce soit Fred Blandin, que ce soit Daniel Lavois. Tu n'as pas écrit pour Julien Clerc ? Jamais. J'aurais aimé. Il ne m'a jamais demandé. Il a dit ce qu'il fallait quand même. J'aurais adoré. Après, moi, je n'ai rien fait non plus. Je suis incapable d'aller proposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Je ne suis pas équipé pour ça. J'ai eu beaucoup de chance. dans ces rencontres. Je n'aurais jamais imaginé que le fait d'aller faire la basse derrière Jeanne Masse, ça m'aurait amené à écrire des chansons pour Michel Fugain, Daniel Lavoie, Philippe Laville, Florent Pagny plus tard.

  • Speaker #0

    Toi qui as connu cette époque où il y avait effectivement beaucoup de chanteurs qui n'étaient que chanteurs ou compositeurs, ou même des interprètes purs, et où donc il y avait vraiment un vrai métier d'auteur de chansons, un vrai métier de parolier. Alors il y en a encore aujourd'hui, mais je pense qu'il y en a moins. Il y en a moins,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu trouves que c'est une évolution nécessaire et logique d'être arrivé dans une période où on a beaucoup d'auteurs, compositeurs, interprètes ? Ou est-ce que tu trouves que, j'allais le dire, c'était mieux avant, sans aller jusque-là, mais que la diversité des auteurs et des interprètes et des mélanges qui se faisaient enrichissait la chanson ? Est-ce que tu trouves que c'était plus riche avant ?

  • Speaker #2

    Non, mais c'est riche tout le temps, c'est bien tout le temps. Moi, je ne souscris pas à cette idée que c'était mieux avant et que maintenant, il n'y a plus de trumeurs. Il faut juste aller les chercher. Il faut des fois se donner un peu de mal. Mais non, moi, ce que je voudrais répondre au début de ta question, c'est-à-dire que moi, je suis arrivé à la fin de la période du règne des auteurs et des compositeurs. Où il y avait des grandes équipes. Julien Clerc, Julien Clerc c'était Dabadie, Roda Gilles et quelques autres, David MacNeill, d'autres, quelques autres, Luc Plamondon. Il y avait des grands auteurs comme Delanoë, comme Vidalin, comme Roda Gilles, comme Boris Berman, comme Jacques de Marny. comme beaucoup d'autres, je ne voudrais pas oublier trop de gens, qui fournissaient, entre guillemets, les grandes chansons pour les grands interprètes. Que ce soit Gilbert Becaud, Michel Fugain, Michel Sardou, Joe Dassin, les chanteuses, toutes les grandes chanteuses, Nicoletta, tout ce qu'on appelle la variété dont tu parlais tout à l'heure, mais aussi la chanson, Gérard Lenormand, Thierry Charcel, c'était des auteurs, Michel Delpech, magnifique texte. magnifiques mélodies de Michel Pelé et d'autres. Donc il y avait des auteurs-compositeurs comme il y a encore aujourd'hui à Nashville. Et comme il y avait à Tinpanel et à New York, qui écrivaient les chansons, que chantaient plein d'interprètes. Et il y avait peut-être une cinquantaine de personnes qui vivaient de ce métier, qui fournissaient des grandes chansons. C'était des grands auteurs, c'était des grands compositeurs, et ils étaient grands les deux ensemble. Oued Aji, il avait une définition de ça que je trouvais géniale. Dans une interview, on lui demandait ce que c'était qu'une bonne chanson. Il disait, tu prends un bon texte, une mauvaise musique, tu as une bonne chanson. Tu prends un mauvais texte, une bonne musique, tu as une bonne chanson. C'est quand tu as un truc bien des deux côtés que les emmerdements commencent. Typique Étienne. Ça, ça a disparu pratiquement au moment où moi je suis arrivé.

  • Speaker #0

    Oui, début des années 80, Goldman.

  • Speaker #2

    Voilà, il y a un moment donné où a émergé une génération, et notamment dans les maisons de disques, où ils ont associé les noms et les audiences. C'est-à-dire, on prenait deux artistes connus, on récupérait les deux audiences. et on avait un succès. C'est-à-dire, il y avait une martingale pour avoir du succès, c'est de demander à des gens connus de se mettre ensemble pour faire des chansons. Ce qui marche toujours. Et des fois, c'était presque une revanche du destin. Parce que j'en parlais avec Marc Lombroso, l'autre fois, je dînais avec Marc, et il me disait, mais tu sais que Jean-Jacques Goldman, il ne voulait pas être chanteur, il voulait écrire pour d'autres. Et il s'est trouvé dans cette situation-là. Je ne savais pas ça. Ne trouvant personne pour chanter ses chansons, il se résout sous la pression de Marc et d'autres à les chanter lui-même. mais c'est ce qui lui a permis au fait de pouvoir écrire pour d'autres. Donc là, revanche du destin, mais ça n'a pas toujours été le cas comme ça. Donc après, j'allais dire le vivier d'auteurs, de compositeurs qui fournissaient Issetari, parce qu'on ne les sollicitait plus. Moi j'ai eu de la chance, parce que je suis arrivé à la fin de cette comète-là, j'ai écrit soit pour des chanteurs qui étaient beaucoup plus vieux que moi, ou un peu plus vieux que moi, et qui avaient déjà cette pratique-là avec des auteurs, et qui savaient travailler avec des auteurs. Parce que travailler avec des gens comme Michel Fugain, qui ont travaillé avec des grands auteurs, tu leur... Tu ne casses pas un texte. Tu le retravailles 50 fois.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Mais c'est très riche aussi.

  • Speaker #2

    Parce qu'il sait ce qu'il veut, mais il sait surtout ce qu'il ne veut pas. Et moi, je me souviens, Michel, il m'avait dit un truc que moi, je pouvais comprendre parce que j'avais fait beaucoup de scènes. Il m'a dit que moi, quand je suis sur scène, je suis à poil. Donc, je ne vais pas chanter des conneries. Et moi, je sais ça. Je sais qu'un chanteur, quand il est sur scène, s'il ne ressent pas la chanson, si elle est compliquée, si elle est mal écrite, d'abord, il va mal respirer parce qu'il ne le porte pas bien, il y a toujours une phrase qui va accrocher. Non, il faut que la chanson soit à 100%, la chanson qu'il a envie de chanter, qu'il peut chanter, qui va habiter. Après, il y a une part aussi d'interprétation. On peut chanter une chanson de quelqu'un d'autre qui n'a pas été faite pour soi. Mais en tout cas, il faut que ce combo-là, entre guillemets, existe. Donc, ces chanteurs-là avaient cette exigence-là. Et moi, j'ai appris à réécrire des chansons en travaillant avec des gens comme ça. avec des artistes performeurs de scène. Michel Fugain, c'est un mec de scène. Être en studio, ça l'emmerde. C'est une punition pour lui. Quand on écrit une chanson, quand il compose une chanson, quand il enregistre une chanson, il pense à la scène. Il pense à quand il va avoir des gens en face de lui. C'est génial. Moi, j'ai tellement appris à travailler avec lui. J'en ai chié, mais qu'est-ce que j'ai appris ? Et ça, c'est formidable parce qu'il y a une chose là-dedans, c'est le cadeau. C'est quand je veux avoir des gens en face de moi, je veux avoir quelque chose à leur dire. Il ne s'agit pas d'argent, il ne s'agit pas de glamour, il s'agit de parler à quelqu'un. Il s'agit de transmettre quelque chose. Vous voyez, il y a cette exigence-là, il y a ce cadeau, cette générosité, cette authenticité d'artiste. Il faut être à la hauteur.

  • Speaker #0

    Mais toi, en même temps que tu écrivais des chansons, tu as suivi aussi des formations pour écrire du scénario, avec des grands scénaristes hollywoodiens, dont Shane Black. Shane Black, c'est l'arme fatale quand même. C'est mon premier prof de scénario. Et pourquoi ? Est-ce que c'est parce que l'espace de la chanson ne te suffisait plus pour raconter des histoires ? Ou est-ce que tu voulais vraiment explorer d'autres domaines ?

  • Speaker #1

    Mais tu sais, quand tu écris, tu écris. Donc moi, j'étais plus à l'aise et j'étais plus... performant entre guillemets et plus proche de l'écriture. Donc j'ai toujours eu envie d'écrire autre chose que des poèmes ou des chansons. On commence par ça parce que d'abord c'est ce qui me venait le plus naturellement. Puis après j'ai eu une ambition un peu supérieure et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #0

    Tu as écrit ton roman avant de commencer à faire du scénario ? Oui, oui, complètement. Donc on parle de Blue.

  • Speaker #1

    Oui, Blue, voilà. Donc j'ai écrit mon roman Blue et je ne connaissais personne et je l'ai envoyé par la poste. Je suis allé voir ma libraire en bas de chez moi et je lui ai dit J'écris un roman, ça parle un peu de ça. à qui je pourrais l'envoyer ? Elle m'a dit, chez Flammarion, il y a une petite collection qui sont en train de monter, peut-être que vous pourriez leur envoyer. Donc, c'est quoi l'adresse de Flammarion ? Je l'ai envoyé chez Flammarion et puis je n'ai pas eu de réponse pendant un an. Et puis, complètement par hasard, plus tard dans un...

  • Speaker #0

    Et donc tu laisses ça dans un coin de ta tête, tu ne l'envoies à personne d'autre qu'à Flammarion ? Ou tu essayes quand même de l'envoyer ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, je ne l'envoie à personne d'autre.

  • Speaker #0

    Donc tu écris un roman, tu l'envoies à un éditeur et t'attends ?

  • Speaker #1

    Tu vois, je suis super bon à me vendre. Et donc, quelques mois plus tard, mais beaucoup de mois, je rencontre une journaliste qui me parle de mes chansons et je lui dis mais... J'ai aussi créé un roman, mais je l'ai envoyé et je n'ai jamais eu de réponse. Elle me dit « Tu l'as envoyé chez qui ? » Je lui ai envoyé chez Flammarion. Elle me dit « Ah, mais j'ai un copain qui a publié chez Flammarion. Je vais lui demander qui. » Et elle tient parole. Et elle me rappelle en me disant « Écoute, il en a parlé. Et il y a une directrice littéraire qui va le lire. Renvoie-le. » Alors, je le renvoie. Et là, trois semaines après, je reçois un coup de fil. Un jour, « Bonjour, c'est Catherine Colomoni. Je viens de dire votre moment. J'adore. Je voulais juste vous dire que je le défends au comité de lecture ce soir. Et je lui dis, merci de m'avoir appelé avant. Et puis elle m'a rappelé après, elle m'a dit, on vous publie. C'est bon, j'ai eu le feu vert. Et ça s'est passé comme ça. Et l'anecdote très amusante, c'est qu'on a travaillé, alors là aussi j'ai réécrit beaucoup avec mon éditrice, en tout cas sous son influence et son travail. Et un mois avant que mon roman soit publié, je reçois une lettre de refus. de Flammarion. Et c'était le premier qui avait mis un an et demi ou deux ans à faire le tour, qui avait été refusé par les gens qui l'avaient lu dans ce circuit-là, alors que j'étais déjà publié chez eux. C'est drôle, je l'ai gardé, je l'ai encadré. Comme quoi, ne vous découragez pas, c'est des rencontres. Et donc, pour finir ta question, je suis très bon à faire des ellipses par contre, j'ai eu de très bons articles. Dans la presse, ça a été très bien reçu. Ça a été nommé à des prix du premier roman. Et il y a eu deux propositions d'achat des droits pour le cinéma, dont une qu'on a acceptée. Et le réalisateur m'a demandé de travailler au scénario avec lui. Et moi, j'ai refusé. Parce que tu ne te sentais pas légitime ? Mais non, je ne savais pas le faire. Donc je lui ai dit, écoutez, non, non, mais moi... Moi, je n'ai pas de problème, j'ai écrit mon roman. Faites votre film, trahissez tout ce que vous voulez, changez tout ce que vous voulez, ça n'effacera pas les pages. Il s'est dit, en plus, il n'est pas chiant. Donc, il s'est dit, non, mais il y a quand même un ton, il y a un truc que j'aimerais bien garder. Je dis, je ne suis pas sûr. Et puis, la patronne de la maison d'édition de l'époque s'appelait Françoise Verny, qui était un personnage, patronne de Flammarion, qui était un personnage à un moment donné, il m'a dit, écoute,

  • Speaker #2

    tu me casses les couilles,

  • Speaker #1

    Françoise Verny tout craché et puis donc je l'ai fait et je me suis retrouvé comme c'était un garçon qui faisait son premier film et qui était premier assistant de plein d'autres réalisateurs il a passé son temps à être premier assistant de plein d'autres réalisateurs et puis au bout de 200 ans j'avais écrit tout seul et ce que j'avais fait c'était très très mauvais parce que je ne savais pas le faire donc je me suis retrouvé avec un très très mauvais scénario l'option qui était tombée parce que Olivier il bossait tout le temps Et je me suis retrouvé à la tête d'un mauvais scénario.

  • Speaker #0

    Tu t'es dit, il faut que j'apprenne à en faire de bon.

  • Speaker #1

    Et il faut que j'apprenne à en faire de bon. Et du coup, grâce au Fonds culturel franco-américain, qui est géré par l'ASACM dans cette maison, j'ai pu faire un stage d'écriture avec Shane Black. Et je lui ai pitché mon projet. Il m'a dit, c'est vachement bien, c'est une bonne idée, il faut que tu travailles. Après, j'ai fait un autre stage d'écriture et de réalisation avec Brent Maddock et Ron Underwood. Et là... J'ai un peu sympathisé avec eux. Ils m'ont dit, écoute, quand tu viens aux États-Unis, appelle-nous et viens nous voir. Et puis quand j'étais aux États-Unis, je les ai appelés. Ils m'ont dit « Non, viens, c'est vachement bien, il faut que tu travailles avec nous. » Et j'ai commencé à travailler avec eux. Et après, les droits du roman ont été rachetés une deuxième fois par une réalisatrice américaine qui s'appelle Ronda Haynes, qui avait fait « Les enfants du silence » . Et elle parlait français, et elle adorait la France. Elle a optionné les droits du roman, et elle m'a redemandé de travailler avec elle.

  • Speaker #0

    Là, tu étais beaucoup plus prêt.

  • Speaker #1

    Là, j'étais un peu plus prêt. Et je suis parti à Los Angeles travailler avec Ronda sur une nouvelle mouture du scénario. Et là, j'ai appris vachement. Parce que Ronda... c'est quelqu'un qui est une grande directrice d'acteurs. Dans toutes les phases de l'écriture, dans toutes les scènes, elle pensait aux acteurs. Qu'est-ce qu'il a à jouer ? Qu'est-ce qu'il a à défendre ? Et c'était son obsession.

  • Speaker #0

    C'est presque la même obsession que Michel devant la scène, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Et grâce à Randa, et grâce au travail que j'ai fait avec elle sur le scénario, on a fait quand même trois ou quatre versions, j'ai appris à écrire pour des acteurs. Et j'ai appris à quel point c'était important d'imaginer non plus le texte, comme quelque chose d'écrit, mais comme quelque chose qui allait être joué, qui n'allait plus exister. Un scénario, c'est quelque chose qui n'existe pas. Ça devient des images, ça devient des gens qui parlent, ça devient un montage. Et pendant presque 20 ans, j'ai travaillé sur des scénarios, comme scénariste sur des séries et comme script doctor.

  • Speaker #0

    Et comme showrunner.

  • Speaker #1

    Et comme showrunner avec Antigone 34 en France.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu dirais que toutes ces différentes disciplines de l'écriture, se nourrissent les unes les autres ? Est-ce que tu racontes de meilleures histoires en chansons parce que tu sais écrire des scénarios ? Est-ce que tu fais des scénarios plus concis parce que tu sais l'exigence que c'est de rentrer toute une histoire dans trois minutes ?

  • Speaker #1

    C'est génial la question que tu me poses, Adore. Tu viens de me rappeler un truc que j'avais oublié. Avant de partir travailler aux Etats-Unis avec Randa, j'avais essayé après de caser mon scénario en France et j'avais une espèce de barrière à chaque fois. On me disait, mais qu'est-ce que vous avez fait ? J'ai dit, ben ouais, mais j'ai écrit des chansons. C'est très, très différent. Un cinéma très très différent, vous comprenez, c'est pas du tout la même chose. J'écris un roman, ouais, ouais, c'est différent. Et c'est vrai. Et quand je suis arrivé aux Etats-Unis, j'ai bossé avec Randa, par une fille que je rencontre, qui était de Lafayette, que je connaissais, qui bossait comme assistante chez Amblin, je me retrouve chez la boîte de production de Steven Spielberg. Et là, je tombe sur une directrice artistique, une productrice. Et je lui dis ça. Il me dit, qu'est-ce que vous avez fait ? Et je lui dis, j'ai fait des grandes chansons, j'ai écrit un roman. Elle me dit, c'est génial. Vous avez écrit des chansons, ça veut dire que vous avez le sens de la formule, vous avez le sens de la musicalité, du rythme. Vous avez écrit un roman, vous savez raconter une histoire. Mais c'est formidable, ça, pour écrire un scénario. C'est marrant comme on peut prendre les choses de l'autre côté.

  • Speaker #0

    Du coup, est-ce que tu penses que c'est parce qu'en France, on met vraiment les gens dans des cases et qu'on ne veut surtout pas les sortir de leurs cases et que ce n'est pas du tout le cas aux États-Unis ? Parce que dans, pas dans l'épisode précédent, mais dans celui d'avant où j'interviewais Pierre Billon et sa fille.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Pierre me disait qu'effectivement, en France, on a un vrai problème de cases. Alors qu'aux États-Unis, tu n'as jamais de problème. L'esthétique smoking et grand orchestre mélangé avec un rappeur, ça ne pose pas de problème. Il n'y a pas de frontière. C'est pareil dans l'écriture aussi. Il n'y a pas de frontière chez eux entre le songwriter et le scénariste. Alors qu'ici, on te dit qu'écrire des chansons, ça n'a rien à voir avec le scénario.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je pense qu'ils ne considèrent pas les choses sous le même angle, sous le même prisme. Aux États-Unis, l'entertainment, c'est un business avant tout. Et puis, il y a une espèce de curiosité. Peut-être qu'en France, on a une image, peut-être après la Nouvelle Vague, plus du cinéma d'auteur, plus élitiste, plus, j'allais dire, intellectuel. Je pense qu'il y a un rapport aussi à la façon dont on se projette. Les Américains, dans l'industrie du cinéma ou de la télé que j'ai rencontré aux États-Unis, Ils sont toujours à la recherche d'opportunités et on ne sait jamais. Peut-être que le gars qui est chauffeur de taxi, demain, c'est une superstar. Parce qu'il y en a eu plein. On ne sait jamais. Donc, ils vont t'accorder une importance.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une vraie terre d'opportunités.

  • Speaker #1

    Jusqu'à preuve du contraire que tu sois mauvais, tu peux être un bon. En France, c'est peut-être un peu l'inverse. Il faut que tu fasses tes preuves avant que vraiment on s'intéresse à toi ou qu'on te donne accès, tu vois. Peut-être, moi, je le formulerais comme ça. Je sais pas si c'est encore comme ça, mais je me souviens d'une chose... qui m'avait dit de quelqu'un que j'ai énormément aimé, que tu as peut-être connu, qui s'appelle Jean-Michel Boris, qui était le directeur de l'Olympia. Et Jean-Michel m'avait un jour dit un truc. Tu sais, il y a une chose qu'il faut que tu n'oublies jamais, parce que tu vas réussir. Merci. Mais il dit, une chose, n'oublie jamais, les gens que tu croises en montant, tu vas les recroiser en descendant. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai jamais oublié et qu'il ne faut pas oublier. c'est qu'il faut... Tout ça est très fragile. Et ce qui est important, c'est de toujours faire les choses avec sincérité. toujours être curieux des autres. Je crois que la curiosité dans nos métiers, c'est une valeur cardinale.

  • Speaker #0

    C'est bien parce que tu me permets de faire une transition super efficace que je n'avais pas prévue dans mes questions comme ça, parce que je l'avais mise ailleurs, la transition, mais là elle est parfaite. Est-ce que c'est cette curiosité qui t'a poussé à t'engager dans des organisations professionnelles, que ce soit le CNC, l'Assasem, à t'engager comme ça pour la transmission aux générations plus jeunes ou même à tes pères, la défense du droit d'auteur, tout ça, est-ce que ça vient de cette curiosité de l'autre ?

  • Speaker #1

    Il y a sûrement une part de curiosité. Après, c'est un peu complexe. Je vais essayer d'être honnête complètement. Il y a une part de militantisme, entre guillemets, parce que moi, j'ai toujours cette fibre associative. Ça, c'est mon parcours catho. Moi, j'ai une famille très catholique. Donc, j'ai toujours... Et puis, à un moment donné, c'est aussi cette fibre collective. Moi, j'ai le sens du collectif. Et c'est un des premiers éditeurs avec qui j'ai travaillé, qui s'appelait Max Enfoux, qui a été une des figures de cette maison. C'est lui qui m'a... proposé de travailler avec Enzo Enzo, avec Cydlie Maréchal quand on a fait l'album chez le Roptal Blues, avec d'autres gens après. Et Max, c'était un militant du droit d'auteur. C'était un éditeur de la vieille école, un personnage. Alors, bigger than life, c'est le cas de le dire. Et c'était un des piliers de cette maison. Il était au conseil d'administration de cette maison. Et c'était lui qui m'avait dit, il faut que tu viennes à la commission des variétés parce qu'avec Alamax, avec la Gouaille, tu n'es pas trop con. Peut-être que ça serait bien que tu t'intéresses un peu à ce qui se passe dans ton métier, tu vois. Et donc je me suis retrouvé à la commission des variétés assez jeune, et effectivement là, c'était passionnant. C'est là où j'ai appris comment fonctionnait ce métier. Et puis après, il y a aussi cette très belle phrase d'Emmanuel Lévinas, le philosophe qui dit « vivre c'est apprendre, célébrer, transmettre » . C'est notre job à nous ça. Et donc il y a toujours ce côté... La transmission, tu vois, qui est de partager ce qu'on a appris. D'autres l'ont fait avec moi. Mais c'est très égoïste, parce que moi, j'apprends autant quand j'apprends aux autres. Et puis, en fait, ce n'est pas très vrai de dire qu'on apprend. On partage, on partage. Pendant des années, j'ai animé des ateliers d'écriture, si tu veux, des variétés.

  • Speaker #0

    Mais cela dit, ce n'est pas vrai. On apprend quand même beaucoup. Moi, j'ai la sensation d'avoir énormément appris à ton contact. Mais je pense, c'est comme... comme des comédiens au conservatoire, je crois que jamais un prof d'interprétation, comme on dit, n'apprendra un acteur à avoir du talent. Mais par contre, il va lui apprendre tellement pour mettre son talent au service d'une œuvre. Et je crois que c'est ce que tu as fait avec tous les gens qui ont appris à écrire avec toi. C'est-à-dire que je pense que tu ne peux pas nous apprendre à écrire une chanson, mais tu peux nous apprendre à bien écrire une chanson.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Moi, je ne pense pas avoir appris à qui que ce soit à écrire une chanson. Je pense que... Mais par contre, ce que j'ai pu apprendre, c'est à retravailler. Moi, ce que j'ai eu la chance d'apprendre avec des Michel Fugain, avec des Daniel Lavoie, avec des David Coven, avec des Rhonda Haynes pour le cinéma, avec des Catherine Colombani pour la littérature, c'est à retravailler. En fait, moi, j'ai simplement transmis l'exigence et les grilles de travail que j'avais appris avec ces gens-là. Après, j'ai essayé de le faire à ma façon, mais c'est plus de la mise en commun, parce que... Moi, beaucoup des gens, et il y en a beaucoup qui sont passés dans mes ateliers d'écriture, que ce soit au Studio des Vérités, que ce soit aux Rencontres d'Astafour, que ce soit au CMA, que ce soit dans d'autres structures, je pense que c'est beaucoup, beaucoup de gens. Mais c'était des gens qui avaient du talent. J'ai aussi appris à travailler avec eux. Ce qui est bien, c'est que c'était moi qui étais payé, mais ce n'était pas très bien payé, donc ce n'est pas grave. C'est un échange entre artistes. Moi, j'ai toujours considéré ça. Tu as fait mes ateliers, tu as bien vu. moi j'ai toujours considéré que j'avais en face de moi des artistes comme moi. J'ai toujours privilégié le fait que c'était aussi un privilège pour moi que d'échanger avec des gens de talent. Parce que quand tu travailles avec des gens de talent, que tu travailles ensemble, que tu échanges ensemble, tu grandis les uns et les autres. Et moi, je le vis toujours comme un privilège. Et j'adore ça. Après,

  • Speaker #0

    on va passer sur... Ton dernier roman vient de sortir, il s'appelle Quelque chose comme de l'or, il se situe à Lafayette en Louisiane, c'était déjà le cas du précédent, Allons danser. Je pense que c'est un pan très important de ta vie de nous parler de la Louisiane, et la Louisiane c'est aussi un îlot de culture francophone, et donc de musique francophone, donc on peut revenir et par les littératures et par les chansons en même temps. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce lien si ténu qui t'attache à la Louisiane ?

  • Speaker #1

    Ah c'est une vraie histoire d'amour !

  • Speaker #0

    Parce qu'on devrait t'appeler lieutenant en fait, tu es lieutenant ?

  • Speaker #1

    Oui je suis lieutenant, lieutenant ! Non, du bureau du gouverneur.

  • Speaker #2

    Du bureau du gouverneur.

  • Speaker #1

    Du lieutenant-gouverneur. Et je suis citoyen d'honneur de la ville de Lafayette. Non, en fait, j'ai débarqué en Louisie. Alors, je ne connaissais pas grand-chose de la Louisienne. Je connaissais la chanson de Michel Fugain, « Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes » . Je connaissais à peu près ce qu'on en connaît quand on lit des livres d'histoire. Je connaissais les chansons de Zacharie Richard.

  • Speaker #0

    Ce que tout le monde ne connaît pas déjà forcément. Ça prouve déjà une certaine curiosité.

  • Speaker #1

    Oui, on connaît

  • Speaker #2

    Travailler, c'est trop dur parce que Julien Clerc l'avait chanté. Chaque jour, comment je vis, en deux mondes, comment je vis ? Je dis que je vis sur l'amour et j'espère de vivre...

  • Speaker #1

    Et puis je me retrouve en fait en Louisiane, dans les années 80, milieu des années 90, c'était Bella Bowé qui était au studio des variétés, qui me dit tiens, ils cherchent des gens pour aller faire des ateliers d'écriture dans les écoles qui ont des programmes en français en Louisiane. C'était à l'époque où il y avait un vrai revival. du français en Louisiane, dans les écoles. Donc il y avait 75 classes en français. Et c'était avec Radio France Internationale, pour laquelle travaillait Bella, et il me dit, toi qui fais des ateliers d'écriture, de chanson, tu ne veux pas y aller, faire des ateliers d'écriture de chanson. J'ai dit, bah ouais. Et puis j'étais parti trois jours, et ça a duré jusqu'à maintenant.

  • Speaker #0

    C'est ça. Tu n'étais jamais vraiment revenu.

  • Speaker #1

    Ouais, je fais des allers-retours tout le temps.

  • Speaker #0

    après on a passé pas mal t'as créé un festival là-bas non ?

  • Speaker #1

    non non il existait déjà mais j'ai collaboré à sa programmation on a monté tout un round pour pouvoir faire venir des artistes francophones on a eu des artistes incroyables qu'elles soient Angelique Kidjo Roca Traoré Sergent Garcia

  • Speaker #0

    Freedom for King Kong et en même temps tu as aussi initié Tu fais partie de ceux qui ont initié un concert pour aider les populations après l'ouragan Katrina ? Oui,

  • Speaker #1

    avec Francis Cabrel et d'autres. Après Katrina, j'avais quand même développé depuis dix ans des liens très forts avec la Louisiane. J'y vivais plusieurs mois par an. Et puis, après Katrina, il y a des musiciens qui m'ont appelé en me disant... C'est très émouvant d'en parler. Je n'ai jamais fait de mal à personne, j'ai tout perdu. Et j'ai personne vers qui me tourner. Et donc, il nous disait, il faudrait que j'ai au moins des instruments pour pouvoir continuer à faire mon métier. J'ai tout perdu, ma maison, ma voiture, mes instruments. Je ne pouvais plus travailler. Et on s'est dit, il faut faire quelque chose. Donc, on a commencé à monter avec les organisations professionnelles, avec des associations. J'ai commencé à décrocher le téléphone, appeler les gens. Et puis, Zachary avait monté un truc aussi, lui, Richard, là-bas, sur place. Il y avait eu d'autres initiatives, qui est Eric Sovia qui connaissait, qui avait travaillé avec Zachary, qui avait parlé de ça à Francis, avec qui jouait aussi Eric Sovia qui est un super guitariste. Et donc on a mergé les trois initiatives, celle d'Eric qui avait contacté Francis, celle que moi j'avais montée avec toutes les organisations et tous les organismes. Et puis Zachary et puis les gens qui travaillaient là-bas aussi sur des trucs comme ça et on s'est réunis, on a fait ce fameux concert qui était au Palais des Sports et on a récolté des fonds puis on a continué à essayer d'aider ces musiciens à retrouver des instruments pour qu'ils puissent retravailler, qu'ils puissent revivre de leur droit. Après il y avait d'autres systèmes d'aide pour d'autres choses mais nous on a essayé de faire ça et je crois qu'on a fait du bien. On a réussi à les aider pour ça.

  • Speaker #0

    Et donc parle-nous un petit peu de ton livre alors.

  • Speaker #1

    Alors mon roman s'appelle « Quelque chose comme de l'or » . Donc ça se passe dans ce petit coin de Louisiane francophone qui est dans les Bayoux, autour de Lafayette. C'est vraiment l'endroit où vivaient les Cajuns, les francophones. Et c'est là qu'est né le zaïdéco. Le zaïdéco, c'est la musique des créoles de Louisiane. Ça a été créé par un garçon qui s'appelait Amédée Ardo. Et c'est l'idée d'un créole d'origine africaine qui prend un accordéon et qui en fait un instrument de percussion et qui va créer un genre musical qui s'appelle le zaïdéko. Et il était francophone. Il faut comprendre que dans les années 30, en Louisiane, les gens parlent français. Dans cette Louisiane-là, pas à Shreveport au Nord, pas à New Orleans, mais là, les gens parlent français. Ils ne parlaient pas anglais. Descendants de l'esclave. Et donc, ils créent ce genre musical. Et donc, en fait, les personnages de mon roman... Ce sont des vieux bluesmen qui ont été rapatriés de la Nouvelle-Orléans après Katrina, qui se retrouvent dans une petite maison de retraite à Lafayette. Et puis cette petite maison de retraite, il n'y a plus d'argent, elle va fermer. Ils ont cinq ou six à rester. Et puis il y a une jeune infirmière qui se retrouve là, qui a été embauchée à la sortie de l'école. Elle a 24 ans, elle s'appelle Jodie Leblanc. Alors ils ont tous des noms francophones comme on trouve là-bas. Ils s'appellent Thibaudot, Fontenot, Arsenault, Bergeron. Le Blanc. Et elle, elle décide qu'elle ne va pas laisser faire ça. Et donc elle va fédérer autour d'elle un tas de personnages qui n'auraient jamais se retrouver ensemble. Et ils vont hériter d'une maison, de quelqu'un qui va leur léguer une maison. Sauf que cette maison, elle a un problème, et c'est que là, les ennuis commencent. Et ils vont aller de catastrophe en catastrophe en catastrophe. C'est drôle, c'est un roman drôle. Très drôle et j'espère poétique. Mais on a cette galerie de personnages, avec des vieux bluesmans, une jeune fille blanche, une fausse voyante vietnamienne, des indiens, francophones. Et tous ces gens vont se retrouver ensemble. Et sans le savoir, en allant de catastrophe en catastrophe, ils vont réparer une injustice encore plus grande qui remonte à la guerre de sécession. Mais c'est drôle, ça aime les gens. Et puis c'est vraiment un petit mode d'emploi de la Louisiane francophone. J'espère et je crois, d'après ce qu'on me dit, que ça donne envie d'aller là-bas.

  • Speaker #0

    Déjà, rien qu'avec Allons danser, j'avais déjà envie. Donc j'ai hâte de commencer celui-là pour avoir encore plus envie.

  • Speaker #1

    Mais moi, j'aime cette idée. Tu vois, c'est mon vieux fond. associatifs, militants. J'aime cette idée que les gens se mettent ensemble pour faire des choses. Et là, c'est des gens qui se mettent ensemble pour réparer une petite injustice, et qui vont réparer une plus grande, sans le savoir. Mais ils vont trouver autre chose que ce qu'ils cherchent. Quelque chose comme de l'or. Et c'est le fait d'être ensemble.

  • Speaker #0

    Ça fait envie.

  • Speaker #1

    C'est pas si mal.

  • Speaker #0

    Ah, c'est pas mal. Tu l'as bien pitché. Tu nous l'as très très bien vendu. Donc c'est sorti chez Calman Levy.

  • Speaker #1

    C'est sorti chez Calman Levy, en vente dans toutes les bonnes librairies.

  • Speaker #0

    Et en restant un petit peu en Louisiane, puisque c'est un petit mode d'emploi de la Louisiane, est-ce que tu pourrais nous dire, quand on ne connaît rien du tout à cette musique-là et à sa partie francophone justement, par où commencer pour découvrir cette culture ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs scènes. Il y a la scène Cajun-Créole, qui est vraiment du côté de Lafayette. Et puis il y a toute la scène Funk-Blues qui est sur New Orleans. Là qui est plus francophone, vraiment.

  • Speaker #0

    Et en francophone, les premières références vers lesquelles se tourner pour découvrir cet univers ?

  • Speaker #1

    Zachary Richard, of course. Immense songwriter. immense parolier, compositeur, chanteur. J'ai toujours du mal à comprendre qu'il ne soit pas encore reconnu en France, à cette distance nord-américaine. Il est très reconnu au Canada. En France, on n'a pas encore découvert la richesse et la qualité de son travail. Après, il y a toute une scène Cajun, avec plein de groupes qui chantent en français Cajun. Et puis, il y a toute la scène de la Zaydeco, Créole. Il y a tout ce qui se mélange entre les deux. Il y a vraiment une vitalité, beaucoup de jeunes groupes. Cédric Watson, toute la famille Savoie, les Pine Leaf Boys, Thivralien de Mamou Playboys, avec qui j'ai eu l'occasion. Oui, Mamou, c'est une ville de Louisiane. Et donc, il y a toute une génération. Ce serait les Lost Bayou Ramblers, les Manuela Sisters. Il y a plein... Plein, plein, les Daiquiri Queens, je prends en note, c'était des dizaines.

  • Speaker #0

    Ça pourrait faire l'objet d'une émission à part.

  • Speaker #1

    Feu follé, le groupe Feu follé. Il y a plein, plein de groupes et de chanteurs, de chanteuses de cette jeune génération qui sont entre 25 et 40 là, et qui chantent en français. Cherchez, fouinez, écoutez K.R.V.S. qui est RIS, la station de l'université de Louisiane, sur Internet. Venez au Festival international de Louisiane à Lafayette. Et puis j'espère qu'on aura l'occasion d'en voir et d'en entendre davantage en France. C'est une musique qui transmet un héritage, mais qui dit aussi quelque chose d'aujourd'hui. Une des choses que j'aime dans cette musique, c'est la même chose que j'aime dans cette cuisine. C'est que c'est plein d'influences différentes qui se sont mélangées et dans lesquelles tout le monde se reconnaît. Et ça, il y a un gumbo. comme il y a un gumbo musical. Ça fait quelque chose d'unique, mais dans lequel tout le monde se reconnaît autour de la musique, la danse, la culture, la langue française, qui fait commun dans un des plus beaux endroits du monde. Moi, j'adore ça.

  • Speaker #0

    Ça fait envie. Ce qui fait envie, surtout, c'est d'imaginer qu'il y a une telle créativité qui continue là-bas et qu'il y a un vrai vivier d'artistes, parce qu'on s'inquiète tous un petit peu, je pense, quand on est dans nos métiers, de la façon dont l'avenir se profile. Pour les artistes, toi qui es au Conseil de l'Innovation, tu en sais quelque chose. La transition est un petit peu hasardeuse, mais on y arrive quand même. Comment tu vois l'avenir de la musique, de la chanson française en particulier, ou francophone même, puisque tu la connais des deux côtés de l'Atlantique, cette chanson francophone ? Comment tu vois l'avenir avec les menaces ou les promesses des outils numériques qui arrivent ?

  • Speaker #1

    La chanson francophone est aussi très vivante au Canada. Il y a une énorme scène francophone de chansons. Au Canada, il y a une francophonie africaine aussi, qui est très importante. Donc la francophonie, c'est une richesse extraordinaire dans ça, musicalement, culturellement, dans les échanges. Donc ça, c'est intéressant. Après, sur l'intelligence artificielle, aujourd'hui, c'est un problème d'abord économique, qui est que... On a des gens qui ont créé des plateformes d'intelligence artificielle générative, qui ont, pour entraîner leur modèle, absorbé toutes nos œuvres. Donc eux, ils ont pris nos œuvres, ils les ont rentrées dans leur base de données et ils vont se servir dedans pour fabriquer des produits algorithmiques qui sont générés par statistiques. Comment ça marche une intelligence artificielle générative ? Ça va statistiquement te dire, statistiquement le mot le plus pertinent dans tout ce que j'ai pu analyser, c'est celui-là. Donc il va partir d'une... d'une collection de data et il va te sortir ce qui est le plus pertinent selon ses analyses, ses statistiques. C'est pas ce qu'il dit, c'est pas ce qu'il fait, c'est la statistique. Quand t'as dit ça, t'as compris qu'on a pris toutes nos œuvres et qu'on les utilise pour faire des produits, et pas des œuvres, des contenus comme on dit, qui arrivent en concurrence directe avec nos œuvres sur les plateformes.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui si j'ai, je crois avoir entendu ça dans une interview de Cécile Rapp-Weber, c'est 28%.

  • Speaker #1

    Sur Deezer.

  • Speaker #0

    Sur Deezer ou Spotify ? Spotify c'est pire.

  • Speaker #1

    Spotify ils veulent pas dire. Donc ça veut dire qu'aujourd'hui, il y a presque 30% des titres qui sont uploadés, qui sont issus de l'IA. C'est-à-dire, soit des gens les déposent et prennent les droits en disant que ça n'en est pas, ils trichent, soit il y a... Pour qu'il y ait droit d'auteur, il faut qu'il y ait une définition, c'est œuvre de l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, mais qu'est-ce qui t'empêche aujourd'hui de prendre un produit issu d'eau et de le déposer à ton nom ?

  • Speaker #1

    Il y en a, mais maintenant, ces contenus-là sont repérés et sont exclus de l'assiette. Mais comprenez bien ça, on a... pris nos œuvres, on les démonte, on les mixe, on les atomise, on les reconstitue, on fait un produit avec, qu'on vient vendre, c'est pas gratuit, en concurrence avec nos œuvres. Donc, en fait, on nous pille deux fois, parce que c'est nos œuvres qu'on utilise pour faire ça. Donc, nous, ce qu'on demande à la SACEN, et dans les sociétés de droit d'auteur, de gestion collective, nous, ce qu'on demande, c'est d'abord de la transparence. Quelles sont les œuvres que vous avez utilisées ? Quelles sont les œuvres sur lesquelles vous avez entraîné ? Et quand vous sortez un truc. quelles sont les œuvres que vous êtes allé piocher pour fabriquer ça. Oui,

  • Speaker #0

    un peu comme une bibliographie à la fin d'un livre, pour faire ce produit-là, on a utilisé telle chanson, telle chanson, telle...

  • Speaker #1

    Exactement. Quelle est votre base de données ? Quelle est la base que vous avez retravaillée ? Et qu'est-ce qu'il y a dans ce que vous sortez ?

  • Speaker #0

    En théorie, les plateformes d'IA sont en capacité de donner ça ?

  • Speaker #1

    Ils savent bien ce qu'ils ont à gérer, et ils savent bien comment fonctionne leur algorithme.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Alors, quand on leur demande, ils nous disent, ah non, non, non, secret professionnel. Et là, il y a une réponse qui a été... proposée par le professeur Alexandra Ben Samoun de l'Université de Paris-Saclay, qui est une professeure de droit spécialisée dans le numérique. Et elle a dit, oui, mais attendez, nous, on ne vous demande pas la recette, on vous demande les ingrédients. Donc, c'est ça. Quand je passe un prompt, je ne fais pas œuvre d'artiste, je passe une commande. Après, il y a une recette, et après, il y a des ingrédients. La recette, c'est l'algorithme, les ingrédients, c'est nos œuvres. Et sort à la fin un truc. Mais un prompt, c'est juste une commande. Aujourd'hui, nous ce qu'on demande c'est un, de la transparence, deux, une juste rémunération. On utilise nos œuvres. sans notre consentement. Donc nous, on a tracé un trait et on a déclaré opt-out. Opt-out, ça veut dire vous n'avez pas le droit d'utiliser notre répertoire sans faire de licence avec nous. Nous, ce qu'on veut, c'est faire des licences. On ne veut pas interdire l'IA. On est pour. Mais on n'est pas pour qu'elle utilise nos œuvres en captant notre droit d'auteur à leur bénéfice avec nos œuvres.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus, après, en balançant des œuvres, enfin des œuvres, des produits sur les plateformes qui diluent complètement le... S'il y a un tiers des œuvres qui est... n'appartient à personne puisqu'elle appartient à l'IA, ça fait qu'il y a trois tiers d'artistes qui sont rémunérés avec deux tiers des droits en fait.

  • Speaker #1

    C'est ça, il y a une dilution. Il y a une dilution terrible.

  • Speaker #0

    Déjà que le prix du stream.

  • Speaker #1

    On est d'accord.

  • Speaker #0

    Comment on vide sa musique aujourd'hui ? Et comment on en vivra demain ? Pour toi, c'est quoi ? Toi qui es au Conseil de l'Innovation, qui j'imagine a donc une idée peut-être un peu plus visionnaire que celle de... du commun des artistes. Comment tu visualises la suite ? Comment tu penses qu'on vit de notre musique et de nos créations demain ?

  • Speaker #1

    Recréer de la valeur. Déjà en respectant, déjà on est très loin de ce qu'on devrait toucher avec le streaming. Parce que c'est un modèle qui a été pensé pour tout sauf pour rémunérer les créateurs. Ils avaient oublié ça. Donc c'est un modèle qui a été déficitaire très longtemps. Ils commencent à gagner de l'argent. Donc chaque année on commence à percevoir davantage sur le streaming. On est encore très loin du compte. Très très loin du compte. Mais c'est de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'il n'y a pas de la pédagogie aussi à faire vis-à-vis du public ? Parce qu'à force de payer 10 balles par mois pour avoir toutes les musiques du monde, la musique n'a plus de... Si elle n'a pas de prix, elle n'a pas de valeur.

  • Speaker #1

    C'est ça. La musique, elle est partout. Aujourd'hui, on a l'impression qu'elle ne vaut plus rien. Et comme tout ce qui est dématérialisé, on a l'impression que ça ne vaut rien. Et aujourd'hui, quand tu t'abonnes et que tout est à disposition des millions de titres, tu ne comprends pas pourquoi ça voudrait quelque chose.

  • Speaker #0

    Puis est-ce que tu les écoutes vraiment encore ? courir une playlist.

  • Speaker #1

    Mais tu sais que 99% des titres qui sont uploadés ne sont jamais écoutés, même le mec qui les a mis en ligne ne les a jamais écoutés. Parce que c'est des millions de titres par semaine. Donc c'est une telle profusion que tout ne peut pas être écouté. Donc là, il y a une énorme dilution. Recréer de la valeur, déjà comme ça, qu'on nous paye quand on utilise nos œuvres, qu'on puisse différencier une œuvre de quelque chose qui n'en est pas, c'est-à-dire d'un produit algorithmique, les gens vont vite s'enlacer. C'est pas si bien que ça.

  • Speaker #0

    Passer le fait que tu aies esbrouffé par dire oh là là ça sonne de mieux en mieux. Quelle est l'émotion humaine ? Quelle est l'expérience humaine que je mets en partage ? Voilà, c'est ça qui touche les gens. Ça peut être une mauvaise chanson, elle te touche. Et puis tu peux faire le produit algorithmique le plus sophistiqué, le plus calculé pour marcher et tu t'en foutras royalement. C'est toute la magie du truc, c'est toute la beauté et tout le mystère des émotions humaines. L'expérience humaine, je pense qu'elle aura toujours une valeur ajoutée supplémentaire. Donc ça, la vraie question qui est au bout de ça, ce n'est pas tellement les prouesses technologiques, ce n'est pas tellement le business va s'arranger. Il faut juste que les gens acceptent de se mettre autour d'une table et de négocier. Pour l'instant, ils ne veulent pas. On va bien convaincre les législateurs de les obliger à le faire, ou eux-mêmes, ils vont avoir besoin de data de qualité. À un moment donné, ils ne vont pas s'entraîner sur eux-mêmes. La vraie question, au bout du compte. C'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, à quoi ça sert.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'aujourd'hui un public à qui on donne, à qui on donne oui, toutes les musiques pour une bouchée de pain, avec toutes les autres emmerdes que le public a autour de ça, enfin je veux dire c'est toujours comme comparer la fin du monde et la fin du mois, à quel moment cette charge économique elle s'inverse sur les grands géants du streaming et sur le public qui finalement aujourd'hui ne veut plus payer pour quelque chose qu'on lui donne gratuitement ?

  • Speaker #0

    Le lien humain. Aujourd'hui, il y a des tas de gens qui s'abonnent sur Patreon ou qui s'abonnent au site d'artistes parce qu'ils veulent les soutenir, parce qu'ils veulent créer du lien avec eux, parce que c'est important pour eux. Moi, je vais te donner un exemple, c'est celui que j'ai donné aux députés européens. Quand je suis allé pour la première fois au Parlement européen, il y avait des rencontres qui s'appelaient Meet the Author. Moi, je me suis retrouvé en huitième position. Donc, il y avait eu des discours de MEPs polonais, italiens. Français, Allemands, déjà eux-mêmes, les députés avaient parlé. Et quand j'arrive, ils étaient tous sur leur portable. Et là, je dis, bon, je ne veux pas perdre mon temps, tout a été dit. Donc je leur ai dit, écoutez, je vais juste prendre deux minutes de votre temps. Tout a été dit, de façon très claire, très sincère, très juste. Je n'ai rien de plus à ajouter. Je vais juste vous dire une chose, je vais prendre deux minutes de votre temps et je vais vous parler du pouvoir d'une chanson. Souvenez-vous, première pandémie, on était confinés, on était anxieux, des gens mouraient. ne savaient pas ce qui allait se passer, qu'est-ce qu'ils ont fait les gens ? Ils ont ouvert leurs fenêtres, ils ont chanté des chansons ensemble. Vous avez des milliers de ça sur YouTube. Si ça, ça ne vaut rien, si ça, ça ne fait pas commun, si ça, ce n'est pas ce qu'on fait quand on a besoin d'être ensemble, alors qu'est-ce qui vaut quelque chose ? Je n'ai rien de plus à vous dire. L'art, la culture, ça sert aussi à ça. Ça sert à mettre les gens ensemble. Ça sert à avoir la capacité de transmettre et recevoir des émotions. Ça s'appelle l'empathie. Et dans un monde où on remplacerait l'empathie par des produits algorithmiques, Alors moi je suis très inquiet, non pas du monde qu'on va laisser à nos enfants, mais des enfants qu'on va laisser à ce monde. Parce que là on est dans la culture de la satisfaction. Je fais un prompt, donne-moi ce que j'aime, donne-moi ce qui me plaît. Quelle est l'intention derrière un produit algorithmique faire du fric ? Point barre. Prenez un abonnement, abonnez-vous à mon truc, et puis vous aurez ce que vous aimez déjà. Moi des fois je veux qu'on me propose quelque chose que j'aime pas déjà, mais je veux qu'on me dise quelque chose. Je me souviens à l'époque où on achetait des disques, des CD ou des vinyles. Il fallait des fois écouter 10-15 fois le vinyle pour t'apercevoir que la chanson 5, finalement, elle n'est pas si mal que ça. Et puis en fait, finalement, c'est celle que tu préfères. Alors qu'à la première écoute, ça demande d'aller vers l'autre. Ça demande du temps.

  • Speaker #1

    Et tu penses que ce temps-là, on va réussir à le faire reprendre aux gens ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis persuadé que c'est nécessaire.

  • Speaker #1

    Nécessaire, oui. Mais possible ?

  • Speaker #0

    Oui. Il suffit de législater. Il suffit de demander aux législateurs, déjà. d'imposer certaines règles, des règles de droit. Nous avons un droit, la propriété intellectuelle, le droit d'auteur, qui nous a été confisqué par des gens qui veulent faire du profit avec nos œuvres. Quand dans une démocratie, on confisque un droit à une communauté, à des citoyens, à des artistes, pour faire du profit de façon extrêmement cynique et violente, c'est quoi le prochain droit ? Quel est le prochain droit qui va tomber ? Voilà ce que je pourrais essayer de... Transmettre à travers ce podcast, c'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, dans quel monde avons-nous envie de vivre ? Vous avez des multiples petites pratiques. Je décide de payer ma musique, je décide de ne pas financer des produits algorithmiques. On peut y aller par curiosité. Je décide de faire attention à ce que je mange. Parce qu'attention, tout ça, ça a un coût écologique catastrophique. Le coût écologique pour le stockage est catastrophique. Il faudrait construire des dizaines de centrales nucléaires. Je vous rappelle qu'on en a quatre à l'arrêt. Aux États-Unis, il y a des villes qui n'ont plus d'eau et qui n'ont plus d'électricité parce que tout a été préacheté par les data centers. Et ça ne suffit pas. Donc il y a un moment donné, il faut peut-être réserver l'intelligence artificielle à ce qui est vraiment utile pour la médecine, pour la société, pour la sécurité. Et puis quand ce n'est pas nécessaire et que c'est que pour faire du fric, on considère peut-être que pour que ces gens s'enrichissent un milliard, Ils peuvent peut-être essayer de trouver quelque chose de plus utile qu'à faire qu'à piller les artistes et à affaiblir l'apport essentiel de la culture à l'éducation, au vivre ensemble et à l'humanité. À nous de le mériter, à nous de faire des choses qui soient sincères, qui soient joyeuses, qui soient humaines. Avant tout, il faut qu'on se repose la question, nous, de la place de la culture, de la place de l'art. Et nous, qu'est-ce qu'on a à dire là-dedans ? et regarde bien de quoi on a parlé depuis le début de ce podcast les chansons qui restent, c'est celles qui disent quelque chose les autres on n'en a pas parlé et je ne m'en souviens même pas, les chansons qui restent c'est celles qui mettent en partage c'est celles qui disent quelque chose de nous qui disent quelque chose, qui nous parlent qui nous accompagnent, c'est la bande son de la vie des gens et moi je suis très fier quand j'ai une chanson qui n'a pas beaucoup marché ça m'est arrivé en étant dans un salon du livre il n'y a pas longtemps j'ai dédicacé mon roman d'avant et il y a J'étais tellement jeune homme, il devait avoir 35 et 40, qu'il vient me voir et il me dit « Mais vous écrivez pas des chansons ? » Je dis « Si. » « C'est pas vous qui avez écrit Le Mal par le Mal pour Fred Blandin ? » Je dis « Si. »

  • Speaker #2

    C'est pas la première fois, c'est pas la dernière fois non plus, mon vieux, que je soignerai comme ça, Le Mal par le Mal.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, vous savez cette chanson, je l'écoutais en boucle dans un moment très difficile de ma vie, une rupture, et cette chanson ça m'a vraiment aidé. Je m'étais toujours dit que si un jour je vous rencontrais, je vous le dirais. Voilà, c'est fait. Et je lui ai dit, vous voyez, c'est arrivé à destination, mais ça veut dire que ma chanson aussi est arrivée à destination. Parce que si cette chanson, elle vous a tenu la main dans un moment difficile, qu'elle vous a aidé à le passer, moi je suis payé. Moi c'est pour ça que je fais ce métier. C'est ça cet engagement. C'est cet engagement humain. Et ça, ça vaut quelque chose. Ça mérite les sacrifices, ça mérite les fois où je n'ai pas pu payer mon loyer, les fois où je me suis retrouvé à la rue, les fois où j'avais les huissiers, beaucoup de fois, avec les enfants au rond d'oignon derrière. Bon voilà, c'est des fois le prix qu'on accepte de payer pour ça. Et ça, c'est important parce que les gens ne voient jamais ça derrière. On voit que le réussite, les tubes et machin. Mais pour faire un tube... Oui,

  • Speaker #1

    mais à l'heure justement où aujourd'hui, à travers les réseaux sociaux, beaucoup, chacun se dévoile, se met à nu, peut-être qu'il serait judicieux de parler aux gens de la vraie vie des artistes et des créateurs et de ce qui se passe derrière, en fait. Parce que la plupart des gens pensent qu'à partir du moment où tu es auteur, ça va, tu as l'assassin, tu as les droits d'auteur, c'est bon, tu es blindé. On sait bien, nous qui voyons ça de très près, que ce n'est pas vrai pour beaucoup, beaucoup de créateurs qui sont ici. une poignée de gens qui s'en sortent encore, mais...

  • Speaker #0

    C'est de plus en plus difficile.

  • Speaker #1

    De plus en plus dur, même pour ceux qui font des chansons qui marchent, parce que finalement, un million de streams, ce n'est pas un million de disques en termes de droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Loin de là.

  • Speaker #1

    En tout cas, je retiens ton optimisme sur le lien humain et le partage, qui pour toi est l'essentiel et qui devrait prévaloir surtout, mais je crois qu'il faut aussi faire un vrai travail de communication pour diffuser cet optimisme. Et ça vaut quelque chose. Je crois qu'il faut en parler.

  • Speaker #0

    Oui, il faut en parler, et il faut faire en sorte que ça vaille quelque chose. Et puis, c'est le principe de la gestion collective. On n'a pas eu l'occasion de beaucoup parler de l'Assasem, mais l'Assasem, c'est une société de gestion collective. C'est un collectif qui s'est créé en 1851. C'est parti d'une bagarre dans un café. Pour vous dire que le droit d'auteur, c'est toujours un combat, et ça a toujours été un combat. L'Assasem, ça commence dans un café-concert. qui s'appelait Les Ambassadeurs. Et donc il y avait un petit orchestre avec une chanteuse. Et puis dans les gens qui dînaient, il y avait deux compositeurs, un auteur. Et quand le patron émet de l'édition, il dit « ben non, on ne paye pas » . « Ben on ne paye pas, vous avez joué nos chansons et nous on n'a pas été payés » . Le ton monte, ça se termine en bagarre au poste. Ils appellent leur éditeur et ils décident d'être, comme ils sont poursuivis pour Grivellerie, ils attaquent sur le principe de beau marché, de la propriété intellectuelle. Ils gagnent. Et donc ils montent un syndicat. Donc au début, la CSM c'est un syndicat. Ils fédèrent d'autres gens. Et puis au bout de quelques années, ça devient une société. des auteurs, des compositeurs, des acteurs qui sont tous un peu comme une mutuelle. Et c'est la même société que vous avez aujourd'hui. La même société dont je suis administrateur, je suis un auteur élu pour participer à la gestion de la société sur un mandat de trois ans, etc. Mais c'est à nous, c'est pas l'État, c'est une société privée, pardon, à but non lucratif, en dehors des frais de fonctionnement, tout est reversé, chaque centime est reversé à ses membres en fonction des passages, des machins, des trucs. Et c'est ça le principe de la gestion collective, c'est que c'est notre maison. Et qu'ensemble, on collecte et on répartit nos droits. Et accessoirement, on les défend. C'est ça la SACEB. Et c'est pour ça qu'on est là et que je suis très heureux de vous accueillir ici, dans cette maison qui est, si vous êtes auteur, compositeur ou éditeur, c'est votre maison.

  • Speaker #1

    Et on y est très bien. Et je vais finir donc avec la dernière question que je pose à tout le monde. Tout à l'heure, tu disais qu'il y avait plein de choses bien qui se faisaient aujourd'hui et je suis tout à fait d'accord. Et tu disais qu'il fallait un peu parfois chercher pour trouver des trucs à découvrir et à écouter. Est-ce que tu pourrais nous recommander un, deux, trois artistes francophones ? Je dis francophone, en général, je dis français, mais comme toi, tu connais aussi beaucoup d'artistes québécois ou cajuns. Voilà, un, deux ou trois artistes francophones qui seraient peut-être boudés par les algorithmes et qui mériteraient vraiment qu'on aille les rencontrer.

  • Speaker #0

    Je vais en donner deux. Je vais donner une fille et un garçon, tiens. J'ai une jeune fille qui s'appelle Jansi, J-A-N-S-I. Je le dis comme ça, qui est dans le sud-ouest.

  • Speaker #3

    Je suis une fille sage, je fais tout pour plaire à ceux que j'aime, à ceux que j'aime pas. Je supporte pas qu'on m'aime pas, je reste plantée là à faire ce qu'on m'a appris. Surtout, je lâche pas prise, je dors huit heures par nuit. J'ai jamais fait de bêtises, avec la tisse j'y vais tout doux. J'ai jamais fumé de weed, j'ai jamais fumé tout court. Ah oui, aussi, je fais de la méditation, je gère mes émotions, je contrôle ma communication.

  • Speaker #0

    Et je trouve ça super bien foutu, il a des super beaux textes. C'est... Je la suis depuis un moment, j'aime bien écouter, je trouve que c'est quelqu'un qui a une vraie originalité, c'est la chanson. Mais c'est malin, c'est pétillant, c'est intelligent, c'est sensible, je trouve ça très très bien, et tout jeune. Et puis il y a un garçon qui s'appelle Chaco, que tu connais peut-être, qui a une super voix et qui fait des très très belles choses.

  • Speaker #4

    La vieille parade sur les façades de nos espérances Ça c'est des gens que j'écoute en

  • Speaker #0

    ce moment, que j'ai découvert. Et franchement, je trouve que justement ça c'est un des bons trucs des réseaux sociaux, une des bonnes choses dans les réseaux sociaux, c'est de pouvoir découvrir des gens qu'on ne découvrirait pas. forcément autrement non plus. Donc ça, c'est bien. Si on est curieux, encore une fois, je pense qu'il faut être curieux. Je crois que c'est une grande qualité dans nos métiers et dans la vie en général d'être curieux. Donc moi, j'essaie d'être le plus curieux possible. Merci de m'avoir reçu. Merci beaucoup de ton accueil ici.

  • Speaker #1

    En plus.

  • Speaker #0

    Dans notre maison commune.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Brice. Un engagement militant, une curiosité sans borne et surtout un optimisme lucide à toute épreuve. De la chanson au roman en passant par le scénario, un seul maître mot, le cadeau. Le lien, l'expérience humaine qu'on met en partage. Nos talents et la force du collectif pour redonner de la valeur à l'art. Finalement, est-ce que ce n'est pas ça notre plus belle arme pour sauver le monde ? Je vous laisse avec cette réflexion et pour ceux qui rêvent de Louisiane, Quelque chose comme de l'or, le dernier roman de Brissoms, est disponible aux éditions Calman-Levy. Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode, parlons chansons.

Share

Embed

You may also like

Description

C'est mon ami et c'est mon maître aurait dit Serge Lama.


Brice Homs est auteur avec un grand A : parolier, romancier, scénariste, showrunner... Vice président du Conseil d'administration de la SACEM et président de son Conseil de l'Innovation. Diplômé de philosophie et de logique, je ne pouvais pas rêver meilleur interlocuteur pour aborder les dangers de l'Intelligence Artificielle... Et la valeur de la musique en général et de la chanson française en particulier.

En retraçant son parcours artistique et en déroulant la bande originale de sa vie, on a fait quelques digressions pour parler transmission, partage, création... des deux côtés de l'Atlantique puisque cet amoureux de Louisiane y a installé son dernier roman "Quelque chose comme de l'Or" paru chez Calmann-Levy.


Il nous fait également découvrir deux artistes :

Jansi :https://www.youtube.com/@jansimusique

et

Katcho https://www.youtube.com/@tchakomusic


à retrouver dans la plaît-liste !



Merci d'avoir écouté cet épisode. Pensez à nous laisser un commentaire sur spotify ou à nous noter sur Apple Music, ça aide énormément à la découvrabilité du podcast !


La plaît-liste est sur Spotify

https://open.spotify.com/playlist/6AqcJznoUlUhkw408H4lCp?si=AlBg4YDnSk6XI1CmZLAv_Q&pi=QZmd70eyQo--U

Et deezer:

https://dzr.page.link/S7ApTtZispBnH3DU7


Vous pouvez aussi nous suivre sur nos réseaux :


You Tube : www.youtube.com/@PROVIDENCEPROD

Instagram : instagram.com/providence.prod

Facebook : facebook.com/ProvProd

TikTok : https://www.tiktok.com/@providenceprod?_t=ZN-8wUptYozz7u&_r=1


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Sauvane Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse Mais ça, vous le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant Et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi Sauf que maintenant, ça va changer Et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes Alors, si la chanson française, ça vous parle Restez avec nous et parlons chanson C'est mon ami et c'est mon maître, aurait dit Serge Dama. C'est un auteur et un passeur curieux et engagé. Les chansons qu'il a écrites, de Michel Fugain à Daniel Lavoie, en passant par Florent Pagny, nous accompagnent toutes et tous. Pour lui, l'amour est une forteresse, et à l'heure de la sortie de son quatrième roman, il nous apprend aussi que l'amitié, c'est quelque chose comme de l'or. Vous n'imaginez pas ma fierté de recevoir celui qui a été mon maître et dont j'ai l'immense honneur d'être aujourd'hui l'ami,

  • Speaker #1

    M. Brice Holmes.

  • Speaker #0

    Je te remercie beaucoup d'avoir accepté cette invitation et de nous recevoir toi, parce que d'habitude c'est moi qui invite, mais là c'est toi qui en reçoit, à la SACEM dans le salon Georges Bizet, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Bienvenue dans le salon Georges Bizet à la SACEM, 7ème étage.

  • Speaker #0

    Dans la maison des auteurs. des compositeurs et des éditeurs dont tu es actuellement vice-président et directeur du Conseil pour l'innovation.

  • Speaker #2

    Alors je suis vice-président du Conseil d'administration de la SACEM et je suis président de son Conseil pour l'innovation. qui est un conseil que nous avons créé il y a maintenant 4 ans avec Patrick Sigwald et Dominique Dalkan et sous le parrainage de Jean-Michel Jarre.

  • Speaker #0

    On en reparlera un petit peu plus tard tout à l'heure pour parler IA et toutes les nouveautés technologiques qui aident et menacent nos métiers, les deux à la fois j'imagine. La première question que je vais te poser, c'est celle que je pose à tous mes invités, qui est pour toi, c'est quoi la variété française ?

  • Speaker #2

    Alors la variété françoise, française, mais pour moi, déjà, la réponse est contenue dans la question, c'est la variété. Alors, c'est la variété, ça veut dire qu'il y a plein de choses différentes, plein de gens différents, plein de styles différents dedans, et moi, je vois ce mot variété au sens noble du terme. Alors, c'est vrai qu'il a eu prix, en tout cas, quand moi, j'étais un jeune auteur, on va dire, dans les années 90, ça a eu prix un sens un peu péjoratif, c'était la variété. Ce qui veut dire que c'était pas bien. Parce qu'il y avait une enveloppe entre guillemets commerciale qui entourait ce mot, la variété, c'était ce qui marchait.

  • Speaker #0

    Et par essence, ce qui marche, c'est pas bien ?

  • Speaker #2

    Non, mais il y avait cette espèce de conception que c'était fait pour faire du fric entre guillemets. Mais moi, je ne l'ai jamais entendu comme ça. Moi, je ne me suis jamais senti dévalorisé quand on me disait, tu fais de la variété. Moi, j'ai eu le sentiment de faire de la chanson, que c'était parfois mis dans le registre ou sous l'étiquette variété ne me dérange pas du tout. Pour moi, la variété française, c'est la chanson française dans toute son exception. Et ça peut être très commercial et très bien.

  • Speaker #0

    Et voilà. Tu es né à Fontainebleau, c'est ça ? d'un papa officier et d'une maman violoniste, si j'ai bien fait mon travail. Est-ce que tu as baigné dans la chanson française quand tu étais petit, dans la musique en général et dans la chanson en particulier ? Et si oui, qu'est-ce qu'on écoutait quand tu étais petit chez les Homs ?

  • Speaker #2

    Alors, qu'est-ce qu'on écoutait ? Moi déjà, j'ai commencé la pratique de la musique par le violon. T'es obligé à 5 ans. Mère violoniste, violon. Au conservatoire, à la dure. Et puis après... Quand j'ai eu 13-14 ans, je suis passé à la guitare. Qu'est-ce qu'on écoutait ? Ma mère écoutait beaucoup de chansons. Elle écoutait beaucoup Charles Aznavour. Donc j'ai grandi avec la musique classique et Charles Aznavour. C'est pas mal, hein ? Et après, mon parrain qui était aux États-Unis, à Huntsville, en Alabama, quand il venait en France, il me ramenait des disques américains. Donc j'ai commencé à découvrir Simon & Garfunkel. à découvrir beaucoup de country parce qu'en Alabama, ça a été quand même l'endroit. Et puis comme mon père était officier, il y avait la base de l'OTAN où il y avait un PX, qui est le magasin pour les soldes américains. Et là, on a acheté les 10 d'Elvis, etc. Donc j'ai grandi avec Charles Aznavour et de la country et Elvis. C'est pas mal,

  • Speaker #0

    c'est large, c'est vaste en tout cas. Et ta première émotion, toi, devant une chanson française ? Parce que tu as grandi avec Aznavour, mais à partir de quel moment est-ce que ça touche vraiment ta sensibilité, aussi bien émusicalement que textuellement, je dirais ?

  • Speaker #2

    Chanson française, la première ? Incapable de... Alors, dans Charles Aznavour, non, je n'ai rien oublié, parce que j'étais tétanisé, j'étais un petit garçon, mais j'étais tétanisé par cette chanson qui était comme un film, qui racontait quelque chose. c'est un p**** Le dialogue entre un personnage qui parlait à la femme qu'il avait aimée, qui retrouvait, et puis tout d'un coup on découvrait que les parents n'avaient pas voulu de ce mariage. Et moi j'étais... Incroyable, j'avais jamais entendu une chanson comme ça, où quelqu'un parlait à quelqu'un d'autre, et moi j'entendais ça comme ça. Une discussion d'adultes, des trucs d'adultes qu'on n'entendait pas à la maison. Moi j'avais des parents qui ne parlaient pas beaucoup. Mon père était officier, donc...

  • Speaker #0

    Tu avais des frères et soeurs ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'avais un grand frère, ouais. mais mon père n'était pas quelqu'un de... très dans la parole, et ma mère finalement non plus. Donc en fait, c'est la première fois avec cette chanson que j'assistais à une discussion sensible et intime d'adulte. C'est pas rien ça !

  • Speaker #0

    Ah non, c'est énorme !

  • Speaker #2

    C'était vraiment la première chanson dont je me souviens comme étant plus qu'une chanson.

  • Speaker #3

    Je n'aurais jamais cru qu'on se rencontrerait Le hasard est curieux Il provoque les choses et le destin pressé, un instant, prend la pause.

  • Speaker #2

    Plus qu'un truc qu'on entend à la radio. Sinon, ma mère écoutait la radio, j'entendais, c'est la chanson de Paul Simon, Late in the evening, où il entend sa mère qui écoute des trucs à la radio, et il entend toute cette musique.

  • Speaker #0

    Ça nourrissait quand même déjà ton imaginaire.

  • Speaker #2

    Tout Sardou, tout Jodassin, sans jamais l'avoir écouté.

  • Speaker #3

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que c'était ce qu'on entendait, ce qui était dans l'air, ce qui était dans la radio.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en tant que parent, on a une responsabilité de ce qu'on met dans les oreilles de nos enfants. Clairement, ta maman t'a bien enrichi avec Aznavour et la variété en général. Alors Aznavour,

  • Speaker #2

    c'est ce qu'elle écoutait, elle.

  • Speaker #0

    Elle, vraiment.

  • Speaker #2

    La radio, c'est ce qui passait, mais on avait les disques d'Aznavour, on avait les disques, voilà, si, Marcel Hamon. J'ai grandi avec ça et avec Paul Simon, donc quand même avec des grands songwriters.

  • Speaker #0

    Et toi, après, tu as fait des études de philosophie et de logique, c'est ça ? Je ne savais pas qu'on pouvait apprendre la logique.

  • Speaker #2

    Alors j'ai fait des études de philosophie à la Sorbonne et j'ai fait la première licence de logique qui a été créée, donc c'était la première année. Alors la logique c'est un terrain qui est commun aux mathématiciens, aux philosophes, c'est-à-dire que c'est que du raisonnement, tous les A sont B, tous les B sont C, donc tous les A sont C, etc. Donc c'est tout ce qui a servi ensuite, j'allais dire, de concept pour créer les intelligences artificielles. du binaire, du non-binaire, etc., du numérique et de l'intelligence artificielle. C'est pour ça que j'ai eu une appétence à m'intéresser à ces sujets, car très jeune, comme j'étais très bon en maths et que j'aimais la philo, j'avais trouvé un terrain commun qui était la logique et j'ai fait la première licence qui a été créée à la Sorbonne. Et on était cinq, on a tous eu 19.

  • Speaker #0

    Et pendant des études qui sont certainement aussi lourdes et aussi poussées, tu continuais à pratiquer la musique et à en écouter ?

  • Speaker #2

    Mais je jouais dans des groupes.

  • Speaker #0

    Toi, tu es guitariste et bassiste, c'est ça ? Et mandoliniste aussi,

  • Speaker #2

    visiblement. Mais j'étais surtout guitariste et bassiste, et j'étais surtout songwriter, j'écrivais des chansons pour les groupes.

  • Speaker #0

    Comment ça t'est venu de commencer à écrire des chansons ?

  • Speaker #2

    J'étais assez solitaire. Quand tu es fils de militaire, on vit sur des bases, on est dans des casernes, et puis on déménage souvent, etc. Et un jour, des voisins m'ont donné une guitare qu'ils avaient ramenée d'Espagne pour leur fille qui ne voulait pas en jouer. J'ai récupéré la guitare, et la première chose que j'ai faite... Et ça je m'en souviens. Je ne savais même pas jouer ni rien, j'avais joué du violon, donc je savais poser mes doigts sur des cordes. La première chose que j'ai faite quand j'ai pris la guitare, c'est pas d'essayer d'en jouer, c'est d'écrire une chanson avec un poème que j'avais fait. Avec un doigt sur des cordes, je ne savais même pas faire un accord, mais avec ce que je savais faire au violon et d'appuyer sur des cordes, et puis la première chose que j'ai faite, c'est d'écrire une chanson. Je pense qu'elle n'était pas accordée. Donc c'était probablement une très mauvaise chanson.

  • Speaker #0

    Et donc tu continuais tout en jouant dans des groupes, en faisant tes études et tout. On est en quelle année ? On est dans les années 70, fin des années 70. Pour toi, ce que tu écoutes à ce moment-là, c'est quoi ?

  • Speaker #2

    Ce que j'écoute surtout, c'est Crosby, C.S. Nash & Young, c'est Jackson Browne, c'est James Taylor. J'écoute toujours. pas mal de country et en chanson française, c'est la grande époque Igelin.

  • Speaker #4

    Julien Clerc. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Julien Clerc, mon colloque.

  • Speaker #0

    Julien Clerc avec les textes de Roda Gilles.

  • Speaker #2

    avec les textes d'Abadi. et de Rodagil. Les deux, mais mon colloque avec qui j'habitais, qui était étudiant en médecine, C'était un fan de Julien Clerc.

  • Speaker #5

    Il faut le croire, moi seul je sais quand elle a froid. Ses regards ne regardent que moi. Par hasard, elle aime mon incertitude. Par hasard, j'aime sa solitude.

  • Speaker #2

    Donc avec Fred, j'écoutais beaucoup de Julien Clerc. Toute cette génération d'artistes. Alors là, des vrais chanteurs engagés, ce qu'on appelait des chanteurs engagés. La chanson, c'était Lavillier après. Après Lavillier, Cabrel, Francis Cabrel. Toute cette nouvelle vague de chanteurs-songwriters français qui a émergé à ce moment-là avec des figures incroyables comme ça. Ma première fois où j'ai entendu Lavillier, les barbares, je suis pris une claque.

  • Speaker #6

    Les barbares habitaient dans les angles tranchants des cités exilées au large du Paz-Nest. Ils rivaient leur blouson d'étrange firmament, où visaient la folie, la mort et la jeunesse.

  • Speaker #2

    Instantanément, j'ai dit waouh !

  • Speaker #0

    Mais toi tu n'avais aucun lien dans ce milieu, tu faisais de la musique, toi tu jouais dans des groupes. Oui mais je ne faisais personne, non non. Et comment ça arrive quand on est songwriter dans son coin, entre guillemets, et que d'un coup tes mots arrivent à la bouche d'artistes ? Aussi renommé que ceux pour qui tu as écrit, que ce soit Fugain, Enzo Enzo...

  • Speaker #2

    Une succession de... Alors pas de hasard, ça ne serait pas vrai de dire des hasards, mais de dominos qui tombent, tu vois, c'est une théorie des dominos. J'ai commencé à jouer dans des groupes, et comme j'écrivais des textes, on a commencé à m'en demander, parce que c'était un peu la denrée rare. Donc je me suis retrouvé à écrire pour 3, 4 groupes. Moi j'ai très vite compris que je n'étais pas chanteur, et qu'il fallait qu'il y ait d'autres gens qui chantent mes textes. Donc j'ai écrit Proudhon. des groupes, des chanteurs, des chanteuses, qui étaient des groupes étudiants comme nous, qu'on croisait dans le circuit, des petits bars, des petits clubs, etc. Et puis à un moment donné, il y a un de ces groupes dans lesquels je jouais, il y avait un des musiciens qui connaissait un gars qui était avant musicien, qui était maintenant DA dans une maison d'édition, et qui nous a fait faire des maquettes. Et puis ça intéressait l'éditeur, mais à ce moment-là... Le groupe a splitté, il y en a un, il faisait ses études de médecine, l'autre il est parti faire autre chose, l'autre il était au service militaire. Je me suis retrouvé tout seul. Et on m'a demandé des textes. Et j'ai fait des textes qui ne sont jamais sortis pendant deux ou trois ans. C'est ce que te demandent les éditeurs. Donc pendant deux ans, j'ai fait des textes qui ne sortaient jamais. Mais ça m'occupait, je trouvais ça sympa, et puis j'apprenais, et puis je me disais peut-être le prochain. Et puis en même temps, je continuais à jouer dans des groupes. Et puis à un moment donné, il y a un des groupes dans lesquels je jouais, il y avait une chanteuse qui cherchait... C'était l'époque où il y avait beaucoup d'émissions de télé. Et il y avait une chanteuse qui marchait, qui commençait à marcher, et elle cherchait un groupe pour l'accompagner sur les télés, en playback. Et quand on avait un bon look, et qu'on jouait un peu le truc de l'époque... On s'est retrouvé à faire de la figuration intelligente ou pas, je sais pas, derrière une chanteuse qui avait un gros tube. Et c'était Jeanne Masse et c'était En Rouge et Noir.

  • Speaker #1

    En rouge et noir, j'exilerai ma peur, j'irai plus haut que ces montagnes de douleur. En rouge et noir, j'afficherai mon cœur en échange d'une traite de douceur.

  • Speaker #2

    Donc si tu vois... toute la promo dans Rouge et Noir de Jeanne Masse, le mec à la base derrière avec la Steinberger, c'est moi. Et puis à un moment donné, il y avait un garçon qui s'occupait de Jeanne Masse, qui était son manager, qui s'appelle Nicolas du Noyer de Secondzac. Et il me dit, écoute, là je m'occupe d'un chanteur qui revient, qui avait arrêté, qui était parti, il cherche des jeunes auteurs. Tu devrais l'appeler. Et je lui dis, c'est qui ? Il me dit, c'est Michel Fugain. Oui, Michel Fugain, je connaissais un peu quand même. Ce n'était pas ce que j'écoutais moi, mais mon frère aîné écoutait beaucoup Fugain. Et je ne l'ai pas appelé, évidemment. Et donc Nicolas est revenu deux ou trois fois à la charge en me disant, mais dis-donc, j'ai vu Fugain, tu ne l'as pas appelé. Je dis, si, si, je vais le faire, je vais le faire. Évidemment je ne l'ai pas fait. Et puis un jour, mon téléphone sonne. C'est Michel Fugain qui m'appelle. Nicolas lui avait donné mon numéro en disant « Appelle-le » . Je décroche. « Bonjour, c'est Michel Fugain. » « Ah bonjour, oui, oui, Nicolas m'en a parlé. » « Tu fais quoi là ? » « Là, je suis chez moi, dans ma chambre d'étudiants. » « Bon, ben j'arrive ! » Une demi-heure après, il y a Fugain qui déboule chez moi. Il raconte toujours ça. J'habitais dans une petite chambre avec une grosse grèche parce que c'était ma période Strecats. Et là, c'était assez drôle parce que Michel arrivait en survêtement avec ses baskets. Il a commencé à tourner comme ça dans toute la pièce, en me disant, parce que tu comprends, si tu veux écrire pour moi, je ne vais pas enfiler des perles, il ne faut pas m'écrire des conneries.

  • Speaker #5

    C'est tellement lui !

  • Speaker #2

    En même temps, le mec, hyper généreux, et il me laisse une cassette avec trois chansons. Et donc, j'essaie d'écrire des textes, parce que quand même, je réécoute un peu ce qu'il a fait, ça me documente un peu plus. Puis je me fais quand même les textes de Delanoë, Vidalin, Lemel. Tu te dis, putain, il y a du level là quand même, tu vois, c'est waouh, ça donne envie d'essayer, en même temps ça te rend humble. Donc j'essaye, je fais un ou deux textes, j'envoie à l'époque, c'était des faxes, il me rappelle, il me dit, ouais c'est pas mal, mais tu comprends ça, je l'ai fait plein de fois, il fallait vraiment que tu fasses autre chose, il emploie un autre mot plus trivial, et il faut que tu te bouges un peu, quoi. Ouais, quoi, il n'y a pas de problème, moi j'ai jamais eu de problème à refaire quoi que ce soit, tu vois, puis en même temps j'avais tellement l'habitude que les trucs ne se fassent pas, Donc j'étais... quasiment certain que ça n'allait pas se faire. Et moi, je prenais ça comme un bootcamp. Je me suis dit, le mec, il a bossé avec les plus grands auteurs, je vais apprendre des trucs. En plus, il est hyper généreux. Il n'est pas avare de critique, mais dans le sens positif du terme. Et puis, donc la carpe, elle l'a peint quand même, on est d'accord. Et puis, à un moment donné, je fais un texte, je le renvoie. Il me rappelle une heure après, il me dit « Écoute, je l'enregistre demain. » Il me rappelle cinq minutes après, il me dit « Tu ne veux pas faire tout l'album ? » Et je me suis retrouvé le lendemain, au studio Trema.

  • Speaker #7

    A quoi ça sert l'amour si c'est un aller sans retour ? Y'a plus que du vide à la place Mais que veux-tu que j'en fasse ? A quoi ça sert la vie Quand on meurt petit à petit S'il ne reste plus que l'absence ?

  • Speaker #2

    Et donc voilà, c'est comme ça qu'a démarré le truc avec Michel. Et après j'avais un copain, Claude Samard, qui jouait avec Philippe Laville. Philippe Laville était très copain avec Michel Fugain. Il dit « Ah non, c'est bien les textes que tu as fait pour Michel, tu ne veux pas me faire des textes pour moi ? » Je dis « Ben ouais, super ! » Et puis voilà, après les gens continuent à me demander des textes.

  • Speaker #0

    Et tu n'as toujours été qu'auteur pour les autres ou tu as aussi composé pour d'autres ?

  • Speaker #2

    Non, très peu. Très peu, ouais, mais je ne suis pas un bon compositeur. j'ai pas assez de capacité mais j'ai eu la chance de travailler avec beaucoup de... d'artistes qui étaient chanteurs-compositeurs. Que ce soit Michel Fugain, que ce soit David Cohen, que ce soit Fred Blandin, que ce soit Daniel Lavois. Tu n'as pas écrit pour Julien Clerc ? Jamais. J'aurais aimé. Il ne m'a jamais demandé. Il a dit ce qu'il fallait quand même. J'aurais adoré. Après, moi, je n'ai rien fait non plus. Je suis incapable d'aller proposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Je ne suis pas équipé pour ça. J'ai eu beaucoup de chance. dans ces rencontres. Je n'aurais jamais imaginé que le fait d'aller faire la basse derrière Jeanne Masse, ça m'aurait amené à écrire des chansons pour Michel Fugain, Daniel Lavoie, Philippe Laville, Florent Pagny plus tard.

  • Speaker #0

    Toi qui as connu cette époque où il y avait effectivement beaucoup de chanteurs qui n'étaient que chanteurs ou compositeurs, ou même des interprètes purs, et où donc il y avait vraiment un vrai métier d'auteur de chansons, un vrai métier de parolier. Alors il y en a encore aujourd'hui, mais je pense qu'il y en a moins. Il y en a moins,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu trouves que c'est une évolution nécessaire et logique d'être arrivé dans une période où on a beaucoup d'auteurs, compositeurs, interprètes ? Ou est-ce que tu trouves que, j'allais le dire, c'était mieux avant, sans aller jusque-là, mais que la diversité des auteurs et des interprètes et des mélanges qui se faisaient enrichissait la chanson ? Est-ce que tu trouves que c'était plus riche avant ?

  • Speaker #2

    Non, mais c'est riche tout le temps, c'est bien tout le temps. Moi, je ne souscris pas à cette idée que c'était mieux avant et que maintenant, il n'y a plus de trumeurs. Il faut juste aller les chercher. Il faut des fois se donner un peu de mal. Mais non, moi, ce que je voudrais répondre au début de ta question, c'est-à-dire que moi, je suis arrivé à la fin de la période du règne des auteurs et des compositeurs. Où il y avait des grandes équipes. Julien Clerc, Julien Clerc c'était Dabadie, Roda Gilles et quelques autres, David MacNeill, d'autres, quelques autres, Luc Plamondon. Il y avait des grands auteurs comme Delanoë, comme Vidalin, comme Roda Gilles, comme Boris Berman, comme Jacques de Marny. comme beaucoup d'autres, je ne voudrais pas oublier trop de gens, qui fournissaient, entre guillemets, les grandes chansons pour les grands interprètes. Que ce soit Gilbert Becaud, Michel Fugain, Michel Sardou, Joe Dassin, les chanteuses, toutes les grandes chanteuses, Nicoletta, tout ce qu'on appelle la variété dont tu parlais tout à l'heure, mais aussi la chanson, Gérard Lenormand, Thierry Charcel, c'était des auteurs, Michel Delpech, magnifique texte. magnifiques mélodies de Michel Pelé et d'autres. Donc il y avait des auteurs-compositeurs comme il y a encore aujourd'hui à Nashville. Et comme il y avait à Tinpanel et à New York, qui écrivaient les chansons, que chantaient plein d'interprètes. Et il y avait peut-être une cinquantaine de personnes qui vivaient de ce métier, qui fournissaient des grandes chansons. C'était des grands auteurs, c'était des grands compositeurs, et ils étaient grands les deux ensemble. Oued Aji, il avait une définition de ça que je trouvais géniale. Dans une interview, on lui demandait ce que c'était qu'une bonne chanson. Il disait, tu prends un bon texte, une mauvaise musique, tu as une bonne chanson. Tu prends un mauvais texte, une bonne musique, tu as une bonne chanson. C'est quand tu as un truc bien des deux côtés que les emmerdements commencent. Typique Étienne. Ça, ça a disparu pratiquement au moment où moi je suis arrivé.

  • Speaker #0

    Oui, début des années 80, Goldman.

  • Speaker #2

    Voilà, il y a un moment donné où a émergé une génération, et notamment dans les maisons de disques, où ils ont associé les noms et les audiences. C'est-à-dire, on prenait deux artistes connus, on récupérait les deux audiences. et on avait un succès. C'est-à-dire, il y avait une martingale pour avoir du succès, c'est de demander à des gens connus de se mettre ensemble pour faire des chansons. Ce qui marche toujours. Et des fois, c'était presque une revanche du destin. Parce que j'en parlais avec Marc Lombroso, l'autre fois, je dînais avec Marc, et il me disait, mais tu sais que Jean-Jacques Goldman, il ne voulait pas être chanteur, il voulait écrire pour d'autres. Et il s'est trouvé dans cette situation-là. Je ne savais pas ça. Ne trouvant personne pour chanter ses chansons, il se résout sous la pression de Marc et d'autres à les chanter lui-même. mais c'est ce qui lui a permis au fait de pouvoir écrire pour d'autres. Donc là, revanche du destin, mais ça n'a pas toujours été le cas comme ça. Donc après, j'allais dire le vivier d'auteurs, de compositeurs qui fournissaient Issetari, parce qu'on ne les sollicitait plus. Moi j'ai eu de la chance, parce que je suis arrivé à la fin de cette comète-là, j'ai écrit soit pour des chanteurs qui étaient beaucoup plus vieux que moi, ou un peu plus vieux que moi, et qui avaient déjà cette pratique-là avec des auteurs, et qui savaient travailler avec des auteurs. Parce que travailler avec des gens comme Michel Fugain, qui ont travaillé avec des grands auteurs, tu leur... Tu ne casses pas un texte. Tu le retravailles 50 fois.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Mais c'est très riche aussi.

  • Speaker #2

    Parce qu'il sait ce qu'il veut, mais il sait surtout ce qu'il ne veut pas. Et moi, je me souviens, Michel, il m'avait dit un truc que moi, je pouvais comprendre parce que j'avais fait beaucoup de scènes. Il m'a dit que moi, quand je suis sur scène, je suis à poil. Donc, je ne vais pas chanter des conneries. Et moi, je sais ça. Je sais qu'un chanteur, quand il est sur scène, s'il ne ressent pas la chanson, si elle est compliquée, si elle est mal écrite, d'abord, il va mal respirer parce qu'il ne le porte pas bien, il y a toujours une phrase qui va accrocher. Non, il faut que la chanson soit à 100%, la chanson qu'il a envie de chanter, qu'il peut chanter, qui va habiter. Après, il y a une part aussi d'interprétation. On peut chanter une chanson de quelqu'un d'autre qui n'a pas été faite pour soi. Mais en tout cas, il faut que ce combo-là, entre guillemets, existe. Donc, ces chanteurs-là avaient cette exigence-là. Et moi, j'ai appris à réécrire des chansons en travaillant avec des gens comme ça. avec des artistes performeurs de scène. Michel Fugain, c'est un mec de scène. Être en studio, ça l'emmerde. C'est une punition pour lui. Quand on écrit une chanson, quand il compose une chanson, quand il enregistre une chanson, il pense à la scène. Il pense à quand il va avoir des gens en face de lui. C'est génial. Moi, j'ai tellement appris à travailler avec lui. J'en ai chié, mais qu'est-ce que j'ai appris ? Et ça, c'est formidable parce qu'il y a une chose là-dedans, c'est le cadeau. C'est quand je veux avoir des gens en face de moi, je veux avoir quelque chose à leur dire. Il ne s'agit pas d'argent, il ne s'agit pas de glamour, il s'agit de parler à quelqu'un. Il s'agit de transmettre quelque chose. Vous voyez, il y a cette exigence-là, il y a ce cadeau, cette générosité, cette authenticité d'artiste. Il faut être à la hauteur.

  • Speaker #0

    Mais toi, en même temps que tu écrivais des chansons, tu as suivi aussi des formations pour écrire du scénario, avec des grands scénaristes hollywoodiens, dont Shane Black. Shane Black, c'est l'arme fatale quand même. C'est mon premier prof de scénario. Et pourquoi ? Est-ce que c'est parce que l'espace de la chanson ne te suffisait plus pour raconter des histoires ? Ou est-ce que tu voulais vraiment explorer d'autres domaines ?

  • Speaker #1

    Mais tu sais, quand tu écris, tu écris. Donc moi, j'étais plus à l'aise et j'étais plus... performant entre guillemets et plus proche de l'écriture. Donc j'ai toujours eu envie d'écrire autre chose que des poèmes ou des chansons. On commence par ça parce que d'abord c'est ce qui me venait le plus naturellement. Puis après j'ai eu une ambition un peu supérieure et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #0

    Tu as écrit ton roman avant de commencer à faire du scénario ? Oui, oui, complètement. Donc on parle de Blue.

  • Speaker #1

    Oui, Blue, voilà. Donc j'ai écrit mon roman Blue et je ne connaissais personne et je l'ai envoyé par la poste. Je suis allé voir ma libraire en bas de chez moi et je lui ai dit J'écris un roman, ça parle un peu de ça. à qui je pourrais l'envoyer ? Elle m'a dit, chez Flammarion, il y a une petite collection qui sont en train de monter, peut-être que vous pourriez leur envoyer. Donc, c'est quoi l'adresse de Flammarion ? Je l'ai envoyé chez Flammarion et puis je n'ai pas eu de réponse pendant un an. Et puis, complètement par hasard, plus tard dans un...

  • Speaker #0

    Et donc tu laisses ça dans un coin de ta tête, tu ne l'envoies à personne d'autre qu'à Flammarion ? Ou tu essayes quand même de l'envoyer ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, je ne l'envoie à personne d'autre.

  • Speaker #0

    Donc tu écris un roman, tu l'envoies à un éditeur et t'attends ?

  • Speaker #1

    Tu vois, je suis super bon à me vendre. Et donc, quelques mois plus tard, mais beaucoup de mois, je rencontre une journaliste qui me parle de mes chansons et je lui dis mais... J'ai aussi créé un roman, mais je l'ai envoyé et je n'ai jamais eu de réponse. Elle me dit « Tu l'as envoyé chez qui ? » Je lui ai envoyé chez Flammarion. Elle me dit « Ah, mais j'ai un copain qui a publié chez Flammarion. Je vais lui demander qui. » Et elle tient parole. Et elle me rappelle en me disant « Écoute, il en a parlé. Et il y a une directrice littéraire qui va le lire. Renvoie-le. » Alors, je le renvoie. Et là, trois semaines après, je reçois un coup de fil. Un jour, « Bonjour, c'est Catherine Colomoni. Je viens de dire votre moment. J'adore. Je voulais juste vous dire que je le défends au comité de lecture ce soir. Et je lui dis, merci de m'avoir appelé avant. Et puis elle m'a rappelé après, elle m'a dit, on vous publie. C'est bon, j'ai eu le feu vert. Et ça s'est passé comme ça. Et l'anecdote très amusante, c'est qu'on a travaillé, alors là aussi j'ai réécrit beaucoup avec mon éditrice, en tout cas sous son influence et son travail. Et un mois avant que mon roman soit publié, je reçois une lettre de refus. de Flammarion. Et c'était le premier qui avait mis un an et demi ou deux ans à faire le tour, qui avait été refusé par les gens qui l'avaient lu dans ce circuit-là, alors que j'étais déjà publié chez eux. C'est drôle, je l'ai gardé, je l'ai encadré. Comme quoi, ne vous découragez pas, c'est des rencontres. Et donc, pour finir ta question, je suis très bon à faire des ellipses par contre, j'ai eu de très bons articles. Dans la presse, ça a été très bien reçu. Ça a été nommé à des prix du premier roman. Et il y a eu deux propositions d'achat des droits pour le cinéma, dont une qu'on a acceptée. Et le réalisateur m'a demandé de travailler au scénario avec lui. Et moi, j'ai refusé. Parce que tu ne te sentais pas légitime ? Mais non, je ne savais pas le faire. Donc je lui ai dit, écoutez, non, non, mais moi... Moi, je n'ai pas de problème, j'ai écrit mon roman. Faites votre film, trahissez tout ce que vous voulez, changez tout ce que vous voulez, ça n'effacera pas les pages. Il s'est dit, en plus, il n'est pas chiant. Donc, il s'est dit, non, mais il y a quand même un ton, il y a un truc que j'aimerais bien garder. Je dis, je ne suis pas sûr. Et puis, la patronne de la maison d'édition de l'époque s'appelait Françoise Verny, qui était un personnage, patronne de Flammarion, qui était un personnage à un moment donné, il m'a dit, écoute,

  • Speaker #2

    tu me casses les couilles,

  • Speaker #1

    Françoise Verny tout craché et puis donc je l'ai fait et je me suis retrouvé comme c'était un garçon qui faisait son premier film et qui était premier assistant de plein d'autres réalisateurs il a passé son temps à être premier assistant de plein d'autres réalisateurs et puis au bout de 200 ans j'avais écrit tout seul et ce que j'avais fait c'était très très mauvais parce que je ne savais pas le faire donc je me suis retrouvé avec un très très mauvais scénario l'option qui était tombée parce que Olivier il bossait tout le temps Et je me suis retrouvé à la tête d'un mauvais scénario.

  • Speaker #0

    Tu t'es dit, il faut que j'apprenne à en faire de bon.

  • Speaker #1

    Et il faut que j'apprenne à en faire de bon. Et du coup, grâce au Fonds culturel franco-américain, qui est géré par l'ASACM dans cette maison, j'ai pu faire un stage d'écriture avec Shane Black. Et je lui ai pitché mon projet. Il m'a dit, c'est vachement bien, c'est une bonne idée, il faut que tu travailles. Après, j'ai fait un autre stage d'écriture et de réalisation avec Brent Maddock et Ron Underwood. Et là... J'ai un peu sympathisé avec eux. Ils m'ont dit, écoute, quand tu viens aux États-Unis, appelle-nous et viens nous voir. Et puis quand j'étais aux États-Unis, je les ai appelés. Ils m'ont dit « Non, viens, c'est vachement bien, il faut que tu travailles avec nous. » Et j'ai commencé à travailler avec eux. Et après, les droits du roman ont été rachetés une deuxième fois par une réalisatrice américaine qui s'appelle Ronda Haynes, qui avait fait « Les enfants du silence » . Et elle parlait français, et elle adorait la France. Elle a optionné les droits du roman, et elle m'a redemandé de travailler avec elle.

  • Speaker #0

    Là, tu étais beaucoup plus prêt.

  • Speaker #1

    Là, j'étais un peu plus prêt. Et je suis parti à Los Angeles travailler avec Ronda sur une nouvelle mouture du scénario. Et là, j'ai appris vachement. Parce que Ronda... c'est quelqu'un qui est une grande directrice d'acteurs. Dans toutes les phases de l'écriture, dans toutes les scènes, elle pensait aux acteurs. Qu'est-ce qu'il a à jouer ? Qu'est-ce qu'il a à défendre ? Et c'était son obsession.

  • Speaker #0

    C'est presque la même obsession que Michel devant la scène, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Et grâce à Randa, et grâce au travail que j'ai fait avec elle sur le scénario, on a fait quand même trois ou quatre versions, j'ai appris à écrire pour des acteurs. Et j'ai appris à quel point c'était important d'imaginer non plus le texte, comme quelque chose d'écrit, mais comme quelque chose qui allait être joué, qui n'allait plus exister. Un scénario, c'est quelque chose qui n'existe pas. Ça devient des images, ça devient des gens qui parlent, ça devient un montage. Et pendant presque 20 ans, j'ai travaillé sur des scénarios, comme scénariste sur des séries et comme script doctor.

  • Speaker #0

    Et comme showrunner.

  • Speaker #1

    Et comme showrunner avec Antigone 34 en France.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu dirais que toutes ces différentes disciplines de l'écriture, se nourrissent les unes les autres ? Est-ce que tu racontes de meilleures histoires en chansons parce que tu sais écrire des scénarios ? Est-ce que tu fais des scénarios plus concis parce que tu sais l'exigence que c'est de rentrer toute une histoire dans trois minutes ?

  • Speaker #1

    C'est génial la question que tu me poses, Adore. Tu viens de me rappeler un truc que j'avais oublié. Avant de partir travailler aux Etats-Unis avec Randa, j'avais essayé après de caser mon scénario en France et j'avais une espèce de barrière à chaque fois. On me disait, mais qu'est-ce que vous avez fait ? J'ai dit, ben ouais, mais j'ai écrit des chansons. C'est très, très différent. Un cinéma très très différent, vous comprenez, c'est pas du tout la même chose. J'écris un roman, ouais, ouais, c'est différent. Et c'est vrai. Et quand je suis arrivé aux Etats-Unis, j'ai bossé avec Randa, par une fille que je rencontre, qui était de Lafayette, que je connaissais, qui bossait comme assistante chez Amblin, je me retrouve chez la boîte de production de Steven Spielberg. Et là, je tombe sur une directrice artistique, une productrice. Et je lui dis ça. Il me dit, qu'est-ce que vous avez fait ? Et je lui dis, j'ai fait des grandes chansons, j'ai écrit un roman. Elle me dit, c'est génial. Vous avez écrit des chansons, ça veut dire que vous avez le sens de la formule, vous avez le sens de la musicalité, du rythme. Vous avez écrit un roman, vous savez raconter une histoire. Mais c'est formidable, ça, pour écrire un scénario. C'est marrant comme on peut prendre les choses de l'autre côté.

  • Speaker #0

    Du coup, est-ce que tu penses que c'est parce qu'en France, on met vraiment les gens dans des cases et qu'on ne veut surtout pas les sortir de leurs cases et que ce n'est pas du tout le cas aux États-Unis ? Parce que dans, pas dans l'épisode précédent, mais dans celui d'avant où j'interviewais Pierre Billon et sa fille.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Pierre me disait qu'effectivement, en France, on a un vrai problème de cases. Alors qu'aux États-Unis, tu n'as jamais de problème. L'esthétique smoking et grand orchestre mélangé avec un rappeur, ça ne pose pas de problème. Il n'y a pas de frontière. C'est pareil dans l'écriture aussi. Il n'y a pas de frontière chez eux entre le songwriter et le scénariste. Alors qu'ici, on te dit qu'écrire des chansons, ça n'a rien à voir avec le scénario.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je pense qu'ils ne considèrent pas les choses sous le même angle, sous le même prisme. Aux États-Unis, l'entertainment, c'est un business avant tout. Et puis, il y a une espèce de curiosité. Peut-être qu'en France, on a une image, peut-être après la Nouvelle Vague, plus du cinéma d'auteur, plus élitiste, plus, j'allais dire, intellectuel. Je pense qu'il y a un rapport aussi à la façon dont on se projette. Les Américains, dans l'industrie du cinéma ou de la télé que j'ai rencontré aux États-Unis, Ils sont toujours à la recherche d'opportunités et on ne sait jamais. Peut-être que le gars qui est chauffeur de taxi, demain, c'est une superstar. Parce qu'il y en a eu plein. On ne sait jamais. Donc, ils vont t'accorder une importance.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une vraie terre d'opportunités.

  • Speaker #1

    Jusqu'à preuve du contraire que tu sois mauvais, tu peux être un bon. En France, c'est peut-être un peu l'inverse. Il faut que tu fasses tes preuves avant que vraiment on s'intéresse à toi ou qu'on te donne accès, tu vois. Peut-être, moi, je le formulerais comme ça. Je sais pas si c'est encore comme ça, mais je me souviens d'une chose... qui m'avait dit de quelqu'un que j'ai énormément aimé, que tu as peut-être connu, qui s'appelle Jean-Michel Boris, qui était le directeur de l'Olympia. Et Jean-Michel m'avait un jour dit un truc. Tu sais, il y a une chose qu'il faut que tu n'oublies jamais, parce que tu vas réussir. Merci. Mais il dit, une chose, n'oublie jamais, les gens que tu croises en montant, tu vas les recroiser en descendant. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai jamais oublié et qu'il ne faut pas oublier. c'est qu'il faut... Tout ça est très fragile. Et ce qui est important, c'est de toujours faire les choses avec sincérité. toujours être curieux des autres. Je crois que la curiosité dans nos métiers, c'est une valeur cardinale.

  • Speaker #0

    C'est bien parce que tu me permets de faire une transition super efficace que je n'avais pas prévue dans mes questions comme ça, parce que je l'avais mise ailleurs, la transition, mais là elle est parfaite. Est-ce que c'est cette curiosité qui t'a poussé à t'engager dans des organisations professionnelles, que ce soit le CNC, l'Assasem, à t'engager comme ça pour la transmission aux générations plus jeunes ou même à tes pères, la défense du droit d'auteur, tout ça, est-ce que ça vient de cette curiosité de l'autre ?

  • Speaker #1

    Il y a sûrement une part de curiosité. Après, c'est un peu complexe. Je vais essayer d'être honnête complètement. Il y a une part de militantisme, entre guillemets, parce que moi, j'ai toujours cette fibre associative. Ça, c'est mon parcours catho. Moi, j'ai une famille très catholique. Donc, j'ai toujours... Et puis, à un moment donné, c'est aussi cette fibre collective. Moi, j'ai le sens du collectif. Et c'est un des premiers éditeurs avec qui j'ai travaillé, qui s'appelait Max Enfoux, qui a été une des figures de cette maison. C'est lui qui m'a... proposé de travailler avec Enzo Enzo, avec Cydlie Maréchal quand on a fait l'album chez le Roptal Blues, avec d'autres gens après. Et Max, c'était un militant du droit d'auteur. C'était un éditeur de la vieille école, un personnage. Alors, bigger than life, c'est le cas de le dire. Et c'était un des piliers de cette maison. Il était au conseil d'administration de cette maison. Et c'était lui qui m'avait dit, il faut que tu viennes à la commission des variétés parce qu'avec Alamax, avec la Gouaille, tu n'es pas trop con. Peut-être que ça serait bien que tu t'intéresses un peu à ce qui se passe dans ton métier, tu vois. Et donc je me suis retrouvé à la commission des variétés assez jeune, et effectivement là, c'était passionnant. C'est là où j'ai appris comment fonctionnait ce métier. Et puis après, il y a aussi cette très belle phrase d'Emmanuel Lévinas, le philosophe qui dit « vivre c'est apprendre, célébrer, transmettre » . C'est notre job à nous ça. Et donc il y a toujours ce côté... La transmission, tu vois, qui est de partager ce qu'on a appris. D'autres l'ont fait avec moi. Mais c'est très égoïste, parce que moi, j'apprends autant quand j'apprends aux autres. Et puis, en fait, ce n'est pas très vrai de dire qu'on apprend. On partage, on partage. Pendant des années, j'ai animé des ateliers d'écriture, si tu veux, des variétés.

  • Speaker #0

    Mais cela dit, ce n'est pas vrai. On apprend quand même beaucoup. Moi, j'ai la sensation d'avoir énormément appris à ton contact. Mais je pense, c'est comme... comme des comédiens au conservatoire, je crois que jamais un prof d'interprétation, comme on dit, n'apprendra un acteur à avoir du talent. Mais par contre, il va lui apprendre tellement pour mettre son talent au service d'une œuvre. Et je crois que c'est ce que tu as fait avec tous les gens qui ont appris à écrire avec toi. C'est-à-dire que je pense que tu ne peux pas nous apprendre à écrire une chanson, mais tu peux nous apprendre à bien écrire une chanson.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Moi, je ne pense pas avoir appris à qui que ce soit à écrire une chanson. Je pense que... Mais par contre, ce que j'ai pu apprendre, c'est à retravailler. Moi, ce que j'ai eu la chance d'apprendre avec des Michel Fugain, avec des Daniel Lavoie, avec des David Coven, avec des Rhonda Haynes pour le cinéma, avec des Catherine Colombani pour la littérature, c'est à retravailler. En fait, moi, j'ai simplement transmis l'exigence et les grilles de travail que j'avais appris avec ces gens-là. Après, j'ai essayé de le faire à ma façon, mais c'est plus de la mise en commun, parce que... Moi, beaucoup des gens, et il y en a beaucoup qui sont passés dans mes ateliers d'écriture, que ce soit au Studio des Vérités, que ce soit aux Rencontres d'Astafour, que ce soit au CMA, que ce soit dans d'autres structures, je pense que c'est beaucoup, beaucoup de gens. Mais c'était des gens qui avaient du talent. J'ai aussi appris à travailler avec eux. Ce qui est bien, c'est que c'était moi qui étais payé, mais ce n'était pas très bien payé, donc ce n'est pas grave. C'est un échange entre artistes. Moi, j'ai toujours considéré ça. Tu as fait mes ateliers, tu as bien vu. moi j'ai toujours considéré que j'avais en face de moi des artistes comme moi. J'ai toujours privilégié le fait que c'était aussi un privilège pour moi que d'échanger avec des gens de talent. Parce que quand tu travailles avec des gens de talent, que tu travailles ensemble, que tu échanges ensemble, tu grandis les uns et les autres. Et moi, je le vis toujours comme un privilège. Et j'adore ça. Après,

  • Speaker #0

    on va passer sur... Ton dernier roman vient de sortir, il s'appelle Quelque chose comme de l'or, il se situe à Lafayette en Louisiane, c'était déjà le cas du précédent, Allons danser. Je pense que c'est un pan très important de ta vie de nous parler de la Louisiane, et la Louisiane c'est aussi un îlot de culture francophone, et donc de musique francophone, donc on peut revenir et par les littératures et par les chansons en même temps. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce lien si ténu qui t'attache à la Louisiane ?

  • Speaker #1

    Ah c'est une vraie histoire d'amour !

  • Speaker #0

    Parce qu'on devrait t'appeler lieutenant en fait, tu es lieutenant ?

  • Speaker #1

    Oui je suis lieutenant, lieutenant ! Non, du bureau du gouverneur.

  • Speaker #2

    Du bureau du gouverneur.

  • Speaker #1

    Du lieutenant-gouverneur. Et je suis citoyen d'honneur de la ville de Lafayette. Non, en fait, j'ai débarqué en Louisie. Alors, je ne connaissais pas grand-chose de la Louisienne. Je connaissais la chanson de Michel Fugain, « Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes » . Je connaissais à peu près ce qu'on en connaît quand on lit des livres d'histoire. Je connaissais les chansons de Zacharie Richard.

  • Speaker #0

    Ce que tout le monde ne connaît pas déjà forcément. Ça prouve déjà une certaine curiosité.

  • Speaker #1

    Oui, on connaît

  • Speaker #2

    Travailler, c'est trop dur parce que Julien Clerc l'avait chanté. Chaque jour, comment je vis, en deux mondes, comment je vis ? Je dis que je vis sur l'amour et j'espère de vivre...

  • Speaker #1

    Et puis je me retrouve en fait en Louisiane, dans les années 80, milieu des années 90, c'était Bella Bowé qui était au studio des variétés, qui me dit tiens, ils cherchent des gens pour aller faire des ateliers d'écriture dans les écoles qui ont des programmes en français en Louisiane. C'était à l'époque où il y avait un vrai revival. du français en Louisiane, dans les écoles. Donc il y avait 75 classes en français. Et c'était avec Radio France Internationale, pour laquelle travaillait Bella, et il me dit, toi qui fais des ateliers d'écriture, de chanson, tu ne veux pas y aller, faire des ateliers d'écriture de chanson. J'ai dit, bah ouais. Et puis j'étais parti trois jours, et ça a duré jusqu'à maintenant.

  • Speaker #0

    C'est ça. Tu n'étais jamais vraiment revenu.

  • Speaker #1

    Ouais, je fais des allers-retours tout le temps.

  • Speaker #0

    après on a passé pas mal t'as créé un festival là-bas non ?

  • Speaker #1

    non non il existait déjà mais j'ai collaboré à sa programmation on a monté tout un round pour pouvoir faire venir des artistes francophones on a eu des artistes incroyables qu'elles soient Angelique Kidjo Roca Traoré Sergent Garcia

  • Speaker #0

    Freedom for King Kong et en même temps tu as aussi initié Tu fais partie de ceux qui ont initié un concert pour aider les populations après l'ouragan Katrina ? Oui,

  • Speaker #1

    avec Francis Cabrel et d'autres. Après Katrina, j'avais quand même développé depuis dix ans des liens très forts avec la Louisiane. J'y vivais plusieurs mois par an. Et puis, après Katrina, il y a des musiciens qui m'ont appelé en me disant... C'est très émouvant d'en parler. Je n'ai jamais fait de mal à personne, j'ai tout perdu. Et j'ai personne vers qui me tourner. Et donc, il nous disait, il faudrait que j'ai au moins des instruments pour pouvoir continuer à faire mon métier. J'ai tout perdu, ma maison, ma voiture, mes instruments. Je ne pouvais plus travailler. Et on s'est dit, il faut faire quelque chose. Donc, on a commencé à monter avec les organisations professionnelles, avec des associations. J'ai commencé à décrocher le téléphone, appeler les gens. Et puis, Zachary avait monté un truc aussi, lui, Richard, là-bas, sur place. Il y avait eu d'autres initiatives, qui est Eric Sovia qui connaissait, qui avait travaillé avec Zachary, qui avait parlé de ça à Francis, avec qui jouait aussi Eric Sovia qui est un super guitariste. Et donc on a mergé les trois initiatives, celle d'Eric qui avait contacté Francis, celle que moi j'avais montée avec toutes les organisations et tous les organismes. Et puis Zachary et puis les gens qui travaillaient là-bas aussi sur des trucs comme ça et on s'est réunis, on a fait ce fameux concert qui était au Palais des Sports et on a récolté des fonds puis on a continué à essayer d'aider ces musiciens à retrouver des instruments pour qu'ils puissent retravailler, qu'ils puissent revivre de leur droit. Après il y avait d'autres systèmes d'aide pour d'autres choses mais nous on a essayé de faire ça et je crois qu'on a fait du bien. On a réussi à les aider pour ça.

  • Speaker #0

    Et donc parle-nous un petit peu de ton livre alors.

  • Speaker #1

    Alors mon roman s'appelle « Quelque chose comme de l'or » . Donc ça se passe dans ce petit coin de Louisiane francophone qui est dans les Bayoux, autour de Lafayette. C'est vraiment l'endroit où vivaient les Cajuns, les francophones. Et c'est là qu'est né le zaïdéco. Le zaïdéco, c'est la musique des créoles de Louisiane. Ça a été créé par un garçon qui s'appelait Amédée Ardo. Et c'est l'idée d'un créole d'origine africaine qui prend un accordéon et qui en fait un instrument de percussion et qui va créer un genre musical qui s'appelle le zaïdéko. Et il était francophone. Il faut comprendre que dans les années 30, en Louisiane, les gens parlent français. Dans cette Louisiane-là, pas à Shreveport au Nord, pas à New Orleans, mais là, les gens parlent français. Ils ne parlaient pas anglais. Descendants de l'esclave. Et donc, ils créent ce genre musical. Et donc, en fait, les personnages de mon roman... Ce sont des vieux bluesmen qui ont été rapatriés de la Nouvelle-Orléans après Katrina, qui se retrouvent dans une petite maison de retraite à Lafayette. Et puis cette petite maison de retraite, il n'y a plus d'argent, elle va fermer. Ils ont cinq ou six à rester. Et puis il y a une jeune infirmière qui se retrouve là, qui a été embauchée à la sortie de l'école. Elle a 24 ans, elle s'appelle Jodie Leblanc. Alors ils ont tous des noms francophones comme on trouve là-bas. Ils s'appellent Thibaudot, Fontenot, Arsenault, Bergeron. Le Blanc. Et elle, elle décide qu'elle ne va pas laisser faire ça. Et donc elle va fédérer autour d'elle un tas de personnages qui n'auraient jamais se retrouver ensemble. Et ils vont hériter d'une maison, de quelqu'un qui va leur léguer une maison. Sauf que cette maison, elle a un problème, et c'est que là, les ennuis commencent. Et ils vont aller de catastrophe en catastrophe en catastrophe. C'est drôle, c'est un roman drôle. Très drôle et j'espère poétique. Mais on a cette galerie de personnages, avec des vieux bluesmans, une jeune fille blanche, une fausse voyante vietnamienne, des indiens, francophones. Et tous ces gens vont se retrouver ensemble. Et sans le savoir, en allant de catastrophe en catastrophe, ils vont réparer une injustice encore plus grande qui remonte à la guerre de sécession. Mais c'est drôle, ça aime les gens. Et puis c'est vraiment un petit mode d'emploi de la Louisiane francophone. J'espère et je crois, d'après ce qu'on me dit, que ça donne envie d'aller là-bas.

  • Speaker #0

    Déjà, rien qu'avec Allons danser, j'avais déjà envie. Donc j'ai hâte de commencer celui-là pour avoir encore plus envie.

  • Speaker #1

    Mais moi, j'aime cette idée. Tu vois, c'est mon vieux fond. associatifs, militants. J'aime cette idée que les gens se mettent ensemble pour faire des choses. Et là, c'est des gens qui se mettent ensemble pour réparer une petite injustice, et qui vont réparer une plus grande, sans le savoir. Mais ils vont trouver autre chose que ce qu'ils cherchent. Quelque chose comme de l'or. Et c'est le fait d'être ensemble.

  • Speaker #0

    Ça fait envie.

  • Speaker #1

    C'est pas si mal.

  • Speaker #0

    Ah, c'est pas mal. Tu l'as bien pitché. Tu nous l'as très très bien vendu. Donc c'est sorti chez Calman Levy.

  • Speaker #1

    C'est sorti chez Calman Levy, en vente dans toutes les bonnes librairies.

  • Speaker #0

    Et en restant un petit peu en Louisiane, puisque c'est un petit mode d'emploi de la Louisiane, est-ce que tu pourrais nous dire, quand on ne connaît rien du tout à cette musique-là et à sa partie francophone justement, par où commencer pour découvrir cette culture ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs scènes. Il y a la scène Cajun-Créole, qui est vraiment du côté de Lafayette. Et puis il y a toute la scène Funk-Blues qui est sur New Orleans. Là qui est plus francophone, vraiment.

  • Speaker #0

    Et en francophone, les premières références vers lesquelles se tourner pour découvrir cet univers ?

  • Speaker #1

    Zachary Richard, of course. Immense songwriter. immense parolier, compositeur, chanteur. J'ai toujours du mal à comprendre qu'il ne soit pas encore reconnu en France, à cette distance nord-américaine. Il est très reconnu au Canada. En France, on n'a pas encore découvert la richesse et la qualité de son travail. Après, il y a toute une scène Cajun, avec plein de groupes qui chantent en français Cajun. Et puis, il y a toute la scène de la Zaydeco, Créole. Il y a tout ce qui se mélange entre les deux. Il y a vraiment une vitalité, beaucoup de jeunes groupes. Cédric Watson, toute la famille Savoie, les Pine Leaf Boys, Thivralien de Mamou Playboys, avec qui j'ai eu l'occasion. Oui, Mamou, c'est une ville de Louisiane. Et donc, il y a toute une génération. Ce serait les Lost Bayou Ramblers, les Manuela Sisters. Il y a plein... Plein, plein, les Daiquiri Queens, je prends en note, c'était des dizaines.

  • Speaker #0

    Ça pourrait faire l'objet d'une émission à part.

  • Speaker #1

    Feu follé, le groupe Feu follé. Il y a plein, plein de groupes et de chanteurs, de chanteuses de cette jeune génération qui sont entre 25 et 40 là, et qui chantent en français. Cherchez, fouinez, écoutez K.R.V.S. qui est RIS, la station de l'université de Louisiane, sur Internet. Venez au Festival international de Louisiane à Lafayette. Et puis j'espère qu'on aura l'occasion d'en voir et d'en entendre davantage en France. C'est une musique qui transmet un héritage, mais qui dit aussi quelque chose d'aujourd'hui. Une des choses que j'aime dans cette musique, c'est la même chose que j'aime dans cette cuisine. C'est que c'est plein d'influences différentes qui se sont mélangées et dans lesquelles tout le monde se reconnaît. Et ça, il y a un gumbo. comme il y a un gumbo musical. Ça fait quelque chose d'unique, mais dans lequel tout le monde se reconnaît autour de la musique, la danse, la culture, la langue française, qui fait commun dans un des plus beaux endroits du monde. Moi, j'adore ça.

  • Speaker #0

    Ça fait envie. Ce qui fait envie, surtout, c'est d'imaginer qu'il y a une telle créativité qui continue là-bas et qu'il y a un vrai vivier d'artistes, parce qu'on s'inquiète tous un petit peu, je pense, quand on est dans nos métiers, de la façon dont l'avenir se profile. Pour les artistes, toi qui es au Conseil de l'Innovation, tu en sais quelque chose. La transition est un petit peu hasardeuse, mais on y arrive quand même. Comment tu vois l'avenir de la musique, de la chanson française en particulier, ou francophone même, puisque tu la connais des deux côtés de l'Atlantique, cette chanson francophone ? Comment tu vois l'avenir avec les menaces ou les promesses des outils numériques qui arrivent ?

  • Speaker #1

    La chanson francophone est aussi très vivante au Canada. Il y a une énorme scène francophone de chansons. Au Canada, il y a une francophonie africaine aussi, qui est très importante. Donc la francophonie, c'est une richesse extraordinaire dans ça, musicalement, culturellement, dans les échanges. Donc ça, c'est intéressant. Après, sur l'intelligence artificielle, aujourd'hui, c'est un problème d'abord économique, qui est que... On a des gens qui ont créé des plateformes d'intelligence artificielle générative, qui ont, pour entraîner leur modèle, absorbé toutes nos œuvres. Donc eux, ils ont pris nos œuvres, ils les ont rentrées dans leur base de données et ils vont se servir dedans pour fabriquer des produits algorithmiques qui sont générés par statistiques. Comment ça marche une intelligence artificielle générative ? Ça va statistiquement te dire, statistiquement le mot le plus pertinent dans tout ce que j'ai pu analyser, c'est celui-là. Donc il va partir d'une... d'une collection de data et il va te sortir ce qui est le plus pertinent selon ses analyses, ses statistiques. C'est pas ce qu'il dit, c'est pas ce qu'il fait, c'est la statistique. Quand t'as dit ça, t'as compris qu'on a pris toutes nos œuvres et qu'on les utilise pour faire des produits, et pas des œuvres, des contenus comme on dit, qui arrivent en concurrence directe avec nos œuvres sur les plateformes.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui si j'ai, je crois avoir entendu ça dans une interview de Cécile Rapp-Weber, c'est 28%.

  • Speaker #1

    Sur Deezer.

  • Speaker #0

    Sur Deezer ou Spotify ? Spotify c'est pire.

  • Speaker #1

    Spotify ils veulent pas dire. Donc ça veut dire qu'aujourd'hui, il y a presque 30% des titres qui sont uploadés, qui sont issus de l'IA. C'est-à-dire, soit des gens les déposent et prennent les droits en disant que ça n'en est pas, ils trichent, soit il y a... Pour qu'il y ait droit d'auteur, il faut qu'il y ait une définition, c'est œuvre de l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, mais qu'est-ce qui t'empêche aujourd'hui de prendre un produit issu d'eau et de le déposer à ton nom ?

  • Speaker #1

    Il y en a, mais maintenant, ces contenus-là sont repérés et sont exclus de l'assiette. Mais comprenez bien ça, on a... pris nos œuvres, on les démonte, on les mixe, on les atomise, on les reconstitue, on fait un produit avec, qu'on vient vendre, c'est pas gratuit, en concurrence avec nos œuvres. Donc, en fait, on nous pille deux fois, parce que c'est nos œuvres qu'on utilise pour faire ça. Donc, nous, ce qu'on demande à la SACEN, et dans les sociétés de droit d'auteur, de gestion collective, nous, ce qu'on demande, c'est d'abord de la transparence. Quelles sont les œuvres que vous avez utilisées ? Quelles sont les œuvres sur lesquelles vous avez entraîné ? Et quand vous sortez un truc. quelles sont les œuvres que vous êtes allé piocher pour fabriquer ça. Oui,

  • Speaker #0

    un peu comme une bibliographie à la fin d'un livre, pour faire ce produit-là, on a utilisé telle chanson, telle chanson, telle...

  • Speaker #1

    Exactement. Quelle est votre base de données ? Quelle est la base que vous avez retravaillée ? Et qu'est-ce qu'il y a dans ce que vous sortez ?

  • Speaker #0

    En théorie, les plateformes d'IA sont en capacité de donner ça ?

  • Speaker #1

    Ils savent bien ce qu'ils ont à gérer, et ils savent bien comment fonctionne leur algorithme.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Alors, quand on leur demande, ils nous disent, ah non, non, non, secret professionnel. Et là, il y a une réponse qui a été... proposée par le professeur Alexandra Ben Samoun de l'Université de Paris-Saclay, qui est une professeure de droit spécialisée dans le numérique. Et elle a dit, oui, mais attendez, nous, on ne vous demande pas la recette, on vous demande les ingrédients. Donc, c'est ça. Quand je passe un prompt, je ne fais pas œuvre d'artiste, je passe une commande. Après, il y a une recette, et après, il y a des ingrédients. La recette, c'est l'algorithme, les ingrédients, c'est nos œuvres. Et sort à la fin un truc. Mais un prompt, c'est juste une commande. Aujourd'hui, nous ce qu'on demande c'est un, de la transparence, deux, une juste rémunération. On utilise nos œuvres. sans notre consentement. Donc nous, on a tracé un trait et on a déclaré opt-out. Opt-out, ça veut dire vous n'avez pas le droit d'utiliser notre répertoire sans faire de licence avec nous. Nous, ce qu'on veut, c'est faire des licences. On ne veut pas interdire l'IA. On est pour. Mais on n'est pas pour qu'elle utilise nos œuvres en captant notre droit d'auteur à leur bénéfice avec nos œuvres.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus, après, en balançant des œuvres, enfin des œuvres, des produits sur les plateformes qui diluent complètement le... S'il y a un tiers des œuvres qui est... n'appartient à personne puisqu'elle appartient à l'IA, ça fait qu'il y a trois tiers d'artistes qui sont rémunérés avec deux tiers des droits en fait.

  • Speaker #1

    C'est ça, il y a une dilution. Il y a une dilution terrible.

  • Speaker #0

    Déjà que le prix du stream.

  • Speaker #1

    On est d'accord.

  • Speaker #0

    Comment on vide sa musique aujourd'hui ? Et comment on en vivra demain ? Pour toi, c'est quoi ? Toi qui es au Conseil de l'Innovation, qui j'imagine a donc une idée peut-être un peu plus visionnaire que celle de... du commun des artistes. Comment tu visualises la suite ? Comment tu penses qu'on vit de notre musique et de nos créations demain ?

  • Speaker #1

    Recréer de la valeur. Déjà en respectant, déjà on est très loin de ce qu'on devrait toucher avec le streaming. Parce que c'est un modèle qui a été pensé pour tout sauf pour rémunérer les créateurs. Ils avaient oublié ça. Donc c'est un modèle qui a été déficitaire très longtemps. Ils commencent à gagner de l'argent. Donc chaque année on commence à percevoir davantage sur le streaming. On est encore très loin du compte. Très très loin du compte. Mais c'est de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'il n'y a pas de la pédagogie aussi à faire vis-à-vis du public ? Parce qu'à force de payer 10 balles par mois pour avoir toutes les musiques du monde, la musique n'a plus de... Si elle n'a pas de prix, elle n'a pas de valeur.

  • Speaker #1

    C'est ça. La musique, elle est partout. Aujourd'hui, on a l'impression qu'elle ne vaut plus rien. Et comme tout ce qui est dématérialisé, on a l'impression que ça ne vaut rien. Et aujourd'hui, quand tu t'abonnes et que tout est à disposition des millions de titres, tu ne comprends pas pourquoi ça voudrait quelque chose.

  • Speaker #0

    Puis est-ce que tu les écoutes vraiment encore ? courir une playlist.

  • Speaker #1

    Mais tu sais que 99% des titres qui sont uploadés ne sont jamais écoutés, même le mec qui les a mis en ligne ne les a jamais écoutés. Parce que c'est des millions de titres par semaine. Donc c'est une telle profusion que tout ne peut pas être écouté. Donc là, il y a une énorme dilution. Recréer de la valeur, déjà comme ça, qu'on nous paye quand on utilise nos œuvres, qu'on puisse différencier une œuvre de quelque chose qui n'en est pas, c'est-à-dire d'un produit algorithmique, les gens vont vite s'enlacer. C'est pas si bien que ça.

  • Speaker #0

    Passer le fait que tu aies esbrouffé par dire oh là là ça sonne de mieux en mieux. Quelle est l'émotion humaine ? Quelle est l'expérience humaine que je mets en partage ? Voilà, c'est ça qui touche les gens. Ça peut être une mauvaise chanson, elle te touche. Et puis tu peux faire le produit algorithmique le plus sophistiqué, le plus calculé pour marcher et tu t'en foutras royalement. C'est toute la magie du truc, c'est toute la beauté et tout le mystère des émotions humaines. L'expérience humaine, je pense qu'elle aura toujours une valeur ajoutée supplémentaire. Donc ça, la vraie question qui est au bout de ça, ce n'est pas tellement les prouesses technologiques, ce n'est pas tellement le business va s'arranger. Il faut juste que les gens acceptent de se mettre autour d'une table et de négocier. Pour l'instant, ils ne veulent pas. On va bien convaincre les législateurs de les obliger à le faire, ou eux-mêmes, ils vont avoir besoin de data de qualité. À un moment donné, ils ne vont pas s'entraîner sur eux-mêmes. La vraie question, au bout du compte. C'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, à quoi ça sert.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'aujourd'hui un public à qui on donne, à qui on donne oui, toutes les musiques pour une bouchée de pain, avec toutes les autres emmerdes que le public a autour de ça, enfin je veux dire c'est toujours comme comparer la fin du monde et la fin du mois, à quel moment cette charge économique elle s'inverse sur les grands géants du streaming et sur le public qui finalement aujourd'hui ne veut plus payer pour quelque chose qu'on lui donne gratuitement ?

  • Speaker #0

    Le lien humain. Aujourd'hui, il y a des tas de gens qui s'abonnent sur Patreon ou qui s'abonnent au site d'artistes parce qu'ils veulent les soutenir, parce qu'ils veulent créer du lien avec eux, parce que c'est important pour eux. Moi, je vais te donner un exemple, c'est celui que j'ai donné aux députés européens. Quand je suis allé pour la première fois au Parlement européen, il y avait des rencontres qui s'appelaient Meet the Author. Moi, je me suis retrouvé en huitième position. Donc, il y avait eu des discours de MEPs polonais, italiens. Français, Allemands, déjà eux-mêmes, les députés avaient parlé. Et quand j'arrive, ils étaient tous sur leur portable. Et là, je dis, bon, je ne veux pas perdre mon temps, tout a été dit. Donc je leur ai dit, écoutez, je vais juste prendre deux minutes de votre temps. Tout a été dit, de façon très claire, très sincère, très juste. Je n'ai rien de plus à ajouter. Je vais juste vous dire une chose, je vais prendre deux minutes de votre temps et je vais vous parler du pouvoir d'une chanson. Souvenez-vous, première pandémie, on était confinés, on était anxieux, des gens mouraient. ne savaient pas ce qui allait se passer, qu'est-ce qu'ils ont fait les gens ? Ils ont ouvert leurs fenêtres, ils ont chanté des chansons ensemble. Vous avez des milliers de ça sur YouTube. Si ça, ça ne vaut rien, si ça, ça ne fait pas commun, si ça, ce n'est pas ce qu'on fait quand on a besoin d'être ensemble, alors qu'est-ce qui vaut quelque chose ? Je n'ai rien de plus à vous dire. L'art, la culture, ça sert aussi à ça. Ça sert à mettre les gens ensemble. Ça sert à avoir la capacité de transmettre et recevoir des émotions. Ça s'appelle l'empathie. Et dans un monde où on remplacerait l'empathie par des produits algorithmiques, Alors moi je suis très inquiet, non pas du monde qu'on va laisser à nos enfants, mais des enfants qu'on va laisser à ce monde. Parce que là on est dans la culture de la satisfaction. Je fais un prompt, donne-moi ce que j'aime, donne-moi ce qui me plaît. Quelle est l'intention derrière un produit algorithmique faire du fric ? Point barre. Prenez un abonnement, abonnez-vous à mon truc, et puis vous aurez ce que vous aimez déjà. Moi des fois je veux qu'on me propose quelque chose que j'aime pas déjà, mais je veux qu'on me dise quelque chose. Je me souviens à l'époque où on achetait des disques, des CD ou des vinyles. Il fallait des fois écouter 10-15 fois le vinyle pour t'apercevoir que la chanson 5, finalement, elle n'est pas si mal que ça. Et puis en fait, finalement, c'est celle que tu préfères. Alors qu'à la première écoute, ça demande d'aller vers l'autre. Ça demande du temps.

  • Speaker #1

    Et tu penses que ce temps-là, on va réussir à le faire reprendre aux gens ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis persuadé que c'est nécessaire.

  • Speaker #1

    Nécessaire, oui. Mais possible ?

  • Speaker #0

    Oui. Il suffit de législater. Il suffit de demander aux législateurs, déjà. d'imposer certaines règles, des règles de droit. Nous avons un droit, la propriété intellectuelle, le droit d'auteur, qui nous a été confisqué par des gens qui veulent faire du profit avec nos œuvres. Quand dans une démocratie, on confisque un droit à une communauté, à des citoyens, à des artistes, pour faire du profit de façon extrêmement cynique et violente, c'est quoi le prochain droit ? Quel est le prochain droit qui va tomber ? Voilà ce que je pourrais essayer de... Transmettre à travers ce podcast, c'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, dans quel monde avons-nous envie de vivre ? Vous avez des multiples petites pratiques. Je décide de payer ma musique, je décide de ne pas financer des produits algorithmiques. On peut y aller par curiosité. Je décide de faire attention à ce que je mange. Parce qu'attention, tout ça, ça a un coût écologique catastrophique. Le coût écologique pour le stockage est catastrophique. Il faudrait construire des dizaines de centrales nucléaires. Je vous rappelle qu'on en a quatre à l'arrêt. Aux États-Unis, il y a des villes qui n'ont plus d'eau et qui n'ont plus d'électricité parce que tout a été préacheté par les data centers. Et ça ne suffit pas. Donc il y a un moment donné, il faut peut-être réserver l'intelligence artificielle à ce qui est vraiment utile pour la médecine, pour la société, pour la sécurité. Et puis quand ce n'est pas nécessaire et que c'est que pour faire du fric, on considère peut-être que pour que ces gens s'enrichissent un milliard, Ils peuvent peut-être essayer de trouver quelque chose de plus utile qu'à faire qu'à piller les artistes et à affaiblir l'apport essentiel de la culture à l'éducation, au vivre ensemble et à l'humanité. À nous de le mériter, à nous de faire des choses qui soient sincères, qui soient joyeuses, qui soient humaines. Avant tout, il faut qu'on se repose la question, nous, de la place de la culture, de la place de l'art. Et nous, qu'est-ce qu'on a à dire là-dedans ? et regarde bien de quoi on a parlé depuis le début de ce podcast les chansons qui restent, c'est celles qui disent quelque chose les autres on n'en a pas parlé et je ne m'en souviens même pas, les chansons qui restent c'est celles qui mettent en partage c'est celles qui disent quelque chose de nous qui disent quelque chose, qui nous parlent qui nous accompagnent, c'est la bande son de la vie des gens et moi je suis très fier quand j'ai une chanson qui n'a pas beaucoup marché ça m'est arrivé en étant dans un salon du livre il n'y a pas longtemps j'ai dédicacé mon roman d'avant et il y a J'étais tellement jeune homme, il devait avoir 35 et 40, qu'il vient me voir et il me dit « Mais vous écrivez pas des chansons ? » Je dis « Si. » « C'est pas vous qui avez écrit Le Mal par le Mal pour Fred Blandin ? » Je dis « Si. »

  • Speaker #2

    C'est pas la première fois, c'est pas la dernière fois non plus, mon vieux, que je soignerai comme ça, Le Mal par le Mal.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, vous savez cette chanson, je l'écoutais en boucle dans un moment très difficile de ma vie, une rupture, et cette chanson ça m'a vraiment aidé. Je m'étais toujours dit que si un jour je vous rencontrais, je vous le dirais. Voilà, c'est fait. Et je lui ai dit, vous voyez, c'est arrivé à destination, mais ça veut dire que ma chanson aussi est arrivée à destination. Parce que si cette chanson, elle vous a tenu la main dans un moment difficile, qu'elle vous a aidé à le passer, moi je suis payé. Moi c'est pour ça que je fais ce métier. C'est ça cet engagement. C'est cet engagement humain. Et ça, ça vaut quelque chose. Ça mérite les sacrifices, ça mérite les fois où je n'ai pas pu payer mon loyer, les fois où je me suis retrouvé à la rue, les fois où j'avais les huissiers, beaucoup de fois, avec les enfants au rond d'oignon derrière. Bon voilà, c'est des fois le prix qu'on accepte de payer pour ça. Et ça, c'est important parce que les gens ne voient jamais ça derrière. On voit que le réussite, les tubes et machin. Mais pour faire un tube... Oui,

  • Speaker #1

    mais à l'heure justement où aujourd'hui, à travers les réseaux sociaux, beaucoup, chacun se dévoile, se met à nu, peut-être qu'il serait judicieux de parler aux gens de la vraie vie des artistes et des créateurs et de ce qui se passe derrière, en fait. Parce que la plupart des gens pensent qu'à partir du moment où tu es auteur, ça va, tu as l'assassin, tu as les droits d'auteur, c'est bon, tu es blindé. On sait bien, nous qui voyons ça de très près, que ce n'est pas vrai pour beaucoup, beaucoup de créateurs qui sont ici. une poignée de gens qui s'en sortent encore, mais...

  • Speaker #0

    C'est de plus en plus difficile.

  • Speaker #1

    De plus en plus dur, même pour ceux qui font des chansons qui marchent, parce que finalement, un million de streams, ce n'est pas un million de disques en termes de droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Loin de là.

  • Speaker #1

    En tout cas, je retiens ton optimisme sur le lien humain et le partage, qui pour toi est l'essentiel et qui devrait prévaloir surtout, mais je crois qu'il faut aussi faire un vrai travail de communication pour diffuser cet optimisme. Et ça vaut quelque chose. Je crois qu'il faut en parler.

  • Speaker #0

    Oui, il faut en parler, et il faut faire en sorte que ça vaille quelque chose. Et puis, c'est le principe de la gestion collective. On n'a pas eu l'occasion de beaucoup parler de l'Assasem, mais l'Assasem, c'est une société de gestion collective. C'est un collectif qui s'est créé en 1851. C'est parti d'une bagarre dans un café. Pour vous dire que le droit d'auteur, c'est toujours un combat, et ça a toujours été un combat. L'Assasem, ça commence dans un café-concert. qui s'appelait Les Ambassadeurs. Et donc il y avait un petit orchestre avec une chanteuse. Et puis dans les gens qui dînaient, il y avait deux compositeurs, un auteur. Et quand le patron émet de l'édition, il dit « ben non, on ne paye pas » . « Ben on ne paye pas, vous avez joué nos chansons et nous on n'a pas été payés » . Le ton monte, ça se termine en bagarre au poste. Ils appellent leur éditeur et ils décident d'être, comme ils sont poursuivis pour Grivellerie, ils attaquent sur le principe de beau marché, de la propriété intellectuelle. Ils gagnent. Et donc ils montent un syndicat. Donc au début, la CSM c'est un syndicat. Ils fédèrent d'autres gens. Et puis au bout de quelques années, ça devient une société. des auteurs, des compositeurs, des acteurs qui sont tous un peu comme une mutuelle. Et c'est la même société que vous avez aujourd'hui. La même société dont je suis administrateur, je suis un auteur élu pour participer à la gestion de la société sur un mandat de trois ans, etc. Mais c'est à nous, c'est pas l'État, c'est une société privée, pardon, à but non lucratif, en dehors des frais de fonctionnement, tout est reversé, chaque centime est reversé à ses membres en fonction des passages, des machins, des trucs. Et c'est ça le principe de la gestion collective, c'est que c'est notre maison. Et qu'ensemble, on collecte et on répartit nos droits. Et accessoirement, on les défend. C'est ça la SACEB. Et c'est pour ça qu'on est là et que je suis très heureux de vous accueillir ici, dans cette maison qui est, si vous êtes auteur, compositeur ou éditeur, c'est votre maison.

  • Speaker #1

    Et on y est très bien. Et je vais finir donc avec la dernière question que je pose à tout le monde. Tout à l'heure, tu disais qu'il y avait plein de choses bien qui se faisaient aujourd'hui et je suis tout à fait d'accord. Et tu disais qu'il fallait un peu parfois chercher pour trouver des trucs à découvrir et à écouter. Est-ce que tu pourrais nous recommander un, deux, trois artistes francophones ? Je dis francophone, en général, je dis français, mais comme toi, tu connais aussi beaucoup d'artistes québécois ou cajuns. Voilà, un, deux ou trois artistes francophones qui seraient peut-être boudés par les algorithmes et qui mériteraient vraiment qu'on aille les rencontrer.

  • Speaker #0

    Je vais en donner deux. Je vais donner une fille et un garçon, tiens. J'ai une jeune fille qui s'appelle Jansi, J-A-N-S-I. Je le dis comme ça, qui est dans le sud-ouest.

  • Speaker #3

    Je suis une fille sage, je fais tout pour plaire à ceux que j'aime, à ceux que j'aime pas. Je supporte pas qu'on m'aime pas, je reste plantée là à faire ce qu'on m'a appris. Surtout, je lâche pas prise, je dors huit heures par nuit. J'ai jamais fait de bêtises, avec la tisse j'y vais tout doux. J'ai jamais fumé de weed, j'ai jamais fumé tout court. Ah oui, aussi, je fais de la méditation, je gère mes émotions, je contrôle ma communication.

  • Speaker #0

    Et je trouve ça super bien foutu, il a des super beaux textes. C'est... Je la suis depuis un moment, j'aime bien écouter, je trouve que c'est quelqu'un qui a une vraie originalité, c'est la chanson. Mais c'est malin, c'est pétillant, c'est intelligent, c'est sensible, je trouve ça très très bien, et tout jeune. Et puis il y a un garçon qui s'appelle Chaco, que tu connais peut-être, qui a une super voix et qui fait des très très belles choses.

  • Speaker #4

    La vieille parade sur les façades de nos espérances Ça c'est des gens que j'écoute en

  • Speaker #0

    ce moment, que j'ai découvert. Et franchement, je trouve que justement ça c'est un des bons trucs des réseaux sociaux, une des bonnes choses dans les réseaux sociaux, c'est de pouvoir découvrir des gens qu'on ne découvrirait pas. forcément autrement non plus. Donc ça, c'est bien. Si on est curieux, encore une fois, je pense qu'il faut être curieux. Je crois que c'est une grande qualité dans nos métiers et dans la vie en général d'être curieux. Donc moi, j'essaie d'être le plus curieux possible. Merci de m'avoir reçu. Merci beaucoup de ton accueil ici.

  • Speaker #1

    En plus.

  • Speaker #0

    Dans notre maison commune.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Brice. Un engagement militant, une curiosité sans borne et surtout un optimisme lucide à toute épreuve. De la chanson au roman en passant par le scénario, un seul maître mot, le cadeau. Le lien, l'expérience humaine qu'on met en partage. Nos talents et la force du collectif pour redonner de la valeur à l'art. Finalement, est-ce que ce n'est pas ça notre plus belle arme pour sauver le monde ? Je vous laisse avec cette réflexion et pour ceux qui rêvent de Louisiane, Quelque chose comme de l'or, le dernier roman de Brissoms, est disponible aux éditions Calman-Levy. Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode, parlons chansons.

Description

C'est mon ami et c'est mon maître aurait dit Serge Lama.


Brice Homs est auteur avec un grand A : parolier, romancier, scénariste, showrunner... Vice président du Conseil d'administration de la SACEM et président de son Conseil de l'Innovation. Diplômé de philosophie et de logique, je ne pouvais pas rêver meilleur interlocuteur pour aborder les dangers de l'Intelligence Artificielle... Et la valeur de la musique en général et de la chanson française en particulier.

En retraçant son parcours artistique et en déroulant la bande originale de sa vie, on a fait quelques digressions pour parler transmission, partage, création... des deux côtés de l'Atlantique puisque cet amoureux de Louisiane y a installé son dernier roman "Quelque chose comme de l'Or" paru chez Calmann-Levy.


Il nous fait également découvrir deux artistes :

Jansi :https://www.youtube.com/@jansimusique

et

Katcho https://www.youtube.com/@tchakomusic


à retrouver dans la plaît-liste !



Merci d'avoir écouté cet épisode. Pensez à nous laisser un commentaire sur spotify ou à nous noter sur Apple Music, ça aide énormément à la découvrabilité du podcast !


La plaît-liste est sur Spotify

https://open.spotify.com/playlist/6AqcJznoUlUhkw408H4lCp?si=AlBg4YDnSk6XI1CmZLAv_Q&pi=QZmd70eyQo--U

Et deezer:

https://dzr.page.link/S7ApTtZispBnH3DU7


Vous pouvez aussi nous suivre sur nos réseaux :


You Tube : www.youtube.com/@PROVIDENCEPROD

Instagram : instagram.com/providence.prod

Facebook : facebook.com/ProvProd

TikTok : https://www.tiktok.com/@providenceprod?_t=ZN-8wUptYozz7u&_r=1


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et bienvenue dans Parlons Chansons. Dans chaque épisode, on déroulera la bande-son en français dans le texte de la vie d'une personnalité qui nous parlera de son actu, de ses projets et qui partagera ses derniers coups de cœur, des pépites méconnues de la chanson française qu'elle a envie de mettre à l'honneur. Je suis Sauvane Delanoë, auteure, comédienne et chanteuse Mais ça, vous le savez pas, puisque mon podcast n'existait pas avant Et que personne n'a eu l'occasion de vous parler de moi Sauf que maintenant, ça va changer Et j'ai envie de donner cette chance à plein d'artistes Alors, si la chanson française, ça vous parle Restez avec nous et parlons chanson C'est mon ami et c'est mon maître, aurait dit Serge Dama. C'est un auteur et un passeur curieux et engagé. Les chansons qu'il a écrites, de Michel Fugain à Daniel Lavoie, en passant par Florent Pagny, nous accompagnent toutes et tous. Pour lui, l'amour est une forteresse, et à l'heure de la sortie de son quatrième roman, il nous apprend aussi que l'amitié, c'est quelque chose comme de l'or. Vous n'imaginez pas ma fierté de recevoir celui qui a été mon maître et dont j'ai l'immense honneur d'être aujourd'hui l'ami,

  • Speaker #1

    M. Brice Holmes.

  • Speaker #0

    Je te remercie beaucoup d'avoir accepté cette invitation et de nous recevoir toi, parce que d'habitude c'est moi qui invite, mais là c'est toi qui en reçoit, à la SACEM dans le salon Georges Bizet, c'est ça ?

  • Speaker #2

    Bienvenue dans le salon Georges Bizet à la SACEM, 7ème étage.

  • Speaker #0

    Dans la maison des auteurs. des compositeurs et des éditeurs dont tu es actuellement vice-président et directeur du Conseil pour l'innovation.

  • Speaker #2

    Alors je suis vice-président du Conseil d'administration de la SACEM et je suis président de son Conseil pour l'innovation. qui est un conseil que nous avons créé il y a maintenant 4 ans avec Patrick Sigwald et Dominique Dalkan et sous le parrainage de Jean-Michel Jarre.

  • Speaker #0

    On en reparlera un petit peu plus tard tout à l'heure pour parler IA et toutes les nouveautés technologiques qui aident et menacent nos métiers, les deux à la fois j'imagine. La première question que je vais te poser, c'est celle que je pose à tous mes invités, qui est pour toi, c'est quoi la variété française ?

  • Speaker #2

    Alors la variété françoise, française, mais pour moi, déjà, la réponse est contenue dans la question, c'est la variété. Alors, c'est la variété, ça veut dire qu'il y a plein de choses différentes, plein de gens différents, plein de styles différents dedans, et moi, je vois ce mot variété au sens noble du terme. Alors, c'est vrai qu'il a eu prix, en tout cas, quand moi, j'étais un jeune auteur, on va dire, dans les années 90, ça a eu prix un sens un peu péjoratif, c'était la variété. Ce qui veut dire que c'était pas bien. Parce qu'il y avait une enveloppe entre guillemets commerciale qui entourait ce mot, la variété, c'était ce qui marchait.

  • Speaker #0

    Et par essence, ce qui marche, c'est pas bien ?

  • Speaker #2

    Non, mais il y avait cette espèce de conception que c'était fait pour faire du fric entre guillemets. Mais moi, je ne l'ai jamais entendu comme ça. Moi, je ne me suis jamais senti dévalorisé quand on me disait, tu fais de la variété. Moi, j'ai eu le sentiment de faire de la chanson, que c'était parfois mis dans le registre ou sous l'étiquette variété ne me dérange pas du tout. Pour moi, la variété française, c'est la chanson française dans toute son exception. Et ça peut être très commercial et très bien.

  • Speaker #0

    Et voilà. Tu es né à Fontainebleau, c'est ça ? d'un papa officier et d'une maman violoniste, si j'ai bien fait mon travail. Est-ce que tu as baigné dans la chanson française quand tu étais petit, dans la musique en général et dans la chanson en particulier ? Et si oui, qu'est-ce qu'on écoutait quand tu étais petit chez les Homs ?

  • Speaker #2

    Alors, qu'est-ce qu'on écoutait ? Moi déjà, j'ai commencé la pratique de la musique par le violon. T'es obligé à 5 ans. Mère violoniste, violon. Au conservatoire, à la dure. Et puis après... Quand j'ai eu 13-14 ans, je suis passé à la guitare. Qu'est-ce qu'on écoutait ? Ma mère écoutait beaucoup de chansons. Elle écoutait beaucoup Charles Aznavour. Donc j'ai grandi avec la musique classique et Charles Aznavour. C'est pas mal, hein ? Et après, mon parrain qui était aux États-Unis, à Huntsville, en Alabama, quand il venait en France, il me ramenait des disques américains. Donc j'ai commencé à découvrir Simon & Garfunkel. à découvrir beaucoup de country parce qu'en Alabama, ça a été quand même l'endroit. Et puis comme mon père était officier, il y avait la base de l'OTAN où il y avait un PX, qui est le magasin pour les soldes américains. Et là, on a acheté les 10 d'Elvis, etc. Donc j'ai grandi avec Charles Aznavour et de la country et Elvis. C'est pas mal,

  • Speaker #0

    c'est large, c'est vaste en tout cas. Et ta première émotion, toi, devant une chanson française ? Parce que tu as grandi avec Aznavour, mais à partir de quel moment est-ce que ça touche vraiment ta sensibilité, aussi bien émusicalement que textuellement, je dirais ?

  • Speaker #2

    Chanson française, la première ? Incapable de... Alors, dans Charles Aznavour, non, je n'ai rien oublié, parce que j'étais tétanisé, j'étais un petit garçon, mais j'étais tétanisé par cette chanson qui était comme un film, qui racontait quelque chose. c'est un p**** Le dialogue entre un personnage qui parlait à la femme qu'il avait aimée, qui retrouvait, et puis tout d'un coup on découvrait que les parents n'avaient pas voulu de ce mariage. Et moi j'étais... Incroyable, j'avais jamais entendu une chanson comme ça, où quelqu'un parlait à quelqu'un d'autre, et moi j'entendais ça comme ça. Une discussion d'adultes, des trucs d'adultes qu'on n'entendait pas à la maison. Moi j'avais des parents qui ne parlaient pas beaucoup. Mon père était officier, donc...

  • Speaker #0

    Tu avais des frères et soeurs ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'avais un grand frère, ouais. mais mon père n'était pas quelqu'un de... très dans la parole, et ma mère finalement non plus. Donc en fait, c'est la première fois avec cette chanson que j'assistais à une discussion sensible et intime d'adulte. C'est pas rien ça !

  • Speaker #0

    Ah non, c'est énorme !

  • Speaker #2

    C'était vraiment la première chanson dont je me souviens comme étant plus qu'une chanson.

  • Speaker #3

    Je n'aurais jamais cru qu'on se rencontrerait Le hasard est curieux Il provoque les choses et le destin pressé, un instant, prend la pause.

  • Speaker #2

    Plus qu'un truc qu'on entend à la radio. Sinon, ma mère écoutait la radio, j'entendais, c'est la chanson de Paul Simon, Late in the evening, où il entend sa mère qui écoute des trucs à la radio, et il entend toute cette musique.

  • Speaker #0

    Ça nourrissait quand même déjà ton imaginaire.

  • Speaker #2

    Tout Sardou, tout Jodassin, sans jamais l'avoir écouté.

  • Speaker #3

    Bien sûr.

  • Speaker #2

    Parce que c'était ce qu'on entendait, ce qui était dans l'air, ce qui était dans la radio.

  • Speaker #0

    Oui, oui, en tant que parent, on a une responsabilité de ce qu'on met dans les oreilles de nos enfants. Clairement, ta maman t'a bien enrichi avec Aznavour et la variété en général. Alors Aznavour,

  • Speaker #2

    c'est ce qu'elle écoutait, elle.

  • Speaker #0

    Elle, vraiment.

  • Speaker #2

    La radio, c'est ce qui passait, mais on avait les disques d'Aznavour, on avait les disques, voilà, si, Marcel Hamon. J'ai grandi avec ça et avec Paul Simon, donc quand même avec des grands songwriters.

  • Speaker #0

    Et toi, après, tu as fait des études de philosophie et de logique, c'est ça ? Je ne savais pas qu'on pouvait apprendre la logique.

  • Speaker #2

    Alors j'ai fait des études de philosophie à la Sorbonne et j'ai fait la première licence de logique qui a été créée, donc c'était la première année. Alors la logique c'est un terrain qui est commun aux mathématiciens, aux philosophes, c'est-à-dire que c'est que du raisonnement, tous les A sont B, tous les B sont C, donc tous les A sont C, etc. Donc c'est tout ce qui a servi ensuite, j'allais dire, de concept pour créer les intelligences artificielles. du binaire, du non-binaire, etc., du numérique et de l'intelligence artificielle. C'est pour ça que j'ai eu une appétence à m'intéresser à ces sujets, car très jeune, comme j'étais très bon en maths et que j'aimais la philo, j'avais trouvé un terrain commun qui était la logique et j'ai fait la première licence qui a été créée à la Sorbonne. Et on était cinq, on a tous eu 19.

  • Speaker #0

    Et pendant des études qui sont certainement aussi lourdes et aussi poussées, tu continuais à pratiquer la musique et à en écouter ?

  • Speaker #2

    Mais je jouais dans des groupes.

  • Speaker #0

    Toi, tu es guitariste et bassiste, c'est ça ? Et mandoliniste aussi,

  • Speaker #2

    visiblement. Mais j'étais surtout guitariste et bassiste, et j'étais surtout songwriter, j'écrivais des chansons pour les groupes.

  • Speaker #0

    Comment ça t'est venu de commencer à écrire des chansons ?

  • Speaker #2

    J'étais assez solitaire. Quand tu es fils de militaire, on vit sur des bases, on est dans des casernes, et puis on déménage souvent, etc. Et un jour, des voisins m'ont donné une guitare qu'ils avaient ramenée d'Espagne pour leur fille qui ne voulait pas en jouer. J'ai récupéré la guitare, et la première chose que j'ai faite... Et ça je m'en souviens. Je ne savais même pas jouer ni rien, j'avais joué du violon, donc je savais poser mes doigts sur des cordes. La première chose que j'ai faite quand j'ai pris la guitare, c'est pas d'essayer d'en jouer, c'est d'écrire une chanson avec un poème que j'avais fait. Avec un doigt sur des cordes, je ne savais même pas faire un accord, mais avec ce que je savais faire au violon et d'appuyer sur des cordes, et puis la première chose que j'ai faite, c'est d'écrire une chanson. Je pense qu'elle n'était pas accordée. Donc c'était probablement une très mauvaise chanson.

  • Speaker #0

    Et donc tu continuais tout en jouant dans des groupes, en faisant tes études et tout. On est en quelle année ? On est dans les années 70, fin des années 70. Pour toi, ce que tu écoutes à ce moment-là, c'est quoi ?

  • Speaker #2

    Ce que j'écoute surtout, c'est Crosby, C.S. Nash & Young, c'est Jackson Browne, c'est James Taylor. J'écoute toujours. pas mal de country et en chanson française, c'est la grande époque Igelin.

  • Speaker #4

    Julien Clerc. Bien sûr.

  • Speaker #2

    Julien Clerc, mon colloque.

  • Speaker #0

    Julien Clerc avec les textes de Roda Gilles.

  • Speaker #2

    avec les textes d'Abadi. et de Rodagil. Les deux, mais mon colloque avec qui j'habitais, qui était étudiant en médecine, C'était un fan de Julien Clerc.

  • Speaker #5

    Il faut le croire, moi seul je sais quand elle a froid. Ses regards ne regardent que moi. Par hasard, elle aime mon incertitude. Par hasard, j'aime sa solitude.

  • Speaker #2

    Donc avec Fred, j'écoutais beaucoup de Julien Clerc. Toute cette génération d'artistes. Alors là, des vrais chanteurs engagés, ce qu'on appelait des chanteurs engagés. La chanson, c'était Lavillier après. Après Lavillier, Cabrel, Francis Cabrel. Toute cette nouvelle vague de chanteurs-songwriters français qui a émergé à ce moment-là avec des figures incroyables comme ça. Ma première fois où j'ai entendu Lavillier, les barbares, je suis pris une claque.

  • Speaker #6

    Les barbares habitaient dans les angles tranchants des cités exilées au large du Paz-Nest. Ils rivaient leur blouson d'étrange firmament, où visaient la folie, la mort et la jeunesse.

  • Speaker #2

    Instantanément, j'ai dit waouh !

  • Speaker #0

    Mais toi tu n'avais aucun lien dans ce milieu, tu faisais de la musique, toi tu jouais dans des groupes. Oui mais je ne faisais personne, non non. Et comment ça arrive quand on est songwriter dans son coin, entre guillemets, et que d'un coup tes mots arrivent à la bouche d'artistes ? Aussi renommé que ceux pour qui tu as écrit, que ce soit Fugain, Enzo Enzo...

  • Speaker #2

    Une succession de... Alors pas de hasard, ça ne serait pas vrai de dire des hasards, mais de dominos qui tombent, tu vois, c'est une théorie des dominos. J'ai commencé à jouer dans des groupes, et comme j'écrivais des textes, on a commencé à m'en demander, parce que c'était un peu la denrée rare. Donc je me suis retrouvé à écrire pour 3, 4 groupes. Moi j'ai très vite compris que je n'étais pas chanteur, et qu'il fallait qu'il y ait d'autres gens qui chantent mes textes. Donc j'ai écrit Proudhon. des groupes, des chanteurs, des chanteuses, qui étaient des groupes étudiants comme nous, qu'on croisait dans le circuit, des petits bars, des petits clubs, etc. Et puis à un moment donné, il y a un de ces groupes dans lesquels je jouais, il y avait un des musiciens qui connaissait un gars qui était avant musicien, qui était maintenant DA dans une maison d'édition, et qui nous a fait faire des maquettes. Et puis ça intéressait l'éditeur, mais à ce moment-là... Le groupe a splitté, il y en a un, il faisait ses études de médecine, l'autre il est parti faire autre chose, l'autre il était au service militaire. Je me suis retrouvé tout seul. Et on m'a demandé des textes. Et j'ai fait des textes qui ne sont jamais sortis pendant deux ou trois ans. C'est ce que te demandent les éditeurs. Donc pendant deux ans, j'ai fait des textes qui ne sortaient jamais. Mais ça m'occupait, je trouvais ça sympa, et puis j'apprenais, et puis je me disais peut-être le prochain. Et puis en même temps, je continuais à jouer dans des groupes. Et puis à un moment donné, il y a un des groupes dans lesquels je jouais, il y avait une chanteuse qui cherchait... C'était l'époque où il y avait beaucoup d'émissions de télé. Et il y avait une chanteuse qui marchait, qui commençait à marcher, et elle cherchait un groupe pour l'accompagner sur les télés, en playback. Et quand on avait un bon look, et qu'on jouait un peu le truc de l'époque... On s'est retrouvé à faire de la figuration intelligente ou pas, je sais pas, derrière une chanteuse qui avait un gros tube. Et c'était Jeanne Masse et c'était En Rouge et Noir.

  • Speaker #1

    En rouge et noir, j'exilerai ma peur, j'irai plus haut que ces montagnes de douleur. En rouge et noir, j'afficherai mon cœur en échange d'une traite de douceur.

  • Speaker #2

    Donc si tu vois... toute la promo dans Rouge et Noir de Jeanne Masse, le mec à la base derrière avec la Steinberger, c'est moi. Et puis à un moment donné, il y avait un garçon qui s'occupait de Jeanne Masse, qui était son manager, qui s'appelle Nicolas du Noyer de Secondzac. Et il me dit, écoute, là je m'occupe d'un chanteur qui revient, qui avait arrêté, qui était parti, il cherche des jeunes auteurs. Tu devrais l'appeler. Et je lui dis, c'est qui ? Il me dit, c'est Michel Fugain. Oui, Michel Fugain, je connaissais un peu quand même. Ce n'était pas ce que j'écoutais moi, mais mon frère aîné écoutait beaucoup Fugain. Et je ne l'ai pas appelé, évidemment. Et donc Nicolas est revenu deux ou trois fois à la charge en me disant, mais dis-donc, j'ai vu Fugain, tu ne l'as pas appelé. Je dis, si, si, je vais le faire, je vais le faire. Évidemment je ne l'ai pas fait. Et puis un jour, mon téléphone sonne. C'est Michel Fugain qui m'appelle. Nicolas lui avait donné mon numéro en disant « Appelle-le » . Je décroche. « Bonjour, c'est Michel Fugain. » « Ah bonjour, oui, oui, Nicolas m'en a parlé. » « Tu fais quoi là ? » « Là, je suis chez moi, dans ma chambre d'étudiants. » « Bon, ben j'arrive ! » Une demi-heure après, il y a Fugain qui déboule chez moi. Il raconte toujours ça. J'habitais dans une petite chambre avec une grosse grèche parce que c'était ma période Strecats. Et là, c'était assez drôle parce que Michel arrivait en survêtement avec ses baskets. Il a commencé à tourner comme ça dans toute la pièce, en me disant, parce que tu comprends, si tu veux écrire pour moi, je ne vais pas enfiler des perles, il ne faut pas m'écrire des conneries.

  • Speaker #5

    C'est tellement lui !

  • Speaker #2

    En même temps, le mec, hyper généreux, et il me laisse une cassette avec trois chansons. Et donc, j'essaie d'écrire des textes, parce que quand même, je réécoute un peu ce qu'il a fait, ça me documente un peu plus. Puis je me fais quand même les textes de Delanoë, Vidalin, Lemel. Tu te dis, putain, il y a du level là quand même, tu vois, c'est waouh, ça donne envie d'essayer, en même temps ça te rend humble. Donc j'essaye, je fais un ou deux textes, j'envoie à l'époque, c'était des faxes, il me rappelle, il me dit, ouais c'est pas mal, mais tu comprends ça, je l'ai fait plein de fois, il fallait vraiment que tu fasses autre chose, il emploie un autre mot plus trivial, et il faut que tu te bouges un peu, quoi. Ouais, quoi, il n'y a pas de problème, moi j'ai jamais eu de problème à refaire quoi que ce soit, tu vois, puis en même temps j'avais tellement l'habitude que les trucs ne se fassent pas, Donc j'étais... quasiment certain que ça n'allait pas se faire. Et moi, je prenais ça comme un bootcamp. Je me suis dit, le mec, il a bossé avec les plus grands auteurs, je vais apprendre des trucs. En plus, il est hyper généreux. Il n'est pas avare de critique, mais dans le sens positif du terme. Et puis, donc la carpe, elle l'a peint quand même, on est d'accord. Et puis, à un moment donné, je fais un texte, je le renvoie. Il me rappelle une heure après, il me dit « Écoute, je l'enregistre demain. » Il me rappelle cinq minutes après, il me dit « Tu ne veux pas faire tout l'album ? » Et je me suis retrouvé le lendemain, au studio Trema.

  • Speaker #7

    A quoi ça sert l'amour si c'est un aller sans retour ? Y'a plus que du vide à la place Mais que veux-tu que j'en fasse ? A quoi ça sert la vie Quand on meurt petit à petit S'il ne reste plus que l'absence ?

  • Speaker #2

    Et donc voilà, c'est comme ça qu'a démarré le truc avec Michel. Et après j'avais un copain, Claude Samard, qui jouait avec Philippe Laville. Philippe Laville était très copain avec Michel Fugain. Il dit « Ah non, c'est bien les textes que tu as fait pour Michel, tu ne veux pas me faire des textes pour moi ? » Je dis « Ben ouais, super ! » Et puis voilà, après les gens continuent à me demander des textes.

  • Speaker #0

    Et tu n'as toujours été qu'auteur pour les autres ou tu as aussi composé pour d'autres ?

  • Speaker #2

    Non, très peu. Très peu, ouais, mais je ne suis pas un bon compositeur. j'ai pas assez de capacité mais j'ai eu la chance de travailler avec beaucoup de... d'artistes qui étaient chanteurs-compositeurs. Que ce soit Michel Fugain, que ce soit David Cohen, que ce soit Fred Blandin, que ce soit Daniel Lavois. Tu n'as pas écrit pour Julien Clerc ? Jamais. J'aurais aimé. Il ne m'a jamais demandé. Il a dit ce qu'il fallait quand même. J'aurais adoré. Après, moi, je n'ai rien fait non plus. Je suis incapable d'aller proposer quoi que ce soit à qui que ce soit. Je ne suis pas équipé pour ça. J'ai eu beaucoup de chance. dans ces rencontres. Je n'aurais jamais imaginé que le fait d'aller faire la basse derrière Jeanne Masse, ça m'aurait amené à écrire des chansons pour Michel Fugain, Daniel Lavoie, Philippe Laville, Florent Pagny plus tard.

  • Speaker #0

    Toi qui as connu cette époque où il y avait effectivement beaucoup de chanteurs qui n'étaient que chanteurs ou compositeurs, ou même des interprètes purs, et où donc il y avait vraiment un vrai métier d'auteur de chansons, un vrai métier de parolier. Alors il y en a encore aujourd'hui, mais je pense qu'il y en a moins. Il y en a moins,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu trouves que c'est une évolution nécessaire et logique d'être arrivé dans une période où on a beaucoup d'auteurs, compositeurs, interprètes ? Ou est-ce que tu trouves que, j'allais le dire, c'était mieux avant, sans aller jusque-là, mais que la diversité des auteurs et des interprètes et des mélanges qui se faisaient enrichissait la chanson ? Est-ce que tu trouves que c'était plus riche avant ?

  • Speaker #2

    Non, mais c'est riche tout le temps, c'est bien tout le temps. Moi, je ne souscris pas à cette idée que c'était mieux avant et que maintenant, il n'y a plus de trumeurs. Il faut juste aller les chercher. Il faut des fois se donner un peu de mal. Mais non, moi, ce que je voudrais répondre au début de ta question, c'est-à-dire que moi, je suis arrivé à la fin de la période du règne des auteurs et des compositeurs. Où il y avait des grandes équipes. Julien Clerc, Julien Clerc c'était Dabadie, Roda Gilles et quelques autres, David MacNeill, d'autres, quelques autres, Luc Plamondon. Il y avait des grands auteurs comme Delanoë, comme Vidalin, comme Roda Gilles, comme Boris Berman, comme Jacques de Marny. comme beaucoup d'autres, je ne voudrais pas oublier trop de gens, qui fournissaient, entre guillemets, les grandes chansons pour les grands interprètes. Que ce soit Gilbert Becaud, Michel Fugain, Michel Sardou, Joe Dassin, les chanteuses, toutes les grandes chanteuses, Nicoletta, tout ce qu'on appelle la variété dont tu parlais tout à l'heure, mais aussi la chanson, Gérard Lenormand, Thierry Charcel, c'était des auteurs, Michel Delpech, magnifique texte. magnifiques mélodies de Michel Pelé et d'autres. Donc il y avait des auteurs-compositeurs comme il y a encore aujourd'hui à Nashville. Et comme il y avait à Tinpanel et à New York, qui écrivaient les chansons, que chantaient plein d'interprètes. Et il y avait peut-être une cinquantaine de personnes qui vivaient de ce métier, qui fournissaient des grandes chansons. C'était des grands auteurs, c'était des grands compositeurs, et ils étaient grands les deux ensemble. Oued Aji, il avait une définition de ça que je trouvais géniale. Dans une interview, on lui demandait ce que c'était qu'une bonne chanson. Il disait, tu prends un bon texte, une mauvaise musique, tu as une bonne chanson. Tu prends un mauvais texte, une bonne musique, tu as une bonne chanson. C'est quand tu as un truc bien des deux côtés que les emmerdements commencent. Typique Étienne. Ça, ça a disparu pratiquement au moment où moi je suis arrivé.

  • Speaker #0

    Oui, début des années 80, Goldman.

  • Speaker #2

    Voilà, il y a un moment donné où a émergé une génération, et notamment dans les maisons de disques, où ils ont associé les noms et les audiences. C'est-à-dire, on prenait deux artistes connus, on récupérait les deux audiences. et on avait un succès. C'est-à-dire, il y avait une martingale pour avoir du succès, c'est de demander à des gens connus de se mettre ensemble pour faire des chansons. Ce qui marche toujours. Et des fois, c'était presque une revanche du destin. Parce que j'en parlais avec Marc Lombroso, l'autre fois, je dînais avec Marc, et il me disait, mais tu sais que Jean-Jacques Goldman, il ne voulait pas être chanteur, il voulait écrire pour d'autres. Et il s'est trouvé dans cette situation-là. Je ne savais pas ça. Ne trouvant personne pour chanter ses chansons, il se résout sous la pression de Marc et d'autres à les chanter lui-même. mais c'est ce qui lui a permis au fait de pouvoir écrire pour d'autres. Donc là, revanche du destin, mais ça n'a pas toujours été le cas comme ça. Donc après, j'allais dire le vivier d'auteurs, de compositeurs qui fournissaient Issetari, parce qu'on ne les sollicitait plus. Moi j'ai eu de la chance, parce que je suis arrivé à la fin de cette comète-là, j'ai écrit soit pour des chanteurs qui étaient beaucoup plus vieux que moi, ou un peu plus vieux que moi, et qui avaient déjà cette pratique-là avec des auteurs, et qui savaient travailler avec des auteurs. Parce que travailler avec des gens comme Michel Fugain, qui ont travaillé avec des grands auteurs, tu leur... Tu ne casses pas un texte. Tu le retravailles 50 fois.

  • Speaker #0

    Bien sûr. Mais c'est très riche aussi.

  • Speaker #2

    Parce qu'il sait ce qu'il veut, mais il sait surtout ce qu'il ne veut pas. Et moi, je me souviens, Michel, il m'avait dit un truc que moi, je pouvais comprendre parce que j'avais fait beaucoup de scènes. Il m'a dit que moi, quand je suis sur scène, je suis à poil. Donc, je ne vais pas chanter des conneries. Et moi, je sais ça. Je sais qu'un chanteur, quand il est sur scène, s'il ne ressent pas la chanson, si elle est compliquée, si elle est mal écrite, d'abord, il va mal respirer parce qu'il ne le porte pas bien, il y a toujours une phrase qui va accrocher. Non, il faut que la chanson soit à 100%, la chanson qu'il a envie de chanter, qu'il peut chanter, qui va habiter. Après, il y a une part aussi d'interprétation. On peut chanter une chanson de quelqu'un d'autre qui n'a pas été faite pour soi. Mais en tout cas, il faut que ce combo-là, entre guillemets, existe. Donc, ces chanteurs-là avaient cette exigence-là. Et moi, j'ai appris à réécrire des chansons en travaillant avec des gens comme ça. avec des artistes performeurs de scène. Michel Fugain, c'est un mec de scène. Être en studio, ça l'emmerde. C'est une punition pour lui. Quand on écrit une chanson, quand il compose une chanson, quand il enregistre une chanson, il pense à la scène. Il pense à quand il va avoir des gens en face de lui. C'est génial. Moi, j'ai tellement appris à travailler avec lui. J'en ai chié, mais qu'est-ce que j'ai appris ? Et ça, c'est formidable parce qu'il y a une chose là-dedans, c'est le cadeau. C'est quand je veux avoir des gens en face de moi, je veux avoir quelque chose à leur dire. Il ne s'agit pas d'argent, il ne s'agit pas de glamour, il s'agit de parler à quelqu'un. Il s'agit de transmettre quelque chose. Vous voyez, il y a cette exigence-là, il y a ce cadeau, cette générosité, cette authenticité d'artiste. Il faut être à la hauteur.

  • Speaker #0

    Mais toi, en même temps que tu écrivais des chansons, tu as suivi aussi des formations pour écrire du scénario, avec des grands scénaristes hollywoodiens, dont Shane Black. Shane Black, c'est l'arme fatale quand même. C'est mon premier prof de scénario. Et pourquoi ? Est-ce que c'est parce que l'espace de la chanson ne te suffisait plus pour raconter des histoires ? Ou est-ce que tu voulais vraiment explorer d'autres domaines ?

  • Speaker #1

    Mais tu sais, quand tu écris, tu écris. Donc moi, j'étais plus à l'aise et j'étais plus... performant entre guillemets et plus proche de l'écriture. Donc j'ai toujours eu envie d'écrire autre chose que des poèmes ou des chansons. On commence par ça parce que d'abord c'est ce qui me venait le plus naturellement. Puis après j'ai eu une ambition un peu supérieure et j'ai écrit un roman.

  • Speaker #0

    Tu as écrit ton roman avant de commencer à faire du scénario ? Oui, oui, complètement. Donc on parle de Blue.

  • Speaker #1

    Oui, Blue, voilà. Donc j'ai écrit mon roman Blue et je ne connaissais personne et je l'ai envoyé par la poste. Je suis allé voir ma libraire en bas de chez moi et je lui ai dit J'écris un roman, ça parle un peu de ça. à qui je pourrais l'envoyer ? Elle m'a dit, chez Flammarion, il y a une petite collection qui sont en train de monter, peut-être que vous pourriez leur envoyer. Donc, c'est quoi l'adresse de Flammarion ? Je l'ai envoyé chez Flammarion et puis je n'ai pas eu de réponse pendant un an. Et puis, complètement par hasard, plus tard dans un...

  • Speaker #0

    Et donc tu laisses ça dans un coin de ta tête, tu ne l'envoies à personne d'autre qu'à Flammarion ? Ou tu essayes quand même de l'envoyer ailleurs ?

  • Speaker #1

    Non, je ne l'envoie à personne d'autre.

  • Speaker #0

    Donc tu écris un roman, tu l'envoies à un éditeur et t'attends ?

  • Speaker #1

    Tu vois, je suis super bon à me vendre. Et donc, quelques mois plus tard, mais beaucoup de mois, je rencontre une journaliste qui me parle de mes chansons et je lui dis mais... J'ai aussi créé un roman, mais je l'ai envoyé et je n'ai jamais eu de réponse. Elle me dit « Tu l'as envoyé chez qui ? » Je lui ai envoyé chez Flammarion. Elle me dit « Ah, mais j'ai un copain qui a publié chez Flammarion. Je vais lui demander qui. » Et elle tient parole. Et elle me rappelle en me disant « Écoute, il en a parlé. Et il y a une directrice littéraire qui va le lire. Renvoie-le. » Alors, je le renvoie. Et là, trois semaines après, je reçois un coup de fil. Un jour, « Bonjour, c'est Catherine Colomoni. Je viens de dire votre moment. J'adore. Je voulais juste vous dire que je le défends au comité de lecture ce soir. Et je lui dis, merci de m'avoir appelé avant. Et puis elle m'a rappelé après, elle m'a dit, on vous publie. C'est bon, j'ai eu le feu vert. Et ça s'est passé comme ça. Et l'anecdote très amusante, c'est qu'on a travaillé, alors là aussi j'ai réécrit beaucoup avec mon éditrice, en tout cas sous son influence et son travail. Et un mois avant que mon roman soit publié, je reçois une lettre de refus. de Flammarion. Et c'était le premier qui avait mis un an et demi ou deux ans à faire le tour, qui avait été refusé par les gens qui l'avaient lu dans ce circuit-là, alors que j'étais déjà publié chez eux. C'est drôle, je l'ai gardé, je l'ai encadré. Comme quoi, ne vous découragez pas, c'est des rencontres. Et donc, pour finir ta question, je suis très bon à faire des ellipses par contre, j'ai eu de très bons articles. Dans la presse, ça a été très bien reçu. Ça a été nommé à des prix du premier roman. Et il y a eu deux propositions d'achat des droits pour le cinéma, dont une qu'on a acceptée. Et le réalisateur m'a demandé de travailler au scénario avec lui. Et moi, j'ai refusé. Parce que tu ne te sentais pas légitime ? Mais non, je ne savais pas le faire. Donc je lui ai dit, écoutez, non, non, mais moi... Moi, je n'ai pas de problème, j'ai écrit mon roman. Faites votre film, trahissez tout ce que vous voulez, changez tout ce que vous voulez, ça n'effacera pas les pages. Il s'est dit, en plus, il n'est pas chiant. Donc, il s'est dit, non, mais il y a quand même un ton, il y a un truc que j'aimerais bien garder. Je dis, je ne suis pas sûr. Et puis, la patronne de la maison d'édition de l'époque s'appelait Françoise Verny, qui était un personnage, patronne de Flammarion, qui était un personnage à un moment donné, il m'a dit, écoute,

  • Speaker #2

    tu me casses les couilles,

  • Speaker #1

    Françoise Verny tout craché et puis donc je l'ai fait et je me suis retrouvé comme c'était un garçon qui faisait son premier film et qui était premier assistant de plein d'autres réalisateurs il a passé son temps à être premier assistant de plein d'autres réalisateurs et puis au bout de 200 ans j'avais écrit tout seul et ce que j'avais fait c'était très très mauvais parce que je ne savais pas le faire donc je me suis retrouvé avec un très très mauvais scénario l'option qui était tombée parce que Olivier il bossait tout le temps Et je me suis retrouvé à la tête d'un mauvais scénario.

  • Speaker #0

    Tu t'es dit, il faut que j'apprenne à en faire de bon.

  • Speaker #1

    Et il faut que j'apprenne à en faire de bon. Et du coup, grâce au Fonds culturel franco-américain, qui est géré par l'ASACM dans cette maison, j'ai pu faire un stage d'écriture avec Shane Black. Et je lui ai pitché mon projet. Il m'a dit, c'est vachement bien, c'est une bonne idée, il faut que tu travailles. Après, j'ai fait un autre stage d'écriture et de réalisation avec Brent Maddock et Ron Underwood. Et là... J'ai un peu sympathisé avec eux. Ils m'ont dit, écoute, quand tu viens aux États-Unis, appelle-nous et viens nous voir. Et puis quand j'étais aux États-Unis, je les ai appelés. Ils m'ont dit « Non, viens, c'est vachement bien, il faut que tu travailles avec nous. » Et j'ai commencé à travailler avec eux. Et après, les droits du roman ont été rachetés une deuxième fois par une réalisatrice américaine qui s'appelle Ronda Haynes, qui avait fait « Les enfants du silence » . Et elle parlait français, et elle adorait la France. Elle a optionné les droits du roman, et elle m'a redemandé de travailler avec elle.

  • Speaker #0

    Là, tu étais beaucoup plus prêt.

  • Speaker #1

    Là, j'étais un peu plus prêt. Et je suis parti à Los Angeles travailler avec Ronda sur une nouvelle mouture du scénario. Et là, j'ai appris vachement. Parce que Ronda... c'est quelqu'un qui est une grande directrice d'acteurs. Dans toutes les phases de l'écriture, dans toutes les scènes, elle pensait aux acteurs. Qu'est-ce qu'il a à jouer ? Qu'est-ce qu'il a à défendre ? Et c'était son obsession.

  • Speaker #0

    C'est presque la même obsession que Michel devant la scène, en fait.

  • Speaker #1

    Oui, exactement. Et grâce à Randa, et grâce au travail que j'ai fait avec elle sur le scénario, on a fait quand même trois ou quatre versions, j'ai appris à écrire pour des acteurs. Et j'ai appris à quel point c'était important d'imaginer non plus le texte, comme quelque chose d'écrit, mais comme quelque chose qui allait être joué, qui n'allait plus exister. Un scénario, c'est quelque chose qui n'existe pas. Ça devient des images, ça devient des gens qui parlent, ça devient un montage. Et pendant presque 20 ans, j'ai travaillé sur des scénarios, comme scénariste sur des séries et comme script doctor.

  • Speaker #0

    Et comme showrunner.

  • Speaker #1

    Et comme showrunner avec Antigone 34 en France.

  • Speaker #0

    Et est-ce que tu dirais que toutes ces différentes disciplines de l'écriture, se nourrissent les unes les autres ? Est-ce que tu racontes de meilleures histoires en chansons parce que tu sais écrire des scénarios ? Est-ce que tu fais des scénarios plus concis parce que tu sais l'exigence que c'est de rentrer toute une histoire dans trois minutes ?

  • Speaker #1

    C'est génial la question que tu me poses, Adore. Tu viens de me rappeler un truc que j'avais oublié. Avant de partir travailler aux Etats-Unis avec Randa, j'avais essayé après de caser mon scénario en France et j'avais une espèce de barrière à chaque fois. On me disait, mais qu'est-ce que vous avez fait ? J'ai dit, ben ouais, mais j'ai écrit des chansons. C'est très, très différent. Un cinéma très très différent, vous comprenez, c'est pas du tout la même chose. J'écris un roman, ouais, ouais, c'est différent. Et c'est vrai. Et quand je suis arrivé aux Etats-Unis, j'ai bossé avec Randa, par une fille que je rencontre, qui était de Lafayette, que je connaissais, qui bossait comme assistante chez Amblin, je me retrouve chez la boîte de production de Steven Spielberg. Et là, je tombe sur une directrice artistique, une productrice. Et je lui dis ça. Il me dit, qu'est-ce que vous avez fait ? Et je lui dis, j'ai fait des grandes chansons, j'ai écrit un roman. Elle me dit, c'est génial. Vous avez écrit des chansons, ça veut dire que vous avez le sens de la formule, vous avez le sens de la musicalité, du rythme. Vous avez écrit un roman, vous savez raconter une histoire. Mais c'est formidable, ça, pour écrire un scénario. C'est marrant comme on peut prendre les choses de l'autre côté.

  • Speaker #0

    Du coup, est-ce que tu penses que c'est parce qu'en France, on met vraiment les gens dans des cases et qu'on ne veut surtout pas les sortir de leurs cases et que ce n'est pas du tout le cas aux États-Unis ? Parce que dans, pas dans l'épisode précédent, mais dans celui d'avant où j'interviewais Pierre Billon et sa fille.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Pierre me disait qu'effectivement, en France, on a un vrai problème de cases. Alors qu'aux États-Unis, tu n'as jamais de problème. L'esthétique smoking et grand orchestre mélangé avec un rappeur, ça ne pose pas de problème. Il n'y a pas de frontière. C'est pareil dans l'écriture aussi. Il n'y a pas de frontière chez eux entre le songwriter et le scénariste. Alors qu'ici, on te dit qu'écrire des chansons, ça n'a rien à voir avec le scénario.

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je pense qu'ils ne considèrent pas les choses sous le même angle, sous le même prisme. Aux États-Unis, l'entertainment, c'est un business avant tout. Et puis, il y a une espèce de curiosité. Peut-être qu'en France, on a une image, peut-être après la Nouvelle Vague, plus du cinéma d'auteur, plus élitiste, plus, j'allais dire, intellectuel. Je pense qu'il y a un rapport aussi à la façon dont on se projette. Les Américains, dans l'industrie du cinéma ou de la télé que j'ai rencontré aux États-Unis, Ils sont toujours à la recherche d'opportunités et on ne sait jamais. Peut-être que le gars qui est chauffeur de taxi, demain, c'est une superstar. Parce qu'il y en a eu plein. On ne sait jamais. Donc, ils vont t'accorder une importance.

  • Speaker #0

    Oui, c'est une vraie terre d'opportunités.

  • Speaker #1

    Jusqu'à preuve du contraire que tu sois mauvais, tu peux être un bon. En France, c'est peut-être un peu l'inverse. Il faut que tu fasses tes preuves avant que vraiment on s'intéresse à toi ou qu'on te donne accès, tu vois. Peut-être, moi, je le formulerais comme ça. Je sais pas si c'est encore comme ça, mais je me souviens d'une chose... qui m'avait dit de quelqu'un que j'ai énormément aimé, que tu as peut-être connu, qui s'appelle Jean-Michel Boris, qui était le directeur de l'Olympia. Et Jean-Michel m'avait un jour dit un truc. Tu sais, il y a une chose qu'il faut que tu n'oublies jamais, parce que tu vas réussir. Merci. Mais il dit, une chose, n'oublie jamais, les gens que tu croises en montant, tu vas les recroiser en descendant. Et ça, c'est quelque chose que je n'ai jamais oublié et qu'il ne faut pas oublier. c'est qu'il faut... Tout ça est très fragile. Et ce qui est important, c'est de toujours faire les choses avec sincérité. toujours être curieux des autres. Je crois que la curiosité dans nos métiers, c'est une valeur cardinale.

  • Speaker #0

    C'est bien parce que tu me permets de faire une transition super efficace que je n'avais pas prévue dans mes questions comme ça, parce que je l'avais mise ailleurs, la transition, mais là elle est parfaite. Est-ce que c'est cette curiosité qui t'a poussé à t'engager dans des organisations professionnelles, que ce soit le CNC, l'Assasem, à t'engager comme ça pour la transmission aux générations plus jeunes ou même à tes pères, la défense du droit d'auteur, tout ça, est-ce que ça vient de cette curiosité de l'autre ?

  • Speaker #1

    Il y a sûrement une part de curiosité. Après, c'est un peu complexe. Je vais essayer d'être honnête complètement. Il y a une part de militantisme, entre guillemets, parce que moi, j'ai toujours cette fibre associative. Ça, c'est mon parcours catho. Moi, j'ai une famille très catholique. Donc, j'ai toujours... Et puis, à un moment donné, c'est aussi cette fibre collective. Moi, j'ai le sens du collectif. Et c'est un des premiers éditeurs avec qui j'ai travaillé, qui s'appelait Max Enfoux, qui a été une des figures de cette maison. C'est lui qui m'a... proposé de travailler avec Enzo Enzo, avec Cydlie Maréchal quand on a fait l'album chez le Roptal Blues, avec d'autres gens après. Et Max, c'était un militant du droit d'auteur. C'était un éditeur de la vieille école, un personnage. Alors, bigger than life, c'est le cas de le dire. Et c'était un des piliers de cette maison. Il était au conseil d'administration de cette maison. Et c'était lui qui m'avait dit, il faut que tu viennes à la commission des variétés parce qu'avec Alamax, avec la Gouaille, tu n'es pas trop con. Peut-être que ça serait bien que tu t'intéresses un peu à ce qui se passe dans ton métier, tu vois. Et donc je me suis retrouvé à la commission des variétés assez jeune, et effectivement là, c'était passionnant. C'est là où j'ai appris comment fonctionnait ce métier. Et puis après, il y a aussi cette très belle phrase d'Emmanuel Lévinas, le philosophe qui dit « vivre c'est apprendre, célébrer, transmettre » . C'est notre job à nous ça. Et donc il y a toujours ce côté... La transmission, tu vois, qui est de partager ce qu'on a appris. D'autres l'ont fait avec moi. Mais c'est très égoïste, parce que moi, j'apprends autant quand j'apprends aux autres. Et puis, en fait, ce n'est pas très vrai de dire qu'on apprend. On partage, on partage. Pendant des années, j'ai animé des ateliers d'écriture, si tu veux, des variétés.

  • Speaker #0

    Mais cela dit, ce n'est pas vrai. On apprend quand même beaucoup. Moi, j'ai la sensation d'avoir énormément appris à ton contact. Mais je pense, c'est comme... comme des comédiens au conservatoire, je crois que jamais un prof d'interprétation, comme on dit, n'apprendra un acteur à avoir du talent. Mais par contre, il va lui apprendre tellement pour mettre son talent au service d'une œuvre. Et je crois que c'est ce que tu as fait avec tous les gens qui ont appris à écrire avec toi. C'est-à-dire que je pense que tu ne peux pas nous apprendre à écrire une chanson, mais tu peux nous apprendre à bien écrire une chanson.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Moi, je ne pense pas avoir appris à qui que ce soit à écrire une chanson. Je pense que... Mais par contre, ce que j'ai pu apprendre, c'est à retravailler. Moi, ce que j'ai eu la chance d'apprendre avec des Michel Fugain, avec des Daniel Lavoie, avec des David Coven, avec des Rhonda Haynes pour le cinéma, avec des Catherine Colombani pour la littérature, c'est à retravailler. En fait, moi, j'ai simplement transmis l'exigence et les grilles de travail que j'avais appris avec ces gens-là. Après, j'ai essayé de le faire à ma façon, mais c'est plus de la mise en commun, parce que... Moi, beaucoup des gens, et il y en a beaucoup qui sont passés dans mes ateliers d'écriture, que ce soit au Studio des Vérités, que ce soit aux Rencontres d'Astafour, que ce soit au CMA, que ce soit dans d'autres structures, je pense que c'est beaucoup, beaucoup de gens. Mais c'était des gens qui avaient du talent. J'ai aussi appris à travailler avec eux. Ce qui est bien, c'est que c'était moi qui étais payé, mais ce n'était pas très bien payé, donc ce n'est pas grave. C'est un échange entre artistes. Moi, j'ai toujours considéré ça. Tu as fait mes ateliers, tu as bien vu. moi j'ai toujours considéré que j'avais en face de moi des artistes comme moi. J'ai toujours privilégié le fait que c'était aussi un privilège pour moi que d'échanger avec des gens de talent. Parce que quand tu travailles avec des gens de talent, que tu travailles ensemble, que tu échanges ensemble, tu grandis les uns et les autres. Et moi, je le vis toujours comme un privilège. Et j'adore ça. Après,

  • Speaker #0

    on va passer sur... Ton dernier roman vient de sortir, il s'appelle Quelque chose comme de l'or, il se situe à Lafayette en Louisiane, c'était déjà le cas du précédent, Allons danser. Je pense que c'est un pan très important de ta vie de nous parler de la Louisiane, et la Louisiane c'est aussi un îlot de culture francophone, et donc de musique francophone, donc on peut revenir et par les littératures et par les chansons en même temps. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ce lien si ténu qui t'attache à la Louisiane ?

  • Speaker #1

    Ah c'est une vraie histoire d'amour !

  • Speaker #0

    Parce qu'on devrait t'appeler lieutenant en fait, tu es lieutenant ?

  • Speaker #1

    Oui je suis lieutenant, lieutenant ! Non, du bureau du gouverneur.

  • Speaker #2

    Du bureau du gouverneur.

  • Speaker #1

    Du lieutenant-gouverneur. Et je suis citoyen d'honneur de la ville de Lafayette. Non, en fait, j'ai débarqué en Louisie. Alors, je ne connaissais pas grand-chose de la Louisienne. Je connaissais la chanson de Michel Fugain, « Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes » . Je connaissais à peu près ce qu'on en connaît quand on lit des livres d'histoire. Je connaissais les chansons de Zacharie Richard.

  • Speaker #0

    Ce que tout le monde ne connaît pas déjà forcément. Ça prouve déjà une certaine curiosité.

  • Speaker #1

    Oui, on connaît

  • Speaker #2

    Travailler, c'est trop dur parce que Julien Clerc l'avait chanté. Chaque jour, comment je vis, en deux mondes, comment je vis ? Je dis que je vis sur l'amour et j'espère de vivre...

  • Speaker #1

    Et puis je me retrouve en fait en Louisiane, dans les années 80, milieu des années 90, c'était Bella Bowé qui était au studio des variétés, qui me dit tiens, ils cherchent des gens pour aller faire des ateliers d'écriture dans les écoles qui ont des programmes en français en Louisiane. C'était à l'époque où il y avait un vrai revival. du français en Louisiane, dans les écoles. Donc il y avait 75 classes en français. Et c'était avec Radio France Internationale, pour laquelle travaillait Bella, et il me dit, toi qui fais des ateliers d'écriture, de chanson, tu ne veux pas y aller, faire des ateliers d'écriture de chanson. J'ai dit, bah ouais. Et puis j'étais parti trois jours, et ça a duré jusqu'à maintenant.

  • Speaker #0

    C'est ça. Tu n'étais jamais vraiment revenu.

  • Speaker #1

    Ouais, je fais des allers-retours tout le temps.

  • Speaker #0

    après on a passé pas mal t'as créé un festival là-bas non ?

  • Speaker #1

    non non il existait déjà mais j'ai collaboré à sa programmation on a monté tout un round pour pouvoir faire venir des artistes francophones on a eu des artistes incroyables qu'elles soient Angelique Kidjo Roca Traoré Sergent Garcia

  • Speaker #0

    Freedom for King Kong et en même temps tu as aussi initié Tu fais partie de ceux qui ont initié un concert pour aider les populations après l'ouragan Katrina ? Oui,

  • Speaker #1

    avec Francis Cabrel et d'autres. Après Katrina, j'avais quand même développé depuis dix ans des liens très forts avec la Louisiane. J'y vivais plusieurs mois par an. Et puis, après Katrina, il y a des musiciens qui m'ont appelé en me disant... C'est très émouvant d'en parler. Je n'ai jamais fait de mal à personne, j'ai tout perdu. Et j'ai personne vers qui me tourner. Et donc, il nous disait, il faudrait que j'ai au moins des instruments pour pouvoir continuer à faire mon métier. J'ai tout perdu, ma maison, ma voiture, mes instruments. Je ne pouvais plus travailler. Et on s'est dit, il faut faire quelque chose. Donc, on a commencé à monter avec les organisations professionnelles, avec des associations. J'ai commencé à décrocher le téléphone, appeler les gens. Et puis, Zachary avait monté un truc aussi, lui, Richard, là-bas, sur place. Il y avait eu d'autres initiatives, qui est Eric Sovia qui connaissait, qui avait travaillé avec Zachary, qui avait parlé de ça à Francis, avec qui jouait aussi Eric Sovia qui est un super guitariste. Et donc on a mergé les trois initiatives, celle d'Eric qui avait contacté Francis, celle que moi j'avais montée avec toutes les organisations et tous les organismes. Et puis Zachary et puis les gens qui travaillaient là-bas aussi sur des trucs comme ça et on s'est réunis, on a fait ce fameux concert qui était au Palais des Sports et on a récolté des fonds puis on a continué à essayer d'aider ces musiciens à retrouver des instruments pour qu'ils puissent retravailler, qu'ils puissent revivre de leur droit. Après il y avait d'autres systèmes d'aide pour d'autres choses mais nous on a essayé de faire ça et je crois qu'on a fait du bien. On a réussi à les aider pour ça.

  • Speaker #0

    Et donc parle-nous un petit peu de ton livre alors.

  • Speaker #1

    Alors mon roman s'appelle « Quelque chose comme de l'or » . Donc ça se passe dans ce petit coin de Louisiane francophone qui est dans les Bayoux, autour de Lafayette. C'est vraiment l'endroit où vivaient les Cajuns, les francophones. Et c'est là qu'est né le zaïdéco. Le zaïdéco, c'est la musique des créoles de Louisiane. Ça a été créé par un garçon qui s'appelait Amédée Ardo. Et c'est l'idée d'un créole d'origine africaine qui prend un accordéon et qui en fait un instrument de percussion et qui va créer un genre musical qui s'appelle le zaïdéko. Et il était francophone. Il faut comprendre que dans les années 30, en Louisiane, les gens parlent français. Dans cette Louisiane-là, pas à Shreveport au Nord, pas à New Orleans, mais là, les gens parlent français. Ils ne parlaient pas anglais. Descendants de l'esclave. Et donc, ils créent ce genre musical. Et donc, en fait, les personnages de mon roman... Ce sont des vieux bluesmen qui ont été rapatriés de la Nouvelle-Orléans après Katrina, qui se retrouvent dans une petite maison de retraite à Lafayette. Et puis cette petite maison de retraite, il n'y a plus d'argent, elle va fermer. Ils ont cinq ou six à rester. Et puis il y a une jeune infirmière qui se retrouve là, qui a été embauchée à la sortie de l'école. Elle a 24 ans, elle s'appelle Jodie Leblanc. Alors ils ont tous des noms francophones comme on trouve là-bas. Ils s'appellent Thibaudot, Fontenot, Arsenault, Bergeron. Le Blanc. Et elle, elle décide qu'elle ne va pas laisser faire ça. Et donc elle va fédérer autour d'elle un tas de personnages qui n'auraient jamais se retrouver ensemble. Et ils vont hériter d'une maison, de quelqu'un qui va leur léguer une maison. Sauf que cette maison, elle a un problème, et c'est que là, les ennuis commencent. Et ils vont aller de catastrophe en catastrophe en catastrophe. C'est drôle, c'est un roman drôle. Très drôle et j'espère poétique. Mais on a cette galerie de personnages, avec des vieux bluesmans, une jeune fille blanche, une fausse voyante vietnamienne, des indiens, francophones. Et tous ces gens vont se retrouver ensemble. Et sans le savoir, en allant de catastrophe en catastrophe, ils vont réparer une injustice encore plus grande qui remonte à la guerre de sécession. Mais c'est drôle, ça aime les gens. Et puis c'est vraiment un petit mode d'emploi de la Louisiane francophone. J'espère et je crois, d'après ce qu'on me dit, que ça donne envie d'aller là-bas.

  • Speaker #0

    Déjà, rien qu'avec Allons danser, j'avais déjà envie. Donc j'ai hâte de commencer celui-là pour avoir encore plus envie.

  • Speaker #1

    Mais moi, j'aime cette idée. Tu vois, c'est mon vieux fond. associatifs, militants. J'aime cette idée que les gens se mettent ensemble pour faire des choses. Et là, c'est des gens qui se mettent ensemble pour réparer une petite injustice, et qui vont réparer une plus grande, sans le savoir. Mais ils vont trouver autre chose que ce qu'ils cherchent. Quelque chose comme de l'or. Et c'est le fait d'être ensemble.

  • Speaker #0

    Ça fait envie.

  • Speaker #1

    C'est pas si mal.

  • Speaker #0

    Ah, c'est pas mal. Tu l'as bien pitché. Tu nous l'as très très bien vendu. Donc c'est sorti chez Calman Levy.

  • Speaker #1

    C'est sorti chez Calman Levy, en vente dans toutes les bonnes librairies.

  • Speaker #0

    Et en restant un petit peu en Louisiane, puisque c'est un petit mode d'emploi de la Louisiane, est-ce que tu pourrais nous dire, quand on ne connaît rien du tout à cette musique-là et à sa partie francophone justement, par où commencer pour découvrir cette culture ?

  • Speaker #1

    Alors il y a plusieurs scènes. Il y a la scène Cajun-Créole, qui est vraiment du côté de Lafayette. Et puis il y a toute la scène Funk-Blues qui est sur New Orleans. Là qui est plus francophone, vraiment.

  • Speaker #0

    Et en francophone, les premières références vers lesquelles se tourner pour découvrir cet univers ?

  • Speaker #1

    Zachary Richard, of course. Immense songwriter. immense parolier, compositeur, chanteur. J'ai toujours du mal à comprendre qu'il ne soit pas encore reconnu en France, à cette distance nord-américaine. Il est très reconnu au Canada. En France, on n'a pas encore découvert la richesse et la qualité de son travail. Après, il y a toute une scène Cajun, avec plein de groupes qui chantent en français Cajun. Et puis, il y a toute la scène de la Zaydeco, Créole. Il y a tout ce qui se mélange entre les deux. Il y a vraiment une vitalité, beaucoup de jeunes groupes. Cédric Watson, toute la famille Savoie, les Pine Leaf Boys, Thivralien de Mamou Playboys, avec qui j'ai eu l'occasion. Oui, Mamou, c'est une ville de Louisiane. Et donc, il y a toute une génération. Ce serait les Lost Bayou Ramblers, les Manuela Sisters. Il y a plein... Plein, plein, les Daiquiri Queens, je prends en note, c'était des dizaines.

  • Speaker #0

    Ça pourrait faire l'objet d'une émission à part.

  • Speaker #1

    Feu follé, le groupe Feu follé. Il y a plein, plein de groupes et de chanteurs, de chanteuses de cette jeune génération qui sont entre 25 et 40 là, et qui chantent en français. Cherchez, fouinez, écoutez K.R.V.S. qui est RIS, la station de l'université de Louisiane, sur Internet. Venez au Festival international de Louisiane à Lafayette. Et puis j'espère qu'on aura l'occasion d'en voir et d'en entendre davantage en France. C'est une musique qui transmet un héritage, mais qui dit aussi quelque chose d'aujourd'hui. Une des choses que j'aime dans cette musique, c'est la même chose que j'aime dans cette cuisine. C'est que c'est plein d'influences différentes qui se sont mélangées et dans lesquelles tout le monde se reconnaît. Et ça, il y a un gumbo. comme il y a un gumbo musical. Ça fait quelque chose d'unique, mais dans lequel tout le monde se reconnaît autour de la musique, la danse, la culture, la langue française, qui fait commun dans un des plus beaux endroits du monde. Moi, j'adore ça.

  • Speaker #0

    Ça fait envie. Ce qui fait envie, surtout, c'est d'imaginer qu'il y a une telle créativité qui continue là-bas et qu'il y a un vrai vivier d'artistes, parce qu'on s'inquiète tous un petit peu, je pense, quand on est dans nos métiers, de la façon dont l'avenir se profile. Pour les artistes, toi qui es au Conseil de l'Innovation, tu en sais quelque chose. La transition est un petit peu hasardeuse, mais on y arrive quand même. Comment tu vois l'avenir de la musique, de la chanson française en particulier, ou francophone même, puisque tu la connais des deux côtés de l'Atlantique, cette chanson francophone ? Comment tu vois l'avenir avec les menaces ou les promesses des outils numériques qui arrivent ?

  • Speaker #1

    La chanson francophone est aussi très vivante au Canada. Il y a une énorme scène francophone de chansons. Au Canada, il y a une francophonie africaine aussi, qui est très importante. Donc la francophonie, c'est une richesse extraordinaire dans ça, musicalement, culturellement, dans les échanges. Donc ça, c'est intéressant. Après, sur l'intelligence artificielle, aujourd'hui, c'est un problème d'abord économique, qui est que... On a des gens qui ont créé des plateformes d'intelligence artificielle générative, qui ont, pour entraîner leur modèle, absorbé toutes nos œuvres. Donc eux, ils ont pris nos œuvres, ils les ont rentrées dans leur base de données et ils vont se servir dedans pour fabriquer des produits algorithmiques qui sont générés par statistiques. Comment ça marche une intelligence artificielle générative ? Ça va statistiquement te dire, statistiquement le mot le plus pertinent dans tout ce que j'ai pu analyser, c'est celui-là. Donc il va partir d'une... d'une collection de data et il va te sortir ce qui est le plus pertinent selon ses analyses, ses statistiques. C'est pas ce qu'il dit, c'est pas ce qu'il fait, c'est la statistique. Quand t'as dit ça, t'as compris qu'on a pris toutes nos œuvres et qu'on les utilise pour faire des produits, et pas des œuvres, des contenus comme on dit, qui arrivent en concurrence directe avec nos œuvres sur les plateformes.

  • Speaker #0

    Oui, aujourd'hui si j'ai, je crois avoir entendu ça dans une interview de Cécile Rapp-Weber, c'est 28%.

  • Speaker #1

    Sur Deezer.

  • Speaker #0

    Sur Deezer ou Spotify ? Spotify c'est pire.

  • Speaker #1

    Spotify ils veulent pas dire. Donc ça veut dire qu'aujourd'hui, il y a presque 30% des titres qui sont uploadés, qui sont issus de l'IA. C'est-à-dire, soit des gens les déposent et prennent les droits en disant que ça n'en est pas, ils trichent, soit il y a... Pour qu'il y ait droit d'auteur, il faut qu'il y ait une définition, c'est œuvre de l'esprit.

  • Speaker #0

    Oui, mais qu'est-ce qui t'empêche aujourd'hui de prendre un produit issu d'eau et de le déposer à ton nom ?

  • Speaker #1

    Il y en a, mais maintenant, ces contenus-là sont repérés et sont exclus de l'assiette. Mais comprenez bien ça, on a... pris nos œuvres, on les démonte, on les mixe, on les atomise, on les reconstitue, on fait un produit avec, qu'on vient vendre, c'est pas gratuit, en concurrence avec nos œuvres. Donc, en fait, on nous pille deux fois, parce que c'est nos œuvres qu'on utilise pour faire ça. Donc, nous, ce qu'on demande à la SACEN, et dans les sociétés de droit d'auteur, de gestion collective, nous, ce qu'on demande, c'est d'abord de la transparence. Quelles sont les œuvres que vous avez utilisées ? Quelles sont les œuvres sur lesquelles vous avez entraîné ? Et quand vous sortez un truc. quelles sont les œuvres que vous êtes allé piocher pour fabriquer ça. Oui,

  • Speaker #0

    un peu comme une bibliographie à la fin d'un livre, pour faire ce produit-là, on a utilisé telle chanson, telle chanson, telle...

  • Speaker #1

    Exactement. Quelle est votre base de données ? Quelle est la base que vous avez retravaillée ? Et qu'est-ce qu'il y a dans ce que vous sortez ?

  • Speaker #0

    En théorie, les plateformes d'IA sont en capacité de donner ça ?

  • Speaker #1

    Ils savent bien ce qu'ils ont à gérer, et ils savent bien comment fonctionne leur algorithme.

  • Speaker #2

    D'accord.

  • Speaker #1

    Alors, quand on leur demande, ils nous disent, ah non, non, non, secret professionnel. Et là, il y a une réponse qui a été... proposée par le professeur Alexandra Ben Samoun de l'Université de Paris-Saclay, qui est une professeure de droit spécialisée dans le numérique. Et elle a dit, oui, mais attendez, nous, on ne vous demande pas la recette, on vous demande les ingrédients. Donc, c'est ça. Quand je passe un prompt, je ne fais pas œuvre d'artiste, je passe une commande. Après, il y a une recette, et après, il y a des ingrédients. La recette, c'est l'algorithme, les ingrédients, c'est nos œuvres. Et sort à la fin un truc. Mais un prompt, c'est juste une commande. Aujourd'hui, nous ce qu'on demande c'est un, de la transparence, deux, une juste rémunération. On utilise nos œuvres. sans notre consentement. Donc nous, on a tracé un trait et on a déclaré opt-out. Opt-out, ça veut dire vous n'avez pas le droit d'utiliser notre répertoire sans faire de licence avec nous. Nous, ce qu'on veut, c'est faire des licences. On ne veut pas interdire l'IA. On est pour. Mais on n'est pas pour qu'elle utilise nos œuvres en captant notre droit d'auteur à leur bénéfice avec nos œuvres.

  • Speaker #0

    Oui, et en plus, après, en balançant des œuvres, enfin des œuvres, des produits sur les plateformes qui diluent complètement le... S'il y a un tiers des œuvres qui est... n'appartient à personne puisqu'elle appartient à l'IA, ça fait qu'il y a trois tiers d'artistes qui sont rémunérés avec deux tiers des droits en fait.

  • Speaker #1

    C'est ça, il y a une dilution. Il y a une dilution terrible.

  • Speaker #0

    Déjà que le prix du stream.

  • Speaker #1

    On est d'accord.

  • Speaker #0

    Comment on vide sa musique aujourd'hui ? Et comment on en vivra demain ? Pour toi, c'est quoi ? Toi qui es au Conseil de l'Innovation, qui j'imagine a donc une idée peut-être un peu plus visionnaire que celle de... du commun des artistes. Comment tu visualises la suite ? Comment tu penses qu'on vit de notre musique et de nos créations demain ?

  • Speaker #1

    Recréer de la valeur. Déjà en respectant, déjà on est très loin de ce qu'on devrait toucher avec le streaming. Parce que c'est un modèle qui a été pensé pour tout sauf pour rémunérer les créateurs. Ils avaient oublié ça. Donc c'est un modèle qui a été déficitaire très longtemps. Ils commencent à gagner de l'argent. Donc chaque année on commence à percevoir davantage sur le streaming. On est encore très loin du compte. Très très loin du compte. Mais c'est de mieux en mieux.

  • Speaker #0

    Mais est-ce qu'il n'y a pas de la pédagogie aussi à faire vis-à-vis du public ? Parce qu'à force de payer 10 balles par mois pour avoir toutes les musiques du monde, la musique n'a plus de... Si elle n'a pas de prix, elle n'a pas de valeur.

  • Speaker #1

    C'est ça. La musique, elle est partout. Aujourd'hui, on a l'impression qu'elle ne vaut plus rien. Et comme tout ce qui est dématérialisé, on a l'impression que ça ne vaut rien. Et aujourd'hui, quand tu t'abonnes et que tout est à disposition des millions de titres, tu ne comprends pas pourquoi ça voudrait quelque chose.

  • Speaker #0

    Puis est-ce que tu les écoutes vraiment encore ? courir une playlist.

  • Speaker #1

    Mais tu sais que 99% des titres qui sont uploadés ne sont jamais écoutés, même le mec qui les a mis en ligne ne les a jamais écoutés. Parce que c'est des millions de titres par semaine. Donc c'est une telle profusion que tout ne peut pas être écouté. Donc là, il y a une énorme dilution. Recréer de la valeur, déjà comme ça, qu'on nous paye quand on utilise nos œuvres, qu'on puisse différencier une œuvre de quelque chose qui n'en est pas, c'est-à-dire d'un produit algorithmique, les gens vont vite s'enlacer. C'est pas si bien que ça.

  • Speaker #0

    Passer le fait que tu aies esbrouffé par dire oh là là ça sonne de mieux en mieux. Quelle est l'émotion humaine ? Quelle est l'expérience humaine que je mets en partage ? Voilà, c'est ça qui touche les gens. Ça peut être une mauvaise chanson, elle te touche. Et puis tu peux faire le produit algorithmique le plus sophistiqué, le plus calculé pour marcher et tu t'en foutras royalement. C'est toute la magie du truc, c'est toute la beauté et tout le mystère des émotions humaines. L'expérience humaine, je pense qu'elle aura toujours une valeur ajoutée supplémentaire. Donc ça, la vraie question qui est au bout de ça, ce n'est pas tellement les prouesses technologiques, ce n'est pas tellement le business va s'arranger. Il faut juste que les gens acceptent de se mettre autour d'une table et de négocier. Pour l'instant, ils ne veulent pas. On va bien convaincre les législateurs de les obliger à le faire, ou eux-mêmes, ils vont avoir besoin de data de qualité. À un moment donné, ils ne vont pas s'entraîner sur eux-mêmes. La vraie question, au bout du compte. C'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, à quoi ça sert.

  • Speaker #1

    Mais est-ce qu'aujourd'hui un public à qui on donne, à qui on donne oui, toutes les musiques pour une bouchée de pain, avec toutes les autres emmerdes que le public a autour de ça, enfin je veux dire c'est toujours comme comparer la fin du monde et la fin du mois, à quel moment cette charge économique elle s'inverse sur les grands géants du streaming et sur le public qui finalement aujourd'hui ne veut plus payer pour quelque chose qu'on lui donne gratuitement ?

  • Speaker #0

    Le lien humain. Aujourd'hui, il y a des tas de gens qui s'abonnent sur Patreon ou qui s'abonnent au site d'artistes parce qu'ils veulent les soutenir, parce qu'ils veulent créer du lien avec eux, parce que c'est important pour eux. Moi, je vais te donner un exemple, c'est celui que j'ai donné aux députés européens. Quand je suis allé pour la première fois au Parlement européen, il y avait des rencontres qui s'appelaient Meet the Author. Moi, je me suis retrouvé en huitième position. Donc, il y avait eu des discours de MEPs polonais, italiens. Français, Allemands, déjà eux-mêmes, les députés avaient parlé. Et quand j'arrive, ils étaient tous sur leur portable. Et là, je dis, bon, je ne veux pas perdre mon temps, tout a été dit. Donc je leur ai dit, écoutez, je vais juste prendre deux minutes de votre temps. Tout a été dit, de façon très claire, très sincère, très juste. Je n'ai rien de plus à ajouter. Je vais juste vous dire une chose, je vais prendre deux minutes de votre temps et je vais vous parler du pouvoir d'une chanson. Souvenez-vous, première pandémie, on était confinés, on était anxieux, des gens mouraient. ne savaient pas ce qui allait se passer, qu'est-ce qu'ils ont fait les gens ? Ils ont ouvert leurs fenêtres, ils ont chanté des chansons ensemble. Vous avez des milliers de ça sur YouTube. Si ça, ça ne vaut rien, si ça, ça ne fait pas commun, si ça, ce n'est pas ce qu'on fait quand on a besoin d'être ensemble, alors qu'est-ce qui vaut quelque chose ? Je n'ai rien de plus à vous dire. L'art, la culture, ça sert aussi à ça. Ça sert à mettre les gens ensemble. Ça sert à avoir la capacité de transmettre et recevoir des émotions. Ça s'appelle l'empathie. Et dans un monde où on remplacerait l'empathie par des produits algorithmiques, Alors moi je suis très inquiet, non pas du monde qu'on va laisser à nos enfants, mais des enfants qu'on va laisser à ce monde. Parce que là on est dans la culture de la satisfaction. Je fais un prompt, donne-moi ce que j'aime, donne-moi ce qui me plaît. Quelle est l'intention derrière un produit algorithmique faire du fric ? Point barre. Prenez un abonnement, abonnez-vous à mon truc, et puis vous aurez ce que vous aimez déjà. Moi des fois je veux qu'on me propose quelque chose que j'aime pas déjà, mais je veux qu'on me dise quelque chose. Je me souviens à l'époque où on achetait des disques, des CD ou des vinyles. Il fallait des fois écouter 10-15 fois le vinyle pour t'apercevoir que la chanson 5, finalement, elle n'est pas si mal que ça. Et puis en fait, finalement, c'est celle que tu préfères. Alors qu'à la première écoute, ça demande d'aller vers l'autre. Ça demande du temps.

  • Speaker #1

    Et tu penses que ce temps-là, on va réussir à le faire reprendre aux gens ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis persuadé que c'est nécessaire.

  • Speaker #1

    Nécessaire, oui. Mais possible ?

  • Speaker #0

    Oui. Il suffit de législater. Il suffit de demander aux législateurs, déjà. d'imposer certaines règles, des règles de droit. Nous avons un droit, la propriété intellectuelle, le droit d'auteur, qui nous a été confisqué par des gens qui veulent faire du profit avec nos œuvres. Quand dans une démocratie, on confisque un droit à une communauté, à des citoyens, à des artistes, pour faire du profit de façon extrêmement cynique et violente, c'est quoi le prochain droit ? Quel est le prochain droit qui va tomber ? Voilà ce que je pourrais essayer de... Transmettre à travers ce podcast, c'est à quoi ça sert l'art, à quoi ça sert la culture, dans quel monde avons-nous envie de vivre ? Vous avez des multiples petites pratiques. Je décide de payer ma musique, je décide de ne pas financer des produits algorithmiques. On peut y aller par curiosité. Je décide de faire attention à ce que je mange. Parce qu'attention, tout ça, ça a un coût écologique catastrophique. Le coût écologique pour le stockage est catastrophique. Il faudrait construire des dizaines de centrales nucléaires. Je vous rappelle qu'on en a quatre à l'arrêt. Aux États-Unis, il y a des villes qui n'ont plus d'eau et qui n'ont plus d'électricité parce que tout a été préacheté par les data centers. Et ça ne suffit pas. Donc il y a un moment donné, il faut peut-être réserver l'intelligence artificielle à ce qui est vraiment utile pour la médecine, pour la société, pour la sécurité. Et puis quand ce n'est pas nécessaire et que c'est que pour faire du fric, on considère peut-être que pour que ces gens s'enrichissent un milliard, Ils peuvent peut-être essayer de trouver quelque chose de plus utile qu'à faire qu'à piller les artistes et à affaiblir l'apport essentiel de la culture à l'éducation, au vivre ensemble et à l'humanité. À nous de le mériter, à nous de faire des choses qui soient sincères, qui soient joyeuses, qui soient humaines. Avant tout, il faut qu'on se repose la question, nous, de la place de la culture, de la place de l'art. Et nous, qu'est-ce qu'on a à dire là-dedans ? et regarde bien de quoi on a parlé depuis le début de ce podcast les chansons qui restent, c'est celles qui disent quelque chose les autres on n'en a pas parlé et je ne m'en souviens même pas, les chansons qui restent c'est celles qui mettent en partage c'est celles qui disent quelque chose de nous qui disent quelque chose, qui nous parlent qui nous accompagnent, c'est la bande son de la vie des gens et moi je suis très fier quand j'ai une chanson qui n'a pas beaucoup marché ça m'est arrivé en étant dans un salon du livre il n'y a pas longtemps j'ai dédicacé mon roman d'avant et il y a J'étais tellement jeune homme, il devait avoir 35 et 40, qu'il vient me voir et il me dit « Mais vous écrivez pas des chansons ? » Je dis « Si. » « C'est pas vous qui avez écrit Le Mal par le Mal pour Fred Blandin ? » Je dis « Si. »

  • Speaker #2

    C'est pas la première fois, c'est pas la dernière fois non plus, mon vieux, que je soignerai comme ça, Le Mal par le Mal.

  • Speaker #0

    Il m'a dit, vous savez cette chanson, je l'écoutais en boucle dans un moment très difficile de ma vie, une rupture, et cette chanson ça m'a vraiment aidé. Je m'étais toujours dit que si un jour je vous rencontrais, je vous le dirais. Voilà, c'est fait. Et je lui ai dit, vous voyez, c'est arrivé à destination, mais ça veut dire que ma chanson aussi est arrivée à destination. Parce que si cette chanson, elle vous a tenu la main dans un moment difficile, qu'elle vous a aidé à le passer, moi je suis payé. Moi c'est pour ça que je fais ce métier. C'est ça cet engagement. C'est cet engagement humain. Et ça, ça vaut quelque chose. Ça mérite les sacrifices, ça mérite les fois où je n'ai pas pu payer mon loyer, les fois où je me suis retrouvé à la rue, les fois où j'avais les huissiers, beaucoup de fois, avec les enfants au rond d'oignon derrière. Bon voilà, c'est des fois le prix qu'on accepte de payer pour ça. Et ça, c'est important parce que les gens ne voient jamais ça derrière. On voit que le réussite, les tubes et machin. Mais pour faire un tube... Oui,

  • Speaker #1

    mais à l'heure justement où aujourd'hui, à travers les réseaux sociaux, beaucoup, chacun se dévoile, se met à nu, peut-être qu'il serait judicieux de parler aux gens de la vraie vie des artistes et des créateurs et de ce qui se passe derrière, en fait. Parce que la plupart des gens pensent qu'à partir du moment où tu es auteur, ça va, tu as l'assassin, tu as les droits d'auteur, c'est bon, tu es blindé. On sait bien, nous qui voyons ça de très près, que ce n'est pas vrai pour beaucoup, beaucoup de créateurs qui sont ici. une poignée de gens qui s'en sortent encore, mais...

  • Speaker #0

    C'est de plus en plus difficile.

  • Speaker #1

    De plus en plus dur, même pour ceux qui font des chansons qui marchent, parce que finalement, un million de streams, ce n'est pas un million de disques en termes de droits d'auteur.

  • Speaker #0

    Loin de là.

  • Speaker #1

    En tout cas, je retiens ton optimisme sur le lien humain et le partage, qui pour toi est l'essentiel et qui devrait prévaloir surtout, mais je crois qu'il faut aussi faire un vrai travail de communication pour diffuser cet optimisme. Et ça vaut quelque chose. Je crois qu'il faut en parler.

  • Speaker #0

    Oui, il faut en parler, et il faut faire en sorte que ça vaille quelque chose. Et puis, c'est le principe de la gestion collective. On n'a pas eu l'occasion de beaucoup parler de l'Assasem, mais l'Assasem, c'est une société de gestion collective. C'est un collectif qui s'est créé en 1851. C'est parti d'une bagarre dans un café. Pour vous dire que le droit d'auteur, c'est toujours un combat, et ça a toujours été un combat. L'Assasem, ça commence dans un café-concert. qui s'appelait Les Ambassadeurs. Et donc il y avait un petit orchestre avec une chanteuse. Et puis dans les gens qui dînaient, il y avait deux compositeurs, un auteur. Et quand le patron émet de l'édition, il dit « ben non, on ne paye pas » . « Ben on ne paye pas, vous avez joué nos chansons et nous on n'a pas été payés » . Le ton monte, ça se termine en bagarre au poste. Ils appellent leur éditeur et ils décident d'être, comme ils sont poursuivis pour Grivellerie, ils attaquent sur le principe de beau marché, de la propriété intellectuelle. Ils gagnent. Et donc ils montent un syndicat. Donc au début, la CSM c'est un syndicat. Ils fédèrent d'autres gens. Et puis au bout de quelques années, ça devient une société. des auteurs, des compositeurs, des acteurs qui sont tous un peu comme une mutuelle. Et c'est la même société que vous avez aujourd'hui. La même société dont je suis administrateur, je suis un auteur élu pour participer à la gestion de la société sur un mandat de trois ans, etc. Mais c'est à nous, c'est pas l'État, c'est une société privée, pardon, à but non lucratif, en dehors des frais de fonctionnement, tout est reversé, chaque centime est reversé à ses membres en fonction des passages, des machins, des trucs. Et c'est ça le principe de la gestion collective, c'est que c'est notre maison. Et qu'ensemble, on collecte et on répartit nos droits. Et accessoirement, on les défend. C'est ça la SACEB. Et c'est pour ça qu'on est là et que je suis très heureux de vous accueillir ici, dans cette maison qui est, si vous êtes auteur, compositeur ou éditeur, c'est votre maison.

  • Speaker #1

    Et on y est très bien. Et je vais finir donc avec la dernière question que je pose à tout le monde. Tout à l'heure, tu disais qu'il y avait plein de choses bien qui se faisaient aujourd'hui et je suis tout à fait d'accord. Et tu disais qu'il fallait un peu parfois chercher pour trouver des trucs à découvrir et à écouter. Est-ce que tu pourrais nous recommander un, deux, trois artistes francophones ? Je dis francophone, en général, je dis français, mais comme toi, tu connais aussi beaucoup d'artistes québécois ou cajuns. Voilà, un, deux ou trois artistes francophones qui seraient peut-être boudés par les algorithmes et qui mériteraient vraiment qu'on aille les rencontrer.

  • Speaker #0

    Je vais en donner deux. Je vais donner une fille et un garçon, tiens. J'ai une jeune fille qui s'appelle Jansi, J-A-N-S-I. Je le dis comme ça, qui est dans le sud-ouest.

  • Speaker #3

    Je suis une fille sage, je fais tout pour plaire à ceux que j'aime, à ceux que j'aime pas. Je supporte pas qu'on m'aime pas, je reste plantée là à faire ce qu'on m'a appris. Surtout, je lâche pas prise, je dors huit heures par nuit. J'ai jamais fait de bêtises, avec la tisse j'y vais tout doux. J'ai jamais fumé de weed, j'ai jamais fumé tout court. Ah oui, aussi, je fais de la méditation, je gère mes émotions, je contrôle ma communication.

  • Speaker #0

    Et je trouve ça super bien foutu, il a des super beaux textes. C'est... Je la suis depuis un moment, j'aime bien écouter, je trouve que c'est quelqu'un qui a une vraie originalité, c'est la chanson. Mais c'est malin, c'est pétillant, c'est intelligent, c'est sensible, je trouve ça très très bien, et tout jeune. Et puis il y a un garçon qui s'appelle Chaco, que tu connais peut-être, qui a une super voix et qui fait des très très belles choses.

  • Speaker #4

    La vieille parade sur les façades de nos espérances Ça c'est des gens que j'écoute en

  • Speaker #0

    ce moment, que j'ai découvert. Et franchement, je trouve que justement ça c'est un des bons trucs des réseaux sociaux, une des bonnes choses dans les réseaux sociaux, c'est de pouvoir découvrir des gens qu'on ne découvrirait pas. forcément autrement non plus. Donc ça, c'est bien. Si on est curieux, encore une fois, je pense qu'il faut être curieux. Je crois que c'est une grande qualité dans nos métiers et dans la vie en général d'être curieux. Donc moi, j'essaie d'être le plus curieux possible. Merci de m'avoir reçu. Merci beaucoup de ton accueil ici.

  • Speaker #1

    En plus.

  • Speaker #0

    Dans notre maison commune.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Brice. Un engagement militant, une curiosité sans borne et surtout un optimisme lucide à toute épreuve. De la chanson au roman en passant par le scénario, un seul maître mot, le cadeau. Le lien, l'expérience humaine qu'on met en partage. Nos talents et la force du collectif pour redonner de la valeur à l'art. Finalement, est-ce que ce n'est pas ça notre plus belle arme pour sauver le monde ? Je vous laisse avec cette réflexion et pour ceux qui rêvent de Louisiane, Quelque chose comme de l'or, le dernier roman de Brissoms, est disponible aux éditions Calman-Levy. Merci beaucoup d'avoir écouté cet épisode. S'il vous a plu, faites le découvrir à vos amis en le partageant sur vos réseaux ou laissez-nous une note ou un commentaire sur votre plateforme d'écoute favorite. Et n'oubliez pas de vous abonner pour ne manquer aucun épisode. Vous pouvez aussi vous abonner à notre playlist sur la chaîne YouTube Providence Prod et sur les plateformes d'écoute. Enfin, rejoignez-nous sur le compte Instagram Providence.prod et faites-nous part de vos coups de cœur qui rejoindront peut-être la playlist. Merci beaucoup à Ruben MG pour l'habillage musical de ce podcast. Et puisque la musique, ça se partage, en attendant le prochain épisode, parlons chansons.

Share

Embed

You may also like