Speaker #0Je m'appelle Sébastien, j'ai 35 ans et je souffre de colitis ulcéreuse depuis de nombreuses années. Les premiers signes chez moi apparaissent à l'âge de 12-13 ans. C'est les saignements en fait qui apparaissent. Les signes sont assez alarmants même si on n'a pas vraiment la faculté, on va dire, de pouvoir interpréter correctement les signes puisque à cet âge-là on n'est pas encore assez mûr pour avoir un vrai raisonnement en tant qu'adulte. La première réaction, c'est la panique. On a peur, on se demande ce qui se passe. Et ensuite, on cherche de l'aide, simplement. Donc un jour, je prends à part ma maman et je lui dis, je saigne. À ce moment-là, ça a été assez clair quand même, parce qu'il y avait un petit antécédent familial du côté de mon papa, qu'il y avait déjà eu une fissule anale. Donc elle n'a pas été très alarmée sur le moment même. Elle a tout simplement pris rendez-vous là où mon papa avait déjà été opéré pour pouvoir voir de quoi il en retournait. Donc le jour où j'arrive chez le médecin, je lui explique les différents symptômes, notamment les faux besoins. Donc les faux besoins, c'est cette faculté qu'a la maladie en réalité de nous imposer régulièrement, parfois jusqu'à 10-12 fois par jour, d'aller aux toilettes sans toutefois avoir de réels besoins à ce moment-là. Et donc... Le médecin va investiguer un peu plus, parce que c'est des symptômes qui sont propres à la rectocolite ulcéreuse et non pas à une fissule anale. Donc à ce moment-là, le médecin sait tout de suite quoi faire pour investiguer et il programme donc l'endoscopie. On nous endort quasiment tout de suite et on se réveille en salle de réveil. Donc c'est quand même assez... je veux dire, tout se passe assez vite. Donc à la visite du médecin dans la chambre, il m'annonce tout simplement que... J'ai une rectocolite ulcéreuse. Sauf qu'avec mes 12 ans en bandoulière, moi je ne sais absolument pas ce que c'est. Une rectocolite ulcéreuse, mes parents non plus, puisque c'est un mot qu'on entend tous pour la première fois. Donc on se pose plein de questions à ce moment-là. On se dit qu'est-ce que c'est ? Est-ce que c'est grave ? Est-ce que c'est mortel ? C'est un état de stress. Sur le moment même, on ne réagit pas. On est un peu hébété, on regarde autour de soi, on garde les repères. Moi je stresse, mes repères stressent, en l'occurrence mes parents. Donc on est tous un peu dans une espèce de vague, à se demander ce qui se passe et en n'obtenant pas de réponse tout de suite. Donc le médecin propose à ce moment-là un traitement, que je suis scrupuleusement. Mais le traitement n'aboutit pas à lui-même, à un résultat concret. C'est toujours les mêmes poussées, les douleurs, les saignements. On est toujours au même stade, en fait. Sur le plan scolaire, je maintiens toujours ma ligne directrice, à savoir être présent, faire ce qu'il y a à faire, et malgré tous les différents symptômes, être toujours au mieux de ma forme, si j'ose dire. J'utilise en fait des stratagèmes pour essayer toujours d'éviter le regard, d'éviter qu'on puisse mettre le regard et me dire Tiens Sébastien, où est-ce que tu vas ? C'est la deuxième fois que tu vas aux toilettes. Il y a vraiment... Un stratagème qui est mis en place pour essayer d'être toujours sur la même ligne directrice et qu'on ne puisse pas pointer le doigt ou le regard sur moi. On a peur d'être jugé, on a peur d'être catalogué, donc on essaye toujours finalement de se cacher. Sur le plan médical en lui-même, je vais beaucoup moins bien, étant donné que le premier traitement ne donne pas les effets escomptés, et sur la durée, forcément, puisque plus il y a de saignements, plus le fer diminue, plus la vitamine D diminue, et l'organisme n'arrive pas à régénérer la perte de sang. Je suis vraiment arrivé à ce stade-là. Donc ça veut dire que malgré le traitement qui est mis en place, ça ne suffit pas. Par rapport à la situation, vu qu'elle ne s'améliore pas, on se dit qu'il faut trouver vraiment une solution qui permette de stabiliser la maladie, parce que la guérir, on savait bien que ce n'était pas possible. Donc à ce moment-là, on prend la décision, via mon médecin traitant, de consulter un autre gastro-entérologue. Ce gastro-entérologue va dire... Il faut adapter le traitement en fonction des symptômes. On ne peut pas guérir la maladie, mais tout au plus, il faut absolument faire en sorte que le traitement stabilise la maladie pour pouvoir avoir enfin une vie correcte. À ce moment-là, le médecin me donne un traitement plus conséquent. à savoir principalement des hautes doses de cortisone, ce qui va faire immédiatement la différence en fait, parce que la cortisone stabilise presque instantanément la maladie. Elle va se mettre dans une forme de sommeil, c'est-à-dire que je vais récupérer une vie à peu près normale. Maintenant il y a des effets secondaires à tout ça, c'est notamment via la cortisone, donc la prise de poids. Je vais gonfler, elle est littéralement gonflée, il y a quand même une grosse prise de poids. Il y a cette fatigue aussi qui va se faire de plus en plus présente. C'est une fatigue qui va être récurrente, quotidienne, tous les jours, liée aussi au fait de devoir se lever, d'aller à l'école. C'est un des symptômes qui est le plus handicapant dans cette maladie et qui est la plus récurrente dans cette maladie. En tout cas pour moi personnellement, c'est vraiment celle qui a la première place dans la liste des symptômes. C'est assez abstrait cette fatigue parce qu'on a l'impression qu'elle n'est jamais stoppée en fait. Grâce à ce deuxième traitement, il y a une stabilisation de la maladie. Donc là, je vais pouvoir réellement commencer à pouvoir mettre ma vie en avant, commencer les études, les terminer avec succès et commencer une vie professionnelle active. Ça va être un peu la consécration au bon moment, parce que c'est le moment où je me lance dans les études, dans le travail et ça va me permettre d'avoir enfin une stabilité par rapport à la maladie. Donc tout doucement je rentre dans la vie active, je rencontre à ce moment là donc ma future épouse qui habite en France. Nous y mettons le projet donc de nous installer tous les deux en France. Et lorsque nous vivons en France, je fais le nécessaire pour transférer mon dossier médical. Je suis un des confrères en France étant donné que ma maladie... Ce n'est pas sur le long terme naturellement, donc je suis à même d'envoyer le dossier via un confrère pour faire en sorte que ma maladie soit suivie. Et je le fais d'autant plus facilement que ma femme est infirmière et qu'elle m'aide à effectuer les démarches médicales. Donc quand j'arrive en France, je suis revictime de la maladie, c'est-à-dire qu'elle se réveille. Après bien des années où j'étais en paix avec cette maladie, elle se réveille. Quand la maladie se réveille, elle peut être particulièrement virulente. Mentalement c'est très compliqué à partir du moment où la maladie après surtout une longue période d'inactivité se remet en activité parce qu'on a presque un peu oublié on se dit non elle n'a pas disparu elle faisait juste dodo maintenant elle est là elle est de retour Comme je suis en France je suis pris en charge à ce moment là par un médecin français qui tout de suite prend les choses en main, prise de sang, programmation d'endoscopie, tout se met en place très rapidement et elle fait particulièrement bien les choses. Il y a vraiment un réel suivi qui est mis en place, d'une part pour bien confirmer que la maladie est de nouveau en activité et d'autre part de proposer un nouveau traitement étant donné que via les longues années de quiétude de la maladie, à ce moment-là, elle prévoit. Un traitement assez costaud étant donné que la maladie est revenue surtout de façon très très forte. En fait le traitement qu'elle met en place ce sont des immunosuppresseurs qui sont très répandus dans la maladie au niveau des traitements. Ils permettent de faire en sorte que l'immunité baisse, mais de mettre en sommeil la maladie, puisque le principe de la maladie, c'est principalement d'attaquer les intestins via les défenses immunitaires. Donc dans les premiers jours, par rapport au traitement, on a une petite phase d'adaptation, parce que le traitement lui-même va engendrer beaucoup de fatigue. Mais sur le plan des symptômes, il y a une réelle amélioration. C'est-à-dire que tous les symptômes liés à la maladie vont réellement être stoppés. C'est-à-dire que... Les faux besoins vont disparaître, les douleurs vont disparaître. Il y a vraiment une véritable stabilisation via ce nouveau traitement qui est mis en place. Depuis 20 ans maintenant, c'est le même traitement qui maintient enfin ma maladie sur un stade correct. Et c'est le traitement qui a permis vraiment de maintenir ma vie à flot depuis 20 ans maintenant. Donc ça demande une certaine hygiène de vie pour ne pas oublier, faire en sorte que la vie privée, la vie professionnelle, soit en adéquation aussi via ces fameux rendez-vous, puisque c'est des hospitalisations de journée qui durent toute une matinée. Les moments de crise à l'heure actuelle sont quasiment inexistantes, ou alors par petits à coups. Parfois il y a une légère rechute, en fait. Je n'ai plus jamais eu vraiment de pic aussi violent que dans les premières années de la maladie. Ce qui fait quand même que moi je parle d'un calme dans la maladie parce que même s'il y a eu de légers pics à certains moments, la maladie est quand même maîtrisée. A l'heure actuelle, le plus difficile dans cette maladie, c'est de conjuguer en fait l'effet fatigue qui est quand même permanent avec la vie personnelle, la vie professionnelle et de s'organiser dans la vie de tous les jours en fait. Je dois me lever pour aller au travail, je dois travailler à la maison. Je dois gérer ma petite famille. Donc, comment faire en sorte, finalement, de pouvoir accorder cette maladie avec une vie active ? Je travaille, je dois me lever tôt. Je dois en fait m'accorder du temps. J'ai la faculté de dire, voilà, stop. Là, il faut que je m'arrête. Je dois prendre une heure, une heure et demie pour me reposer, pour éviter de trop marcher sur moi-même et d'arriver en fin de journée complètement excédé. Au niveau familial, il y a eu une petite adaptation parce que de tout temps j'ai toujours été celui qui ne montrait pas la maladie en fait. Moi j'ai toujours été quelqu'un comme ça, c'est mon tempérament et puis à partir du moment où j'ai dit stop, il faut que je m'arrête, il faut que je prenne une petite pause, ça a été un peu difficile au niveau de la famille parce que je ne faisais jamais ça auparavant. Donc on s'est posé des questions à ce sujet-là. Tiens, qu'est-ce qui lui arrive finalement ? Mais en fait, il n'y arrivait rien de plus que ce qui arrivait avant. C'est plutôt moi qui maintenant ai compris que je dois m'imposer du temps à moi-même et m'accorder une certaine discipline aussi par rapport à la maladie. Maintenant, si j'ai possibilité, par exemple, de ne pas aller chercher le petit à l'école, c'est mes parents qui vont chercher le petit à l'école et puis moi je rentre à la maison et je vais me reposer. Chose que je ne m'accordais pas auparavant. Donc ça veut dire qu'il faut vraiment s'imposer une certaine discipline dans le fait d'écouter son corps. Parce que c'est toujours le corps qui a raison en premier. J'ai mis beaucoup de temps à l'accepter et à le comprendre, mais aujourd'hui on est à un stade où on doit écouter son corps. Donc ça veut dire que quand on écoute son corps, on doit pouvoir mettre de côté certaines choses, certains rendez-vous, certaines activités, et pouvoir dire voilà, maintenant pendant une heure je suis tout seul, je vais être tout seul et je me repose. L'avenir concernant le traitement qui est mis en place, c'est qu'on attend en fait, on attend un peu une solution, pas miracle je vais dire, mais d'avoir vraiment un traitement qui va enfin venir, peut-être pas guérir, je pense pas qu'on va avoir cette prétention là, mais de se dire qu'on va enfin avoir quelque chose qui va réellement avoir un impact suffisamment fort pour ne plus du tout... avoir tout le côté handicapant de la maladie.