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#7 Marie-Astrid Laurent : De la philo à la ferme bio

#7 Marie-Astrid Laurent : De la philo à la ferme bio

34min |07/10/2024
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34min |07/10/2024
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Description

[#7 Marie-Astrid Laurent : De la philo à la ferme bio] Dans ce septième épisode, Anthony Chenu part à la rencontre de Marie-Astrid Laurent, paysanne de la Ferme du Bois Rouland dans la Manche.


Après des études en philosophie, Marie-Astrid a fait le choix de se former au métier de bergère. Après quelques expériences de woofer dans plusieurs fermes, elle s'est lancée et ouvert sa propre ferme-boulangerie en 2022 grâce au dispositif de groupement foncier agricole.


Engagée dans les valeurs de la paysannerie, elle défend un agriculture durable et a fait de sa ferme un lieu de rencontre pour les habitants de son village. Elle revient sur son parcours et sur son quotidien au contact de la nature.


Anthony Chenu retrouve Marie-Astrid dans sa ferme-boulangerie.


Parlons plus bas est un podcast d'Anthony Chenu à retrouver sur toutes les plateformes et sur les comptes Instagram et Facebook de l'émission.

Voix off : Justine Leroux

Octobre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Ça c'est vraiment un message que j'aimerais voir beaucoup plus diffusé, c'est que l'agriculture c'est pas forcément dur, on galère pas forcément financièrement non plus, il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage oui, mais on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien en fait. Parlons plus bas, podcast réalisé et présenté par Anthony Chenu.

  • Speaker #1

    Dans ce septième épisode, je vous emmène au cœur du bocage normand à la rencontre de Marie-Astrid Laurent. Paysanne depuis deux ans, Elle a fait de sa ferme un lieu de vie paisible et un espace de partage pour tous les habitants de son village. Elle nous raconte son parcours et elle nous laisse entrevoir son quotidien tourné vers les valeurs de la paysannerie. Il est 10h30.

  • Speaker #0

    Alors, on est chez moi, on est dans la cour de la ferme. Il y a le voisin qui fait de la tronçonneuse, on entend les oiseaux. J'ai vu des petits lapins tout à l'heure. Voilà, il y a ma maison derrière moi, il y a la boulangerie à ma droite. Tout est attenant, des vieilles pierres des années 1900. Il y a plein d'arbres, il fait beau.

  • Speaker #1

    Donc avec toi, on va parler d'agriculture puisque tu as ouvert ta ferme en 2022. Est-ce que tu peux nous raconter un peu dans quel milieu tu as grandi et où tu as grandi aussi ?

  • Speaker #0

    Alors je suis née à Avranches, j'ai grandi dans une famille, j'ai grandi dans le bourg, j'ai grandi à la ville, pas du tout été éduquée vraiment à la campagne, à part peut-être avec mon grand-père. Je faisais plein de choses dans la campagne et dans la nature avec mon grand-père, je pense que c'est lui qui m'a donné beaucoup le goût de tout ça à la base. Mais sinon oui, je suis avranchinaise, je viens d'une famille, je ne sais pas comment la décrire en fait, mais citadine.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu étais enfant, tu avais déjà un métier, un mode de vie qui t'attirait particulièrement ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que à mes trois ans, enfin je crois, dans ma tête je me dis que c'est mes trois ans, mais avec ma maman, quand on montait sur la colline d'Avranches, on passait par la route du Car-en-dessous, et sur la droite, il y avait une maison. Je faisais sur cette maison et j'estimais que c'était une ferme, alors que probablement pas du tout. Mais je disais toujours à ma maman, en passant devant cette maison, cette ferme, plus tard, je serai fermière. Et j'habiterais là, comme ça je serais tout près de toi. Et voilà, je voulais déjà être fermière. Bon après en grandissant, j'ai oublié ça et je voulais plus être fermière. Enfin j'y pensais plus et puis ça m'est revenu plus tard.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une autre dimension de ton parcours qui est intéressante, c'est le sport aussi quand tu étais plus jeune. Tu t'es illustrée dans une discipline qui s'appelle le... Tu étais poloïste en fait, c'est ça ? Tu peux nous expliquer ce que c'est ?

  • Speaker #0

    Oui, alors le kayak polo, c'est une discipline... peu connue du monde du kayak, c'est un sport collectif. On est deux équipes et on joue sur un terrain et on fait un match de kayak polo avec un ballon. En fait, c'est comme du water polo, mais en kayak. Il y a des buts et voilà, il faut... Gagner le match, c'est très intense, c'est très impressionnant, c'est un beau sport parce qu'il y a beaucoup de contacts. On a des casques avec des grilles, on a des tout petits kayaks, on se monte dessus, on se pousse à l'eau. C'est un très beau sport dans lequel j'ai passé les trois quarts de ma vie maintenant.

  • Speaker #1

    En 2018, tu avais justement avec ton club participé à un championnat du monde de kayak au Canada,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Alors avec l'équipe de France, oui, pas avec mon club. J'ai été sélectionnée en équipe de France et oui, les championnats du monde au Canada, c'était une belle expérience.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir aussi sur ton parcours d'étudiante après le bac ? Qu'est-ce que tu as étudié ? Comment tu t'es orientée ?

  • Speaker #0

    Après le bac, déjà au bac, je me suis prise de passion pour la philosophie, discipline qu'on devrait avoir bien avant la terminale. Donc j'ai fait des études de philosophie. Je suis partie à Rennes, j'ai commencé une licence. Et puis j'ai eu la chance de terminer ma licence au Canada justement, au Québec. Puis je suis rentrée en France et j'ai eu envie de continuer, j'ai fait le master et je suis partie à Caen parce que j'avais envie de changer de... Perspective, d'approche philosophique, parce qu'en fait chaque fac a un peu son approche. Arène, c'était très scientifique et moi je ne suis pas du tout scientifique, donc du coup je suis allée à Caen pour faire un peu plus de phénoménologie et c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as gardé de ta formation ? Tu parlais de la phénoménologie, mais est-ce qu'il y a des auteurs, est-ce qu'il y a des penseurs qui t'accompagnent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Oui, alors moi je suis très Nietzschéenne, j'ai fait mes mémoires sur Nietzsche et sa vision de la nature, de l'art, tout ça me transporte tous les jours. Même si, malheureusement, j'ai beaucoup oublié de mes études. C'est très frustrant, mais oui, je sens que la philo, elle est toujours là avec moi.

  • Speaker #1

    Et à quel moment l'idée de te former au métier de bergère s'est arrivée ? Est-ce que c'était une rupture avec ta formation ? Est-ce que c'est venu progressivement ? Est-ce que la philosophie, justement, t'a amené à ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est le hasard de la vie qui a fait que je suis devenue bergère. À la fin de ma licence, il fallait choisir entre le master recherche ou le master... J'ai choisi la recherche parce qu'en fait, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J'imaginais être prof un jour dans ma vie, mais je n'avais pas envie de faire le master enseignement. J'avais vraiment envie de faire de la recherche philosophique encore pendant deux ans plutôt que d'apprendre à enseigner et surtout d'apprendre à passer un concours. Mais j'avais dans l'optique de passer le concours à la fin. En fait, au fil de mon master, j'ai compris que je n'allais pas devenir prof. Et là, je ne sais pas trop comment, peut-être avec les rencontres que j'ai faites, l'environnement dans le... dans lequel j'évoluais, la nature et la paysannerie me sont revenues en tête tout doucement. Et puis j'ai commencé à faire du woofing. Donc le woofing, c'est une association nationale et internationale d'ailleurs, qui met en lien des gens, des paysans et des gens qui ont envie d'aider les paysans et de découvrir la paysannerie. Donc logés et nourris, les gens viennent dans les fermes. Et puis... apprennent. Et puis le paysan, ça lui permet de faire de belles rencontres et puis de partager sa vie. Et donc j'ai commencé par faire ça. Et ça a été un déclic monumental dès mon premier woofing. Je suis partie dans les Alpes avec Céline qui faisait des plantes aromatiques et médicinales dans la montagne. Et donc voilà, j'ai quand même voulu terminer mes études parce que j'aime pas abandonner quelque chose avant de l'avoir terminé. Donc voilà, c'était sûr que je voulais terminer. Mais je savais que j'avais envie de m'installer un jour dans une ferme et de devenir paysanne. Donc après mon master, j'ai continué les woofings et j'ai cherché à devenir ouvrière agricole dans différents domaines parce que je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. Donc j'ai fait du maraîchage, j'ai fait des petits fruits. Je pensais vouloir être dans le végétal à la base. Et puis, de fil en aiguille, au marché d'Avranches, par un grand hasard, Aymeric de la ferme du Petit Chonjon m'a vu en tenue de travail et puis il m'a dit tu travailles là-dedans ? et j'ai dit oui et il m'a dit tu voudrais travailler chez moi ? et donc je dis oui et puis là ça a été au Petit Chonjon ça a été le déclic pour les animaux, le fromage et puis la paysannerie vraiment, les petites fermes et voilà, et donc j'ai travaillé avec Aymeric là-bas pendant... pendant un petit bout de temps. Et ça a vraiment été la révélation pour moi. Ça m'a beaucoup inspirée sur ce que je voulais faire, devenir et ce que je voulais que devienne ma ferme un jour. Et puis, les choses ont fait que la ferme a été vendue et je n'ai plus travaillé là-bas. Du coup, j'ai cherché un endroit similaire. J'ai cherché à me former. J'étais un peu perdue, mais en tout cas, je savais où je voulais aller. Et j'ai vu qu'il y avait une formation pour devenir bergère et apprendre vraiment scientifiquement comment faire du fromage et s'occuper des animaux au Pays Basque. Ça a commencé une semaine après. Hop, je suis partie avec ma caravane au Pays Basque. Et pendant six mois, j'ai appris à faire du fromage et à être bergère dans un super cadre avec des gens formidables. C'était une toute petite formation vraiment de campagne. On était, je ne sais plus, peut-être huit. On se baladait dans tout le pays basque, français comme espagnol, pour découvrir des fermes, des paysans, des systèmes. Et puis de temps en temps, on avait des cours théoriques sur l'anatomie de l'animal. Et puis beaucoup, beaucoup de stages pour pratiquer. C'était vraiment une formation très bien menée et qui m'a beaucoup appris. Et à la suite de ça, j'ai été salariée pour être bergère sur la frontière avec l'Espagne. Donc ça a été une expérience formidable, très solitaire. Mais moi, ça ne me dérange pas du tout.

  • Speaker #1

    J'imagine qu'il y a une différence entre être bergère dans les Alpes et bergère des Plaines.

  • Speaker #0

    Alors, il y a bergère des Alpes. Donc c'est des grandes montagnes ardues avec des grands, grands troupeaux. parce qu'évidemment, il y a du fromage dans les Alpes, mais il y a quand même une majorité de troupeaux pour faire de la viande. Et donc, c'est des troupeaux beaucoup plus grands. Donc, j'ai un petit peu vu ça. Je n'ai pas été bergère dans les Alpes, mais j'ai été voir des bergers dans les Alpes. C'est une autre... Bon, il y a un troupeau de chiens, il y a huit chiens. Puis, il y a beaucoup plus le loup aussi. Enfin, voilà, c'est une autre approche. Dans les Pyrénées, les... Au Pays Basque surtout, les montagnes sont quand même plus basses. Les troupeaux sont plus petits. Il faut les traire tous les matins à l'aube. Donc forcément, il ne faut pas 2000 brebis à la main. En général, il y a un ou deux chiens. Il y a la menace un petit peu de l'ours. C'est autre chose. Et puis, bergère de plaine, c'est les présalés, c'est la plaine. Donc, il n'y a pas de relief. On voit le troupeau à l'horizon, alors que dans la montagne, on peut vite le perdre au creux entre deux collines, entre deux montagnes. Il faut apprendre son périmètre par cœur et savoir dans quel creux elles peuvent aller se loger. C'est magnifique comme expérience. C'est vraiment... En étant berger tout seul, à galérer, à perdre le troupeau, à être en panique tout seul le matin à l'aube, le chien qui ne fait pas exactement ce qu'on veut ou qui essaye, mais qui en fait va couper le troupeau en deux. Et puis en fait, il y a des brebis qui partent dans l'autre sens et il y a tout l'autre troupeau. C'est en galérant qu'on apprend à trouver des petites astuces et c'est génial, c'est vraiment génial.

  • Speaker #1

    Donc c'est à 27 ans que tu vas faire le choix de t'associer pour lancer ta ferme et devenir bergère des plaines, ici, en Normandie. Comment le projet est né et pourquoi ?

  • Speaker #0

    À la suite de mon expérience au Pays Basque, je ne sais pas pourquoi, je ne saurais pas dire pourquoi, mais d'un coup, j'ai eu envie de revenir dans ma région natale. J'avais besoin de retrouver des repères et donc je suis remontée. J'ai commencé un BPREA, Brevet de Responsable d'Exploitation Agricole. Ça permet ensuite de s'installer. d'avoir des aides à l'installation, ça met un pied dans l'installation agricole. Et en remontant, j'ai retrouvé une amie que j'avais quand j'étais à Caen, et qui elle aussi était devenue bergère, bergère pour le coup dans les Alpes. On avait plein de choses en commun, et l'envie commune un jour d'avoir une ferme. Et puis un matin elle m'a dit si on faisait notre ferme ensemble, et donc on s'est lancé là-dedans. J'avais toujours entendu que c'était... Très compliqué de s'installer, de trouver une ferme, l'accès aux fonciers. Donc voilà, je m'étais préparée à ça. Et puis en fait, quasiment le lendemain ou le surlendemain où on a commencé la recherche, on avait déjà trouvé une ferme.

  • Speaker #1

    C'était une ferme à vendre, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En allant voir un copain, on a entendu que son voisin voulait partir de sa ferme pour vivre d'autres aventures. Donc on a été la visiter, ça a été le coup de cœur. Voilà, c'était parti pour acheter cette ferme-là. Et puis finalement, quelques temps après, il a changé de projet et il ne vendait plus sa ferme. Mais il nous a donné le numéro de son voisin d'en bas, dont la propriétaire venait effectivement de décéder. Et les enfants voulaient vendre la ferme puisqu'ils n'avaient pas le temps de s'en occuper. Donc ça a été le deuxième coup de cœur.

  • Speaker #1

    Tu t'es installée dans un territoire qui reste encore assez marqué par son aspect rural, ici dans le sud de la Manche. Est-ce que tu avais des liens avec d'autres agriculteurs ou comment tu as appréhendé justement cette zone très ancrée dans la ruralité ?

  • Speaker #0

    J'avais pas beaucoup de liens, pas beaucoup de réseaux, un petit peu avec le petit changeant. Déjà j'ai débarqué dans la campagne de Saint-James, ce qui n'est vraiment pas loin d'Avranches, mais en fait j'allais jamais dans ce coin-là de toute mon enfance ou adolescence, donc je connaissais personne. Petit à petit, le réseau se fait, on a une problématique, on a une petite galère, on a deux bouches à oreille, ça se fait. Le fait d'avoir ouvert la boulangerie aussi, d'avoir des clients réguliers deux fois par semaine avec qui on discute, parce que c'est aussi beaucoup une boulangerie où on parle et où il y a plein de petits vieux du quartier qui se connaissent, qui sont allés à l'école ensemble et qui connaissent un tel. Et petit à petit, le réseau se fait. Et puis, quand il y a besoin d'une remorque ou quand il y a besoin de faucher le prêt ou autre... Maintenant, je sais à qui demander.

  • Speaker #1

    Donc en plus d'une ferme, c'est devenu aussi un commerce de proximité avec ses horaires et sa vie, son rythme, qui réanime un peu la zone en fait aussi.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, c'est trop beau et ça me fait vraiment... Enfin, c'était le but aussi. Quand j'ai acheté la ferme, il n'y avait pas de four à pain, il n'y avait pas de fromagerie. Il fallait tout créer de A à Z et c'était mon rêve. C'était vraiment ce que je voulais faire. Je ne voulais pas reprendre une ferme déjà existante. Je voulais la réaliser à mon image. de A à Z. Quand j'ai acheté la ferme, je me suis projetée dans les différents bâtiments, j'ai essayé d'imaginer comment la modeler. Et puis ça a été assez limpide que la boulangerie serait dans l'ancienne écurie qui donne sur la route, parce qu'en fait la ferme est bien placée pour un commerce, elle est au bord de la route, et en même temps on l'oublie assez facilement, donc c'est assez idéal je trouve. Et donc la première année, il fallait faire les travaux. pour créer le fournil. Donc, je ne voyais pas grand monde. La ferme n'était pas vraiment vivante à part à travers moi et les gens qui m'aidaient. Et quand tout était prêt, j'ai pu ouvrir la boulangerie. Et là, tous les gens du quartier qui se demandaient ce qui se passait depuis un an sur cette ferme ont compris. C'est marrant parce que l'une des premières clientes, le jour de l'ouverture, parce que la devanture de la boulangerie, c'est un mur en terre paille avec un enduit à la chaux. Et on a mis des briques de verre, des bouteilles de couleurs. C'est un peu atypique. pour le coin. Et il y a une dame qui est rentrée qui a dit Ah c'est du pain, mais je croyais que ça allait être une discothèque ! Elle est voisine et elle se demandait vraiment pendant un an, mais qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Il y a l'air d'avoir des trucs, ils se trompent quelque chose. Depuis que la boulangerie a ouvert, je rencontre tous les gens du quartier. Le quartier, c'est assez large.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir cette ferme, tu t'es inscrite dans un projet de GFA, un groupement foncier agricole. Est-ce que tu peux expliquer ce qu'est un GFA et ce que ça permet de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    On s'est lancé avec Mathilde, avec cette amie avec qui je devais m'associer, à créer le GFA toute seule. On a fait appel... à un avocat. On s'est beaucoup renseignés pour comprendre, déjà comprendre ce que c'était vraiment, et puis ensuite tout l'aspect juridique, administratif. Un GFA, c'est quand des gens se réunissent, que ce soit une famille ou des inconnus, peu importe, mais en tout cas, des gens se réunissent pour acheter en commun une terre agricole. Déjà parce que l'accès aux fonciers, aujourd'hui, est extrêmement compliqué. Le prix de l'hectare, et surtout dans le Sud-Manche, est devenu... Inabordable quand on sait aussi qu'il y a les bâtiments à acheter, les travaux, l'investissement. Nous on prévoyait d'acheter un troupeau, de créer une fromagerie, c'est des investissements colossaux. Être locataire des terres nous paraissait être une solution qui pouvait nous aider ensuite à réussir notre projet. On a fait plein plein de pubs pour parler du GFA, parler de nous, parler de notre projet. Et on a fait un appel solidaire pour acheter des parts sociales et réussir à atteindre l'objectif du prix des terres avec plein de gens. Donc là aujourd'hui, on est je crois plus de 250 membres dans le GFA. Et on a pu acheter d'abord 5 hectares 5 sur lesquels je produis mon blé. Et puis on a eu un deuxième projet, une chance formidable. deux hectares cinq qui se sont libérés aussi juste à côté. Et donc j'ai fait un deuxième appel et on est en train de relever ce deuxième défi et de pouvoir acheter les autres terres. Je suis la paysanne locatrice, je suis membre du GFA bien sûr, mais au même titre que n'importe qui d'autre, c'est moi qui occupe les terres et qui s'en occupe aussi. Même si j'avais pu acheter, je préfère que ça se passe comme ça, je préfère que le GFA soit à deux centaines de personnes plutôt qu'à une seule paysanne ou un seul paysan. Parce que même si pour x raisons un jour j'ai envie d'arrêter, je sais que ces terres-là, elles seront cédées à quelqu'un qui a les mêmes valeurs que moi. Parce que c'est les valeurs qu'on porte avec les gens du GFA. Donc les valeurs de la paysannerie, de l'agriculture biologique. Pendant au moins 99 ans, ces terres-là sont protégées d'être vendues ou récupérées par des producteurs et des exploitants qui n'ont pas les mêmes valeurs que le GFA. Et ça fait vachement de bien de se dire que... qu'elles sortent de ce système-là, qu'elles sont protégées. Qu'on plante des arbres et que mes champs sont, comme la plupart d'Iré, sont sales, parce qu'il y a plein d'adventices, il y a plein de trucs qui poussent dans tous les sens. Chaque épi de blé n'est pas tous de la même taille, il y a plein de trucs qui poussent au milieu, mais au moins, il y a des abeilles, il y a des oiseaux, il y a toute une vie, et ça me plaît que ce soit comme ça, que ça reste comme ça, et que... Et que même si j'arrête, ça continuera d'être comme ça. Et ça, c'est très rassurant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu connais un peu le profil de tes donateurs ? Est-ce que tu sais si c'est plutôt des personnes qui habitent en ville et qui donnent depuis loin ? Est-ce que c'est des personnes locales plutôt ? Le profil un peu de ces membres du GFA ?

  • Speaker #0

    Il y a de tout. Ils viennent de partout. Il y a des locaux, il y a des jeunes, il y a des vieux, il y a des citadins, il y a des ruraux, il y a des paysans, il y a vraiment tous les profils. Il y a énormément de gens que je n'ai jamais rencontrés et que probablement je ne rencontrerai jamais non plus, qui juste ont vu passer ça dans le journal, ont été sensibles, ou à la radio, ou sur internet, et pouf, ils voulaient juste participer. Pour eux, c'est comme un don, alors qu'en fait, finalement, ce n'est pas un don, c'est des parts sociales. Ça reste l'argent des gens, ils peuvent le récupérer s'ils veulent. C'est une autre démarche que les crowdfunding. Ça leur permet aussi de s'impliquer, de prendre part à quelque chose. Il y a l'Assemblée Générale au début d'année, où on n'en est pas 250, clairement. Mais voilà, les gens qui ont envie de s'impliquer, qui ont envie de voir ce que devient mon projet, mais aussi ce que deviennent les terres. On va commencer par la boulangerie et pour arriver à la boulangerie on passe devant mon super nouvel abri. Avant il y avait une vieille charpente avec des tôles rouillées et puis il y avait des cuves à fioul en dessous et un bordel. C'était très sombre et moche et on a tout cassé et on a refait la charpente. On a mis des plaques transparentes et puis il y a une vigne qui court, il y a un canapé. Mon petit abri d'extérieur qui fait du bien. Donc là, on entre dans la boulangerie, enfin la boulangerie-boutique, parce que c'est les deux en même temps. Donc c'était, comme je disais, c'était l'ancienne écurie. Là, au bout, c'était la porte de garage, parce que pendant un temps, il y avait la voiture qui était là. Donc on a enlevé la porte de garage et on a fait un mur en terre paille avec des bouteilles de couleurs. Le matin, le soleil se lève pile en face, donc il y a toutes les bouteilles qui s'illuminent hyper jolies. Et c'est l'heure où je travaille et du coup, c'est très très agréable.

  • Speaker #1

    Quand on entre, on sent qu'on est dans une boulangerie. Ça sent le pain, ça sent le blé. Oui,

  • Speaker #0

    moi je ne le sens plus. Alors déjà, j'ai un odorat un peu pourri, mais en plus, je suis tout le temps baignée de temps. Donc, tout le monde me dit ça, tous les clients qui rentrent.

  • Speaker #1

    Et donc, dans cet espace boulangerie, tu as le four qui est ici, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Cette grosse bête-là, c'est le four à bois avec deux étages qui tournent. Puis ça, ce gros machin, c'est une hotte parce qu'en fait, l'espace est assez fermé finalement par rapport à d'autres fournils. Et le four dégage. énormément de vapeur puisque le pain se cuit donc sèche. Voilà, c'est pour protéger le plafond.

  • Speaker #1

    Et au sol, des carreaux de ciment dessinés ?

  • Speaker #0

    Comme globalement pour la ferme, c'était vraiment important pour moi de travailler dans un lieu que je trouve beau et qui a mon image et qui est à la fois fonctionnel mais vraiment que j'aime profondément. C'était important pour moi. Et c'est le luxe de s'installer à son compte, c'est de pouvoir faire exactement ce qu'on veut et d'évoluer et de travailler dans l'espace qu'on veut. et c'est hyper créatif, c'est génial.

  • Speaker #1

    Donc là, on se trouve à l'arrière de ce qui constitue le corps de ferme un peu. Oui. Là, c'est écrit en grand potager.

  • Speaker #0

    J'adore faire des panneaux comme ça où je creuse dans le bois. Le potager est hyper en friche, mais il est vachement beau aussi comme ça.

  • Speaker #1

    C'est des capucines qu'on voit ?

  • Speaker #0

    Oui, il y en a partout, ça pullule. Je n'ai pas beaucoup de temps et puis bon, cette année, le temps n'est pas du tout propice à faire pousser des légumes. Mais voilà, j'aime bien que le potager soit au cœur de la ferme. Et donc, si on continue, juste derrière la boulangerie, il y a l'abri à bois pour le four qu'on a fabriqué. Toute la charpente est faite avec des vieux troncs qu'on a récupérés dans le bois, puisqu'on est à côté du bois roulant. Donc, ça permet de stocker toutes les chutes de scieries et tout le bois que je fais sur la ferme et tout ce qui fait chauffer le four. Je récupère aussi... des fagots de toutes les chutes de ciri, tout ce que les ciri ne peuvent pas vendre, toutes leurs coupes, leurs petits déchets, c'est hyper pratique. C'est un vieux verger avec des vieux arbres, donc il y a plein de fruits différents, il y a des pommes, des poires, des cerises, des prunes, des pêches. J'essaye de les entretenir, j'apprends à les entretenir, justement grâce aux clients qui s'y connaissent et qui sont venus m'aider pour m'apprendre à les tailler. Avec les pommes, je fais du jus de pomme. de pommes et du cidre grâce à mes voisins. Mes voisins qui d'ailleurs sont les anciens propriétaires de la ferme. Donc on a tissé une belle relation et ils ont une vieille petite presse en bois autour de laquelle on tourne pour presser le jus de pommes. On fait le jus de pommes et le cidre ensemble et c'est eux qui m'ont appris à faire et c'est super chouette. Et toutes les terres qui nous entourent là, c'est les terres du GFA. On n'en voit qu'une partie parce qu'il y en a encore plein par là-bas. Là c'est juste du foin et à côté là c'est le blé.

  • Speaker #1

    Qui est assez haut ?

  • Speaker #0

    Oui. Parce que c'est du blé paysan, c'est de la semence ancienne, donc il y a un mélange de plein de blés différents et puis pas trafiqué pour être tous de la même taille avec le même nombre de grains et de ne pas se coucher avec le vent. Donc c'est très sauvage, c'est plus joli et puis ça fait du meilleur pain parce qu'il y a plein de qualités différentes puisque c'est un mélange très varié.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as déjà quelques êtres vivants qui t'accompagnent ici ?

  • Speaker #0

    Actuellement, j'ai trois petits copains, deux chèvres et une brebis. Il y avait une autre brebis avant, mais elle nous a quittés. Et là, on est devant le hangar. Il y a Garou le tracteur. Garou parce qu'il a une grosse voix. Il y a la cellule de stockage du blé aussi. Il y a une mezzanine avec plein de fourbilles pour bricoler. Plein de récup de bois, la remorque. Tout ce qu'il faut dès que j'ai envie de faire un truc ou de réparer un truc.

  • Speaker #1

    Donc tout ça, c'est toi qui l'as aménagé ?

  • Speaker #0

    On va plutôt dire que je l'ai rempli. Enfin, je l'ai vidé et puis ensuite je l'ai rempli. Mais sinon, c'était à peu près comme ça quand je suis arrivée. Là, c'est la bergerie. C'est la maison des petits copains.

  • Speaker #1

    On les voit arriver.

  • Speaker #0

    Là, c'est Colette.

  • Speaker #1

    La chèvre qui accompagne le bouc.

  • Speaker #0

    Colette, Piu-Piu et Pelote.

  • Speaker #1

    Pelote, c'est la petite brebis.

  • Speaker #0

    Oui, brebis ouessant, qui est très peureuse, mais qui est vraiment très, très mignonne. Donc là, on voit le deuxième champ de blé. Il y a ma caravane et puis il y a la roulotte que j'ai fabriquée pendant le confinement. C'était mon projet confinement. Je savais qu'elle allait finir un jour sur ma future ferme, même si je ne savais pas encore vraiment que j'allais avoir une ferme. Et ça me permet d'accueillir les woofers et puis les copains.

  • Speaker #1

    Donc tu vis parmi les animaux en fait ? Oui,

  • Speaker #0

    le soir je les entends faire la fête. Le matin je les entends qui se réveillent, qui mangent. Et puis un jour, je ferai des travaux dans ma maison et puis j'habiterai dans une maison.

  • Speaker #1

    Tu as commencé à en parler un petit peu. Qu'est-ce que tu cultives ici ? Par quoi tu as commencé ?

  • Speaker #0

    La première culture, ça a été du sarrasin. J'ai mis du sarrasin partout. En conversion biologique, les terres avaient été louées par un agriculteur, un vaché en conventionnel, qui produisait des céréales pour ses vaches. Il y avait aussi des prairies qui n'avaient jamais été cultivées, qui étaient là depuis toujours. Donc quand je suis arrivée, on m'a conseillé de semer du sarrasin partout, parce que le sarrasin a une racine pivotante qui allait permettre d'ameublir la terre naturellement. Et puis c'est un bon apport en azote, c'est plein de bonnes choses. Donc c'était superbe, c'est vachement beau un champ de sarrasin. C'est rouge, la tige rouge et la fleur blanche. Alors il y avait plein de gens très contents. qui n'ont pas l'habitude de voir du sarrasin et Ah, vous avez planté du sarrasin, c'est super ! Et puis il y avait d'autres gens qui pensaient que le sarrasin, quand on plante du sarrasin, ça veut dire qu'on a une terre pauvre, alors que pas du tout. Le sarrasin, ça se plaît aussi bien sur les belles terres que sur les terres qui ont un peu plus de mal à vivre. Donc voilà, j'ai commencé par ça, et puis je n'avais pas d'endroit pour stocker le grain, donc j'ai dû vendre la récolte à une coopérative. Et puis j'ai pu ensuite semer mon premier blé. puisque je savais que les travaux allaient prendre fin et que j'allais pouvoir ouvrir la boulangerie. J'ai semé mon premier blé sur deux tiers des terres. Et sur le reste, j'ai fait un mélange poids-avoine, parce qu'il faut pouvoir faire des rotations sur l'entièreté des parcelles qu'on a, pour que chaque année, on puisse semer le blé à des endroits différents, pour éviter d'appauvrir la terre. Et cette année, j'ai semé aussi de la févrole.

  • Speaker #1

    Et donc c'est en août 2022 que tu as obtenu la certification agriculture biologique

  • Speaker #0

    Europe ? Je ne l'ai pas encore, je suis encore en conversion. Il faut trois ans, dès le début de la démarche. Alors trois ans après, on peut avoir le label bio. Donc je l'aurai le 19 juillet 2025 sur la première partie des terres. Mais puisqu'on rachète d'autres terres, je vais recommencer un processus de conversion. Donc voilà, la ferme en entier sera en bio en 2024. peut-être bien en 2028.

  • Speaker #1

    Tu proposes maintenant toi aussi des missions de woofer, t'en as parlé tout à l'heure. T'es devenue à ton tour formatrice ou accueillante en tout cas pour des jeunes ou des moins jeunes qui voudraient se lancer dans l'aventure. Est-ce que tu peux nous raconter un peu comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est super d'avoir vécu des woofings hyper inspirants et maintenant de pouvoir accueillir les gens et de voir les choses dans le sens inverse, c'est vraiment très émouvant. Surtout la... Première année où il fallait faire plein de travaux et puis vraiment bien s'installer sur la ferme, créer l'espace de stockage pour le blé, créer le fournil. J'accueillais pas mal de woofers. Donc, il y a eu aussi des étrangers, des Américains en voyage, des Allemands. Ils apprenaient à bricoler. Pour ceux qui n'avaient jamais bricolé, ce que j'aime, c'est que... Ils voyaient que c'était possible de se lancer sur une toute petite ferme. Même si on voit l'agriculture comme un monde difficile financièrement, comme physiquement, je trouve ça dommage qu'il n'y ait pas plus de vecteurs d'informations qui faillent passer par l'expérience en immersion totale pour le comprendre. Mais il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Et ça c'est vraiment un message. que j'aimerais voir beaucoup plus diffusée, c'est que l'agriculture, ce n'est pas forcément dur. On ne galère pas forcément financièrement non plus. Il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage, oui, mais il faut y croire. Et en fait, le WUFING permet en une semaine, deux semaines, trois semaines d'être inspiré et d'avoir de l'espoir dans le fait que, oui, on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien, en fait. Je suis très contente d'être un endroit où les gens peuvent découvrir ou se confirmer ça.

  • Speaker #1

    Il y a une dimension importante aussi dans ton projet, c'est la manière dont tu présentes ta ferme. C'est à la fois un lieu de vie, d'activité, d'agriculture, évidemment, principalement, mais tu organises aussi ponctuellement des événements.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, ça faisait partie vraiment de mon rêve. Dès le départ, ça ne m'a jamais quitté d'avoir une ferme, je n'ai pas envie de dire produire, mais si, d'avoir une ferme qui produit quelque chose. Donc je produis du blé, du... pain. Pour moi, une ferme, c'est pas simplement ça, c'est pas juste un outil de travail, c'est vraiment un lieu qui inspire, qui réunit, qui fait du bien. Et donc je trouve que les événements dans les fermes, dans les fermes paysannes, c'est des moments qui font du bien aux gens. Pour l'instant, ça fait pas très longtemps que je suis installée, mais il y a déjà eu deux événements, une soirée soupe à l'automne avec des braseros et un spectacle, et puis une soirée pizza au feu de bois, les tables dans le verger et puis des guirlandes guinguettes. et un concert aussi. Je suis hyper fière de pouvoir créer ça et super contente de voir les petits vieux du quartier et les jeunes aussi, même s'il n'y en a pas énormément dans le coin, mais de voir les clients de la boulangerie qui sont super contents d'avoir découvert le pain paysan, mais qui en plus sont contents de pouvoir se réunir. Il y a les gens seuls, les gens moins seuls. C'est vivant. Et c'est beau, quoi. Et c'est ça, là aussi, la paysannerie, c'est pas juste du travail, c'est aussi créer des espaces, créer des espaces de rencontres et un lieu beau. Moi, c'est vraiment... J'ai toujours dit, je veux une ferme belle. Il y a tellement de fermes glauques. Ouais, vraiment glauques. Et non, pour moi, c'est un espace créatif, c'est un espace artistique. Il passe par la maçonnerie, par le jardinage, par le potager, par les constructions, par l'aménagement de... de l'espace et c'est vraiment très important pour moi que les gens se sentent bien quand ils arrivent et que le pain soit créé dans un endroit qui fait du bien.

  • Speaker #1

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme, un jeune homme qui souhaiterait ouvrir sa ferme ?

  • Speaker #0

    Fais-toi confiance, ose. Tu auras peur, mais n'aie pas peur parce qu'il faut avoir confiance en la vie. Il faut juste un peu de courage, mais tant qu'on a l'envie, le courage il est là. Et ça vaut le coup et il en faut. Il faut que ça pousse.

  • Speaker #1

    Les deux prochaines questions, c'est des questions que je pose à tous mes invités. Est-ce que tu dirais de toi que tu es une femme engagée ?

  • Speaker #0

    Alors, oui. Oui. Déjà avec tout ce que je viens de dire, je suis profondément engagée dans la paysannerie. Je ne vais pas forcément être inscrite dans un milliard d'assos et participer à des réunions et aller faire des manifs et compagnie. Je porte mes valeurs avec ce que je réalise, ce que je fais, ce que je dis quand on me pose la question ou quand j'ai envie de le dire. Oui, je suis vraiment attachée à mes valeurs et au mode de vie et au travail paysan.

  • Speaker #1

    La dernière, c'est le mot de la fin. Tu peux utiliser les prochaines minutes pour parler directement aux auditeurs et auditrices du podcast.

  • Speaker #0

    J'ai déjà dit qu'il fallait oser, qu'il fallait se faire confiance. Je peux le répéter parce qu'il faut l'entendre plusieurs fois pour parfois y croire, mais à ceux qui écouteront ce podcast... qui ont des envies de reconversion ou qui se posent des questions pour leur avenir ou qui ont envie de découvrir le woofing, eh bien, osez et faites tout pour vous donner ce temps-là, parce que c'est magnifique. Et puis, aux gens qui sont bien dans leur vie et qui n'ont pas forcément envie de tout ça, ouais, qu'on n'a pas tous forcément envie d'y consacrer notre vie, mais en fait, on est quand même tous imbriqués dedans par... par des tout petits choix au quotidien, sans avoir besoin d'en faire des montagnes. On peut faire les bons choix en mangeant sainement, en choisissant ses produits de manière consciente. Et c'est déjà beaucoup. C'est beaucoup pour les paysans et beaucoup pour la nature. Vous venez d'écouter un épisode du podcast Parlons Plus Bas. Cette émission est disponible sur toutes les plateformes d'écoute. Réalisation Anthony Chenu Voix off Justine Leroux Pour échanger avec nous, rendez-vous sur le compte Instagram de l'émission.

Description

[#7 Marie-Astrid Laurent : De la philo à la ferme bio] Dans ce septième épisode, Anthony Chenu part à la rencontre de Marie-Astrid Laurent, paysanne de la Ferme du Bois Rouland dans la Manche.


Après des études en philosophie, Marie-Astrid a fait le choix de se former au métier de bergère. Après quelques expériences de woofer dans plusieurs fermes, elle s'est lancée et ouvert sa propre ferme-boulangerie en 2022 grâce au dispositif de groupement foncier agricole.


Engagée dans les valeurs de la paysannerie, elle défend un agriculture durable et a fait de sa ferme un lieu de rencontre pour les habitants de son village. Elle revient sur son parcours et sur son quotidien au contact de la nature.


Anthony Chenu retrouve Marie-Astrid dans sa ferme-boulangerie.


Parlons plus bas est un podcast d'Anthony Chenu à retrouver sur toutes les plateformes et sur les comptes Instagram et Facebook de l'émission.

Voix off : Justine Leroux

Octobre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Ça c'est vraiment un message que j'aimerais voir beaucoup plus diffusé, c'est que l'agriculture c'est pas forcément dur, on galère pas forcément financièrement non plus, il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage oui, mais on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien en fait. Parlons plus bas, podcast réalisé et présenté par Anthony Chenu.

  • Speaker #1

    Dans ce septième épisode, je vous emmène au cœur du bocage normand à la rencontre de Marie-Astrid Laurent. Paysanne depuis deux ans, Elle a fait de sa ferme un lieu de vie paisible et un espace de partage pour tous les habitants de son village. Elle nous raconte son parcours et elle nous laisse entrevoir son quotidien tourné vers les valeurs de la paysannerie. Il est 10h30.

  • Speaker #0

    Alors, on est chez moi, on est dans la cour de la ferme. Il y a le voisin qui fait de la tronçonneuse, on entend les oiseaux. J'ai vu des petits lapins tout à l'heure. Voilà, il y a ma maison derrière moi, il y a la boulangerie à ma droite. Tout est attenant, des vieilles pierres des années 1900. Il y a plein d'arbres, il fait beau.

  • Speaker #1

    Donc avec toi, on va parler d'agriculture puisque tu as ouvert ta ferme en 2022. Est-ce que tu peux nous raconter un peu dans quel milieu tu as grandi et où tu as grandi aussi ?

  • Speaker #0

    Alors je suis née à Avranches, j'ai grandi dans une famille, j'ai grandi dans le bourg, j'ai grandi à la ville, pas du tout été éduquée vraiment à la campagne, à part peut-être avec mon grand-père. Je faisais plein de choses dans la campagne et dans la nature avec mon grand-père, je pense que c'est lui qui m'a donné beaucoup le goût de tout ça à la base. Mais sinon oui, je suis avranchinaise, je viens d'une famille, je ne sais pas comment la décrire en fait, mais citadine.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu étais enfant, tu avais déjà un métier, un mode de vie qui t'attirait particulièrement ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que à mes trois ans, enfin je crois, dans ma tête je me dis que c'est mes trois ans, mais avec ma maman, quand on montait sur la colline d'Avranches, on passait par la route du Car-en-dessous, et sur la droite, il y avait une maison. Je faisais sur cette maison et j'estimais que c'était une ferme, alors que probablement pas du tout. Mais je disais toujours à ma maman, en passant devant cette maison, cette ferme, plus tard, je serai fermière. Et j'habiterais là, comme ça je serais tout près de toi. Et voilà, je voulais déjà être fermière. Bon après en grandissant, j'ai oublié ça et je voulais plus être fermière. Enfin j'y pensais plus et puis ça m'est revenu plus tard.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une autre dimension de ton parcours qui est intéressante, c'est le sport aussi quand tu étais plus jeune. Tu t'es illustrée dans une discipline qui s'appelle le... Tu étais poloïste en fait, c'est ça ? Tu peux nous expliquer ce que c'est ?

  • Speaker #0

    Oui, alors le kayak polo, c'est une discipline... peu connue du monde du kayak, c'est un sport collectif. On est deux équipes et on joue sur un terrain et on fait un match de kayak polo avec un ballon. En fait, c'est comme du water polo, mais en kayak. Il y a des buts et voilà, il faut... Gagner le match, c'est très intense, c'est très impressionnant, c'est un beau sport parce qu'il y a beaucoup de contacts. On a des casques avec des grilles, on a des tout petits kayaks, on se monte dessus, on se pousse à l'eau. C'est un très beau sport dans lequel j'ai passé les trois quarts de ma vie maintenant.

  • Speaker #1

    En 2018, tu avais justement avec ton club participé à un championnat du monde de kayak au Canada,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Alors avec l'équipe de France, oui, pas avec mon club. J'ai été sélectionnée en équipe de France et oui, les championnats du monde au Canada, c'était une belle expérience.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir aussi sur ton parcours d'étudiante après le bac ? Qu'est-ce que tu as étudié ? Comment tu t'es orientée ?

  • Speaker #0

    Après le bac, déjà au bac, je me suis prise de passion pour la philosophie, discipline qu'on devrait avoir bien avant la terminale. Donc j'ai fait des études de philosophie. Je suis partie à Rennes, j'ai commencé une licence. Et puis j'ai eu la chance de terminer ma licence au Canada justement, au Québec. Puis je suis rentrée en France et j'ai eu envie de continuer, j'ai fait le master et je suis partie à Caen parce que j'avais envie de changer de... Perspective, d'approche philosophique, parce qu'en fait chaque fac a un peu son approche. Arène, c'était très scientifique et moi je ne suis pas du tout scientifique, donc du coup je suis allée à Caen pour faire un peu plus de phénoménologie et c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as gardé de ta formation ? Tu parlais de la phénoménologie, mais est-ce qu'il y a des auteurs, est-ce qu'il y a des penseurs qui t'accompagnent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Oui, alors moi je suis très Nietzschéenne, j'ai fait mes mémoires sur Nietzsche et sa vision de la nature, de l'art, tout ça me transporte tous les jours. Même si, malheureusement, j'ai beaucoup oublié de mes études. C'est très frustrant, mais oui, je sens que la philo, elle est toujours là avec moi.

  • Speaker #1

    Et à quel moment l'idée de te former au métier de bergère s'est arrivée ? Est-ce que c'était une rupture avec ta formation ? Est-ce que c'est venu progressivement ? Est-ce que la philosophie, justement, t'a amené à ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est le hasard de la vie qui a fait que je suis devenue bergère. À la fin de ma licence, il fallait choisir entre le master recherche ou le master... J'ai choisi la recherche parce qu'en fait, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J'imaginais être prof un jour dans ma vie, mais je n'avais pas envie de faire le master enseignement. J'avais vraiment envie de faire de la recherche philosophique encore pendant deux ans plutôt que d'apprendre à enseigner et surtout d'apprendre à passer un concours. Mais j'avais dans l'optique de passer le concours à la fin. En fait, au fil de mon master, j'ai compris que je n'allais pas devenir prof. Et là, je ne sais pas trop comment, peut-être avec les rencontres que j'ai faites, l'environnement dans le... dans lequel j'évoluais, la nature et la paysannerie me sont revenues en tête tout doucement. Et puis j'ai commencé à faire du woofing. Donc le woofing, c'est une association nationale et internationale d'ailleurs, qui met en lien des gens, des paysans et des gens qui ont envie d'aider les paysans et de découvrir la paysannerie. Donc logés et nourris, les gens viennent dans les fermes. Et puis... apprennent. Et puis le paysan, ça lui permet de faire de belles rencontres et puis de partager sa vie. Et donc j'ai commencé par faire ça. Et ça a été un déclic monumental dès mon premier woofing. Je suis partie dans les Alpes avec Céline qui faisait des plantes aromatiques et médicinales dans la montagne. Et donc voilà, j'ai quand même voulu terminer mes études parce que j'aime pas abandonner quelque chose avant de l'avoir terminé. Donc voilà, c'était sûr que je voulais terminer. Mais je savais que j'avais envie de m'installer un jour dans une ferme et de devenir paysanne. Donc après mon master, j'ai continué les woofings et j'ai cherché à devenir ouvrière agricole dans différents domaines parce que je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. Donc j'ai fait du maraîchage, j'ai fait des petits fruits. Je pensais vouloir être dans le végétal à la base. Et puis, de fil en aiguille, au marché d'Avranches, par un grand hasard, Aymeric de la ferme du Petit Chonjon m'a vu en tenue de travail et puis il m'a dit tu travailles là-dedans ? et j'ai dit oui et il m'a dit tu voudrais travailler chez moi ? et donc je dis oui et puis là ça a été au Petit Chonjon ça a été le déclic pour les animaux, le fromage et puis la paysannerie vraiment, les petites fermes et voilà, et donc j'ai travaillé avec Aymeric là-bas pendant... pendant un petit bout de temps. Et ça a vraiment été la révélation pour moi. Ça m'a beaucoup inspirée sur ce que je voulais faire, devenir et ce que je voulais que devienne ma ferme un jour. Et puis, les choses ont fait que la ferme a été vendue et je n'ai plus travaillé là-bas. Du coup, j'ai cherché un endroit similaire. J'ai cherché à me former. J'étais un peu perdue, mais en tout cas, je savais où je voulais aller. Et j'ai vu qu'il y avait une formation pour devenir bergère et apprendre vraiment scientifiquement comment faire du fromage et s'occuper des animaux au Pays Basque. Ça a commencé une semaine après. Hop, je suis partie avec ma caravane au Pays Basque. Et pendant six mois, j'ai appris à faire du fromage et à être bergère dans un super cadre avec des gens formidables. C'était une toute petite formation vraiment de campagne. On était, je ne sais plus, peut-être huit. On se baladait dans tout le pays basque, français comme espagnol, pour découvrir des fermes, des paysans, des systèmes. Et puis de temps en temps, on avait des cours théoriques sur l'anatomie de l'animal. Et puis beaucoup, beaucoup de stages pour pratiquer. C'était vraiment une formation très bien menée et qui m'a beaucoup appris. Et à la suite de ça, j'ai été salariée pour être bergère sur la frontière avec l'Espagne. Donc ça a été une expérience formidable, très solitaire. Mais moi, ça ne me dérange pas du tout.

  • Speaker #1

    J'imagine qu'il y a une différence entre être bergère dans les Alpes et bergère des Plaines.

  • Speaker #0

    Alors, il y a bergère des Alpes. Donc c'est des grandes montagnes ardues avec des grands, grands troupeaux. parce qu'évidemment, il y a du fromage dans les Alpes, mais il y a quand même une majorité de troupeaux pour faire de la viande. Et donc, c'est des troupeaux beaucoup plus grands. Donc, j'ai un petit peu vu ça. Je n'ai pas été bergère dans les Alpes, mais j'ai été voir des bergers dans les Alpes. C'est une autre... Bon, il y a un troupeau de chiens, il y a huit chiens. Puis, il y a beaucoup plus le loup aussi. Enfin, voilà, c'est une autre approche. Dans les Pyrénées, les... Au Pays Basque surtout, les montagnes sont quand même plus basses. Les troupeaux sont plus petits. Il faut les traire tous les matins à l'aube. Donc forcément, il ne faut pas 2000 brebis à la main. En général, il y a un ou deux chiens. Il y a la menace un petit peu de l'ours. C'est autre chose. Et puis, bergère de plaine, c'est les présalés, c'est la plaine. Donc, il n'y a pas de relief. On voit le troupeau à l'horizon, alors que dans la montagne, on peut vite le perdre au creux entre deux collines, entre deux montagnes. Il faut apprendre son périmètre par cœur et savoir dans quel creux elles peuvent aller se loger. C'est magnifique comme expérience. C'est vraiment... En étant berger tout seul, à galérer, à perdre le troupeau, à être en panique tout seul le matin à l'aube, le chien qui ne fait pas exactement ce qu'on veut ou qui essaye, mais qui en fait va couper le troupeau en deux. Et puis en fait, il y a des brebis qui partent dans l'autre sens et il y a tout l'autre troupeau. C'est en galérant qu'on apprend à trouver des petites astuces et c'est génial, c'est vraiment génial.

  • Speaker #1

    Donc c'est à 27 ans que tu vas faire le choix de t'associer pour lancer ta ferme et devenir bergère des plaines, ici, en Normandie. Comment le projet est né et pourquoi ?

  • Speaker #0

    À la suite de mon expérience au Pays Basque, je ne sais pas pourquoi, je ne saurais pas dire pourquoi, mais d'un coup, j'ai eu envie de revenir dans ma région natale. J'avais besoin de retrouver des repères et donc je suis remontée. J'ai commencé un BPREA, Brevet de Responsable d'Exploitation Agricole. Ça permet ensuite de s'installer. d'avoir des aides à l'installation, ça met un pied dans l'installation agricole. Et en remontant, j'ai retrouvé une amie que j'avais quand j'étais à Caen, et qui elle aussi était devenue bergère, bergère pour le coup dans les Alpes. On avait plein de choses en commun, et l'envie commune un jour d'avoir une ferme. Et puis un matin elle m'a dit si on faisait notre ferme ensemble, et donc on s'est lancé là-dedans. J'avais toujours entendu que c'était... Très compliqué de s'installer, de trouver une ferme, l'accès aux fonciers. Donc voilà, je m'étais préparée à ça. Et puis en fait, quasiment le lendemain ou le surlendemain où on a commencé la recherche, on avait déjà trouvé une ferme.

  • Speaker #1

    C'était une ferme à vendre, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En allant voir un copain, on a entendu que son voisin voulait partir de sa ferme pour vivre d'autres aventures. Donc on a été la visiter, ça a été le coup de cœur. Voilà, c'était parti pour acheter cette ferme-là. Et puis finalement, quelques temps après, il a changé de projet et il ne vendait plus sa ferme. Mais il nous a donné le numéro de son voisin d'en bas, dont la propriétaire venait effectivement de décéder. Et les enfants voulaient vendre la ferme puisqu'ils n'avaient pas le temps de s'en occuper. Donc ça a été le deuxième coup de cœur.

  • Speaker #1

    Tu t'es installée dans un territoire qui reste encore assez marqué par son aspect rural, ici dans le sud de la Manche. Est-ce que tu avais des liens avec d'autres agriculteurs ou comment tu as appréhendé justement cette zone très ancrée dans la ruralité ?

  • Speaker #0

    J'avais pas beaucoup de liens, pas beaucoup de réseaux, un petit peu avec le petit changeant. Déjà j'ai débarqué dans la campagne de Saint-James, ce qui n'est vraiment pas loin d'Avranches, mais en fait j'allais jamais dans ce coin-là de toute mon enfance ou adolescence, donc je connaissais personne. Petit à petit, le réseau se fait, on a une problématique, on a une petite galère, on a deux bouches à oreille, ça se fait. Le fait d'avoir ouvert la boulangerie aussi, d'avoir des clients réguliers deux fois par semaine avec qui on discute, parce que c'est aussi beaucoup une boulangerie où on parle et où il y a plein de petits vieux du quartier qui se connaissent, qui sont allés à l'école ensemble et qui connaissent un tel. Et petit à petit, le réseau se fait. Et puis, quand il y a besoin d'une remorque ou quand il y a besoin de faucher le prêt ou autre... Maintenant, je sais à qui demander.

  • Speaker #1

    Donc en plus d'une ferme, c'est devenu aussi un commerce de proximité avec ses horaires et sa vie, son rythme, qui réanime un peu la zone en fait aussi.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, c'est trop beau et ça me fait vraiment... Enfin, c'était le but aussi. Quand j'ai acheté la ferme, il n'y avait pas de four à pain, il n'y avait pas de fromagerie. Il fallait tout créer de A à Z et c'était mon rêve. C'était vraiment ce que je voulais faire. Je ne voulais pas reprendre une ferme déjà existante. Je voulais la réaliser à mon image. de A à Z. Quand j'ai acheté la ferme, je me suis projetée dans les différents bâtiments, j'ai essayé d'imaginer comment la modeler. Et puis ça a été assez limpide que la boulangerie serait dans l'ancienne écurie qui donne sur la route, parce qu'en fait la ferme est bien placée pour un commerce, elle est au bord de la route, et en même temps on l'oublie assez facilement, donc c'est assez idéal je trouve. Et donc la première année, il fallait faire les travaux. pour créer le fournil. Donc, je ne voyais pas grand monde. La ferme n'était pas vraiment vivante à part à travers moi et les gens qui m'aidaient. Et quand tout était prêt, j'ai pu ouvrir la boulangerie. Et là, tous les gens du quartier qui se demandaient ce qui se passait depuis un an sur cette ferme ont compris. C'est marrant parce que l'une des premières clientes, le jour de l'ouverture, parce que la devanture de la boulangerie, c'est un mur en terre paille avec un enduit à la chaux. Et on a mis des briques de verre, des bouteilles de couleurs. C'est un peu atypique. pour le coin. Et il y a une dame qui est rentrée qui a dit Ah c'est du pain, mais je croyais que ça allait être une discothèque ! Elle est voisine et elle se demandait vraiment pendant un an, mais qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Il y a l'air d'avoir des trucs, ils se trompent quelque chose. Depuis que la boulangerie a ouvert, je rencontre tous les gens du quartier. Le quartier, c'est assez large.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir cette ferme, tu t'es inscrite dans un projet de GFA, un groupement foncier agricole. Est-ce que tu peux expliquer ce qu'est un GFA et ce que ça permet de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    On s'est lancé avec Mathilde, avec cette amie avec qui je devais m'associer, à créer le GFA toute seule. On a fait appel... à un avocat. On s'est beaucoup renseignés pour comprendre, déjà comprendre ce que c'était vraiment, et puis ensuite tout l'aspect juridique, administratif. Un GFA, c'est quand des gens se réunissent, que ce soit une famille ou des inconnus, peu importe, mais en tout cas, des gens se réunissent pour acheter en commun une terre agricole. Déjà parce que l'accès aux fonciers, aujourd'hui, est extrêmement compliqué. Le prix de l'hectare, et surtout dans le Sud-Manche, est devenu... Inabordable quand on sait aussi qu'il y a les bâtiments à acheter, les travaux, l'investissement. Nous on prévoyait d'acheter un troupeau, de créer une fromagerie, c'est des investissements colossaux. Être locataire des terres nous paraissait être une solution qui pouvait nous aider ensuite à réussir notre projet. On a fait plein plein de pubs pour parler du GFA, parler de nous, parler de notre projet. Et on a fait un appel solidaire pour acheter des parts sociales et réussir à atteindre l'objectif du prix des terres avec plein de gens. Donc là aujourd'hui, on est je crois plus de 250 membres dans le GFA. Et on a pu acheter d'abord 5 hectares 5 sur lesquels je produis mon blé. Et puis on a eu un deuxième projet, une chance formidable. deux hectares cinq qui se sont libérés aussi juste à côté. Et donc j'ai fait un deuxième appel et on est en train de relever ce deuxième défi et de pouvoir acheter les autres terres. Je suis la paysanne locatrice, je suis membre du GFA bien sûr, mais au même titre que n'importe qui d'autre, c'est moi qui occupe les terres et qui s'en occupe aussi. Même si j'avais pu acheter, je préfère que ça se passe comme ça, je préfère que le GFA soit à deux centaines de personnes plutôt qu'à une seule paysanne ou un seul paysan. Parce que même si pour x raisons un jour j'ai envie d'arrêter, je sais que ces terres-là, elles seront cédées à quelqu'un qui a les mêmes valeurs que moi. Parce que c'est les valeurs qu'on porte avec les gens du GFA. Donc les valeurs de la paysannerie, de l'agriculture biologique. Pendant au moins 99 ans, ces terres-là sont protégées d'être vendues ou récupérées par des producteurs et des exploitants qui n'ont pas les mêmes valeurs que le GFA. Et ça fait vachement de bien de se dire que... qu'elles sortent de ce système-là, qu'elles sont protégées. Qu'on plante des arbres et que mes champs sont, comme la plupart d'Iré, sont sales, parce qu'il y a plein d'adventices, il y a plein de trucs qui poussent dans tous les sens. Chaque épi de blé n'est pas tous de la même taille, il y a plein de trucs qui poussent au milieu, mais au moins, il y a des abeilles, il y a des oiseaux, il y a toute une vie, et ça me plaît que ce soit comme ça, que ça reste comme ça, et que... Et que même si j'arrête, ça continuera d'être comme ça. Et ça, c'est très rassurant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu connais un peu le profil de tes donateurs ? Est-ce que tu sais si c'est plutôt des personnes qui habitent en ville et qui donnent depuis loin ? Est-ce que c'est des personnes locales plutôt ? Le profil un peu de ces membres du GFA ?

  • Speaker #0

    Il y a de tout. Ils viennent de partout. Il y a des locaux, il y a des jeunes, il y a des vieux, il y a des citadins, il y a des ruraux, il y a des paysans, il y a vraiment tous les profils. Il y a énormément de gens que je n'ai jamais rencontrés et que probablement je ne rencontrerai jamais non plus, qui juste ont vu passer ça dans le journal, ont été sensibles, ou à la radio, ou sur internet, et pouf, ils voulaient juste participer. Pour eux, c'est comme un don, alors qu'en fait, finalement, ce n'est pas un don, c'est des parts sociales. Ça reste l'argent des gens, ils peuvent le récupérer s'ils veulent. C'est une autre démarche que les crowdfunding. Ça leur permet aussi de s'impliquer, de prendre part à quelque chose. Il y a l'Assemblée Générale au début d'année, où on n'en est pas 250, clairement. Mais voilà, les gens qui ont envie de s'impliquer, qui ont envie de voir ce que devient mon projet, mais aussi ce que deviennent les terres. On va commencer par la boulangerie et pour arriver à la boulangerie on passe devant mon super nouvel abri. Avant il y avait une vieille charpente avec des tôles rouillées et puis il y avait des cuves à fioul en dessous et un bordel. C'était très sombre et moche et on a tout cassé et on a refait la charpente. On a mis des plaques transparentes et puis il y a une vigne qui court, il y a un canapé. Mon petit abri d'extérieur qui fait du bien. Donc là, on entre dans la boulangerie, enfin la boulangerie-boutique, parce que c'est les deux en même temps. Donc c'était, comme je disais, c'était l'ancienne écurie. Là, au bout, c'était la porte de garage, parce que pendant un temps, il y avait la voiture qui était là. Donc on a enlevé la porte de garage et on a fait un mur en terre paille avec des bouteilles de couleurs. Le matin, le soleil se lève pile en face, donc il y a toutes les bouteilles qui s'illuminent hyper jolies. Et c'est l'heure où je travaille et du coup, c'est très très agréable.

  • Speaker #1

    Quand on entre, on sent qu'on est dans une boulangerie. Ça sent le pain, ça sent le blé. Oui,

  • Speaker #0

    moi je ne le sens plus. Alors déjà, j'ai un odorat un peu pourri, mais en plus, je suis tout le temps baignée de temps. Donc, tout le monde me dit ça, tous les clients qui rentrent.

  • Speaker #1

    Et donc, dans cet espace boulangerie, tu as le four qui est ici, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Cette grosse bête-là, c'est le four à bois avec deux étages qui tournent. Puis ça, ce gros machin, c'est une hotte parce qu'en fait, l'espace est assez fermé finalement par rapport à d'autres fournils. Et le four dégage. énormément de vapeur puisque le pain se cuit donc sèche. Voilà, c'est pour protéger le plafond.

  • Speaker #1

    Et au sol, des carreaux de ciment dessinés ?

  • Speaker #0

    Comme globalement pour la ferme, c'était vraiment important pour moi de travailler dans un lieu que je trouve beau et qui a mon image et qui est à la fois fonctionnel mais vraiment que j'aime profondément. C'était important pour moi. Et c'est le luxe de s'installer à son compte, c'est de pouvoir faire exactement ce qu'on veut et d'évoluer et de travailler dans l'espace qu'on veut. et c'est hyper créatif, c'est génial.

  • Speaker #1

    Donc là, on se trouve à l'arrière de ce qui constitue le corps de ferme un peu. Oui. Là, c'est écrit en grand potager.

  • Speaker #0

    J'adore faire des panneaux comme ça où je creuse dans le bois. Le potager est hyper en friche, mais il est vachement beau aussi comme ça.

  • Speaker #1

    C'est des capucines qu'on voit ?

  • Speaker #0

    Oui, il y en a partout, ça pullule. Je n'ai pas beaucoup de temps et puis bon, cette année, le temps n'est pas du tout propice à faire pousser des légumes. Mais voilà, j'aime bien que le potager soit au cœur de la ferme. Et donc, si on continue, juste derrière la boulangerie, il y a l'abri à bois pour le four qu'on a fabriqué. Toute la charpente est faite avec des vieux troncs qu'on a récupérés dans le bois, puisqu'on est à côté du bois roulant. Donc, ça permet de stocker toutes les chutes de scieries et tout le bois que je fais sur la ferme et tout ce qui fait chauffer le four. Je récupère aussi... des fagots de toutes les chutes de ciri, tout ce que les ciri ne peuvent pas vendre, toutes leurs coupes, leurs petits déchets, c'est hyper pratique. C'est un vieux verger avec des vieux arbres, donc il y a plein de fruits différents, il y a des pommes, des poires, des cerises, des prunes, des pêches. J'essaye de les entretenir, j'apprends à les entretenir, justement grâce aux clients qui s'y connaissent et qui sont venus m'aider pour m'apprendre à les tailler. Avec les pommes, je fais du jus de pomme. de pommes et du cidre grâce à mes voisins. Mes voisins qui d'ailleurs sont les anciens propriétaires de la ferme. Donc on a tissé une belle relation et ils ont une vieille petite presse en bois autour de laquelle on tourne pour presser le jus de pommes. On fait le jus de pommes et le cidre ensemble et c'est eux qui m'ont appris à faire et c'est super chouette. Et toutes les terres qui nous entourent là, c'est les terres du GFA. On n'en voit qu'une partie parce qu'il y en a encore plein par là-bas. Là c'est juste du foin et à côté là c'est le blé.

  • Speaker #1

    Qui est assez haut ?

  • Speaker #0

    Oui. Parce que c'est du blé paysan, c'est de la semence ancienne, donc il y a un mélange de plein de blés différents et puis pas trafiqué pour être tous de la même taille avec le même nombre de grains et de ne pas se coucher avec le vent. Donc c'est très sauvage, c'est plus joli et puis ça fait du meilleur pain parce qu'il y a plein de qualités différentes puisque c'est un mélange très varié.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as déjà quelques êtres vivants qui t'accompagnent ici ?

  • Speaker #0

    Actuellement, j'ai trois petits copains, deux chèvres et une brebis. Il y avait une autre brebis avant, mais elle nous a quittés. Et là, on est devant le hangar. Il y a Garou le tracteur. Garou parce qu'il a une grosse voix. Il y a la cellule de stockage du blé aussi. Il y a une mezzanine avec plein de fourbilles pour bricoler. Plein de récup de bois, la remorque. Tout ce qu'il faut dès que j'ai envie de faire un truc ou de réparer un truc.

  • Speaker #1

    Donc tout ça, c'est toi qui l'as aménagé ?

  • Speaker #0

    On va plutôt dire que je l'ai rempli. Enfin, je l'ai vidé et puis ensuite je l'ai rempli. Mais sinon, c'était à peu près comme ça quand je suis arrivée. Là, c'est la bergerie. C'est la maison des petits copains.

  • Speaker #1

    On les voit arriver.

  • Speaker #0

    Là, c'est Colette.

  • Speaker #1

    La chèvre qui accompagne le bouc.

  • Speaker #0

    Colette, Piu-Piu et Pelote.

  • Speaker #1

    Pelote, c'est la petite brebis.

  • Speaker #0

    Oui, brebis ouessant, qui est très peureuse, mais qui est vraiment très, très mignonne. Donc là, on voit le deuxième champ de blé. Il y a ma caravane et puis il y a la roulotte que j'ai fabriquée pendant le confinement. C'était mon projet confinement. Je savais qu'elle allait finir un jour sur ma future ferme, même si je ne savais pas encore vraiment que j'allais avoir une ferme. Et ça me permet d'accueillir les woofers et puis les copains.

  • Speaker #1

    Donc tu vis parmi les animaux en fait ? Oui,

  • Speaker #0

    le soir je les entends faire la fête. Le matin je les entends qui se réveillent, qui mangent. Et puis un jour, je ferai des travaux dans ma maison et puis j'habiterai dans une maison.

  • Speaker #1

    Tu as commencé à en parler un petit peu. Qu'est-ce que tu cultives ici ? Par quoi tu as commencé ?

  • Speaker #0

    La première culture, ça a été du sarrasin. J'ai mis du sarrasin partout. En conversion biologique, les terres avaient été louées par un agriculteur, un vaché en conventionnel, qui produisait des céréales pour ses vaches. Il y avait aussi des prairies qui n'avaient jamais été cultivées, qui étaient là depuis toujours. Donc quand je suis arrivée, on m'a conseillé de semer du sarrasin partout, parce que le sarrasin a une racine pivotante qui allait permettre d'ameublir la terre naturellement. Et puis c'est un bon apport en azote, c'est plein de bonnes choses. Donc c'était superbe, c'est vachement beau un champ de sarrasin. C'est rouge, la tige rouge et la fleur blanche. Alors il y avait plein de gens très contents. qui n'ont pas l'habitude de voir du sarrasin et Ah, vous avez planté du sarrasin, c'est super ! Et puis il y avait d'autres gens qui pensaient que le sarrasin, quand on plante du sarrasin, ça veut dire qu'on a une terre pauvre, alors que pas du tout. Le sarrasin, ça se plaît aussi bien sur les belles terres que sur les terres qui ont un peu plus de mal à vivre. Donc voilà, j'ai commencé par ça, et puis je n'avais pas d'endroit pour stocker le grain, donc j'ai dû vendre la récolte à une coopérative. Et puis j'ai pu ensuite semer mon premier blé. puisque je savais que les travaux allaient prendre fin et que j'allais pouvoir ouvrir la boulangerie. J'ai semé mon premier blé sur deux tiers des terres. Et sur le reste, j'ai fait un mélange poids-avoine, parce qu'il faut pouvoir faire des rotations sur l'entièreté des parcelles qu'on a, pour que chaque année, on puisse semer le blé à des endroits différents, pour éviter d'appauvrir la terre. Et cette année, j'ai semé aussi de la févrole.

  • Speaker #1

    Et donc c'est en août 2022 que tu as obtenu la certification agriculture biologique

  • Speaker #0

    Europe ? Je ne l'ai pas encore, je suis encore en conversion. Il faut trois ans, dès le début de la démarche. Alors trois ans après, on peut avoir le label bio. Donc je l'aurai le 19 juillet 2025 sur la première partie des terres. Mais puisqu'on rachète d'autres terres, je vais recommencer un processus de conversion. Donc voilà, la ferme en entier sera en bio en 2024. peut-être bien en 2028.

  • Speaker #1

    Tu proposes maintenant toi aussi des missions de woofer, t'en as parlé tout à l'heure. T'es devenue à ton tour formatrice ou accueillante en tout cas pour des jeunes ou des moins jeunes qui voudraient se lancer dans l'aventure. Est-ce que tu peux nous raconter un peu comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est super d'avoir vécu des woofings hyper inspirants et maintenant de pouvoir accueillir les gens et de voir les choses dans le sens inverse, c'est vraiment très émouvant. Surtout la... Première année où il fallait faire plein de travaux et puis vraiment bien s'installer sur la ferme, créer l'espace de stockage pour le blé, créer le fournil. J'accueillais pas mal de woofers. Donc, il y a eu aussi des étrangers, des Américains en voyage, des Allemands. Ils apprenaient à bricoler. Pour ceux qui n'avaient jamais bricolé, ce que j'aime, c'est que... Ils voyaient que c'était possible de se lancer sur une toute petite ferme. Même si on voit l'agriculture comme un monde difficile financièrement, comme physiquement, je trouve ça dommage qu'il n'y ait pas plus de vecteurs d'informations qui faillent passer par l'expérience en immersion totale pour le comprendre. Mais il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Et ça c'est vraiment un message. que j'aimerais voir beaucoup plus diffusée, c'est que l'agriculture, ce n'est pas forcément dur. On ne galère pas forcément financièrement non plus. Il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage, oui, mais il faut y croire. Et en fait, le WUFING permet en une semaine, deux semaines, trois semaines d'être inspiré et d'avoir de l'espoir dans le fait que, oui, on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien, en fait. Je suis très contente d'être un endroit où les gens peuvent découvrir ou se confirmer ça.

  • Speaker #1

    Il y a une dimension importante aussi dans ton projet, c'est la manière dont tu présentes ta ferme. C'est à la fois un lieu de vie, d'activité, d'agriculture, évidemment, principalement, mais tu organises aussi ponctuellement des événements.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, ça faisait partie vraiment de mon rêve. Dès le départ, ça ne m'a jamais quitté d'avoir une ferme, je n'ai pas envie de dire produire, mais si, d'avoir une ferme qui produit quelque chose. Donc je produis du blé, du... pain. Pour moi, une ferme, c'est pas simplement ça, c'est pas juste un outil de travail, c'est vraiment un lieu qui inspire, qui réunit, qui fait du bien. Et donc je trouve que les événements dans les fermes, dans les fermes paysannes, c'est des moments qui font du bien aux gens. Pour l'instant, ça fait pas très longtemps que je suis installée, mais il y a déjà eu deux événements, une soirée soupe à l'automne avec des braseros et un spectacle, et puis une soirée pizza au feu de bois, les tables dans le verger et puis des guirlandes guinguettes. et un concert aussi. Je suis hyper fière de pouvoir créer ça et super contente de voir les petits vieux du quartier et les jeunes aussi, même s'il n'y en a pas énormément dans le coin, mais de voir les clients de la boulangerie qui sont super contents d'avoir découvert le pain paysan, mais qui en plus sont contents de pouvoir se réunir. Il y a les gens seuls, les gens moins seuls. C'est vivant. Et c'est beau, quoi. Et c'est ça, là aussi, la paysannerie, c'est pas juste du travail, c'est aussi créer des espaces, créer des espaces de rencontres et un lieu beau. Moi, c'est vraiment... J'ai toujours dit, je veux une ferme belle. Il y a tellement de fermes glauques. Ouais, vraiment glauques. Et non, pour moi, c'est un espace créatif, c'est un espace artistique. Il passe par la maçonnerie, par le jardinage, par le potager, par les constructions, par l'aménagement de... de l'espace et c'est vraiment très important pour moi que les gens se sentent bien quand ils arrivent et que le pain soit créé dans un endroit qui fait du bien.

  • Speaker #1

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme, un jeune homme qui souhaiterait ouvrir sa ferme ?

  • Speaker #0

    Fais-toi confiance, ose. Tu auras peur, mais n'aie pas peur parce qu'il faut avoir confiance en la vie. Il faut juste un peu de courage, mais tant qu'on a l'envie, le courage il est là. Et ça vaut le coup et il en faut. Il faut que ça pousse.

  • Speaker #1

    Les deux prochaines questions, c'est des questions que je pose à tous mes invités. Est-ce que tu dirais de toi que tu es une femme engagée ?

  • Speaker #0

    Alors, oui. Oui. Déjà avec tout ce que je viens de dire, je suis profondément engagée dans la paysannerie. Je ne vais pas forcément être inscrite dans un milliard d'assos et participer à des réunions et aller faire des manifs et compagnie. Je porte mes valeurs avec ce que je réalise, ce que je fais, ce que je dis quand on me pose la question ou quand j'ai envie de le dire. Oui, je suis vraiment attachée à mes valeurs et au mode de vie et au travail paysan.

  • Speaker #1

    La dernière, c'est le mot de la fin. Tu peux utiliser les prochaines minutes pour parler directement aux auditeurs et auditrices du podcast.

  • Speaker #0

    J'ai déjà dit qu'il fallait oser, qu'il fallait se faire confiance. Je peux le répéter parce qu'il faut l'entendre plusieurs fois pour parfois y croire, mais à ceux qui écouteront ce podcast... qui ont des envies de reconversion ou qui se posent des questions pour leur avenir ou qui ont envie de découvrir le woofing, eh bien, osez et faites tout pour vous donner ce temps-là, parce que c'est magnifique. Et puis, aux gens qui sont bien dans leur vie et qui n'ont pas forcément envie de tout ça, ouais, qu'on n'a pas tous forcément envie d'y consacrer notre vie, mais en fait, on est quand même tous imbriqués dedans par... par des tout petits choix au quotidien, sans avoir besoin d'en faire des montagnes. On peut faire les bons choix en mangeant sainement, en choisissant ses produits de manière consciente. Et c'est déjà beaucoup. C'est beaucoup pour les paysans et beaucoup pour la nature. Vous venez d'écouter un épisode du podcast Parlons Plus Bas. Cette émission est disponible sur toutes les plateformes d'écoute. Réalisation Anthony Chenu Voix off Justine Leroux Pour échanger avec nous, rendez-vous sur le compte Instagram de l'émission.

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Description

[#7 Marie-Astrid Laurent : De la philo à la ferme bio] Dans ce septième épisode, Anthony Chenu part à la rencontre de Marie-Astrid Laurent, paysanne de la Ferme du Bois Rouland dans la Manche.


Après des études en philosophie, Marie-Astrid a fait le choix de se former au métier de bergère. Après quelques expériences de woofer dans plusieurs fermes, elle s'est lancée et ouvert sa propre ferme-boulangerie en 2022 grâce au dispositif de groupement foncier agricole.


Engagée dans les valeurs de la paysannerie, elle défend un agriculture durable et a fait de sa ferme un lieu de rencontre pour les habitants de son village. Elle revient sur son parcours et sur son quotidien au contact de la nature.


Anthony Chenu retrouve Marie-Astrid dans sa ferme-boulangerie.


Parlons plus bas est un podcast d'Anthony Chenu à retrouver sur toutes les plateformes et sur les comptes Instagram et Facebook de l'émission.

Voix off : Justine Leroux

Octobre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Ça c'est vraiment un message que j'aimerais voir beaucoup plus diffusé, c'est que l'agriculture c'est pas forcément dur, on galère pas forcément financièrement non plus, il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage oui, mais on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien en fait. Parlons plus bas, podcast réalisé et présenté par Anthony Chenu.

  • Speaker #1

    Dans ce septième épisode, je vous emmène au cœur du bocage normand à la rencontre de Marie-Astrid Laurent. Paysanne depuis deux ans, Elle a fait de sa ferme un lieu de vie paisible et un espace de partage pour tous les habitants de son village. Elle nous raconte son parcours et elle nous laisse entrevoir son quotidien tourné vers les valeurs de la paysannerie. Il est 10h30.

  • Speaker #0

    Alors, on est chez moi, on est dans la cour de la ferme. Il y a le voisin qui fait de la tronçonneuse, on entend les oiseaux. J'ai vu des petits lapins tout à l'heure. Voilà, il y a ma maison derrière moi, il y a la boulangerie à ma droite. Tout est attenant, des vieilles pierres des années 1900. Il y a plein d'arbres, il fait beau.

  • Speaker #1

    Donc avec toi, on va parler d'agriculture puisque tu as ouvert ta ferme en 2022. Est-ce que tu peux nous raconter un peu dans quel milieu tu as grandi et où tu as grandi aussi ?

  • Speaker #0

    Alors je suis née à Avranches, j'ai grandi dans une famille, j'ai grandi dans le bourg, j'ai grandi à la ville, pas du tout été éduquée vraiment à la campagne, à part peut-être avec mon grand-père. Je faisais plein de choses dans la campagne et dans la nature avec mon grand-père, je pense que c'est lui qui m'a donné beaucoup le goût de tout ça à la base. Mais sinon oui, je suis avranchinaise, je viens d'une famille, je ne sais pas comment la décrire en fait, mais citadine.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu étais enfant, tu avais déjà un métier, un mode de vie qui t'attirait particulièrement ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que à mes trois ans, enfin je crois, dans ma tête je me dis que c'est mes trois ans, mais avec ma maman, quand on montait sur la colline d'Avranches, on passait par la route du Car-en-dessous, et sur la droite, il y avait une maison. Je faisais sur cette maison et j'estimais que c'était une ferme, alors que probablement pas du tout. Mais je disais toujours à ma maman, en passant devant cette maison, cette ferme, plus tard, je serai fermière. Et j'habiterais là, comme ça je serais tout près de toi. Et voilà, je voulais déjà être fermière. Bon après en grandissant, j'ai oublié ça et je voulais plus être fermière. Enfin j'y pensais plus et puis ça m'est revenu plus tard.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une autre dimension de ton parcours qui est intéressante, c'est le sport aussi quand tu étais plus jeune. Tu t'es illustrée dans une discipline qui s'appelle le... Tu étais poloïste en fait, c'est ça ? Tu peux nous expliquer ce que c'est ?

  • Speaker #0

    Oui, alors le kayak polo, c'est une discipline... peu connue du monde du kayak, c'est un sport collectif. On est deux équipes et on joue sur un terrain et on fait un match de kayak polo avec un ballon. En fait, c'est comme du water polo, mais en kayak. Il y a des buts et voilà, il faut... Gagner le match, c'est très intense, c'est très impressionnant, c'est un beau sport parce qu'il y a beaucoup de contacts. On a des casques avec des grilles, on a des tout petits kayaks, on se monte dessus, on se pousse à l'eau. C'est un très beau sport dans lequel j'ai passé les trois quarts de ma vie maintenant.

  • Speaker #1

    En 2018, tu avais justement avec ton club participé à un championnat du monde de kayak au Canada,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Alors avec l'équipe de France, oui, pas avec mon club. J'ai été sélectionnée en équipe de France et oui, les championnats du monde au Canada, c'était une belle expérience.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir aussi sur ton parcours d'étudiante après le bac ? Qu'est-ce que tu as étudié ? Comment tu t'es orientée ?

  • Speaker #0

    Après le bac, déjà au bac, je me suis prise de passion pour la philosophie, discipline qu'on devrait avoir bien avant la terminale. Donc j'ai fait des études de philosophie. Je suis partie à Rennes, j'ai commencé une licence. Et puis j'ai eu la chance de terminer ma licence au Canada justement, au Québec. Puis je suis rentrée en France et j'ai eu envie de continuer, j'ai fait le master et je suis partie à Caen parce que j'avais envie de changer de... Perspective, d'approche philosophique, parce qu'en fait chaque fac a un peu son approche. Arène, c'était très scientifique et moi je ne suis pas du tout scientifique, donc du coup je suis allée à Caen pour faire un peu plus de phénoménologie et c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as gardé de ta formation ? Tu parlais de la phénoménologie, mais est-ce qu'il y a des auteurs, est-ce qu'il y a des penseurs qui t'accompagnent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Oui, alors moi je suis très Nietzschéenne, j'ai fait mes mémoires sur Nietzsche et sa vision de la nature, de l'art, tout ça me transporte tous les jours. Même si, malheureusement, j'ai beaucoup oublié de mes études. C'est très frustrant, mais oui, je sens que la philo, elle est toujours là avec moi.

  • Speaker #1

    Et à quel moment l'idée de te former au métier de bergère s'est arrivée ? Est-ce que c'était une rupture avec ta formation ? Est-ce que c'est venu progressivement ? Est-ce que la philosophie, justement, t'a amené à ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est le hasard de la vie qui a fait que je suis devenue bergère. À la fin de ma licence, il fallait choisir entre le master recherche ou le master... J'ai choisi la recherche parce qu'en fait, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J'imaginais être prof un jour dans ma vie, mais je n'avais pas envie de faire le master enseignement. J'avais vraiment envie de faire de la recherche philosophique encore pendant deux ans plutôt que d'apprendre à enseigner et surtout d'apprendre à passer un concours. Mais j'avais dans l'optique de passer le concours à la fin. En fait, au fil de mon master, j'ai compris que je n'allais pas devenir prof. Et là, je ne sais pas trop comment, peut-être avec les rencontres que j'ai faites, l'environnement dans le... dans lequel j'évoluais, la nature et la paysannerie me sont revenues en tête tout doucement. Et puis j'ai commencé à faire du woofing. Donc le woofing, c'est une association nationale et internationale d'ailleurs, qui met en lien des gens, des paysans et des gens qui ont envie d'aider les paysans et de découvrir la paysannerie. Donc logés et nourris, les gens viennent dans les fermes. Et puis... apprennent. Et puis le paysan, ça lui permet de faire de belles rencontres et puis de partager sa vie. Et donc j'ai commencé par faire ça. Et ça a été un déclic monumental dès mon premier woofing. Je suis partie dans les Alpes avec Céline qui faisait des plantes aromatiques et médicinales dans la montagne. Et donc voilà, j'ai quand même voulu terminer mes études parce que j'aime pas abandonner quelque chose avant de l'avoir terminé. Donc voilà, c'était sûr que je voulais terminer. Mais je savais que j'avais envie de m'installer un jour dans une ferme et de devenir paysanne. Donc après mon master, j'ai continué les woofings et j'ai cherché à devenir ouvrière agricole dans différents domaines parce que je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. Donc j'ai fait du maraîchage, j'ai fait des petits fruits. Je pensais vouloir être dans le végétal à la base. Et puis, de fil en aiguille, au marché d'Avranches, par un grand hasard, Aymeric de la ferme du Petit Chonjon m'a vu en tenue de travail et puis il m'a dit tu travailles là-dedans ? et j'ai dit oui et il m'a dit tu voudrais travailler chez moi ? et donc je dis oui et puis là ça a été au Petit Chonjon ça a été le déclic pour les animaux, le fromage et puis la paysannerie vraiment, les petites fermes et voilà, et donc j'ai travaillé avec Aymeric là-bas pendant... pendant un petit bout de temps. Et ça a vraiment été la révélation pour moi. Ça m'a beaucoup inspirée sur ce que je voulais faire, devenir et ce que je voulais que devienne ma ferme un jour. Et puis, les choses ont fait que la ferme a été vendue et je n'ai plus travaillé là-bas. Du coup, j'ai cherché un endroit similaire. J'ai cherché à me former. J'étais un peu perdue, mais en tout cas, je savais où je voulais aller. Et j'ai vu qu'il y avait une formation pour devenir bergère et apprendre vraiment scientifiquement comment faire du fromage et s'occuper des animaux au Pays Basque. Ça a commencé une semaine après. Hop, je suis partie avec ma caravane au Pays Basque. Et pendant six mois, j'ai appris à faire du fromage et à être bergère dans un super cadre avec des gens formidables. C'était une toute petite formation vraiment de campagne. On était, je ne sais plus, peut-être huit. On se baladait dans tout le pays basque, français comme espagnol, pour découvrir des fermes, des paysans, des systèmes. Et puis de temps en temps, on avait des cours théoriques sur l'anatomie de l'animal. Et puis beaucoup, beaucoup de stages pour pratiquer. C'était vraiment une formation très bien menée et qui m'a beaucoup appris. Et à la suite de ça, j'ai été salariée pour être bergère sur la frontière avec l'Espagne. Donc ça a été une expérience formidable, très solitaire. Mais moi, ça ne me dérange pas du tout.

  • Speaker #1

    J'imagine qu'il y a une différence entre être bergère dans les Alpes et bergère des Plaines.

  • Speaker #0

    Alors, il y a bergère des Alpes. Donc c'est des grandes montagnes ardues avec des grands, grands troupeaux. parce qu'évidemment, il y a du fromage dans les Alpes, mais il y a quand même une majorité de troupeaux pour faire de la viande. Et donc, c'est des troupeaux beaucoup plus grands. Donc, j'ai un petit peu vu ça. Je n'ai pas été bergère dans les Alpes, mais j'ai été voir des bergers dans les Alpes. C'est une autre... Bon, il y a un troupeau de chiens, il y a huit chiens. Puis, il y a beaucoup plus le loup aussi. Enfin, voilà, c'est une autre approche. Dans les Pyrénées, les... Au Pays Basque surtout, les montagnes sont quand même plus basses. Les troupeaux sont plus petits. Il faut les traire tous les matins à l'aube. Donc forcément, il ne faut pas 2000 brebis à la main. En général, il y a un ou deux chiens. Il y a la menace un petit peu de l'ours. C'est autre chose. Et puis, bergère de plaine, c'est les présalés, c'est la plaine. Donc, il n'y a pas de relief. On voit le troupeau à l'horizon, alors que dans la montagne, on peut vite le perdre au creux entre deux collines, entre deux montagnes. Il faut apprendre son périmètre par cœur et savoir dans quel creux elles peuvent aller se loger. C'est magnifique comme expérience. C'est vraiment... En étant berger tout seul, à galérer, à perdre le troupeau, à être en panique tout seul le matin à l'aube, le chien qui ne fait pas exactement ce qu'on veut ou qui essaye, mais qui en fait va couper le troupeau en deux. Et puis en fait, il y a des brebis qui partent dans l'autre sens et il y a tout l'autre troupeau. C'est en galérant qu'on apprend à trouver des petites astuces et c'est génial, c'est vraiment génial.

  • Speaker #1

    Donc c'est à 27 ans que tu vas faire le choix de t'associer pour lancer ta ferme et devenir bergère des plaines, ici, en Normandie. Comment le projet est né et pourquoi ?

  • Speaker #0

    À la suite de mon expérience au Pays Basque, je ne sais pas pourquoi, je ne saurais pas dire pourquoi, mais d'un coup, j'ai eu envie de revenir dans ma région natale. J'avais besoin de retrouver des repères et donc je suis remontée. J'ai commencé un BPREA, Brevet de Responsable d'Exploitation Agricole. Ça permet ensuite de s'installer. d'avoir des aides à l'installation, ça met un pied dans l'installation agricole. Et en remontant, j'ai retrouvé une amie que j'avais quand j'étais à Caen, et qui elle aussi était devenue bergère, bergère pour le coup dans les Alpes. On avait plein de choses en commun, et l'envie commune un jour d'avoir une ferme. Et puis un matin elle m'a dit si on faisait notre ferme ensemble, et donc on s'est lancé là-dedans. J'avais toujours entendu que c'était... Très compliqué de s'installer, de trouver une ferme, l'accès aux fonciers. Donc voilà, je m'étais préparée à ça. Et puis en fait, quasiment le lendemain ou le surlendemain où on a commencé la recherche, on avait déjà trouvé une ferme.

  • Speaker #1

    C'était une ferme à vendre, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En allant voir un copain, on a entendu que son voisin voulait partir de sa ferme pour vivre d'autres aventures. Donc on a été la visiter, ça a été le coup de cœur. Voilà, c'était parti pour acheter cette ferme-là. Et puis finalement, quelques temps après, il a changé de projet et il ne vendait plus sa ferme. Mais il nous a donné le numéro de son voisin d'en bas, dont la propriétaire venait effectivement de décéder. Et les enfants voulaient vendre la ferme puisqu'ils n'avaient pas le temps de s'en occuper. Donc ça a été le deuxième coup de cœur.

  • Speaker #1

    Tu t'es installée dans un territoire qui reste encore assez marqué par son aspect rural, ici dans le sud de la Manche. Est-ce que tu avais des liens avec d'autres agriculteurs ou comment tu as appréhendé justement cette zone très ancrée dans la ruralité ?

  • Speaker #0

    J'avais pas beaucoup de liens, pas beaucoup de réseaux, un petit peu avec le petit changeant. Déjà j'ai débarqué dans la campagne de Saint-James, ce qui n'est vraiment pas loin d'Avranches, mais en fait j'allais jamais dans ce coin-là de toute mon enfance ou adolescence, donc je connaissais personne. Petit à petit, le réseau se fait, on a une problématique, on a une petite galère, on a deux bouches à oreille, ça se fait. Le fait d'avoir ouvert la boulangerie aussi, d'avoir des clients réguliers deux fois par semaine avec qui on discute, parce que c'est aussi beaucoup une boulangerie où on parle et où il y a plein de petits vieux du quartier qui se connaissent, qui sont allés à l'école ensemble et qui connaissent un tel. Et petit à petit, le réseau se fait. Et puis, quand il y a besoin d'une remorque ou quand il y a besoin de faucher le prêt ou autre... Maintenant, je sais à qui demander.

  • Speaker #1

    Donc en plus d'une ferme, c'est devenu aussi un commerce de proximité avec ses horaires et sa vie, son rythme, qui réanime un peu la zone en fait aussi.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, c'est trop beau et ça me fait vraiment... Enfin, c'était le but aussi. Quand j'ai acheté la ferme, il n'y avait pas de four à pain, il n'y avait pas de fromagerie. Il fallait tout créer de A à Z et c'était mon rêve. C'était vraiment ce que je voulais faire. Je ne voulais pas reprendre une ferme déjà existante. Je voulais la réaliser à mon image. de A à Z. Quand j'ai acheté la ferme, je me suis projetée dans les différents bâtiments, j'ai essayé d'imaginer comment la modeler. Et puis ça a été assez limpide que la boulangerie serait dans l'ancienne écurie qui donne sur la route, parce qu'en fait la ferme est bien placée pour un commerce, elle est au bord de la route, et en même temps on l'oublie assez facilement, donc c'est assez idéal je trouve. Et donc la première année, il fallait faire les travaux. pour créer le fournil. Donc, je ne voyais pas grand monde. La ferme n'était pas vraiment vivante à part à travers moi et les gens qui m'aidaient. Et quand tout était prêt, j'ai pu ouvrir la boulangerie. Et là, tous les gens du quartier qui se demandaient ce qui se passait depuis un an sur cette ferme ont compris. C'est marrant parce que l'une des premières clientes, le jour de l'ouverture, parce que la devanture de la boulangerie, c'est un mur en terre paille avec un enduit à la chaux. Et on a mis des briques de verre, des bouteilles de couleurs. C'est un peu atypique. pour le coin. Et il y a une dame qui est rentrée qui a dit Ah c'est du pain, mais je croyais que ça allait être une discothèque ! Elle est voisine et elle se demandait vraiment pendant un an, mais qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Il y a l'air d'avoir des trucs, ils se trompent quelque chose. Depuis que la boulangerie a ouvert, je rencontre tous les gens du quartier. Le quartier, c'est assez large.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir cette ferme, tu t'es inscrite dans un projet de GFA, un groupement foncier agricole. Est-ce que tu peux expliquer ce qu'est un GFA et ce que ça permet de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    On s'est lancé avec Mathilde, avec cette amie avec qui je devais m'associer, à créer le GFA toute seule. On a fait appel... à un avocat. On s'est beaucoup renseignés pour comprendre, déjà comprendre ce que c'était vraiment, et puis ensuite tout l'aspect juridique, administratif. Un GFA, c'est quand des gens se réunissent, que ce soit une famille ou des inconnus, peu importe, mais en tout cas, des gens se réunissent pour acheter en commun une terre agricole. Déjà parce que l'accès aux fonciers, aujourd'hui, est extrêmement compliqué. Le prix de l'hectare, et surtout dans le Sud-Manche, est devenu... Inabordable quand on sait aussi qu'il y a les bâtiments à acheter, les travaux, l'investissement. Nous on prévoyait d'acheter un troupeau, de créer une fromagerie, c'est des investissements colossaux. Être locataire des terres nous paraissait être une solution qui pouvait nous aider ensuite à réussir notre projet. On a fait plein plein de pubs pour parler du GFA, parler de nous, parler de notre projet. Et on a fait un appel solidaire pour acheter des parts sociales et réussir à atteindre l'objectif du prix des terres avec plein de gens. Donc là aujourd'hui, on est je crois plus de 250 membres dans le GFA. Et on a pu acheter d'abord 5 hectares 5 sur lesquels je produis mon blé. Et puis on a eu un deuxième projet, une chance formidable. deux hectares cinq qui se sont libérés aussi juste à côté. Et donc j'ai fait un deuxième appel et on est en train de relever ce deuxième défi et de pouvoir acheter les autres terres. Je suis la paysanne locatrice, je suis membre du GFA bien sûr, mais au même titre que n'importe qui d'autre, c'est moi qui occupe les terres et qui s'en occupe aussi. Même si j'avais pu acheter, je préfère que ça se passe comme ça, je préfère que le GFA soit à deux centaines de personnes plutôt qu'à une seule paysanne ou un seul paysan. Parce que même si pour x raisons un jour j'ai envie d'arrêter, je sais que ces terres-là, elles seront cédées à quelqu'un qui a les mêmes valeurs que moi. Parce que c'est les valeurs qu'on porte avec les gens du GFA. Donc les valeurs de la paysannerie, de l'agriculture biologique. Pendant au moins 99 ans, ces terres-là sont protégées d'être vendues ou récupérées par des producteurs et des exploitants qui n'ont pas les mêmes valeurs que le GFA. Et ça fait vachement de bien de se dire que... qu'elles sortent de ce système-là, qu'elles sont protégées. Qu'on plante des arbres et que mes champs sont, comme la plupart d'Iré, sont sales, parce qu'il y a plein d'adventices, il y a plein de trucs qui poussent dans tous les sens. Chaque épi de blé n'est pas tous de la même taille, il y a plein de trucs qui poussent au milieu, mais au moins, il y a des abeilles, il y a des oiseaux, il y a toute une vie, et ça me plaît que ce soit comme ça, que ça reste comme ça, et que... Et que même si j'arrête, ça continuera d'être comme ça. Et ça, c'est très rassurant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu connais un peu le profil de tes donateurs ? Est-ce que tu sais si c'est plutôt des personnes qui habitent en ville et qui donnent depuis loin ? Est-ce que c'est des personnes locales plutôt ? Le profil un peu de ces membres du GFA ?

  • Speaker #0

    Il y a de tout. Ils viennent de partout. Il y a des locaux, il y a des jeunes, il y a des vieux, il y a des citadins, il y a des ruraux, il y a des paysans, il y a vraiment tous les profils. Il y a énormément de gens que je n'ai jamais rencontrés et que probablement je ne rencontrerai jamais non plus, qui juste ont vu passer ça dans le journal, ont été sensibles, ou à la radio, ou sur internet, et pouf, ils voulaient juste participer. Pour eux, c'est comme un don, alors qu'en fait, finalement, ce n'est pas un don, c'est des parts sociales. Ça reste l'argent des gens, ils peuvent le récupérer s'ils veulent. C'est une autre démarche que les crowdfunding. Ça leur permet aussi de s'impliquer, de prendre part à quelque chose. Il y a l'Assemblée Générale au début d'année, où on n'en est pas 250, clairement. Mais voilà, les gens qui ont envie de s'impliquer, qui ont envie de voir ce que devient mon projet, mais aussi ce que deviennent les terres. On va commencer par la boulangerie et pour arriver à la boulangerie on passe devant mon super nouvel abri. Avant il y avait une vieille charpente avec des tôles rouillées et puis il y avait des cuves à fioul en dessous et un bordel. C'était très sombre et moche et on a tout cassé et on a refait la charpente. On a mis des plaques transparentes et puis il y a une vigne qui court, il y a un canapé. Mon petit abri d'extérieur qui fait du bien. Donc là, on entre dans la boulangerie, enfin la boulangerie-boutique, parce que c'est les deux en même temps. Donc c'était, comme je disais, c'était l'ancienne écurie. Là, au bout, c'était la porte de garage, parce que pendant un temps, il y avait la voiture qui était là. Donc on a enlevé la porte de garage et on a fait un mur en terre paille avec des bouteilles de couleurs. Le matin, le soleil se lève pile en face, donc il y a toutes les bouteilles qui s'illuminent hyper jolies. Et c'est l'heure où je travaille et du coup, c'est très très agréable.

  • Speaker #1

    Quand on entre, on sent qu'on est dans une boulangerie. Ça sent le pain, ça sent le blé. Oui,

  • Speaker #0

    moi je ne le sens plus. Alors déjà, j'ai un odorat un peu pourri, mais en plus, je suis tout le temps baignée de temps. Donc, tout le monde me dit ça, tous les clients qui rentrent.

  • Speaker #1

    Et donc, dans cet espace boulangerie, tu as le four qui est ici, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Cette grosse bête-là, c'est le four à bois avec deux étages qui tournent. Puis ça, ce gros machin, c'est une hotte parce qu'en fait, l'espace est assez fermé finalement par rapport à d'autres fournils. Et le four dégage. énormément de vapeur puisque le pain se cuit donc sèche. Voilà, c'est pour protéger le plafond.

  • Speaker #1

    Et au sol, des carreaux de ciment dessinés ?

  • Speaker #0

    Comme globalement pour la ferme, c'était vraiment important pour moi de travailler dans un lieu que je trouve beau et qui a mon image et qui est à la fois fonctionnel mais vraiment que j'aime profondément. C'était important pour moi. Et c'est le luxe de s'installer à son compte, c'est de pouvoir faire exactement ce qu'on veut et d'évoluer et de travailler dans l'espace qu'on veut. et c'est hyper créatif, c'est génial.

  • Speaker #1

    Donc là, on se trouve à l'arrière de ce qui constitue le corps de ferme un peu. Oui. Là, c'est écrit en grand potager.

  • Speaker #0

    J'adore faire des panneaux comme ça où je creuse dans le bois. Le potager est hyper en friche, mais il est vachement beau aussi comme ça.

  • Speaker #1

    C'est des capucines qu'on voit ?

  • Speaker #0

    Oui, il y en a partout, ça pullule. Je n'ai pas beaucoup de temps et puis bon, cette année, le temps n'est pas du tout propice à faire pousser des légumes. Mais voilà, j'aime bien que le potager soit au cœur de la ferme. Et donc, si on continue, juste derrière la boulangerie, il y a l'abri à bois pour le four qu'on a fabriqué. Toute la charpente est faite avec des vieux troncs qu'on a récupérés dans le bois, puisqu'on est à côté du bois roulant. Donc, ça permet de stocker toutes les chutes de scieries et tout le bois que je fais sur la ferme et tout ce qui fait chauffer le four. Je récupère aussi... des fagots de toutes les chutes de ciri, tout ce que les ciri ne peuvent pas vendre, toutes leurs coupes, leurs petits déchets, c'est hyper pratique. C'est un vieux verger avec des vieux arbres, donc il y a plein de fruits différents, il y a des pommes, des poires, des cerises, des prunes, des pêches. J'essaye de les entretenir, j'apprends à les entretenir, justement grâce aux clients qui s'y connaissent et qui sont venus m'aider pour m'apprendre à les tailler. Avec les pommes, je fais du jus de pomme. de pommes et du cidre grâce à mes voisins. Mes voisins qui d'ailleurs sont les anciens propriétaires de la ferme. Donc on a tissé une belle relation et ils ont une vieille petite presse en bois autour de laquelle on tourne pour presser le jus de pommes. On fait le jus de pommes et le cidre ensemble et c'est eux qui m'ont appris à faire et c'est super chouette. Et toutes les terres qui nous entourent là, c'est les terres du GFA. On n'en voit qu'une partie parce qu'il y en a encore plein par là-bas. Là c'est juste du foin et à côté là c'est le blé.

  • Speaker #1

    Qui est assez haut ?

  • Speaker #0

    Oui. Parce que c'est du blé paysan, c'est de la semence ancienne, donc il y a un mélange de plein de blés différents et puis pas trafiqué pour être tous de la même taille avec le même nombre de grains et de ne pas se coucher avec le vent. Donc c'est très sauvage, c'est plus joli et puis ça fait du meilleur pain parce qu'il y a plein de qualités différentes puisque c'est un mélange très varié.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as déjà quelques êtres vivants qui t'accompagnent ici ?

  • Speaker #0

    Actuellement, j'ai trois petits copains, deux chèvres et une brebis. Il y avait une autre brebis avant, mais elle nous a quittés. Et là, on est devant le hangar. Il y a Garou le tracteur. Garou parce qu'il a une grosse voix. Il y a la cellule de stockage du blé aussi. Il y a une mezzanine avec plein de fourbilles pour bricoler. Plein de récup de bois, la remorque. Tout ce qu'il faut dès que j'ai envie de faire un truc ou de réparer un truc.

  • Speaker #1

    Donc tout ça, c'est toi qui l'as aménagé ?

  • Speaker #0

    On va plutôt dire que je l'ai rempli. Enfin, je l'ai vidé et puis ensuite je l'ai rempli. Mais sinon, c'était à peu près comme ça quand je suis arrivée. Là, c'est la bergerie. C'est la maison des petits copains.

  • Speaker #1

    On les voit arriver.

  • Speaker #0

    Là, c'est Colette.

  • Speaker #1

    La chèvre qui accompagne le bouc.

  • Speaker #0

    Colette, Piu-Piu et Pelote.

  • Speaker #1

    Pelote, c'est la petite brebis.

  • Speaker #0

    Oui, brebis ouessant, qui est très peureuse, mais qui est vraiment très, très mignonne. Donc là, on voit le deuxième champ de blé. Il y a ma caravane et puis il y a la roulotte que j'ai fabriquée pendant le confinement. C'était mon projet confinement. Je savais qu'elle allait finir un jour sur ma future ferme, même si je ne savais pas encore vraiment que j'allais avoir une ferme. Et ça me permet d'accueillir les woofers et puis les copains.

  • Speaker #1

    Donc tu vis parmi les animaux en fait ? Oui,

  • Speaker #0

    le soir je les entends faire la fête. Le matin je les entends qui se réveillent, qui mangent. Et puis un jour, je ferai des travaux dans ma maison et puis j'habiterai dans une maison.

  • Speaker #1

    Tu as commencé à en parler un petit peu. Qu'est-ce que tu cultives ici ? Par quoi tu as commencé ?

  • Speaker #0

    La première culture, ça a été du sarrasin. J'ai mis du sarrasin partout. En conversion biologique, les terres avaient été louées par un agriculteur, un vaché en conventionnel, qui produisait des céréales pour ses vaches. Il y avait aussi des prairies qui n'avaient jamais été cultivées, qui étaient là depuis toujours. Donc quand je suis arrivée, on m'a conseillé de semer du sarrasin partout, parce que le sarrasin a une racine pivotante qui allait permettre d'ameublir la terre naturellement. Et puis c'est un bon apport en azote, c'est plein de bonnes choses. Donc c'était superbe, c'est vachement beau un champ de sarrasin. C'est rouge, la tige rouge et la fleur blanche. Alors il y avait plein de gens très contents. qui n'ont pas l'habitude de voir du sarrasin et Ah, vous avez planté du sarrasin, c'est super ! Et puis il y avait d'autres gens qui pensaient que le sarrasin, quand on plante du sarrasin, ça veut dire qu'on a une terre pauvre, alors que pas du tout. Le sarrasin, ça se plaît aussi bien sur les belles terres que sur les terres qui ont un peu plus de mal à vivre. Donc voilà, j'ai commencé par ça, et puis je n'avais pas d'endroit pour stocker le grain, donc j'ai dû vendre la récolte à une coopérative. Et puis j'ai pu ensuite semer mon premier blé. puisque je savais que les travaux allaient prendre fin et que j'allais pouvoir ouvrir la boulangerie. J'ai semé mon premier blé sur deux tiers des terres. Et sur le reste, j'ai fait un mélange poids-avoine, parce qu'il faut pouvoir faire des rotations sur l'entièreté des parcelles qu'on a, pour que chaque année, on puisse semer le blé à des endroits différents, pour éviter d'appauvrir la terre. Et cette année, j'ai semé aussi de la févrole.

  • Speaker #1

    Et donc c'est en août 2022 que tu as obtenu la certification agriculture biologique

  • Speaker #0

    Europe ? Je ne l'ai pas encore, je suis encore en conversion. Il faut trois ans, dès le début de la démarche. Alors trois ans après, on peut avoir le label bio. Donc je l'aurai le 19 juillet 2025 sur la première partie des terres. Mais puisqu'on rachète d'autres terres, je vais recommencer un processus de conversion. Donc voilà, la ferme en entier sera en bio en 2024. peut-être bien en 2028.

  • Speaker #1

    Tu proposes maintenant toi aussi des missions de woofer, t'en as parlé tout à l'heure. T'es devenue à ton tour formatrice ou accueillante en tout cas pour des jeunes ou des moins jeunes qui voudraient se lancer dans l'aventure. Est-ce que tu peux nous raconter un peu comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est super d'avoir vécu des woofings hyper inspirants et maintenant de pouvoir accueillir les gens et de voir les choses dans le sens inverse, c'est vraiment très émouvant. Surtout la... Première année où il fallait faire plein de travaux et puis vraiment bien s'installer sur la ferme, créer l'espace de stockage pour le blé, créer le fournil. J'accueillais pas mal de woofers. Donc, il y a eu aussi des étrangers, des Américains en voyage, des Allemands. Ils apprenaient à bricoler. Pour ceux qui n'avaient jamais bricolé, ce que j'aime, c'est que... Ils voyaient que c'était possible de se lancer sur une toute petite ferme. Même si on voit l'agriculture comme un monde difficile financièrement, comme physiquement, je trouve ça dommage qu'il n'y ait pas plus de vecteurs d'informations qui faillent passer par l'expérience en immersion totale pour le comprendre. Mais il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Et ça c'est vraiment un message. que j'aimerais voir beaucoup plus diffusée, c'est que l'agriculture, ce n'est pas forcément dur. On ne galère pas forcément financièrement non plus. Il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage, oui, mais il faut y croire. Et en fait, le WUFING permet en une semaine, deux semaines, trois semaines d'être inspiré et d'avoir de l'espoir dans le fait que, oui, on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien, en fait. Je suis très contente d'être un endroit où les gens peuvent découvrir ou se confirmer ça.

  • Speaker #1

    Il y a une dimension importante aussi dans ton projet, c'est la manière dont tu présentes ta ferme. C'est à la fois un lieu de vie, d'activité, d'agriculture, évidemment, principalement, mais tu organises aussi ponctuellement des événements.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, ça faisait partie vraiment de mon rêve. Dès le départ, ça ne m'a jamais quitté d'avoir une ferme, je n'ai pas envie de dire produire, mais si, d'avoir une ferme qui produit quelque chose. Donc je produis du blé, du... pain. Pour moi, une ferme, c'est pas simplement ça, c'est pas juste un outil de travail, c'est vraiment un lieu qui inspire, qui réunit, qui fait du bien. Et donc je trouve que les événements dans les fermes, dans les fermes paysannes, c'est des moments qui font du bien aux gens. Pour l'instant, ça fait pas très longtemps que je suis installée, mais il y a déjà eu deux événements, une soirée soupe à l'automne avec des braseros et un spectacle, et puis une soirée pizza au feu de bois, les tables dans le verger et puis des guirlandes guinguettes. et un concert aussi. Je suis hyper fière de pouvoir créer ça et super contente de voir les petits vieux du quartier et les jeunes aussi, même s'il n'y en a pas énormément dans le coin, mais de voir les clients de la boulangerie qui sont super contents d'avoir découvert le pain paysan, mais qui en plus sont contents de pouvoir se réunir. Il y a les gens seuls, les gens moins seuls. C'est vivant. Et c'est beau, quoi. Et c'est ça, là aussi, la paysannerie, c'est pas juste du travail, c'est aussi créer des espaces, créer des espaces de rencontres et un lieu beau. Moi, c'est vraiment... J'ai toujours dit, je veux une ferme belle. Il y a tellement de fermes glauques. Ouais, vraiment glauques. Et non, pour moi, c'est un espace créatif, c'est un espace artistique. Il passe par la maçonnerie, par le jardinage, par le potager, par les constructions, par l'aménagement de... de l'espace et c'est vraiment très important pour moi que les gens se sentent bien quand ils arrivent et que le pain soit créé dans un endroit qui fait du bien.

  • Speaker #1

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme, un jeune homme qui souhaiterait ouvrir sa ferme ?

  • Speaker #0

    Fais-toi confiance, ose. Tu auras peur, mais n'aie pas peur parce qu'il faut avoir confiance en la vie. Il faut juste un peu de courage, mais tant qu'on a l'envie, le courage il est là. Et ça vaut le coup et il en faut. Il faut que ça pousse.

  • Speaker #1

    Les deux prochaines questions, c'est des questions que je pose à tous mes invités. Est-ce que tu dirais de toi que tu es une femme engagée ?

  • Speaker #0

    Alors, oui. Oui. Déjà avec tout ce que je viens de dire, je suis profondément engagée dans la paysannerie. Je ne vais pas forcément être inscrite dans un milliard d'assos et participer à des réunions et aller faire des manifs et compagnie. Je porte mes valeurs avec ce que je réalise, ce que je fais, ce que je dis quand on me pose la question ou quand j'ai envie de le dire. Oui, je suis vraiment attachée à mes valeurs et au mode de vie et au travail paysan.

  • Speaker #1

    La dernière, c'est le mot de la fin. Tu peux utiliser les prochaines minutes pour parler directement aux auditeurs et auditrices du podcast.

  • Speaker #0

    J'ai déjà dit qu'il fallait oser, qu'il fallait se faire confiance. Je peux le répéter parce qu'il faut l'entendre plusieurs fois pour parfois y croire, mais à ceux qui écouteront ce podcast... qui ont des envies de reconversion ou qui se posent des questions pour leur avenir ou qui ont envie de découvrir le woofing, eh bien, osez et faites tout pour vous donner ce temps-là, parce que c'est magnifique. Et puis, aux gens qui sont bien dans leur vie et qui n'ont pas forcément envie de tout ça, ouais, qu'on n'a pas tous forcément envie d'y consacrer notre vie, mais en fait, on est quand même tous imbriqués dedans par... par des tout petits choix au quotidien, sans avoir besoin d'en faire des montagnes. On peut faire les bons choix en mangeant sainement, en choisissant ses produits de manière consciente. Et c'est déjà beaucoup. C'est beaucoup pour les paysans et beaucoup pour la nature. Vous venez d'écouter un épisode du podcast Parlons Plus Bas. Cette émission est disponible sur toutes les plateformes d'écoute. Réalisation Anthony Chenu Voix off Justine Leroux Pour échanger avec nous, rendez-vous sur le compte Instagram de l'émission.

Description

[#7 Marie-Astrid Laurent : De la philo à la ferme bio] Dans ce septième épisode, Anthony Chenu part à la rencontre de Marie-Astrid Laurent, paysanne de la Ferme du Bois Rouland dans la Manche.


Après des études en philosophie, Marie-Astrid a fait le choix de se former au métier de bergère. Après quelques expériences de woofer dans plusieurs fermes, elle s'est lancée et ouvert sa propre ferme-boulangerie en 2022 grâce au dispositif de groupement foncier agricole.


Engagée dans les valeurs de la paysannerie, elle défend un agriculture durable et a fait de sa ferme un lieu de rencontre pour les habitants de son village. Elle revient sur son parcours et sur son quotidien au contact de la nature.


Anthony Chenu retrouve Marie-Astrid dans sa ferme-boulangerie.


Parlons plus bas est un podcast d'Anthony Chenu à retrouver sur toutes les plateformes et sur les comptes Instagram et Facebook de l'émission.

Voix off : Justine Leroux

Octobre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Ça c'est vraiment un message que j'aimerais voir beaucoup plus diffusé, c'est que l'agriculture c'est pas forcément dur, on galère pas forcément financièrement non plus, il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage oui, mais on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien en fait. Parlons plus bas, podcast réalisé et présenté par Anthony Chenu.

  • Speaker #1

    Dans ce septième épisode, je vous emmène au cœur du bocage normand à la rencontre de Marie-Astrid Laurent. Paysanne depuis deux ans, Elle a fait de sa ferme un lieu de vie paisible et un espace de partage pour tous les habitants de son village. Elle nous raconte son parcours et elle nous laisse entrevoir son quotidien tourné vers les valeurs de la paysannerie. Il est 10h30.

  • Speaker #0

    Alors, on est chez moi, on est dans la cour de la ferme. Il y a le voisin qui fait de la tronçonneuse, on entend les oiseaux. J'ai vu des petits lapins tout à l'heure. Voilà, il y a ma maison derrière moi, il y a la boulangerie à ma droite. Tout est attenant, des vieilles pierres des années 1900. Il y a plein d'arbres, il fait beau.

  • Speaker #1

    Donc avec toi, on va parler d'agriculture puisque tu as ouvert ta ferme en 2022. Est-ce que tu peux nous raconter un peu dans quel milieu tu as grandi et où tu as grandi aussi ?

  • Speaker #0

    Alors je suis née à Avranches, j'ai grandi dans une famille, j'ai grandi dans le bourg, j'ai grandi à la ville, pas du tout été éduquée vraiment à la campagne, à part peut-être avec mon grand-père. Je faisais plein de choses dans la campagne et dans la nature avec mon grand-père, je pense que c'est lui qui m'a donné beaucoup le goût de tout ça à la base. Mais sinon oui, je suis avranchinaise, je viens d'une famille, je ne sais pas comment la décrire en fait, mais citadine.

  • Speaker #1

    Est-ce que quand tu étais enfant, tu avais déjà un métier, un mode de vie qui t'attirait particulièrement ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est marrant parce que à mes trois ans, enfin je crois, dans ma tête je me dis que c'est mes trois ans, mais avec ma maman, quand on montait sur la colline d'Avranches, on passait par la route du Car-en-dessous, et sur la droite, il y avait une maison. Je faisais sur cette maison et j'estimais que c'était une ferme, alors que probablement pas du tout. Mais je disais toujours à ma maman, en passant devant cette maison, cette ferme, plus tard, je serai fermière. Et j'habiterais là, comme ça je serais tout près de toi. Et voilà, je voulais déjà être fermière. Bon après en grandissant, j'ai oublié ça et je voulais plus être fermière. Enfin j'y pensais plus et puis ça m'est revenu plus tard.

  • Speaker #1

    Il y a aussi une autre dimension de ton parcours qui est intéressante, c'est le sport aussi quand tu étais plus jeune. Tu t'es illustrée dans une discipline qui s'appelle le... Tu étais poloïste en fait, c'est ça ? Tu peux nous expliquer ce que c'est ?

  • Speaker #0

    Oui, alors le kayak polo, c'est une discipline... peu connue du monde du kayak, c'est un sport collectif. On est deux équipes et on joue sur un terrain et on fait un match de kayak polo avec un ballon. En fait, c'est comme du water polo, mais en kayak. Il y a des buts et voilà, il faut... Gagner le match, c'est très intense, c'est très impressionnant, c'est un beau sport parce qu'il y a beaucoup de contacts. On a des casques avec des grilles, on a des tout petits kayaks, on se monte dessus, on se pousse à l'eau. C'est un très beau sport dans lequel j'ai passé les trois quarts de ma vie maintenant.

  • Speaker #1

    En 2018, tu avais justement avec ton club participé à un championnat du monde de kayak au Canada,

  • Speaker #0

    c'est ça ? Alors avec l'équipe de France, oui, pas avec mon club. J'ai été sélectionnée en équipe de France et oui, les championnats du monde au Canada, c'était une belle expérience.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut revenir aussi sur ton parcours d'étudiante après le bac ? Qu'est-ce que tu as étudié ? Comment tu t'es orientée ?

  • Speaker #0

    Après le bac, déjà au bac, je me suis prise de passion pour la philosophie, discipline qu'on devrait avoir bien avant la terminale. Donc j'ai fait des études de philosophie. Je suis partie à Rennes, j'ai commencé une licence. Et puis j'ai eu la chance de terminer ma licence au Canada justement, au Québec. Puis je suis rentrée en France et j'ai eu envie de continuer, j'ai fait le master et je suis partie à Caen parce que j'avais envie de changer de... Perspective, d'approche philosophique, parce qu'en fait chaque fac a un peu son approche. Arène, c'était très scientifique et moi je ne suis pas du tout scientifique, donc du coup je suis allée à Caen pour faire un peu plus de phénoménologie et c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce que tu as gardé de ta formation ? Tu parlais de la phénoménologie, mais est-ce qu'il y a des auteurs, est-ce qu'il y a des penseurs qui t'accompagnent encore aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    Oui, alors moi je suis très Nietzschéenne, j'ai fait mes mémoires sur Nietzsche et sa vision de la nature, de l'art, tout ça me transporte tous les jours. Même si, malheureusement, j'ai beaucoup oublié de mes études. C'est très frustrant, mais oui, je sens que la philo, elle est toujours là avec moi.

  • Speaker #1

    Et à quel moment l'idée de te former au métier de bergère s'est arrivée ? Est-ce que c'était une rupture avec ta formation ? Est-ce que c'est venu progressivement ? Est-ce que la philosophie, justement, t'a amené à ça ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est le hasard de la vie qui a fait que je suis devenue bergère. À la fin de ma licence, il fallait choisir entre le master recherche ou le master... J'ai choisi la recherche parce qu'en fait, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J'imaginais être prof un jour dans ma vie, mais je n'avais pas envie de faire le master enseignement. J'avais vraiment envie de faire de la recherche philosophique encore pendant deux ans plutôt que d'apprendre à enseigner et surtout d'apprendre à passer un concours. Mais j'avais dans l'optique de passer le concours à la fin. En fait, au fil de mon master, j'ai compris que je n'allais pas devenir prof. Et là, je ne sais pas trop comment, peut-être avec les rencontres que j'ai faites, l'environnement dans le... dans lequel j'évoluais, la nature et la paysannerie me sont revenues en tête tout doucement. Et puis j'ai commencé à faire du woofing. Donc le woofing, c'est une association nationale et internationale d'ailleurs, qui met en lien des gens, des paysans et des gens qui ont envie d'aider les paysans et de découvrir la paysannerie. Donc logés et nourris, les gens viennent dans les fermes. Et puis... apprennent. Et puis le paysan, ça lui permet de faire de belles rencontres et puis de partager sa vie. Et donc j'ai commencé par faire ça. Et ça a été un déclic monumental dès mon premier woofing. Je suis partie dans les Alpes avec Céline qui faisait des plantes aromatiques et médicinales dans la montagne. Et donc voilà, j'ai quand même voulu terminer mes études parce que j'aime pas abandonner quelque chose avant de l'avoir terminé. Donc voilà, c'était sûr que je voulais terminer. Mais je savais que j'avais envie de m'installer un jour dans une ferme et de devenir paysanne. Donc après mon master, j'ai continué les woofings et j'ai cherché à devenir ouvrière agricole dans différents domaines parce que je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. Donc j'ai fait du maraîchage, j'ai fait des petits fruits. Je pensais vouloir être dans le végétal à la base. Et puis, de fil en aiguille, au marché d'Avranches, par un grand hasard, Aymeric de la ferme du Petit Chonjon m'a vu en tenue de travail et puis il m'a dit tu travailles là-dedans ? et j'ai dit oui et il m'a dit tu voudrais travailler chez moi ? et donc je dis oui et puis là ça a été au Petit Chonjon ça a été le déclic pour les animaux, le fromage et puis la paysannerie vraiment, les petites fermes et voilà, et donc j'ai travaillé avec Aymeric là-bas pendant... pendant un petit bout de temps. Et ça a vraiment été la révélation pour moi. Ça m'a beaucoup inspirée sur ce que je voulais faire, devenir et ce que je voulais que devienne ma ferme un jour. Et puis, les choses ont fait que la ferme a été vendue et je n'ai plus travaillé là-bas. Du coup, j'ai cherché un endroit similaire. J'ai cherché à me former. J'étais un peu perdue, mais en tout cas, je savais où je voulais aller. Et j'ai vu qu'il y avait une formation pour devenir bergère et apprendre vraiment scientifiquement comment faire du fromage et s'occuper des animaux au Pays Basque. Ça a commencé une semaine après. Hop, je suis partie avec ma caravane au Pays Basque. Et pendant six mois, j'ai appris à faire du fromage et à être bergère dans un super cadre avec des gens formidables. C'était une toute petite formation vraiment de campagne. On était, je ne sais plus, peut-être huit. On se baladait dans tout le pays basque, français comme espagnol, pour découvrir des fermes, des paysans, des systèmes. Et puis de temps en temps, on avait des cours théoriques sur l'anatomie de l'animal. Et puis beaucoup, beaucoup de stages pour pratiquer. C'était vraiment une formation très bien menée et qui m'a beaucoup appris. Et à la suite de ça, j'ai été salariée pour être bergère sur la frontière avec l'Espagne. Donc ça a été une expérience formidable, très solitaire. Mais moi, ça ne me dérange pas du tout.

  • Speaker #1

    J'imagine qu'il y a une différence entre être bergère dans les Alpes et bergère des Plaines.

  • Speaker #0

    Alors, il y a bergère des Alpes. Donc c'est des grandes montagnes ardues avec des grands, grands troupeaux. parce qu'évidemment, il y a du fromage dans les Alpes, mais il y a quand même une majorité de troupeaux pour faire de la viande. Et donc, c'est des troupeaux beaucoup plus grands. Donc, j'ai un petit peu vu ça. Je n'ai pas été bergère dans les Alpes, mais j'ai été voir des bergers dans les Alpes. C'est une autre... Bon, il y a un troupeau de chiens, il y a huit chiens. Puis, il y a beaucoup plus le loup aussi. Enfin, voilà, c'est une autre approche. Dans les Pyrénées, les... Au Pays Basque surtout, les montagnes sont quand même plus basses. Les troupeaux sont plus petits. Il faut les traire tous les matins à l'aube. Donc forcément, il ne faut pas 2000 brebis à la main. En général, il y a un ou deux chiens. Il y a la menace un petit peu de l'ours. C'est autre chose. Et puis, bergère de plaine, c'est les présalés, c'est la plaine. Donc, il n'y a pas de relief. On voit le troupeau à l'horizon, alors que dans la montagne, on peut vite le perdre au creux entre deux collines, entre deux montagnes. Il faut apprendre son périmètre par cœur et savoir dans quel creux elles peuvent aller se loger. C'est magnifique comme expérience. C'est vraiment... En étant berger tout seul, à galérer, à perdre le troupeau, à être en panique tout seul le matin à l'aube, le chien qui ne fait pas exactement ce qu'on veut ou qui essaye, mais qui en fait va couper le troupeau en deux. Et puis en fait, il y a des brebis qui partent dans l'autre sens et il y a tout l'autre troupeau. C'est en galérant qu'on apprend à trouver des petites astuces et c'est génial, c'est vraiment génial.

  • Speaker #1

    Donc c'est à 27 ans que tu vas faire le choix de t'associer pour lancer ta ferme et devenir bergère des plaines, ici, en Normandie. Comment le projet est né et pourquoi ?

  • Speaker #0

    À la suite de mon expérience au Pays Basque, je ne sais pas pourquoi, je ne saurais pas dire pourquoi, mais d'un coup, j'ai eu envie de revenir dans ma région natale. J'avais besoin de retrouver des repères et donc je suis remontée. J'ai commencé un BPREA, Brevet de Responsable d'Exploitation Agricole. Ça permet ensuite de s'installer. d'avoir des aides à l'installation, ça met un pied dans l'installation agricole. Et en remontant, j'ai retrouvé une amie que j'avais quand j'étais à Caen, et qui elle aussi était devenue bergère, bergère pour le coup dans les Alpes. On avait plein de choses en commun, et l'envie commune un jour d'avoir une ferme. Et puis un matin elle m'a dit si on faisait notre ferme ensemble, et donc on s'est lancé là-dedans. J'avais toujours entendu que c'était... Très compliqué de s'installer, de trouver une ferme, l'accès aux fonciers. Donc voilà, je m'étais préparée à ça. Et puis en fait, quasiment le lendemain ou le surlendemain où on a commencé la recherche, on avait déjà trouvé une ferme.

  • Speaker #1

    C'était une ferme à vendre, c'est ça ?

  • Speaker #0

    En allant voir un copain, on a entendu que son voisin voulait partir de sa ferme pour vivre d'autres aventures. Donc on a été la visiter, ça a été le coup de cœur. Voilà, c'était parti pour acheter cette ferme-là. Et puis finalement, quelques temps après, il a changé de projet et il ne vendait plus sa ferme. Mais il nous a donné le numéro de son voisin d'en bas, dont la propriétaire venait effectivement de décéder. Et les enfants voulaient vendre la ferme puisqu'ils n'avaient pas le temps de s'en occuper. Donc ça a été le deuxième coup de cœur.

  • Speaker #1

    Tu t'es installée dans un territoire qui reste encore assez marqué par son aspect rural, ici dans le sud de la Manche. Est-ce que tu avais des liens avec d'autres agriculteurs ou comment tu as appréhendé justement cette zone très ancrée dans la ruralité ?

  • Speaker #0

    J'avais pas beaucoup de liens, pas beaucoup de réseaux, un petit peu avec le petit changeant. Déjà j'ai débarqué dans la campagne de Saint-James, ce qui n'est vraiment pas loin d'Avranches, mais en fait j'allais jamais dans ce coin-là de toute mon enfance ou adolescence, donc je connaissais personne. Petit à petit, le réseau se fait, on a une problématique, on a une petite galère, on a deux bouches à oreille, ça se fait. Le fait d'avoir ouvert la boulangerie aussi, d'avoir des clients réguliers deux fois par semaine avec qui on discute, parce que c'est aussi beaucoup une boulangerie où on parle et où il y a plein de petits vieux du quartier qui se connaissent, qui sont allés à l'école ensemble et qui connaissent un tel. Et petit à petit, le réseau se fait. Et puis, quand il y a besoin d'une remorque ou quand il y a besoin de faucher le prêt ou autre... Maintenant, je sais à qui demander.

  • Speaker #1

    Donc en plus d'une ferme, c'est devenu aussi un commerce de proximité avec ses horaires et sa vie, son rythme, qui réanime un peu la zone en fait aussi.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, c'est trop beau et ça me fait vraiment... Enfin, c'était le but aussi. Quand j'ai acheté la ferme, il n'y avait pas de four à pain, il n'y avait pas de fromagerie. Il fallait tout créer de A à Z et c'était mon rêve. C'était vraiment ce que je voulais faire. Je ne voulais pas reprendre une ferme déjà existante. Je voulais la réaliser à mon image. de A à Z. Quand j'ai acheté la ferme, je me suis projetée dans les différents bâtiments, j'ai essayé d'imaginer comment la modeler. Et puis ça a été assez limpide que la boulangerie serait dans l'ancienne écurie qui donne sur la route, parce qu'en fait la ferme est bien placée pour un commerce, elle est au bord de la route, et en même temps on l'oublie assez facilement, donc c'est assez idéal je trouve. Et donc la première année, il fallait faire les travaux. pour créer le fournil. Donc, je ne voyais pas grand monde. La ferme n'était pas vraiment vivante à part à travers moi et les gens qui m'aidaient. Et quand tout était prêt, j'ai pu ouvrir la boulangerie. Et là, tous les gens du quartier qui se demandaient ce qui se passait depuis un an sur cette ferme ont compris. C'est marrant parce que l'une des premières clientes, le jour de l'ouverture, parce que la devanture de la boulangerie, c'est un mur en terre paille avec un enduit à la chaux. Et on a mis des briques de verre, des bouteilles de couleurs. C'est un peu atypique. pour le coin. Et il y a une dame qui est rentrée qui a dit Ah c'est du pain, mais je croyais que ça allait être une discothèque ! Elle est voisine et elle se demandait vraiment pendant un an, mais qu'est-ce qu'ils font là-bas ? Il y a l'air d'avoir des trucs, ils se trompent quelque chose. Depuis que la boulangerie a ouvert, je rencontre tous les gens du quartier. Le quartier, c'est assez large.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir cette ferme, tu t'es inscrite dans un projet de GFA, un groupement foncier agricole. Est-ce que tu peux expliquer ce qu'est un GFA et ce que ça permet de faire aujourd'hui ?

  • Speaker #0

    On s'est lancé avec Mathilde, avec cette amie avec qui je devais m'associer, à créer le GFA toute seule. On a fait appel... à un avocat. On s'est beaucoup renseignés pour comprendre, déjà comprendre ce que c'était vraiment, et puis ensuite tout l'aspect juridique, administratif. Un GFA, c'est quand des gens se réunissent, que ce soit une famille ou des inconnus, peu importe, mais en tout cas, des gens se réunissent pour acheter en commun une terre agricole. Déjà parce que l'accès aux fonciers, aujourd'hui, est extrêmement compliqué. Le prix de l'hectare, et surtout dans le Sud-Manche, est devenu... Inabordable quand on sait aussi qu'il y a les bâtiments à acheter, les travaux, l'investissement. Nous on prévoyait d'acheter un troupeau, de créer une fromagerie, c'est des investissements colossaux. Être locataire des terres nous paraissait être une solution qui pouvait nous aider ensuite à réussir notre projet. On a fait plein plein de pubs pour parler du GFA, parler de nous, parler de notre projet. Et on a fait un appel solidaire pour acheter des parts sociales et réussir à atteindre l'objectif du prix des terres avec plein de gens. Donc là aujourd'hui, on est je crois plus de 250 membres dans le GFA. Et on a pu acheter d'abord 5 hectares 5 sur lesquels je produis mon blé. Et puis on a eu un deuxième projet, une chance formidable. deux hectares cinq qui se sont libérés aussi juste à côté. Et donc j'ai fait un deuxième appel et on est en train de relever ce deuxième défi et de pouvoir acheter les autres terres. Je suis la paysanne locatrice, je suis membre du GFA bien sûr, mais au même titre que n'importe qui d'autre, c'est moi qui occupe les terres et qui s'en occupe aussi. Même si j'avais pu acheter, je préfère que ça se passe comme ça, je préfère que le GFA soit à deux centaines de personnes plutôt qu'à une seule paysanne ou un seul paysan. Parce que même si pour x raisons un jour j'ai envie d'arrêter, je sais que ces terres-là, elles seront cédées à quelqu'un qui a les mêmes valeurs que moi. Parce que c'est les valeurs qu'on porte avec les gens du GFA. Donc les valeurs de la paysannerie, de l'agriculture biologique. Pendant au moins 99 ans, ces terres-là sont protégées d'être vendues ou récupérées par des producteurs et des exploitants qui n'ont pas les mêmes valeurs que le GFA. Et ça fait vachement de bien de se dire que... qu'elles sortent de ce système-là, qu'elles sont protégées. Qu'on plante des arbres et que mes champs sont, comme la plupart d'Iré, sont sales, parce qu'il y a plein d'adventices, il y a plein de trucs qui poussent dans tous les sens. Chaque épi de blé n'est pas tous de la même taille, il y a plein de trucs qui poussent au milieu, mais au moins, il y a des abeilles, il y a des oiseaux, il y a toute une vie, et ça me plaît que ce soit comme ça, que ça reste comme ça, et que... Et que même si j'arrête, ça continuera d'être comme ça. Et ça, c'est très rassurant.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu connais un peu le profil de tes donateurs ? Est-ce que tu sais si c'est plutôt des personnes qui habitent en ville et qui donnent depuis loin ? Est-ce que c'est des personnes locales plutôt ? Le profil un peu de ces membres du GFA ?

  • Speaker #0

    Il y a de tout. Ils viennent de partout. Il y a des locaux, il y a des jeunes, il y a des vieux, il y a des citadins, il y a des ruraux, il y a des paysans, il y a vraiment tous les profils. Il y a énormément de gens que je n'ai jamais rencontrés et que probablement je ne rencontrerai jamais non plus, qui juste ont vu passer ça dans le journal, ont été sensibles, ou à la radio, ou sur internet, et pouf, ils voulaient juste participer. Pour eux, c'est comme un don, alors qu'en fait, finalement, ce n'est pas un don, c'est des parts sociales. Ça reste l'argent des gens, ils peuvent le récupérer s'ils veulent. C'est une autre démarche que les crowdfunding. Ça leur permet aussi de s'impliquer, de prendre part à quelque chose. Il y a l'Assemblée Générale au début d'année, où on n'en est pas 250, clairement. Mais voilà, les gens qui ont envie de s'impliquer, qui ont envie de voir ce que devient mon projet, mais aussi ce que deviennent les terres. On va commencer par la boulangerie et pour arriver à la boulangerie on passe devant mon super nouvel abri. Avant il y avait une vieille charpente avec des tôles rouillées et puis il y avait des cuves à fioul en dessous et un bordel. C'était très sombre et moche et on a tout cassé et on a refait la charpente. On a mis des plaques transparentes et puis il y a une vigne qui court, il y a un canapé. Mon petit abri d'extérieur qui fait du bien. Donc là, on entre dans la boulangerie, enfin la boulangerie-boutique, parce que c'est les deux en même temps. Donc c'était, comme je disais, c'était l'ancienne écurie. Là, au bout, c'était la porte de garage, parce que pendant un temps, il y avait la voiture qui était là. Donc on a enlevé la porte de garage et on a fait un mur en terre paille avec des bouteilles de couleurs. Le matin, le soleil se lève pile en face, donc il y a toutes les bouteilles qui s'illuminent hyper jolies. Et c'est l'heure où je travaille et du coup, c'est très très agréable.

  • Speaker #1

    Quand on entre, on sent qu'on est dans une boulangerie. Ça sent le pain, ça sent le blé. Oui,

  • Speaker #0

    moi je ne le sens plus. Alors déjà, j'ai un odorat un peu pourri, mais en plus, je suis tout le temps baignée de temps. Donc, tout le monde me dit ça, tous les clients qui rentrent.

  • Speaker #1

    Et donc, dans cet espace boulangerie, tu as le four qui est ici, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Cette grosse bête-là, c'est le four à bois avec deux étages qui tournent. Puis ça, ce gros machin, c'est une hotte parce qu'en fait, l'espace est assez fermé finalement par rapport à d'autres fournils. Et le four dégage. énormément de vapeur puisque le pain se cuit donc sèche. Voilà, c'est pour protéger le plafond.

  • Speaker #1

    Et au sol, des carreaux de ciment dessinés ?

  • Speaker #0

    Comme globalement pour la ferme, c'était vraiment important pour moi de travailler dans un lieu que je trouve beau et qui a mon image et qui est à la fois fonctionnel mais vraiment que j'aime profondément. C'était important pour moi. Et c'est le luxe de s'installer à son compte, c'est de pouvoir faire exactement ce qu'on veut et d'évoluer et de travailler dans l'espace qu'on veut. et c'est hyper créatif, c'est génial.

  • Speaker #1

    Donc là, on se trouve à l'arrière de ce qui constitue le corps de ferme un peu. Oui. Là, c'est écrit en grand potager.

  • Speaker #0

    J'adore faire des panneaux comme ça où je creuse dans le bois. Le potager est hyper en friche, mais il est vachement beau aussi comme ça.

  • Speaker #1

    C'est des capucines qu'on voit ?

  • Speaker #0

    Oui, il y en a partout, ça pullule. Je n'ai pas beaucoup de temps et puis bon, cette année, le temps n'est pas du tout propice à faire pousser des légumes. Mais voilà, j'aime bien que le potager soit au cœur de la ferme. Et donc, si on continue, juste derrière la boulangerie, il y a l'abri à bois pour le four qu'on a fabriqué. Toute la charpente est faite avec des vieux troncs qu'on a récupérés dans le bois, puisqu'on est à côté du bois roulant. Donc, ça permet de stocker toutes les chutes de scieries et tout le bois que je fais sur la ferme et tout ce qui fait chauffer le four. Je récupère aussi... des fagots de toutes les chutes de ciri, tout ce que les ciri ne peuvent pas vendre, toutes leurs coupes, leurs petits déchets, c'est hyper pratique. C'est un vieux verger avec des vieux arbres, donc il y a plein de fruits différents, il y a des pommes, des poires, des cerises, des prunes, des pêches. J'essaye de les entretenir, j'apprends à les entretenir, justement grâce aux clients qui s'y connaissent et qui sont venus m'aider pour m'apprendre à les tailler. Avec les pommes, je fais du jus de pomme. de pommes et du cidre grâce à mes voisins. Mes voisins qui d'ailleurs sont les anciens propriétaires de la ferme. Donc on a tissé une belle relation et ils ont une vieille petite presse en bois autour de laquelle on tourne pour presser le jus de pommes. On fait le jus de pommes et le cidre ensemble et c'est eux qui m'ont appris à faire et c'est super chouette. Et toutes les terres qui nous entourent là, c'est les terres du GFA. On n'en voit qu'une partie parce qu'il y en a encore plein par là-bas. Là c'est juste du foin et à côté là c'est le blé.

  • Speaker #1

    Qui est assez haut ?

  • Speaker #0

    Oui. Parce que c'est du blé paysan, c'est de la semence ancienne, donc il y a un mélange de plein de blés différents et puis pas trafiqué pour être tous de la même taille avec le même nombre de grains et de ne pas se coucher avec le vent. Donc c'est très sauvage, c'est plus joli et puis ça fait du meilleur pain parce qu'il y a plein de qualités différentes puisque c'est un mélange très varié.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu as déjà quelques êtres vivants qui t'accompagnent ici ?

  • Speaker #0

    Actuellement, j'ai trois petits copains, deux chèvres et une brebis. Il y avait une autre brebis avant, mais elle nous a quittés. Et là, on est devant le hangar. Il y a Garou le tracteur. Garou parce qu'il a une grosse voix. Il y a la cellule de stockage du blé aussi. Il y a une mezzanine avec plein de fourbilles pour bricoler. Plein de récup de bois, la remorque. Tout ce qu'il faut dès que j'ai envie de faire un truc ou de réparer un truc.

  • Speaker #1

    Donc tout ça, c'est toi qui l'as aménagé ?

  • Speaker #0

    On va plutôt dire que je l'ai rempli. Enfin, je l'ai vidé et puis ensuite je l'ai rempli. Mais sinon, c'était à peu près comme ça quand je suis arrivée. Là, c'est la bergerie. C'est la maison des petits copains.

  • Speaker #1

    On les voit arriver.

  • Speaker #0

    Là, c'est Colette.

  • Speaker #1

    La chèvre qui accompagne le bouc.

  • Speaker #0

    Colette, Piu-Piu et Pelote.

  • Speaker #1

    Pelote, c'est la petite brebis.

  • Speaker #0

    Oui, brebis ouessant, qui est très peureuse, mais qui est vraiment très, très mignonne. Donc là, on voit le deuxième champ de blé. Il y a ma caravane et puis il y a la roulotte que j'ai fabriquée pendant le confinement. C'était mon projet confinement. Je savais qu'elle allait finir un jour sur ma future ferme, même si je ne savais pas encore vraiment que j'allais avoir une ferme. Et ça me permet d'accueillir les woofers et puis les copains.

  • Speaker #1

    Donc tu vis parmi les animaux en fait ? Oui,

  • Speaker #0

    le soir je les entends faire la fête. Le matin je les entends qui se réveillent, qui mangent. Et puis un jour, je ferai des travaux dans ma maison et puis j'habiterai dans une maison.

  • Speaker #1

    Tu as commencé à en parler un petit peu. Qu'est-ce que tu cultives ici ? Par quoi tu as commencé ?

  • Speaker #0

    La première culture, ça a été du sarrasin. J'ai mis du sarrasin partout. En conversion biologique, les terres avaient été louées par un agriculteur, un vaché en conventionnel, qui produisait des céréales pour ses vaches. Il y avait aussi des prairies qui n'avaient jamais été cultivées, qui étaient là depuis toujours. Donc quand je suis arrivée, on m'a conseillé de semer du sarrasin partout, parce que le sarrasin a une racine pivotante qui allait permettre d'ameublir la terre naturellement. Et puis c'est un bon apport en azote, c'est plein de bonnes choses. Donc c'était superbe, c'est vachement beau un champ de sarrasin. C'est rouge, la tige rouge et la fleur blanche. Alors il y avait plein de gens très contents. qui n'ont pas l'habitude de voir du sarrasin et Ah, vous avez planté du sarrasin, c'est super ! Et puis il y avait d'autres gens qui pensaient que le sarrasin, quand on plante du sarrasin, ça veut dire qu'on a une terre pauvre, alors que pas du tout. Le sarrasin, ça se plaît aussi bien sur les belles terres que sur les terres qui ont un peu plus de mal à vivre. Donc voilà, j'ai commencé par ça, et puis je n'avais pas d'endroit pour stocker le grain, donc j'ai dû vendre la récolte à une coopérative. Et puis j'ai pu ensuite semer mon premier blé. puisque je savais que les travaux allaient prendre fin et que j'allais pouvoir ouvrir la boulangerie. J'ai semé mon premier blé sur deux tiers des terres. Et sur le reste, j'ai fait un mélange poids-avoine, parce qu'il faut pouvoir faire des rotations sur l'entièreté des parcelles qu'on a, pour que chaque année, on puisse semer le blé à des endroits différents, pour éviter d'appauvrir la terre. Et cette année, j'ai semé aussi de la févrole.

  • Speaker #1

    Et donc c'est en août 2022 que tu as obtenu la certification agriculture biologique

  • Speaker #0

    Europe ? Je ne l'ai pas encore, je suis encore en conversion. Il faut trois ans, dès le début de la démarche. Alors trois ans après, on peut avoir le label bio. Donc je l'aurai le 19 juillet 2025 sur la première partie des terres. Mais puisqu'on rachète d'autres terres, je vais recommencer un processus de conversion. Donc voilà, la ferme en entier sera en bio en 2024. peut-être bien en 2028.

  • Speaker #1

    Tu proposes maintenant toi aussi des missions de woofer, t'en as parlé tout à l'heure. T'es devenue à ton tour formatrice ou accueillante en tout cas pour des jeunes ou des moins jeunes qui voudraient se lancer dans l'aventure. Est-ce que tu peux nous raconter un peu comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est super d'avoir vécu des woofings hyper inspirants et maintenant de pouvoir accueillir les gens et de voir les choses dans le sens inverse, c'est vraiment très émouvant. Surtout la... Première année où il fallait faire plein de travaux et puis vraiment bien s'installer sur la ferme, créer l'espace de stockage pour le blé, créer le fournil. J'accueillais pas mal de woofers. Donc, il y a eu aussi des étrangers, des Américains en voyage, des Allemands. Ils apprenaient à bricoler. Pour ceux qui n'avaient jamais bricolé, ce que j'aime, c'est que... Ils voyaient que c'était possible de se lancer sur une toute petite ferme. Même si on voit l'agriculture comme un monde difficile financièrement, comme physiquement, je trouve ça dommage qu'il n'y ait pas plus de vecteurs d'informations qui faillent passer par l'expérience en immersion totale pour le comprendre. Mais il y a deux mondes dans l'agriculture, il y a l'agro-industrie et puis il y a la paysannerie. Et ça c'est vraiment un message. que j'aimerais voir beaucoup plus diffusée, c'est que l'agriculture, ce n'est pas forcément dur. On ne galère pas forcément financièrement non plus. Il faut juste faire les bons choix et avoir les bonnes réflexions et du courage, oui, mais il faut y croire. Et en fait, le WUFING permet en une semaine, deux semaines, trois semaines d'être inspiré et d'avoir de l'espoir dans le fait que, oui, on peut vivre simplement, oser se lancer et puis que tout aille bien, en fait. Je suis très contente d'être un endroit où les gens peuvent découvrir ou se confirmer ça.

  • Speaker #1

    Il y a une dimension importante aussi dans ton projet, c'est la manière dont tu présentes ta ferme. C'est à la fois un lieu de vie, d'activité, d'agriculture, évidemment, principalement, mais tu organises aussi ponctuellement des événements.

  • Speaker #0

    Oui, alors ça, ça faisait partie vraiment de mon rêve. Dès le départ, ça ne m'a jamais quitté d'avoir une ferme, je n'ai pas envie de dire produire, mais si, d'avoir une ferme qui produit quelque chose. Donc je produis du blé, du... pain. Pour moi, une ferme, c'est pas simplement ça, c'est pas juste un outil de travail, c'est vraiment un lieu qui inspire, qui réunit, qui fait du bien. Et donc je trouve que les événements dans les fermes, dans les fermes paysannes, c'est des moments qui font du bien aux gens. Pour l'instant, ça fait pas très longtemps que je suis installée, mais il y a déjà eu deux événements, une soirée soupe à l'automne avec des braseros et un spectacle, et puis une soirée pizza au feu de bois, les tables dans le verger et puis des guirlandes guinguettes. et un concert aussi. Je suis hyper fière de pouvoir créer ça et super contente de voir les petits vieux du quartier et les jeunes aussi, même s'il n'y en a pas énormément dans le coin, mais de voir les clients de la boulangerie qui sont super contents d'avoir découvert le pain paysan, mais qui en plus sont contents de pouvoir se réunir. Il y a les gens seuls, les gens moins seuls. C'est vivant. Et c'est beau, quoi. Et c'est ça, là aussi, la paysannerie, c'est pas juste du travail, c'est aussi créer des espaces, créer des espaces de rencontres et un lieu beau. Moi, c'est vraiment... J'ai toujours dit, je veux une ferme belle. Il y a tellement de fermes glauques. Ouais, vraiment glauques. Et non, pour moi, c'est un espace créatif, c'est un espace artistique. Il passe par la maçonnerie, par le jardinage, par le potager, par les constructions, par l'aménagement de... de l'espace et c'est vraiment très important pour moi que les gens se sentent bien quand ils arrivent et que le pain soit créé dans un endroit qui fait du bien.

  • Speaker #1

    Quel conseil est-ce que tu donnerais à une jeune femme, un jeune homme qui souhaiterait ouvrir sa ferme ?

  • Speaker #0

    Fais-toi confiance, ose. Tu auras peur, mais n'aie pas peur parce qu'il faut avoir confiance en la vie. Il faut juste un peu de courage, mais tant qu'on a l'envie, le courage il est là. Et ça vaut le coup et il en faut. Il faut que ça pousse.

  • Speaker #1

    Les deux prochaines questions, c'est des questions que je pose à tous mes invités. Est-ce que tu dirais de toi que tu es une femme engagée ?

  • Speaker #0

    Alors, oui. Oui. Déjà avec tout ce que je viens de dire, je suis profondément engagée dans la paysannerie. Je ne vais pas forcément être inscrite dans un milliard d'assos et participer à des réunions et aller faire des manifs et compagnie. Je porte mes valeurs avec ce que je réalise, ce que je fais, ce que je dis quand on me pose la question ou quand j'ai envie de le dire. Oui, je suis vraiment attachée à mes valeurs et au mode de vie et au travail paysan.

  • Speaker #1

    La dernière, c'est le mot de la fin. Tu peux utiliser les prochaines minutes pour parler directement aux auditeurs et auditrices du podcast.

  • Speaker #0

    J'ai déjà dit qu'il fallait oser, qu'il fallait se faire confiance. Je peux le répéter parce qu'il faut l'entendre plusieurs fois pour parfois y croire, mais à ceux qui écouteront ce podcast... qui ont des envies de reconversion ou qui se posent des questions pour leur avenir ou qui ont envie de découvrir le woofing, eh bien, osez et faites tout pour vous donner ce temps-là, parce que c'est magnifique. Et puis, aux gens qui sont bien dans leur vie et qui n'ont pas forcément envie de tout ça, ouais, qu'on n'a pas tous forcément envie d'y consacrer notre vie, mais en fait, on est quand même tous imbriqués dedans par... par des tout petits choix au quotidien, sans avoir besoin d'en faire des montagnes. On peut faire les bons choix en mangeant sainement, en choisissant ses produits de manière consciente. Et c'est déjà beaucoup. C'est beaucoup pour les paysans et beaucoup pour la nature. Vous venez d'écouter un épisode du podcast Parlons Plus Bas. Cette émission est disponible sur toutes les plateformes d'écoute. Réalisation Anthony Chenu Voix off Justine Leroux Pour échanger avec nous, rendez-vous sur le compte Instagram de l'émission.

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