- Speaker #0
Bonjour, je suis Stéphanie Barranco, et bienvenue dans Parole de Femme. Dans ce podcast, je donne la parole à des femmes au destin peu banal, pour qu'elles nous parlent d'elles, de leur parcours, de leurs espoirs et de leurs doutes, de leur vision de la femme d'aujourd'hui, l'avenir. Puissent ces femmes vous inspirer, nous inspirer, et inspirer nos générations futures. Elles se livrent sans tabou, avec le cœur. Je vous laisse avec elles, voici leurs histoires, place à Parole de Femme, saison 3.
- Speaker #1
Aujourd'hui nous sommes dans un cadre particulier de ce podcast Parole de Femme. Vous ne devez certainement pas reconnaître la voix de Stéphanie Barranco et c'est normal, puisque nous avons joué à quelque chose de particulier le jour où, je vais me dévoiler, ne vous inquiétez pas, le jour où Stéphanie m'a consacré un podcast. Je lui ai lancé un défi, je lui ai dit mais ce serait peut-être bien qu'on te connaisse un peu plus puisque tu nous fais toutes parler et je suis donc Sarah Oling et j'ai décidé de mettre à la question notre chère Stéphanie Barranco. Stéphanie bonjour.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #1
Podcast Parole de Femme que tu as créé.
- Speaker #0
C'est vrai.
- Speaker #1
Tu l'as créé il y a combien de temps d'ailleurs ? On va commencer par là quand même.
- Speaker #0
Je l'ai créé d'abord par écrit, ce concept de parole de femme en 2021. Et il y a trois ans maintenant, c'est la troisième saison que j'en ai fait un podcast.
- Speaker #1
Je vais te poser une question personnelle. Pourquoi est-ce que tu as accepté ce défi que je t'ai lancé ?
- Speaker #0
Parce que j'avais confiance en toi, parce que c'était ton métier, un de tes nombreux métiers. et puis parce que c'est vrai que... Finalement, c'est très compliqué de parler de soi et je trouvais ça intéressant aussi de me rendre compte de ce que je vous fais vivre et puis de me dévoiler un peu. On me connaît très peu finalement, je suis quelqu'un plutôt discret. J'avais envie aussi, je pense que c'est bien aussi de pouvoir faire part de mon expérience peut-être, en tout cas de discuter avec mes auditrices et auditeurs.
- Speaker #1
Et moi je me suis engagée à respecter au moins la trame du podcast. Donc je vais te poser les premières questions que tu poses à tout le monde d'ailleurs. Tiens, finalement, ta couleur préférée ?
- Speaker #0
Ma couleur préférée, je pense que c'est le violet.
- Speaker #1
Bien.
- Speaker #0
Le violet, ça me donne le sourire et à la fois, ça m'apaise. Je trouve que c'est joli. Pendant longtemps, je me suis dit, ça fait un peu fifi. Puis ça fait peut-être partie de l'acceptation aussi. En fait, j'aime bien le violet et je l'assume.
- Speaker #1
Le violet fait Fifi.
- Speaker #0
Oui, je trouvais que ça faisait un peu gnangnan, girly, dire ça. Et en vrai, j'aime bien le violet.
- Speaker #1
Tu sais que le violet, c'est aussi une couleur religieuse, la couleur des cardinaux. C'est une couleur liturgique. Donc non, Fifi, pourquoi pas, mais je vois plutôt le rose.
- Speaker #0
Pour moi, c'était rose, violet. C'est un peu cette carnation un peu girly, comme ça. Mais voilà. Fifi, c'est le violet.
- Speaker #1
Bisous pendant le Berlin. Et puis, on va continuer dans ces fameuses questions qui sont les préliminaires de notre entrée en matière, très chère. Quel est ton moment de la journée où vraiment tu te sens très très bien, où tu es à ton apogée ?
- Speaker #0
Alors, je ne sais pas si je suis à mon apogée, parce qu'avec mon métier, en fait, les moments de la journée sont extrêmement divers et variés en émotions. Si je suis sur un événement ou pas, avec mes amis ou pas. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que le moment où je me sens... où je m'autorise vraiment à soupler à 100%, c'est quand je rentre dans mon lit, je me glisse sous ma couette et je la remonte. Je m'enroule en fait dans cette couette, comme si je m'enfonçais dans mon matelas, je me love. Ou ma petite loupiote s'éteint. Et là, oui, j'ai toute la tension de la journée qui tombe. Ça me fait un bien fou. La lumière me fatigue beaucoup. les yeux,
- Speaker #1
ça me fatigue beaucoup la lumière j'aime être dans la pénombre souvent alors que tu es souvent dans les spots paris c'est toujours souvent effectivement sur des scènes oui mais j'ai deux mais c'est deux aspects en fait il
- Speaker #0
y a l'apparence ce que je dois donner et puis après moi j'ai besoin souvent de me retrouver en fait c'est pas le noir c'est Juste le fait, je crois que c'est même le geste d'éteindre la lumière, de mettre en fait, peut-être sur pause ou en mode un peu off, même si après je lis ou que je regarde une série, mais c'est de couper. Cette lumière, je raconte ça, ça me fait beaucoup de bien.
- Speaker #1
À propos de lecture, on dit souvent qu'on se construit dans l'enfance, et qu'on construit, c'est ce qui va nous permettre ensuite de tracer notre chemin. Tu te souviens d'un livre dans ton enfance qui a été porteur pour toi, qui t'a marqué ?
- Speaker #0
Oui, c'est un livre, je n'ai jamais retrouvé ni le livre ni le nom. Si jamais il y a quelqu'un qui arrive à me le retrouver, ça serait vraiment génial. C'est ma maman qui me l'avait donné et c'est l'histoire d'une petite fille qui a un bec de lièvre. Je ne peux pas vous en dire plus parce que j'ai perdu beaucoup de souvenirs de mon enfance, mais cette petite fille avec son bec de lièvre, elle était un peu mise à l'écart. Ce livre, ça m'avait bouleversée, il m'avait marquée, mais je n'étais vraiment pas grande. Je ne sais pas qui c'est, je ne sais pas qui l'a écrit, je ne sais même pas le nom, mais j'aimerais tellement le retrouver, j'aimerais vraiment en avoir un.
- Speaker #1
Écoute, l'appel est lancé. Avant que je commence ma promenade dans la vie de Stéphanie Baronco, je vais te poser la dernière question, à l'envers de celle que tu poses d'habitude. Quelle est la question qu'on ne t'a jamais posée, chère Stéphanie Baronco ?
- Speaker #0
La question qu'on ne m'a jamais posée...
- Speaker #1
Puisque d'habitude, tu demandes la question qu'on n'aurait jamais posée aux femmes. Eh bien, c'est à toi que je la pose cette fois-ci.
- Speaker #0
En fait, je crois qu'on ne me pose pas souvent des questions parce que je suis quelqu'un qui ouvre très peu la discussion sur moi. Je pose beaucoup de questions aux gens. Je m'interroge beaucoup sur leur état et je prends soin des gens que j'aime.
- Speaker #1
Pas de hasard au défi que je t'ai lancé, d'ailleurs.
- Speaker #0
exactement, je ne sais pas je ne sais pas qu'est-ce qu'on va j'ai des amis très proches qui me demandent comment je vais, donc je ne sais pas comment tu vas mais bien que qu'est-ce qui t'anime peut-être je crois qu'est-ce qui t'anime, je pense qu'on n'a pas du beaucoup me poser cette question parce que je laisse peu la place en fait je laisse peu les gens rentrer dans dans un dans une intimité trop grande avec moi. Donc peut-être ça, oui. Qu'est-ce qui t'anime ? Pourquoi tu fais tout ça ?
- Speaker #1
Quand tu dis tout ça, tu peux me dire ce que veut dire tout ça pour toi ?
- Speaker #0
Mon métier ? Mettre les gens en lumière. Le podcast, Parole de femme, ça intrigue. Parce qu'aujourd'hui, les gens pensent qu'on fait tout pour... Enfin, chaque action que l'on fait doit être rentable. Et pour moi, parole de femme, ce n'est pas du tout rentable. Ce n'est pas un hobby, parce que ce n'est pas un hobby. Mais parole de femme, il a été construit pour apporter une pierre à l'édifice, pas pour me rendre riche. Donc, ça m'apporte... Quand j'ai passé mon bac de philo, c'était l'acte gratuit est-il possible ? Et ça m'a toujours traîné avec moi, cette phrase. L'acte gratuit est-il possible ? Et ta réponse ? Rien n'est jamais vraiment gratuit, parce que la gratuité apporte de la satisfaction à celui qui fait l'acte gratuit. Donc, on va chercher forcément quelque chose. Moi, dans Parole de femme, par exemple, ou dans le fait de rendre mes amis ou ma fille heureuse, c'est aussi parce que ça me nourrit moi-même de voir les gens que j'aime heureux ou de rencontrer des femmes exceptionnelles. Je me nourris aussi de leurs histoires. C'est la gratuité pécuniaire, mais c'est l'enrichissement de l'âme. Donc je ne pense pas que l'acte gratuit puisse être vraiment possible. L'acte gratuit, pécuniairement oui, mais après on en retire toujours quelque chose.
- Speaker #1
Voilà, donc cette question a été posée. Et maintenant on va cheminer et je vais remonter à ton enfance. Quels sont les premiers souvenirs qui te reviennent ? Je t'ai entendu dire tout à l'heure que tu avais des souvenirs assez flous. Est-ce qu'il y a eu des événements, et tu réponds ou tu ne réponds pas, bien sûr, c'est le jeu, des événements qui ont fait que ta mémoire est devenue flottante dans cette enfance ?
- Speaker #0
C'est la question que je me pose encore aujourd'hui. Je ne pense pas, en tout cas, je n'en ai pas de souvenirs. J'ai très peu de souvenirs. Je pense que j'ai vraiment beaucoup... J'ai fait le tri, je pense, pour me protéger, mais de quoi je n'arrive pas encore à le savoir. Le premier souvenir, je pense, enfin, je ne sais pas. Peut-être, non, mais j'étais grande. En fait, je n'ai pas de souvenirs de bébé, je n'ai pas de souvenirs de petite. En fait, j'ai des souvenirs peut-être de 5, 6 ans. Après, j'ai des souvenirs qu'on m'a racontés.
- Speaker #1
Tu viens d'où en fait ? La structure familiale, conventionnelle ? Oui,
- Speaker #0
un papa, une maman, j'avais mes grands-parents, on vivait tous à Saint-Etienne. Et puis une partie de ma famille à Paris, que je voyais régulièrement, mais pas non plus toutes les semaines. J'ai un frère. Je ne sais pas, j'ai des souvenirs un peu en primaire, en maternelle. Pas du tout, j'ai des souvenirs construits, c'est-à-dire de photos de classe. Mais des souvenirs que je peux vivre dans mon corps, j'en ai quasiment pas. J'ai des choses qu'on m'a racontées, mais je n'ai pas de souvenirs. Avant 6 ans, 7 ans peut-être, je pense. J'ai des souvenirs peut-être 7 ans, ou quelques anniversaires. J'ai des souvenirs de ma nourrice que j'aimais plus que tout. Une nourrice,
- Speaker #1
c'est-à-dire ? Tu étais placée ?
- Speaker #0
Ma maman travaillait, j'allais chez ma nourrice. Et ça, c'était ma deuxième maman, ma nourrice. Donc j'ai des souvenirs, mais très peu, j'ai très peu de souvenirs d'enfance.
- Speaker #1
Je remonte un petit peu le fil, est-ce que c'est la raison pour laquelle tu as fait des études de philo, c'était pour tracer un peu tout ça ?
- Speaker #0
Je n'ai pas fait d'études de philo, les études de philo c'était le bac. Après j'ai fait des études de lettres, mais je voulais être dans la psychologie en fait, mais je n'ai pas pu le faire, pour des raisons que mes parents ne voulaient pas que j'aille à Lyon. C'était il y a quelques années quand même, c'était il y a 30 ans. Et il y a 30 ans, quand même, on se déplaçait moins facilement. Les études se faisaient quand même plus à son domicile. On n'était pas une famille non plus très aisée. Donc, ils n'allaient pas me prendre un appartement à Lyon. Le train, la philo, ça leur faisait peur parce qu'il y avait des réputations, des facs de philo. Encore une fois, il y a 30 ans, il y a 30 ans. Donc, je ne sais pas si c'est bien. toujours vrai. Donc effectivement, ne pouvant pas faire une fac de psycho, je me suis rabattue sur ce que je savais faire pour l'espagnol. Voilà, et j'ai fait une fac d'espagnol.
- Speaker #1
Donc là, on est passé de l'enfance, effectivement, à des années d'étudiante. Qu'est-ce qui te revient de cette période ? Qu'est-ce qui a construit la Stéphanie Barranco d'aujourd'hui ? Quelles ont été les rencontres qui ont été marquantes ? Sur le plan amical, sur le plan artistique, sur le plan littéraire, qu'est-ce qui fait, quelle a été la construction chez toi ? Qu'est-ce qui t'a construite ?
- Speaker #0
Tu veux dire petite ?
- Speaker #1
Non, à partir du moment où tu m'as dit que tu n'avais que...
- Speaker #0
À partir des 7 ans, moi, je n'ai pas eu une enfance... J'ai eu une enfance relationnelle assez effroyable. J'ai pas eu vraiment... D'abord, j'ai jamais eu d'amis. J'ai jamais eu d'amis, vraiment. Non, c'est vrai, c'est... Je pense qu'à l'époque, encore, une fois, on ne posait pas le mot, mais moi, j'ai eu du harcèlement scolaire dès la 6e. Alors, je ne me souviens pas trop. Je me souviens peut-être qu'on... Enfin, voilà. La primaire, tout ça, ça allait, je pense. Ça allait, je me souviens d'une ou deux anniversaires qu'on fêtait chez mes parents, entre copines et tout. Donc ça, oui, j'ai très peu de souvenirs, mais j'en ai des sympas. Mais par contre, à partir de la sixième, de la sixième jusqu'à la première.
- Speaker #1
Toutes ces années ont été des années où tu as été... Ouais,
- Speaker #0
c'était surtout sixième, cinquième. Mais après, j'étais... Moi j'étais seule, en fait moi j'ai vécu, j'ai vécu une... En 6e j'étais pas sûre de me faire passer en 5e, j'avais dû être déscolarisée, j'avais des tics, j'avais le cou en fait qui était complètement paralysé, mes nerfs c'était tellement bloqué qu'en fait je pouvais plus tourner le cou, j'étais même allée voir une psychologue, mais bon ça servait à rien. Ouais c'était compliqué quand même. J'étais vraiment... C'est pas les meilleures années de ma vie.
- Speaker #1
Seulement, il se... Il se matérialisait de quelle façon ? Qu'est-ce qui s'est passé en fait ?
- Speaker #0
On se moquait. Ou par exemple, j'arrivais et je disais bonjour, on me disait au revoir. C'est violent. Alors là, on le dit aujourd'hui à 40 ans. Mais quand vous avez 12 ans, un garçon qui faisait semblant de s'intéresser à moi, et puis qui en fait, c'était juste pour se moquer. Vous arrivez dans un groupe, le groupe partait. C'était ça moi. Et puis après, je suis partie en troisième ou quatrième à Londres, je crois, avec ma classe de quatrième. Bon là, ça a été le pire. Enfin, je veux dire, après là, c'était... Enfin voilà, on m'a reproché. Enfin, en fait, on est venu critiquer jusqu'à ma façon de marcher. Et en réalité, en fait, c'est hyper violent. Mais on ne se rend pas compte comme ça. Mais c'est hyper violent. parce que c'est une remise en cause, mais tellement intime, parce qu'on peut vous dire un jour, d'ailleurs, on ne peut pas, parce que c'est prendre un pouvoir sur l'autre, que l'autre ne donne pas, mais dire, oh, dis donc, tiens, je préférais ta tenue d'hier. Bon, admettons, ça, c'est une tenue vestimentaire, ça se bouge, les looks, mais la façon de marcher, ça veut dire qu'après, en fait, je réfléchissais à tout ce que je faisais à ma façon de parler, rien n'était bien en fait, tout était critiquable ouais et puis après, enfin voilà des trucs de gamin mais c'est compliqué à vivre en fait franchement c'est compliqué à vivre et il n'y avait aucun adulte référent qui pouvait être un médiateur ou tout au moins confié enfin je ne me souviens pas Mais je pense que non. Enfin non, parce que vous ne pouvez pas aller dire au prof, je vous dis, il y a 30 ans, on parle d'il y a 30 ans, 30 ans, la parole était beaucoup moins libre,
- Speaker #1
c'est juste.
- Speaker #0
Il ne faut pas oublier, vous regardez ça avec le prisme d'avant. Donc non, si je n'allais pas aller voir un prof pour lui dire, elle m'a dit que je ne marchais pas correctement. Non, je pense que je n'ai pas dû en parler beaucoup à ma maman parce que je ne voulais pas lui faire de la peine. En fait, on comprend très très vite le processus de la culpabilisation, de la culpabilité. Pas faire de la peine à sa mère, enfin oui. Et puis la peur que si on le dit aux parents, ils aillent le dire aux profs et qu'après ça s'envenime. Enfin, c'est une vraie spirale. En réalité, c'est une vraie spirale. Donc j'ai passé une enfance, enfin une adolescence... Bien seule. Alors ça c'est sûr, je ne sortais pas en boîte. J'ai passé une adolescence seule. Voilà. Pour après...
- Speaker #1
Et même ton frère, tu ne l'as pas prévenu ? Non,
- Speaker #0
c'est un petit frère qui a deux ans de moins que moi, il n'a pas des relations.
- Speaker #1
Donc la structuration de la Stéphanie qu'on voit aujourd'hui est assurée ?
- Speaker #0
Moi je dis que je suis née... J'ai eu l'impression de naître, j'avais 25 ans.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qu'il y a ? Il y a eu un événement cathartique ? Oui,
- Speaker #0
je me suis séparée de la personne avec qui je vivais. Donc, je rencontrais à 18 ans, à 19 ans, on s'est installées. Et puis, on s'est séparées et je suis partie. Et en fait, je me suis rendue compte du pouvoir que j'avais, que j'étais libre, que j'étais jolie, en tout cas jolie, que je me trouvais jolie, que je rayonnais. Et là, je me suis mise à vibrer. Et puis, j'avais le droit, je prenais ma voiture, j'allais où je voulais. Enfin, c'est vraiment un sentiment, moi j'ai épousé, c'est vraiment un sentiment de liberté. profond et j'ai vraiment la sensation de naître à ce moment là, de vraiment être moi quoi.
- Speaker #1
Qu'est ce qui s'est passé entre ce moment où cette petite Stéphanie n'arrivait à parler à personne et n'était pas sûre d'elle, jusqu'à ses 25 ans, il y a eu quelque chose qui a fait éclore ?
- Speaker #0
Moi j'arrivais à parler aux gens, c'est les gens qui ne voulaient pas me parler. Moi je voulais bien parler moi, mais c'est les gens qui ne m'aimaient pas, moi j'avais bien envie.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui a fait que là il y a quand même un espace assez important ?
- Speaker #0
Parce qu'en fait, 6e, 5e, on n'était pas sûr que j'arrive à passer les études. Après 4e, 3e, j'étais sur moi-même mais je bossais. Je vais commencer parce que j'ai eu des profs aussi qui m'ont beaucoup aidé, excellents. Donc vraiment j'étais aussi hyper intéressée. A partir de la seconde, j'ai récupéré un niveau, après j'avais les félicitations tout le temps. Et à partir de la première, j'ai rencontré une amie qui s'appelait Sonia. Donc on était deux. Mais elle, elle était très... C'est-à-dire que là où moi j'avais pas peur de m'émanciper, je savais... aller au cinéma, je voulais aller manger au restaurant. Elle, en fait, elle était tout le temps avec ses parents. Donc, elle ne faisait rien sans ses parents. Donc, il y avait encore ce truc de distension. Alors, on a passé des super bons moments ensemble, mais moi, c'était comme si moi, je grandissais et qu'elle, en fait, elle n'arrivait pas à se décoller de ses parents. Donc, il y avait encore une fois, on n'était jamais en décalage. Je pense qu'elle était beaucoup en décalage. Voilà, après, j'ai rencontré la personne avec qui j'ai vécu, j'ai rencontré sa famille, c'est devenu mes amis, enfin voilà. Et puis, je ne sais pas ce qui a vraiment fait le déclic. Je crois qu'en fait, si, c'est parce que j'ai changé de corps. Tu as changé de corps ? Oui, je me suis d'un coup, mon corps s'est transformé, je ne me cachais plus, je me suis sentie jolie et du coup, je... Enfin voilà, après je me suis mise à rayonner, à travailler, à attirer plus de gens autour de moi et en fait à devenir celle que je suis devenue finalement. Mais je pense que je l'étais au départ, c'est que j'aurais été comme ça du départ si le départ avait... Enfin disons que j'ai pris un faux départ, qui a duré 7 ans.
- Speaker #1
Parce qu'il y avait cette peur du rejet qui est quand même assez puissante. Tu as réussi à le dépasser, ça va vraiment complètement ? Non.
- Speaker #0
Ah non ? Non. Non, ah ben non, non, non. La peur du rejet, on ne la dépasse pas. On vit avec.
- Speaker #1
J'ai la masque.
- Speaker #0
J'ai la masque, j'essaye de... Je parle moins avec moi-même. C'est pour ça que c'est mieux là. Non, mais c'est parce que j'ai toujours peur de déranger. Ça ne me quitte pas.
- Speaker #1
Je vais parler du rejet, pas de déranger.
- Speaker #0
Mais c'est une forme de rejet. J'ai toujours peur que dans un groupe, quand j'arrive, on me dise... On sourit, mais qu'en fait, on se dit, est-ce que ça nous saoule qu'elle soit là ? Oh, c'est bon ! Ah là, mais pourquoi elle vient ? Ça m'a toujours, mais je l'ai tout le temps gardée. Et même encore aujourd'hui. Alors, aujourd'hui, j'ai créé un cercle autour de moi qui, cette fois-ci, ça y est. Je sais que quand je suis là, je suis à ma place. Je suis au bon endroit, avec les bonnes personnes. et qu'on s'aime pour de vrai et qu'on... Là, ça y est, ça va mieux. Mais si on me met dans un autre lieu, je vais de nouveau avoir de prime abord comme ça, de me dire, oh là là, mais est-ce qu'ils ont vraiment envie que je sois là ? Ma peur, ça a été d'être juste tolérée et pas aimée, en fait.
- Speaker #1
Ce sont vraiment les traces du harcèlement que tu as soumis. C'est ce dont tu parlais, d'ailleurs, quand tu étais à Londres ou ailleurs, tu te sentais... Rejeter tout le temps, tout le temps,
- Speaker #0
tout le temps, oui. Oui, oui, d'être mise à l'écart ou de ne pas être assez bien pour qu'on mène. Voilà, je ne marchais pas assez bien pour faire partie d'un groupe. J'étais différente, je ne marchais pas assez bien pour qu'elle n'ait pas honte d'être avec moi. Enfin, c'est un peu… En fait, c'est ça, en vrai, c'est ça. Mais ça m'a suivie sur des trucs extrêmement bêtes. Pendant des années, même encore là, il n'y a pas longtemps, il y a une semaine, quand j'étais invitée, je ne savais pas comment m'habiller. Parce qu'en fait, j'avais peur. Moi, je porte très peu de jeans, je n'aime pas les pantalons, je suis tout le temps en robe ou en jupe. Et ça aussi, ça a été tout le temps critiqué, ça a été extrêmement critiqué, de dire « mais pourquoi ? Mais comment ? » Et en fait, au bout d'un moment, on a envie de dire « mais mince, je fais ce que je veux, si je n'aime pas les pantalons, je… » Et puis quoi ? Mais par exemple, tiens, si on est dimanche, ah oui, mais alors le dimanche, c'est censé être une journée cool. Alors, mais moi, en fait, je n'ai rien dans ma garde-robe qui est cool. Oh là là, oh là là, mais est-ce que je vais vraiment y aller ? Parce que je vais passer pour une fille pincée ? Parce que je n'ai pas de jeans ? Parce que je n'ai pas de jogging ? Mais comment je vais faire ? Et en fait, c'est... C'est des blocages intérieurs en fait.
- Speaker #1
Ça te paralyse encore en fait. Disons que ça me demande beaucoup d'énergie. On te voit quand même.
- Speaker #0
prendre le lead la plupart du temps en tout cas moi ce que je vois de toi je le prends mais des moments ça me demande il faut que je fasse un travail sur moi qui est quand même conséquent mais je le prends le lead parce que j'ai une partie de moi j'ai une grosse dualité en fait j'ai une partie de moi qui est leader et qui est très fédératrice mais ça c'est marrant d'ailleurs Parce que je pense que je l'ai tellement rêvée petite, j'ai tellement rêvé qu'on m'aime, qu'on m'accepte. Mais ce n'est même pas qu'on m'aime, c'est qu'on me tolère, qu'on m'accepte. Je crois que j'en étais juste à la tolérance. Je voulais juste qu'on me tolère. Voilà, il fallait qu'on me tolère. Et en fait, je suis devenue ultra-fédératrice. Mais dans ma vie d'adulte, ça m'a poursuivi aussi. Par exemple, au départ, si mes copines... répondait pas à mon téléphone ou me disait non trois fois pour aller boire un café trois fois d'affilée ce qui peut arriver parce qu'on a des emplois du temps tous les uns les autres ah mais moi j'étais sûre que c'est qu'en fait elle voulait pas me voir mais qu'elle savait pas comment me le dire et ça me faisait mal mais c'était vraiment concret et j'ai mis un sacré moment à me dire ben non mais en fait elle-même donc soit sûr de ça et Ok, alors par contre, elles n'ont pas envie parce que là, elles ne peuvent pas. Mais elles ne peuvent pas, mais ce n'est pas pour ça qu'on n'ira pas. Et pendant longtemps, j'ai impulsé. Bon alors, qu'est-ce qu'on fait ? Allez, venez, on fait ci, on fait ça. Là, tu es dispo pour un café, pour un déj.
- Speaker #1
Chef de meute, en fait.
- Speaker #0
Oui, un peu ça. Mais parce que c'était ma manière à moi de tester. En fait, c'est comme l'enfant qui a... à 9 mois fait tomber son jouet pour que sa maman le ramasse pour tester l'amour. Moi, je faisais la même chose. Jusqu'au moment, il n'y a pas si longtemps, je dirais il y a 3-4 ans peut-être, où vraiment j'ai compris que ce qui était autour de moi aujourd'hui, c'est ce pour lequel je n'ai pas besoin de faire tomber mon jouet. Et même si on boit par un café deux semaines de suite, ce n'est pas grave parce qu'en fait ça… Elles ne vont pas me lâcher.
- Speaker #1
Oui, tu avais une peur abyssale de l'abandon en fait.
- Speaker #0
Ah, la peur abyssale de l'abandon, oui. Oui, c'est ça. Et de ne pas être assez bien pour… Mais c'est vraiment les deux. Je reviens sur ces… Moi, l'abandon vient… C'est l'abandon. C'est la conséquence. Ce n'est pas la… Non, c'est la conséquence, l'abandon. C'est plus… Oui, d'avoir. peur de ne pas être assez bien pour qu'on ait envie d'être avec moi.
- Speaker #1
Je vois que j'ai touché un peu le sens de la vie.
- Speaker #0
C'est vraiment du... Et encore des fois, aujourd'hui, tu me dis, « Ah oui, mais en fait, il y a des gens qui m'appellent. Ça veut dire qu'ils m'aiment bien. » Et même encore aujourd'hui, je suis surprise de... Et même, enfin là, je viens d'avoir même presque 10 000 personnes sur mes réseaux. J'en suis même encore surprise, des gens qui m'écrivent pour me dire « ben c'est chouette » . Et en fait, ça, ouais, après ça ne répare pas. Puis ce n'est pas le but. En fait, je pense qu'on se construit avec ce qu'on peut. Ça ne répare pas, mais par contre, je suis contente d'être la femme que je suis devenue. C'est ça aussi la généralité. Et je pense que je me suis aussi construite là-dessus. Mais tant pis, ou tant mieux, parce qu'en fait c'est toutes les épreuves qui font que finalement on devient qui on est.
- Speaker #1
C'est le travail d'une vie, tu sais aussi. On a tous des ambitions personnelles de ce que l'on voudrait être, de ce que l'on voudrait devenir. Mais il faut toute une vie la plupart du temps, pratiquement tout le monde d'ailleurs.
- Speaker #0
Il y avait aussi, je ne sais pas si tu as prévu d'en parler, mais quand on me dit pourquoi, parce que je suis allée voir quelques thérapeutes, et ils me disaient pourquoi on vous rejetait.
- Speaker #1
C'est la question que je t'ai posée d'ailleurs tout à l'heure. Tu n'as pas vraiment répondu. Non,
- Speaker #0
parce que je n'ai pas entendu, je pense. Et moi, j'ai associé ça à mon apparence physique. Et parce que je n'avais pas l'apparence que j'ai là, parce que j'avais des kilos en trop, parce que j'avais mal au dos, parce que j'avais des seins très gros. Et à l'époque, encore une fois, il faut se remettre. Il y a 30 ans en arrière, même plus parce que non, il y a plus que ça, parce que j'avais 12 ans. Donc il y a 35 ans, 34 ans, je ne sais pas, j'ai 48 ans aujourd'hui, donc j'avais 10, 11, 12 ans. Mais moi à 12 ans, je faisais du 105F en poitrine. C'était colossal, il faut se rendre compte que les marques ne s'étaient pas encore emparées de la mode grande taille. J'ai des souvenirs mais horribles de faire du shopping avec ma mère, ma mère qui était belle, qui était mince, et moi à côté qui ne rentrais dans rien, parce que forcément j'allais chez Playtex ou chez Lévié. Les vieilles bonnetières de Saint-Etienne, des galeries Lafayette. Oui, c'est vrai. Et en fait, elles me sortaient des trucs. Mais je me disais, bon, c'est les soutiens-gorge de ma grand-mère. Et moi, je ne peux pas mettre ça. J'ai 13 ans. Et ça aussi, on en parlera peut-être après. Mais le corps, en fait,
- Speaker #1
a joué un rôle très important. Je vois l'émotion qui m'arrive. Ce que je vais faire, on va faire une toute petite pause. Le temps que tu te reprennes. Non, on reprend tout de suite derrière, en fait. D'accord, je suis d'accord.