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Place des religions

Pape François : l'élection surprise de Bergoglio, avec Frédéric Mounier

Pape François : l'élection surprise de Bergoglio, avec Frédéric Mounier

17min |21/04/2025|

4482

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Description

Place des religions – François, un pape inattendu (épisode 1/4)

Le pape François s’est éteint le 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans. À cette occasion, les correspondants de La Croix au Vatican livrent leur regard sur les années marquantes de son pontificat, entamé en 2013. À travers leurs témoignages, ils racontent comment ils ont couvert ce pontife venu des « confins du monde », qui aura marqué l’Église catholique d’une empreinte singulière.


Dans ce premier épisode, Frédéric Mounier, correspondant permanent de La Croix au Vatican à l’époque, revient sur les heures et les jours qui ont précédé l’élection du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio. Le 13 mars 2013, ce nom résonne comme une surprise dans la salle de presse du Vatican. Peu connu du grand public, l’archevêque de Buenos Aires n’était pas parmi les favoris. Pourtant, c’est bien lui que les cardinaux réunis en conclave choisissent pour succéder à Benoît XVI.


Dès son apparition au balcon de la basilique Saint-Pierre, François donne le ton : simplicité, humilité, et proximité avec les fidèles. Le style du nouveau pape tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il choisit de s’installer dans la résidence Sainte-Marthe plutôt qu’au palais apostolique, refuse certains signes extérieurs du pouvoir pontifical, et insiste sur le rôle pastoral du successeur de Pierre.


Tout au long de ses douze années de pontificat, le pape François n’a cessé de bousculer les habitudes bien établies au sein du Vatican. Il a placé les périphéries au cœur de son action, renouvelé la parole sociale de l’Église, et donné une place inédite aux enjeux écologiques, notamment avec l’encyclique Laudato si’. S’il a suscité l’enthousiasme d’une grande partie du monde catholique, ses positions ont aussi parfois dérouté, voire inquiété certains cercles plus conservateurs. Mais sa détermination à réformer, à dialoguer avec les autres religions et à faire de la foi un levier d’engagement concret dans le monde n’a jamais faibli.

Dans cette série en quatre épisodes, La Croix revient sur le parcours d’un pape dont le style et la vision ont transformé le visage du catholicisme au XXIe siècle.


► Vous avez une question ou une remarque sur notre podcast dédié au pape François ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com 


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Loup Besmond de Senneville. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward, Flavien Edenne. Textes : Clémence Maret et Célestine Albert-Steward. Captation et montage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Musique et mixage : Emmanuel Viau. Voix : Laurence Szabason. Illustration : Isaline Moulin. Directrice du marketing audience et développement de la marque : Laurence Szabason.


Place des religions est un podcast original de LA CROIX - Avril 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Mounier

    Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Le pape François s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église.

  • La Croix

    Alors que l'Église s'apprête à rendre hommage au pape François, nous vous proposons de découvrir le récit de quatre envoyés spéciaux de la Croix qui ont tour à tour couvert son pontificat. Dans ce podcast, il dresse le portrait d'un pape proche des fidèles, parfois contesté, mais déterminé malgré les obstacles, à réformer les codes et les usages au Vatican.

  • Frédéric Mounier

    Bonjour à tous, je suis Frédéric Mounier, je suis journaliste et j'ai été le correspondant de la Croix au Vatican de 2009 à 2013, ce qui m'a permis de vivre les dernières années du pontificat de Benoît XVI et donc sa renonciation. et puis de vivre l'élection du pape François, de vivre les premiers mois de ce pontificat. Et je vais vous raconter jour après jour, heure après heure, tous les secrets de l'élection du pape François. Mais comment donc Jorge Bergoglio a-t-il pu devenir à bien des égards le... premier de tous les papes, c'est-à-dire le premier pape latino-américain, le premier non-européen depuis Grégoire III, Syrien, mort en 741, le premier jésuite, le premier issu d'une immense cité moderne du Sud et le premier à avoir choisi le nom de François d'Assise. Alors nous sommes après la renonciation de Ausha XVI en 2013, il n'y a pas eu de funérailles pontificales, il n'y a donc pas eu de campagne électorale parce que cette élection était absolument ... imprévisible. Et donc les cardinaux arrivent peu à peu à Rome et il faut savoir que les cardinaux ne se connaissent pas. Ils n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Benoît XVI les avait relativement peu réunis et donc ils se trouvent en quelque sorte au pied d'un mur qu'ils n'avaient pas vraiment envisagé, du moins pas si rapidement. Ils sont dans l'obligation d'élire un pape. Alors, il y avait deux façons de voir les choses. Certains cardinaux qui arrivent à Rome à ce moment-là préfèrent un préconclave rapide. Il faut savoir qu'avant le conclave, il y a une sorte d'assemblée générale des cardinaux qui s'appelle les congrégations générales, qui durent une à deux semaines, et ils échangent, ils font connaissance, ils se parlent. Certains voulaient que cette période-là dure le moins longtemps possible pour qu'on aille rapidement au vote, et puis d'autres voulaient qu'on prenne le temps de discuter pour mûrir ensemble une discussion. C'est ce qui s'est passé. Donc les cardinaux se rencontrent, ils échangent et ils définissent entre eux certains critères. Par exemple, après la suite de scandales qui avaient sali vraiment le Vatican dans les derniers mois du pontificat de Benoît XVI, il fallait que ce pape soit un homme propre et qu'il soit capable de faire le ménage, en quelque sorte, dans la curie. Il fallait que ce soit aussi un homme qui soit en bonne santé, en bonne forme, puisqu'on gardait le souvenir de la fin de Pontifica qui avait duré très très longtemps en très mauvaise santé. de Jean-Paul II, puis on voyait bien, on avait sous les yeux le spectacle des difficultés physiques de Benoît XVI, et puis un pape qui soit à même intellectuellement d'affronter les défis anthropologiques de l'époque, les questions autour de la vie affective, de la sexualité, de la procréation, de la conjugalité, des nouveaux moyens de communication numériques, enfin bref, c'est très difficile de trouver un homme qui puisse manifester toutes ces compétences-là. Le 27 février 2013, Bergoglio arrive à Rome. Il a voyagé depuis l'Argentine, il a voyagé en classe économique sur Alitalia, il a déjà réservé son billet de retour, il a aussi préparé son dossier de retraite et il a réservé sa chambre dans la maison de retraite où il veut s'installer à Buenos Aires. Il ne lui reste plus qu'à remettre sa démission de cardinal au futur pape. Il ne sait pas encore que ce sera lui. Le soir même, le cardinal Bergoglio s'installe à la Casa del Clero, au centre de Rome, à deux pas de Saint-Louis des Français, à deux pas de la librairie française. C'est une sorte d'hôtel pour cardinaux, évêques et diplomates du Vatican qui passent à Rome. Et le soir, il va dîner. Il va dîner chez des amis, chez un journaliste qui s'appelle Gianni Valente et son épouse Stefania. Et là, il va rencontrer Andrea Tornielli, qui est le Vaticaniste de la Stampa, dont il fera plus tard le responsable du dicastère pour la communication. Et voilà, ils vont échanger. Personne ne pense que Bergoglio va être élu pape. Le soir du 9 mars, qui précède l'entrée en conclave, donc il y a une certaine torsion, quand même une certaine inquiétude, ce soir-là, le cardinal Bergoglio va dîner tout seul à une table inoccupée à la Casa del Clero, donc dans la maison d'accueil où il habite. Il parle à personne. Un témoin a noté qu'il avait l'air inquiet, il n'avait pas son expression paisible habituelle. Au même moment, pendant que lui dînait tout seul, un petit groupe de cardinaux, c'est souvent ce qui se passe avant les conclaves, le cardinal italien Nicora, reçoit chez lui une quinzaine de cardinaux électeurs. Et on voit bien que là, il y a déjà une tendance qui se dessine en faveur de Bergoglio. Ils font les comptes, un peu comme des hommes politiques, et ils arrivent à 25 voix à peu près sur 117 dès le premier tour. Donc voilà, il y a déjà un bloc de soutien qui se dégage. Le lendemain, nous sommes le mardi 12 mars 2013, il pleut comme très souvent à Rome, et bien la voiture prévue pour embarquer le cardinal Bergoglio au conclave n'a pas pu démarrer. Donc il faut prendre un taxi, il rechigne, il veut aller à pied, mais le jeune père Pedacchio, qui est son secrétaire et qui l'accompagne, dit qu'il n'est pas question de laisser le cardinal arriver trempé au conclave. Donc ils arrivent devant le portique de sécurité à la porte Sainte-Marthe, à gauche de Saint-Pierre, Et là, il se passe des choses... L'archevêque émérite de Santiago du Chili se tourne vers le jeune père Pédacchio, le secrétaire de Bergoglio, et lui dit « j'espère bien que cette fois-ci, si le Saint-Esprit l'appelle, Bergoglio répondra oui » . Et puis, il croise un autre cardinal, Mgr Paglia, qui est président du Conseil Pontifical pour la Famille, qui se penche vers Bergoglio et qui lui dit « le prochain pape, ce pourrait être vous » . Mais face à tout ça, Bergoglio reste de marbre. Il va s'installer dans sa chambre, qui est tirée au sort. Et il se prépare à la messe solennelle d'ouverture du conclave. Qui étaient les favoris de ce conclave ? Eh bien nous tous, les journalistes vaticanistes de tous les pays du monde. Pour nous, il y avait trois favoris. Aucun d'entre eux n'était le cardinal Bergoglio. Il y avait l'archevêque de Milan, le cardinal italien Angelo Scola. Il y avait le cardinal brésilien Odilo Scherer, archevêque de Sao Paulo, qu'on présentait comme étant le candidat de la vieille garde de la curie romaine. Et le cardinal canindien Marc Ouellet, ancien archevêque de Québec, préfet de la Congrégation pour les évêques. Tout le monde se disait, voilà, ça va être l'un des trois. En fait, personne ne s'attendait à une surprise. Juste avant le conclave, il s'est passé quelque chose de très très important, c'est-à-dire que pendant les congrégations générales, les cardinaux s'expriment, ils disent leur point de vue sur l'avenir de l'Église, et il s'est passé quelque chose de très important qui a duré trois minutes et demie. Le cardinal Bergoglio s'était exprimé et il avait dit en trois minutes et demie sa vision de l'Église. Et là, tout le monde a été très attentif, et ensuite tous les témoignages ont convergé. Les cardinaux nous ont dit, à nous journalistes, c'est là que tout a basculé. Qu'est-ce qu'a dit Bergoglio ? Il a dit que l'Église doit sortir d'elle-même, elle doit aller dans les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi aux périphéries existentielles, c'est-à-dire là où se trouve le mal, l'injustice, la douleur, l'indifférence religieuse, les affrontements intellectuels et toutes les misères. Et il a poursuivi assez ferme. Quand l'Église ne sort pas d'elle-même pour évangéliser, elle devient sa propre référence et elle tombe malade. Et il précise « les maux qui ont affligé les institutions ecclésiales au fil des ans et les affligent encore sans racine dans cet auto-référencement » . Et là on voit la ligne directrice de ce qui sera le nouveau conclave. Nous sommes le 12 mars 2013, la... La porte de la chapelle Sixtine se referme sur les 117 votants et Mgr Guido Marini, le cérémoniaire, prononce les mots fatidiques en latin « extra omnes » que tous sortent. Deux jours plus tard, à 19h, le cardinal argentin sera élu. Que s'est-il passé ? Eh bien, ils sont allés de surprise en surprise. A l'issue du premier tour, le cardinal Scola, archevêque de Milan, qui était le grand favori, a obtenu 30 voix. Hébert Goliot, conformément à la prévision du petit groupe de soutien, a atteint 26 voix, ou elle est 22 voix. Là, tout de suite, on a vu que le favori de la curie, qui était le cardinal brésilien Odilo Scherer, n'a eu que 4 voix. Et donc, dès le premier tour, les cardinaux ont voulu sortir des vieux schémas préconçus par la machine du Vatican. Ils veulent aller vers quelque chose de nouveau. Le lendemain, au deuxième tour, Bergoglio passe en tête avec 45 voix. Il faut rappeler qu'il lui faut 77 voix pour être élu. Mais quand même, ces 19 voix supplémentaires, et Scola plafonne à 38 voix, on voit qu'il y a une dynamique qui est en route. Lors du déjeuner, le cardinal archevêque de la Havane, le cardinal Ortega, lui demande une version écrite de son intervention. Cette fameuse intervention de trois minutes et demie, dans laquelle il a expliqué que l'église doit sortir vers les périphéries. Alors Bergoglio monte dans sa chambre et redescend avec quelques lignes manuscrites. Et il est temps au cardinal de Cuba qui lance à la cantonade. « Voilà, j'ai un texte de la main du nouveau pape. » On voit bien qu'il y a quelque chose qui se passe. À ce moment-là, autour des tables à Sainte-Marthe, certains adversaires de Bergoglio ne se privent pas de faire circuler des rumeurs, disons, défavorables. Bergoglio est malade, il n'a qu'un seul poumon, il ne va pas pouvoir arriver à porter la charge pontificale. Alors agacé par ces rumeurs autour des tables, le cardinal vénézuélien Maradiaga, qui est un grand ami de Bergoglio, lui pose la question. Et Bergoglio répond franchement « Oui, j'ai parfois une sciatique, et puis dans ma genèse, on m'a enlevé un petit bout du poumon droit, mais voilà, je suis encore en forme. » Et puis il y a une autre rumeur qui parcourt les tables. On fait savoir que le cardinal de Buenos Aires aurait collaboré avec la jeune Argentine du général Videla pendant la période de la dictature. Mais son ami, le cardinal brésilien Oumès, le fait taire rapidement en disant « tout ça est un tissu de mensonge » . On continuera à entendre ces rumeurs après l'élection. Après le déjeuner, le pape, le futur pape, qui est quasiment élu à ce moment-là, ça commence à vibrer autour des tables, eh bien il va faire une petite sieste. Il aura expliqué plus tard, il dit « pendant le repas, je me suis rendu compte que j'étais vraiment en danger, mais j'ai éprouvé une grande paix et un grand calme » , ce qui lui a permis de faire la sieste avant d'être élu pape. Au quatrième tour, on vote, on arrive à 67 voix contre 32 pour ce que là, mais c'est pas encore les fameux 77, c'est pas encore la majorité des deux tiers. On procède donc à un sixième vote. Alors pour l'anecdote, aujourd'hui encore, certains disent que l'élection a été invalidée. Pourquoi ? Parce que l'un des votants avait par mégarde déposé deux bulletins dans l'urne. Bon, mais en fait, les bulletins ont été séparés, on a bien fait le compte. Donc ce pape a bien été élu de façon... valide. Et donc, lorsqu'on annonce pour la 77ème fois, puisque chaque dépouillement de bulletin fait l'objet d'une annonce à haute voix, eh bien, un tonnerre d'applaudissements déferle dans la chapelle Sixtine et finalement, il obtient 85 voix contre 20 à Scola. Et donc nous sommes dans la salle de presse, nous savons que le pape a été élu et tout le monde attend de voir qui sera ce pape qui sera inattendu, c'est-à-dire que tout le monde sera surpris par cette élection. Et dans la salle de presse évidemment, les pronostics vont bon train, tout le monde s'interroge. Qui va apparaître dans dix minutes à la loggia de la place Saint-Pierre ? Alors je me tourne vers mon confrère journaliste jésuite Antonio Spadaro. Et ce jeune jésuite italien me dit mais... Comment pourrait-il élire un homme aussi âgé, qui a déjà passé son tour, puisqu'on sait qu'il avait failli être élu au conclave de 2005, qui ne parle qu'espagnol, qui parle mal italien, qui a des problèmes de santé ? Personne ne croyait à l'élection de Bergoglio. Et pourtant, c'est lui que nous avons vu apparaître quelques instants plus tard. C'est avec une grande joie que je vous annonce que nous avons un pape, le très éminent et très révérend Seigneur, Georges Mario Bergoglio, cardinal de la Sainte Église de Rome, qui s'est imposé le nom de François. Il est 20h12 et le cardinal français Jean-Louis Torrent, chargé des relations avec l'islam déjà depuis plusieurs papes, eh bien cet homme s'exprime d'une élocution torturée par la maladie de Parkinson et il annonce, ourbi et orbi, à la ville et au monde, il annonce le nom du nouveau pape. À ce moment-là, je suis en direct sur l'antenne d'Europe 1 et je n'ai pu masquer ma surprise. Je me suis dit mais qu'est-ce qui se passe ? Personne ne l'attendait. Quelques minutes plus tard, le père Lombardi, le porte-parole de la salle de presse du Saint-Siège, nous rejoint en conférence de presse. Et lui aussi, il dit « je ne sais que dire, je suis complètement sous le choc » . Pourquoi ? Parce que dès les premiers instants, il s'est passé quelque chose. Lorsque le nouveau pape est apparu à la loggia de la place Saint-Pierre, il a dit « frères et sœurs, bonsoir » . Tout de suite, on a entendu son accent particulier, ce que les Romains appellent « litaniolo » , c'est un mélange. de tonalités espagnoles, italiennes et un peu argentines. Il ne portait ni la mosette de velours rouge, ni la croix pectorale pontificale. Et ça, les Romains l'ont aperçu tout de suite. Beaucoup de Romains se sont dit « Ah, qu'est-ce qui se passe ? Il ne fait pas le pape. » C'est que simplement, dans un souci de simplicité, le pape François avait voulu se présenter comme l'évêque de Rome. Et c'est ce qu'il dit au balcon de la place Saint-Pierre. Il dit « Pendant le conclave, on choisit l'évêque de Rome et on dirait que mes frères cardinaux sont allés le prendre presque au bout du monde. Mais nous voilà. » Et tout de suite, il dit, je vous demande de prier pour moi. Et à ce moment-là, il y a un moment absolument incroyable. L'homme en blanc s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Et à ce moment-là, il y a un immense silence qui s'est fait sur la place Saint-Pierre. J'étais toujours sur l'antenne d'Europe 1 à ce moment-là, avec Nicolas Poincaré qui était à Paris. Et il me dit, mais ce fut un moment de grâce. Et effectivement... Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église. Ce soir-là, lorsque j'ai fini la liaison en direct avec Europe 1, lorsque j'ai envoyé mon papier pour l'édition spéciale de La Croix que nous avons publié ce soir-là, je sors de la salle de presse, je traverse la place Saint-Pierre, il y avait encore des dizaines de milliers de personnes, il faisait un peu frais, il y avait du vent, il pleuvait un peu, et je suis encore totalement sidéré, tétanisé par l'émotion qui s'est emparée de tous les journalistes qui étaient présents. À cette époque-là, nous avons le sentiment, la certitude intime que rien ne sera plus jamais comme avant, mais nous savons aussi que ce pape va susciter des oppositions. Donc c'est une nouvelle aventure qui s'ouvre et nous sommes tous impatients de savoir quels seront les nouveaux gestes, les nouveaux mots de ce futur pape. Et croyez-moi, nous n'allons pas être déçus.

  • La Croix

    Vous venez d'écouter un épisode de Place des Religions, un podcast réalisé par Lacroix. S'il vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre chaîne. Place des Religions est à écouter sur toutes les plateformes, sur le site et l'appli Lacroix.

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Place des religions – François, un pape inattendu (épisode 1/4)

Le pape François s’est éteint le 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans. À cette occasion, les correspondants de La Croix au Vatican livrent leur regard sur les années marquantes de son pontificat, entamé en 2013. À travers leurs témoignages, ils racontent comment ils ont couvert ce pontife venu des « confins du monde », qui aura marqué l’Église catholique d’une empreinte singulière.


Dans ce premier épisode, Frédéric Mounier, correspondant permanent de La Croix au Vatican à l’époque, revient sur les heures et les jours qui ont précédé l’élection du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio. Le 13 mars 2013, ce nom résonne comme une surprise dans la salle de presse du Vatican. Peu connu du grand public, l’archevêque de Buenos Aires n’était pas parmi les favoris. Pourtant, c’est bien lui que les cardinaux réunis en conclave choisissent pour succéder à Benoît XVI.


Dès son apparition au balcon de la basilique Saint-Pierre, François donne le ton : simplicité, humilité, et proximité avec les fidèles. Le style du nouveau pape tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il choisit de s’installer dans la résidence Sainte-Marthe plutôt qu’au palais apostolique, refuse certains signes extérieurs du pouvoir pontifical, et insiste sur le rôle pastoral du successeur de Pierre.


Tout au long de ses douze années de pontificat, le pape François n’a cessé de bousculer les habitudes bien établies au sein du Vatican. Il a placé les périphéries au cœur de son action, renouvelé la parole sociale de l’Église, et donné une place inédite aux enjeux écologiques, notamment avec l’encyclique Laudato si’. S’il a suscité l’enthousiasme d’une grande partie du monde catholique, ses positions ont aussi parfois dérouté, voire inquiété certains cercles plus conservateurs. Mais sa détermination à réformer, à dialoguer avec les autres religions et à faire de la foi un levier d’engagement concret dans le monde n’a jamais faibli.

Dans cette série en quatre épisodes, La Croix revient sur le parcours d’un pape dont le style et la vision ont transformé le visage du catholicisme au XXIe siècle.


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Rédaction en chef : Loup Besmond de Senneville. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward, Flavien Edenne. Textes : Clémence Maret et Célestine Albert-Steward. Captation et montage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Musique et mixage : Emmanuel Viau. Voix : Laurence Szabason. Illustration : Isaline Moulin. Directrice du marketing audience et développement de la marque : Laurence Szabason.


Place des religions est un podcast original de LA CROIX - Avril 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Frédéric Mounier

    Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Le pape François s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église.

  • La Croix

    Alors que l'Église s'apprête à rendre hommage au pape François, nous vous proposons de découvrir le récit de quatre envoyés spéciaux de la Croix qui ont tour à tour couvert son pontificat. Dans ce podcast, il dresse le portrait d'un pape proche des fidèles, parfois contesté, mais déterminé malgré les obstacles, à réformer les codes et les usages au Vatican.

  • Frédéric Mounier

    Bonjour à tous, je suis Frédéric Mounier, je suis journaliste et j'ai été le correspondant de la Croix au Vatican de 2009 à 2013, ce qui m'a permis de vivre les dernières années du pontificat de Benoît XVI et donc sa renonciation. et puis de vivre l'élection du pape François, de vivre les premiers mois de ce pontificat. Et je vais vous raconter jour après jour, heure après heure, tous les secrets de l'élection du pape François. Mais comment donc Jorge Bergoglio a-t-il pu devenir à bien des égards le... premier de tous les papes, c'est-à-dire le premier pape latino-américain, le premier non-européen depuis Grégoire III, Syrien, mort en 741, le premier jésuite, le premier issu d'une immense cité moderne du Sud et le premier à avoir choisi le nom de François d'Assise. Alors nous sommes après la renonciation de Ausha XVI en 2013, il n'y a pas eu de funérailles pontificales, il n'y a donc pas eu de campagne électorale parce que cette élection était absolument ... imprévisible. Et donc les cardinaux arrivent peu à peu à Rome et il faut savoir que les cardinaux ne se connaissent pas. Ils n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Benoît XVI les avait relativement peu réunis et donc ils se trouvent en quelque sorte au pied d'un mur qu'ils n'avaient pas vraiment envisagé, du moins pas si rapidement. Ils sont dans l'obligation d'élire un pape. Alors, il y avait deux façons de voir les choses. Certains cardinaux qui arrivent à Rome à ce moment-là préfèrent un préconclave rapide. Il faut savoir qu'avant le conclave, il y a une sorte d'assemblée générale des cardinaux qui s'appelle les congrégations générales, qui durent une à deux semaines, et ils échangent, ils font connaissance, ils se parlent. Certains voulaient que cette période-là dure le moins longtemps possible pour qu'on aille rapidement au vote, et puis d'autres voulaient qu'on prenne le temps de discuter pour mûrir ensemble une discussion. C'est ce qui s'est passé. Donc les cardinaux se rencontrent, ils échangent et ils définissent entre eux certains critères. Par exemple, après la suite de scandales qui avaient sali vraiment le Vatican dans les derniers mois du pontificat de Benoît XVI, il fallait que ce pape soit un homme propre et qu'il soit capable de faire le ménage, en quelque sorte, dans la curie. Il fallait que ce soit aussi un homme qui soit en bonne santé, en bonne forme, puisqu'on gardait le souvenir de la fin de Pontifica qui avait duré très très longtemps en très mauvaise santé. de Jean-Paul II, puis on voyait bien, on avait sous les yeux le spectacle des difficultés physiques de Benoît XVI, et puis un pape qui soit à même intellectuellement d'affronter les défis anthropologiques de l'époque, les questions autour de la vie affective, de la sexualité, de la procréation, de la conjugalité, des nouveaux moyens de communication numériques, enfin bref, c'est très difficile de trouver un homme qui puisse manifester toutes ces compétences-là. Le 27 février 2013, Bergoglio arrive à Rome. Il a voyagé depuis l'Argentine, il a voyagé en classe économique sur Alitalia, il a déjà réservé son billet de retour, il a aussi préparé son dossier de retraite et il a réservé sa chambre dans la maison de retraite où il veut s'installer à Buenos Aires. Il ne lui reste plus qu'à remettre sa démission de cardinal au futur pape. Il ne sait pas encore que ce sera lui. Le soir même, le cardinal Bergoglio s'installe à la Casa del Clero, au centre de Rome, à deux pas de Saint-Louis des Français, à deux pas de la librairie française. C'est une sorte d'hôtel pour cardinaux, évêques et diplomates du Vatican qui passent à Rome. Et le soir, il va dîner. Il va dîner chez des amis, chez un journaliste qui s'appelle Gianni Valente et son épouse Stefania. Et là, il va rencontrer Andrea Tornielli, qui est le Vaticaniste de la Stampa, dont il fera plus tard le responsable du dicastère pour la communication. Et voilà, ils vont échanger. Personne ne pense que Bergoglio va être élu pape. Le soir du 9 mars, qui précède l'entrée en conclave, donc il y a une certaine torsion, quand même une certaine inquiétude, ce soir-là, le cardinal Bergoglio va dîner tout seul à une table inoccupée à la Casa del Clero, donc dans la maison d'accueil où il habite. Il parle à personne. Un témoin a noté qu'il avait l'air inquiet, il n'avait pas son expression paisible habituelle. Au même moment, pendant que lui dînait tout seul, un petit groupe de cardinaux, c'est souvent ce qui se passe avant les conclaves, le cardinal italien Nicora, reçoit chez lui une quinzaine de cardinaux électeurs. Et on voit bien que là, il y a déjà une tendance qui se dessine en faveur de Bergoglio. Ils font les comptes, un peu comme des hommes politiques, et ils arrivent à 25 voix à peu près sur 117 dès le premier tour. Donc voilà, il y a déjà un bloc de soutien qui se dégage. Le lendemain, nous sommes le mardi 12 mars 2013, il pleut comme très souvent à Rome, et bien la voiture prévue pour embarquer le cardinal Bergoglio au conclave n'a pas pu démarrer. Donc il faut prendre un taxi, il rechigne, il veut aller à pied, mais le jeune père Pedacchio, qui est son secrétaire et qui l'accompagne, dit qu'il n'est pas question de laisser le cardinal arriver trempé au conclave. Donc ils arrivent devant le portique de sécurité à la porte Sainte-Marthe, à gauche de Saint-Pierre, Et là, il se passe des choses... L'archevêque émérite de Santiago du Chili se tourne vers le jeune père Pédacchio, le secrétaire de Bergoglio, et lui dit « j'espère bien que cette fois-ci, si le Saint-Esprit l'appelle, Bergoglio répondra oui » . Et puis, il croise un autre cardinal, Mgr Paglia, qui est président du Conseil Pontifical pour la Famille, qui se penche vers Bergoglio et qui lui dit « le prochain pape, ce pourrait être vous » . Mais face à tout ça, Bergoglio reste de marbre. Il va s'installer dans sa chambre, qui est tirée au sort. Et il se prépare à la messe solennelle d'ouverture du conclave. Qui étaient les favoris de ce conclave ? Eh bien nous tous, les journalistes vaticanistes de tous les pays du monde. Pour nous, il y avait trois favoris. Aucun d'entre eux n'était le cardinal Bergoglio. Il y avait l'archevêque de Milan, le cardinal italien Angelo Scola. Il y avait le cardinal brésilien Odilo Scherer, archevêque de Sao Paulo, qu'on présentait comme étant le candidat de la vieille garde de la curie romaine. Et le cardinal canindien Marc Ouellet, ancien archevêque de Québec, préfet de la Congrégation pour les évêques. Tout le monde se disait, voilà, ça va être l'un des trois. En fait, personne ne s'attendait à une surprise. Juste avant le conclave, il s'est passé quelque chose de très très important, c'est-à-dire que pendant les congrégations générales, les cardinaux s'expriment, ils disent leur point de vue sur l'avenir de l'Église, et il s'est passé quelque chose de très important qui a duré trois minutes et demie. Le cardinal Bergoglio s'était exprimé et il avait dit en trois minutes et demie sa vision de l'Église. Et là, tout le monde a été très attentif, et ensuite tous les témoignages ont convergé. Les cardinaux nous ont dit, à nous journalistes, c'est là que tout a basculé. Qu'est-ce qu'a dit Bergoglio ? Il a dit que l'Église doit sortir d'elle-même, elle doit aller dans les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi aux périphéries existentielles, c'est-à-dire là où se trouve le mal, l'injustice, la douleur, l'indifférence religieuse, les affrontements intellectuels et toutes les misères. Et il a poursuivi assez ferme. Quand l'Église ne sort pas d'elle-même pour évangéliser, elle devient sa propre référence et elle tombe malade. Et il précise « les maux qui ont affligé les institutions ecclésiales au fil des ans et les affligent encore sans racine dans cet auto-référencement » . Et là on voit la ligne directrice de ce qui sera le nouveau conclave. Nous sommes le 12 mars 2013, la... La porte de la chapelle Sixtine se referme sur les 117 votants et Mgr Guido Marini, le cérémoniaire, prononce les mots fatidiques en latin « extra omnes » que tous sortent. Deux jours plus tard, à 19h, le cardinal argentin sera élu. Que s'est-il passé ? Eh bien, ils sont allés de surprise en surprise. A l'issue du premier tour, le cardinal Scola, archevêque de Milan, qui était le grand favori, a obtenu 30 voix. Hébert Goliot, conformément à la prévision du petit groupe de soutien, a atteint 26 voix, ou elle est 22 voix. Là, tout de suite, on a vu que le favori de la curie, qui était le cardinal brésilien Odilo Scherer, n'a eu que 4 voix. Et donc, dès le premier tour, les cardinaux ont voulu sortir des vieux schémas préconçus par la machine du Vatican. Ils veulent aller vers quelque chose de nouveau. Le lendemain, au deuxième tour, Bergoglio passe en tête avec 45 voix. Il faut rappeler qu'il lui faut 77 voix pour être élu. Mais quand même, ces 19 voix supplémentaires, et Scola plafonne à 38 voix, on voit qu'il y a une dynamique qui est en route. Lors du déjeuner, le cardinal archevêque de la Havane, le cardinal Ortega, lui demande une version écrite de son intervention. Cette fameuse intervention de trois minutes et demie, dans laquelle il a expliqué que l'église doit sortir vers les périphéries. Alors Bergoglio monte dans sa chambre et redescend avec quelques lignes manuscrites. Et il est temps au cardinal de Cuba qui lance à la cantonade. « Voilà, j'ai un texte de la main du nouveau pape. » On voit bien qu'il y a quelque chose qui se passe. À ce moment-là, autour des tables à Sainte-Marthe, certains adversaires de Bergoglio ne se privent pas de faire circuler des rumeurs, disons, défavorables. Bergoglio est malade, il n'a qu'un seul poumon, il ne va pas pouvoir arriver à porter la charge pontificale. Alors agacé par ces rumeurs autour des tables, le cardinal vénézuélien Maradiaga, qui est un grand ami de Bergoglio, lui pose la question. Et Bergoglio répond franchement « Oui, j'ai parfois une sciatique, et puis dans ma genèse, on m'a enlevé un petit bout du poumon droit, mais voilà, je suis encore en forme. » Et puis il y a une autre rumeur qui parcourt les tables. On fait savoir que le cardinal de Buenos Aires aurait collaboré avec la jeune Argentine du général Videla pendant la période de la dictature. Mais son ami, le cardinal brésilien Oumès, le fait taire rapidement en disant « tout ça est un tissu de mensonge » . On continuera à entendre ces rumeurs après l'élection. Après le déjeuner, le pape, le futur pape, qui est quasiment élu à ce moment-là, ça commence à vibrer autour des tables, eh bien il va faire une petite sieste. Il aura expliqué plus tard, il dit « pendant le repas, je me suis rendu compte que j'étais vraiment en danger, mais j'ai éprouvé une grande paix et un grand calme » , ce qui lui a permis de faire la sieste avant d'être élu pape. Au quatrième tour, on vote, on arrive à 67 voix contre 32 pour ce que là, mais c'est pas encore les fameux 77, c'est pas encore la majorité des deux tiers. On procède donc à un sixième vote. Alors pour l'anecdote, aujourd'hui encore, certains disent que l'élection a été invalidée. Pourquoi ? Parce que l'un des votants avait par mégarde déposé deux bulletins dans l'urne. Bon, mais en fait, les bulletins ont été séparés, on a bien fait le compte. Donc ce pape a bien été élu de façon... valide. Et donc, lorsqu'on annonce pour la 77ème fois, puisque chaque dépouillement de bulletin fait l'objet d'une annonce à haute voix, eh bien, un tonnerre d'applaudissements déferle dans la chapelle Sixtine et finalement, il obtient 85 voix contre 20 à Scola. Et donc nous sommes dans la salle de presse, nous savons que le pape a été élu et tout le monde attend de voir qui sera ce pape qui sera inattendu, c'est-à-dire que tout le monde sera surpris par cette élection. Et dans la salle de presse évidemment, les pronostics vont bon train, tout le monde s'interroge. Qui va apparaître dans dix minutes à la loggia de la place Saint-Pierre ? Alors je me tourne vers mon confrère journaliste jésuite Antonio Spadaro. Et ce jeune jésuite italien me dit mais... Comment pourrait-il élire un homme aussi âgé, qui a déjà passé son tour, puisqu'on sait qu'il avait failli être élu au conclave de 2005, qui ne parle qu'espagnol, qui parle mal italien, qui a des problèmes de santé ? Personne ne croyait à l'élection de Bergoglio. Et pourtant, c'est lui que nous avons vu apparaître quelques instants plus tard. C'est avec une grande joie que je vous annonce que nous avons un pape, le très éminent et très révérend Seigneur, Georges Mario Bergoglio, cardinal de la Sainte Église de Rome, qui s'est imposé le nom de François. Il est 20h12 et le cardinal français Jean-Louis Torrent, chargé des relations avec l'islam déjà depuis plusieurs papes, eh bien cet homme s'exprime d'une élocution torturée par la maladie de Parkinson et il annonce, ourbi et orbi, à la ville et au monde, il annonce le nom du nouveau pape. À ce moment-là, je suis en direct sur l'antenne d'Europe 1 et je n'ai pu masquer ma surprise. Je me suis dit mais qu'est-ce qui se passe ? Personne ne l'attendait. Quelques minutes plus tard, le père Lombardi, le porte-parole de la salle de presse du Saint-Siège, nous rejoint en conférence de presse. Et lui aussi, il dit « je ne sais que dire, je suis complètement sous le choc » . Pourquoi ? Parce que dès les premiers instants, il s'est passé quelque chose. Lorsque le nouveau pape est apparu à la loggia de la place Saint-Pierre, il a dit « frères et sœurs, bonsoir » . Tout de suite, on a entendu son accent particulier, ce que les Romains appellent « litaniolo » , c'est un mélange. de tonalités espagnoles, italiennes et un peu argentines. Il ne portait ni la mosette de velours rouge, ni la croix pectorale pontificale. Et ça, les Romains l'ont aperçu tout de suite. Beaucoup de Romains se sont dit « Ah, qu'est-ce qui se passe ? Il ne fait pas le pape. » C'est que simplement, dans un souci de simplicité, le pape François avait voulu se présenter comme l'évêque de Rome. Et c'est ce qu'il dit au balcon de la place Saint-Pierre. Il dit « Pendant le conclave, on choisit l'évêque de Rome et on dirait que mes frères cardinaux sont allés le prendre presque au bout du monde. Mais nous voilà. » Et tout de suite, il dit, je vous demande de prier pour moi. Et à ce moment-là, il y a un moment absolument incroyable. L'homme en blanc s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Et à ce moment-là, il y a un immense silence qui s'est fait sur la place Saint-Pierre. J'étais toujours sur l'antenne d'Europe 1 à ce moment-là, avec Nicolas Poincaré qui était à Paris. Et il me dit, mais ce fut un moment de grâce. Et effectivement... Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église. Ce soir-là, lorsque j'ai fini la liaison en direct avec Europe 1, lorsque j'ai envoyé mon papier pour l'édition spéciale de La Croix que nous avons publié ce soir-là, je sors de la salle de presse, je traverse la place Saint-Pierre, il y avait encore des dizaines de milliers de personnes, il faisait un peu frais, il y avait du vent, il pleuvait un peu, et je suis encore totalement sidéré, tétanisé par l'émotion qui s'est emparée de tous les journalistes qui étaient présents. À cette époque-là, nous avons le sentiment, la certitude intime que rien ne sera plus jamais comme avant, mais nous savons aussi que ce pape va susciter des oppositions. Donc c'est une nouvelle aventure qui s'ouvre et nous sommes tous impatients de savoir quels seront les nouveaux gestes, les nouveaux mots de ce futur pape. Et croyez-moi, nous n'allons pas être déçus.

  • La Croix

    Vous venez d'écouter un épisode de Place des Religions, un podcast réalisé par Lacroix. S'il vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre chaîne. Place des Religions est à écouter sur toutes les plateformes, sur le site et l'appli Lacroix.

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Place des religions – François, un pape inattendu (épisode 1/4)

Le pape François s’est éteint le 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans. À cette occasion, les correspondants de La Croix au Vatican livrent leur regard sur les années marquantes de son pontificat, entamé en 2013. À travers leurs témoignages, ils racontent comment ils ont couvert ce pontife venu des « confins du monde », qui aura marqué l’Église catholique d’une empreinte singulière.


Dans ce premier épisode, Frédéric Mounier, correspondant permanent de La Croix au Vatican à l’époque, revient sur les heures et les jours qui ont précédé l’élection du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio. Le 13 mars 2013, ce nom résonne comme une surprise dans la salle de presse du Vatican. Peu connu du grand public, l’archevêque de Buenos Aires n’était pas parmi les favoris. Pourtant, c’est bien lui que les cardinaux réunis en conclave choisissent pour succéder à Benoît XVI.


Dès son apparition au balcon de la basilique Saint-Pierre, François donne le ton : simplicité, humilité, et proximité avec les fidèles. Le style du nouveau pape tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il choisit de s’installer dans la résidence Sainte-Marthe plutôt qu’au palais apostolique, refuse certains signes extérieurs du pouvoir pontifical, et insiste sur le rôle pastoral du successeur de Pierre.


Tout au long de ses douze années de pontificat, le pape François n’a cessé de bousculer les habitudes bien établies au sein du Vatican. Il a placé les périphéries au cœur de son action, renouvelé la parole sociale de l’Église, et donné une place inédite aux enjeux écologiques, notamment avec l’encyclique Laudato si’. S’il a suscité l’enthousiasme d’une grande partie du monde catholique, ses positions ont aussi parfois dérouté, voire inquiété certains cercles plus conservateurs. Mais sa détermination à réformer, à dialoguer avec les autres religions et à faire de la foi un levier d’engagement concret dans le monde n’a jamais faibli.

Dans cette série en quatre épisodes, La Croix revient sur le parcours d’un pape dont le style et la vision ont transformé le visage du catholicisme au XXIe siècle.


► Vous avez une question ou une remarque sur notre podcast dédié au pape François ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com 


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Loup Besmond de Senneville. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward, Flavien Edenne. Textes : Clémence Maret et Célestine Albert-Steward. Captation et montage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Musique et mixage : Emmanuel Viau. Voix : Laurence Szabason. Illustration : Isaline Moulin. Directrice du marketing audience et développement de la marque : Laurence Szabason.


Place des religions est un podcast original de LA CROIX - Avril 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Mounier

    Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Le pape François s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église.

  • La Croix

    Alors que l'Église s'apprête à rendre hommage au pape François, nous vous proposons de découvrir le récit de quatre envoyés spéciaux de la Croix qui ont tour à tour couvert son pontificat. Dans ce podcast, il dresse le portrait d'un pape proche des fidèles, parfois contesté, mais déterminé malgré les obstacles, à réformer les codes et les usages au Vatican.

  • Frédéric Mounier

    Bonjour à tous, je suis Frédéric Mounier, je suis journaliste et j'ai été le correspondant de la Croix au Vatican de 2009 à 2013, ce qui m'a permis de vivre les dernières années du pontificat de Benoît XVI et donc sa renonciation. et puis de vivre l'élection du pape François, de vivre les premiers mois de ce pontificat. Et je vais vous raconter jour après jour, heure après heure, tous les secrets de l'élection du pape François. Mais comment donc Jorge Bergoglio a-t-il pu devenir à bien des égards le... premier de tous les papes, c'est-à-dire le premier pape latino-américain, le premier non-européen depuis Grégoire III, Syrien, mort en 741, le premier jésuite, le premier issu d'une immense cité moderne du Sud et le premier à avoir choisi le nom de François d'Assise. Alors nous sommes après la renonciation de Ausha XVI en 2013, il n'y a pas eu de funérailles pontificales, il n'y a donc pas eu de campagne électorale parce que cette élection était absolument ... imprévisible. Et donc les cardinaux arrivent peu à peu à Rome et il faut savoir que les cardinaux ne se connaissent pas. Ils n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Benoît XVI les avait relativement peu réunis et donc ils se trouvent en quelque sorte au pied d'un mur qu'ils n'avaient pas vraiment envisagé, du moins pas si rapidement. Ils sont dans l'obligation d'élire un pape. Alors, il y avait deux façons de voir les choses. Certains cardinaux qui arrivent à Rome à ce moment-là préfèrent un préconclave rapide. Il faut savoir qu'avant le conclave, il y a une sorte d'assemblée générale des cardinaux qui s'appelle les congrégations générales, qui durent une à deux semaines, et ils échangent, ils font connaissance, ils se parlent. Certains voulaient que cette période-là dure le moins longtemps possible pour qu'on aille rapidement au vote, et puis d'autres voulaient qu'on prenne le temps de discuter pour mûrir ensemble une discussion. C'est ce qui s'est passé. Donc les cardinaux se rencontrent, ils échangent et ils définissent entre eux certains critères. Par exemple, après la suite de scandales qui avaient sali vraiment le Vatican dans les derniers mois du pontificat de Benoît XVI, il fallait que ce pape soit un homme propre et qu'il soit capable de faire le ménage, en quelque sorte, dans la curie. Il fallait que ce soit aussi un homme qui soit en bonne santé, en bonne forme, puisqu'on gardait le souvenir de la fin de Pontifica qui avait duré très très longtemps en très mauvaise santé. de Jean-Paul II, puis on voyait bien, on avait sous les yeux le spectacle des difficultés physiques de Benoît XVI, et puis un pape qui soit à même intellectuellement d'affronter les défis anthropologiques de l'époque, les questions autour de la vie affective, de la sexualité, de la procréation, de la conjugalité, des nouveaux moyens de communication numériques, enfin bref, c'est très difficile de trouver un homme qui puisse manifester toutes ces compétences-là. Le 27 février 2013, Bergoglio arrive à Rome. Il a voyagé depuis l'Argentine, il a voyagé en classe économique sur Alitalia, il a déjà réservé son billet de retour, il a aussi préparé son dossier de retraite et il a réservé sa chambre dans la maison de retraite où il veut s'installer à Buenos Aires. Il ne lui reste plus qu'à remettre sa démission de cardinal au futur pape. Il ne sait pas encore que ce sera lui. Le soir même, le cardinal Bergoglio s'installe à la Casa del Clero, au centre de Rome, à deux pas de Saint-Louis des Français, à deux pas de la librairie française. C'est une sorte d'hôtel pour cardinaux, évêques et diplomates du Vatican qui passent à Rome. Et le soir, il va dîner. Il va dîner chez des amis, chez un journaliste qui s'appelle Gianni Valente et son épouse Stefania. Et là, il va rencontrer Andrea Tornielli, qui est le Vaticaniste de la Stampa, dont il fera plus tard le responsable du dicastère pour la communication. Et voilà, ils vont échanger. Personne ne pense que Bergoglio va être élu pape. Le soir du 9 mars, qui précède l'entrée en conclave, donc il y a une certaine torsion, quand même une certaine inquiétude, ce soir-là, le cardinal Bergoglio va dîner tout seul à une table inoccupée à la Casa del Clero, donc dans la maison d'accueil où il habite. Il parle à personne. Un témoin a noté qu'il avait l'air inquiet, il n'avait pas son expression paisible habituelle. Au même moment, pendant que lui dînait tout seul, un petit groupe de cardinaux, c'est souvent ce qui se passe avant les conclaves, le cardinal italien Nicora, reçoit chez lui une quinzaine de cardinaux électeurs. Et on voit bien que là, il y a déjà une tendance qui se dessine en faveur de Bergoglio. Ils font les comptes, un peu comme des hommes politiques, et ils arrivent à 25 voix à peu près sur 117 dès le premier tour. Donc voilà, il y a déjà un bloc de soutien qui se dégage. Le lendemain, nous sommes le mardi 12 mars 2013, il pleut comme très souvent à Rome, et bien la voiture prévue pour embarquer le cardinal Bergoglio au conclave n'a pas pu démarrer. Donc il faut prendre un taxi, il rechigne, il veut aller à pied, mais le jeune père Pedacchio, qui est son secrétaire et qui l'accompagne, dit qu'il n'est pas question de laisser le cardinal arriver trempé au conclave. Donc ils arrivent devant le portique de sécurité à la porte Sainte-Marthe, à gauche de Saint-Pierre, Et là, il se passe des choses... L'archevêque émérite de Santiago du Chili se tourne vers le jeune père Pédacchio, le secrétaire de Bergoglio, et lui dit « j'espère bien que cette fois-ci, si le Saint-Esprit l'appelle, Bergoglio répondra oui » . Et puis, il croise un autre cardinal, Mgr Paglia, qui est président du Conseil Pontifical pour la Famille, qui se penche vers Bergoglio et qui lui dit « le prochain pape, ce pourrait être vous » . Mais face à tout ça, Bergoglio reste de marbre. Il va s'installer dans sa chambre, qui est tirée au sort. Et il se prépare à la messe solennelle d'ouverture du conclave. Qui étaient les favoris de ce conclave ? Eh bien nous tous, les journalistes vaticanistes de tous les pays du monde. Pour nous, il y avait trois favoris. Aucun d'entre eux n'était le cardinal Bergoglio. Il y avait l'archevêque de Milan, le cardinal italien Angelo Scola. Il y avait le cardinal brésilien Odilo Scherer, archevêque de Sao Paulo, qu'on présentait comme étant le candidat de la vieille garde de la curie romaine. Et le cardinal canindien Marc Ouellet, ancien archevêque de Québec, préfet de la Congrégation pour les évêques. Tout le monde se disait, voilà, ça va être l'un des trois. En fait, personne ne s'attendait à une surprise. Juste avant le conclave, il s'est passé quelque chose de très très important, c'est-à-dire que pendant les congrégations générales, les cardinaux s'expriment, ils disent leur point de vue sur l'avenir de l'Église, et il s'est passé quelque chose de très important qui a duré trois minutes et demie. Le cardinal Bergoglio s'était exprimé et il avait dit en trois minutes et demie sa vision de l'Église. Et là, tout le monde a été très attentif, et ensuite tous les témoignages ont convergé. Les cardinaux nous ont dit, à nous journalistes, c'est là que tout a basculé. Qu'est-ce qu'a dit Bergoglio ? Il a dit que l'Église doit sortir d'elle-même, elle doit aller dans les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi aux périphéries existentielles, c'est-à-dire là où se trouve le mal, l'injustice, la douleur, l'indifférence religieuse, les affrontements intellectuels et toutes les misères. Et il a poursuivi assez ferme. Quand l'Église ne sort pas d'elle-même pour évangéliser, elle devient sa propre référence et elle tombe malade. Et il précise « les maux qui ont affligé les institutions ecclésiales au fil des ans et les affligent encore sans racine dans cet auto-référencement » . Et là on voit la ligne directrice de ce qui sera le nouveau conclave. Nous sommes le 12 mars 2013, la... La porte de la chapelle Sixtine se referme sur les 117 votants et Mgr Guido Marini, le cérémoniaire, prononce les mots fatidiques en latin « extra omnes » que tous sortent. Deux jours plus tard, à 19h, le cardinal argentin sera élu. Que s'est-il passé ? Eh bien, ils sont allés de surprise en surprise. A l'issue du premier tour, le cardinal Scola, archevêque de Milan, qui était le grand favori, a obtenu 30 voix. Hébert Goliot, conformément à la prévision du petit groupe de soutien, a atteint 26 voix, ou elle est 22 voix. Là, tout de suite, on a vu que le favori de la curie, qui était le cardinal brésilien Odilo Scherer, n'a eu que 4 voix. Et donc, dès le premier tour, les cardinaux ont voulu sortir des vieux schémas préconçus par la machine du Vatican. Ils veulent aller vers quelque chose de nouveau. Le lendemain, au deuxième tour, Bergoglio passe en tête avec 45 voix. Il faut rappeler qu'il lui faut 77 voix pour être élu. Mais quand même, ces 19 voix supplémentaires, et Scola plafonne à 38 voix, on voit qu'il y a une dynamique qui est en route. Lors du déjeuner, le cardinal archevêque de la Havane, le cardinal Ortega, lui demande une version écrite de son intervention. Cette fameuse intervention de trois minutes et demie, dans laquelle il a expliqué que l'église doit sortir vers les périphéries. Alors Bergoglio monte dans sa chambre et redescend avec quelques lignes manuscrites. Et il est temps au cardinal de Cuba qui lance à la cantonade. « Voilà, j'ai un texte de la main du nouveau pape. » On voit bien qu'il y a quelque chose qui se passe. À ce moment-là, autour des tables à Sainte-Marthe, certains adversaires de Bergoglio ne se privent pas de faire circuler des rumeurs, disons, défavorables. Bergoglio est malade, il n'a qu'un seul poumon, il ne va pas pouvoir arriver à porter la charge pontificale. Alors agacé par ces rumeurs autour des tables, le cardinal vénézuélien Maradiaga, qui est un grand ami de Bergoglio, lui pose la question. Et Bergoglio répond franchement « Oui, j'ai parfois une sciatique, et puis dans ma genèse, on m'a enlevé un petit bout du poumon droit, mais voilà, je suis encore en forme. » Et puis il y a une autre rumeur qui parcourt les tables. On fait savoir que le cardinal de Buenos Aires aurait collaboré avec la jeune Argentine du général Videla pendant la période de la dictature. Mais son ami, le cardinal brésilien Oumès, le fait taire rapidement en disant « tout ça est un tissu de mensonge » . On continuera à entendre ces rumeurs après l'élection. Après le déjeuner, le pape, le futur pape, qui est quasiment élu à ce moment-là, ça commence à vibrer autour des tables, eh bien il va faire une petite sieste. Il aura expliqué plus tard, il dit « pendant le repas, je me suis rendu compte que j'étais vraiment en danger, mais j'ai éprouvé une grande paix et un grand calme » , ce qui lui a permis de faire la sieste avant d'être élu pape. Au quatrième tour, on vote, on arrive à 67 voix contre 32 pour ce que là, mais c'est pas encore les fameux 77, c'est pas encore la majorité des deux tiers. On procède donc à un sixième vote. Alors pour l'anecdote, aujourd'hui encore, certains disent que l'élection a été invalidée. Pourquoi ? Parce que l'un des votants avait par mégarde déposé deux bulletins dans l'urne. Bon, mais en fait, les bulletins ont été séparés, on a bien fait le compte. Donc ce pape a bien été élu de façon... valide. Et donc, lorsqu'on annonce pour la 77ème fois, puisque chaque dépouillement de bulletin fait l'objet d'une annonce à haute voix, eh bien, un tonnerre d'applaudissements déferle dans la chapelle Sixtine et finalement, il obtient 85 voix contre 20 à Scola. Et donc nous sommes dans la salle de presse, nous savons que le pape a été élu et tout le monde attend de voir qui sera ce pape qui sera inattendu, c'est-à-dire que tout le monde sera surpris par cette élection. Et dans la salle de presse évidemment, les pronostics vont bon train, tout le monde s'interroge. Qui va apparaître dans dix minutes à la loggia de la place Saint-Pierre ? Alors je me tourne vers mon confrère journaliste jésuite Antonio Spadaro. Et ce jeune jésuite italien me dit mais... Comment pourrait-il élire un homme aussi âgé, qui a déjà passé son tour, puisqu'on sait qu'il avait failli être élu au conclave de 2005, qui ne parle qu'espagnol, qui parle mal italien, qui a des problèmes de santé ? Personne ne croyait à l'élection de Bergoglio. Et pourtant, c'est lui que nous avons vu apparaître quelques instants plus tard. C'est avec une grande joie que je vous annonce que nous avons un pape, le très éminent et très révérend Seigneur, Georges Mario Bergoglio, cardinal de la Sainte Église de Rome, qui s'est imposé le nom de François. Il est 20h12 et le cardinal français Jean-Louis Torrent, chargé des relations avec l'islam déjà depuis plusieurs papes, eh bien cet homme s'exprime d'une élocution torturée par la maladie de Parkinson et il annonce, ourbi et orbi, à la ville et au monde, il annonce le nom du nouveau pape. À ce moment-là, je suis en direct sur l'antenne d'Europe 1 et je n'ai pu masquer ma surprise. Je me suis dit mais qu'est-ce qui se passe ? Personne ne l'attendait. Quelques minutes plus tard, le père Lombardi, le porte-parole de la salle de presse du Saint-Siège, nous rejoint en conférence de presse. Et lui aussi, il dit « je ne sais que dire, je suis complètement sous le choc » . Pourquoi ? Parce que dès les premiers instants, il s'est passé quelque chose. Lorsque le nouveau pape est apparu à la loggia de la place Saint-Pierre, il a dit « frères et sœurs, bonsoir » . Tout de suite, on a entendu son accent particulier, ce que les Romains appellent « litaniolo » , c'est un mélange. de tonalités espagnoles, italiennes et un peu argentines. Il ne portait ni la mosette de velours rouge, ni la croix pectorale pontificale. Et ça, les Romains l'ont aperçu tout de suite. Beaucoup de Romains se sont dit « Ah, qu'est-ce qui se passe ? Il ne fait pas le pape. » C'est que simplement, dans un souci de simplicité, le pape François avait voulu se présenter comme l'évêque de Rome. Et c'est ce qu'il dit au balcon de la place Saint-Pierre. Il dit « Pendant le conclave, on choisit l'évêque de Rome et on dirait que mes frères cardinaux sont allés le prendre presque au bout du monde. Mais nous voilà. » Et tout de suite, il dit, je vous demande de prier pour moi. Et à ce moment-là, il y a un moment absolument incroyable. L'homme en blanc s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Et à ce moment-là, il y a un immense silence qui s'est fait sur la place Saint-Pierre. J'étais toujours sur l'antenne d'Europe 1 à ce moment-là, avec Nicolas Poincaré qui était à Paris. Et il me dit, mais ce fut un moment de grâce. Et effectivement... Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église. Ce soir-là, lorsque j'ai fini la liaison en direct avec Europe 1, lorsque j'ai envoyé mon papier pour l'édition spéciale de La Croix que nous avons publié ce soir-là, je sors de la salle de presse, je traverse la place Saint-Pierre, il y avait encore des dizaines de milliers de personnes, il faisait un peu frais, il y avait du vent, il pleuvait un peu, et je suis encore totalement sidéré, tétanisé par l'émotion qui s'est emparée de tous les journalistes qui étaient présents. À cette époque-là, nous avons le sentiment, la certitude intime que rien ne sera plus jamais comme avant, mais nous savons aussi que ce pape va susciter des oppositions. Donc c'est une nouvelle aventure qui s'ouvre et nous sommes tous impatients de savoir quels seront les nouveaux gestes, les nouveaux mots de ce futur pape. Et croyez-moi, nous n'allons pas être déçus.

  • La Croix

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Place des religions – François, un pape inattendu (épisode 1/4)

Le pape François s’est éteint le 21 avril 2025, à l’âge de 88 ans. À cette occasion, les correspondants de La Croix au Vatican livrent leur regard sur les années marquantes de son pontificat, entamé en 2013. À travers leurs témoignages, ils racontent comment ils ont couvert ce pontife venu des « confins du monde », qui aura marqué l’Église catholique d’une empreinte singulière.


Dans ce premier épisode, Frédéric Mounier, correspondant permanent de La Croix au Vatican à l’époque, revient sur les heures et les jours qui ont précédé l’élection du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio. Le 13 mars 2013, ce nom résonne comme une surprise dans la salle de presse du Vatican. Peu connu du grand public, l’archevêque de Buenos Aires n’était pas parmi les favoris. Pourtant, c’est bien lui que les cardinaux réunis en conclave choisissent pour succéder à Benoît XVI.


Dès son apparition au balcon de la basilique Saint-Pierre, François donne le ton : simplicité, humilité, et proximité avec les fidèles. Le style du nouveau pape tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il choisit de s’installer dans la résidence Sainte-Marthe plutôt qu’au palais apostolique, refuse certains signes extérieurs du pouvoir pontifical, et insiste sur le rôle pastoral du successeur de Pierre.


Tout au long de ses douze années de pontificat, le pape François n’a cessé de bousculer les habitudes bien établies au sein du Vatican. Il a placé les périphéries au cœur de son action, renouvelé la parole sociale de l’Église, et donné une place inédite aux enjeux écologiques, notamment avec l’encyclique Laudato si’. S’il a suscité l’enthousiasme d’une grande partie du monde catholique, ses positions ont aussi parfois dérouté, voire inquiété certains cercles plus conservateurs. Mais sa détermination à réformer, à dialoguer avec les autres religions et à faire de la foi un levier d’engagement concret dans le monde n’a jamais faibli.

Dans cette série en quatre épisodes, La Croix revient sur le parcours d’un pape dont le style et la vision ont transformé le visage du catholicisme au XXIe siècle.


► Vous avez une question ou une remarque sur notre podcast dédié au pape François ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com 


CRÉDITS :


Rédaction en chef : Loup Besmond de Senneville. Réalisation : Clémence Maret, Célestine Albert-Steward, Flavien Edenne. Textes : Clémence Maret et Célestine Albert-Steward. Captation et montage : Flavien Edenne. Chargée de production : Célestine Albert-Steward. Musique et mixage : Emmanuel Viau. Voix : Laurence Szabason. Illustration : Isaline Moulin. Directrice du marketing audience et développement de la marque : Laurence Szabason.


Place des religions est un podcast original de LA CROIX - Avril 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Frédéric Mounier

    Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Le pape François s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église.

  • La Croix

    Alors que l'Église s'apprête à rendre hommage au pape François, nous vous proposons de découvrir le récit de quatre envoyés spéciaux de la Croix qui ont tour à tour couvert son pontificat. Dans ce podcast, il dresse le portrait d'un pape proche des fidèles, parfois contesté, mais déterminé malgré les obstacles, à réformer les codes et les usages au Vatican.

  • Frédéric Mounier

    Bonjour à tous, je suis Frédéric Mounier, je suis journaliste et j'ai été le correspondant de la Croix au Vatican de 2009 à 2013, ce qui m'a permis de vivre les dernières années du pontificat de Benoît XVI et donc sa renonciation. et puis de vivre l'élection du pape François, de vivre les premiers mois de ce pontificat. Et je vais vous raconter jour après jour, heure après heure, tous les secrets de l'élection du pape François. Mais comment donc Jorge Bergoglio a-t-il pu devenir à bien des égards le... premier de tous les papes, c'est-à-dire le premier pape latino-américain, le premier non-européen depuis Grégoire III, Syrien, mort en 741, le premier jésuite, le premier issu d'une immense cité moderne du Sud et le premier à avoir choisi le nom de François d'Assise. Alors nous sommes après la renonciation de Ausha XVI en 2013, il n'y a pas eu de funérailles pontificales, il n'y a donc pas eu de campagne électorale parce que cette élection était absolument ... imprévisible. Et donc les cardinaux arrivent peu à peu à Rome et il faut savoir que les cardinaux ne se connaissent pas. Ils n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. Benoît XVI les avait relativement peu réunis et donc ils se trouvent en quelque sorte au pied d'un mur qu'ils n'avaient pas vraiment envisagé, du moins pas si rapidement. Ils sont dans l'obligation d'élire un pape. Alors, il y avait deux façons de voir les choses. Certains cardinaux qui arrivent à Rome à ce moment-là préfèrent un préconclave rapide. Il faut savoir qu'avant le conclave, il y a une sorte d'assemblée générale des cardinaux qui s'appelle les congrégations générales, qui durent une à deux semaines, et ils échangent, ils font connaissance, ils se parlent. Certains voulaient que cette période-là dure le moins longtemps possible pour qu'on aille rapidement au vote, et puis d'autres voulaient qu'on prenne le temps de discuter pour mûrir ensemble une discussion. C'est ce qui s'est passé. Donc les cardinaux se rencontrent, ils échangent et ils définissent entre eux certains critères. Par exemple, après la suite de scandales qui avaient sali vraiment le Vatican dans les derniers mois du pontificat de Benoît XVI, il fallait que ce pape soit un homme propre et qu'il soit capable de faire le ménage, en quelque sorte, dans la curie. Il fallait que ce soit aussi un homme qui soit en bonne santé, en bonne forme, puisqu'on gardait le souvenir de la fin de Pontifica qui avait duré très très longtemps en très mauvaise santé. de Jean-Paul II, puis on voyait bien, on avait sous les yeux le spectacle des difficultés physiques de Benoît XVI, et puis un pape qui soit à même intellectuellement d'affronter les défis anthropologiques de l'époque, les questions autour de la vie affective, de la sexualité, de la procréation, de la conjugalité, des nouveaux moyens de communication numériques, enfin bref, c'est très difficile de trouver un homme qui puisse manifester toutes ces compétences-là. Le 27 février 2013, Bergoglio arrive à Rome. Il a voyagé depuis l'Argentine, il a voyagé en classe économique sur Alitalia, il a déjà réservé son billet de retour, il a aussi préparé son dossier de retraite et il a réservé sa chambre dans la maison de retraite où il veut s'installer à Buenos Aires. Il ne lui reste plus qu'à remettre sa démission de cardinal au futur pape. Il ne sait pas encore que ce sera lui. Le soir même, le cardinal Bergoglio s'installe à la Casa del Clero, au centre de Rome, à deux pas de Saint-Louis des Français, à deux pas de la librairie française. C'est une sorte d'hôtel pour cardinaux, évêques et diplomates du Vatican qui passent à Rome. Et le soir, il va dîner. Il va dîner chez des amis, chez un journaliste qui s'appelle Gianni Valente et son épouse Stefania. Et là, il va rencontrer Andrea Tornielli, qui est le Vaticaniste de la Stampa, dont il fera plus tard le responsable du dicastère pour la communication. Et voilà, ils vont échanger. Personne ne pense que Bergoglio va être élu pape. Le soir du 9 mars, qui précède l'entrée en conclave, donc il y a une certaine torsion, quand même une certaine inquiétude, ce soir-là, le cardinal Bergoglio va dîner tout seul à une table inoccupée à la Casa del Clero, donc dans la maison d'accueil où il habite. Il parle à personne. Un témoin a noté qu'il avait l'air inquiet, il n'avait pas son expression paisible habituelle. Au même moment, pendant que lui dînait tout seul, un petit groupe de cardinaux, c'est souvent ce qui se passe avant les conclaves, le cardinal italien Nicora, reçoit chez lui une quinzaine de cardinaux électeurs. Et on voit bien que là, il y a déjà une tendance qui se dessine en faveur de Bergoglio. Ils font les comptes, un peu comme des hommes politiques, et ils arrivent à 25 voix à peu près sur 117 dès le premier tour. Donc voilà, il y a déjà un bloc de soutien qui se dégage. Le lendemain, nous sommes le mardi 12 mars 2013, il pleut comme très souvent à Rome, et bien la voiture prévue pour embarquer le cardinal Bergoglio au conclave n'a pas pu démarrer. Donc il faut prendre un taxi, il rechigne, il veut aller à pied, mais le jeune père Pedacchio, qui est son secrétaire et qui l'accompagne, dit qu'il n'est pas question de laisser le cardinal arriver trempé au conclave. Donc ils arrivent devant le portique de sécurité à la porte Sainte-Marthe, à gauche de Saint-Pierre, Et là, il se passe des choses... L'archevêque émérite de Santiago du Chili se tourne vers le jeune père Pédacchio, le secrétaire de Bergoglio, et lui dit « j'espère bien que cette fois-ci, si le Saint-Esprit l'appelle, Bergoglio répondra oui » . Et puis, il croise un autre cardinal, Mgr Paglia, qui est président du Conseil Pontifical pour la Famille, qui se penche vers Bergoglio et qui lui dit « le prochain pape, ce pourrait être vous » . Mais face à tout ça, Bergoglio reste de marbre. Il va s'installer dans sa chambre, qui est tirée au sort. Et il se prépare à la messe solennelle d'ouverture du conclave. Qui étaient les favoris de ce conclave ? Eh bien nous tous, les journalistes vaticanistes de tous les pays du monde. Pour nous, il y avait trois favoris. Aucun d'entre eux n'était le cardinal Bergoglio. Il y avait l'archevêque de Milan, le cardinal italien Angelo Scola. Il y avait le cardinal brésilien Odilo Scherer, archevêque de Sao Paulo, qu'on présentait comme étant le candidat de la vieille garde de la curie romaine. Et le cardinal canindien Marc Ouellet, ancien archevêque de Québec, préfet de la Congrégation pour les évêques. Tout le monde se disait, voilà, ça va être l'un des trois. En fait, personne ne s'attendait à une surprise. Juste avant le conclave, il s'est passé quelque chose de très très important, c'est-à-dire que pendant les congrégations générales, les cardinaux s'expriment, ils disent leur point de vue sur l'avenir de l'Église, et il s'est passé quelque chose de très important qui a duré trois minutes et demie. Le cardinal Bergoglio s'était exprimé et il avait dit en trois minutes et demie sa vision de l'Église. Et là, tout le monde a été très attentif, et ensuite tous les témoignages ont convergé. Les cardinaux nous ont dit, à nous journalistes, c'est là que tout a basculé. Qu'est-ce qu'a dit Bergoglio ? Il a dit que l'Église doit sortir d'elle-même, elle doit aller dans les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi aux périphéries existentielles, c'est-à-dire là où se trouve le mal, l'injustice, la douleur, l'indifférence religieuse, les affrontements intellectuels et toutes les misères. Et il a poursuivi assez ferme. Quand l'Église ne sort pas d'elle-même pour évangéliser, elle devient sa propre référence et elle tombe malade. Et il précise « les maux qui ont affligé les institutions ecclésiales au fil des ans et les affligent encore sans racine dans cet auto-référencement » . Et là on voit la ligne directrice de ce qui sera le nouveau conclave. Nous sommes le 12 mars 2013, la... La porte de la chapelle Sixtine se referme sur les 117 votants et Mgr Guido Marini, le cérémoniaire, prononce les mots fatidiques en latin « extra omnes » que tous sortent. Deux jours plus tard, à 19h, le cardinal argentin sera élu. Que s'est-il passé ? Eh bien, ils sont allés de surprise en surprise. A l'issue du premier tour, le cardinal Scola, archevêque de Milan, qui était le grand favori, a obtenu 30 voix. Hébert Goliot, conformément à la prévision du petit groupe de soutien, a atteint 26 voix, ou elle est 22 voix. Là, tout de suite, on a vu que le favori de la curie, qui était le cardinal brésilien Odilo Scherer, n'a eu que 4 voix. Et donc, dès le premier tour, les cardinaux ont voulu sortir des vieux schémas préconçus par la machine du Vatican. Ils veulent aller vers quelque chose de nouveau. Le lendemain, au deuxième tour, Bergoglio passe en tête avec 45 voix. Il faut rappeler qu'il lui faut 77 voix pour être élu. Mais quand même, ces 19 voix supplémentaires, et Scola plafonne à 38 voix, on voit qu'il y a une dynamique qui est en route. Lors du déjeuner, le cardinal archevêque de la Havane, le cardinal Ortega, lui demande une version écrite de son intervention. Cette fameuse intervention de trois minutes et demie, dans laquelle il a expliqué que l'église doit sortir vers les périphéries. Alors Bergoglio monte dans sa chambre et redescend avec quelques lignes manuscrites. Et il est temps au cardinal de Cuba qui lance à la cantonade. « Voilà, j'ai un texte de la main du nouveau pape. » On voit bien qu'il y a quelque chose qui se passe. À ce moment-là, autour des tables à Sainte-Marthe, certains adversaires de Bergoglio ne se privent pas de faire circuler des rumeurs, disons, défavorables. Bergoglio est malade, il n'a qu'un seul poumon, il ne va pas pouvoir arriver à porter la charge pontificale. Alors agacé par ces rumeurs autour des tables, le cardinal vénézuélien Maradiaga, qui est un grand ami de Bergoglio, lui pose la question. Et Bergoglio répond franchement « Oui, j'ai parfois une sciatique, et puis dans ma genèse, on m'a enlevé un petit bout du poumon droit, mais voilà, je suis encore en forme. » Et puis il y a une autre rumeur qui parcourt les tables. On fait savoir que le cardinal de Buenos Aires aurait collaboré avec la jeune Argentine du général Videla pendant la période de la dictature. Mais son ami, le cardinal brésilien Oumès, le fait taire rapidement en disant « tout ça est un tissu de mensonge » . On continuera à entendre ces rumeurs après l'élection. Après le déjeuner, le pape, le futur pape, qui est quasiment élu à ce moment-là, ça commence à vibrer autour des tables, eh bien il va faire une petite sieste. Il aura expliqué plus tard, il dit « pendant le repas, je me suis rendu compte que j'étais vraiment en danger, mais j'ai éprouvé une grande paix et un grand calme » , ce qui lui a permis de faire la sieste avant d'être élu pape. Au quatrième tour, on vote, on arrive à 67 voix contre 32 pour ce que là, mais c'est pas encore les fameux 77, c'est pas encore la majorité des deux tiers. On procède donc à un sixième vote. Alors pour l'anecdote, aujourd'hui encore, certains disent que l'élection a été invalidée. Pourquoi ? Parce que l'un des votants avait par mégarde déposé deux bulletins dans l'urne. Bon, mais en fait, les bulletins ont été séparés, on a bien fait le compte. Donc ce pape a bien été élu de façon... valide. Et donc, lorsqu'on annonce pour la 77ème fois, puisque chaque dépouillement de bulletin fait l'objet d'une annonce à haute voix, eh bien, un tonnerre d'applaudissements déferle dans la chapelle Sixtine et finalement, il obtient 85 voix contre 20 à Scola. Et donc nous sommes dans la salle de presse, nous savons que le pape a été élu et tout le monde attend de voir qui sera ce pape qui sera inattendu, c'est-à-dire que tout le monde sera surpris par cette élection. Et dans la salle de presse évidemment, les pronostics vont bon train, tout le monde s'interroge. Qui va apparaître dans dix minutes à la loggia de la place Saint-Pierre ? Alors je me tourne vers mon confrère journaliste jésuite Antonio Spadaro. Et ce jeune jésuite italien me dit mais... Comment pourrait-il élire un homme aussi âgé, qui a déjà passé son tour, puisqu'on sait qu'il avait failli être élu au conclave de 2005, qui ne parle qu'espagnol, qui parle mal italien, qui a des problèmes de santé ? Personne ne croyait à l'élection de Bergoglio. Et pourtant, c'est lui que nous avons vu apparaître quelques instants plus tard. C'est avec une grande joie que je vous annonce que nous avons un pape, le très éminent et très révérend Seigneur, Georges Mario Bergoglio, cardinal de la Sainte Église de Rome, qui s'est imposé le nom de François. Il est 20h12 et le cardinal français Jean-Louis Torrent, chargé des relations avec l'islam déjà depuis plusieurs papes, eh bien cet homme s'exprime d'une élocution torturée par la maladie de Parkinson et il annonce, ourbi et orbi, à la ville et au monde, il annonce le nom du nouveau pape. À ce moment-là, je suis en direct sur l'antenne d'Europe 1 et je n'ai pu masquer ma surprise. Je me suis dit mais qu'est-ce qui se passe ? Personne ne l'attendait. Quelques minutes plus tard, le père Lombardi, le porte-parole de la salle de presse du Saint-Siège, nous rejoint en conférence de presse. Et lui aussi, il dit « je ne sais que dire, je suis complètement sous le choc » . Pourquoi ? Parce que dès les premiers instants, il s'est passé quelque chose. Lorsque le nouveau pape est apparu à la loggia de la place Saint-Pierre, il a dit « frères et sœurs, bonsoir » . Tout de suite, on a entendu son accent particulier, ce que les Romains appellent « litaniolo » , c'est un mélange. de tonalités espagnoles, italiennes et un peu argentines. Il ne portait ni la mosette de velours rouge, ni la croix pectorale pontificale. Et ça, les Romains l'ont aperçu tout de suite. Beaucoup de Romains se sont dit « Ah, qu'est-ce qui se passe ? Il ne fait pas le pape. » C'est que simplement, dans un souci de simplicité, le pape François avait voulu se présenter comme l'évêque de Rome. Et c'est ce qu'il dit au balcon de la place Saint-Pierre. Il dit « Pendant le conclave, on choisit l'évêque de Rome et on dirait que mes frères cardinaux sont allés le prendre presque au bout du monde. Mais nous voilà. » Et tout de suite, il dit, je vous demande de prier pour moi. Et à ce moment-là, il y a un moment absolument incroyable. L'homme en blanc s'incline pour recevoir la bénédiction des fidèles. Il y avait plusieurs dizaines de milliers de personnes sur la place Saint-Pierre. Il pleuvait un peu. Et à ce moment-là, il y a un immense silence qui s'est fait sur la place Saint-Pierre. J'étais toujours sur l'antenne d'Europe 1 à ce moment-là, avec Nicolas Poincaré qui était à Paris. Et il me dit, mais ce fut un moment de grâce. Et effectivement... Ce fut un moment de grâce tout à fait inattendu et ce fut le début d'une nouvelle ère pour l'Église. Ce soir-là, lorsque j'ai fini la liaison en direct avec Europe 1, lorsque j'ai envoyé mon papier pour l'édition spéciale de La Croix que nous avons publié ce soir-là, je sors de la salle de presse, je traverse la place Saint-Pierre, il y avait encore des dizaines de milliers de personnes, il faisait un peu frais, il y avait du vent, il pleuvait un peu, et je suis encore totalement sidéré, tétanisé par l'émotion qui s'est emparée de tous les journalistes qui étaient présents. À cette époque-là, nous avons le sentiment, la certitude intime que rien ne sera plus jamais comme avant, mais nous savons aussi que ce pape va susciter des oppositions. Donc c'est une nouvelle aventure qui s'ouvre et nous sommes tous impatients de savoir quels seront les nouveaux gestes, les nouveaux mots de ce futur pape. Et croyez-moi, nous n'allons pas être déçus.

  • La Croix

    Vous venez d'écouter un épisode de Place des Religions, un podcast réalisé par Lacroix. S'il vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à vous abonner à notre chaîne. Place des Religions est à écouter sur toutes les plateformes, sur le site et l'appli Lacroix.

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