Speaker #0Mais par contre, le petit vivait à la maison avec mon père et mon oncle. Mais c'était dangereux, c'était même risqué, parce qu'il y avait quand même des patrouilles allemandes qui circulaient. Bienvenue dans Passant Histoire, le podcast de la mémoire. Rachel et Albert par Claude s'engagent pour protéger un enfant. Je me prénomme Claude, je me nomme Lauverjon, je suis né le 4 août 1946 à Brunois, je suis retraité, je suis le petit-fils d'Albert et Rachel Louvergeon. Albert est mon grand-père paternel, c'est un personnage haut en couleurs, et qui l'a montré durant toute sa vie. Albert est né le 27 mars 1888 à Paris 4e. Son père était brigadier boulanger. Lui suit des études, il était assez brillant, je dirais même très brillant, une très bonne mémoire. et ce qui lui a permis donc de faire des études. Et ensuite, il est rentré au Crédit Lyonnais. Il était chargé de portefeuille sur des grands comptes. Il était avec également, donc pas très loin des grands boulevards où il y avait tous les théâtres. Et il avait toute une bande d'amis qui faisaient du théâtre, des vaudevilles, etc. Et donc même lui a fait du théâtre. Évidemment, à 20 ans, vous faites le service militaire, donc en 1908, et puis il est ressorti en 1911, et puis il a été rappelé en 1914, il avait 26 ans, et le 4 août, quand il était mobilisé, il est rentré au 67ème de Soissons. C'est un régiment d'infanterie, il y avait beaucoup de parisiens. Il a été blessé, le coude arraché. Le 22 août, c'est la journée où il y a eu 27 000 morts en France. Et donc il a eu la vie d'issue, en quelque sorte, par sa blessure. Il a été blessé à Beuvray, et il était jusqu'à Conce pour prendre la gare, qu'il a ensuite acheminé à Limoges. C'est là qu'il a passé un an et demi, à l'hôpital temporaire à Limoges. Et comme il avait une bonne constitution, C'était un grand gaillard, il a pu survivre à ça. Voilà, ça c'est pour ce qui est de son état de guerre. Alors, comment a-t-il rencontré ma grand-mère ? Albert avait une sœur qui s'appelait Berthe. Et Berthe, c'était sa petite sœur, a épousé un monsieur qui s'appelle M. Durand. Ce M. Durand travaillait au bon marché. Ma grand-mère, comme elle avait une très belle équature, elle était employée au bon marché dans la vente par correspondance. Donc Lucien Durand, il dit, écoute, tu sais Rachel, je connais un gars, mon beau-frère, c'est un gars marrant, il raconte sans arrêt des blagues, etc. Il faudrait que tu le connaisses, c'est assez intéressant. C'est comme ça qu'elle a fait la connaissance, un petit peu avant la guerre, ce qui fait qu'ils ont eu beaucoup d'échanges de courriers durant la guerre de 1914. Donc là, nous, on a pas mal de lettres, très sympathiques. Et quand il est sorti de l'hôpital au mois de décembre, il en a profité puisqu'il était réformé. Ils se sont mariés le 16 décembre. Mon grand-père, évidemment, continue à travailler au Crédit Lyonnais. Ma grand-mère, donc, Rachel, continue à travailler au Bon Marché. Et au bout d'un moment, ils ont acheté un premier commerce. un hôtel restaurant à alfortville ils sont restés deux ans alfortville ils ont eu marre ils sont partis au mans bon mais mon grand père lui n'a jamais fait de restauration lui l'amener les clients Le Mans, par contre, c'était l'hôtel-restaurant Les Ifs. C'était un très très gros restaurant. Bon, lui, il ramenait beaucoup de chasseurs. Mais ma grand-mère, c'était trop gros pour elle. Puis, disons que la région parisienne leur manquait un peu. Donc, ils sont venus s'installer en 1932, je crois, à Brunois. pas loin de la forêt de Sénard. Alors pourquoi ? Parce que mon grand-père avait la passion quand même du dessin. Il était un petit peu de l'école de Barbizon, c'était un petit peu le truc à la mode, donc on dessine des arbres, etc. Alors qu'il savait très bien dessiner le personnage, il l'a prouvé, je veux dire, en 14, en faisant pas mal de caricatures. Et puis l'avantage, c'est qu'il retrouvait un petit peu tous ses copains du boulevard, donc tous les gars qui font des bouts de ville. Et puis... Pour ça, il a créé pas mal de pièces de théâtre. Tous les ans, il faisait une pièce de théâtre qui allait... Les bénéfices allaient donc aux écoles. C'était des pièces humoristiques, etc. Mais il n'y avait pas la télévision à l'époque et ça avait un énorme succès. Et puis, il travaillait pour un botin anglais, ce qui lui permettait d'aller voir tous les grands restaurants. Et il voyageait sur toute la France pour vendre le botin style Michelin de l'époque. C'est comme ça qu'il a voyagé sur toute la France. En train, dans les années 30, ils rachètent une affaire qui était donc l'hôtel Portalis à Brunois. Ma grand-mère faisait très bien la cuisine, c'était une promène professionnelle là-dessus. La particularité de Brunois, c'est une ville bourgeoise et beaucoup de Parisiens venaient l'été, même au printemps, sortir de Paris. Aller pas très loin, puisqu'on n'allait pas très très loin à l'époque. Aller en forêt de Sénard. Et donc, M. Maurice et Blanche Silberstein étaient des clients habitués. Quand éclate la guerre, deux fois M. Zilberstein est raflé, en quelque sorte, il va au Veldiv, Zilberstein c'est Z, Y et L. Il a cette chance à chaque fois quand il y a des... bus pour partir sur Drancy, ils remplissent les bus et à chaque fois par lettres alphabétiques, patatrac, lui z truc, il passe en dernier, bon c'est bon tu reviendras ça sera pour demain etc. Alors il a échappé deux fois ça. Et donc à un moment donné il s'évade. Sa femme et son petit bébé, qui était Jean-Claude, ils essaient de le mettre à l'abri. Ils ont proposé à Maurice et puis à Blanche, on va dire... Il a gardé le fils avec nous, il ne peut pas lui se cacher, puisque les parents ont été cachés dans une villa qui se trouve juste en face de l'hôtel. Ce qui fait que mes grands-parents, enfin tout au moins Rachel, même avec le couvre-feu, sortaient le soir pour leur donner à ranger. Et puis eux n'avaient le droit de sortir que le soir pour prendre l'air. Toute la journée, ils étaient enfermés. Mais par contre le petit... Je vivais à la maison avec mon père et mon oncle, mais c'était dangereux, c'était même risqué, parce qu'il y avait quand même des patrouilles allemandes qui circulaient, parce qu'il y avait la forêt de Sénard à côté, il y avait pas mal de résistants. Mais vous savez, ma grand-mère et mon grand-père en avaient vu d'autres, et ma grand-mère avait dit, écoutez, s'il y avait quelque chose, on prend le petit et on l'élèvera comme si c'était le nôtre. Alors comme mon père avait 18 ans... On a fait croire que c'était une adultère. Ce qui fait qu'ils vivaient à Port-à-Lys, à l'hôtel, durant toute la guerre, jusqu'en 1945, quand il y a eu les Américains qui sont venus libérer la France. En marge donc du petit Jean-Claude qui donc vivait à la maison, non seulement il y avait Blanche, Maurice Silberstein, il y avait la sœur de Blanche et je crois le... père ou le frère de Maurice Gilbert-Stein, qui eux étaient des réfugiés de Hongrie. Jean-Claude, dans tous ses témoignages, il dit « C'est ma jeunesse la plus extraordinaire. » Parce que évidemment avec mon grand-père, il y avait deux grands frères, donc les deux grands frères écoutaient le jazz. Déjà à l'époque, vous voyez, il y avait les radios. Donc ça lui a donné une culture. En plus... C'était le chouchou du grand-père. Donc, il y avait tous les livres, les illustrations, etc. D'ailleurs, il le dit très bien. Il dit, j'ai baigné dans la peinture, dans les pièces de théâtre. C'était insouciant. Plus Mamoun, puisque Mémé Rachel, il l'appelait Mamoun, le dit lui-même avec des riens, elle arrivait à faire un repas. C'était pour moi une bonne étoile. A la fin de la guerre, donc la famille Gilbert-Stein, Maurice et puis Blanche se retournaient à Paris et donc ça a été un déchirement pour le petit Jean-Claude puisqu'il fallait qu'il retourne et qu'il a quitté, je veux dire, sa famille d'adoption. Habitait Paris, rue Richard-Lenoir. Parce que le papa Maurice, avant, avait une entreprise de tissus, etc. Et donc, c'était des gens quand même assez fortunés. Jean-Claude était fils unique. Ce qui fait que moi, j'ai eu beaucoup de contacts avec lui. Quand j'étais jeune, il nous avait offert un disque qui était un disque de Lionel Anton. Et ça m'a donné la passion du jazz. C'était surtout la famille, la famille qui était d'une reconnaissance extraordinaire. Et lorsque, puisque moi j'étais un petit peu plus libre lorsque je suis sorti du service militaire, et que ma grand-mère allait rendre visite à sa sœur. à Montmirail, j'allais la chercher et je la déposais à Vincennes parce que là à Vincennes il y avait les bus qui partaient directement sur Montmirail et à chaque fois elle me disait, bah tiens on va passer voir le magasin de Mme Gilbert. qui était le magasin Belle, qui était un magasin de confection féminine, et qui était à côté du BHV, rue de Rivoli. Et à chaque fois, ma grand-mère allait les saluer quoi. À chaque fois, ils offraient quelque chose, « Ah, on m'a encore offert un truc... » Mais bon, voilà, c'était Mamoun quoi. et continuer à se voir. Et j'aurais tendance à dire, le petit c'est pareil. Mais c'était les week-ends. Ça reprenait un petit peu le système d'avant, c'est-à-dire on va prendre l'air dans la banlieue. près de la forêt de Sénard. Mes grands-parents, Albert et Rachel, en 1955, ils ont vendu, ils sont partis à la retraite et se sont retirés sur la côte d'Azur à Saint-Laurent-du-Var. Et mon grand-père, toujours dessinateur, avait d'un côté le jardin d'agrément. Ça fait pas mal d'expositions. Puis de l'autre côté, c'était le potager. Alors, il y avait de tout pour ma grand-mère. C'était séparé. Il y avait lui, c'était d'accord, sa peinture, son dessin, son jardin. Et la grand-mère, il lui fallait des salades fraîches, des asperges. Il y avait de tout. Mon grand-père était cédé en 1962. J'étais là, dans la nuit. Il a fait un édème du poumon. Enfin, il avait déjà eu des prémices. Il est enterré à Saint-Laurent-du-Var, au cimetière Saint-Marc. Ensuite, la propriété a été vendue. Ma grand-mère était à Nice et elle est décédée en 1992. Et ensuite, elle a rejoint Albert et donc ils se sont tous les deux réunis une nouvelle fois. Dernièrement j'ai fait refaire avec mes cousins et mes frères la tombe. J'étais du marbre blanc, donc ça se salit. Donc tout ça, ça a été nettoyé. J'ai mis dernièrement une copie sur une plaque en porcelaine. porcelaine, c'est bon pour l'éternité. Et donc, j'ai collé sur la plaque, c'est le diplôme de Yann Vachen, avec les deux médailles. C'est une reproduction tout petit, pour au moins marquer, je veux dire, la tombe. Les liens évidemment entre les deux familles ne se sont jamais clôturés. Moi-même j'ai toujours eu des rapports avec Jean-Claude. Il va devenir d'abord un critique de jazz, puis il avait fait médecine et puis comme me dit ma grand-mère, il a eu le problème c'est que quand il a fait médecine, à la deuxième année il fallait faire des dissécations et des trucs comme ça, et il tournait de l'oeil, donc il a abandonné la médecine. Voilà, donc c'était plus un artiste. Il a repris ses études d'avocat et il a eu une carrière extraordinaire puisqu'il a été l'avocat. de célébrité, et puis il a été dans l'édition. Ce qui lui a mis le pied à l'étrier, c'est qu'il a été le secrétaire de Jean-Paul. Et donc ça, ça l'a beaucoup aidé. Jean-Claude m'a dit, tu sais, je vais faire en sorte que tes grands-parents soient reconnus. Je lui ai dit, écoute, c'est bien si tu as besoin de quelque chose, mais tu sais, mes grands-parents, tu le sais très bien, ils étaient discrets là-dessus. D'ailleurs, mes grands-parents seraient complètement étonnés, surtout Albert. Pour eux, c'était de sauver un enfant, c'est... Je dirais, c'est normal. Pour eux, c'était tout à fait normal. Et c'était un acte... Bon, maintenant, avec les événements, avec le recul, on prend cet acte-là comme un acte extraordinaire, alors que pour mes grands-parents, c'était... Il fallait sauver des personnes, puis c'est tout, quoi. Donc ça, c'est quand même quelque chose de très reconnaissant de sa part. J'estime que c'est un bel acte. Il n'était pas obligé. Quand il a voulu faire ce dossier, il m'a demandé des éléments. Je lui ai donné les photos que j'avais, les trucs. Et c'est lui qui a fait toutes les démarches dans tous les journaux. Et puis après, parce qu'il mène des enquêtes, il faut des témoignages, etc. Une fois il m'a envoyé les coupures de Prince, il m'a dit t'as vu Claude j'ai fait ça, je lui ai dit écoute c'est magnifique. Et ensuite il y a eu une interview puisque j'ai été contacté par monsieur Claude Hangard qui est un constitueur de dossier pour Yann Vacheyne. Voilà, il nous faut telle pièce, telle pièce, il nous faudrait telle interview. Et donc c'est là où j'ai un ami, Stéphane Zibi d'ailleurs, et c'est lui qui est venu faire le reportage pour Jean-Claude. Donc Jean-Claude a raconté toute son histoire. On a quand même découvert une face cachée de nos grands-parents. Parce que nous, les grands-parents, on les a connus, c'était pépé-mémé. Mes grands-parents, oui, viennent d'être reconnus juste parmi les nations. C'est la plus haute distinction civile qui existe en Israël. Il faut dire que dans le monde, il y a 26 000 personnes qui ont été reconnues, et en France, il y en a 4 200. Ça a été signé à Jérusalem. en 2022. Et on a pu faire cette cérémonie à la mairie du 5e arrondissement. 2024, on s'est retrouvés avec plus d'une centaine de personnes, ce qui ne s'y attendait pas, et passer de chaise pour accueillir le monde. J'avoue, j'avais pas mal d'amis qui sont venus. Il y avait même la télévision. J'ai déjà créé un site internet. J'ai mis donc le dossier de... J'ai également incorporé toute la vie d'Albert et de Rachel. J'ai mis également la cérémonie. Et j'ai créé également un QR code. Ce qui fait qu'avec le QR code, vous pouvez avec votre téléphone reprendre toute l'histoire si ça vous chante. Stéphane Zibi, mon ami, me disait « Tu sais Claude, il n'est pas impossible que vous soyez dans les derniers. » Puisque effectivement, Jean-Claude, son témoignage, il a 84-85 ans. Il avait 4 ans, beaucoup de gens ont disparu, alors il y a des personnes centenaires, bravo, magnifique. Et donc, voilà, d'être reconnu juste, bah écoutez, c'est exceptionnel. Alors l'engagement, c'est très intéressant et pour moi personnellement, l'engagement se traduit, on démarre par la directe ouverte d'une image qui s'est produite, une lecture qui crée un petit article. qui vous emmène à un autre, puis encore à un autre, et si vous vous dites, tiens, j'ai oublié tel ou tel sujet, ou bien vous en découvrez un autre qui vous semble plus important, et vous vous la tombez dans un cycle qui vous imprègne, et qui vous conduit dans une voie à laquelle vous ne vous y attendez pas. C'est ce qui s'est produit pour moi. Une photo, ensuite les albums de ma maman, parce que je lui dois beaucoup, ma maman. Et puis, ces albums, Zon s'est amené à ça. Faire des dossiers, et à mettre ensuite sur Internet. C'est un petit peu cette pelote, si vous voulez, on tire la laine, et puis on n'arrête pas, on n'arrête pas. Peut-être que pour les petits enfants je vais regrouper les photos de la cérémonie, peut-être à faire un petit pressbook, ça fera un album de plus, mais bon, qui héritera des photos ? Ils sont dedans, voilà, ce qu'il faut c'est qu'il y ait ce petit lien. Ah bah tiens, il y avait mémé untel ou papa ou papy. C'est l'avantage des photos quoi, c'est une mémoire, une image. J'aurais apporté, comme on dit, une pierre à l'édifice. Vous venez d'écouter Passeurs d'Histoire, un podcast du Souvenir français. Retrouvez l'ensemble des épisodes sur toutes les plateformes d'écoute. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à nous le dire avec 5 étoiles et en vous abonnant. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur les réseaux sociaux ou sur notre site internet, dont vous trouverez les liens en description. Rendez-vous dans deux semaines, vous découvrez une nouvelle histoire.