Speaker #0Je m'appelle Elisabeth, j'ai 28 ans et je suis éducatrice spécialisée dans le secteur de la santé mentale. J'ai reçu mon diagnostic de psoriasis en 2009 et j'avais 14 ans. En 2005, j'ai alors 10 ans et une plaque apparaît sur ma cuisse. Il faut savoir que je n'ai pas un très grand gabarit, donc la tâche est quand même assez importante. Elle est sèche, elle désquame aussi et on se pose des questions parce que personne dans ma famille n'a ce type. de problèmes de peau. Et donc, on va s'orienter vers un dermatologue qui dira que c'est peut-être un eczéma, c'est peut-être un urticaire, et qu'il faut bien hydrater sa peau et que ça partira. Effectivement, la plaque, elle part. Et au bout de quelques mois, elle disparaît complètement. Ma mère hydrate tous les soirs cette plaque. Et elle finit par disparaître. En 2007, alors j'ai 13 ans, et de nouvelles plaques apparaissent. Cette fois-ci, elles sont au niveau des coudes et des genoux. C'est des plaques sèches qui désquamment un peu. la peau s'enlève et de nouveau on s'oriente vers un dermatologue pour savoir ce que c'est. Il ne me dit pas au premier abord ce que c'est. Il dit que c'est peut-être de l'eczéma, il faut continuer à mettre de la crème. Ce que je fais, la crème assez grasse d'ailleurs, qui n'est pas très agréable, mais les plaques ne disparaissent pas et elles restent. De façon en plus bilatérale, des deux coudes, des deux genoux, le temps passe comme ça et je commence mon adolescence avec ces plaques sur le corps. L'année 2009, je décide de revoir un nouveau spécialiste, donc un nouveau dermatologue, qui semble un peu plus spécialisé dans les problèmes de peau. Et c'est lui qui me posera mon diagnostic de psoriasis. Il m'explique très bien ce que c'est. Et la première information, c'est que c'est chronique et que c'est incurable. Sur le coup, je suis soulagée en fait. Je suis soulagée parce qu'enfin je sais ce que c'est. Je peux avancer avec de nouvelles informations, donc je pose beaucoup de questions. J'essaye de me renseigner au maximum auprès du praticien, des associations, mais en même temps, il y a ce côté, c'est incurable et je vais vivre avec toute ma vie. Le dermatologue m'explique qu'il n'y a pas un psoriasis, mais du psoriasis, et que c'est vraiment propre à chacun, et que le mien, c'est un psoriasis en plaques. Pour le moment, en tout cas, je savais que j'avais un espoir de traitement. Les premiers traitements qui sont proposés, ce sont essentiellement des crèmes, des crèmes assez grasses d'ailleurs, qu'il faut s'appliquer matin et soir, préférentiellement le soir parce que du coup ça agit toute la nuit. Et j'ai eu des crèmes, par exemple, au goudron. Donc ça sent très fort, c'est très gras, c'est très inconfortable aussi parce que j'ai 13, 14, 15 ans et je m'étale ça sur le corps. Au niveau de la confiance en soi, c'est pas top. Donc je continue ce traitement, mais on voit qu'il n'y a aucune efficacité derrière. J'ai ensuite testé des traitements oraux. Donc c'est des médicaments à prendre tous les soirs. C'est utilisé dans le cadre de greffes pour paquets de rejets. Donc c'est quand même un traitement lourd. Dans mon cas, les effets n'ont pas été se compter. Au fil du temps, c'est aussi très compliqué. C'est un peu un processus de deuil, le deuil d'une partie de soi, d'avoir une peau un jour qui sera nette et qui n'aura aucune plaque. C'est un processus long, qui prend du temps et qui est un peu propre à chacun également. Dans mon processus personnel, je me suis très vite dit que le regard des autres n'allait pas me soigner. C'est pas lui qui allait me guérir. Et je pense que ça m'a aidée dans ma résilience et mon rapport à mon corps aussi. C'est pas le regard des autres qui fait tout. En 2011, on se rend compte que tous les traitements que j'ai pu faire jusqu'à présent étaient inefficaces. Et mon dermatologue me propose un immunosuppresseur, qui est une solution injectable. Donc je devrais m'injecter dans la cuisse ce traitement. Et on m'explique que ce médicament, dans mon cas, pourrait avoir une efficacité presque totale, voire me mettre en rémission. Ce nouveau traitement, c'était une biothérapie. Durant mon adolescence, mon père qui a pris en charge mon traitement, donc c'est lui qui me faisait mes injections. Surtout parce que j'avais peur aussi de lâcher l'injection et de mal la faire en fait. Avec les années qui ont avancé, j'ai dû prendre en charge moi-même mon traitement. C'est-à-dire que j'ai planifié mes rendez-vous médicaux, j'ai fait mes injections. Il y a cette charge mentale qui arrive de se dire, si je pars en vacances telle date, je dois prévoir justement mon traitement en fonction de ça. Ce nouveau traitement est très efficace et me met en rémission totale. Je n'ai plus aucune plaque sur le corps. Le fait que je n'avais plus de plaque pendant cette période de rémission faisait que c'était aussi très compliqué vis-à-vis des autres de pouvoir expliquer Bah non, en fait, je suis malade, mais là, ça se voit pas pour le moment. Et les gens, ils comprennent pas trop. Ils disent Ah bon, mais qu'est-ce que t'as ? Et moi, je suis là, j'ai normalement des plaques sur le corps, mais là, j'en ai pas. Et donc, c'est pas facile d'expliquer aux gens quand ils ne voient pas, en fait. Le fait de ne plus avoir de plaques aussi, c'est quelque chose de... On a un peu l'impression d'être un imposteur. Je suis quelqu'un qui est malade et en même temps, au regard des autres, je le suis pas. Le psoriasis, c'est pas que cutané. C'est aussi de la fatigue. Oui, c'est pas... pas que visible et ça, beaucoup de gens l'oublient aussi. En 2018, avec mon dermatologue, on se rend compte que mon traitement perd son efficacité et de nouvelles plaques apparaissent. J'ai toujours au coude et au genou, mais j'ai également maintenant au cuir chevelu et un petit peu un goutte sur tout le corps. Ça nous pousse à me réorienter vers une nouvelle molécule. Cette nouvelle biothérapie est tout aussi efficace que la première. Je continue à me faire les injections. Elles sont moins douloureuses d'ailleurs, ce qui facilite aussi le fait que je vais prendre moi en charge ces injections et que je vais me les faire moi-même à partir de ce moment-là. Ce nouveau traitement est très efficace, mais à 26 ans, j'ai aussi ce désir de voir comment mon corps évolue, comment mon psoriasis a évolué. Après 7 ans sous traitement, j'ai ce désir et je suis accompagnée justement par mon dermatologue. Pour un arrêt thérapeutique qui sera vraiment d'un comme un accord, lui de son côté analyse mon dossier, moi j'ai ma demande et on tombe sur un accord là-dessus, on fait un arrêt de 6 mois. Cet arrêt je le vois aussi comme une volonté de ma part de me réapproprier mon corps, mon entourage quand je leur... explique que je veux faire un arrêt de traitement, trouve un peu l'idée folle. Pourquoi arrêter un traitement qui marche alors que tout va bien ? Pourquoi ? Et c'était vraiment cette volonté-là que j'avais de je veux me réapproprier mon corps et une partie de moi. Et j'avais peut-être cette vision de et si je pouvais vivre sans traitement et quand bien même j'aurais des plaques, comment je pourrais réagir ? Comment je pourrais vivre avec tout simplement ? Peut-être d'une manière dite normale. Avec mon dermatologue, on se fixe alors six mois d'arrêt, avec entre les deux, au bout de trois mois, on se reverra une fois et on fera un peu le point sur la situation. Les trois premiers mois se sont passés super bien, donc les plaques n'étaient pas revenues et je vivais vraiment très bien. Donc on se rencontre, on évalue la situation et pour lui, on peut continuer cet arrêt. Et moi, je suis très contente. Je me dis que je ne vais plus avoir de traitement et voilà. Seulement, la semaine d'après, j'ai vu quelques plaques qui revenaient. Et ça a fait que monter crescendo et malgré les traitements topiques, ça n'a fait qu'augmenter jusqu'à atteindre presque 90% de mon corps. Ça a commencé à devenir problématique cet arrêt de traitement au niveau professionnel parce que j'en avais énormément sur les mains et je suis quand même amenée à toucher énormément de choses. Je travaille dans le secteur de la santé, donc je devais porter des gants. Et en tant qu'éducatrice, ce n'est pas dans mon habitude justement de porter des gants. Je trouve que c'est un frein à la relation même. Et là, j'y suis un peu obligée parce que j'ai aussi cette crainte pour moi que si j'ai une plaie ouverte, je sois exposée à une infection ou quelque chose. Donc voilà, ça me pose problème parce que ce n'est pas dans ma philosophie de travail de devoir me protéger en fait de l'autre. Mon travail est très humain et se veut humain justement. Dans mon entourage, beaucoup de personnes ne savent pas non plus ce que c'est le psoriasis. Donc quand je leur explique que j'ai un psoriasis, je me sens aussi un peu missionnée de devoir leur expliquer ce que c'est, parce que justement ils ne connaissent pas. Et c'est aussi une des volontés que j'ai, que les gens puissent connaître, puissent s'informer. Et je suis un peu chargée de ça, alors de leur expliquer, parfois de leur montrer aussi. Un aspect méconnu du psoriasis et de ses traitements, c'est le désir de grossesse, qui n'est pas toujours compatible avec un traitement. C'est une question. qu'on finit par se poser justement de est-ce que mon choix m'appartient toujours ou non ? Et si oui, on laisse peu de place à l'imprévisible. C'est-à-dire que si je veux un jour avoir un enfant, je devrais en informer mon médecin et attendre quelques semaines pour avoir une grossesse qui se passe au mieux et où il n'y aura pas de risque pour l'enfant. J'étais avec mon compagnon depuis déjà quelques années et lui ne m'avait jamais vue avec du psoriasis. Il ne savait pas comment ça pouvait se traduire sur mon corps. Et c'est vrai que... quand il n'y a plus de rémission, il faut aussi que moi, je me réapproprie mon corps, mais que lui aussi puisse m'imaginer avec des plaques et me voir et pouvoir l'accepter. C'est quelque chose, dans le couple en tout cas, qui se fait à deux, je pense. Moi, je dois lui expliquer et lui doit pouvoir comprendre. Dans mon cas, je pense que ça a été facile parce qu'on a toujours été très ouverts sur le sujet. J'ai toujours dit que j'étais malade. Il m'a vu me faire mes injections. Donc, il était au courant. Mais je pense que... Au bout de plusieurs mois d'arrêt, quand les plaques sont arrivées à un certain stade, lui aussi m'a dit il faut reprendre ton traitement Au bout de six mois d'arrêt, je me rends compte que mon psoriasis a pris une telle importance sur mon corps que je n'ai pas d'autre choix que de reprendre un traitement. Et mon dermatologue alors m'explique les champs possibles. au niveau des traitements. Il m'explique également que je ne peux pas reprendre l'ancien, qui était pourtant très efficace, parce que mon corps a fait des anticorps justement avec cette molécule. Et on discute d'une nouvelle molécule qui pourrait me mettre en rémission totale, comme les précédentes. On se donne toujours rendez-vous tous les trois mois quand je teste un nouveau traitement. Et au bout de trois mois, là je me rends compte quand même que je suis fort malade, que j'ai des ganglions très inflammés, que j'ai beaucoup de fièvre. Mais au bout de trois mois, on se dit, ben voilà, c'est nouveau, le corps, il doit s'habituer. Et donc, je continue trois mois supplémentaires. Et là, on se rend compte qu'il y a aussi des symptômes digestifs qui sont arrivés. Et là, mon dermatologue stoppe le traitement. Il me dit que je ne peux pas le prendre parce que les effets secondaires sont trop importants. Comme le psoriasis est propre à chacun, chaque traitement aussi atteint les personnes différemment. Dans mon cas, ce traitement était plus à mon désavantage. Il entraînait... plus d'inconvénients qu'ils n'apportaient de bénéfices. Aujourd'hui, je suis de nouveau en arrêt de traitement. Mon psoriasis évolue lentement parce que la molécule est toujours active dans mon corps. Ça ne fait que trois mois. Mais j'attends de voir comment il va se manifester à nouveau. Est-ce que ça sera plus fort qu'avant, moins fort ? J'ai toujours espoir, de toute manière, qu'il y aura un traitement par la suite qui m'attend si jamais j'en ai besoin. Le fait qu'il n'y ait pas un, mais des psoriasis, c'est aussi que le champ des traitements est beaucoup plus large. Et donc, d'une personne à l'autre, c'est parfois... Un long chemin avant de trouver un traitement efficace qui nous convienne, que l'apport bénéfice-risque soit bon. C'est pour ça que j'ai toujours espoir qu'il y ait toujours de nouvelles possibilités derrière. Cet arrêt de traitement, je le vois, c'est un peu une incertitude. Je ne sais pas vers où je vais, je ne sais pas comment je vais pouvoir le vivre, que ce soit d'un point de vue relationnel, professionnel. Donc je me laisse vraiment guider par ma peau et je vois comment ça évolue. et de toute façon je sais que derrière j'ai toujours ce filet de sécurité médical qui est là, qui est celui de me dire j'ai un traitement qui m'attend si ça ne va pas. Le message que je voudrais passer à d'autres patients qui ont du psoriasis, ça serait de toujours garder espoir et peut-être se tourner vers d'autres personnes qui sont atteintes également. Pour ma part, les associations m'ont beaucoup aidée, j'ai beaucoup discuté et les informations passent beaucoup mieux par eux aussi. Moi, ce qui m'a fait beaucoup de bien, c'est aussi de rencontrer d'autres personnes qui avaient du psoriasis. Et donc d'en discuter, de se dire, en fait, je ne suis pas seule. J'ai eu la chance dans mon parcours aussi de rencontrer un dermatologue qui a vraiment été toujours à mon écoute, qui a toujours cherché une solution, qui était vraiment disponible. Et je pense que le lien qu'on a pu avoir et qu'on a toujours est de se dire, on se fait confiance mutuellement. On ne sait pas vers où on va parce qu'on ne sait pas comment le psoriasis va réagir, mais on va se faire ce chemin-là ensemble. Derrière, il y a toujours de l'espoir et moi en tout cas j'ai envie d'y croire.