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Passeurs d'histoires - le podcast de la mémoire

E20 - Philippe par Benjamin - s'engager pour la libération

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30min |27/05/2025
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Description

Benjamin Massieu est professeur d’histoire-géographie et l’auteur de nombreux ouvrages sur les Français libres. Il raconte au micro du Souvenir Français le destin du commandant Philippe Kieffer qui, à la tête des 177 membres du 1er bataillon de Fusiliers Marins commandos, a débarqué en Normandie le 6 juin 1944.


Rien ne prédestinait Philippe Kieffer à devenir un grand chef militaire, créateur des commandos en France. C’est par amour pour son pays que ce banquier, né en Haïti, a choisi de s’engager lorsque la Seconde Guerre mondiale a été déclarée. Une histoire vraie et passionnante !


Si vous avez aimé ce destin hors du commun, vous pouvez prolonger votre écoute en vous procurant l’ouvrage de notre invité : “Philippe Kieffer, chef des commandos de la France libre” de Benjamin Massieu, aux Editions Pierre de Taillac (2013).

Cet ouvrage avait d’ailleurs reçu la mention du jury du Prix littéraire de la Résistance du Comité d’Action de la Résistance - Souvenir Français en 2014.


https://editionspierredetaillac.com/pages/benjamin-massieu 


Ils sont français ou étrangers, généraux ou soldats, résistants, civils ou bien encore infirmiers. Certains sont restés dans les livres d’histoires ou bien dans le silence de l'anonymat, et pourtant ils ont tous un point commun : ils se sont battus pour la France. Découvrez le récit de ces héros de guerre connus ou inconnus ayant participé aux derniers grands conflits contemporains :  qui étaient-ils ? Quels sont leurs parcours ? Où se sont-ils battus ? Quels souvenirs et leçons nous ont-ils laissés? 

Tantôt raconté par un ou une historien(ne), tantôt par un ou une descendant(e), plongez dans des histoires de vie, ces récits intimes de combattant qui forment la grande mosaïque de notre mémoire collective.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires. L'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi. Et en fait, c'est pour préparer le débarquement. Bienvenue dans Passard d'Histoire, le podcast de la mémoire. Philippe par Benjamin, s'engager dans la France libre. Je m'appelle Benjamin Amassieux, je suis professeur d'histoire dans le secondaire et j'ai une formation d'historien et je publie régulièrement des ouvrages. Je continue même depuis que je suis rentré dans l'enseignement à faire des recherches sur des sujets autour des Français libres et à publier dessus. Le premier de ces ouvrages, c'était à l'époque mon mémoire de master, c'était la biographie de Philippe Kieffer. Pour moi, ça a été... Quelque chose d'assez évident, puisque je m'intéresse à ce sujet-là des Français dans le débarquement depuis mon adolescence. J'ai rencontré les vétérans quand j'avais 16 ans, j'allais aux commémorations régulièrement. Donc après, quand j'étais étudiant, pour moi, quand il m'a fallu choisir un sujet, surtout que c'était un sujet qui était assez mobilisé sur le plan de la mémoire, mais sur lequel il n'y avait pas vraiment d'études assez fouillées, ça a été une évidence pour moi qu'il fallait que je fasse ce travail. La rencontre avec Philippe Kieffer, elle se fait d'abord... par l'intermédiaire de ces hommes, par l'intermédiaire des vétérans, puisque c'est le terme quand même, Commando Kieffer, ce n'est pas le nom officiel, mais c'est le nom qui est quand même passé dans la mémoire collective. Je citerai Hubert Faure, Léon Gauthier, René Rosset, Jean Masson, ce sont des gens que j'ai fréquentés, qui faisaient partie de ces 177 Français du 6 juin. Ils m'ont apporté des éléments. Après, moi, j'ai essayé de faire un travail. qui ne se basait pas uniquement sur le témoignage, parce qu'on avait quand même beaucoup écrit cette histoire avec des témoignages. Ce qui est intéressant, je trouve, d'ailleurs je l'écris dans l'intro du livre, c'est que j'étais sans doute l'un des derniers à la jonction entre ceux qui avant écrivaient cette histoire uniquement avec des témoignages et ceux qui après ne pourront le faire qu'avec des archives. Et moi j'étais au moment où il y avait encore des témoins, aujourd'hui il n'y en a plus. J'ai eu accès aux archives, j'ai pu retrouver des choses, et puis aussi confronter un petit peu ce que certains anciens avaient l'habitude de dire. Ça n'enlève rien à l'intérêt du témoignage. Moi, sur plein d'épisodes, j'ai manqué d'éléments, et en fait, les témoignages m'ont permis de faire la jonction. Mais pour certains épisodes, il faut absolument, quand on a les archives, il faut travailler sur les archives au maximum. Kieffer notamment, lui il a écrit un livre, « Baird et verre » qui est sorti en 48, qui a eu un succès important, déjà de son vivant, il s'est vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, et il est sans cesse édité depuis. Et dans son livre, il fait des erreurs. Et pendant longtemps, on s'est basé sur son livre pour écrire l'histoire de cette unité, notamment sur la chronologie en fait, il se trompe d'un an dans la fondation de son unité, et pendant très longtemps tout le monde a repris ce que lui écrivait. Donc c'est ça qui a été très intéressant, c'est de se dire « mais qu'est-ce qui s'est passé pendant un an ? » J'ai aussi rencontré la fille de Philippe Kieffer, et pour moi c'était quelque chose aussi de déterminant, parce qu'après, quand il s'agit pour moi d'écrire sa biographie, j'ai rappelé sa fille, qui avait perdu son père, elle avait 13 ans, donc elle savait finalement de lui que ce qu'on lui avait dit. Elle n'avait pas eu l'occasion de lui poser toutes les questions qu'elle aurait aimé lui poser, mais elle avait beaucoup de documents chez elle. dans lequel elle n'avait jamais mis le nez. Pour moi, c'était quelque chose de fantastique. Philippe Kieffer, il est vraiment devenu important dans la mémoire française parce qu'il y a eu d'autres Français. Le 6 juin, il y a eu des parachutistes, des marins, des aviateurs. Mais lui et ses commandos, vraiment, ce sont eux qui ont concentré la mémoire de la contribution française. On en parlait assez peu auparavant parce que la mémoire française façonnée par De Gaulle, mettait en avant d'autres combats, d'autres événements. Et le débarquement Normandie n'en faisait pas partie. Donc le commando Kieffer, on n'en parlait pas. On en parlait assez peu. Il y avait quand même le jour le plus long, c'est pas rien. Mais finalement, quand Mitterrand vient à Wistriam en 84... montrer la différence avec De Gaulle. C'est pour mettre en avant cette unité. Et depuis lors, en fait, on n'a plus cessé de parler d'eux à chaque cérémonie. Et même, ils ont pris une place aujourd'hui dans notre mémoire collective, à tel point qu'ils deviennent l'incarnation de la France le 6 juin. Et Philippe Kieffer, j'ai l'impression que tous les ans, il y a des rues qui sont baptisées à son nom. Il n'y a pas une année, honnêtement. où je ne suis pas contacté par des médias, que ce soit télé, radio ou presse écrite, qui veulent parler de Kieffer, alors qu'avant c'était quand même assez rare. Alors ce qui est particulier avec Philippe Kieffer, c'est qu'il est vraiment à milieu de la destinée qui va être la sienne. Il est né à Port-au-Prince, en Haïti, donc vraiment très loin de la France. Pourquoi il se retrouve là, à naître ici en fait ? C'est parce que son père avait 5 ans au moment où l'Alsace a été annexée. Et toute sa famille avait choisi la nationalité française, mais ils ont été, comme beaucoup, il fallait quitter le territoire. Et donc ils sont devenus allemands. Et ils ont eu l'opportunité de confier un de leurs fils à une communauté de missionnaires pour qu'ils deviennent prêtres. Et Philippe Kieffer perd. Il s'est retrouvé comme ça à la Jamaïque, puis il a abandonné la virologieuse, il s'est installé en Haïti. Et c'est là qu'il a rencontré une enfant du pays d'origine écossaise, Marie Cook. Vous voyez déjà les mélanges. Et c'est comme ça qu'il va avoir quatre enfants, dont le futur commandant Kieffer, Philippe Kieffer, qui naît à Port-au-Prince en 1899. Il va grandir, il va faire une partie de sa scolarité, notamment à Port-au-Prince. Et puis, ses parents vont le confier, parce que la situation en Haïti est assez complexe. À la fin du 19e et début 20e siècle, il y a quand même une succession en quelques années, 22 gouvernements, dont 17 renversés par des coups d'État, ça vous donne un petit peu une idée du climat politique. Philippe Kieffer père va confier ses deux fils à des jésuites à Jersey, l'île anglo-normande, et Philippe Kieffer, comme ça, va se retrouver, même pas en France, mais plus près de la France qu'il ait été dans sa vie, finalement, c'est à Jersey, où il a fait quelques années. Il y a passé six ans, en fait, de 1910 à 1916. En 1916, il rentre à Port-au-Prince faire des études par correspondance. Il ne prend même pas part à la Première Guerre mondiale parce qu'en fait, il est à Port-au-Prince. C'est la guerre sous-marine. On veut le mobiliser, mais on ne sait pas comment le ramener en France. Finalement, on décide de l'exempter de services militaires. Lui, il se lance dans une carrière de banquier parce qu'en 1915, les Américains ont envahi Haïti. Ils ont installé une sorte de protectorat. il y a pas mal de... d'entreprises américaines qui se sont installées. Et lui, il se dit, il y a le milieu de la finance assez porteur en Haïti, donc il fait des études de commerce par correspondance et il devient banquier. Il va avoir un rôle très important, il est inspecteur des succursales sud-américaines et antillaises de Citibank. Et en 1926, il devient même vice-président de la Banque Nationale d'Haïti. Donc c'est quelqu'un qui a vraiment une carrière absolument brillante avant-guerre. Et puis, tournant des années 30, les choses se compliquent. Alors il s'est marié, mais son mariage commence à battre de l'aile. Les Américains doivent se retirer d'Haïti, donc pour lui vraiment beaucoup de choses changent et sa femme en fait n'en peut plus d'Haïti et elle veut rentrer à Paris. Donc en 1933, il rentre avec sa femme et ses enfants à Paris. La France pour lui c'est plus une idée, c'est quelque chose de lointain. Ça ne lui plaît pas en fait parce qu'il n'arrive pas à retrouver une aussi bonne situation. Donc en 1934, il rentre à Port-au-Prince, il laisse sa femme et ses enfants à Paris. Mais là encore, il va y rester jusqu'en 1939. Et début 1939, il se dit, bon, la parenthèse haïtienne de ma vie, quand même 40 ans, est terminée. Il vient à Paris, il divorce. Et c'est cet homme qui est en rupture vraiment sur tous les plans que la guerre va venir trouver six mois plus tard. Il décide de s'engager. Alors d'abord, il est matelot secrétaire, comme à 40 ans se retrouver matelot, c'est quelque chose. C'est ça aussi qu'il faut mesurer Kieffer, c'est qu'il commence la guerre matelot, il va quand même la finir avec un grade qui est celui de capitaine de corvette. Donc c'est l'équivalent d'un lieutenant-colonel. C'est très étonnant de se dire que cet homme qui a vécu très loin de la France, très loin des milieux militaires, se dire qu'il va devenir après le fondateur des forces spéciales françaises. Il est affecté à Dunkerque, puis à Cherbourg, il passe un brevet d'interprète, donc c'est vraiment quelqu'un qui est dans les bureaux. Quand les Allemands envahissent la France en... En 1940, il fait partie du personnel qui est évacué vers l'Angleterre. Il embarque comme ça à bord d'un chalutier. Il se retrouve en Angleterre comme des milliers de marins français qui ont été évacués des ports du nord de la France. Et puis en Angleterre, il va avoir la chance d'être parmi ceux qui vont entendre parler de la France libre. Et il décide de s'engager dans la France libre. Alors c'est encore une rupture, mais c'est un personnage qui, je pense, Il avait toutes les raisons de faire ce choix, en fait. Vivre en exil loin de la France, il connaît. Les milieux anglo-saxons, il connaît très bien. Il a évolué comme ça, il a travaillé quand même pour des Américains, beaucoup. Sa sœur a épousé un officier britannique qu'elle avait rencontré la Jamaïque et elle vit en Angleterre à ce moment-là. Donc l'aventure de la France libre a commencé un peu chez lui, finalement. Quand on pense quand même que beaucoup de Français libres, quand ils se retrouvent en Angleterre en 40, ils ne parlent même pas anglais. Lui, il n'a pas du tout ce dépaysement-là. Et donc on va lui donner assez rapidement un grade d'officier. officier interprété du chiffre. Alors il monte les grades très vite parce qu'on a quand même besoin de personnels compétents. Donc lui va comme ça passer quasiment deux ans dans des bureaux à Portsmouth où il joue un rôle important quand même au sein de l'état-major de la Marine Française Libre qui se met en place. Il sert d'officier de liaison avec les autorités britanniques. Donc c'est quand même quelque chose qui le met au cœur de démarches quand même assez importantes pour la Marine de De Gaulle. Et il s'ennuie en fait. Ce qui est amusant, c'est quand on regarde sa fiche d'engagement, alors qu'il est quartier maître secrétaire, il demande à être affecté en tant qu'officier chez les fusillés marins. C'est son premier vœu quand il rallie la France libre. Et on voit déjà par ces quelques mots qu'il a mis sur une fiche de vœu qu'il veut se battre. Il ne va pas rester dans un bureau. On l'a mis là parce qu'il a des compétences, mais lui, il a envie de se battre. Et puis en 1941, c'est le moment charnière de sa vie. Parce que les Britanniques mènent une opération contre les îles Lofoten en Norvège. Et c'est là qu'apparaissent pour la première fois dans les médias, des unités qui étaient secrètes jusqu'à présent, qui sont les commandos. Qui ont été créées à l'été 40. Quand il voit ça, il se dit, voilà, c'est ça qu'on doit faire, nous Français. Si on ne peut pas tout de suite envahir la France, on doit être capable, ponctuellement, de débarquer sur un point de la côte de France, faire un maximum de dégâts chez les Allemands, quitte à rentrer et revenir plus tard. Donc moi, je veux faire ça. Et alors, il va commencer à faire plein de démarches, il va chercher à devenir déjà officier fusilier marin, il a bien conscience qu'il n'a pas du tout la formation, et il va saisir une opportunité en 1941 qui est la création du troisième bataillon de fusilier marin. C'est une unité qui est formée d'anciens républicains espagnols, et on a besoin de quelqu'un qui parle espagnol, et qui est fort en plus de parler anglais, parle espagnol. et c'est comme ça avec ces fusillés marins de langue espagnole qu'il va apprendre le métier. Et à la fin de l'année 1941, il arrive à convaincre l'état-major de lui confier un petit groupe en vue de créer des commandos. Il faut savoir que les britanniques, à ce moment-là, sont assez bien disposés parce qu'il y a un homme qui vient prendre la tête des commandos, c'est Lord Mountbatten. C'est un membre de la famille royale qui avait un père d'origine allemande, qui en a beaucoup souffert durant la Première Guerre mondiale, et qui se dit « Moi, je voudrais que tous ces exilés européens puissent intégrer les commandos pour se battre à nos côtés. Et donc il va décider de créer une unité de commandos interalliés, alors là forcément pour Kieffer c'est parfait. Et en avril 1942, ça y est, il y a un accord entre De Gaulle et Mountbatten pour la création d'une unité de commandos qui serait confiée à Kieffer. C'est là que tout va commencer. En avril 1942, lui et ses hommes partent à Knackary, c'est l'école des commandos britanniques. Commence l'aventure, j'ai envie de dire, des commandos de la France libre à partir de là. Alors ça ne va pas toujours être simple, il va par moments tenir un petit peu son unité à bout de bras. Si vous voulez, les commandos français, ils font... Une opération juste après leur création, c'est le raid de Dieppe, en août 1942. Après, ils ne prennent part à aucune autre opération avant l'hiver 43-44. Donc quand on a formé des hommes pour être vraiment dans l'élite, des durs à cuire qui se sont dit « je viens là parce que je sais que je vais servir à quelque chose » , c'est difficile de les tenir pendant aussi longtemps. Et tout son travail, finalement, ça va être ça. Pendant des mois et des mois, ça va être de les faire patienter. Et donc, ils vont mener comme ça des raids durant l'hiver 43-44. Ce sont des raids secrets, là. Ce ne sont pas des raids vraiment où on casse tout. Par exemple, l'une de ces opérations qui va être un franc succès, c'est le raid qui est mené par l'un des adjoints de Kieffer, Francis Wursch. Cette plage, c'est la plage où débarqueront les Américains le 6 juin 44. Et alors, ils vont devoir prendre des informations sur les courants, faire des prélèvements de mines, faire du carottage de sable pour savoir quels engins peuvent rouler sur cette plage, etc. Voilà le type de mission qu'on leur confie. Et puis, à partir du début de l'année 44, là, ils sentent que quelque chose se prépare, les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires, et l'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi, et en fait c'est pour préparer le débarquement. Les commandos français, juste avant le débarquement, ont été rattachés au numéro 4 commando, qui est un commando britannique. Ausha avait eu des français sous ses ordres lors du raid de Dieppe. Et quand il a été nommé général, il s'est dit, pour ce débarquement qui se prépare, puisqu'il a été mis dans le secret, je veux ces français avec moi. Et on va leur confier une mission bien spécifique, bien à eux. Alors le numéro 4 commando doit débarquer à l'extrémité est du dispositif allié. C'est-à-dire qu'après eux, il n'y a plus personne. Tout à l'Est, il n'y a plus personne. Donc le rôle qui va être confié aux commandos français, ça va être de nettoyer les défenses du littoral entre Colville et Wistriam. Ça va être de libérer ce littoral, de prendre les défenses allemandes, tout un réseau de blocaux, ce qui est extrêmement important, parce qu'en fait, Wistriam, c'est l'accès au canal qui relie Caen à la mer, comme les alliés espèrent prendre Caen, pour avoir quand même une ville assez importante avec des installations portuaires. Eh bien, c'est là l'enjeu, c'est de libérer l'accès au canal. Et les Britanniques, eux, vont être chargés de missions un petit peu en arrière d'eux, à savoir de prendre les écluses. Et puis après, une fois que c'est fait, en fin de matinée, ils vont devoir se rassembler et entamer une marche assez harassante. Ils vont devoir aller rejoindre les parachutistes britanniques qui ont été largués aux deux ponts de Ranville et Benouville, sur l'Orne. ils vont Aller faire la jonction avec ces parachutistes qui tenaient les ponts depuis la nuit. Et ensuite, ils vont s'installer dans les terres et commence pour eux une guerre de position. En fait, quelque chose pour lequel ils n'étaient pas du tout préparés. Eux, ils étaient là pour de l'action vraiment ponctuelle. Sauf que là, comme le camp n'est pas pris, le front est bloqué. Eh bien, ils vont devoir s'enterrer pendant plus de deux mois dans des trous de combat et faire face à... à un ennemi qui lui aussi s'est enterré sur des positions qui sont assez vagues. Il y a un no man's land à peu près un peu flou. Et voilà, pendant plusieurs semaines, on mène des raids. Quand on lit les lettres des commandos français, à la fin, ils sont épuisés moralement, pas seulement physiquement. À la fin de la campagne de Normandie, quand le front allemand commence à s'effondrer, C'est un petit peu la poursuite. Ils sont embarqués dans des camions et leur campagne de Normandie va se terminer à Saint-Maclou, en Normandie. Kieffer va juste partir avec quelques hommes et une Jeep pour aller à Paris et être parmi les premiers à entrer dans Paris. Lui et son bataillon vont embarquer à Romange pour l'Angleterre avant de partir pour une nouvelle mission, une nouvelle campagne aux Pays-Bas. Son bataillon part, lui reste. Parce qu'en fait, Philippe Kieffer va être touché par un drame à la fin de cette campagne de Normandie, c'est la disparition de son fils Claude, qui s'était engagé dans la résistance. Le jour de la libération de Paris, il est pris avec son groupe et il est exécuté. Ensuite, il repart avec ses hommes pour une nouvelle campagne aux Pays-Bas cette fois, mais là encore c'est une déception pour eux parce qu'ils auraient aimé... participé à l'entrée dans l'Allemagne. Mais on va les cantonner finalement sur cette partie du front où il y a des îles qui sont encore occupées par les Allemands sur lesquelles ils vont mener quelques raids. Mais eux auraient aimé prendre part à l'assaut final contre le Troisième Reich. C'était une unité qui a beaucoup souffert moralement, je trouve, de n'avoir pas été employée à la mesure que ses membres espéraient. Quand on creuse un petit peu, on redécouvre des épisodes de leur histoire qui étaient complètement oubliés. Ce que ces hommes connaissaient de lui, finalement, c'était la figure du chef, c'était une apparence. Et ça ne suffit pas pour comprendre le personnage. Je pense que comme beaucoup d'anciens combattants, c'était un taiseux. Et il n'en parlait pas à sa femme, finalement, alors qu'elle l'a connue. durant toutes ces années, à sa seconde femme je précise, parce qu'il s'est remarié en Grande-Bretagne, et il a eu d'autres enfants. La façon dont eux le percevaient, c'était, purée, il a plus de 40 balais, et il court devant. Nous, on est là, on a 18, 20 ans, René Rosset en avait 16 quand il s'est engagé, il a menti sur son âge, et quand il débarque le 6 juin, il a 17 ans René. Et ces gars-là se disaient, mais Kieffer, il a... au moment du débarquement, je vous rappelle qu'il est né en 1899, il a presque 45 ans. Et c'est lui qui mène vraiment l'assaut. Il ne joue pas juste un rôle de figurant, il n'est pas là à coordonner seulement les troupes, parce que, si vous voulez, le 6 juin, sur la plage, il y a une des deux barges françaises qui va être prise sous le feu d'un blocos allemand. La barge va perdre ses rampes, il va y avoir de nombreux morts et blessés. Et l'une de ces, ce qu'on appelle des troupes, puisqu'on emploie l'appellation britannique, c'est l'équivalent d'une compagnie en français, l'une des deux troupes françaises, la troupe 1, qui doit prendre le casino de Wistream, en haut de la plage, elle n'a plus aucun officier. Donc il reste des petits chefs de groupe. Et Kieffer, lui qui commande le bataillon, se dit « Bon, je vais aller avec eux » , alors qu'il s'est quand même pris un éclat d'obus dans la cuisse. Il se fait penser rapidement. Et il va accompagner cette troupe au casino d'Islam. Et c'est lui qui va apporter la solution. Parce que quand les commandos arrivent devant le casino, il y a quelque chose qui n'avait pas du tout été repéré sur les photographies aériennes quand ils ont préparé l'opération. C'était qu'on avait un endroit où on pensait qu'il y avait une route. En fait, c'était un fossé anti-char. Assez important. Il y avait un mur en chicane. Donc les Allemands, le premier qui passe, bim, il se fait tirer dessus. Un assaut, en fait, est impossible. Et la solution, ça va être Kieffer qui va... retourné en ville, va tomber sur un char britannique, va le détourner de sa mission, va monter sur la tourelle du char, va conduire ce char devant le casino et debout, pendant que les Allemands lui tirent dessus, va guider le tir de la tourelle du canon pour viser à travers les embrasures et si on ne peut pas prendre le casino, au moins on va le réduire au silence. Il se prend une balle dans le bras, encore à ce moment-là. Donc il a deux blessures, il va être évacué sur ordre des Britanniques. contraint et forcé deux jours plus tard parce qu'en fait il il ça commençait à gangrener il ne voulait pas quitter le front et il écrit dans une lettre que j'ai retrouvé dans ses archives personnelles il écrit l'amiral d'argent lieu on dit qu'il a qu'il a passé le fagnon de son unité à son second en pleurant avant donc pour lui c'était quelque chose qu'il qu'il le touchait beaucoup Ce que je retiens de lui, c'est quand même que c'est quelqu'un qui avait quand même une très haute idée de son pays et il s'est adapté à ce que la situation lui imposait. et durant toute sa vie en fait c'est quelqu'un qui s'est adapté il a été banquier avant guerre pendant la guerre il est devenu commando après la guerre il a travaillé pour l'agence interalliée des réparations puis comme chef de l'administration de l'OTAN ce sont des trucs qui n'ont rien à voir il a vraiment fait des choses assez étonnantes et extrêmement diverses il a même fait de la politique il était membre de l'assemblée consultative après la guerre pendant quelques mois et puis il était conseiller général, conseiller municipal valier. Puis il a perdu une élection, il a tout laissé tomber. Alors Philippe Kieffer est enterré à Grand-Camp, dans le Calvados. C'est pas du tout là où il a débarqué. C'est une commune près de Port-en-Bessin où il s'était installé après la guerre. En fait, c'est là qu'il a commencé sa carrière politique à la libération. Et il est resté très attaché à Grand-Camp. Il avait demandé à être enterré face à la mer. C'est une tombe qui était déjà à l'époque payée par le comité du débarquement. On ajoute des petites stèles à chaque fois. la dernière... Alors en 2014, 4, je crois, il y a eu l'insigne des commandos qui était apposé sur sa tombe. Il y a quelques années, ils ont réaménagé ça encore. Ils ont inauguré un nouveau monument avec un énorme badge commando devant le cimetière. Donc, Grand Camp, même si ce n'est pas l'endroit où les commandos ont débarqué, l'image de Kieffer, en fait, attache l'image de cette unité à cette commune. L'héritage de Philippe Kieffer, aujourd'hui, il est d'abord militaire, en fait. C'est quand même le créateur des commandos marines. C'est quand même l'élite de l'armée française. il y a quand même Trois unités qui sont de commandos qui portent ou son nom ou les noms de certains de ses adjoints, le commando Trépel et le commando Hubert. Ça c'est la symbolique. Il y a autrement dans la symbolique le port du béret vert avec l'insigne qui est porté à l'anglaise. Il ne s'est pas contenté de faire les commandos durant la guerre. Après guerre, on le voit très bien dans les différents courriers qu'il envoie au ministre de la Marine, au chef d'état-major. il veut que ça persiste parce qu'il est convaincu que les commandos, c'est quelque chose de pertinent. Au-delà de la Deuxième Guerre mondiale, il faut garder ce type d'unité et ça aura vraiment un intérêt à l'avenir. On ne sait pas comment les guerres évolueront à l'avenir, mais ce genre d'unité qui sait s'adapter au combat, qui peut être utilisée de manière très chirurgicale, j'ai envie de dire, sans qu'on ait besoin d'envoyer des troupes régulières, il est convaincu que ça aura une pertinence. On le voit aujourd'hui, c'est effectivement les forces spéciales, c'est quand même les unités qui sont les plus déployées, le plus fréquemment en tout cas. Sur le plan de la mémoire du débarquement, ça reste celui qui incarne la présence des Français le 6 juin 1944. Je pense que tant que le débarquement sera dans l'imaginaire collectif, ce qui n'a pas toujours été, sera le moment charnière de la Deuxième Guerre mondiale, en tant que Français, on ne pourra pas juste le regarder comme des spectateurs. Et Kieffer, finalement, c'est ça. Il permet une compensation. Il permet de dire que nous, Français, on était là ce jour-là. On n'a pas juste subi quelque chose qu'auraient fait nos alliés pour nous libérer. On a contribué vraiment personnellement à notre libération. Et c'est vraiment la force du symbole qu'on va célébrer. Ils étaient là et donc la France était là ce jour-là. Souvent les gens confondent la mémoire et l'histoire. Et la mémoire, c'est pas le passé, c'est quel regard on porte sur le passé. Finalement, ça nous renseigne plus sur nos préoccupations actuelles au moment où on regarde le passé que sur le passé lui-même. Je pense tant que la Seconde Guerre mondiale restera, touchons du bois, la dernière guerre qu'on aura connue sur notre sol, ça reste quelque chose de fondateur. C'est difficile de savoir comment ça va évoluer après une mémoire... Même quand il n'y a plus de témoins, ça peut se perpétuer. Je veux dire, Jeanne d'Arc, on l'a ressortie des tiroirs à la fin du 19e siècle. Ça faisait bien longtemps qu'elle était morte. Donc, c'est juste parce qu'on estime que ce passé-là, il est capable de porter un message pour aujourd'hui, qu'il a un écho dans notre présent. Alors, à voir. Qu'est-ce qu'à l'avenir, on cherchera à extraire comme message de l'aventure de Philippe Kieffer. Moi, ce que je trouve passionnant... pas que chez les commandos, chez les Français Libres, c'est quand même que ce sont des gars qui, à un moment critique, ont su faire un choix, où je pense qu'on se pose tous la question « Est-ce que moi, j'aurais été capable de faire ce choix ? » Et ils l'ont fait, ils l'ont fait jusqu'au bout, ils l'ont fait à un moment critique, ils sont partis en exil. Alors ce serait facile aujourd'hui de dire « Moi, bien sûr, j'aurais été résistant, mais ce qu'ils ont fait, il faut quand même mesurer que c'est quitter leur pays, quitter leur famille, ça veut dire être condamné à mort. » par Vichy, ils étaient condamnés à mort par Comte-Humas, les Français libres, leur bien était saisi. Ils ne savaient pas comment la guerre allait tourner pour partir en Angleterre en 1940, au moment où l'Allemagne domine toute l'Europe. Il fallait déjà quand même avoir une foi assez solide dans l'avenir. Et je pense que c'est le fait qu'ils n'ont jamais désespéré qui est une leçon et qui sera une leçon intemporelle. L'engagement, pour moi, c'est s'investir personnellement, ce n'est pas juste l'engagement militaire. Alors, je m'intéresse beaucoup, bien sûr, à des aventures militaires, puisque, en tant qu'historien de la Seconde Guerre mondiale, c'est quand même une forme d'engagement qui est jusqu'au bout, s'ils s'engagent au péril de leur vie. Après, il y a plein de manières de s'engager aujourd'hui. Je pense que l'engagement, c'est... L'investissement, se sentir impliqué dans la société dans laquelle on est, c'est déterminant. A mes yeux, il n'y a rien de pire que de regarder le monde en se disant « ce n'est pas pour moi, je n'y comprends rien, etc. » Aujourd'hui, on a quand même des outils pour comprendre le monde et pouvoir s'investir, s'engager au service des autres. Et c'est ce qui peut donner peut-être un peu de sens à nos vies.

  • Speaker #1

    Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoire, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines pour découvrir une nouvelle histoire.

Description

Benjamin Massieu est professeur d’histoire-géographie et l’auteur de nombreux ouvrages sur les Français libres. Il raconte au micro du Souvenir Français le destin du commandant Philippe Kieffer qui, à la tête des 177 membres du 1er bataillon de Fusiliers Marins commandos, a débarqué en Normandie le 6 juin 1944.


Rien ne prédestinait Philippe Kieffer à devenir un grand chef militaire, créateur des commandos en France. C’est par amour pour son pays que ce banquier, né en Haïti, a choisi de s’engager lorsque la Seconde Guerre mondiale a été déclarée. Une histoire vraie et passionnante !


Si vous avez aimé ce destin hors du commun, vous pouvez prolonger votre écoute en vous procurant l’ouvrage de notre invité : “Philippe Kieffer, chef des commandos de la France libre” de Benjamin Massieu, aux Editions Pierre de Taillac (2013).

Cet ouvrage avait d’ailleurs reçu la mention du jury du Prix littéraire de la Résistance du Comité d’Action de la Résistance - Souvenir Français en 2014.


https://editionspierredetaillac.com/pages/benjamin-massieu 


Ils sont français ou étrangers, généraux ou soldats, résistants, civils ou bien encore infirmiers. Certains sont restés dans les livres d’histoires ou bien dans le silence de l'anonymat, et pourtant ils ont tous un point commun : ils se sont battus pour la France. Découvrez le récit de ces héros de guerre connus ou inconnus ayant participé aux derniers grands conflits contemporains :  qui étaient-ils ? Quels sont leurs parcours ? Où se sont-ils battus ? Quels souvenirs et leçons nous ont-ils laissés? 

Tantôt raconté par un ou une historien(ne), tantôt par un ou une descendant(e), plongez dans des histoires de vie, ces récits intimes de combattant qui forment la grande mosaïque de notre mémoire collective.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires. L'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi. Et en fait, c'est pour préparer le débarquement. Bienvenue dans Passard d'Histoire, le podcast de la mémoire. Philippe par Benjamin, s'engager dans la France libre. Je m'appelle Benjamin Amassieux, je suis professeur d'histoire dans le secondaire et j'ai une formation d'historien et je publie régulièrement des ouvrages. Je continue même depuis que je suis rentré dans l'enseignement à faire des recherches sur des sujets autour des Français libres et à publier dessus. Le premier de ces ouvrages, c'était à l'époque mon mémoire de master, c'était la biographie de Philippe Kieffer. Pour moi, ça a été... Quelque chose d'assez évident, puisque je m'intéresse à ce sujet-là des Français dans le débarquement depuis mon adolescence. J'ai rencontré les vétérans quand j'avais 16 ans, j'allais aux commémorations régulièrement. Donc après, quand j'étais étudiant, pour moi, quand il m'a fallu choisir un sujet, surtout que c'était un sujet qui était assez mobilisé sur le plan de la mémoire, mais sur lequel il n'y avait pas vraiment d'études assez fouillées, ça a été une évidence pour moi qu'il fallait que je fasse ce travail. La rencontre avec Philippe Kieffer, elle se fait d'abord... par l'intermédiaire de ces hommes, par l'intermédiaire des vétérans, puisque c'est le terme quand même, Commando Kieffer, ce n'est pas le nom officiel, mais c'est le nom qui est quand même passé dans la mémoire collective. Je citerai Hubert Faure, Léon Gauthier, René Rosset, Jean Masson, ce sont des gens que j'ai fréquentés, qui faisaient partie de ces 177 Français du 6 juin. Ils m'ont apporté des éléments. Après, moi, j'ai essayé de faire un travail. qui ne se basait pas uniquement sur le témoignage, parce qu'on avait quand même beaucoup écrit cette histoire avec des témoignages. Ce qui est intéressant, je trouve, d'ailleurs je l'écris dans l'intro du livre, c'est que j'étais sans doute l'un des derniers à la jonction entre ceux qui avant écrivaient cette histoire uniquement avec des témoignages et ceux qui après ne pourront le faire qu'avec des archives. Et moi j'étais au moment où il y avait encore des témoins, aujourd'hui il n'y en a plus. J'ai eu accès aux archives, j'ai pu retrouver des choses, et puis aussi confronter un petit peu ce que certains anciens avaient l'habitude de dire. Ça n'enlève rien à l'intérêt du témoignage. Moi, sur plein d'épisodes, j'ai manqué d'éléments, et en fait, les témoignages m'ont permis de faire la jonction. Mais pour certains épisodes, il faut absolument, quand on a les archives, il faut travailler sur les archives au maximum. Kieffer notamment, lui il a écrit un livre, « Baird et verre » qui est sorti en 48, qui a eu un succès important, déjà de son vivant, il s'est vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, et il est sans cesse édité depuis. Et dans son livre, il fait des erreurs. Et pendant longtemps, on s'est basé sur son livre pour écrire l'histoire de cette unité, notamment sur la chronologie en fait, il se trompe d'un an dans la fondation de son unité, et pendant très longtemps tout le monde a repris ce que lui écrivait. Donc c'est ça qui a été très intéressant, c'est de se dire « mais qu'est-ce qui s'est passé pendant un an ? » J'ai aussi rencontré la fille de Philippe Kieffer, et pour moi c'était quelque chose aussi de déterminant, parce qu'après, quand il s'agit pour moi d'écrire sa biographie, j'ai rappelé sa fille, qui avait perdu son père, elle avait 13 ans, donc elle savait finalement de lui que ce qu'on lui avait dit. Elle n'avait pas eu l'occasion de lui poser toutes les questions qu'elle aurait aimé lui poser, mais elle avait beaucoup de documents chez elle. dans lequel elle n'avait jamais mis le nez. Pour moi, c'était quelque chose de fantastique. Philippe Kieffer, il est vraiment devenu important dans la mémoire française parce qu'il y a eu d'autres Français. Le 6 juin, il y a eu des parachutistes, des marins, des aviateurs. Mais lui et ses commandos, vraiment, ce sont eux qui ont concentré la mémoire de la contribution française. On en parlait assez peu auparavant parce que la mémoire française façonnée par De Gaulle, mettait en avant d'autres combats, d'autres événements. Et le débarquement Normandie n'en faisait pas partie. Donc le commando Kieffer, on n'en parlait pas. On en parlait assez peu. Il y avait quand même le jour le plus long, c'est pas rien. Mais finalement, quand Mitterrand vient à Wistriam en 84... montrer la différence avec De Gaulle. C'est pour mettre en avant cette unité. Et depuis lors, en fait, on n'a plus cessé de parler d'eux à chaque cérémonie. Et même, ils ont pris une place aujourd'hui dans notre mémoire collective, à tel point qu'ils deviennent l'incarnation de la France le 6 juin. Et Philippe Kieffer, j'ai l'impression que tous les ans, il y a des rues qui sont baptisées à son nom. Il n'y a pas une année, honnêtement. où je ne suis pas contacté par des médias, que ce soit télé, radio ou presse écrite, qui veulent parler de Kieffer, alors qu'avant c'était quand même assez rare. Alors ce qui est particulier avec Philippe Kieffer, c'est qu'il est vraiment à milieu de la destinée qui va être la sienne. Il est né à Port-au-Prince, en Haïti, donc vraiment très loin de la France. Pourquoi il se retrouve là, à naître ici en fait ? C'est parce que son père avait 5 ans au moment où l'Alsace a été annexée. Et toute sa famille avait choisi la nationalité française, mais ils ont été, comme beaucoup, il fallait quitter le territoire. Et donc ils sont devenus allemands. Et ils ont eu l'opportunité de confier un de leurs fils à une communauté de missionnaires pour qu'ils deviennent prêtres. Et Philippe Kieffer perd. Il s'est retrouvé comme ça à la Jamaïque, puis il a abandonné la virologieuse, il s'est installé en Haïti. Et c'est là qu'il a rencontré une enfant du pays d'origine écossaise, Marie Cook. Vous voyez déjà les mélanges. Et c'est comme ça qu'il va avoir quatre enfants, dont le futur commandant Kieffer, Philippe Kieffer, qui naît à Port-au-Prince en 1899. Il va grandir, il va faire une partie de sa scolarité, notamment à Port-au-Prince. Et puis, ses parents vont le confier, parce que la situation en Haïti est assez complexe. À la fin du 19e et début 20e siècle, il y a quand même une succession en quelques années, 22 gouvernements, dont 17 renversés par des coups d'État, ça vous donne un petit peu une idée du climat politique. Philippe Kieffer père va confier ses deux fils à des jésuites à Jersey, l'île anglo-normande, et Philippe Kieffer, comme ça, va se retrouver, même pas en France, mais plus près de la France qu'il ait été dans sa vie, finalement, c'est à Jersey, où il a fait quelques années. Il y a passé six ans, en fait, de 1910 à 1916. En 1916, il rentre à Port-au-Prince faire des études par correspondance. Il ne prend même pas part à la Première Guerre mondiale parce qu'en fait, il est à Port-au-Prince. C'est la guerre sous-marine. On veut le mobiliser, mais on ne sait pas comment le ramener en France. Finalement, on décide de l'exempter de services militaires. Lui, il se lance dans une carrière de banquier parce qu'en 1915, les Américains ont envahi Haïti. Ils ont installé une sorte de protectorat. il y a pas mal de... d'entreprises américaines qui se sont installées. Et lui, il se dit, il y a le milieu de la finance assez porteur en Haïti, donc il fait des études de commerce par correspondance et il devient banquier. Il va avoir un rôle très important, il est inspecteur des succursales sud-américaines et antillaises de Citibank. Et en 1926, il devient même vice-président de la Banque Nationale d'Haïti. Donc c'est quelqu'un qui a vraiment une carrière absolument brillante avant-guerre. Et puis, tournant des années 30, les choses se compliquent. Alors il s'est marié, mais son mariage commence à battre de l'aile. Les Américains doivent se retirer d'Haïti, donc pour lui vraiment beaucoup de choses changent et sa femme en fait n'en peut plus d'Haïti et elle veut rentrer à Paris. Donc en 1933, il rentre avec sa femme et ses enfants à Paris. La France pour lui c'est plus une idée, c'est quelque chose de lointain. Ça ne lui plaît pas en fait parce qu'il n'arrive pas à retrouver une aussi bonne situation. Donc en 1934, il rentre à Port-au-Prince, il laisse sa femme et ses enfants à Paris. Mais là encore, il va y rester jusqu'en 1939. Et début 1939, il se dit, bon, la parenthèse haïtienne de ma vie, quand même 40 ans, est terminée. Il vient à Paris, il divorce. Et c'est cet homme qui est en rupture vraiment sur tous les plans que la guerre va venir trouver six mois plus tard. Il décide de s'engager. Alors d'abord, il est matelot secrétaire, comme à 40 ans se retrouver matelot, c'est quelque chose. C'est ça aussi qu'il faut mesurer Kieffer, c'est qu'il commence la guerre matelot, il va quand même la finir avec un grade qui est celui de capitaine de corvette. Donc c'est l'équivalent d'un lieutenant-colonel. C'est très étonnant de se dire que cet homme qui a vécu très loin de la France, très loin des milieux militaires, se dire qu'il va devenir après le fondateur des forces spéciales françaises. Il est affecté à Dunkerque, puis à Cherbourg, il passe un brevet d'interprète, donc c'est vraiment quelqu'un qui est dans les bureaux. Quand les Allemands envahissent la France en... En 1940, il fait partie du personnel qui est évacué vers l'Angleterre. Il embarque comme ça à bord d'un chalutier. Il se retrouve en Angleterre comme des milliers de marins français qui ont été évacués des ports du nord de la France. Et puis en Angleterre, il va avoir la chance d'être parmi ceux qui vont entendre parler de la France libre. Et il décide de s'engager dans la France libre. Alors c'est encore une rupture, mais c'est un personnage qui, je pense, Il avait toutes les raisons de faire ce choix, en fait. Vivre en exil loin de la France, il connaît. Les milieux anglo-saxons, il connaît très bien. Il a évolué comme ça, il a travaillé quand même pour des Américains, beaucoup. Sa sœur a épousé un officier britannique qu'elle avait rencontré la Jamaïque et elle vit en Angleterre à ce moment-là. Donc l'aventure de la France libre a commencé un peu chez lui, finalement. Quand on pense quand même que beaucoup de Français libres, quand ils se retrouvent en Angleterre en 40, ils ne parlent même pas anglais. Lui, il n'a pas du tout ce dépaysement-là. Et donc on va lui donner assez rapidement un grade d'officier. officier interprété du chiffre. Alors il monte les grades très vite parce qu'on a quand même besoin de personnels compétents. Donc lui va comme ça passer quasiment deux ans dans des bureaux à Portsmouth où il joue un rôle important quand même au sein de l'état-major de la Marine Française Libre qui se met en place. Il sert d'officier de liaison avec les autorités britanniques. Donc c'est quand même quelque chose qui le met au cœur de démarches quand même assez importantes pour la Marine de De Gaulle. Et il s'ennuie en fait. Ce qui est amusant, c'est quand on regarde sa fiche d'engagement, alors qu'il est quartier maître secrétaire, il demande à être affecté en tant qu'officier chez les fusillés marins. C'est son premier vœu quand il rallie la France libre. Et on voit déjà par ces quelques mots qu'il a mis sur une fiche de vœu qu'il veut se battre. Il ne va pas rester dans un bureau. On l'a mis là parce qu'il a des compétences, mais lui, il a envie de se battre. Et puis en 1941, c'est le moment charnière de sa vie. Parce que les Britanniques mènent une opération contre les îles Lofoten en Norvège. Et c'est là qu'apparaissent pour la première fois dans les médias, des unités qui étaient secrètes jusqu'à présent, qui sont les commandos. Qui ont été créées à l'été 40. Quand il voit ça, il se dit, voilà, c'est ça qu'on doit faire, nous Français. Si on ne peut pas tout de suite envahir la France, on doit être capable, ponctuellement, de débarquer sur un point de la côte de France, faire un maximum de dégâts chez les Allemands, quitte à rentrer et revenir plus tard. Donc moi, je veux faire ça. Et alors, il va commencer à faire plein de démarches, il va chercher à devenir déjà officier fusilier marin, il a bien conscience qu'il n'a pas du tout la formation, et il va saisir une opportunité en 1941 qui est la création du troisième bataillon de fusilier marin. C'est une unité qui est formée d'anciens républicains espagnols, et on a besoin de quelqu'un qui parle espagnol, et qui est fort en plus de parler anglais, parle espagnol. et c'est comme ça avec ces fusillés marins de langue espagnole qu'il va apprendre le métier. Et à la fin de l'année 1941, il arrive à convaincre l'état-major de lui confier un petit groupe en vue de créer des commandos. Il faut savoir que les britanniques, à ce moment-là, sont assez bien disposés parce qu'il y a un homme qui vient prendre la tête des commandos, c'est Lord Mountbatten. C'est un membre de la famille royale qui avait un père d'origine allemande, qui en a beaucoup souffert durant la Première Guerre mondiale, et qui se dit « Moi, je voudrais que tous ces exilés européens puissent intégrer les commandos pour se battre à nos côtés. Et donc il va décider de créer une unité de commandos interalliés, alors là forcément pour Kieffer c'est parfait. Et en avril 1942, ça y est, il y a un accord entre De Gaulle et Mountbatten pour la création d'une unité de commandos qui serait confiée à Kieffer. C'est là que tout va commencer. En avril 1942, lui et ses hommes partent à Knackary, c'est l'école des commandos britanniques. Commence l'aventure, j'ai envie de dire, des commandos de la France libre à partir de là. Alors ça ne va pas toujours être simple, il va par moments tenir un petit peu son unité à bout de bras. Si vous voulez, les commandos français, ils font... Une opération juste après leur création, c'est le raid de Dieppe, en août 1942. Après, ils ne prennent part à aucune autre opération avant l'hiver 43-44. Donc quand on a formé des hommes pour être vraiment dans l'élite, des durs à cuire qui se sont dit « je viens là parce que je sais que je vais servir à quelque chose » , c'est difficile de les tenir pendant aussi longtemps. Et tout son travail, finalement, ça va être ça. Pendant des mois et des mois, ça va être de les faire patienter. Et donc, ils vont mener comme ça des raids durant l'hiver 43-44. Ce sont des raids secrets, là. Ce ne sont pas des raids vraiment où on casse tout. Par exemple, l'une de ces opérations qui va être un franc succès, c'est le raid qui est mené par l'un des adjoints de Kieffer, Francis Wursch. Cette plage, c'est la plage où débarqueront les Américains le 6 juin 44. Et alors, ils vont devoir prendre des informations sur les courants, faire des prélèvements de mines, faire du carottage de sable pour savoir quels engins peuvent rouler sur cette plage, etc. Voilà le type de mission qu'on leur confie. Et puis, à partir du début de l'année 44, là, ils sentent que quelque chose se prépare, les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires, et l'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi, et en fait c'est pour préparer le débarquement. Les commandos français, juste avant le débarquement, ont été rattachés au numéro 4 commando, qui est un commando britannique. Ausha avait eu des français sous ses ordres lors du raid de Dieppe. Et quand il a été nommé général, il s'est dit, pour ce débarquement qui se prépare, puisqu'il a été mis dans le secret, je veux ces français avec moi. Et on va leur confier une mission bien spécifique, bien à eux. Alors le numéro 4 commando doit débarquer à l'extrémité est du dispositif allié. C'est-à-dire qu'après eux, il n'y a plus personne. Tout à l'Est, il n'y a plus personne. Donc le rôle qui va être confié aux commandos français, ça va être de nettoyer les défenses du littoral entre Colville et Wistriam. Ça va être de libérer ce littoral, de prendre les défenses allemandes, tout un réseau de blocaux, ce qui est extrêmement important, parce qu'en fait, Wistriam, c'est l'accès au canal qui relie Caen à la mer, comme les alliés espèrent prendre Caen, pour avoir quand même une ville assez importante avec des installations portuaires. Eh bien, c'est là l'enjeu, c'est de libérer l'accès au canal. Et les Britanniques, eux, vont être chargés de missions un petit peu en arrière d'eux, à savoir de prendre les écluses. Et puis après, une fois que c'est fait, en fin de matinée, ils vont devoir se rassembler et entamer une marche assez harassante. Ils vont devoir aller rejoindre les parachutistes britanniques qui ont été largués aux deux ponts de Ranville et Benouville, sur l'Orne. ils vont Aller faire la jonction avec ces parachutistes qui tenaient les ponts depuis la nuit. Et ensuite, ils vont s'installer dans les terres et commence pour eux une guerre de position. En fait, quelque chose pour lequel ils n'étaient pas du tout préparés. Eux, ils étaient là pour de l'action vraiment ponctuelle. Sauf que là, comme le camp n'est pas pris, le front est bloqué. Eh bien, ils vont devoir s'enterrer pendant plus de deux mois dans des trous de combat et faire face à... à un ennemi qui lui aussi s'est enterré sur des positions qui sont assez vagues. Il y a un no man's land à peu près un peu flou. Et voilà, pendant plusieurs semaines, on mène des raids. Quand on lit les lettres des commandos français, à la fin, ils sont épuisés moralement, pas seulement physiquement. À la fin de la campagne de Normandie, quand le front allemand commence à s'effondrer, C'est un petit peu la poursuite. Ils sont embarqués dans des camions et leur campagne de Normandie va se terminer à Saint-Maclou, en Normandie. Kieffer va juste partir avec quelques hommes et une Jeep pour aller à Paris et être parmi les premiers à entrer dans Paris. Lui et son bataillon vont embarquer à Romange pour l'Angleterre avant de partir pour une nouvelle mission, une nouvelle campagne aux Pays-Bas. Son bataillon part, lui reste. Parce qu'en fait, Philippe Kieffer va être touché par un drame à la fin de cette campagne de Normandie, c'est la disparition de son fils Claude, qui s'était engagé dans la résistance. Le jour de la libération de Paris, il est pris avec son groupe et il est exécuté. Ensuite, il repart avec ses hommes pour une nouvelle campagne aux Pays-Bas cette fois, mais là encore c'est une déception pour eux parce qu'ils auraient aimé... participé à l'entrée dans l'Allemagne. Mais on va les cantonner finalement sur cette partie du front où il y a des îles qui sont encore occupées par les Allemands sur lesquelles ils vont mener quelques raids. Mais eux auraient aimé prendre part à l'assaut final contre le Troisième Reich. C'était une unité qui a beaucoup souffert moralement, je trouve, de n'avoir pas été employée à la mesure que ses membres espéraient. Quand on creuse un petit peu, on redécouvre des épisodes de leur histoire qui étaient complètement oubliés. Ce que ces hommes connaissaient de lui, finalement, c'était la figure du chef, c'était une apparence. Et ça ne suffit pas pour comprendre le personnage. Je pense que comme beaucoup d'anciens combattants, c'était un taiseux. Et il n'en parlait pas à sa femme, finalement, alors qu'elle l'a connue. durant toutes ces années, à sa seconde femme je précise, parce qu'il s'est remarié en Grande-Bretagne, et il a eu d'autres enfants. La façon dont eux le percevaient, c'était, purée, il a plus de 40 balais, et il court devant. Nous, on est là, on a 18, 20 ans, René Rosset en avait 16 quand il s'est engagé, il a menti sur son âge, et quand il débarque le 6 juin, il a 17 ans René. Et ces gars-là se disaient, mais Kieffer, il a... au moment du débarquement, je vous rappelle qu'il est né en 1899, il a presque 45 ans. Et c'est lui qui mène vraiment l'assaut. Il ne joue pas juste un rôle de figurant, il n'est pas là à coordonner seulement les troupes, parce que, si vous voulez, le 6 juin, sur la plage, il y a une des deux barges françaises qui va être prise sous le feu d'un blocos allemand. La barge va perdre ses rampes, il va y avoir de nombreux morts et blessés. Et l'une de ces, ce qu'on appelle des troupes, puisqu'on emploie l'appellation britannique, c'est l'équivalent d'une compagnie en français, l'une des deux troupes françaises, la troupe 1, qui doit prendre le casino de Wistream, en haut de la plage, elle n'a plus aucun officier. Donc il reste des petits chefs de groupe. Et Kieffer, lui qui commande le bataillon, se dit « Bon, je vais aller avec eux » , alors qu'il s'est quand même pris un éclat d'obus dans la cuisse. Il se fait penser rapidement. Et il va accompagner cette troupe au casino d'Islam. Et c'est lui qui va apporter la solution. Parce que quand les commandos arrivent devant le casino, il y a quelque chose qui n'avait pas du tout été repéré sur les photographies aériennes quand ils ont préparé l'opération. C'était qu'on avait un endroit où on pensait qu'il y avait une route. En fait, c'était un fossé anti-char. Assez important. Il y avait un mur en chicane. Donc les Allemands, le premier qui passe, bim, il se fait tirer dessus. Un assaut, en fait, est impossible. Et la solution, ça va être Kieffer qui va... retourné en ville, va tomber sur un char britannique, va le détourner de sa mission, va monter sur la tourelle du char, va conduire ce char devant le casino et debout, pendant que les Allemands lui tirent dessus, va guider le tir de la tourelle du canon pour viser à travers les embrasures et si on ne peut pas prendre le casino, au moins on va le réduire au silence. Il se prend une balle dans le bras, encore à ce moment-là. Donc il a deux blessures, il va être évacué sur ordre des Britanniques. contraint et forcé deux jours plus tard parce qu'en fait il il ça commençait à gangrener il ne voulait pas quitter le front et il écrit dans une lettre que j'ai retrouvé dans ses archives personnelles il écrit l'amiral d'argent lieu on dit qu'il a qu'il a passé le fagnon de son unité à son second en pleurant avant donc pour lui c'était quelque chose qu'il qu'il le touchait beaucoup Ce que je retiens de lui, c'est quand même que c'est quelqu'un qui avait quand même une très haute idée de son pays et il s'est adapté à ce que la situation lui imposait. et durant toute sa vie en fait c'est quelqu'un qui s'est adapté il a été banquier avant guerre pendant la guerre il est devenu commando après la guerre il a travaillé pour l'agence interalliée des réparations puis comme chef de l'administration de l'OTAN ce sont des trucs qui n'ont rien à voir il a vraiment fait des choses assez étonnantes et extrêmement diverses il a même fait de la politique il était membre de l'assemblée consultative après la guerre pendant quelques mois et puis il était conseiller général, conseiller municipal valier. Puis il a perdu une élection, il a tout laissé tomber. Alors Philippe Kieffer est enterré à Grand-Camp, dans le Calvados. C'est pas du tout là où il a débarqué. C'est une commune près de Port-en-Bessin où il s'était installé après la guerre. En fait, c'est là qu'il a commencé sa carrière politique à la libération. Et il est resté très attaché à Grand-Camp. Il avait demandé à être enterré face à la mer. C'est une tombe qui était déjà à l'époque payée par le comité du débarquement. On ajoute des petites stèles à chaque fois. la dernière... Alors en 2014, 4, je crois, il y a eu l'insigne des commandos qui était apposé sur sa tombe. Il y a quelques années, ils ont réaménagé ça encore. Ils ont inauguré un nouveau monument avec un énorme badge commando devant le cimetière. Donc, Grand Camp, même si ce n'est pas l'endroit où les commandos ont débarqué, l'image de Kieffer, en fait, attache l'image de cette unité à cette commune. L'héritage de Philippe Kieffer, aujourd'hui, il est d'abord militaire, en fait. C'est quand même le créateur des commandos marines. C'est quand même l'élite de l'armée française. il y a quand même Trois unités qui sont de commandos qui portent ou son nom ou les noms de certains de ses adjoints, le commando Trépel et le commando Hubert. Ça c'est la symbolique. Il y a autrement dans la symbolique le port du béret vert avec l'insigne qui est porté à l'anglaise. Il ne s'est pas contenté de faire les commandos durant la guerre. Après guerre, on le voit très bien dans les différents courriers qu'il envoie au ministre de la Marine, au chef d'état-major. il veut que ça persiste parce qu'il est convaincu que les commandos, c'est quelque chose de pertinent. Au-delà de la Deuxième Guerre mondiale, il faut garder ce type d'unité et ça aura vraiment un intérêt à l'avenir. On ne sait pas comment les guerres évolueront à l'avenir, mais ce genre d'unité qui sait s'adapter au combat, qui peut être utilisée de manière très chirurgicale, j'ai envie de dire, sans qu'on ait besoin d'envoyer des troupes régulières, il est convaincu que ça aura une pertinence. On le voit aujourd'hui, c'est effectivement les forces spéciales, c'est quand même les unités qui sont les plus déployées, le plus fréquemment en tout cas. Sur le plan de la mémoire du débarquement, ça reste celui qui incarne la présence des Français le 6 juin 1944. Je pense que tant que le débarquement sera dans l'imaginaire collectif, ce qui n'a pas toujours été, sera le moment charnière de la Deuxième Guerre mondiale, en tant que Français, on ne pourra pas juste le regarder comme des spectateurs. Et Kieffer, finalement, c'est ça. Il permet une compensation. Il permet de dire que nous, Français, on était là ce jour-là. On n'a pas juste subi quelque chose qu'auraient fait nos alliés pour nous libérer. On a contribué vraiment personnellement à notre libération. Et c'est vraiment la force du symbole qu'on va célébrer. Ils étaient là et donc la France était là ce jour-là. Souvent les gens confondent la mémoire et l'histoire. Et la mémoire, c'est pas le passé, c'est quel regard on porte sur le passé. Finalement, ça nous renseigne plus sur nos préoccupations actuelles au moment où on regarde le passé que sur le passé lui-même. Je pense tant que la Seconde Guerre mondiale restera, touchons du bois, la dernière guerre qu'on aura connue sur notre sol, ça reste quelque chose de fondateur. C'est difficile de savoir comment ça va évoluer après une mémoire... Même quand il n'y a plus de témoins, ça peut se perpétuer. Je veux dire, Jeanne d'Arc, on l'a ressortie des tiroirs à la fin du 19e siècle. Ça faisait bien longtemps qu'elle était morte. Donc, c'est juste parce qu'on estime que ce passé-là, il est capable de porter un message pour aujourd'hui, qu'il a un écho dans notre présent. Alors, à voir. Qu'est-ce qu'à l'avenir, on cherchera à extraire comme message de l'aventure de Philippe Kieffer. Moi, ce que je trouve passionnant... pas que chez les commandos, chez les Français Libres, c'est quand même que ce sont des gars qui, à un moment critique, ont su faire un choix, où je pense qu'on se pose tous la question « Est-ce que moi, j'aurais été capable de faire ce choix ? » Et ils l'ont fait, ils l'ont fait jusqu'au bout, ils l'ont fait à un moment critique, ils sont partis en exil. Alors ce serait facile aujourd'hui de dire « Moi, bien sûr, j'aurais été résistant, mais ce qu'ils ont fait, il faut quand même mesurer que c'est quitter leur pays, quitter leur famille, ça veut dire être condamné à mort. » par Vichy, ils étaient condamnés à mort par Comte-Humas, les Français libres, leur bien était saisi. Ils ne savaient pas comment la guerre allait tourner pour partir en Angleterre en 1940, au moment où l'Allemagne domine toute l'Europe. Il fallait déjà quand même avoir une foi assez solide dans l'avenir. Et je pense que c'est le fait qu'ils n'ont jamais désespéré qui est une leçon et qui sera une leçon intemporelle. L'engagement, pour moi, c'est s'investir personnellement, ce n'est pas juste l'engagement militaire. Alors, je m'intéresse beaucoup, bien sûr, à des aventures militaires, puisque, en tant qu'historien de la Seconde Guerre mondiale, c'est quand même une forme d'engagement qui est jusqu'au bout, s'ils s'engagent au péril de leur vie. Après, il y a plein de manières de s'engager aujourd'hui. Je pense que l'engagement, c'est... L'investissement, se sentir impliqué dans la société dans laquelle on est, c'est déterminant. A mes yeux, il n'y a rien de pire que de regarder le monde en se disant « ce n'est pas pour moi, je n'y comprends rien, etc. » Aujourd'hui, on a quand même des outils pour comprendre le monde et pouvoir s'investir, s'engager au service des autres. Et c'est ce qui peut donner peut-être un peu de sens à nos vies.

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Benjamin Massieu est professeur d’histoire-géographie et l’auteur de nombreux ouvrages sur les Français libres. Il raconte au micro du Souvenir Français le destin du commandant Philippe Kieffer qui, à la tête des 177 membres du 1er bataillon de Fusiliers Marins commandos, a débarqué en Normandie le 6 juin 1944.


Rien ne prédestinait Philippe Kieffer à devenir un grand chef militaire, créateur des commandos en France. C’est par amour pour son pays que ce banquier, né en Haïti, a choisi de s’engager lorsque la Seconde Guerre mondiale a été déclarée. Une histoire vraie et passionnante !


Si vous avez aimé ce destin hors du commun, vous pouvez prolonger votre écoute en vous procurant l’ouvrage de notre invité : “Philippe Kieffer, chef des commandos de la France libre” de Benjamin Massieu, aux Editions Pierre de Taillac (2013).

Cet ouvrage avait d’ailleurs reçu la mention du jury du Prix littéraire de la Résistance du Comité d’Action de la Résistance - Souvenir Français en 2014.


https://editionspierredetaillac.com/pages/benjamin-massieu 


Ils sont français ou étrangers, généraux ou soldats, résistants, civils ou bien encore infirmiers. Certains sont restés dans les livres d’histoires ou bien dans le silence de l'anonymat, et pourtant ils ont tous un point commun : ils se sont battus pour la France. Découvrez le récit de ces héros de guerre connus ou inconnus ayant participé aux derniers grands conflits contemporains :  qui étaient-ils ? Quels sont leurs parcours ? Où se sont-ils battus ? Quels souvenirs et leçons nous ont-ils laissés? 

Tantôt raconté par un ou une historien(ne), tantôt par un ou une descendant(e), plongez dans des histoires de vie, ces récits intimes de combattant qui forment la grande mosaïque de notre mémoire collective.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires. L'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi. Et en fait, c'est pour préparer le débarquement. Bienvenue dans Passard d'Histoire, le podcast de la mémoire. Philippe par Benjamin, s'engager dans la France libre. Je m'appelle Benjamin Amassieux, je suis professeur d'histoire dans le secondaire et j'ai une formation d'historien et je publie régulièrement des ouvrages. Je continue même depuis que je suis rentré dans l'enseignement à faire des recherches sur des sujets autour des Français libres et à publier dessus. Le premier de ces ouvrages, c'était à l'époque mon mémoire de master, c'était la biographie de Philippe Kieffer. Pour moi, ça a été... Quelque chose d'assez évident, puisque je m'intéresse à ce sujet-là des Français dans le débarquement depuis mon adolescence. J'ai rencontré les vétérans quand j'avais 16 ans, j'allais aux commémorations régulièrement. Donc après, quand j'étais étudiant, pour moi, quand il m'a fallu choisir un sujet, surtout que c'était un sujet qui était assez mobilisé sur le plan de la mémoire, mais sur lequel il n'y avait pas vraiment d'études assez fouillées, ça a été une évidence pour moi qu'il fallait que je fasse ce travail. La rencontre avec Philippe Kieffer, elle se fait d'abord... par l'intermédiaire de ces hommes, par l'intermédiaire des vétérans, puisque c'est le terme quand même, Commando Kieffer, ce n'est pas le nom officiel, mais c'est le nom qui est quand même passé dans la mémoire collective. Je citerai Hubert Faure, Léon Gauthier, René Rosset, Jean Masson, ce sont des gens que j'ai fréquentés, qui faisaient partie de ces 177 Français du 6 juin. Ils m'ont apporté des éléments. Après, moi, j'ai essayé de faire un travail. qui ne se basait pas uniquement sur le témoignage, parce qu'on avait quand même beaucoup écrit cette histoire avec des témoignages. Ce qui est intéressant, je trouve, d'ailleurs je l'écris dans l'intro du livre, c'est que j'étais sans doute l'un des derniers à la jonction entre ceux qui avant écrivaient cette histoire uniquement avec des témoignages et ceux qui après ne pourront le faire qu'avec des archives. Et moi j'étais au moment où il y avait encore des témoins, aujourd'hui il n'y en a plus. J'ai eu accès aux archives, j'ai pu retrouver des choses, et puis aussi confronter un petit peu ce que certains anciens avaient l'habitude de dire. Ça n'enlève rien à l'intérêt du témoignage. Moi, sur plein d'épisodes, j'ai manqué d'éléments, et en fait, les témoignages m'ont permis de faire la jonction. Mais pour certains épisodes, il faut absolument, quand on a les archives, il faut travailler sur les archives au maximum. Kieffer notamment, lui il a écrit un livre, « Baird et verre » qui est sorti en 48, qui a eu un succès important, déjà de son vivant, il s'est vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, et il est sans cesse édité depuis. Et dans son livre, il fait des erreurs. Et pendant longtemps, on s'est basé sur son livre pour écrire l'histoire de cette unité, notamment sur la chronologie en fait, il se trompe d'un an dans la fondation de son unité, et pendant très longtemps tout le monde a repris ce que lui écrivait. Donc c'est ça qui a été très intéressant, c'est de se dire « mais qu'est-ce qui s'est passé pendant un an ? » J'ai aussi rencontré la fille de Philippe Kieffer, et pour moi c'était quelque chose aussi de déterminant, parce qu'après, quand il s'agit pour moi d'écrire sa biographie, j'ai rappelé sa fille, qui avait perdu son père, elle avait 13 ans, donc elle savait finalement de lui que ce qu'on lui avait dit. Elle n'avait pas eu l'occasion de lui poser toutes les questions qu'elle aurait aimé lui poser, mais elle avait beaucoup de documents chez elle. dans lequel elle n'avait jamais mis le nez. Pour moi, c'était quelque chose de fantastique. Philippe Kieffer, il est vraiment devenu important dans la mémoire française parce qu'il y a eu d'autres Français. Le 6 juin, il y a eu des parachutistes, des marins, des aviateurs. Mais lui et ses commandos, vraiment, ce sont eux qui ont concentré la mémoire de la contribution française. On en parlait assez peu auparavant parce que la mémoire française façonnée par De Gaulle, mettait en avant d'autres combats, d'autres événements. Et le débarquement Normandie n'en faisait pas partie. Donc le commando Kieffer, on n'en parlait pas. On en parlait assez peu. Il y avait quand même le jour le plus long, c'est pas rien. Mais finalement, quand Mitterrand vient à Wistriam en 84... montrer la différence avec De Gaulle. C'est pour mettre en avant cette unité. Et depuis lors, en fait, on n'a plus cessé de parler d'eux à chaque cérémonie. Et même, ils ont pris une place aujourd'hui dans notre mémoire collective, à tel point qu'ils deviennent l'incarnation de la France le 6 juin. Et Philippe Kieffer, j'ai l'impression que tous les ans, il y a des rues qui sont baptisées à son nom. Il n'y a pas une année, honnêtement. où je ne suis pas contacté par des médias, que ce soit télé, radio ou presse écrite, qui veulent parler de Kieffer, alors qu'avant c'était quand même assez rare. Alors ce qui est particulier avec Philippe Kieffer, c'est qu'il est vraiment à milieu de la destinée qui va être la sienne. Il est né à Port-au-Prince, en Haïti, donc vraiment très loin de la France. Pourquoi il se retrouve là, à naître ici en fait ? C'est parce que son père avait 5 ans au moment où l'Alsace a été annexée. Et toute sa famille avait choisi la nationalité française, mais ils ont été, comme beaucoup, il fallait quitter le territoire. Et donc ils sont devenus allemands. Et ils ont eu l'opportunité de confier un de leurs fils à une communauté de missionnaires pour qu'ils deviennent prêtres. Et Philippe Kieffer perd. Il s'est retrouvé comme ça à la Jamaïque, puis il a abandonné la virologieuse, il s'est installé en Haïti. Et c'est là qu'il a rencontré une enfant du pays d'origine écossaise, Marie Cook. Vous voyez déjà les mélanges. Et c'est comme ça qu'il va avoir quatre enfants, dont le futur commandant Kieffer, Philippe Kieffer, qui naît à Port-au-Prince en 1899. Il va grandir, il va faire une partie de sa scolarité, notamment à Port-au-Prince. Et puis, ses parents vont le confier, parce que la situation en Haïti est assez complexe. À la fin du 19e et début 20e siècle, il y a quand même une succession en quelques années, 22 gouvernements, dont 17 renversés par des coups d'État, ça vous donne un petit peu une idée du climat politique. Philippe Kieffer père va confier ses deux fils à des jésuites à Jersey, l'île anglo-normande, et Philippe Kieffer, comme ça, va se retrouver, même pas en France, mais plus près de la France qu'il ait été dans sa vie, finalement, c'est à Jersey, où il a fait quelques années. Il y a passé six ans, en fait, de 1910 à 1916. En 1916, il rentre à Port-au-Prince faire des études par correspondance. Il ne prend même pas part à la Première Guerre mondiale parce qu'en fait, il est à Port-au-Prince. C'est la guerre sous-marine. On veut le mobiliser, mais on ne sait pas comment le ramener en France. Finalement, on décide de l'exempter de services militaires. Lui, il se lance dans une carrière de banquier parce qu'en 1915, les Américains ont envahi Haïti. Ils ont installé une sorte de protectorat. il y a pas mal de... d'entreprises américaines qui se sont installées. Et lui, il se dit, il y a le milieu de la finance assez porteur en Haïti, donc il fait des études de commerce par correspondance et il devient banquier. Il va avoir un rôle très important, il est inspecteur des succursales sud-américaines et antillaises de Citibank. Et en 1926, il devient même vice-président de la Banque Nationale d'Haïti. Donc c'est quelqu'un qui a vraiment une carrière absolument brillante avant-guerre. Et puis, tournant des années 30, les choses se compliquent. Alors il s'est marié, mais son mariage commence à battre de l'aile. Les Américains doivent se retirer d'Haïti, donc pour lui vraiment beaucoup de choses changent et sa femme en fait n'en peut plus d'Haïti et elle veut rentrer à Paris. Donc en 1933, il rentre avec sa femme et ses enfants à Paris. La France pour lui c'est plus une idée, c'est quelque chose de lointain. Ça ne lui plaît pas en fait parce qu'il n'arrive pas à retrouver une aussi bonne situation. Donc en 1934, il rentre à Port-au-Prince, il laisse sa femme et ses enfants à Paris. Mais là encore, il va y rester jusqu'en 1939. Et début 1939, il se dit, bon, la parenthèse haïtienne de ma vie, quand même 40 ans, est terminée. Il vient à Paris, il divorce. Et c'est cet homme qui est en rupture vraiment sur tous les plans que la guerre va venir trouver six mois plus tard. Il décide de s'engager. Alors d'abord, il est matelot secrétaire, comme à 40 ans se retrouver matelot, c'est quelque chose. C'est ça aussi qu'il faut mesurer Kieffer, c'est qu'il commence la guerre matelot, il va quand même la finir avec un grade qui est celui de capitaine de corvette. Donc c'est l'équivalent d'un lieutenant-colonel. C'est très étonnant de se dire que cet homme qui a vécu très loin de la France, très loin des milieux militaires, se dire qu'il va devenir après le fondateur des forces spéciales françaises. Il est affecté à Dunkerque, puis à Cherbourg, il passe un brevet d'interprète, donc c'est vraiment quelqu'un qui est dans les bureaux. Quand les Allemands envahissent la France en... En 1940, il fait partie du personnel qui est évacué vers l'Angleterre. Il embarque comme ça à bord d'un chalutier. Il se retrouve en Angleterre comme des milliers de marins français qui ont été évacués des ports du nord de la France. Et puis en Angleterre, il va avoir la chance d'être parmi ceux qui vont entendre parler de la France libre. Et il décide de s'engager dans la France libre. Alors c'est encore une rupture, mais c'est un personnage qui, je pense, Il avait toutes les raisons de faire ce choix, en fait. Vivre en exil loin de la France, il connaît. Les milieux anglo-saxons, il connaît très bien. Il a évolué comme ça, il a travaillé quand même pour des Américains, beaucoup. Sa sœur a épousé un officier britannique qu'elle avait rencontré la Jamaïque et elle vit en Angleterre à ce moment-là. Donc l'aventure de la France libre a commencé un peu chez lui, finalement. Quand on pense quand même que beaucoup de Français libres, quand ils se retrouvent en Angleterre en 40, ils ne parlent même pas anglais. Lui, il n'a pas du tout ce dépaysement-là. Et donc on va lui donner assez rapidement un grade d'officier. officier interprété du chiffre. Alors il monte les grades très vite parce qu'on a quand même besoin de personnels compétents. Donc lui va comme ça passer quasiment deux ans dans des bureaux à Portsmouth où il joue un rôle important quand même au sein de l'état-major de la Marine Française Libre qui se met en place. Il sert d'officier de liaison avec les autorités britanniques. Donc c'est quand même quelque chose qui le met au cœur de démarches quand même assez importantes pour la Marine de De Gaulle. Et il s'ennuie en fait. Ce qui est amusant, c'est quand on regarde sa fiche d'engagement, alors qu'il est quartier maître secrétaire, il demande à être affecté en tant qu'officier chez les fusillés marins. C'est son premier vœu quand il rallie la France libre. Et on voit déjà par ces quelques mots qu'il a mis sur une fiche de vœu qu'il veut se battre. Il ne va pas rester dans un bureau. On l'a mis là parce qu'il a des compétences, mais lui, il a envie de se battre. Et puis en 1941, c'est le moment charnière de sa vie. Parce que les Britanniques mènent une opération contre les îles Lofoten en Norvège. Et c'est là qu'apparaissent pour la première fois dans les médias, des unités qui étaient secrètes jusqu'à présent, qui sont les commandos. Qui ont été créées à l'été 40. Quand il voit ça, il se dit, voilà, c'est ça qu'on doit faire, nous Français. Si on ne peut pas tout de suite envahir la France, on doit être capable, ponctuellement, de débarquer sur un point de la côte de France, faire un maximum de dégâts chez les Allemands, quitte à rentrer et revenir plus tard. Donc moi, je veux faire ça. Et alors, il va commencer à faire plein de démarches, il va chercher à devenir déjà officier fusilier marin, il a bien conscience qu'il n'a pas du tout la formation, et il va saisir une opportunité en 1941 qui est la création du troisième bataillon de fusilier marin. C'est une unité qui est formée d'anciens républicains espagnols, et on a besoin de quelqu'un qui parle espagnol, et qui est fort en plus de parler anglais, parle espagnol. et c'est comme ça avec ces fusillés marins de langue espagnole qu'il va apprendre le métier. Et à la fin de l'année 1941, il arrive à convaincre l'état-major de lui confier un petit groupe en vue de créer des commandos. Il faut savoir que les britanniques, à ce moment-là, sont assez bien disposés parce qu'il y a un homme qui vient prendre la tête des commandos, c'est Lord Mountbatten. C'est un membre de la famille royale qui avait un père d'origine allemande, qui en a beaucoup souffert durant la Première Guerre mondiale, et qui se dit « Moi, je voudrais que tous ces exilés européens puissent intégrer les commandos pour se battre à nos côtés. Et donc il va décider de créer une unité de commandos interalliés, alors là forcément pour Kieffer c'est parfait. Et en avril 1942, ça y est, il y a un accord entre De Gaulle et Mountbatten pour la création d'une unité de commandos qui serait confiée à Kieffer. C'est là que tout va commencer. En avril 1942, lui et ses hommes partent à Knackary, c'est l'école des commandos britanniques. Commence l'aventure, j'ai envie de dire, des commandos de la France libre à partir de là. Alors ça ne va pas toujours être simple, il va par moments tenir un petit peu son unité à bout de bras. Si vous voulez, les commandos français, ils font... Une opération juste après leur création, c'est le raid de Dieppe, en août 1942. Après, ils ne prennent part à aucune autre opération avant l'hiver 43-44. Donc quand on a formé des hommes pour être vraiment dans l'élite, des durs à cuire qui se sont dit « je viens là parce que je sais que je vais servir à quelque chose » , c'est difficile de les tenir pendant aussi longtemps. Et tout son travail, finalement, ça va être ça. Pendant des mois et des mois, ça va être de les faire patienter. Et donc, ils vont mener comme ça des raids durant l'hiver 43-44. Ce sont des raids secrets, là. Ce ne sont pas des raids vraiment où on casse tout. Par exemple, l'une de ces opérations qui va être un franc succès, c'est le raid qui est mené par l'un des adjoints de Kieffer, Francis Wursch. Cette plage, c'est la plage où débarqueront les Américains le 6 juin 44. Et alors, ils vont devoir prendre des informations sur les courants, faire des prélèvements de mines, faire du carottage de sable pour savoir quels engins peuvent rouler sur cette plage, etc. Voilà le type de mission qu'on leur confie. Et puis, à partir du début de l'année 44, là, ils sentent que quelque chose se prépare, les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires, et l'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi, et en fait c'est pour préparer le débarquement. Les commandos français, juste avant le débarquement, ont été rattachés au numéro 4 commando, qui est un commando britannique. Ausha avait eu des français sous ses ordres lors du raid de Dieppe. Et quand il a été nommé général, il s'est dit, pour ce débarquement qui se prépare, puisqu'il a été mis dans le secret, je veux ces français avec moi. Et on va leur confier une mission bien spécifique, bien à eux. Alors le numéro 4 commando doit débarquer à l'extrémité est du dispositif allié. C'est-à-dire qu'après eux, il n'y a plus personne. Tout à l'Est, il n'y a plus personne. Donc le rôle qui va être confié aux commandos français, ça va être de nettoyer les défenses du littoral entre Colville et Wistriam. Ça va être de libérer ce littoral, de prendre les défenses allemandes, tout un réseau de blocaux, ce qui est extrêmement important, parce qu'en fait, Wistriam, c'est l'accès au canal qui relie Caen à la mer, comme les alliés espèrent prendre Caen, pour avoir quand même une ville assez importante avec des installations portuaires. Eh bien, c'est là l'enjeu, c'est de libérer l'accès au canal. Et les Britanniques, eux, vont être chargés de missions un petit peu en arrière d'eux, à savoir de prendre les écluses. Et puis après, une fois que c'est fait, en fin de matinée, ils vont devoir se rassembler et entamer une marche assez harassante. Ils vont devoir aller rejoindre les parachutistes britanniques qui ont été largués aux deux ponts de Ranville et Benouville, sur l'Orne. ils vont Aller faire la jonction avec ces parachutistes qui tenaient les ponts depuis la nuit. Et ensuite, ils vont s'installer dans les terres et commence pour eux une guerre de position. En fait, quelque chose pour lequel ils n'étaient pas du tout préparés. Eux, ils étaient là pour de l'action vraiment ponctuelle. Sauf que là, comme le camp n'est pas pris, le front est bloqué. Eh bien, ils vont devoir s'enterrer pendant plus de deux mois dans des trous de combat et faire face à... à un ennemi qui lui aussi s'est enterré sur des positions qui sont assez vagues. Il y a un no man's land à peu près un peu flou. Et voilà, pendant plusieurs semaines, on mène des raids. Quand on lit les lettres des commandos français, à la fin, ils sont épuisés moralement, pas seulement physiquement. À la fin de la campagne de Normandie, quand le front allemand commence à s'effondrer, C'est un petit peu la poursuite. Ils sont embarqués dans des camions et leur campagne de Normandie va se terminer à Saint-Maclou, en Normandie. Kieffer va juste partir avec quelques hommes et une Jeep pour aller à Paris et être parmi les premiers à entrer dans Paris. Lui et son bataillon vont embarquer à Romange pour l'Angleterre avant de partir pour une nouvelle mission, une nouvelle campagne aux Pays-Bas. Son bataillon part, lui reste. Parce qu'en fait, Philippe Kieffer va être touché par un drame à la fin de cette campagne de Normandie, c'est la disparition de son fils Claude, qui s'était engagé dans la résistance. Le jour de la libération de Paris, il est pris avec son groupe et il est exécuté. Ensuite, il repart avec ses hommes pour une nouvelle campagne aux Pays-Bas cette fois, mais là encore c'est une déception pour eux parce qu'ils auraient aimé... participé à l'entrée dans l'Allemagne. Mais on va les cantonner finalement sur cette partie du front où il y a des îles qui sont encore occupées par les Allemands sur lesquelles ils vont mener quelques raids. Mais eux auraient aimé prendre part à l'assaut final contre le Troisième Reich. C'était une unité qui a beaucoup souffert moralement, je trouve, de n'avoir pas été employée à la mesure que ses membres espéraient. Quand on creuse un petit peu, on redécouvre des épisodes de leur histoire qui étaient complètement oubliés. Ce que ces hommes connaissaient de lui, finalement, c'était la figure du chef, c'était une apparence. Et ça ne suffit pas pour comprendre le personnage. Je pense que comme beaucoup d'anciens combattants, c'était un taiseux. Et il n'en parlait pas à sa femme, finalement, alors qu'elle l'a connue. durant toutes ces années, à sa seconde femme je précise, parce qu'il s'est remarié en Grande-Bretagne, et il a eu d'autres enfants. La façon dont eux le percevaient, c'était, purée, il a plus de 40 balais, et il court devant. Nous, on est là, on a 18, 20 ans, René Rosset en avait 16 quand il s'est engagé, il a menti sur son âge, et quand il débarque le 6 juin, il a 17 ans René. Et ces gars-là se disaient, mais Kieffer, il a... au moment du débarquement, je vous rappelle qu'il est né en 1899, il a presque 45 ans. Et c'est lui qui mène vraiment l'assaut. Il ne joue pas juste un rôle de figurant, il n'est pas là à coordonner seulement les troupes, parce que, si vous voulez, le 6 juin, sur la plage, il y a une des deux barges françaises qui va être prise sous le feu d'un blocos allemand. La barge va perdre ses rampes, il va y avoir de nombreux morts et blessés. Et l'une de ces, ce qu'on appelle des troupes, puisqu'on emploie l'appellation britannique, c'est l'équivalent d'une compagnie en français, l'une des deux troupes françaises, la troupe 1, qui doit prendre le casino de Wistream, en haut de la plage, elle n'a plus aucun officier. Donc il reste des petits chefs de groupe. Et Kieffer, lui qui commande le bataillon, se dit « Bon, je vais aller avec eux » , alors qu'il s'est quand même pris un éclat d'obus dans la cuisse. Il se fait penser rapidement. Et il va accompagner cette troupe au casino d'Islam. Et c'est lui qui va apporter la solution. Parce que quand les commandos arrivent devant le casino, il y a quelque chose qui n'avait pas du tout été repéré sur les photographies aériennes quand ils ont préparé l'opération. C'était qu'on avait un endroit où on pensait qu'il y avait une route. En fait, c'était un fossé anti-char. Assez important. Il y avait un mur en chicane. Donc les Allemands, le premier qui passe, bim, il se fait tirer dessus. Un assaut, en fait, est impossible. Et la solution, ça va être Kieffer qui va... retourné en ville, va tomber sur un char britannique, va le détourner de sa mission, va monter sur la tourelle du char, va conduire ce char devant le casino et debout, pendant que les Allemands lui tirent dessus, va guider le tir de la tourelle du canon pour viser à travers les embrasures et si on ne peut pas prendre le casino, au moins on va le réduire au silence. Il se prend une balle dans le bras, encore à ce moment-là. Donc il a deux blessures, il va être évacué sur ordre des Britanniques. contraint et forcé deux jours plus tard parce qu'en fait il il ça commençait à gangrener il ne voulait pas quitter le front et il écrit dans une lettre que j'ai retrouvé dans ses archives personnelles il écrit l'amiral d'argent lieu on dit qu'il a qu'il a passé le fagnon de son unité à son second en pleurant avant donc pour lui c'était quelque chose qu'il qu'il le touchait beaucoup Ce que je retiens de lui, c'est quand même que c'est quelqu'un qui avait quand même une très haute idée de son pays et il s'est adapté à ce que la situation lui imposait. et durant toute sa vie en fait c'est quelqu'un qui s'est adapté il a été banquier avant guerre pendant la guerre il est devenu commando après la guerre il a travaillé pour l'agence interalliée des réparations puis comme chef de l'administration de l'OTAN ce sont des trucs qui n'ont rien à voir il a vraiment fait des choses assez étonnantes et extrêmement diverses il a même fait de la politique il était membre de l'assemblée consultative après la guerre pendant quelques mois et puis il était conseiller général, conseiller municipal valier. Puis il a perdu une élection, il a tout laissé tomber. Alors Philippe Kieffer est enterré à Grand-Camp, dans le Calvados. C'est pas du tout là où il a débarqué. C'est une commune près de Port-en-Bessin où il s'était installé après la guerre. En fait, c'est là qu'il a commencé sa carrière politique à la libération. Et il est resté très attaché à Grand-Camp. Il avait demandé à être enterré face à la mer. C'est une tombe qui était déjà à l'époque payée par le comité du débarquement. On ajoute des petites stèles à chaque fois. la dernière... Alors en 2014, 4, je crois, il y a eu l'insigne des commandos qui était apposé sur sa tombe. Il y a quelques années, ils ont réaménagé ça encore. Ils ont inauguré un nouveau monument avec un énorme badge commando devant le cimetière. Donc, Grand Camp, même si ce n'est pas l'endroit où les commandos ont débarqué, l'image de Kieffer, en fait, attache l'image de cette unité à cette commune. L'héritage de Philippe Kieffer, aujourd'hui, il est d'abord militaire, en fait. C'est quand même le créateur des commandos marines. C'est quand même l'élite de l'armée française. il y a quand même Trois unités qui sont de commandos qui portent ou son nom ou les noms de certains de ses adjoints, le commando Trépel et le commando Hubert. Ça c'est la symbolique. Il y a autrement dans la symbolique le port du béret vert avec l'insigne qui est porté à l'anglaise. Il ne s'est pas contenté de faire les commandos durant la guerre. Après guerre, on le voit très bien dans les différents courriers qu'il envoie au ministre de la Marine, au chef d'état-major. il veut que ça persiste parce qu'il est convaincu que les commandos, c'est quelque chose de pertinent. Au-delà de la Deuxième Guerre mondiale, il faut garder ce type d'unité et ça aura vraiment un intérêt à l'avenir. On ne sait pas comment les guerres évolueront à l'avenir, mais ce genre d'unité qui sait s'adapter au combat, qui peut être utilisée de manière très chirurgicale, j'ai envie de dire, sans qu'on ait besoin d'envoyer des troupes régulières, il est convaincu que ça aura une pertinence. On le voit aujourd'hui, c'est effectivement les forces spéciales, c'est quand même les unités qui sont les plus déployées, le plus fréquemment en tout cas. Sur le plan de la mémoire du débarquement, ça reste celui qui incarne la présence des Français le 6 juin 1944. Je pense que tant que le débarquement sera dans l'imaginaire collectif, ce qui n'a pas toujours été, sera le moment charnière de la Deuxième Guerre mondiale, en tant que Français, on ne pourra pas juste le regarder comme des spectateurs. Et Kieffer, finalement, c'est ça. Il permet une compensation. Il permet de dire que nous, Français, on était là ce jour-là. On n'a pas juste subi quelque chose qu'auraient fait nos alliés pour nous libérer. On a contribué vraiment personnellement à notre libération. Et c'est vraiment la force du symbole qu'on va célébrer. Ils étaient là et donc la France était là ce jour-là. Souvent les gens confondent la mémoire et l'histoire. Et la mémoire, c'est pas le passé, c'est quel regard on porte sur le passé. Finalement, ça nous renseigne plus sur nos préoccupations actuelles au moment où on regarde le passé que sur le passé lui-même. Je pense tant que la Seconde Guerre mondiale restera, touchons du bois, la dernière guerre qu'on aura connue sur notre sol, ça reste quelque chose de fondateur. C'est difficile de savoir comment ça va évoluer après une mémoire... Même quand il n'y a plus de témoins, ça peut se perpétuer. Je veux dire, Jeanne d'Arc, on l'a ressortie des tiroirs à la fin du 19e siècle. Ça faisait bien longtemps qu'elle était morte. Donc, c'est juste parce qu'on estime que ce passé-là, il est capable de porter un message pour aujourd'hui, qu'il a un écho dans notre présent. Alors, à voir. Qu'est-ce qu'à l'avenir, on cherchera à extraire comme message de l'aventure de Philippe Kieffer. Moi, ce que je trouve passionnant... pas que chez les commandos, chez les Français Libres, c'est quand même que ce sont des gars qui, à un moment critique, ont su faire un choix, où je pense qu'on se pose tous la question « Est-ce que moi, j'aurais été capable de faire ce choix ? » Et ils l'ont fait, ils l'ont fait jusqu'au bout, ils l'ont fait à un moment critique, ils sont partis en exil. Alors ce serait facile aujourd'hui de dire « Moi, bien sûr, j'aurais été résistant, mais ce qu'ils ont fait, il faut quand même mesurer que c'est quitter leur pays, quitter leur famille, ça veut dire être condamné à mort. » par Vichy, ils étaient condamnés à mort par Comte-Humas, les Français libres, leur bien était saisi. Ils ne savaient pas comment la guerre allait tourner pour partir en Angleterre en 1940, au moment où l'Allemagne domine toute l'Europe. Il fallait déjà quand même avoir une foi assez solide dans l'avenir. Et je pense que c'est le fait qu'ils n'ont jamais désespéré qui est une leçon et qui sera une leçon intemporelle. L'engagement, pour moi, c'est s'investir personnellement, ce n'est pas juste l'engagement militaire. Alors, je m'intéresse beaucoup, bien sûr, à des aventures militaires, puisque, en tant qu'historien de la Seconde Guerre mondiale, c'est quand même une forme d'engagement qui est jusqu'au bout, s'ils s'engagent au péril de leur vie. Après, il y a plein de manières de s'engager aujourd'hui. Je pense que l'engagement, c'est... L'investissement, se sentir impliqué dans la société dans laquelle on est, c'est déterminant. A mes yeux, il n'y a rien de pire que de regarder le monde en se disant « ce n'est pas pour moi, je n'y comprends rien, etc. » Aujourd'hui, on a quand même des outils pour comprendre le monde et pouvoir s'investir, s'engager au service des autres. Et c'est ce qui peut donner peut-être un peu de sens à nos vies.

  • Speaker #1

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Benjamin Massieu est professeur d’histoire-géographie et l’auteur de nombreux ouvrages sur les Français libres. Il raconte au micro du Souvenir Français le destin du commandant Philippe Kieffer qui, à la tête des 177 membres du 1er bataillon de Fusiliers Marins commandos, a débarqué en Normandie le 6 juin 1944.


Rien ne prédestinait Philippe Kieffer à devenir un grand chef militaire, créateur des commandos en France. C’est par amour pour son pays que ce banquier, né en Haïti, a choisi de s’engager lorsque la Seconde Guerre mondiale a été déclarée. Une histoire vraie et passionnante !


Si vous avez aimé ce destin hors du commun, vous pouvez prolonger votre écoute en vous procurant l’ouvrage de notre invité : “Philippe Kieffer, chef des commandos de la France libre” de Benjamin Massieu, aux Editions Pierre de Taillac (2013).

Cet ouvrage avait d’ailleurs reçu la mention du jury du Prix littéraire de la Résistance du Comité d’Action de la Résistance - Souvenir Français en 2014.


https://editionspierredetaillac.com/pages/benjamin-massieu 


Ils sont français ou étrangers, généraux ou soldats, résistants, civils ou bien encore infirmiers. Certains sont restés dans les livres d’histoires ou bien dans le silence de l'anonymat, et pourtant ils ont tous un point commun : ils se sont battus pour la France. Découvrez le récit de ces héros de guerre connus ou inconnus ayant participé aux derniers grands conflits contemporains :  qui étaient-ils ? Quels sont leurs parcours ? Où se sont-ils battus ? Quels souvenirs et leçons nous ont-ils laissés? 

Tantôt raconté par un ou une historien(ne), tantôt par un ou une descendant(e), plongez dans des histoires de vie, ces récits intimes de combattant qui forment la grande mosaïque de notre mémoire collective.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

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    Les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires. L'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi. Et en fait, c'est pour préparer le débarquement. Bienvenue dans Passard d'Histoire, le podcast de la mémoire. Philippe par Benjamin, s'engager dans la France libre. Je m'appelle Benjamin Amassieux, je suis professeur d'histoire dans le secondaire et j'ai une formation d'historien et je publie régulièrement des ouvrages. Je continue même depuis que je suis rentré dans l'enseignement à faire des recherches sur des sujets autour des Français libres et à publier dessus. Le premier de ces ouvrages, c'était à l'époque mon mémoire de master, c'était la biographie de Philippe Kieffer. Pour moi, ça a été... Quelque chose d'assez évident, puisque je m'intéresse à ce sujet-là des Français dans le débarquement depuis mon adolescence. J'ai rencontré les vétérans quand j'avais 16 ans, j'allais aux commémorations régulièrement. Donc après, quand j'étais étudiant, pour moi, quand il m'a fallu choisir un sujet, surtout que c'était un sujet qui était assez mobilisé sur le plan de la mémoire, mais sur lequel il n'y avait pas vraiment d'études assez fouillées, ça a été une évidence pour moi qu'il fallait que je fasse ce travail. La rencontre avec Philippe Kieffer, elle se fait d'abord... par l'intermédiaire de ces hommes, par l'intermédiaire des vétérans, puisque c'est le terme quand même, Commando Kieffer, ce n'est pas le nom officiel, mais c'est le nom qui est quand même passé dans la mémoire collective. Je citerai Hubert Faure, Léon Gauthier, René Rosset, Jean Masson, ce sont des gens que j'ai fréquentés, qui faisaient partie de ces 177 Français du 6 juin. Ils m'ont apporté des éléments. Après, moi, j'ai essayé de faire un travail. qui ne se basait pas uniquement sur le témoignage, parce qu'on avait quand même beaucoup écrit cette histoire avec des témoignages. Ce qui est intéressant, je trouve, d'ailleurs je l'écris dans l'intro du livre, c'est que j'étais sans doute l'un des derniers à la jonction entre ceux qui avant écrivaient cette histoire uniquement avec des témoignages et ceux qui après ne pourront le faire qu'avec des archives. Et moi j'étais au moment où il y avait encore des témoins, aujourd'hui il n'y en a plus. J'ai eu accès aux archives, j'ai pu retrouver des choses, et puis aussi confronter un petit peu ce que certains anciens avaient l'habitude de dire. Ça n'enlève rien à l'intérêt du témoignage. Moi, sur plein d'épisodes, j'ai manqué d'éléments, et en fait, les témoignages m'ont permis de faire la jonction. Mais pour certains épisodes, il faut absolument, quand on a les archives, il faut travailler sur les archives au maximum. Kieffer notamment, lui il a écrit un livre, « Baird et verre » qui est sorti en 48, qui a eu un succès important, déjà de son vivant, il s'est vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires, et il est sans cesse édité depuis. Et dans son livre, il fait des erreurs. Et pendant longtemps, on s'est basé sur son livre pour écrire l'histoire de cette unité, notamment sur la chronologie en fait, il se trompe d'un an dans la fondation de son unité, et pendant très longtemps tout le monde a repris ce que lui écrivait. Donc c'est ça qui a été très intéressant, c'est de se dire « mais qu'est-ce qui s'est passé pendant un an ? » J'ai aussi rencontré la fille de Philippe Kieffer, et pour moi c'était quelque chose aussi de déterminant, parce qu'après, quand il s'agit pour moi d'écrire sa biographie, j'ai rappelé sa fille, qui avait perdu son père, elle avait 13 ans, donc elle savait finalement de lui que ce qu'on lui avait dit. Elle n'avait pas eu l'occasion de lui poser toutes les questions qu'elle aurait aimé lui poser, mais elle avait beaucoup de documents chez elle. dans lequel elle n'avait jamais mis le nez. Pour moi, c'était quelque chose de fantastique. Philippe Kieffer, il est vraiment devenu important dans la mémoire française parce qu'il y a eu d'autres Français. Le 6 juin, il y a eu des parachutistes, des marins, des aviateurs. Mais lui et ses commandos, vraiment, ce sont eux qui ont concentré la mémoire de la contribution française. On en parlait assez peu auparavant parce que la mémoire française façonnée par De Gaulle, mettait en avant d'autres combats, d'autres événements. Et le débarquement Normandie n'en faisait pas partie. Donc le commando Kieffer, on n'en parlait pas. On en parlait assez peu. Il y avait quand même le jour le plus long, c'est pas rien. Mais finalement, quand Mitterrand vient à Wistriam en 84... montrer la différence avec De Gaulle. C'est pour mettre en avant cette unité. Et depuis lors, en fait, on n'a plus cessé de parler d'eux à chaque cérémonie. Et même, ils ont pris une place aujourd'hui dans notre mémoire collective, à tel point qu'ils deviennent l'incarnation de la France le 6 juin. Et Philippe Kieffer, j'ai l'impression que tous les ans, il y a des rues qui sont baptisées à son nom. Il n'y a pas une année, honnêtement. où je ne suis pas contacté par des médias, que ce soit télé, radio ou presse écrite, qui veulent parler de Kieffer, alors qu'avant c'était quand même assez rare. Alors ce qui est particulier avec Philippe Kieffer, c'est qu'il est vraiment à milieu de la destinée qui va être la sienne. Il est né à Port-au-Prince, en Haïti, donc vraiment très loin de la France. Pourquoi il se retrouve là, à naître ici en fait ? C'est parce que son père avait 5 ans au moment où l'Alsace a été annexée. Et toute sa famille avait choisi la nationalité française, mais ils ont été, comme beaucoup, il fallait quitter le territoire. Et donc ils sont devenus allemands. Et ils ont eu l'opportunité de confier un de leurs fils à une communauté de missionnaires pour qu'ils deviennent prêtres. Et Philippe Kieffer perd. Il s'est retrouvé comme ça à la Jamaïque, puis il a abandonné la virologieuse, il s'est installé en Haïti. Et c'est là qu'il a rencontré une enfant du pays d'origine écossaise, Marie Cook. Vous voyez déjà les mélanges. Et c'est comme ça qu'il va avoir quatre enfants, dont le futur commandant Kieffer, Philippe Kieffer, qui naît à Port-au-Prince en 1899. Il va grandir, il va faire une partie de sa scolarité, notamment à Port-au-Prince. Et puis, ses parents vont le confier, parce que la situation en Haïti est assez complexe. À la fin du 19e et début 20e siècle, il y a quand même une succession en quelques années, 22 gouvernements, dont 17 renversés par des coups d'État, ça vous donne un petit peu une idée du climat politique. Philippe Kieffer père va confier ses deux fils à des jésuites à Jersey, l'île anglo-normande, et Philippe Kieffer, comme ça, va se retrouver, même pas en France, mais plus près de la France qu'il ait été dans sa vie, finalement, c'est à Jersey, où il a fait quelques années. Il y a passé six ans, en fait, de 1910 à 1916. En 1916, il rentre à Port-au-Prince faire des études par correspondance. Il ne prend même pas part à la Première Guerre mondiale parce qu'en fait, il est à Port-au-Prince. C'est la guerre sous-marine. On veut le mobiliser, mais on ne sait pas comment le ramener en France. Finalement, on décide de l'exempter de services militaires. Lui, il se lance dans une carrière de banquier parce qu'en 1915, les Américains ont envahi Haïti. Ils ont installé une sorte de protectorat. il y a pas mal de... d'entreprises américaines qui se sont installées. Et lui, il se dit, il y a le milieu de la finance assez porteur en Haïti, donc il fait des études de commerce par correspondance et il devient banquier. Il va avoir un rôle très important, il est inspecteur des succursales sud-américaines et antillaises de Citibank. Et en 1926, il devient même vice-président de la Banque Nationale d'Haïti. Donc c'est quelqu'un qui a vraiment une carrière absolument brillante avant-guerre. Et puis, tournant des années 30, les choses se compliquent. Alors il s'est marié, mais son mariage commence à battre de l'aile. Les Américains doivent se retirer d'Haïti, donc pour lui vraiment beaucoup de choses changent et sa femme en fait n'en peut plus d'Haïti et elle veut rentrer à Paris. Donc en 1933, il rentre avec sa femme et ses enfants à Paris. La France pour lui c'est plus une idée, c'est quelque chose de lointain. Ça ne lui plaît pas en fait parce qu'il n'arrive pas à retrouver une aussi bonne situation. Donc en 1934, il rentre à Port-au-Prince, il laisse sa femme et ses enfants à Paris. Mais là encore, il va y rester jusqu'en 1939. Et début 1939, il se dit, bon, la parenthèse haïtienne de ma vie, quand même 40 ans, est terminée. Il vient à Paris, il divorce. Et c'est cet homme qui est en rupture vraiment sur tous les plans que la guerre va venir trouver six mois plus tard. Il décide de s'engager. Alors d'abord, il est matelot secrétaire, comme à 40 ans se retrouver matelot, c'est quelque chose. C'est ça aussi qu'il faut mesurer Kieffer, c'est qu'il commence la guerre matelot, il va quand même la finir avec un grade qui est celui de capitaine de corvette. Donc c'est l'équivalent d'un lieutenant-colonel. C'est très étonnant de se dire que cet homme qui a vécu très loin de la France, très loin des milieux militaires, se dire qu'il va devenir après le fondateur des forces spéciales françaises. Il est affecté à Dunkerque, puis à Cherbourg, il passe un brevet d'interprète, donc c'est vraiment quelqu'un qui est dans les bureaux. Quand les Allemands envahissent la France en... En 1940, il fait partie du personnel qui est évacué vers l'Angleterre. Il embarque comme ça à bord d'un chalutier. Il se retrouve en Angleterre comme des milliers de marins français qui ont été évacués des ports du nord de la France. Et puis en Angleterre, il va avoir la chance d'être parmi ceux qui vont entendre parler de la France libre. Et il décide de s'engager dans la France libre. Alors c'est encore une rupture, mais c'est un personnage qui, je pense, Il avait toutes les raisons de faire ce choix, en fait. Vivre en exil loin de la France, il connaît. Les milieux anglo-saxons, il connaît très bien. Il a évolué comme ça, il a travaillé quand même pour des Américains, beaucoup. Sa sœur a épousé un officier britannique qu'elle avait rencontré la Jamaïque et elle vit en Angleterre à ce moment-là. Donc l'aventure de la France libre a commencé un peu chez lui, finalement. Quand on pense quand même que beaucoup de Français libres, quand ils se retrouvent en Angleterre en 40, ils ne parlent même pas anglais. Lui, il n'a pas du tout ce dépaysement-là. Et donc on va lui donner assez rapidement un grade d'officier. officier interprété du chiffre. Alors il monte les grades très vite parce qu'on a quand même besoin de personnels compétents. Donc lui va comme ça passer quasiment deux ans dans des bureaux à Portsmouth où il joue un rôle important quand même au sein de l'état-major de la Marine Française Libre qui se met en place. Il sert d'officier de liaison avec les autorités britanniques. Donc c'est quand même quelque chose qui le met au cœur de démarches quand même assez importantes pour la Marine de De Gaulle. Et il s'ennuie en fait. Ce qui est amusant, c'est quand on regarde sa fiche d'engagement, alors qu'il est quartier maître secrétaire, il demande à être affecté en tant qu'officier chez les fusillés marins. C'est son premier vœu quand il rallie la France libre. Et on voit déjà par ces quelques mots qu'il a mis sur une fiche de vœu qu'il veut se battre. Il ne va pas rester dans un bureau. On l'a mis là parce qu'il a des compétences, mais lui, il a envie de se battre. Et puis en 1941, c'est le moment charnière de sa vie. Parce que les Britanniques mènent une opération contre les îles Lofoten en Norvège. Et c'est là qu'apparaissent pour la première fois dans les médias, des unités qui étaient secrètes jusqu'à présent, qui sont les commandos. Qui ont été créées à l'été 40. Quand il voit ça, il se dit, voilà, c'est ça qu'on doit faire, nous Français. Si on ne peut pas tout de suite envahir la France, on doit être capable, ponctuellement, de débarquer sur un point de la côte de France, faire un maximum de dégâts chez les Allemands, quitte à rentrer et revenir plus tard. Donc moi, je veux faire ça. Et alors, il va commencer à faire plein de démarches, il va chercher à devenir déjà officier fusilier marin, il a bien conscience qu'il n'a pas du tout la formation, et il va saisir une opportunité en 1941 qui est la création du troisième bataillon de fusilier marin. C'est une unité qui est formée d'anciens républicains espagnols, et on a besoin de quelqu'un qui parle espagnol, et qui est fort en plus de parler anglais, parle espagnol. et c'est comme ça avec ces fusillés marins de langue espagnole qu'il va apprendre le métier. Et à la fin de l'année 1941, il arrive à convaincre l'état-major de lui confier un petit groupe en vue de créer des commandos. Il faut savoir que les britanniques, à ce moment-là, sont assez bien disposés parce qu'il y a un homme qui vient prendre la tête des commandos, c'est Lord Mountbatten. C'est un membre de la famille royale qui avait un père d'origine allemande, qui en a beaucoup souffert durant la Première Guerre mondiale, et qui se dit « Moi, je voudrais que tous ces exilés européens puissent intégrer les commandos pour se battre à nos côtés. Et donc il va décider de créer une unité de commandos interalliés, alors là forcément pour Kieffer c'est parfait. Et en avril 1942, ça y est, il y a un accord entre De Gaulle et Mountbatten pour la création d'une unité de commandos qui serait confiée à Kieffer. C'est là que tout va commencer. En avril 1942, lui et ses hommes partent à Knackary, c'est l'école des commandos britanniques. Commence l'aventure, j'ai envie de dire, des commandos de la France libre à partir de là. Alors ça ne va pas toujours être simple, il va par moments tenir un petit peu son unité à bout de bras. Si vous voulez, les commandos français, ils font... Une opération juste après leur création, c'est le raid de Dieppe, en août 1942. Après, ils ne prennent part à aucune autre opération avant l'hiver 43-44. Donc quand on a formé des hommes pour être vraiment dans l'élite, des durs à cuire qui se sont dit « je viens là parce que je sais que je vais servir à quelque chose » , c'est difficile de les tenir pendant aussi longtemps. Et tout son travail, finalement, ça va être ça. Pendant des mois et des mois, ça va être de les faire patienter. Et donc, ils vont mener comme ça des raids durant l'hiver 43-44. Ce sont des raids secrets, là. Ce ne sont pas des raids vraiment où on casse tout. Par exemple, l'une de ces opérations qui va être un franc succès, c'est le raid qui est mené par l'un des adjoints de Kieffer, Francis Wursch. Cette plage, c'est la plage où débarqueront les Américains le 6 juin 44. Et alors, ils vont devoir prendre des informations sur les courants, faire des prélèvements de mines, faire du carottage de sable pour savoir quels engins peuvent rouler sur cette plage, etc. Voilà le type de mission qu'on leur confie. Et puis, à partir du début de l'année 44, là, ils sentent que quelque chose se prépare, les renforts continuent d'arriver, il y a toujours plus de volontaires, et l'unité se structure petit à petit selon des consignes qu'on leur donne, mais on ne leur dit pas pourquoi, et en fait c'est pour préparer le débarquement. Les commandos français, juste avant le débarquement, ont été rattachés au numéro 4 commando, qui est un commando britannique. Ausha avait eu des français sous ses ordres lors du raid de Dieppe. Et quand il a été nommé général, il s'est dit, pour ce débarquement qui se prépare, puisqu'il a été mis dans le secret, je veux ces français avec moi. Et on va leur confier une mission bien spécifique, bien à eux. Alors le numéro 4 commando doit débarquer à l'extrémité est du dispositif allié. C'est-à-dire qu'après eux, il n'y a plus personne. Tout à l'Est, il n'y a plus personne. Donc le rôle qui va être confié aux commandos français, ça va être de nettoyer les défenses du littoral entre Colville et Wistriam. Ça va être de libérer ce littoral, de prendre les défenses allemandes, tout un réseau de blocaux, ce qui est extrêmement important, parce qu'en fait, Wistriam, c'est l'accès au canal qui relie Caen à la mer, comme les alliés espèrent prendre Caen, pour avoir quand même une ville assez importante avec des installations portuaires. Eh bien, c'est là l'enjeu, c'est de libérer l'accès au canal. Et les Britanniques, eux, vont être chargés de missions un petit peu en arrière d'eux, à savoir de prendre les écluses. Et puis après, une fois que c'est fait, en fin de matinée, ils vont devoir se rassembler et entamer une marche assez harassante. Ils vont devoir aller rejoindre les parachutistes britanniques qui ont été largués aux deux ponts de Ranville et Benouville, sur l'Orne. ils vont Aller faire la jonction avec ces parachutistes qui tenaient les ponts depuis la nuit. Et ensuite, ils vont s'installer dans les terres et commence pour eux une guerre de position. En fait, quelque chose pour lequel ils n'étaient pas du tout préparés. Eux, ils étaient là pour de l'action vraiment ponctuelle. Sauf que là, comme le camp n'est pas pris, le front est bloqué. Eh bien, ils vont devoir s'enterrer pendant plus de deux mois dans des trous de combat et faire face à... à un ennemi qui lui aussi s'est enterré sur des positions qui sont assez vagues. Il y a un no man's land à peu près un peu flou. Et voilà, pendant plusieurs semaines, on mène des raids. Quand on lit les lettres des commandos français, à la fin, ils sont épuisés moralement, pas seulement physiquement. À la fin de la campagne de Normandie, quand le front allemand commence à s'effondrer, C'est un petit peu la poursuite. Ils sont embarqués dans des camions et leur campagne de Normandie va se terminer à Saint-Maclou, en Normandie. Kieffer va juste partir avec quelques hommes et une Jeep pour aller à Paris et être parmi les premiers à entrer dans Paris. Lui et son bataillon vont embarquer à Romange pour l'Angleterre avant de partir pour une nouvelle mission, une nouvelle campagne aux Pays-Bas. Son bataillon part, lui reste. Parce qu'en fait, Philippe Kieffer va être touché par un drame à la fin de cette campagne de Normandie, c'est la disparition de son fils Claude, qui s'était engagé dans la résistance. Le jour de la libération de Paris, il est pris avec son groupe et il est exécuté. Ensuite, il repart avec ses hommes pour une nouvelle campagne aux Pays-Bas cette fois, mais là encore c'est une déception pour eux parce qu'ils auraient aimé... participé à l'entrée dans l'Allemagne. Mais on va les cantonner finalement sur cette partie du front où il y a des îles qui sont encore occupées par les Allemands sur lesquelles ils vont mener quelques raids. Mais eux auraient aimé prendre part à l'assaut final contre le Troisième Reich. C'était une unité qui a beaucoup souffert moralement, je trouve, de n'avoir pas été employée à la mesure que ses membres espéraient. Quand on creuse un petit peu, on redécouvre des épisodes de leur histoire qui étaient complètement oubliés. Ce que ces hommes connaissaient de lui, finalement, c'était la figure du chef, c'était une apparence. Et ça ne suffit pas pour comprendre le personnage. Je pense que comme beaucoup d'anciens combattants, c'était un taiseux. Et il n'en parlait pas à sa femme, finalement, alors qu'elle l'a connue. durant toutes ces années, à sa seconde femme je précise, parce qu'il s'est remarié en Grande-Bretagne, et il a eu d'autres enfants. La façon dont eux le percevaient, c'était, purée, il a plus de 40 balais, et il court devant. Nous, on est là, on a 18, 20 ans, René Rosset en avait 16 quand il s'est engagé, il a menti sur son âge, et quand il débarque le 6 juin, il a 17 ans René. Et ces gars-là se disaient, mais Kieffer, il a... au moment du débarquement, je vous rappelle qu'il est né en 1899, il a presque 45 ans. Et c'est lui qui mène vraiment l'assaut. Il ne joue pas juste un rôle de figurant, il n'est pas là à coordonner seulement les troupes, parce que, si vous voulez, le 6 juin, sur la plage, il y a une des deux barges françaises qui va être prise sous le feu d'un blocos allemand. La barge va perdre ses rampes, il va y avoir de nombreux morts et blessés. Et l'une de ces, ce qu'on appelle des troupes, puisqu'on emploie l'appellation britannique, c'est l'équivalent d'une compagnie en français, l'une des deux troupes françaises, la troupe 1, qui doit prendre le casino de Wistream, en haut de la plage, elle n'a plus aucun officier. Donc il reste des petits chefs de groupe. Et Kieffer, lui qui commande le bataillon, se dit « Bon, je vais aller avec eux » , alors qu'il s'est quand même pris un éclat d'obus dans la cuisse. Il se fait penser rapidement. Et il va accompagner cette troupe au casino d'Islam. Et c'est lui qui va apporter la solution. Parce que quand les commandos arrivent devant le casino, il y a quelque chose qui n'avait pas du tout été repéré sur les photographies aériennes quand ils ont préparé l'opération. C'était qu'on avait un endroit où on pensait qu'il y avait une route. En fait, c'était un fossé anti-char. Assez important. Il y avait un mur en chicane. Donc les Allemands, le premier qui passe, bim, il se fait tirer dessus. Un assaut, en fait, est impossible. Et la solution, ça va être Kieffer qui va... retourné en ville, va tomber sur un char britannique, va le détourner de sa mission, va monter sur la tourelle du char, va conduire ce char devant le casino et debout, pendant que les Allemands lui tirent dessus, va guider le tir de la tourelle du canon pour viser à travers les embrasures et si on ne peut pas prendre le casino, au moins on va le réduire au silence. Il se prend une balle dans le bras, encore à ce moment-là. Donc il a deux blessures, il va être évacué sur ordre des Britanniques. contraint et forcé deux jours plus tard parce qu'en fait il il ça commençait à gangrener il ne voulait pas quitter le front et il écrit dans une lettre que j'ai retrouvé dans ses archives personnelles il écrit l'amiral d'argent lieu on dit qu'il a qu'il a passé le fagnon de son unité à son second en pleurant avant donc pour lui c'était quelque chose qu'il qu'il le touchait beaucoup Ce que je retiens de lui, c'est quand même que c'est quelqu'un qui avait quand même une très haute idée de son pays et il s'est adapté à ce que la situation lui imposait. et durant toute sa vie en fait c'est quelqu'un qui s'est adapté il a été banquier avant guerre pendant la guerre il est devenu commando après la guerre il a travaillé pour l'agence interalliée des réparations puis comme chef de l'administration de l'OTAN ce sont des trucs qui n'ont rien à voir il a vraiment fait des choses assez étonnantes et extrêmement diverses il a même fait de la politique il était membre de l'assemblée consultative après la guerre pendant quelques mois et puis il était conseiller général, conseiller municipal valier. Puis il a perdu une élection, il a tout laissé tomber. Alors Philippe Kieffer est enterré à Grand-Camp, dans le Calvados. C'est pas du tout là où il a débarqué. C'est une commune près de Port-en-Bessin où il s'était installé après la guerre. En fait, c'est là qu'il a commencé sa carrière politique à la libération. Et il est resté très attaché à Grand-Camp. Il avait demandé à être enterré face à la mer. C'est une tombe qui était déjà à l'époque payée par le comité du débarquement. On ajoute des petites stèles à chaque fois. la dernière... Alors en 2014, 4, je crois, il y a eu l'insigne des commandos qui était apposé sur sa tombe. Il y a quelques années, ils ont réaménagé ça encore. Ils ont inauguré un nouveau monument avec un énorme badge commando devant le cimetière. Donc, Grand Camp, même si ce n'est pas l'endroit où les commandos ont débarqué, l'image de Kieffer, en fait, attache l'image de cette unité à cette commune. L'héritage de Philippe Kieffer, aujourd'hui, il est d'abord militaire, en fait. C'est quand même le créateur des commandos marines. C'est quand même l'élite de l'armée française. il y a quand même Trois unités qui sont de commandos qui portent ou son nom ou les noms de certains de ses adjoints, le commando Trépel et le commando Hubert. Ça c'est la symbolique. Il y a autrement dans la symbolique le port du béret vert avec l'insigne qui est porté à l'anglaise. Il ne s'est pas contenté de faire les commandos durant la guerre. Après guerre, on le voit très bien dans les différents courriers qu'il envoie au ministre de la Marine, au chef d'état-major. il veut que ça persiste parce qu'il est convaincu que les commandos, c'est quelque chose de pertinent. Au-delà de la Deuxième Guerre mondiale, il faut garder ce type d'unité et ça aura vraiment un intérêt à l'avenir. On ne sait pas comment les guerres évolueront à l'avenir, mais ce genre d'unité qui sait s'adapter au combat, qui peut être utilisée de manière très chirurgicale, j'ai envie de dire, sans qu'on ait besoin d'envoyer des troupes régulières, il est convaincu que ça aura une pertinence. On le voit aujourd'hui, c'est effectivement les forces spéciales, c'est quand même les unités qui sont les plus déployées, le plus fréquemment en tout cas. Sur le plan de la mémoire du débarquement, ça reste celui qui incarne la présence des Français le 6 juin 1944. Je pense que tant que le débarquement sera dans l'imaginaire collectif, ce qui n'a pas toujours été, sera le moment charnière de la Deuxième Guerre mondiale, en tant que Français, on ne pourra pas juste le regarder comme des spectateurs. Et Kieffer, finalement, c'est ça. Il permet une compensation. Il permet de dire que nous, Français, on était là ce jour-là. On n'a pas juste subi quelque chose qu'auraient fait nos alliés pour nous libérer. On a contribué vraiment personnellement à notre libération. Et c'est vraiment la force du symbole qu'on va célébrer. Ils étaient là et donc la France était là ce jour-là. Souvent les gens confondent la mémoire et l'histoire. Et la mémoire, c'est pas le passé, c'est quel regard on porte sur le passé. Finalement, ça nous renseigne plus sur nos préoccupations actuelles au moment où on regarde le passé que sur le passé lui-même. Je pense tant que la Seconde Guerre mondiale restera, touchons du bois, la dernière guerre qu'on aura connue sur notre sol, ça reste quelque chose de fondateur. C'est difficile de savoir comment ça va évoluer après une mémoire... Même quand il n'y a plus de témoins, ça peut se perpétuer. Je veux dire, Jeanne d'Arc, on l'a ressortie des tiroirs à la fin du 19e siècle. Ça faisait bien longtemps qu'elle était morte. Donc, c'est juste parce qu'on estime que ce passé-là, il est capable de porter un message pour aujourd'hui, qu'il a un écho dans notre présent. Alors, à voir. Qu'est-ce qu'à l'avenir, on cherchera à extraire comme message de l'aventure de Philippe Kieffer. Moi, ce que je trouve passionnant... pas que chez les commandos, chez les Français Libres, c'est quand même que ce sont des gars qui, à un moment critique, ont su faire un choix, où je pense qu'on se pose tous la question « Est-ce que moi, j'aurais été capable de faire ce choix ? » Et ils l'ont fait, ils l'ont fait jusqu'au bout, ils l'ont fait à un moment critique, ils sont partis en exil. Alors ce serait facile aujourd'hui de dire « Moi, bien sûr, j'aurais été résistant, mais ce qu'ils ont fait, il faut quand même mesurer que c'est quitter leur pays, quitter leur famille, ça veut dire être condamné à mort. » par Vichy, ils étaient condamnés à mort par Comte-Humas, les Français libres, leur bien était saisi. Ils ne savaient pas comment la guerre allait tourner pour partir en Angleterre en 1940, au moment où l'Allemagne domine toute l'Europe. Il fallait déjà quand même avoir une foi assez solide dans l'avenir. Et je pense que c'est le fait qu'ils n'ont jamais désespéré qui est une leçon et qui sera une leçon intemporelle. L'engagement, pour moi, c'est s'investir personnellement, ce n'est pas juste l'engagement militaire. Alors, je m'intéresse beaucoup, bien sûr, à des aventures militaires, puisque, en tant qu'historien de la Seconde Guerre mondiale, c'est quand même une forme d'engagement qui est jusqu'au bout, s'ils s'engagent au péril de leur vie. Après, il y a plein de manières de s'engager aujourd'hui. Je pense que l'engagement, c'est... L'investissement, se sentir impliqué dans la société dans laquelle on est, c'est déterminant. A mes yeux, il n'y a rien de pire que de regarder le monde en se disant « ce n'est pas pour moi, je n'y comprends rien, etc. » Aujourd'hui, on a quand même des outils pour comprendre le monde et pouvoir s'investir, s'engager au service des autres. Et c'est ce qui peut donner peut-être un peu de sens à nos vies.

  • Speaker #1

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