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Cette force qui se déploie #Cyril cover
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Podcast Cette force qui se déploie

Cette force qui se déploie #Cyril

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18min |23/05/2025
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Cette force qui se déploie #Cyril

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18min |23/05/2025
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Description

Cyril « droit dans mes bottes »


Cyril est la seule personne que je ne connais pas avant de l’interroger.

C’est Marie, mon amie photographe avec qui je collabore sur ce projet qui me parle de lui.

Nous nous rencontrons à La Sirène, la scène de musique actuelle de la Rochelle. Je l’ai vu joué la veille. Un jeu puissant et singulier.

Nous passerons presque deux heures ensemble. D’une très grande humilité, il est en même temps d’une détermination sans borne. Il ne vacille pas. « Etre droit dans ses bottes » intègre, cohérent, là est sa quête. Auprès des gens, dans la musique. Son chemin de vie.


Avec Cyril Bilbeaud

Interview : Camille Geoffroy

Photo : Marie Monteiro

Montage son : Christophe Rio

Musique : Nolwenn Skolle

Production : cie La vie est ailleurs


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Je m'appelle Camille Geoffroy et j'avais envie de partager avec toi la parole libre et spontanée de personnes qui m'inspirent. Je voudrais te présenter Cyril. Cyril est musicien, il est batteur, notamment dans un groupe qui s'appelle Zone Libre. C'est Marie qui m'a parlé de lui. Marie, la photographe du projet, cette force qui se déploie. Elle m'a dit, ça c'est un type hyper authentique dans ce qu'il fait. Et c'est vrai. On a passé deux heures ensemble. Je ne l'avais jamais vu avant, je ne l'ai pas revu après. Pendant ces deux heures, je vais comprendre à quel point il ne transige pas, ni avec ses désirs de musique, ni avec sa vie, ni dans ses relations humaines. C'est quelqu'un de droit dans ses bottes. Et en même temps, dans une forme de grande douceur et de détermination.

  • Speaker #1

    J'ai commencé à faire de la musique dans une période où familialement c'était pas super et c'est vrai que pour moi c'était une espèce de fenêtre qui me permettait de sortir de ce... Et très rapidement je me suis rendu compte que c'était... aussi un moyen qui allait me permettre de m'échapper de tout ça quoi. Et quand j'ai compris ça, j'ai voulu le saisir à bras-le-corps, ce qui a créé beaucoup beaucoup de conflits avec surtout mon père. Il y a lui... Pour lui, je n'étais pas musicien, je ne connaissais pas le solfège, je n'avais pas fait le conservatoire. Ça faisait à peine six mois que je faisais de la batterie et je lui ai annoncé que j'arrêtais le lycée, que j'allais devenir un musicien professionnel. Je lui ai demandé quatre ans. J'ai dit donne-moi quatre ans. Là j'ai 18 ans, dans quatre ans j'en aurai 22. Si c'est toi qui as raison, je vais vers une désillusion et donc à 22 ans voir avant si je me rends compte que c'est toi qui es dans le juste je reprends mes études ça a l'air de te faire plaisir et voilà et sinon pour moi c'est maintenant qu'il faut que je le fasse parce que c'est un truc que je ne peux pas expliquer je le ressens il faut que j'y aille. Après il faut resituer le contexte c'était à Béziers en 90 et on ne peut pas dire que Béziers soit la ville musicale numéro 1 en France encore moins aujourd'hui et les fans de musique, ça se comptait un petit peu sur le doigt de la main. C'était plus de facilité à trouver des amis si tu pratiquais le rugby que si tu écoutais un certain type de musique. Ce qui fait que... J'étais amené quand même à côtoyer des gens, et en plus qui n'étaient pas du tout dans l'esthétique musicale que j'appréciais à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà quelque chose de défini, toi, dans l'esthétique musicale ?

  • Speaker #1

    Oui et non, parce que j'ai toujours été très curieux, et c'est encore toujours le cas. J'aime toutes les musiques à partir du moment où elles me procurent une émotion, donc quelles que soient les styles. C'est ça que tu cherches dans la musique, l'émotion ? Oui, oui. Et puis dans la vie aussi. Quand j'ai démarré, c'était avec un groupe. Il s'appellait comment le groupe ? SLOY. Bon, on était au lycée ensemble, le reste des musiciens avaient un groupe de leur côté, que je suivais parce que, justement, cette espèce de fascination que j'avais de voir mes pères jouer d'un instrument, alors que pour moi c'était quelque chose d'inaccessible. Donc j'étais leur premier fan. Le simple fait de les voir avoir cette relation entre eux, se retrouver pour répéter, faire des concerts devant d'autres personnes, moi ça me fascinait, mais je trouvais ça incroyable. Et il s'est avéré qu'un des membres de ce groupe, qui était le batteur, un jour en a eu marre et a arrêté. Et on cherchait un nouveau batteur pendant des mois, sans succès, et à tel point qu'au bout d'un moment ils se sont dit « Toi, tu as l'air hyper motivé, tu adores la musique, ça ne te dirait pas d'apprendre la batterie et tu viendrais jouer avec nous ? » Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'esprit. Et j'ai dit, ben oui, pourquoi pas, essayons. Moi je veux faire que ce que j'aime dans la musique. Ça c'est ma pensée de base. Quand mon groupe s'est terminé, et pour moi tout le monde me disait que j'étais un professionnel, donc que je ne me posais même pas la question de l'après, je me disais je vais continuer à faire mon métier, à savoir faire de la musique. Et là je suis tombé de haut parce que quelque part, il faut que tu redémarres à zéro, il faut que tu retrouves des gens avec qui... Faire de la musique, ce qui n'est pas simple, déjà, tu vois, même si j'avais un capital lié à la notoriété de mon groupe, moi, en tant qu'individu, enfin, je n'étais pas un soliste, j'appartenais à mon groupe, à mon ancien groupe, quoi. Donc sans mon groupe, je n'étais plus rien. Faire de la musique, c'est facile, sur le papier, c'est trouver les gens avec qui la faire, qui est le plus complexe. Pour moi, c'est une alchimie, quoi. C'est marrant parce que j'emmène ça au couple. Pour moi, c'est un petit peu pareil. C'est une histoire que tu crées à plusieurs.

  • Speaker #0

    Oui mais en même temps, ça reste toujours le juste équilibre à trouver.

  • Speaker #1

    C'est ça. Je n'aime pas la technique. Je n'aime pas me dire, tiens, je vais travailler ça parce que je veux obtenir tel niveau en batterie pour pouvoir aller dans telle direction. Moi, j'aime bien, je cultive mon jardin, en fait. Je me dis, je ne sais pas faire grand-chose, mais ce que je sais faire, je vais essayer de le faire du mieux possible. J'avais lu une interview de Robert Smith, des Cure, qui disait, moi je ne pratique jamais la guitare parce que je n'ai pas envie de devenir un bon guitariste. Et j'avais trouvé ça génial. Et ça a été... Des phrases comme ça qui m'ont un peu aidé à me dédramatiser du fait que je ne voulais pas être un bon batteur. Je ne veux pas être un bon batteur. Je ne vois pas l'intérêt de... Je me dis des bon batteur, il y en a partout. Je préfère être qui je suis et avec le langage que j'ai. Et c'est ça qui aussi fait que je ne joue pas beaucoup. Parce que souvent on me dit, ah oui, mais toi tu as trop d'identité dans ton jeu. Quand tu joues, on sait que c'est toi. C'est ça que tu cherches en même temps ? Ben oui ! Si je monte sur scène pour faire quelque chose qui ne me procure pas de plaisir, je ne vois pas l'intérêt de monter sur scène. Parce que c'est quand même particulier de monter sur un plateau qui est surélevé devant des gens, tu as un rapport qui est quand même particulier. Moi, dans les premiers temps, quand je me retrouvais sur une scène, je me disais, pourquoi je suis là ? De quel droit je suis là en fait ? Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que j'ai à donner pour être là ? Je pense que c'est tout ça aussi, d'avoir la conscience de sa place, de pourquoi on y est, pourquoi on le fait. Et je sais que suite au premier succès qu'on a eu à l'époque de Sloy. On a eu énormément de demandes, on a tourné pendant deux ans en non-stop. Et moi, il y a un moment où je ne prenais plus de plaisir à monter sur scène. Et j'ai dit à mes camarades, j'ai dit, non, mais moi, j'arrête moi. je veux qu'on fasse une pause, je veux retrouver le plaisir de monter sur scène, parce que là je ne vois pas quel intérêt ça a de monter sur scène pour juste donner ce que les gens attendent, et ne pas y trouver mon plaisir, tout ça parce qu'il faut qu'on remplisse un contrat. qui a été signé entre notre tourneur et une salle de spectacle. Moi quand j'ai commencé dans ma cave à Béziers, il y a un truc qu'on pourra jamais m'enlever. Demain je ne suis pas la sirène, je ne suis pas dans une salle de spectacle, je ferai de la batterie même si c'est pour les arbres devant chez moi quoi. Je crois que c'est le truc qui m'affecterait le plus, de me dire, j'ai pas été droit dans mes bottes.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, tu le dis pour ta relation à l'autre aussi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est quelque chose que tu sens pour ton métier, c'est-à-dire de jamais y aller sans plaisir, sans désir, de jamais y aller pour de mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et dans ton rapport à l'autre, pareil, tu disais tout à l'heure, je ne veux pas me... Je me reproche très longtemps et...

  • Speaker #1

    De ne pas avoir été juste. De ne pas avoir été juste. Dans ma relation. Ouais, après, bon ben voilà, ça fluctue, t'as des périodes de digestion, tu vas recroiser les gens, tu vas reparler, peut-être que ça se remet dans les rails, peut-être pas, mais c'est vrai que moi j'aime pas, après c'est comme dans la musique, c'est tension résolution, la musique c'est tension résolution, moi c'est vraiment ma vie, c'est ça quoi, il y a une tension, il faut qu'il y ait une résolution quoi. Je passais mes journées à écouter des albums de jazz. J'allais chiner dans les braderies des vieux albums parce que c'était en plus une période où le vinyle était tombé en désuétude. Donc on trouvait ça pour... J'ai acheté des albums mythiques pour... quelques centimes. J'avais une espèce de boulimie. Sauf que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas cette musique. En tant que batteur, je n'arrivais pas à comprendre comment ça fonctionnait. Donc je me suis dit, je vais faire une école de jazz. Je me suis inscrit dans une école de jazz. Je suis resté une année scolaire. 10 mois, et ça a été la pire expérience de ma vie. C'était atroce. Je me suis dit, si j'avais commencé la musique par ça, je n'aurais jamais fait de musique. Parce que vraiment, ça ne me correspondait pas du tout, on s'était hyper cadré, j'avais l'impression que... C'était à l'antithèse de ce que pour moi était la musique.

  • Speaker #0

    Vous voulez t'enlever ton instinct ?

  • Speaker #1

    Complètement, il fallait jouer de telle manière, comme ça, il ne fallait pas déborder. J'avais un capital quand même musical. Contrairement à beaucoup de gens avec qui je faisais de la musique. Et même si pour moi, il n'avait pas de valeur en soi, il avait le mérite d'exister. Donc, je voulais aussi l'utiliser. Sauf que non, on me disait, ça, c'est pas... Il ne faut pas faire ça. Mais pourquoi il ne faut pas faire ça ? Moi, j'ai toujours fait ça. Et au-delà de ça... Ils voulaient déconstruire. Oui, c'est ce qui me procure du plaisir. Oui, mais ça ne se fait pas comme ça. Il faut le faire comme ci, comme ça. Ce qui m'a enrichi, par contre, c'est de me dire ce que j'aime dans ce que je fais. tout le monde. après ça reste de la même si ça va à la rythmique moi j'aime créer j'aime créer des phrases j'aime créer des mots on va revenir sur le mantra moi j'aime bien l'idée de mantra rythmique. Qu'est ce que tu appelles mantra rythmique ? Des motifs répétitifs j'adore ça j'adore l'effet trans, c'est un truc que j'aime bien. Tu les répètes. Oui, oui. Honnêtement, personnellement, j'ai l'impression de jouer la même phrase depuis la première fois que j'ai joué de la batterie. Et je vais que décliner les accents. Et je me dis, le jour où je vais arriver au bout de cette phrase, peut-être que je passerai une autre phrase. Mais là, pour le moment, je n'ai pas encore fait le tour. Et même au début, ça fait 91, donc 90, ça fait 33 ans que je fais la même phrase. J'ai passé des auditions donc, j'ai été contacté par des gens qui m'ont dit ah tiens on aimerait bien jouer avec toi et même si musicalement ça me plaisait pas je me suis dit bon bah de toute manière je suis supposé être au service de tout le monde donc j'y vais quoi. Et très très rapidement, je me suis dit, bah non, je ne suis pas au service de tout le monde. Moi, je ne fais pas de la musique pour être au service d'eux, je fais de la musique pour jouer avec. Donc soit tu veux jouer avec moi, ce qui peut ça paraître... très prétentieux quelque part. Mais moi, je ne me dis pas, je suis super, je ne veux que des gens qui jouent avec moi. Je me dis juste, pour moi, je vois la musique plus comme un langage et j'ai envie d'échanger avec d'autres personnes qui ont envie de discuter avec moi. Très très longtemps, j'avais peur d'être égoïste. Je ne voulais pas qu'on dise de moi que j'étais un égoïste, avant 25 ans je pense que c'était, j'avais toujours peur que d'agir de manière égoïste, d'être... Je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas fait de travail là-dessus. Et un jour, il y a quelqu'un qui m'a dit « Mais tu sais, il n'y a pas de honte à être égoïste des fois. » Et ça m'a un peu frappé dans le sens où je ne m'étais jamais dit ça. Parce que pour moi, l'égoïsme, c'était mal. Penser à soi, c'est mal, il faut penser aux autres. Enfin bref. Et au final, j'ai réalisé que je pouvais m'autoriser à l'être, dans certaines proportions. Et à partir du moment où je suis rentré dans cet état d'esprit-là, je me suis rendu compte que je ne suis jamais allé autant plus vers les autres que le jour où je me suis dit «je vais être égoïste». Mon père avec qui j'étais très très en conflit, et mon grand-père avec qui j'avais une relation incroyable, et les deux sont décédés. C'était le père de ton père ? C'était non, le père de ma mère. Et il s'appréciait pas en plus. C'est d'autant plus... Bref, je digresse. Et en fait, les deux... Quand les deux sont décédés, à chaque fois, je me suis dit, ah, il me reste... J'ai fait une projection, je me suis dit, ah, il me reste tant d'années à vivre. En fait, je me suis projeté comme si j'allais mourir en même temps qu'eux. Et donc, du coup, je me dis, il me reste tant de temps pour... Parce que après, je continue à avoir des rêves. Heureusement, parce que c'est important d'avoir des rêves et d'essayer de les réaliser. Pas parce que des fois, tu les réalises et tu te dis, j'ai réalisé mon rêve. Et maintenant, qu'est-ce qui se passe ? Donc,

  • Speaker #0

    Tu es toujours dans ce décompte ? Tu lâches pas le décompte ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'aide à jouir de chaque journée ?

  • Speaker #1

    J'essaye. J'essaye. J'essaye.

  • Speaker #0

    Et il te reste combien de temps ?

  • Speaker #1

    Si je pars comme mon père, il me reste 17 ans. Et si je pars comme mon grand-père, il me reste 10 de plus. Après, il y a toujours cette espèce d'intuition. J'ai l'impression de... Comme s'il y avait une roue qui tournait. qu'elle allait s'arrêter... enfin comment dire ça... comment dire ça... j'ai la vision de la roue que ça peut s'arrêter sur du bien du... mais en même temps tu as toujours le choix de pas aller vers le pas bien. T'as pas l'impression que tout est... déjà écrit ? Non non maintenant parce que il y a des surprises. Regarde on est entrain de discuter tous les deux qui m'aurait dit il ya trois mois qu'on aurait cette discussion toi et moi personne puis le projet sur lequel vous êtes, enfin tu es, et Marie avec toi, moi je trouve ça génial, tu vois, je me dis c'est super que... Et presque je me dis, pourquoi moi je suis dans ce projet, qu'est-ce que je peux apporter à un projet à ma petite échelle, et pourquoi pas moi et un autre, ou une autre, enfin bref.

  • Speaker #0

    Et ben c'est la roue ça qui a choisi.

  • Speaker #1

    C'est la roue, voilà, exactement, c'est la roue, la roue a voulu que et puis j'aurais pu dire non j'ai dit oui puis j'ai dit oui je m'y prête. Je vais au bout, je suis droit dans un mes bottes.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Ces entretiens font partie d'un projet global qui s'appelle «Cette force qui se déploie», exposition sonore dont vous pourrez trouver plus d'informations sur notre site www.lavieestailleurs.com

Description

Cyril « droit dans mes bottes »


Cyril est la seule personne que je ne connais pas avant de l’interroger.

C’est Marie, mon amie photographe avec qui je collabore sur ce projet qui me parle de lui.

Nous nous rencontrons à La Sirène, la scène de musique actuelle de la Rochelle. Je l’ai vu joué la veille. Un jeu puissant et singulier.

Nous passerons presque deux heures ensemble. D’une très grande humilité, il est en même temps d’une détermination sans borne. Il ne vacille pas. « Etre droit dans ses bottes » intègre, cohérent, là est sa quête. Auprès des gens, dans la musique. Son chemin de vie.


Avec Cyril Bilbeaud

Interview : Camille Geoffroy

Photo : Marie Monteiro

Montage son : Christophe Rio

Musique : Nolwenn Skolle

Production : cie La vie est ailleurs


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Je m'appelle Camille Geoffroy et j'avais envie de partager avec toi la parole libre et spontanée de personnes qui m'inspirent. Je voudrais te présenter Cyril. Cyril est musicien, il est batteur, notamment dans un groupe qui s'appelle Zone Libre. C'est Marie qui m'a parlé de lui. Marie, la photographe du projet, cette force qui se déploie. Elle m'a dit, ça c'est un type hyper authentique dans ce qu'il fait. Et c'est vrai. On a passé deux heures ensemble. Je ne l'avais jamais vu avant, je ne l'ai pas revu après. Pendant ces deux heures, je vais comprendre à quel point il ne transige pas, ni avec ses désirs de musique, ni avec sa vie, ni dans ses relations humaines. C'est quelqu'un de droit dans ses bottes. Et en même temps, dans une forme de grande douceur et de détermination.

  • Speaker #1

    J'ai commencé à faire de la musique dans une période où familialement c'était pas super et c'est vrai que pour moi c'était une espèce de fenêtre qui me permettait de sortir de ce... Et très rapidement je me suis rendu compte que c'était... aussi un moyen qui allait me permettre de m'échapper de tout ça quoi. Et quand j'ai compris ça, j'ai voulu le saisir à bras-le-corps, ce qui a créé beaucoup beaucoup de conflits avec surtout mon père. Il y a lui... Pour lui, je n'étais pas musicien, je ne connaissais pas le solfège, je n'avais pas fait le conservatoire. Ça faisait à peine six mois que je faisais de la batterie et je lui ai annoncé que j'arrêtais le lycée, que j'allais devenir un musicien professionnel. Je lui ai demandé quatre ans. J'ai dit donne-moi quatre ans. Là j'ai 18 ans, dans quatre ans j'en aurai 22. Si c'est toi qui as raison, je vais vers une désillusion et donc à 22 ans voir avant si je me rends compte que c'est toi qui es dans le juste je reprends mes études ça a l'air de te faire plaisir et voilà et sinon pour moi c'est maintenant qu'il faut que je le fasse parce que c'est un truc que je ne peux pas expliquer je le ressens il faut que j'y aille. Après il faut resituer le contexte c'était à Béziers en 90 et on ne peut pas dire que Béziers soit la ville musicale numéro 1 en France encore moins aujourd'hui et les fans de musique, ça se comptait un petit peu sur le doigt de la main. C'était plus de facilité à trouver des amis si tu pratiquais le rugby que si tu écoutais un certain type de musique. Ce qui fait que... J'étais amené quand même à côtoyer des gens, et en plus qui n'étaient pas du tout dans l'esthétique musicale que j'appréciais à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà quelque chose de défini, toi, dans l'esthétique musicale ?

  • Speaker #1

    Oui et non, parce que j'ai toujours été très curieux, et c'est encore toujours le cas. J'aime toutes les musiques à partir du moment où elles me procurent une émotion, donc quelles que soient les styles. C'est ça que tu cherches dans la musique, l'émotion ? Oui, oui. Et puis dans la vie aussi. Quand j'ai démarré, c'était avec un groupe. Il s'appellait comment le groupe ? SLOY. Bon, on était au lycée ensemble, le reste des musiciens avaient un groupe de leur côté, que je suivais parce que, justement, cette espèce de fascination que j'avais de voir mes pères jouer d'un instrument, alors que pour moi c'était quelque chose d'inaccessible. Donc j'étais leur premier fan. Le simple fait de les voir avoir cette relation entre eux, se retrouver pour répéter, faire des concerts devant d'autres personnes, moi ça me fascinait, mais je trouvais ça incroyable. Et il s'est avéré qu'un des membres de ce groupe, qui était le batteur, un jour en a eu marre et a arrêté. Et on cherchait un nouveau batteur pendant des mois, sans succès, et à tel point qu'au bout d'un moment ils se sont dit « Toi, tu as l'air hyper motivé, tu adores la musique, ça ne te dirait pas d'apprendre la batterie et tu viendrais jouer avec nous ? » Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'esprit. Et j'ai dit, ben oui, pourquoi pas, essayons. Moi je veux faire que ce que j'aime dans la musique. Ça c'est ma pensée de base. Quand mon groupe s'est terminé, et pour moi tout le monde me disait que j'étais un professionnel, donc que je ne me posais même pas la question de l'après, je me disais je vais continuer à faire mon métier, à savoir faire de la musique. Et là je suis tombé de haut parce que quelque part, il faut que tu redémarres à zéro, il faut que tu retrouves des gens avec qui... Faire de la musique, ce qui n'est pas simple, déjà, tu vois, même si j'avais un capital lié à la notoriété de mon groupe, moi, en tant qu'individu, enfin, je n'étais pas un soliste, j'appartenais à mon groupe, à mon ancien groupe, quoi. Donc sans mon groupe, je n'étais plus rien. Faire de la musique, c'est facile, sur le papier, c'est trouver les gens avec qui la faire, qui est le plus complexe. Pour moi, c'est une alchimie, quoi. C'est marrant parce que j'emmène ça au couple. Pour moi, c'est un petit peu pareil. C'est une histoire que tu crées à plusieurs.

  • Speaker #0

    Oui mais en même temps, ça reste toujours le juste équilibre à trouver.

  • Speaker #1

    C'est ça. Je n'aime pas la technique. Je n'aime pas me dire, tiens, je vais travailler ça parce que je veux obtenir tel niveau en batterie pour pouvoir aller dans telle direction. Moi, j'aime bien, je cultive mon jardin, en fait. Je me dis, je ne sais pas faire grand-chose, mais ce que je sais faire, je vais essayer de le faire du mieux possible. J'avais lu une interview de Robert Smith, des Cure, qui disait, moi je ne pratique jamais la guitare parce que je n'ai pas envie de devenir un bon guitariste. Et j'avais trouvé ça génial. Et ça a été... Des phrases comme ça qui m'ont un peu aidé à me dédramatiser du fait que je ne voulais pas être un bon batteur. Je ne veux pas être un bon batteur. Je ne vois pas l'intérêt de... Je me dis des bon batteur, il y en a partout. Je préfère être qui je suis et avec le langage que j'ai. Et c'est ça qui aussi fait que je ne joue pas beaucoup. Parce que souvent on me dit, ah oui, mais toi tu as trop d'identité dans ton jeu. Quand tu joues, on sait que c'est toi. C'est ça que tu cherches en même temps ? Ben oui ! Si je monte sur scène pour faire quelque chose qui ne me procure pas de plaisir, je ne vois pas l'intérêt de monter sur scène. Parce que c'est quand même particulier de monter sur un plateau qui est surélevé devant des gens, tu as un rapport qui est quand même particulier. Moi, dans les premiers temps, quand je me retrouvais sur une scène, je me disais, pourquoi je suis là ? De quel droit je suis là en fait ? Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que j'ai à donner pour être là ? Je pense que c'est tout ça aussi, d'avoir la conscience de sa place, de pourquoi on y est, pourquoi on le fait. Et je sais que suite au premier succès qu'on a eu à l'époque de Sloy. On a eu énormément de demandes, on a tourné pendant deux ans en non-stop. Et moi, il y a un moment où je ne prenais plus de plaisir à monter sur scène. Et j'ai dit à mes camarades, j'ai dit, non, mais moi, j'arrête moi. je veux qu'on fasse une pause, je veux retrouver le plaisir de monter sur scène, parce que là je ne vois pas quel intérêt ça a de monter sur scène pour juste donner ce que les gens attendent, et ne pas y trouver mon plaisir, tout ça parce qu'il faut qu'on remplisse un contrat. qui a été signé entre notre tourneur et une salle de spectacle. Moi quand j'ai commencé dans ma cave à Béziers, il y a un truc qu'on pourra jamais m'enlever. Demain je ne suis pas la sirène, je ne suis pas dans une salle de spectacle, je ferai de la batterie même si c'est pour les arbres devant chez moi quoi. Je crois que c'est le truc qui m'affecterait le plus, de me dire, j'ai pas été droit dans mes bottes.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, tu le dis pour ta relation à l'autre aussi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est quelque chose que tu sens pour ton métier, c'est-à-dire de jamais y aller sans plaisir, sans désir, de jamais y aller pour de mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et dans ton rapport à l'autre, pareil, tu disais tout à l'heure, je ne veux pas me... Je me reproche très longtemps et...

  • Speaker #1

    De ne pas avoir été juste. De ne pas avoir été juste. Dans ma relation. Ouais, après, bon ben voilà, ça fluctue, t'as des périodes de digestion, tu vas recroiser les gens, tu vas reparler, peut-être que ça se remet dans les rails, peut-être pas, mais c'est vrai que moi j'aime pas, après c'est comme dans la musique, c'est tension résolution, la musique c'est tension résolution, moi c'est vraiment ma vie, c'est ça quoi, il y a une tension, il faut qu'il y ait une résolution quoi. Je passais mes journées à écouter des albums de jazz. J'allais chiner dans les braderies des vieux albums parce que c'était en plus une période où le vinyle était tombé en désuétude. Donc on trouvait ça pour... J'ai acheté des albums mythiques pour... quelques centimes. J'avais une espèce de boulimie. Sauf que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas cette musique. En tant que batteur, je n'arrivais pas à comprendre comment ça fonctionnait. Donc je me suis dit, je vais faire une école de jazz. Je me suis inscrit dans une école de jazz. Je suis resté une année scolaire. 10 mois, et ça a été la pire expérience de ma vie. C'était atroce. Je me suis dit, si j'avais commencé la musique par ça, je n'aurais jamais fait de musique. Parce que vraiment, ça ne me correspondait pas du tout, on s'était hyper cadré, j'avais l'impression que... C'était à l'antithèse de ce que pour moi était la musique.

  • Speaker #0

    Vous voulez t'enlever ton instinct ?

  • Speaker #1

    Complètement, il fallait jouer de telle manière, comme ça, il ne fallait pas déborder. J'avais un capital quand même musical. Contrairement à beaucoup de gens avec qui je faisais de la musique. Et même si pour moi, il n'avait pas de valeur en soi, il avait le mérite d'exister. Donc, je voulais aussi l'utiliser. Sauf que non, on me disait, ça, c'est pas... Il ne faut pas faire ça. Mais pourquoi il ne faut pas faire ça ? Moi, j'ai toujours fait ça. Et au-delà de ça... Ils voulaient déconstruire. Oui, c'est ce qui me procure du plaisir. Oui, mais ça ne se fait pas comme ça. Il faut le faire comme ci, comme ça. Ce qui m'a enrichi, par contre, c'est de me dire ce que j'aime dans ce que je fais. tout le monde. après ça reste de la même si ça va à la rythmique moi j'aime créer j'aime créer des phrases j'aime créer des mots on va revenir sur le mantra moi j'aime bien l'idée de mantra rythmique. Qu'est ce que tu appelles mantra rythmique ? Des motifs répétitifs j'adore ça j'adore l'effet trans, c'est un truc que j'aime bien. Tu les répètes. Oui, oui. Honnêtement, personnellement, j'ai l'impression de jouer la même phrase depuis la première fois que j'ai joué de la batterie. Et je vais que décliner les accents. Et je me dis, le jour où je vais arriver au bout de cette phrase, peut-être que je passerai une autre phrase. Mais là, pour le moment, je n'ai pas encore fait le tour. Et même au début, ça fait 91, donc 90, ça fait 33 ans que je fais la même phrase. J'ai passé des auditions donc, j'ai été contacté par des gens qui m'ont dit ah tiens on aimerait bien jouer avec toi et même si musicalement ça me plaisait pas je me suis dit bon bah de toute manière je suis supposé être au service de tout le monde donc j'y vais quoi. Et très très rapidement, je me suis dit, bah non, je ne suis pas au service de tout le monde. Moi, je ne fais pas de la musique pour être au service d'eux, je fais de la musique pour jouer avec. Donc soit tu veux jouer avec moi, ce qui peut ça paraître... très prétentieux quelque part. Mais moi, je ne me dis pas, je suis super, je ne veux que des gens qui jouent avec moi. Je me dis juste, pour moi, je vois la musique plus comme un langage et j'ai envie d'échanger avec d'autres personnes qui ont envie de discuter avec moi. Très très longtemps, j'avais peur d'être égoïste. Je ne voulais pas qu'on dise de moi que j'étais un égoïste, avant 25 ans je pense que c'était, j'avais toujours peur que d'agir de manière égoïste, d'être... Je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas fait de travail là-dessus. Et un jour, il y a quelqu'un qui m'a dit « Mais tu sais, il n'y a pas de honte à être égoïste des fois. » Et ça m'a un peu frappé dans le sens où je ne m'étais jamais dit ça. Parce que pour moi, l'égoïsme, c'était mal. Penser à soi, c'est mal, il faut penser aux autres. Enfin bref. Et au final, j'ai réalisé que je pouvais m'autoriser à l'être, dans certaines proportions. Et à partir du moment où je suis rentré dans cet état d'esprit-là, je me suis rendu compte que je ne suis jamais allé autant plus vers les autres que le jour où je me suis dit «je vais être égoïste». Mon père avec qui j'étais très très en conflit, et mon grand-père avec qui j'avais une relation incroyable, et les deux sont décédés. C'était le père de ton père ? C'était non, le père de ma mère. Et il s'appréciait pas en plus. C'est d'autant plus... Bref, je digresse. Et en fait, les deux... Quand les deux sont décédés, à chaque fois, je me suis dit, ah, il me reste... J'ai fait une projection, je me suis dit, ah, il me reste tant d'années à vivre. En fait, je me suis projeté comme si j'allais mourir en même temps qu'eux. Et donc, du coup, je me dis, il me reste tant de temps pour... Parce que après, je continue à avoir des rêves. Heureusement, parce que c'est important d'avoir des rêves et d'essayer de les réaliser. Pas parce que des fois, tu les réalises et tu te dis, j'ai réalisé mon rêve. Et maintenant, qu'est-ce qui se passe ? Donc,

  • Speaker #0

    Tu es toujours dans ce décompte ? Tu lâches pas le décompte ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'aide à jouir de chaque journée ?

  • Speaker #1

    J'essaye. J'essaye. J'essaye.

  • Speaker #0

    Et il te reste combien de temps ?

  • Speaker #1

    Si je pars comme mon père, il me reste 17 ans. Et si je pars comme mon grand-père, il me reste 10 de plus. Après, il y a toujours cette espèce d'intuition. J'ai l'impression de... Comme s'il y avait une roue qui tournait. qu'elle allait s'arrêter... enfin comment dire ça... comment dire ça... j'ai la vision de la roue que ça peut s'arrêter sur du bien du... mais en même temps tu as toujours le choix de pas aller vers le pas bien. T'as pas l'impression que tout est... déjà écrit ? Non non maintenant parce que il y a des surprises. Regarde on est entrain de discuter tous les deux qui m'aurait dit il ya trois mois qu'on aurait cette discussion toi et moi personne puis le projet sur lequel vous êtes, enfin tu es, et Marie avec toi, moi je trouve ça génial, tu vois, je me dis c'est super que... Et presque je me dis, pourquoi moi je suis dans ce projet, qu'est-ce que je peux apporter à un projet à ma petite échelle, et pourquoi pas moi et un autre, ou une autre, enfin bref.

  • Speaker #0

    Et ben c'est la roue ça qui a choisi.

  • Speaker #1

    C'est la roue, voilà, exactement, c'est la roue, la roue a voulu que et puis j'aurais pu dire non j'ai dit oui puis j'ai dit oui je m'y prête. Je vais au bout, je suis droit dans un mes bottes.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Ces entretiens font partie d'un projet global qui s'appelle «Cette force qui se déploie», exposition sonore dont vous pourrez trouver plus d'informations sur notre site www.lavieestailleurs.com

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Description

Cyril « droit dans mes bottes »


Cyril est la seule personne que je ne connais pas avant de l’interroger.

C’est Marie, mon amie photographe avec qui je collabore sur ce projet qui me parle de lui.

Nous nous rencontrons à La Sirène, la scène de musique actuelle de la Rochelle. Je l’ai vu joué la veille. Un jeu puissant et singulier.

Nous passerons presque deux heures ensemble. D’une très grande humilité, il est en même temps d’une détermination sans borne. Il ne vacille pas. « Etre droit dans ses bottes » intègre, cohérent, là est sa quête. Auprès des gens, dans la musique. Son chemin de vie.


Avec Cyril Bilbeaud

Interview : Camille Geoffroy

Photo : Marie Monteiro

Montage son : Christophe Rio

Musique : Nolwenn Skolle

Production : cie La vie est ailleurs


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Je m'appelle Camille Geoffroy et j'avais envie de partager avec toi la parole libre et spontanée de personnes qui m'inspirent. Je voudrais te présenter Cyril. Cyril est musicien, il est batteur, notamment dans un groupe qui s'appelle Zone Libre. C'est Marie qui m'a parlé de lui. Marie, la photographe du projet, cette force qui se déploie. Elle m'a dit, ça c'est un type hyper authentique dans ce qu'il fait. Et c'est vrai. On a passé deux heures ensemble. Je ne l'avais jamais vu avant, je ne l'ai pas revu après. Pendant ces deux heures, je vais comprendre à quel point il ne transige pas, ni avec ses désirs de musique, ni avec sa vie, ni dans ses relations humaines. C'est quelqu'un de droit dans ses bottes. Et en même temps, dans une forme de grande douceur et de détermination.

  • Speaker #1

    J'ai commencé à faire de la musique dans une période où familialement c'était pas super et c'est vrai que pour moi c'était une espèce de fenêtre qui me permettait de sortir de ce... Et très rapidement je me suis rendu compte que c'était... aussi un moyen qui allait me permettre de m'échapper de tout ça quoi. Et quand j'ai compris ça, j'ai voulu le saisir à bras-le-corps, ce qui a créé beaucoup beaucoup de conflits avec surtout mon père. Il y a lui... Pour lui, je n'étais pas musicien, je ne connaissais pas le solfège, je n'avais pas fait le conservatoire. Ça faisait à peine six mois que je faisais de la batterie et je lui ai annoncé que j'arrêtais le lycée, que j'allais devenir un musicien professionnel. Je lui ai demandé quatre ans. J'ai dit donne-moi quatre ans. Là j'ai 18 ans, dans quatre ans j'en aurai 22. Si c'est toi qui as raison, je vais vers une désillusion et donc à 22 ans voir avant si je me rends compte que c'est toi qui es dans le juste je reprends mes études ça a l'air de te faire plaisir et voilà et sinon pour moi c'est maintenant qu'il faut que je le fasse parce que c'est un truc que je ne peux pas expliquer je le ressens il faut que j'y aille. Après il faut resituer le contexte c'était à Béziers en 90 et on ne peut pas dire que Béziers soit la ville musicale numéro 1 en France encore moins aujourd'hui et les fans de musique, ça se comptait un petit peu sur le doigt de la main. C'était plus de facilité à trouver des amis si tu pratiquais le rugby que si tu écoutais un certain type de musique. Ce qui fait que... J'étais amené quand même à côtoyer des gens, et en plus qui n'étaient pas du tout dans l'esthétique musicale que j'appréciais à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà quelque chose de défini, toi, dans l'esthétique musicale ?

  • Speaker #1

    Oui et non, parce que j'ai toujours été très curieux, et c'est encore toujours le cas. J'aime toutes les musiques à partir du moment où elles me procurent une émotion, donc quelles que soient les styles. C'est ça que tu cherches dans la musique, l'émotion ? Oui, oui. Et puis dans la vie aussi. Quand j'ai démarré, c'était avec un groupe. Il s'appellait comment le groupe ? SLOY. Bon, on était au lycée ensemble, le reste des musiciens avaient un groupe de leur côté, que je suivais parce que, justement, cette espèce de fascination que j'avais de voir mes pères jouer d'un instrument, alors que pour moi c'était quelque chose d'inaccessible. Donc j'étais leur premier fan. Le simple fait de les voir avoir cette relation entre eux, se retrouver pour répéter, faire des concerts devant d'autres personnes, moi ça me fascinait, mais je trouvais ça incroyable. Et il s'est avéré qu'un des membres de ce groupe, qui était le batteur, un jour en a eu marre et a arrêté. Et on cherchait un nouveau batteur pendant des mois, sans succès, et à tel point qu'au bout d'un moment ils se sont dit « Toi, tu as l'air hyper motivé, tu adores la musique, ça ne te dirait pas d'apprendre la batterie et tu viendrais jouer avec nous ? » Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'esprit. Et j'ai dit, ben oui, pourquoi pas, essayons. Moi je veux faire que ce que j'aime dans la musique. Ça c'est ma pensée de base. Quand mon groupe s'est terminé, et pour moi tout le monde me disait que j'étais un professionnel, donc que je ne me posais même pas la question de l'après, je me disais je vais continuer à faire mon métier, à savoir faire de la musique. Et là je suis tombé de haut parce que quelque part, il faut que tu redémarres à zéro, il faut que tu retrouves des gens avec qui... Faire de la musique, ce qui n'est pas simple, déjà, tu vois, même si j'avais un capital lié à la notoriété de mon groupe, moi, en tant qu'individu, enfin, je n'étais pas un soliste, j'appartenais à mon groupe, à mon ancien groupe, quoi. Donc sans mon groupe, je n'étais plus rien. Faire de la musique, c'est facile, sur le papier, c'est trouver les gens avec qui la faire, qui est le plus complexe. Pour moi, c'est une alchimie, quoi. C'est marrant parce que j'emmène ça au couple. Pour moi, c'est un petit peu pareil. C'est une histoire que tu crées à plusieurs.

  • Speaker #0

    Oui mais en même temps, ça reste toujours le juste équilibre à trouver.

  • Speaker #1

    C'est ça. Je n'aime pas la technique. Je n'aime pas me dire, tiens, je vais travailler ça parce que je veux obtenir tel niveau en batterie pour pouvoir aller dans telle direction. Moi, j'aime bien, je cultive mon jardin, en fait. Je me dis, je ne sais pas faire grand-chose, mais ce que je sais faire, je vais essayer de le faire du mieux possible. J'avais lu une interview de Robert Smith, des Cure, qui disait, moi je ne pratique jamais la guitare parce que je n'ai pas envie de devenir un bon guitariste. Et j'avais trouvé ça génial. Et ça a été... Des phrases comme ça qui m'ont un peu aidé à me dédramatiser du fait que je ne voulais pas être un bon batteur. Je ne veux pas être un bon batteur. Je ne vois pas l'intérêt de... Je me dis des bon batteur, il y en a partout. Je préfère être qui je suis et avec le langage que j'ai. Et c'est ça qui aussi fait que je ne joue pas beaucoup. Parce que souvent on me dit, ah oui, mais toi tu as trop d'identité dans ton jeu. Quand tu joues, on sait que c'est toi. C'est ça que tu cherches en même temps ? Ben oui ! Si je monte sur scène pour faire quelque chose qui ne me procure pas de plaisir, je ne vois pas l'intérêt de monter sur scène. Parce que c'est quand même particulier de monter sur un plateau qui est surélevé devant des gens, tu as un rapport qui est quand même particulier. Moi, dans les premiers temps, quand je me retrouvais sur une scène, je me disais, pourquoi je suis là ? De quel droit je suis là en fait ? Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que j'ai à donner pour être là ? Je pense que c'est tout ça aussi, d'avoir la conscience de sa place, de pourquoi on y est, pourquoi on le fait. Et je sais que suite au premier succès qu'on a eu à l'époque de Sloy. On a eu énormément de demandes, on a tourné pendant deux ans en non-stop. Et moi, il y a un moment où je ne prenais plus de plaisir à monter sur scène. Et j'ai dit à mes camarades, j'ai dit, non, mais moi, j'arrête moi. je veux qu'on fasse une pause, je veux retrouver le plaisir de monter sur scène, parce que là je ne vois pas quel intérêt ça a de monter sur scène pour juste donner ce que les gens attendent, et ne pas y trouver mon plaisir, tout ça parce qu'il faut qu'on remplisse un contrat. qui a été signé entre notre tourneur et une salle de spectacle. Moi quand j'ai commencé dans ma cave à Béziers, il y a un truc qu'on pourra jamais m'enlever. Demain je ne suis pas la sirène, je ne suis pas dans une salle de spectacle, je ferai de la batterie même si c'est pour les arbres devant chez moi quoi. Je crois que c'est le truc qui m'affecterait le plus, de me dire, j'ai pas été droit dans mes bottes.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, tu le dis pour ta relation à l'autre aussi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est quelque chose que tu sens pour ton métier, c'est-à-dire de jamais y aller sans plaisir, sans désir, de jamais y aller pour de mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et dans ton rapport à l'autre, pareil, tu disais tout à l'heure, je ne veux pas me... Je me reproche très longtemps et...

  • Speaker #1

    De ne pas avoir été juste. De ne pas avoir été juste. Dans ma relation. Ouais, après, bon ben voilà, ça fluctue, t'as des périodes de digestion, tu vas recroiser les gens, tu vas reparler, peut-être que ça se remet dans les rails, peut-être pas, mais c'est vrai que moi j'aime pas, après c'est comme dans la musique, c'est tension résolution, la musique c'est tension résolution, moi c'est vraiment ma vie, c'est ça quoi, il y a une tension, il faut qu'il y ait une résolution quoi. Je passais mes journées à écouter des albums de jazz. J'allais chiner dans les braderies des vieux albums parce que c'était en plus une période où le vinyle était tombé en désuétude. Donc on trouvait ça pour... J'ai acheté des albums mythiques pour... quelques centimes. J'avais une espèce de boulimie. Sauf que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas cette musique. En tant que batteur, je n'arrivais pas à comprendre comment ça fonctionnait. Donc je me suis dit, je vais faire une école de jazz. Je me suis inscrit dans une école de jazz. Je suis resté une année scolaire. 10 mois, et ça a été la pire expérience de ma vie. C'était atroce. Je me suis dit, si j'avais commencé la musique par ça, je n'aurais jamais fait de musique. Parce que vraiment, ça ne me correspondait pas du tout, on s'était hyper cadré, j'avais l'impression que... C'était à l'antithèse de ce que pour moi était la musique.

  • Speaker #0

    Vous voulez t'enlever ton instinct ?

  • Speaker #1

    Complètement, il fallait jouer de telle manière, comme ça, il ne fallait pas déborder. J'avais un capital quand même musical. Contrairement à beaucoup de gens avec qui je faisais de la musique. Et même si pour moi, il n'avait pas de valeur en soi, il avait le mérite d'exister. Donc, je voulais aussi l'utiliser. Sauf que non, on me disait, ça, c'est pas... Il ne faut pas faire ça. Mais pourquoi il ne faut pas faire ça ? Moi, j'ai toujours fait ça. Et au-delà de ça... Ils voulaient déconstruire. Oui, c'est ce qui me procure du plaisir. Oui, mais ça ne se fait pas comme ça. Il faut le faire comme ci, comme ça. Ce qui m'a enrichi, par contre, c'est de me dire ce que j'aime dans ce que je fais. tout le monde. après ça reste de la même si ça va à la rythmique moi j'aime créer j'aime créer des phrases j'aime créer des mots on va revenir sur le mantra moi j'aime bien l'idée de mantra rythmique. Qu'est ce que tu appelles mantra rythmique ? Des motifs répétitifs j'adore ça j'adore l'effet trans, c'est un truc que j'aime bien. Tu les répètes. Oui, oui. Honnêtement, personnellement, j'ai l'impression de jouer la même phrase depuis la première fois que j'ai joué de la batterie. Et je vais que décliner les accents. Et je me dis, le jour où je vais arriver au bout de cette phrase, peut-être que je passerai une autre phrase. Mais là, pour le moment, je n'ai pas encore fait le tour. Et même au début, ça fait 91, donc 90, ça fait 33 ans que je fais la même phrase. J'ai passé des auditions donc, j'ai été contacté par des gens qui m'ont dit ah tiens on aimerait bien jouer avec toi et même si musicalement ça me plaisait pas je me suis dit bon bah de toute manière je suis supposé être au service de tout le monde donc j'y vais quoi. Et très très rapidement, je me suis dit, bah non, je ne suis pas au service de tout le monde. Moi, je ne fais pas de la musique pour être au service d'eux, je fais de la musique pour jouer avec. Donc soit tu veux jouer avec moi, ce qui peut ça paraître... très prétentieux quelque part. Mais moi, je ne me dis pas, je suis super, je ne veux que des gens qui jouent avec moi. Je me dis juste, pour moi, je vois la musique plus comme un langage et j'ai envie d'échanger avec d'autres personnes qui ont envie de discuter avec moi. Très très longtemps, j'avais peur d'être égoïste. Je ne voulais pas qu'on dise de moi que j'étais un égoïste, avant 25 ans je pense que c'était, j'avais toujours peur que d'agir de manière égoïste, d'être... Je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas fait de travail là-dessus. Et un jour, il y a quelqu'un qui m'a dit « Mais tu sais, il n'y a pas de honte à être égoïste des fois. » Et ça m'a un peu frappé dans le sens où je ne m'étais jamais dit ça. Parce que pour moi, l'égoïsme, c'était mal. Penser à soi, c'est mal, il faut penser aux autres. Enfin bref. Et au final, j'ai réalisé que je pouvais m'autoriser à l'être, dans certaines proportions. Et à partir du moment où je suis rentré dans cet état d'esprit-là, je me suis rendu compte que je ne suis jamais allé autant plus vers les autres que le jour où je me suis dit «je vais être égoïste». Mon père avec qui j'étais très très en conflit, et mon grand-père avec qui j'avais une relation incroyable, et les deux sont décédés. C'était le père de ton père ? C'était non, le père de ma mère. Et il s'appréciait pas en plus. C'est d'autant plus... Bref, je digresse. Et en fait, les deux... Quand les deux sont décédés, à chaque fois, je me suis dit, ah, il me reste... J'ai fait une projection, je me suis dit, ah, il me reste tant d'années à vivre. En fait, je me suis projeté comme si j'allais mourir en même temps qu'eux. Et donc, du coup, je me dis, il me reste tant de temps pour... Parce que après, je continue à avoir des rêves. Heureusement, parce que c'est important d'avoir des rêves et d'essayer de les réaliser. Pas parce que des fois, tu les réalises et tu te dis, j'ai réalisé mon rêve. Et maintenant, qu'est-ce qui se passe ? Donc,

  • Speaker #0

    Tu es toujours dans ce décompte ? Tu lâches pas le décompte ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'aide à jouir de chaque journée ?

  • Speaker #1

    J'essaye. J'essaye. J'essaye.

  • Speaker #0

    Et il te reste combien de temps ?

  • Speaker #1

    Si je pars comme mon père, il me reste 17 ans. Et si je pars comme mon grand-père, il me reste 10 de plus. Après, il y a toujours cette espèce d'intuition. J'ai l'impression de... Comme s'il y avait une roue qui tournait. qu'elle allait s'arrêter... enfin comment dire ça... comment dire ça... j'ai la vision de la roue que ça peut s'arrêter sur du bien du... mais en même temps tu as toujours le choix de pas aller vers le pas bien. T'as pas l'impression que tout est... déjà écrit ? Non non maintenant parce que il y a des surprises. Regarde on est entrain de discuter tous les deux qui m'aurait dit il ya trois mois qu'on aurait cette discussion toi et moi personne puis le projet sur lequel vous êtes, enfin tu es, et Marie avec toi, moi je trouve ça génial, tu vois, je me dis c'est super que... Et presque je me dis, pourquoi moi je suis dans ce projet, qu'est-ce que je peux apporter à un projet à ma petite échelle, et pourquoi pas moi et un autre, ou une autre, enfin bref.

  • Speaker #0

    Et ben c'est la roue ça qui a choisi.

  • Speaker #1

    C'est la roue, voilà, exactement, c'est la roue, la roue a voulu que et puis j'aurais pu dire non j'ai dit oui puis j'ai dit oui je m'y prête. Je vais au bout, je suis droit dans un mes bottes.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Ces entretiens font partie d'un projet global qui s'appelle «Cette force qui se déploie», exposition sonore dont vous pourrez trouver plus d'informations sur notre site www.lavieestailleurs.com

Description

Cyril « droit dans mes bottes »


Cyril est la seule personne que je ne connais pas avant de l’interroger.

C’est Marie, mon amie photographe avec qui je collabore sur ce projet qui me parle de lui.

Nous nous rencontrons à La Sirène, la scène de musique actuelle de la Rochelle. Je l’ai vu joué la veille. Un jeu puissant et singulier.

Nous passerons presque deux heures ensemble. D’une très grande humilité, il est en même temps d’une détermination sans borne. Il ne vacille pas. « Etre droit dans ses bottes » intègre, cohérent, là est sa quête. Auprès des gens, dans la musique. Son chemin de vie.


Avec Cyril Bilbeaud

Interview : Camille Geoffroy

Photo : Marie Monteiro

Montage son : Christophe Rio

Musique : Nolwenn Skolle

Production : cie La vie est ailleurs


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Cette force qui se déploie. Je m'appelle Camille Geoffroy et j'avais envie de partager avec toi la parole libre et spontanée de personnes qui m'inspirent. Je voudrais te présenter Cyril. Cyril est musicien, il est batteur, notamment dans un groupe qui s'appelle Zone Libre. C'est Marie qui m'a parlé de lui. Marie, la photographe du projet, cette force qui se déploie. Elle m'a dit, ça c'est un type hyper authentique dans ce qu'il fait. Et c'est vrai. On a passé deux heures ensemble. Je ne l'avais jamais vu avant, je ne l'ai pas revu après. Pendant ces deux heures, je vais comprendre à quel point il ne transige pas, ni avec ses désirs de musique, ni avec sa vie, ni dans ses relations humaines. C'est quelqu'un de droit dans ses bottes. Et en même temps, dans une forme de grande douceur et de détermination.

  • Speaker #1

    J'ai commencé à faire de la musique dans une période où familialement c'était pas super et c'est vrai que pour moi c'était une espèce de fenêtre qui me permettait de sortir de ce... Et très rapidement je me suis rendu compte que c'était... aussi un moyen qui allait me permettre de m'échapper de tout ça quoi. Et quand j'ai compris ça, j'ai voulu le saisir à bras-le-corps, ce qui a créé beaucoup beaucoup de conflits avec surtout mon père. Il y a lui... Pour lui, je n'étais pas musicien, je ne connaissais pas le solfège, je n'avais pas fait le conservatoire. Ça faisait à peine six mois que je faisais de la batterie et je lui ai annoncé que j'arrêtais le lycée, que j'allais devenir un musicien professionnel. Je lui ai demandé quatre ans. J'ai dit donne-moi quatre ans. Là j'ai 18 ans, dans quatre ans j'en aurai 22. Si c'est toi qui as raison, je vais vers une désillusion et donc à 22 ans voir avant si je me rends compte que c'est toi qui es dans le juste je reprends mes études ça a l'air de te faire plaisir et voilà et sinon pour moi c'est maintenant qu'il faut que je le fasse parce que c'est un truc que je ne peux pas expliquer je le ressens il faut que j'y aille. Après il faut resituer le contexte c'était à Béziers en 90 et on ne peut pas dire que Béziers soit la ville musicale numéro 1 en France encore moins aujourd'hui et les fans de musique, ça se comptait un petit peu sur le doigt de la main. C'était plus de facilité à trouver des amis si tu pratiquais le rugby que si tu écoutais un certain type de musique. Ce qui fait que... J'étais amené quand même à côtoyer des gens, et en plus qui n'étaient pas du tout dans l'esthétique musicale que j'appréciais à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Tu avais déjà quelque chose de défini, toi, dans l'esthétique musicale ?

  • Speaker #1

    Oui et non, parce que j'ai toujours été très curieux, et c'est encore toujours le cas. J'aime toutes les musiques à partir du moment où elles me procurent une émotion, donc quelles que soient les styles. C'est ça que tu cherches dans la musique, l'émotion ? Oui, oui. Et puis dans la vie aussi. Quand j'ai démarré, c'était avec un groupe. Il s'appellait comment le groupe ? SLOY. Bon, on était au lycée ensemble, le reste des musiciens avaient un groupe de leur côté, que je suivais parce que, justement, cette espèce de fascination que j'avais de voir mes pères jouer d'un instrument, alors que pour moi c'était quelque chose d'inaccessible. Donc j'étais leur premier fan. Le simple fait de les voir avoir cette relation entre eux, se retrouver pour répéter, faire des concerts devant d'autres personnes, moi ça me fascinait, mais je trouvais ça incroyable. Et il s'est avéré qu'un des membres de ce groupe, qui était le batteur, un jour en a eu marre et a arrêté. Et on cherchait un nouveau batteur pendant des mois, sans succès, et à tel point qu'au bout d'un moment ils se sont dit « Toi, tu as l'air hyper motivé, tu adores la musique, ça ne te dirait pas d'apprendre la batterie et tu viendrais jouer avec nous ? » Et moi, ça ne m'était jamais venu à l'esprit. Et j'ai dit, ben oui, pourquoi pas, essayons. Moi je veux faire que ce que j'aime dans la musique. Ça c'est ma pensée de base. Quand mon groupe s'est terminé, et pour moi tout le monde me disait que j'étais un professionnel, donc que je ne me posais même pas la question de l'après, je me disais je vais continuer à faire mon métier, à savoir faire de la musique. Et là je suis tombé de haut parce que quelque part, il faut que tu redémarres à zéro, il faut que tu retrouves des gens avec qui... Faire de la musique, ce qui n'est pas simple, déjà, tu vois, même si j'avais un capital lié à la notoriété de mon groupe, moi, en tant qu'individu, enfin, je n'étais pas un soliste, j'appartenais à mon groupe, à mon ancien groupe, quoi. Donc sans mon groupe, je n'étais plus rien. Faire de la musique, c'est facile, sur le papier, c'est trouver les gens avec qui la faire, qui est le plus complexe. Pour moi, c'est une alchimie, quoi. C'est marrant parce que j'emmène ça au couple. Pour moi, c'est un petit peu pareil. C'est une histoire que tu crées à plusieurs.

  • Speaker #0

    Oui mais en même temps, ça reste toujours le juste équilibre à trouver.

  • Speaker #1

    C'est ça. Je n'aime pas la technique. Je n'aime pas me dire, tiens, je vais travailler ça parce que je veux obtenir tel niveau en batterie pour pouvoir aller dans telle direction. Moi, j'aime bien, je cultive mon jardin, en fait. Je me dis, je ne sais pas faire grand-chose, mais ce que je sais faire, je vais essayer de le faire du mieux possible. J'avais lu une interview de Robert Smith, des Cure, qui disait, moi je ne pratique jamais la guitare parce que je n'ai pas envie de devenir un bon guitariste. Et j'avais trouvé ça génial. Et ça a été... Des phrases comme ça qui m'ont un peu aidé à me dédramatiser du fait que je ne voulais pas être un bon batteur. Je ne veux pas être un bon batteur. Je ne vois pas l'intérêt de... Je me dis des bon batteur, il y en a partout. Je préfère être qui je suis et avec le langage que j'ai. Et c'est ça qui aussi fait que je ne joue pas beaucoup. Parce que souvent on me dit, ah oui, mais toi tu as trop d'identité dans ton jeu. Quand tu joues, on sait que c'est toi. C'est ça que tu cherches en même temps ? Ben oui ! Si je monte sur scène pour faire quelque chose qui ne me procure pas de plaisir, je ne vois pas l'intérêt de monter sur scène. Parce que c'est quand même particulier de monter sur un plateau qui est surélevé devant des gens, tu as un rapport qui est quand même particulier. Moi, dans les premiers temps, quand je me retrouvais sur une scène, je me disais, pourquoi je suis là ? De quel droit je suis là en fait ? Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que j'ai à donner pour être là ? Je pense que c'est tout ça aussi, d'avoir la conscience de sa place, de pourquoi on y est, pourquoi on le fait. Et je sais que suite au premier succès qu'on a eu à l'époque de Sloy. On a eu énormément de demandes, on a tourné pendant deux ans en non-stop. Et moi, il y a un moment où je ne prenais plus de plaisir à monter sur scène. Et j'ai dit à mes camarades, j'ai dit, non, mais moi, j'arrête moi. je veux qu'on fasse une pause, je veux retrouver le plaisir de monter sur scène, parce que là je ne vois pas quel intérêt ça a de monter sur scène pour juste donner ce que les gens attendent, et ne pas y trouver mon plaisir, tout ça parce qu'il faut qu'on remplisse un contrat. qui a été signé entre notre tourneur et une salle de spectacle. Moi quand j'ai commencé dans ma cave à Béziers, il y a un truc qu'on pourra jamais m'enlever. Demain je ne suis pas la sirène, je ne suis pas dans une salle de spectacle, je ferai de la batterie même si c'est pour les arbres devant chez moi quoi. Je crois que c'est le truc qui m'affecterait le plus, de me dire, j'ai pas été droit dans mes bottes.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, tu le dis pour ta relation à l'autre aussi.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est quelque chose que tu sens pour ton métier, c'est-à-dire de jamais y aller sans plaisir, sans désir, de jamais y aller pour de mauvaises raisons.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et dans ton rapport à l'autre, pareil, tu disais tout à l'heure, je ne veux pas me... Je me reproche très longtemps et...

  • Speaker #1

    De ne pas avoir été juste. De ne pas avoir été juste. Dans ma relation. Ouais, après, bon ben voilà, ça fluctue, t'as des périodes de digestion, tu vas recroiser les gens, tu vas reparler, peut-être que ça se remet dans les rails, peut-être pas, mais c'est vrai que moi j'aime pas, après c'est comme dans la musique, c'est tension résolution, la musique c'est tension résolution, moi c'est vraiment ma vie, c'est ça quoi, il y a une tension, il faut qu'il y ait une résolution quoi. Je passais mes journées à écouter des albums de jazz. J'allais chiner dans les braderies des vieux albums parce que c'était en plus une période où le vinyle était tombé en désuétude. Donc on trouvait ça pour... J'ai acheté des albums mythiques pour... quelques centimes. J'avais une espèce de boulimie. Sauf que je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas cette musique. En tant que batteur, je n'arrivais pas à comprendre comment ça fonctionnait. Donc je me suis dit, je vais faire une école de jazz. Je me suis inscrit dans une école de jazz. Je suis resté une année scolaire. 10 mois, et ça a été la pire expérience de ma vie. C'était atroce. Je me suis dit, si j'avais commencé la musique par ça, je n'aurais jamais fait de musique. Parce que vraiment, ça ne me correspondait pas du tout, on s'était hyper cadré, j'avais l'impression que... C'était à l'antithèse de ce que pour moi était la musique.

  • Speaker #0

    Vous voulez t'enlever ton instinct ?

  • Speaker #1

    Complètement, il fallait jouer de telle manière, comme ça, il ne fallait pas déborder. J'avais un capital quand même musical. Contrairement à beaucoup de gens avec qui je faisais de la musique. Et même si pour moi, il n'avait pas de valeur en soi, il avait le mérite d'exister. Donc, je voulais aussi l'utiliser. Sauf que non, on me disait, ça, c'est pas... Il ne faut pas faire ça. Mais pourquoi il ne faut pas faire ça ? Moi, j'ai toujours fait ça. Et au-delà de ça... Ils voulaient déconstruire. Oui, c'est ce qui me procure du plaisir. Oui, mais ça ne se fait pas comme ça. Il faut le faire comme ci, comme ça. Ce qui m'a enrichi, par contre, c'est de me dire ce que j'aime dans ce que je fais. tout le monde. après ça reste de la même si ça va à la rythmique moi j'aime créer j'aime créer des phrases j'aime créer des mots on va revenir sur le mantra moi j'aime bien l'idée de mantra rythmique. Qu'est ce que tu appelles mantra rythmique ? Des motifs répétitifs j'adore ça j'adore l'effet trans, c'est un truc que j'aime bien. Tu les répètes. Oui, oui. Honnêtement, personnellement, j'ai l'impression de jouer la même phrase depuis la première fois que j'ai joué de la batterie. Et je vais que décliner les accents. Et je me dis, le jour où je vais arriver au bout de cette phrase, peut-être que je passerai une autre phrase. Mais là, pour le moment, je n'ai pas encore fait le tour. Et même au début, ça fait 91, donc 90, ça fait 33 ans que je fais la même phrase. J'ai passé des auditions donc, j'ai été contacté par des gens qui m'ont dit ah tiens on aimerait bien jouer avec toi et même si musicalement ça me plaisait pas je me suis dit bon bah de toute manière je suis supposé être au service de tout le monde donc j'y vais quoi. Et très très rapidement, je me suis dit, bah non, je ne suis pas au service de tout le monde. Moi, je ne fais pas de la musique pour être au service d'eux, je fais de la musique pour jouer avec. Donc soit tu veux jouer avec moi, ce qui peut ça paraître... très prétentieux quelque part. Mais moi, je ne me dis pas, je suis super, je ne veux que des gens qui jouent avec moi. Je me dis juste, pour moi, je vois la musique plus comme un langage et j'ai envie d'échanger avec d'autres personnes qui ont envie de discuter avec moi. Très très longtemps, j'avais peur d'être égoïste. Je ne voulais pas qu'on dise de moi que j'étais un égoïste, avant 25 ans je pense que c'était, j'avais toujours peur que d'agir de manière égoïste, d'être... Je ne sais pas pourquoi, je n'ai pas fait de travail là-dessus. Et un jour, il y a quelqu'un qui m'a dit « Mais tu sais, il n'y a pas de honte à être égoïste des fois. » Et ça m'a un peu frappé dans le sens où je ne m'étais jamais dit ça. Parce que pour moi, l'égoïsme, c'était mal. Penser à soi, c'est mal, il faut penser aux autres. Enfin bref. Et au final, j'ai réalisé que je pouvais m'autoriser à l'être, dans certaines proportions. Et à partir du moment où je suis rentré dans cet état d'esprit-là, je me suis rendu compte que je ne suis jamais allé autant plus vers les autres que le jour où je me suis dit «je vais être égoïste». Mon père avec qui j'étais très très en conflit, et mon grand-père avec qui j'avais une relation incroyable, et les deux sont décédés. C'était le père de ton père ? C'était non, le père de ma mère. Et il s'appréciait pas en plus. C'est d'autant plus... Bref, je digresse. Et en fait, les deux... Quand les deux sont décédés, à chaque fois, je me suis dit, ah, il me reste... J'ai fait une projection, je me suis dit, ah, il me reste tant d'années à vivre. En fait, je me suis projeté comme si j'allais mourir en même temps qu'eux. Et donc, du coup, je me dis, il me reste tant de temps pour... Parce que après, je continue à avoir des rêves. Heureusement, parce que c'est important d'avoir des rêves et d'essayer de les réaliser. Pas parce que des fois, tu les réalises et tu te dis, j'ai réalisé mon rêve. Et maintenant, qu'est-ce qui se passe ? Donc,

  • Speaker #0

    Tu es toujours dans ce décompte ? Tu lâches pas le décompte ?

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'aide à jouir de chaque journée ?

  • Speaker #1

    J'essaye. J'essaye. J'essaye.

  • Speaker #0

    Et il te reste combien de temps ?

  • Speaker #1

    Si je pars comme mon père, il me reste 17 ans. Et si je pars comme mon grand-père, il me reste 10 de plus. Après, il y a toujours cette espèce d'intuition. J'ai l'impression de... Comme s'il y avait une roue qui tournait. qu'elle allait s'arrêter... enfin comment dire ça... comment dire ça... j'ai la vision de la roue que ça peut s'arrêter sur du bien du... mais en même temps tu as toujours le choix de pas aller vers le pas bien. T'as pas l'impression que tout est... déjà écrit ? Non non maintenant parce que il y a des surprises. Regarde on est entrain de discuter tous les deux qui m'aurait dit il ya trois mois qu'on aurait cette discussion toi et moi personne puis le projet sur lequel vous êtes, enfin tu es, et Marie avec toi, moi je trouve ça génial, tu vois, je me dis c'est super que... Et presque je me dis, pourquoi moi je suis dans ce projet, qu'est-ce que je peux apporter à un projet à ma petite échelle, et pourquoi pas moi et un autre, ou une autre, enfin bref.

  • Speaker #0

    Et ben c'est la roue ça qui a choisi.

  • Speaker #1

    C'est la roue, voilà, exactement, c'est la roue, la roue a voulu que et puis j'aurais pu dire non j'ai dit oui puis j'ai dit oui je m'y prête. Je vais au bout, je suis droit dans un mes bottes.

  • Speaker #0

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Ces entretiens font partie d'un projet global qui s'appelle «Cette force qui se déploie», exposition sonore dont vous pourrez trouver plus d'informations sur notre site www.lavieestailleurs.com

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