Transcription

• Speaker #0

  C'est la merde ! De nouveau l'orage ! Il tourne tout autour de moi et il se remet à pleuvoir. Je commence à baliser sévère. Je voulais me mettre dans mon hamac pour laisser passer la pluie et m'endormir. Mais je suis... Je suis trop effrayé. Du coup, je suis sous le hamac, sur une branche en tailleur. Et si jamais il faut fuir, si l'orage est trop près, je me tiens prêt à descendre. Je vais rester dans cette position jusqu'à ce que l'orage soit passé. Et on verra bien. Je crois que je vais me calmer.

• Speaker #1

  Percher.

• Speaker #0

  Premier jour de l'expérience.

• Speaker #1

  7 jours et 7 nuits à 25 mètres de haut.

• Speaker #0

  Je souhaite comprendre ce qu'est la condition végétale, m'extraire du monde des humains, vivre avec ce chêne.

• Speaker #1

  Ronan Moinet mène une expérience dans un chêne centenaire pour comprendre le monde des plantes.

• Speaker #0

  Mais qu'est-ce que je fous là ?

• Speaker #1

  Percher, épisode 6, sous l'orage.

• Speaker #0

  Dimanche 24 à Aurine, tout juste réveillé. La nuit a été un peu longue, de nombreuses averses, même de bonnes pluies. En tout cas, à l'intérieur de mon cocon, je ne suis pas mouillé. Dehors, il fait très gris. Il semble que la pluie n'ait pas dit son dernier mot. Il fait beaucoup plus froid. Je n'en ai pas perdu le moral. En revanche, ce qui est embêtant, c'est que tout devient un peu plus compliqué lorsque c'est humide. J'imagine que la journée va se faire dans le stade l'inverse, ambiance chenille dans son cocon. Vu que là-bas, c'est le seul endroit que je puisse protéger, je crois que je vais y passer le plus clair de mon temps. Les cumulos s'accumulent, vous dites météo. Difficile de me mettre dans la peau du végétal alors que les gouttes d'eau se posent, puis rissellent sur l'arête de mon nez. Acupuncture liquide. Je renifle. Sur les branches autour de moi, les oiseaux sont peu nombreux. Il n'y a que les choucas pour voler d'un haut pied à l'autre, un grand coup d'aile et de raclement de syrinx. Puis ils s'ébrouent dès qu'ils se posent, la plume gonflée. Grossier ! Celui-ci vient de me tourner le bec, et j'aperçois le bout de sa queue, là où l'extrémité de ses ailes se croisent. Moi aussi, je croise les doigts pour le soleil. 24 avril, dimanche. La journée commence à être longue. La pluie a repris le plus bel. Je suis dans le hamac, sous le tarp, au croquevillé du buste. Ça colle. Dans cet espace exigu, toutes les dix minutes, je passe mes jambes d'une position allongée à celle du demi-plié. Je ne bouge pas plus sous peine d'être trempé. Toujours au centimètre. Point positif, une occasion insoupçonnée pour découvrir la précision de mes articulations. Comment sont les oiseaux à l'intérieur de leurs arbres ? La pluie nous plonge, nous les animaux, dans une telle inertie. Nous sommes entièrement dépendants du poids d'eau que les nuages peuvent supporter. Le chêne lui est impassible, tout en retenu. Il accepte. Espérons que le temps ne tourne pas à l'oral. C'est la merde. Je suis accroupi à l'ébris sur ma branche et la pluie dévale partout. Tout est trempé. J'ai un peu froid et je suis un peu humide. Bon, je tiens le coup. Des grosses gouttes d'eau tombent par grappes. Les oiseaux ont tous disparu. Les conditions deviennent assez difficiles pour l'aventure. L'observation des arbres à mes côtés... ...existe. Encore une fois, il s'agit d'attendre. Toujours attendre. La foudre vient juste de s'abattre à gauche et tous les oiseaux se sont littéralement parés de leur tronc. Plus personne dans cet arbre et moi paralysé. Coincé dans l'épicentre de l'orage. Et tout tremble. Dès que j'essaye de me détendre en fermant les paupières, un éclair vient cogner ma rétine. Les volumes d'air qui m'entourent sont devenus de gigantesques caisses de résonance. L'air devient solide. Il tremble. Dans cet arbre à 25 mètres de haut, avec tous ces mousquetons, ce matériel d'escalade, risque de finir en paratonnelle. Je viens de descendre de l'arbre, m'abriter, je viens de trouver un petit abri j'avais bien trop les boules là haut Cet orage est épouvantable.

• Speaker #1

  Il fait bizarre de m'être éloigné de mon arbre. Les suspendus