Speaker #0Je m'appelle Kevin, j'ai 37 ans, je suis ouvrier. Je suis atteint de migraines chroniques depuis 5 ans. On va dire qu'au tout début, j'ai commencé à avoir des migraines au... quotidien, petit à petit. Et plus les années ont passé, plus je suis monté dans l'âge, plus j'ai passé une étape où je l'avais tout le temps. Ce qui s'est passé, c'est que le fait d'avoir constamment mal, j'ai commencé à avoir le comportement plus irritable. J'étais désagréable, tout le temps énervé, fatigué. Donc du coup, j'ai commencé à devenir méchant. Avec tous ceux qui m'entouraient alors qu'au final c'était pour essayer de m'aider, c'était difficile de faire comprendre que j'avais mal. Parce qu'au départ, moi je le prenais aussi pour moi en disant j'ai juste mal la tête, c'est pas grave quoi. Je prenais un cachet qui fonctionnait pas et à partir de là, c'était un cercle vicieux et moi je tenais toujours bon parce que j'ai toujours voulu être plus dur, plus dur, plus dur. Je me suis jamais laissé aller donc du coup je supportais tout le temps. Simplement, à un moment donné ça a pris trop d'ampleur parce que Je n'arrivais plus à vivre avec les autres dans le sens où j'étais tellement agressif parce que ça m'énervait, que j'avais toujours mal. Et à partir de là, ma femme m'a dit, il faut quand même aller voir, ce n'est pas normal que c'est continu. Et c'est à partir de là que j'ai commencé à aller voir le premier neurologue. J'ai été voir les neurologues parce que les médecins, au final, étaient un peu trop limités. Et quand j'ai été voir le premier neurologue, lui, on va dire, a commencé à sonder et m'a dit, voilà, on est dans une migraine. On a déjà posé le diagnostic de base en disant, non, tous vos symptômes, c'est vraiment de la migraine pure. À partir de là, on a commencé un traitement de fond de base. avec une efficacité qui n'a pas été... Ça ne faisait rien, en fait. Le traitement ne fonctionnait pas. Donc, j'ai fait pendant un mois beaucoup d'effets secondaires. J'ai toujours eu beaucoup d'effets secondaires sur les traitements de fond. Et avec ce neurologue-là, je n'arrivais pas, on va dire, à avoir un bon feeling parce que j'avais plutôt l'impression qu'il banalisait. Je reprenais un rendez-vous en lui disant que ça ne me fonctionne pas, mais il y avait l'idée dans sa tête que c'était bon, ça allait fonctionner, point. Pour lui, c'était ça absolument et rien d'autre. Et à partir de là, j'ai décidé... J'en ai parlé à ma femme qui me dit, écoute, il ne faut pas se focaliser sur un neurologue, il faut chercher un autre. Si celui-là ne te convient pas, on va chercher un autre neurologue. Du coup, je me suis repris un autre rendez-vous. J'ai un autre neurologue, lui me donne un autre traitement, un deuxième traitement, deux traitements de fond aussi, toujours dans la même optique. Quand mon médecin traitant apprend que mon neurologue me donne ce traitement-là, il me dit qu'il faut que j'arrête parce que j'ai une fragilité cardiaque et que je ne peux pas continuer. Il y a risque clairement de... d'avoir une crise cardiaque en fait. Donc il m'a dit stop, on arrête le traitement. Du coup, on recherche un nouveau neurologue. Et de là, ma femme s'acharne et vraiment recherche le neurologue qui est plus précis pour les migraines. Et on est tombé sur mon troisième neurologue qui lui repart sur un traitement de fond encore une fois, mais qui me dit on va essayer. Si ça ne fonctionne pas, on a un retour direct avec moi. Donc je refais un traitement de fond encore qui ne fonctionne pas. Vraiment pas de chance. Je reprends contact avec lui et il me dit voilà maintenant tu rentres dans une catégorie où on peut se permettre un nouveau traitement qui vient de sortir. Comme je ne réagis pas au traitement de fond, j'ai accès à des traitements nouvelle génération. Mon nouveau neurologue m'explique un petit peu comment ça va se passer avec ce sont des injecteurs. Et de là, je commence le premier traitement. on part sur une fourchette de 6 mois A partir de là, pas de réponse super positive, un mieux, mais vraiment pas beaucoup. Donc on essaye tout de suite le deuxième, car il y en a trois. Le deuxième fonctionne avec une bonne réponse. Au bout d'une année, puisqu'au final ça s'est fait petit à petit, la réponse est vraiment positive et j'arrive à avoir 43 jours de soulagement total. Après 43 jours où je n'ai vraiment plus de douleur, j'ai vraiment une renaissance, je me sens vraiment... beaucoup mieux, beaucoup plus agréable. Même mon neurologue me dit, on est vraiment parti sur un bon traitement, ça fonctionne bien. On est reparti sur un projet de 6 mois à 1 an avant qu'on se revoye. Février 2022. Là, c'est la descente vraiment aux enfers. Pourquoi ? Parce que là, j'ai une déclaration d'algie faciale, une crise. exceptionnellement violente qui dure concrètement des heures où je subis vraiment des douleurs intenses très intense je découvre là des douleurs que j'avais jamais atteint donc un niveau extrême c'est des douleurs comme des pointes dans ton cerveau incontrôlable est impossible de les enlever en fait et vu qu'on part du principe que c'est que des migraines simple c'est un truc qui est incompréhensible et qu'on sait plus vraiment où on en est quoi Concrètement, pendant une crise, qu'est-ce qui se passe ? Le ressenti, c'est vraiment des pointes qu'on jette dans le cerveau. C'est comme si on prendrait un clou et qu'on l'enfonce à partir du crâne et qu'il rentre à l'intérieur. Le problème, c'est qu'on a beau mettre de la glace, on a beau appuyer, c'est vraiment une douleur interne. Donc du coup, c'est difficile à comprendre. Et c'est surtout une douleur qui est ciblée, pour ma part, sur les yeux, les dents. Lors vraiment de crises les plus... étendues, c'est des douleurs où j'essaie concrètement de m'enlever mon oeil ou de m'arracher les dents. C'est l'un ou l'autre. Mais en résumé, c'est surtout une aide de ma femme à chaque crise parce qu'en somme, si j'étais seul, je pense que je me serais déjà fait beaucoup plus de mal parce que réellement, pendant une crise, je me donne des coups de poing dans le visage en fait parce que je veux que ça s'arrête. Donc moi, mon seul pouvoir, c'est de frapper. là où j'ai mal, pour essayer d'atteindre la douleur et l'annuler en fait. C'est comme ça que je réagis, ce qui fait que c'est compliqué, c'est dur à accepter. Comme je l'ai dit un jour à ma femme, si un jour j'en arrive à me flinguer, ce ne sera pas parce que j'ai un esprit suicidaire, mais plutôt parce que les douleurs me font tellement mal qu'au final je veux que ça s'arrête. Ce sera surtout pour ça et qu'il ne faut pas m'en vouloir parce qu'à un moment donné, si je n'arrive plus à supporter, ce sera ça qui me décidera. Après la crise, on m'explique concrètement que je suis atteint d'algie faciale. Normalement, l'algie faciale est une maladie qui est par grappe, c'est-à-dire périodique. Mais malheureusement pour mon cas à moi, après 8 semaines, malheureusement, les douleurs continuent. Et en fait, on découvre que je suis atteint d'algie faciale chronique. Et que malheureusement, je l'aurai en continu. Quand j'ai ce diagnostic, ma vie bascule totalement parce que ma famille doit clairement vivre avec, dans le sens où si je suis en crise, moi je suis bloqué. Concrètement, une crise dure trois heures. Mais pour moi, mon ressenti, c'est comme si ça a duré 30 minutes. Alors que dans les faits, c'est vraiment trois heures intenses de douleur qui fait que ma famille voit ça pendant trois heures et que c'est vraiment violent. Parce que quand ma femme, elle m'explique le retour extérieur, tu te rends compte d'une chose, c'est que ça, c'est traumatisant. Et ça, moi, je ne le vis pas. Et ça, ce n'est pas facile pour l'entourage, en fait. Moi, j'ai une fille et j'ai dû lui apprendre à ne pas stresser, m'apporter mon injecteur et avoir les bons réflexes pour surtout ne pas paniquer et rester calme, en fait, pour m'accompagner dans les crises. Le plus important pour moi, c'était surtout qu'elle ne le vive pas trop mal non plus parce que ça reste traumatisant pour elle aussi. Et en fait, en lui expliquant comme elle est jeune, c'était plus facile de lui apprendre l'idée que c'était normal et que ça allait arriver souvent. Ma famille est obligée de s'organiser autour de moi parce qu'on ne fait plus vraiment ce qu'on veut dans le sens où si on prévoit de partir une journée, c'est compliqué. Parce que si je pars en crise, réellement, ce n'est pas vraiment faisable. Je n'essaie pas de me mettre à l'abri. Ma vie a totalement changé. Donc du coup, on s'y habitue, ma famille surtout, et en fait, on adapte, on va dire, en fonction de mon état. Plus je suis en crise, moins on fait de choses et plus je reste à la maison. Au niveau professionnel, là ça devient plus compliqué parce que les crises me font une sensibilité à la lumière et aux odeurs, ce qui fait que ça devient très compliqué d'aller au quotidien. Concrètement, si j'ai une crise au travail, je dois m'injecter pour essayer de soulager la douleur. J'ai prévenu... des collègues qui sont devenus des amis, on va dire, les plus proches, de m'aider clairement à venir à côté de moi pendant que je m'injecte. Comme ça, ça me permet de temporiser au moins 30 minutes et en clair rester un peu caché. Parce que je ne veux pas montrer ma faiblesse, en fait. C'est comme ça que je le vis au travail. Je ne veux pas montrer aux autres que j'ai mal ma tête parce qu'ils ne comprennent pas déjà. Et pour eux, tout le monde a un mal de tête et il n'y a pas de problème, en fait. C'est moi qui exagère. En fait, c'est surtout ça qui est le plus dur à vivre. C'est qu'en somme, les autres se mettent à votre place en disant Moi aussi j'ai mal ma tête et c'est pas grave. Donc du coup je me cache et je reste avec mon petit groupe fermé qui m'aide à, on va dire, temporiser. Comme c'est une maladie invisible, c'est compliqué de pouvoir l'expliquer aux autres ou qu'ils se mettent à ma place en fait. C'est quelque chose qui n'est pas pris au sérieux parce que les gens ne savent pas ce que c'est. J'ai continué les contacts avec mon neurologue qui essaye au fur et à mesure de trouver des traitements peut-être qui pourraient m'aider mieux et qui m'expliquent En résumé, j'ai le droit d'avoir mal, que ce n'est pas quelque chose que je dois cacher, c'est normal. Le fait d'avoir mal aussi, et que je craque et que j'en arrive à pleurer alors que je ne suis pas quelqu'un qui pleure de base, c'est naturel. Il ne faut pas être gêné en fait. Comme je travaillais dans un centre d'usinage et que ce n'était plus vraiment possible de travailler dans des conditions comme ça, j'ai décidé de trouver un autre travail. Même si je dois travailler de nuit, ce n'est pas grave, je ne veux pas rester à l'arrêt parce qu'en fait... Je me rends compte d'une chose, c'est que rester à l'arrêt ne m'aide pas vraiment. Si je reste à l'arrêt, les crises ne sont pas moins intenses. Donc au final, je me rends compte d'une chose, c'est que quand je travaille, j'y pense pas. Le fait d'être concentré, ça me passe la crise et j'en ai plus autant. Donc du coup, j'essaye de combler ma vie avec une occupation constante en fait. Au jour d'aujourd'hui, mon neurologue m'a proposé un troisième traitement nouvelle génération qui me permet de mieux gérer mes douleurs au quotidien et qui est beaucoup plus adapté à mes problèmes de migraines et d'algie faciale. Aujourd'hui, le traitement que je prends est efficace. Malheureusement, j'ai une angoisse car tous les 15 mois, je dois faire un sevrage de 3 mois imposé par l'État pour pouvoir déterminer si j'en ai réellement besoin ou pas. Donc du coup, ça reste quelque chose qui est... très compliquée à vivre. Quand on sait qu'on va devoir se sevrer pendant 3 mois, c'est une angoisse exceptionnelle parce que le médicament va vraiment être efficace encore la moitié d'un mois et après on sait qu'on va retomber dans des douleurs beaucoup plus fortes puisque le traitement n'y a plus droit. Le message que je voudrais faire passer à ceux qui souffrent de cette maladie, c'est de profiter de la vie au maximum, garder espoir, de ne pas baisser les bras, essayer de s'entourer au mieux de personnes qui vous comprennent et qui vous aideront à vivre avec ça au quotidien. Et ne pas hésiter à essayer de trouver un médecin qui concrètement vous écoute. et vous aide à survivre avec cette maladie et ne pas hésiter à en parler parce qu'au final c'est surtout parce que les gens n'en parlent pas qui fait que on va dire personne ne sait, du coup on se retrouve seul. Mais même au plus fort de la douleur, je tiens à dire que c'est toujours possible d'avancer et de garder espoir parce qu'il y a toujours moyen d'avoir une solution pour survivre à ça.