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VISION #67 — CHARLOTTE ABRAMOW |  « J'aime mettre en lumière des sujets importants avec une touche d'humour ou un décalage poétique » cover
VISION #67 — CHARLOTTE ABRAMOW |  « J'aime mettre en lumière des sujets importants avec une touche d'humour ou un décalage poétique » cover
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VISION #67 — CHARLOTTE ABRAMOW | « J'aime mettre en lumière des sujets importants avec une touche d'humour ou un décalage poétique »

VISION #67 — CHARLOTTE ABRAMOW | « J'aime mettre en lumière des sujets importants avec une touche d'humour ou un décalage poétique »

50min |14/08/2024
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50min |14/08/2024
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Description

Comme beaucoup, j’ai découvert le travail de Charlotte Abramow avec son projet Maurice, tristesse et rigolade, une série photographique touchante dédiée à son père, victime à ce moment-là d’un cancer et d’un coma. Le projet est en grande partie mis en scène et pourtant, je n’ai rarement été aussi touché par certaines images. Cela se joue sur des détails : un sourire, un regard, une main posée délicatement sur le visage, un nez qui dépasse de la couette du lit. C’est un projet qui change le regard sur la maladie et qui fait du bien. Une façon de faire face, de la douleur à la résilience artistique. De ce fait, je n’étais pas très surpris, en rencontrant Charlotte, de retrouver la même part d’humanité, de sensibilité et d’humour chez elle.


Dans cet épisode, la photographe et vidéaste belge commence par nous raconter ses premiers souvenirs liés à la photographie, influencée par sa mère qui capturait des moments familiaux avec un appareil argentique Nikon. À 13 ans, Charlotte découvre la photographie de manière autodidacte, capturant des images simples sur son Skyblog. C'est en découvrant les œuvres de Paolo Roversi qu'elle ressent un véritable électrochoc artistique, qui la pousse à explorer plus profondément ce médium. Son parcours la mène à l'école des Gobelins à Paris, où elle affine ses compétences techniques et développe son style singulier.


Charlotte nous parle également de ses collaborations avec la chanteuse Angèle, des premières images jusqu'à la réalisation de clips. Charlotte explique comment elle a abordé la vidéo, un médium nouveau pour elle, en s'inspirant de sa manière de photographier. Cette transition vers la vidéo a élargi son champ d'expression artistique, lui permettant de raconter des histoires de manière encore plus immersive.


Enfin, l’artiste aborde des sujets plus larges tels que l'importance de la couleur dans son travail, son rapport au corps et à la féminité, ainsi que son engagement pour une représentation diversifiée et inclusive. Elle évoque également ses projets éducatifs, comme le manuel Sex Education avec Netflix, qui visent à transmettre des notions essentielles de respect et de consentement à travers l'image.


Cet épisode est une plongée captivante dans le parcours et les inspirations de Charlotte, une artiste qui photographie avec le cœur et qui transforme la réalité en poésie visuelle.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production à L'Oyau Studio. Vous écoutez Vidion, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, qui est une plateforme en ligne qui propose le moyen le plus simple sûr et responsable d'acquérir, de revendre ou d'échanger du matériel photo ou vidéo d'occasion.

  • Speaker #1

    J'ai choisi une photographie qui représente mon père. C'est une photo qui a été faite en studio, mais un décor qu'on a construit et qui présente comme une pièce, comme une chambre. où le papier peint est fait de nuages, comme si on était au milieu du ciel. Et on voit mon père, du coup, debout sur ce lit. Il a comme une cape de roi avec la couette du lit et il a une couronne. Il est comme le petit prince, en fait, au milieu du lit, debout. Et il y a un faisceau de lumière qui l'éclaire comme une porte entreouverte, comme la chambre des enfants un peu la nuit. Et il y a des ampoules qui circulent, je dirais, sur la couette et qui représentent un peu comme... ses connexions neuronales, ses souvenirs, ses pensées, ce qui s'éclaire encore en lui. C'est une photo que j'ai faite dans le cadre d'un projet que j'ai fait sur lui parce qu'il a été malade et qu'il a traversé un cancer, un coma. Et c'était un peu sur sa reconstruction. Donc c'est une photo qui est d'ailleurs la couverture du livre et qui est assez symbolique de plein de choses. Je m'appelle Charlotte Abramoff, j'ai 30 ans, je suis belge et je suis photographe. J'ai commencé la photo quand j'avais 13 ans. Je suis née donc en Belgique. J'ai vécu quand j'étais petite à Béli-Lanmère de mes 8 à mes 13 ans. Je pense que ça a été super important pour moi parce que c'est un endroit magnifique, plein de couleurs, de lumières, même les petites maisons, toutes les couleurs qu'il y a. En fait, je me suis rendu compte que ça avait beaucoup, à mon avis, infusé en moi quelque part. Après, je suis rentrée à Bruxelles pour mon adolescence. J'ai fait un bac S au lycée. J'avais déjà commencé la photo pendant que j'étais au collège. Mais voilà, il fallait terminer le lycée. Et après, j'ai fait deux ans de Gobelin. Donc je suis partie à Paris pour faire l'école des Gobelins. Et j'ai été diplômée en 2015. C'est vrai que dès le lycée, je pensais déjà à comment j'allais pouvoir faire de la photo au plus vite. Mais voilà, je voulais terminer le lycée général. Et en allant aux rencontres d'Arles quand j'avais 16 ans, c'est vrai que je suis tombée au détour d'un stand qui présentait l'école des Gobelins. Et ça m'a plu ce côté un peu terre à terre, un peu, oui, en effet, assez technique. Moi, je ressentais vraiment ce besoin où je ne connaissais rien, ni la retouche, ni les lumières artificielles, ni le studio. Et je sentais que ça bloquait un peu ma créativité. Et là, je sentais que ça pouvait être un chouette terrain de jeu pour apprendre tout ça. Et donc, c'est vrai que je me suis lancée dans le choix de cette école de manière assez instinctive. Les premiers souvenirs que j'ai qui sont liés à la photographie, c'est plutôt des souvenirs familiaux. Parce que ma maman, elle faisait beaucoup de photos de famille avec un argentique Nikon. Et donc, c'est un objet qui m'était assez familier. Même parfois, je le prenais pour faire une photo d'eux ou quoi. D'ailleurs, dans l'album de famille, d'un coup, tu vois une photo complètement décadrée avec l'appareil photo trop lourd pour l'enfant. Et même, il m'avait offert un petit appareil photo jetable pour un voyage scolaire, genre quand j'avais 7 ans. Et donc, il y avait ce truc un peu de capturer des souvenirs et d'un côté un peu jeu aussi. Enfin voilà, dans un appareil photo, il y a comme un rectangle. Donc quand on est un enfant, il y a un truc un peu ludique aussi. Et donc ça, c'était mes premiers contacts avec la photographie. Et après, c'était plus en grandissant. Au final, vers mes 13 ans, je crois que c'était par ennui. En fait, j'ai découvert... Les photos de Paolo Roversi, ça a été un peu une espèce d'électrochoc, de me dire waouh, c'est trop beau Et voilà, en parallèle, j'ai commencé à faire des petites photos très basiques, à l'époque Skyblog, des pattes de mon chat, des fleurs, des canettes de Red Bull, des converses. Et ça a commencé comme ça, puis après c'était les autoportraits, des portraits de mes amis et tout, et voilà quoi. Je me souviens évidemment de son portrait emblématique de Natalia Vodianova, pour lequel il est extrêmement connu, qui est d'une simplicité incroyable, mais qui est magnétique. Et c'est vrai que de reverser ce que je trouvais qui ressortait très fort par rapport à plein d'autres photographes de mode, c'est qu'il y avait une poésie, une espèce de mystère, quelque chose d'assez pur. On n'était pas dans justement une érotisation ou une objectification totale de la femme. Il y avait quand même... une aura, une certaine liberté, et voilà, pas un regard trop sexualisant ou trop séducteur, etc. Et voilà, quelque chose d'assez fragile et d'assez sincère, je trouvais. Et aussi, voilà, une certaine... Ouais, une vraie poésie dans son travail aussi du studio, qui est comme un petit théâtre, qui ouvre la porte sur le rêve, sur l'imaginaire. Donc voilà, j'étais complètement embarquée dans ça. Après, j'aimais beaucoup aussi les photos genre de Tim Walker et de photographes de mode assez emblématiques. Et je pense que c'est en étant au final une jeune fille, et via aussi parfois des magazines de mode ou quoi, que j'étais happée au final par cet amour de l'imaginaire qui est arrivé avec la photographie de mode. Vu que j'ai commencé la photo vers mes 13 ans et que c'est devenu une passion et une obsession immédiatement, mes parents qui sont médecins, ils m'ont toujours emmenée à des expos, etc. Ils ne connaissaient pas trop la photo. Mais c'est vrai qu'il m'avait pas mal initiée à l'expression artistique de manière générale. Et il s'avère que la photo, il ne connaissait pas. Donc ils se sont dit, allons voir ce festival de photos, les rencontres d'art. Et il s'avère qu'il y avait justement un stage qui était proposé avec Paolo Roversi, qui était juste une journée. Et à l'époque, j'étais mineure, j'avais donc 16 ans. Et je ne pouvais pas normalement intégrer le stage. Et ma mère l'a trop forcé en envoyant un mail en disant vraiment, chère, t'es très motivée, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut faire une exception ? Et finalement, je crois que Paolo et l'organisation des rencontres ont dit oui. Et donc, je me souviens de cette journée où c'était un des plus beaux jours de ma vie. J'étais trop heureuse. En plus, Paolo, il était vraiment hyper gentil, sincèrement gentil, disponible, généreux. Donc moi, ça m'a mis des étoiles dans les yeux. On avait pu lui poser plein de questions. On était genre une quinzaine et j'étais la plus jeune du coup. Et l'après-midi, on pouvait lui montrer notre portfolio et tout. Et j'étais tellement, je pense que j'étais tellement dans les étoiles que même à midi, je me suis dit, vas-y, ça se trouve, c'est la première et la dernière fois. de ta vie que tu le vois, propose-lui d'aller déjeuner. Donc je suis allée déjeuner avec lui, le pauvre, et je pense qu'il a dit oui par gentillesse. Mais en vrai, après coup, je me dis, waouh, Charles, t'es trop culotté. Donc on a déjeuné avec mon père et Paolo. Absurde, enfin, incroyable. Et il était trop gentil. Après, il m'a laissé sa carte. Et ce qui est fou, c'est qu'il m'a fait un peu une surprise. C'est que l'année d'après, j'étais revenue aux rencontres et il y avait Polka Magazine qui avait fait un petit sujet sur moi parce qu'il y avait un peu un côté étonnant à une... une fille qui est aussi jeune. Ce qui avait impressionné, c'était plus que j'avais beaucoup de photos. Je m'étais ramenée avec un livre blurb que j'avais imprimé. Et donc, j'avais quand même beaucoup de photos pour mon jeune âge. Et du coup, en fait, Polka avait aussi interviewé Paolo Roversi sur moi, sur mes photos, alors que j'avais 17 ans. Et c'était incroyable comme reconnaissance, comme signe de confiance. Et allez, vas-y, lance-toi. En tout cas, vraiment, ça m'a donné des ailes. Je me souviens de quelque chose d'assez fort, mais ça qui fait, je pense, à tous ces workshops, c'est qu'au début, il a une espèce de paperboard, et paperboard, l'accent belge revient, et en gros, il dessine un appareil photo, et je ne vais pas faire l'accent italien, mais il dit qu'est-ce qu'il faut pour faire une photo ? Et donc, tout le monde dit une pellicule, donc on met une pellicule, il met une petite flèche, on va avoir un appareil photo. Après, il dit qu'est-ce qu'il faut d'autre ? Et alors, tout le monde dit des yeux, de la lumière, patati, patata, un sujet, machin. Il dit non, non, non, et puis là, il dessine un cœur. il dit pour faire une bonne photo il faut mettre son coeur dedans il faut mettre de l'amour dedans et je lui ai rajouté la motte waouh c'est trop vrai et au final c'est un peu ce qui guide aussi mes projets jusqu'à maintenant et en plus c'était trop touchant parce qu'il s'avère que 7 ans plus tard, je sais plus quelle année ça nous mène je crois 2018 ou quelque chose comme ça Paul K me contacte parce qu'ils vont faire un sujet sur l'atelier de Paul Orversi et du coup il me propose de faire les photos et donc je vais dans son studio le prendre en photo chez lui et tout et moi j'étais en plus à la fois hyper émue, à la fois un peu intimidée, parce que voilà, c'est quand même le type qui m'a donné envie de faire la photo. Et je me souviens, sur le pas de la porte, au moment où on part avec mon assistant, ça, il avait été adorable et tout, et puis il dit à mon assistant, tu as de la chance de travailler avec Charlotte parce que Charlotte, elle photographie avec le cœur. Et là, j'étais là genre, incroyable. Au début de ma photographie, je faisais plutôt des photos de mes amis en décor naturel, que ce soit intérieur, extérieur, dans les champs, là où j'habitais en Belgique en fait, et du coup en lumière naturelle et tout ça. Il y avait quand même déjà cette notion de storytelling, de mise en scène, d'envie de raconter diverses personnalités, des choses comme ça. Mais en fait, en allant au Groubelin, j'ai un peu découvert complètement le studio et un peu ce qu'est la... page blanche du studio et en fait étrangement ça m'a vachement inspirée alors qu'au début j'avais l'impression que ça allait pas être pour moi mais cette idée de composer un peu comme un tableau en fait parce que du coup je me suis rendu compte que au final je pense que j'aurais pu être peintre mais c'est juste que j'avais pas du tout ni la patience ni les skills ni le talent et que la photographie c'était beaucoup plus immédiat beaucoup plus facile puis il y avait quand même un rapport au réel et à l'autre qui est intéressant que t'as pas forcément dans la peinture et donc cette idée de studio elle arrivait vraiment comme la page blanche... Et au fur et à mesure, je me suis rendue compte que j'aimais bien le travail de la composition, évoquer aussi parfois des figures ou des poses de l'histoire de l'art que parfois les gens connaissent dans l'art conscient collectif, de jouer avec les couleurs. Et au final, au fur et à mesure de me dire Ah, j'aime bien les codes de la photographie de mode et de la publicité. Et qu'est-ce que la photo esthétique, comme ça, me permet de mettre en lumière comme sujet ? Donc comment on lit le fond et la forme. Et voilà, dans cette esthétique assez épurée, assez minimaliste, avec une touche en effet d'humour ou d'absurde décalage qui crée un peu un questionnement ou quelque chose d'un peu inattendu ou de poétique. Et donc voilà, c'était un peu ce travail de se dire ok, ça c'est mes influences ou ce sont mes idées et comment j'arrive à traduire visuellement des choses comme ça et les mettre en image pour qu'elles soient assez lisibles en fait. Il y a un mélange de choses dans mon travail, dans le sens où il y a des images qui sont plus spontanées, qui vont plus arriver lors d'expérimentations, mais qui étaient aussi d'ailleurs plus dans un cadre où j'avais un studio qui me permettait d'expérimenter. Ou même quand j'étais au Gobelin, tout simplement, je pensais à une photo qui s'appelle Équilibre instable qui est à la base un sujet de Gobelin, qui est le fameux poirier où la fille a la jupe à l'envers sur un fond jaune. Ça, c'était des expérimentations. J'avais l'idée en amont, mais c'était un peu aussi... ou je pense au travail de body painting ou quoi, où d'un coup, c'est plus dans l'illusion d'optique que va avoir un certain angle, une certaine composition que se crée quelque chose d'intriguant. Alors que dans beaucoup de mon travail, je vais en effet réfléchir en amont, à me dire comment je peux traduire visuellement des idées, qu'est-ce que je peux exprimer dans le décor, dans le stylisme, dans les objets, comme par exemple dans le travail sur mon père, ou je pense à un portrait que j'avais fait de Rocaille à Diallo. où il y avait des oreilles en plâtre, il y avait aussi un micro de radio. Et voilà, ça évoquait le fait qu'elle posait sur la table des sujets auxquels on est parfois volontairement sourds, ou qu'on ne veut pas l'écouter. Et donc, à chaque fois, j'essaye de me dire, aussi inspirée du coup par le surréalisme, et par l'intérêt des objets, et par ce que les objets racontent de nous, ou peuvent symboliser, c'est toujours intéressant, parce que jouer avec les symboliques dans une image, fait qu'on peut arriver à transmettre un certain message. Donc c'est vrai qu'en amont, parfois je fais même des croquis, je réfléchis à mes éléments et à comment les associer esthétiquement. Et donc après, parfois, il peut y avoir des surprises le jour J. Mais en général, c'est vrai que j'ai un travail assez préparé. Et après, c'est toujours, tu vois, il faut toujours jouer avec la nuance et ne pas s'enfermer dans une méthodologie qui serait, à fortiori, dans les nuls, qui serait, c'est les inconnus, c'est les nuls, c'est les inconnus, je ne sais plus, c'est les inconnus. qui serait a fortiori un petit peu enfermante. La couleur, en vrai, c'est quelque chose de très vital. Je ne sais pas comment expliquer, mais même dans la vie, tout simplement, au-delà de mon travail, la couleur, ça va vraiment m'apporter de la joie, du plaisir. Je pense que ça déclenche des endorphines chez moi. Parce que même, je peux me balader dans la rue et je ne sais pas, un bouquet de... Je vois d'un coup une plante ou un bouquet de fleurs fuchsia et je suis en mode, waouh, c'est trop beau. Les couleurs, vraiment, je trouve ça incroyable. Et je pense qu'il doit y avoir aussi, comme je disais tout à l'heure, peut-être le rapport aussi à Belle-Île où j'ai grandi, où il y avait des couleurs, je me souviens évidemment du bleu de la mer, du ciel, du vert des falaises, du jaune du mimosa, du rose de certains volets de maison. Du coup, je pense que ça m'a un peu marquée. Puis les couleurs, c'est la vie, c'est la lumière, c'est le soleil, c'est la nature, c'est plein de belles choses, c'est les fruits, les légumes. Puis en vrai aussi, je pense qu'il y a un rapport à l'enfance. Quand on est enfant, on a beaucoup plus de couleurs dans notre vie, que ce soit dans les vêtements, les jouets, tout est hyper coloré. Puis après, on arrive dans le monde d'adultes, gris et triste. Et voilà, souvent les gens... Je me souviens parce que parfois, je vais au parc, pas loin de chez moi, regarder les enfants, c'est extrêmement bizarre à chaque fois que je dis ça, parce que je trouve qu'on n'est jamais en contact avec les enfants. Donc parfois, je vais au parc, bah ouais, regarder les enfants. Et je crois qu'on m'avait dit, il y a un enfant qui est venu me voir, il me dit Ah, est-ce que t'es habillée pour Carnaval ? Et genre, pas du tout en fait, je suis juste habillée tous les jours avec plein de couleurs. Mais ouais, je pense que c'est trop beau la couleur, c'est hyper vivifiant. Puis même, ça a des vrais pouvoirs qui sont, comment dire, prouvés. Enfin, je sais qu'il y a une prison à Lausanne, d'ailleurs il y a une photographe, dont j'ai oublié le nom malheureusement, mais qui a fait un travail très chouette là-dessus. Il y a une prison avec des murs roses clairs, et ça a prouvé que ça apaisait les détenus. Et puis aussi, je trouve que la couleur, c'est aussi une manière de communiquer. Ça aussi, pareil, il est symbolique du sens, des émotions. Donc, oui, c'est vrai que j'adore travailler avec la couleur. J'aime très fort certaines couleurs qui reviennent tout le temps. Le jaune un peu poussin. Je n'aime pas quand il y a trop de vert dans le jaune, des détails comme ça. Le rose pastel, le bleu ciel, le bleu clin. Même le vert, j'adore. J'adore le vert qui soit un peu olive ou qui soit... Plus forêt. Franchement, ça tourne beaucoup autour de ces couleurs qui, en vrai, comme je disais, ont fait vraiment partie du lieu où j'ai vécu, je pense. Et qui me ramènent de la joie, du réconfort. C'est un projet que j'ai fait sur mon père qui s'appelle... projet Maurice et qui a pris la forme d'un livre qui s'appelle Maurice, tristesse et rigolade. C'est un projet que j'ai commencé en 2011 quand j'avais 17 ans. Il faut savoir que dans ma vie personnelle à cet âge-là, j'avais un papa qui avait 79 ans, qui pourtant allait très très bien, sauf que il a eu un cancer et que ce cancer n'a pas duré très très longtemps, mais suite à une opération, il a eu des complications, du coup choc. pulmonaire, crise cardiaque. Il a été mis dans un coma artificiel pendant un mois et demi et quand il est ressorti de ce coma, il n'avait plus de tumeur, mais il avait son cerveau abîmé par des séquelles neurologiques définitives. Donc c'était très difficile, déstabilisant, remuant. Il faut savoir qu'à ce moment-là, je n'étais pas du tout dans l'optique de faire un projet. On était plutôt dans la survie et dans savoir comment on va, le big bang dans la famille, dans la vie et tout ça. Mon père est revenu à la maison. Pendant 2-3 ans, il était... Alors, il faut savoir qu'initialement, les médecins étaient plutôt pessimistes. Ils disaient, voilà, il est faible, il ne va pas récupérer, il ne lui reste pas beaucoup de temps et tout. Mais au final, il est revenu à la maison après quand même encore de longs mois d'hospitalisation. Et il est resté très, très affaibli pendant 2-3 ans, complètement dépendant, presque pas possible de communiquer, très prostré dans le vide, le regard ailleurs et tout. Mais en fait, au fur et à mesure, avec beaucoup... beaucoup d'amour, de soins, de temps. Il a commencé à récupérer certaines choses qui étaient complètement dingues pour nous, mais même rien que se lever tout seul de la table de la cuisine à son fauteuil, c'était un exploit. Ou pouvoir manger tout seul, ou des choses comme ça qui paraissent totalement ordinaires, mais qui sont complètement à réapprendre quand on a un proche malade. Et donc, c'est à ce moment-là, au moment où il est allé mieux, que j'ai commencé à vouloir faire un projet. Il faut savoir qu'en parallèle, du coup... Moi j'étais partie faire mon école à Paris en 2013, donc voilà, quand il était tombé la malade, c'était en début 2011. Et en fait, le recul aussi que m'a permis mon départ à Paris sur la situation de ne plus vivre quotidiennement avec m'a permis aussi de regarder la chose différemment. Et puis, la genèse aussi est arrivée. Justement, au Gobelin, on avait un cours de narration visuelle. Et je me souviens qu'il fallait faire une espèce de diaporama, une suite d'images qui racontait quelque chose. Et j'avais fait des photos, en fait, moi, de mon père à la maison, alors que, du coup, très documentaire, très réaliste. Peut-être que je mettais l'appareil photo entre moi et la situation un peu pour me protéger ou pour réaliser tellement c'était surréaliste. Quand ça vous tombe dessus, on a du mal à intégrer que ça arrive. Et donc, j'hésitais à faire ça. Et c'était une intervenante, comment dire, pas régulière, qui venait faire ce travail au Gobelin, qui s'appelait Michelle. Et je lui en parle et tout. Et c'était hyper touchant parce qu'en fait, elle commençait à me dire, après la classe, un peu plus à côté, elle me dit Ah, mais moi, je t'encourage vraiment à faire le travail sur ton père. Parce que moi, je ne sais pas, mais en fait, j'ai le cancer et du coup, je te le dis, fais-le. Donc moi, j'étais toute remue en mode, oh waouh, trop intense. Ça veut dire qu'il y a quand même une certaine nécessité à peut-être développer ça. Alors que comme je te disais, vraiment, c'était tout à fait embryonnaire. C'était des photos dont je ne pensais jamais rien faire et tout. Et donc, ce mélange de ça, de mon père va mieux. Je me suis dit, je vais commencer à le prendre beaucoup plus en photo et me dire que je vais en faire quelque chose. Donc à chaque fois que je retournais le voir en Belgique, je le prenais en photo, juste moi et mon boîtier. Puis c'était chouette parce que vu qu'il n'était pas toujours à même de communiquer, l'appareil photo d'un coup, ça amenait un jeu, ça amenait un lien. Il réagissait et tout et il prenait vraiment plaisir à ça. Et en fait, au fur et à mesure, oui voilà, c'est ça. Un jour, il est venu à Paris pour ma remise de diplôme, c'est ça, des Gobelins. Et j'en ai profité en fait parce que j'avais des amis qui avaient un petit studio. Et je me suis dit, qu'est-ce que ça donne ? Je ne l'ai jamais emmené en studio. Enfin, je le photographiais à la maison, tranquille et tout, mais... Qu'est-ce que ça donne ? Comment il réagit si je la met dans un studio avec des flashs et tout ? C'est un peu qui tout double quoi. Soit il est profité et ça le paralyse et tout, ou au contraire ça le stimule et ça lui fait entrer dans une certaine joie et dans un jeu. Et donc très fort heureusement ça a été le deuxième cas. Donc il était un peu comme une star de cinéma, il changeait de pose à chaque clic et tout, et c'était trop chouette. Et c'est vraiment ce jour-là où je me suis dit En fait il faut que je fasse un projet en deux parties. Une partie documentaire, du coup, où on retrouve toute cette traversée entre l'annonce de sa maladie, le fait qu'il tombe dans le gouffre du coma, puis comment il se reconstruit derrière, comment on adapte une vie autour de quelqu'un de malade et de vieux. Et après, je me suis dit, je veux faire aussi une partie mise en scène où d'un coup, je raconte comme un conte visuel et météphorique ces différentes étapes qu'il a traversées, en commençant par le coma. Et donc, j'ai fait tout un travail où j'avais fait des croquis, d'ailleurs. de décors, de costumes, d'accessoires qui racontent tout ça. Je pense à un tableau, par exemple, qui voulait raconter le fait qu'il avait perdu ses notions spatio-temporelles. Donc j'avais fait un tableau tout en rouge qui s'appelait Des orientations où le sol et les murs avaient la même couleur. Il y avait un escalier calé dans le mur qui était une référence à Magritte qui brouillait complètement les perspectives de direction. Il y avait des horloges sans aiguilles qui faisaient référence à une scène de film Ingmar Bergman, qui s'appelle Les Fraises Sauvages. Et il avait, mon père, il avait un costume aussi tout en rouge, avec des très longues manches, qui montrait un peu son incapacité à faire les choses par lui-même. Et donc, voilà, j'avais ce travail documentaire, ce travail mise en scène. Sauf que la mise en scène, ça coûtait bonbon, en fait, de faire de faire tous ces constructions, trouver les costumes, construire ou les louer, etc. Et donc, j'ai voulu faire un Kickstarter, c'était en 2016. Et en fait, quand j'y pense, c'est assez fou parce que je me souviens, la veille que je mette le Kickstarter en ligne, j'étais un peu prise de panique. Alors que j'avais tout préparé, j'avais fait la vidéo, j'avais scanné les croquis, tout expliqué, où va l'argent, qu'est-ce que je vais faire exactement, etc. J'étais vraiment hyper déterminée. Et la veille, je me suis dit non, mais je vais afficher ma vie, trop bizarre, qu'est-ce que je suis en train de faire, c'est n'importe quoi. Puis heureusement, j'ai eu un élan où je me suis dit, est-ce que tu as juste peur du regard des autres et du coup, tu ne vas pas faire ton projet ? où est-ce que tu t'en fiches et tout ce qui compte c'est faire le projet avec ton père. Heureusement, j'ai mis en ligne la chose. Et c'est vrai que c'est assez fou parce que j'ai reçu immédiatement une ribambelle de messages d'inconnus, mais qui s'adressaient à moi de manière hyper intime et trop touchante parce qu'un proche, une mère, un père, un grand-père, un ami traversaient ça. Donc d'un coup, c'était assez intéressant parce que moi je m'étais sentie très seule pendant toute la maladie de mon père. J'avais fait ce projet un peu par survie, par résilience, sûrement par besoin de transformer ça. Et c'est vrai qu'on dit souvent qu'il faut le vivre pour le comprendre. Et d'un coup, c'est vrai que tu te rends compte que plein de gens vivent ça, c'est juste que personne n'en parle. Et donc c'est trop con, on est tous tout seuls dans notre merdier, alors qu'on pourrait quelque part collectivement se soutenir, ou en tout cas savoir que certaines personnes traversent ça. Et donc c'était un vrai plaisir de me rendre compte que mon livre, il a peut-être permis à des gens d'avoir de l'espoir ou de traverser ça. Et c'est vrai que moi-même, la photographie, ça a été totalement thérapeutique sur cette expérience de ma vie, puisque ça m'a changé mon regard. Au début, j'étais un peu à subir le fait que mon père n'allait plus jamais être comme avant, à être dans la frustration et tout. Et avec la photographie, je me suis mise à l'apprivoiser, à l'observer, à l'admirer, à me dire que c'était comme une poésie et que j'allais un peu... rendre hommage à cette poésie. Et donc, de là est né ce projet et cette envie de créer comme un conte autour de thématiques qui sont plutôt normalement effrayantes, la maladie, le coma, la vieillesse, les séquelles, la dépendance, et qui pourtant vont faire normalement plus ou moins partie de notre vie, à un moment donné ou à un autre, selon les vies. Donc voilà, et maintenant l'idée c'est que je transforme ce livre en une exposition, j'espère pour 2024-2025, alors je pense que 2024 c'est un petit peu serré, mais on va quand même se remettre la rate au courbouillon comme on dit, les inconnus ne sont pas loin non plus. Et l'idée c'est de rééditer le livre au moment de cette exposition. Ce qui était hyper particulier, c'est que mon père est décédé deux mois avant la sortie du livre. Littéralement dix jours après sa mort, j'étais à l'imprimerie. Mais bizarrement, d'avoir ce livre qui sort, ça m'a hyper fort aidée à ce moment-là. Et en parallèle, il a été en rupture de stock hyper vite. C'était un projet qui m'a mis sept ans de ma vie. J'avais 24 ans à l'époque, donc sept ans sur 24 ans, c'est quand même long. C'est quand même une grosse partie de la vie. J'y ai mis vraiment tout l'amour possible et imaginable. C'est clairement mon projet le plus important, le plus abouti. Et au final, il est un peu impalpable maintenant, mais je compte m'y remettre dessus, parce que c'est vrai qu'il y avait des raisons un peu personnelles, un peu difficiles forcément de revenir là-dedans. Mais je me suis rendue compte que, même si pour moi c'était mon passé, c'était quand même le présent de plein de gens, et que donc, encore une fois, par collectivité, il y avait peut-être... Et puis aussi par envie que le souvenir de mon père perdure, et qu'il reste dans les mémoires, même si ça fait maintenant six ans qu'il est parti. C'est juste que c'est vrai que c'est un sujet tellement personnel que forcément je le porte de manière différente au cours de ma vie, mais je veux continuer de le porter en tout cas. Il faut savoir qu'Angèle et moi, on est belges, on vient de Bruxelles, et on se connaissait de loin, de vue, on ne s'était jamais rencontrées, mais je savais qu'elle avait une très chouette tête, je ne savais pas qu'elle chantait à l'époque. Et en fait, je suis tombée sur son Instagram par hasard en 2016, là où j'ai découvert qu'elle faisait des petites capsules où elle se mettait en scène pour chanter. Donc déjà, un, je découvre qu'elle chante bien, deux, je découvre qu'elle est drôle et qu'elle a une façon de se mettre en scène que je trouve originale et qui sort du lot. Et du coup, je la suis. Elle est trop mignonne à l'époque, je crois qu'elle avait 2000 abonnés. Mais je ne sais pas si on peut encore retrouver ses petites vidéos, mais elle, c'était vraiment chouette. Et du coup, le lendemain, c'est sa manageuse qui me contacte et qui me dit Oui, on va commencer à faire des petits concerts dans des bars, on n'a rien, on n'a pas d'image. Est-ce que tu es d'accord de nous faire des premières images ? Donc on fait ces premières images, je crois que c'était les premiers jours de janvier 2017. On fait ces images où elle a les spaghettis sur la tête avec son ciré jaune. Et ça marche bien, on trouve ça chouette, le contact est fluide et tout. Et du coup, on embraye assez rapidement sur d'autres photos. Puis l'idée de faire des clips, même si je n'avais jamais fait de clip, il y avait un peu cette idée de se dire, c'est logique que Charlotte le fasse. J'avais driveé un peu l'image et du coup, il y avait une espèce de fluidité qui était assez chouette. Et puis, il n'y avait pas du tout de label en question. En fait, on était très libre. Alors évidemment, c'était le tout début du projet, donc il n'y avait pas de budget, mais on a quand même réussi à faire avec ce qu'on avait. Et c'était trop chouette. Je me souviens, La loi de Murphy, je ne m'attendais pas. J'étais surprise de comment ça a marché. Même la fusion musique-image. Et d'ailleurs, moi, je préférais à la base la chanson Je veux tes yeux. La loi de Murphy, je n'étais pas forcément hyper fan de la chanson. Mais en fait, en faisant le clip, je me suis mise à aimer la chanson. Et voilà quoi.

  • Speaker #0

    Le passage à la vidéo, j'y ai toujours pensé. Je l'ai toujours un peu redouté aussi, parce qu'il faut savoir que vu que j'ai commencé à la photo à 13-14 ans, j'ai eu le temps d'expérimenter, de faire des trucs ratés, de tester différentes lumières, différents styles de photos, de me faire la main. Alors qu'en vidéo, pas du tout. Je ne sais pas tenir une caméra. Ok, j'ai un sens du cadre et de la mise en scène, mais j'avais peur que d'un coup, la différence d'expérience soit trop forte. où justement que je ne me retrouve pas dans la vidéo. Et au final, j'ai pensé le clip de La loi de Morphique, et donc mon premier clip, vraiment comme une série de photos finalement, parce que vu que dans mon travail photographique, j'ai une manière un peu sérielle de travailler, que l'ordre des images a une importance dans ce que ça raconte. Au final, c'était pareil avec les plans d'un film. C'est juste que j'avais décidé de faire des plans flics pour rappeler justement la photographie, pour avoir du coup une certaine main sur la composition. Et que oui, chaque... capture d'écran en fait aurait pu être une photo ça je trouvais ça chouette aussi puis c'était ma manière à moi d'intégrer cette nouvelle façon de faire ce nouveau médium puisque la différence énorme enfin les différences énormes c'est quand même que l'on passe d'un instant à un moment que donc il n'y a pas du tout la même notion de temps ni même la motion de mouvement c'est pour ça qu'au début tout est assez fixe dans ce que j'ai fait enfin j'ai mis du temps à intégrer la notion de déplacement de la caméra la temporarité du mouvement Et donc j'ai pensé un peu ça comme une succession de plans fixes. Et en fait, j'avais fait le pré-montage en amont dans ma tête et en storyboard, où j'écoutais la musique et je la segmentais en fonction du rythme, par tranche de secondes, enfin de plusieurs secondes. Et je me disais, telle seconde, j'ai envie de telle image, etc. Et c'est comme ça que ça s'est construit au fur et à mesure. Mais c'est vrai qu'au début, j'étais un peu tétanisée à me dire, comment je vais passer à la vidéo ? Et c'est en décortiquant tout ça... Et presque de manière assez scolaire, même mon storyboard fait à la main avec des petites images de Google Images que j'avais imprimées, décopées et collées à la colle. C'était très scolaire, mais au final, ça a marché. Je trouve que déjà, entre la photo et la vidéo, il y a une différence dans ce rapport aux autres. Dans le sens où la photo, concrètement, je peux en faire seule. Par exemple, les photos où j'étais allée revoir mon père en Belgique, je suis seule. Après, la photographie de studio, c'est autre chose. Parce que d'un coup, il y a du matériel, il y a des lumières, il y a quelque chose de plus chargé. Puis il y a aussi le travail d'équipe avec soit le stylisme, le maquillage. Après, moi, ce n'est pas forcément la photographie de mode qui m'intéresse. Mais c'est comment tous ces outils-là peuvent se mettre au service du sens d'une image sans qu'elle soit forcément destinée à vendre. un vêtement quoi et c'est vrai que dans la vidéo tu dépends 100% des autres en fait du régisseur au chef électro au chef opérateur au pointeur enfin tous sont complètement indispensables et c'est hyper fort et beau puis aussi techniquement j'ai pas été formé en fait à manipuler des caméras alors après je suis avec le chef op et on regarde le cadre au millimètre mais c'est vrai que je suis plus dépendante en vidéo aussi le travail de la vidéo ça t'oblige un peu être un chef d'orchestre Et d'ailleurs, que ce soit dans la photo ou la vidéo, le temps m'a appris à déjà savoir, entre guillemets, exactement ce que je veux. Ça, c'est surtout dans la réalisation, parce que chaque seconde de travail est comptée. En fait, le temps sur un tournage, c'est ton plus grand ennemi. Donc, pour optimiser le temps, tu es obligé de savoir exactement ce que tu veux et ta journée est découpée en fonction de ce que tu dois faire. Donc, c'est identifier ce que je veux faire, comment je veux le faire et ensuite savoir le communiquer aux autres. Et puis avec chaque membre d'équipe, qu'est-ce qu'il est capable de proposer ou d'enrichir ou d'apporter à l'image, esthétiquement ou avec du sens. Et après, c'est vrai que la solitude de la photographie, moi c'est vrai que j'ai un petit défaut, c'est que j'ai tendance à être beaucoup trop dans ma tête. Je passe franchement 80% du temps dans ma tête où je peux vraiment fixer une fenêtre pendant des heures. J'ai un truc un peu contemplatif où du coup... Parfois dans des travaux personnels reliés à la photo ou à un travail plus solitaire, je vais parfois plus m'enfoncer dans le doute ou être un peu paralysée sur ça. Là où typiquement sur un travail de clip, on est dans un enjeu où ça dépend aussi d'une deadline qui dépend d'autrui. Je trouve que parfois dans la photo solitaire, il y a un truc où pour ma part, pour mon caractère, tu peux parfois être un peu baignée dans le doute. ou l'incertitude et ça peut parfois jouer des tours. Je mène quand même ma barque. Je ne sais pas si je dirais que je la mène assez seule parce que je suis entourée, mais disons que j'arrive quand même à avoir une certaine indépendance de mes idées, etc. Mais c'est sûr que c'est trop chouette d'avoir un ping-pong, d'avoir aussi un œil extérieur. Après, encore une fois, l'œil extérieur, il peut parfois te replonger dans le doute parce qu'il faut savoir s'écouter, il faut savoir aussi savoir si un sujet revient ou une envie revient régulièrement, d'y croire soi-même, même si souvent d'ailleurs... C'est mes amis qui me disent ça au début, ils me disent Ouais, parfois tu parles d'un projet au début, genre en vrai on comprend rien de ce que tu dis, et après bon bah tu commences à faire le truc et on commence à voir que ça prend forme. Mais c'est vrai qu'au tout début, il n'y a que moi qui vois, et parfois j'ai l'impression que les autres sont dans ma tête et qu'ils voient ce que je raconte, alors que pas forcément. Mais bon, et j'ai l'impression qu'avec le temps, ça devient de plus en plus comme ça, parce que forcément les idées parfois se complexifient ou quoi. Mais ouais, il y a vraiment ce truc de... C'est tout un processus qui en fait met vachement de temps entre... Vivre quelque chose, une expérience, un événement, un truc de l'actualité, l'intégrer, puis après le digérer, et puis le produire en quelque chose d'artistique, ça peut mettre vachement de temps. Je pense que le corps, il est arrivé de manière hyper instinctive, simplement parce que j'ai un corps. Et parce que du coup, j'ai grandi en tant que jeune fille, en tant que jeune femme, en tant que femme. Parce que voilà, ça y est, j'ai 31 ans. Enfin non, pas encore, j'ai 31 ans. Bon ok, je m'écarte totale. Bref, donc tout ça pour dire qu'en vrai, quand t'es une jeune fille, d'ailleurs je pense quand t'es un jeune garçon aussi, tu grandis et tu vois ton corps changer. Mais c'est vrai que pour les meufs, il y a un truc encore qui se cristallise en fait sur... Ta valeur est énormément portée sur ton apparence, sur ton corps, sur si t'es bonne ou pas, sur patati, patata, c'est des grands questionnements avec énormément de complexes et en fait qui viennent complètement te brouiller et te faire perdre du temps concrètement et qui peuvent même parfois t'atteindre sur la construction de soi et les complexes et la confiance etc. Donc je pense qu'il y avait déjà un constat d'une féminité hyper étriquée ou hyper normée. On doit rentrer dans le moule justement de, à l'époque il n'y avait pas trop les réseaux sociaux mais il y avait plutôt les magazines et je sentais une espèce de chose complètement contradictoire entre les représentations que je voyais de jeunes femmes souvent sexualisées, objectifiées, même si ce n'était pas forcément hardcore mais tu sentais toujours le même prisme de séduction, de domination, de regard même si ça pouvait être dans l'admiration ou quoi mais il y avait toujours un prisme sexualisant. Et moi j'avais un peu envie de détourner cette hypersexualisation, d'en rigoler, de la mettre en lumière, de mettre son absurdité en lumière. Et aussi j'avais envie de représenter quelque chose d'un peu plus maladroit, d'un peu plus rigolo, d'un peu plus décomplexé. D'un coup qu'en fait on rigole de nos complexes, ou qu'on rigole avec nos complexes plutôt que de les scruter, de les éliminer. Et donc d'un coup je trouvais de l'intérêt dans les bourrelets, dans les plis, dans la gravité du corps, dans des positions absurdes. je pensais à un projet aussi qui s'appelle Les Enveloppes, que je n'avais jamais publié en entier d'ailleurs, je me rends compte. Ou avec Ophélie Sec, qui est une artiste maquilleuse avec qui je travaillais tout le temps. Elle avait peint tous les corps en blanc au farallot. C'était d'ailleurs inspiré initialement de la série Noudi de Paolo Roversi, qui représentait plein de mannequins nus. Sauf que là, j'avais fait des mannequins qui étaient un petit peu plus variés en termes de corpulence. Et c'est vrai qu'il y avait quelque chose d'hyper beau dans la façon où le corps d'un coup Il était esthétisé non pas par une posture galvanisante ou qui met en valeur ou un peu olympique ou quoi, mais d'un coup par le blanc sur la peau faisait que d'un coup c'était plus ternelle, c'était comme une pâte à pain ou comme une guimauve ou comme quelque chose de gourmand et de onctueux ou comme un nuage. Donc ça changeait ta perception du corps. C'était pas du tout un rapport sexuel, mais beaucoup plus naturaliste du corps, comme si le corps devenait un paysage, quelque chose d'abstrait. C'est vrai que ça c'est quelques images des enveloppes, j'ai pu notamment les intégrer dans le clip que j'ai fait sur les passantes de Georges Brassens, qui était d'ailleurs complètement une carte blanche. Et où pareil, c'était un gros défi ce clip parce que j'avais fait quelques clips d'Angèle. Angèle est une chanteuse pop, des chansons pop ont une structure très particulière avec des couplets, des refrains, un beat, un pont, etc. Là d'un coup j'étais dans un tunnel de 4 minutes 17 avec juste Georges Brassens. Pas de couplet ni de refrain, juste sa diction, une guitare et un violoncelle. Et donc les Passantes, ça a été une carte blanche où j'ai pu finalement... interpréter littéralement ce poème qui était donc d'Antoine Paul de 1911, parce que c'est une des rares chansons que Brassens n'a pas écrite. Et Brassens a mis très longtemps à composer la musique. Donc c'est un texte qu'il a longtemps porté en lui, je pense, et il a composé la musique en 1972, si je ne me trompe pas. Et donc c'était hyper intéressant de le réinterpréter du coup, en fin 2017, début 2018, parce que Me Too venait d'arriver, vraiment un mois avant. Et donc il y avait... Cette volonté d'avoir une carte blanche, donner à une réalisatrice féminine pour apporter son point de vue. Et donc, j'étais face à ce tunnel de guitare et de diction de Brassens. Et ma seule moyen, finalement, de découper mes photographies que j'allais mettre à la suite, comme des vignettes, c'était de découper selon le phrasé de Brassens qui disait parfois les e comme ça, une silhouette fluette, e des choses comme ça. Et à chaque fois, du coup, je découpais les vers. Donc vraiment, j'ai fait... J'ai un peu tronçonné le truc, mais chaque fois, je me dis, qu'est-ce que ce vers m'inspire ? À un moment donné, il dit à la compagne de voyage ça me faisait penser à l'aide-soignante de mon père. Je suis représentée une dame qui accompagne un petit papy à marcher dans un jardin, des choses comme ça. Et donc, j'aime beaucoup ce clip parce qu'au final, il m'a permis d'intégrer à peu près 120-125 vignettes, donc différentes scènes, différentes photographies. Et c'est comme un gros livre photo, au final, animé. Parce que pareil, les plans sont relativement fixes. Parfois, il y a des petites traves lignières avant, mais ça reste assez contemplatif, puis c'est sur un rythme de musique lent. Et donc, c'était important pour moi de pouvoir un peu cristalliser dans ce clip tout un tas de représentations féminines, de corps, de métiers, d'origine. Et c'était assez impressionnant puisque le clip a été censuré le jour même. Et il a été signalé en masse par les utilisateurs de YouTube parce qu'apparemment, c'est extrêmement choquant de voir des femmes qui ne sont pas que jeunes, minces et blanches. Et voilà, c'est extrêmement dur de voir des femmes noires ou des femmes grosses. Waouh, c'est choquant. J'ai fait ce petit manuel Sex Education avec Netflix, qui était pour la promotion de la saison 2 de la série en France. Et ils m'ont simplement dit, ouais, est-ce que tu as une idée pour promouvoir la saison 2 ? Et assez rapidement, m'est venue cette idée de petit manuel. Et ce qui est chouette, c'est que toute seule, je n'aurais pas pu le faire. Je ne l'aurais peut-être pas fait aussi vite avec cet impact de diffusion parce que ce qui était génial, c'est qu'il a été imprimé à 75 000 exemplaires et envoyé gratuitement. Il suffisait simplement qu'on s'inscrive sur un site internet. Il n'y avait même pas de frais de port et c'était envoyé gratuitement chez la personne. Donc je trouvais qu'en termes de pouvoir éducatif, c'était trop chouette. Puis il y avait un peu le côté cool de Netflix. Il y avait l'actrice principale Emma Mackey qui s'était prêtée au jeu, qui était en couverture. Ça parle de sexualité. Évidemment, on s'intéresse. beaucoup de monde, surtout les jeunes, et si ça peut donner des notions importantes de respect, de consentement, de découvert de l'autre, et des notions capitales qui ne sont pas données justement en cours, à l'école ou dans les familles, parce que c'est tabou, etc. Donc j'ai vraiment vu ce projet comme quelque chose d'hyper important, et en plus j'ai pu quand même avoir vachement de liberté dans son élaboration. Donc c'était chouette et ce que j'aimais le plus en fait c'est qu'au final il y avait des gens de tout âge qui le feuilletaient et qui apprenaient des choses. Moi j'ai appris plein de choses en faisant ce manuel et encore une fois je trouve que c'est encore plus gratifiant et intéressant quand un projet permet d'être un support éducatif et que l'image, la direction artistique, le graphisme viennent enrichir et apprendre quelque chose. Ça m'avait trop touchée parce que j'avais fait une exposition à Bruxelles il y a deux ans. Et en fait, il y avait une classe de réto de Crowley, qui est une école à Bruxelles qui est assez spéciale, qui se démarque des autres écoles. En fait, il y a une prof de réto qui a emmené sa classe voir mon expo. Et ils ont tous écrit une lettre après sur ce qu'ils ont ressenti. Et c'était franchement un des plus beaux cadeaux que j'ai reçus. Pareil, ça m'avait... Je me souviens, j'étais... J'étais chez une amie en train de lire ça, dans la cage d'escalier, en train de pleurer en mode waouh, c'est incroyable Parce que même les lettres des garçons me touchaient presque encore plus. Parce que d'un coup, c'était ah, je me rends compte que tous les corps peuvent être beaux On sentait que ça avait peut-être déplacé des choses en eux sur un rapport au corps. Et qu'à 16, 17, 18 ans, c'est tellement important. Parce que beaucoup de parents sont en mode ah non, non, surtout pas, tabou Mais en fait, il faut se rendre compte que même les enfants, les pré-adolescents, les adolescents, ils baignent dans une société hyper sexualisée en permanence. Et que c'est justement en en parlant, et en disant les choses, et en échangeant, et en établissant les mots clairs et les règles de base, qu'on formera une sexualité positive, puisque la sexualité arrivera d'une manière ou d'une autre. Mais il vaut mieux qu'elle soit dans un cadre sécurisé, de respect, plutôt que justement laisser ses enfants dans le gouffre. Et justement, pour moi, l'ignorance, c'est le terreau fertile des violences. Donc c'est en éduquant qu'on aura des meilleures choses, tout simplement. C'est vrai que j'aime beaucoup le travail du portrait et en vrai j'adore autant faire des portraits d'anonymes que des portraits de gens plus connus. Ce qui diffère en général c'est le rapport à l'image évidemment. Mais c'est vrai que j'aime beaucoup le portrait parce que je vois ça un peu comme un échange, puis je vois un peu ça comme... à chaque fois je vais admirer la beauté que je trouve en une personne, encore une fois qu'elle soit anonyme ou pas. Et c'est vrai que dans le cadre d'un travail de commande de presse, il y a certains composants qui font que tu travailles quand même avec des contraintes. C'est intéressant aussi comme façon de faire. Après parfois c'est un petit peu limitant en termes de créativité parce que tu as forcément des enjeux où la personne doit être reconnaissable, fort, assez éclairée, plutôt mise en valeur. Donc on va... pas être sur des photos qui vont révolutionner le portrait ou la représentation, mais parfois je pense à un portrait que j'adore de Annie Ernaux, que j'ai fait chez elle. Par exemple, ça c'était un portrait qui avait lieu dans le cadre d'une commande du Marie-Claire en 2021, sur un projet de huit couvertures sur le 8 mars. Donc j'avais photographié huit femmes différentes, dont Aïssa Maïga, Lucène de Yakuza, il y avait aussi une avocate qui s'appelle Elisa Rojas. Et dans ces diverses femmes-là, il y avait notamment Annie Ernaux. Et en fait, à l'époque, elle n'avait pas voulu aller au studio pour des raisons du Covid. Donc, j'avais exceptionnellement fait son portrait chez elle. Et en fait, c'était un moment magique parce qu'on était chez elle dans le Val d'Oise avec sa maison qui donne justement un vu sur l'Oise et qui a une très, très belle lumière au petit matin d'hiver qu'il y avait. Puis, il y avait une espèce d'apaisement chez elle. Et puis, elle était hyper gentille. Et moi, c'est vrai que c'est une écrivaine qui m'inspire énormément, qui me parle très, très fort. même dans ma vie personnelle et tout, dans sa façon d'écrire. Donc, le portrait qu'on a fait, il avait à la fois cette simplicité, cette pureté. Et je le trouve hyper beau parce qu'il est très simple et qu'elle est très belle dessus. Et je pense aussi à un portrait plus récent que j'ai fait de Amélie Nothomb, aussi pour le Marie-Claire de cette année, cette fois-ci. Et ce qui était génial, c'est que ça, pour le coup, c'est assez rare. de m'amuser avec, m'amuser littéralement vraiment avec les gens que je photographie. Parce que moi j'ai un peu, je pense qu'il me reste pas mal d'une âme d'enfant, et c'est pas forcément le cas de tout le monde, encore moins des stars ou qui ont un rapport plus compliqué à leur image, ou plus travaillé, etc. Mais avec Amélie Nothomb, on s'est amusé comme des gamines, avec un grand ballon rouge, et on rigolait, et on s'amusait, puis elle, elle se prêtait vachement au jeu, c'est quelqu'un d'assez théâtral. Et elle n'a pas peur du ridicule non plus. Et puis, je pense que c'est le côté belge aussi qu'on a en commun. Mais c'est vrai qu'au final, ce que j'aime bien avec le portrait de presse, c'est que ça donne lieu à des rencontres, parfois avec des artistes que j'admire, comme Annie Ernaux. Et ça crée des moments intéressants de créativité, parfois quand le cadre nous le permet. Et j'aime bien cette petite collection de portraits qui s'étend au fur et à mesure. C'est vrai que je me suis rendue compte avec le temps que j'ai travaillé rarement finalement l'image seule, dans le sens où souvent elle est associée à du texte ou à des mots, ou parfois même plus récemment je me suis amusée à retravailler certains tirages, à leur rapporter des choses par-dessus de manière un peu mixed-media. Par exemple j'avais brodé, enfin pas moi-même mais j'avais travaillé avec un atelier de broderie, qui avait travaillé des abeilles brodées sur des tirages pour un projet sur l'apiculture. Donc je pense qu'il y a cette voie-là de comment utiliser la photographie parmi d'autres médiums pour raconter un sujet. Et après, c'est vrai qu'il y a la voie de la réalisation qui m'inspire aussi, même si mon amour pour la photo restera toujours le premier. Je suis une amatrice de photographie, mais vraiment mille fois plus que cinéphile, par exemple. L'image fixe, c'est vraiment une passion de contemplation. Mais c'est vrai que je trouve que... La vidéo peut apporter une espèce de cumul d'émotions hyper forte, même dans la communication ou la transmission d'émotions. Donc je continue de réfléchir mes projets dans ces deux catégories et de voir comment je vais réussir à enrichir au fur et à mesure ma pratique. Si je devais retourner en arrière et me revoir à 16 ans, alors par rapport à l'invitation de reverser au déjeuner, je lui dirais calme-toi ma grande et réapprends un petit peu la politesse. Mais en même temps, je ne regrette pas. Et en vrai, je n'ai pas trop de regrets parce que j'avais quand même une forme de détermination, d'ailleurs, que je trouve assez impressionnante. Enfin, limite, j'étais plus déterminée que maintenant. Aujourd'hui, parfois, il y a plus le doute qui prend en place. Mais ça, je pense que c'est plus par rapport au monde de manière générale, du fait de devenir adulte. Dans la jeunesse, parfois il y a un peu de folie, un peu d'impression que tu vas pouvoir gravir des montagnes. Mais de manière générale, ce que je conseille aux jeunes photographes, c'est d'être patient, de ne pas lâcher, de continuer de travailler. Et aussi, je pense qu'à la différence de moi qui avait 16 ans en 2010, c'est que je pense qu'aujourd'hui, les gens ne sont peut-être pas du tout patients parce que les réseaux sociaux, parce que l'immédiateté, parce que poster, est-ce que ma photo va être likée, repartagée ? Du coup, je pense qu'il y a un thermomètre qui n'est pas du tout le bon aujourd'hui parce qu'il est vachement biaisé par l'immédiateté des réseaux sociaux et par peut-être un sentiment d'échec qui peut arriver très vite. Alors qu'en fait, il faut se laisser le temps. Encore une fois, moi, j'ai commencé à bidouer des photos à 13 ans et je pense que mon univers a dû commencer à se constituer que 10 ans plus tard. C'est vraiment prendre le temps, faire ce qu'on aime et réfléchir à ce qui nous amuse, ce qui nous passionne et ce qu'on a envie de raconter en images. et se donner du temps pour le faire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. À très vite pour parler de photographie.

Description

Comme beaucoup, j’ai découvert le travail de Charlotte Abramow avec son projet Maurice, tristesse et rigolade, une série photographique touchante dédiée à son père, victime à ce moment-là d’un cancer et d’un coma. Le projet est en grande partie mis en scène et pourtant, je n’ai rarement été aussi touché par certaines images. Cela se joue sur des détails : un sourire, un regard, une main posée délicatement sur le visage, un nez qui dépasse de la couette du lit. C’est un projet qui change le regard sur la maladie et qui fait du bien. Une façon de faire face, de la douleur à la résilience artistique. De ce fait, je n’étais pas très surpris, en rencontrant Charlotte, de retrouver la même part d’humanité, de sensibilité et d’humour chez elle.


Dans cet épisode, la photographe et vidéaste belge commence par nous raconter ses premiers souvenirs liés à la photographie, influencée par sa mère qui capturait des moments familiaux avec un appareil argentique Nikon. À 13 ans, Charlotte découvre la photographie de manière autodidacte, capturant des images simples sur son Skyblog. C'est en découvrant les œuvres de Paolo Roversi qu'elle ressent un véritable électrochoc artistique, qui la pousse à explorer plus profondément ce médium. Son parcours la mène à l'école des Gobelins à Paris, où elle affine ses compétences techniques et développe son style singulier.


Charlotte nous parle également de ses collaborations avec la chanteuse Angèle, des premières images jusqu'à la réalisation de clips. Charlotte explique comment elle a abordé la vidéo, un médium nouveau pour elle, en s'inspirant de sa manière de photographier. Cette transition vers la vidéo a élargi son champ d'expression artistique, lui permettant de raconter des histoires de manière encore plus immersive.


Enfin, l’artiste aborde des sujets plus larges tels que l'importance de la couleur dans son travail, son rapport au corps et à la féminité, ainsi que son engagement pour une représentation diversifiée et inclusive. Elle évoque également ses projets éducatifs, comme le manuel Sex Education avec Netflix, qui visent à transmettre des notions essentielles de respect et de consentement à travers l'image.


Cet épisode est une plongée captivante dans le parcours et les inspirations de Charlotte, une artiste qui photographie avec le cœur et qui transforme la réalité en poésie visuelle.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production à L'Oyau Studio. Vous écoutez Vidion, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, qui est une plateforme en ligne qui propose le moyen le plus simple sûr et responsable d'acquérir, de revendre ou d'échanger du matériel photo ou vidéo d'occasion.

  • Speaker #1

    J'ai choisi une photographie qui représente mon père. C'est une photo qui a été faite en studio, mais un décor qu'on a construit et qui présente comme une pièce, comme une chambre. où le papier peint est fait de nuages, comme si on était au milieu du ciel. Et on voit mon père, du coup, debout sur ce lit. Il a comme une cape de roi avec la couette du lit et il a une couronne. Il est comme le petit prince, en fait, au milieu du lit, debout. Et il y a un faisceau de lumière qui l'éclaire comme une porte entreouverte, comme la chambre des enfants un peu la nuit. Et il y a des ampoules qui circulent, je dirais, sur la couette et qui représentent un peu comme... ses connexions neuronales, ses souvenirs, ses pensées, ce qui s'éclaire encore en lui. C'est une photo que j'ai faite dans le cadre d'un projet que j'ai fait sur lui parce qu'il a été malade et qu'il a traversé un cancer, un coma. Et c'était un peu sur sa reconstruction. Donc c'est une photo qui est d'ailleurs la couverture du livre et qui est assez symbolique de plein de choses. Je m'appelle Charlotte Abramoff, j'ai 30 ans, je suis belge et je suis photographe. J'ai commencé la photo quand j'avais 13 ans. Je suis née donc en Belgique. J'ai vécu quand j'étais petite à Béli-Lanmère de mes 8 à mes 13 ans. Je pense que ça a été super important pour moi parce que c'est un endroit magnifique, plein de couleurs, de lumières, même les petites maisons, toutes les couleurs qu'il y a. En fait, je me suis rendu compte que ça avait beaucoup, à mon avis, infusé en moi quelque part. Après, je suis rentrée à Bruxelles pour mon adolescence. J'ai fait un bac S au lycée. J'avais déjà commencé la photo pendant que j'étais au collège. Mais voilà, il fallait terminer le lycée. Et après, j'ai fait deux ans de Gobelin. Donc je suis partie à Paris pour faire l'école des Gobelins. Et j'ai été diplômée en 2015. C'est vrai que dès le lycée, je pensais déjà à comment j'allais pouvoir faire de la photo au plus vite. Mais voilà, je voulais terminer le lycée général. Et en allant aux rencontres d'Arles quand j'avais 16 ans, c'est vrai que je suis tombée au détour d'un stand qui présentait l'école des Gobelins. Et ça m'a plu ce côté un peu terre à terre, un peu, oui, en effet, assez technique. Moi, je ressentais vraiment ce besoin où je ne connaissais rien, ni la retouche, ni les lumières artificielles, ni le studio. Et je sentais que ça bloquait un peu ma créativité. Et là, je sentais que ça pouvait être un chouette terrain de jeu pour apprendre tout ça. Et donc, c'est vrai que je me suis lancée dans le choix de cette école de manière assez instinctive. Les premiers souvenirs que j'ai qui sont liés à la photographie, c'est plutôt des souvenirs familiaux. Parce que ma maman, elle faisait beaucoup de photos de famille avec un argentique Nikon. Et donc, c'est un objet qui m'était assez familier. Même parfois, je le prenais pour faire une photo d'eux ou quoi. D'ailleurs, dans l'album de famille, d'un coup, tu vois une photo complètement décadrée avec l'appareil photo trop lourd pour l'enfant. Et même, il m'avait offert un petit appareil photo jetable pour un voyage scolaire, genre quand j'avais 7 ans. Et donc, il y avait ce truc un peu de capturer des souvenirs et d'un côté un peu jeu aussi. Enfin voilà, dans un appareil photo, il y a comme un rectangle. Donc quand on est un enfant, il y a un truc un peu ludique aussi. Et donc ça, c'était mes premiers contacts avec la photographie. Et après, c'était plus en grandissant. Au final, vers mes 13 ans, je crois que c'était par ennui. En fait, j'ai découvert... Les photos de Paolo Roversi, ça a été un peu une espèce d'électrochoc, de me dire waouh, c'est trop beau Et voilà, en parallèle, j'ai commencé à faire des petites photos très basiques, à l'époque Skyblog, des pattes de mon chat, des fleurs, des canettes de Red Bull, des converses. Et ça a commencé comme ça, puis après c'était les autoportraits, des portraits de mes amis et tout, et voilà quoi. Je me souviens évidemment de son portrait emblématique de Natalia Vodianova, pour lequel il est extrêmement connu, qui est d'une simplicité incroyable, mais qui est magnétique. Et c'est vrai que de reverser ce que je trouvais qui ressortait très fort par rapport à plein d'autres photographes de mode, c'est qu'il y avait une poésie, une espèce de mystère, quelque chose d'assez pur. On n'était pas dans justement une érotisation ou une objectification totale de la femme. Il y avait quand même... une aura, une certaine liberté, et voilà, pas un regard trop sexualisant ou trop séducteur, etc. Et voilà, quelque chose d'assez fragile et d'assez sincère, je trouvais. Et aussi, voilà, une certaine... Ouais, une vraie poésie dans son travail aussi du studio, qui est comme un petit théâtre, qui ouvre la porte sur le rêve, sur l'imaginaire. Donc voilà, j'étais complètement embarquée dans ça. Après, j'aimais beaucoup aussi les photos genre de Tim Walker et de photographes de mode assez emblématiques. Et je pense que c'est en étant au final une jeune fille, et via aussi parfois des magazines de mode ou quoi, que j'étais happée au final par cet amour de l'imaginaire qui est arrivé avec la photographie de mode. Vu que j'ai commencé la photo vers mes 13 ans et que c'est devenu une passion et une obsession immédiatement, mes parents qui sont médecins, ils m'ont toujours emmenée à des expos, etc. Ils ne connaissaient pas trop la photo. Mais c'est vrai qu'il m'avait pas mal initiée à l'expression artistique de manière générale. Et il s'avère que la photo, il ne connaissait pas. Donc ils se sont dit, allons voir ce festival de photos, les rencontres d'art. Et il s'avère qu'il y avait justement un stage qui était proposé avec Paolo Roversi, qui était juste une journée. Et à l'époque, j'étais mineure, j'avais donc 16 ans. Et je ne pouvais pas normalement intégrer le stage. Et ma mère l'a trop forcé en envoyant un mail en disant vraiment, chère, t'es très motivée, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut faire une exception ? Et finalement, je crois que Paolo et l'organisation des rencontres ont dit oui. Et donc, je me souviens de cette journée où c'était un des plus beaux jours de ma vie. J'étais trop heureuse. En plus, Paolo, il était vraiment hyper gentil, sincèrement gentil, disponible, généreux. Donc moi, ça m'a mis des étoiles dans les yeux. On avait pu lui poser plein de questions. On était genre une quinzaine et j'étais la plus jeune du coup. Et l'après-midi, on pouvait lui montrer notre portfolio et tout. Et j'étais tellement, je pense que j'étais tellement dans les étoiles que même à midi, je me suis dit, vas-y, ça se trouve, c'est la première et la dernière fois. de ta vie que tu le vois, propose-lui d'aller déjeuner. Donc je suis allée déjeuner avec lui, le pauvre, et je pense qu'il a dit oui par gentillesse. Mais en vrai, après coup, je me dis, waouh, Charles, t'es trop culotté. Donc on a déjeuné avec mon père et Paolo. Absurde, enfin, incroyable. Et il était trop gentil. Après, il m'a laissé sa carte. Et ce qui est fou, c'est qu'il m'a fait un peu une surprise. C'est que l'année d'après, j'étais revenue aux rencontres et il y avait Polka Magazine qui avait fait un petit sujet sur moi parce qu'il y avait un peu un côté étonnant à une... une fille qui est aussi jeune. Ce qui avait impressionné, c'était plus que j'avais beaucoup de photos. Je m'étais ramenée avec un livre blurb que j'avais imprimé. Et donc, j'avais quand même beaucoup de photos pour mon jeune âge. Et du coup, en fait, Polka avait aussi interviewé Paolo Roversi sur moi, sur mes photos, alors que j'avais 17 ans. Et c'était incroyable comme reconnaissance, comme signe de confiance. Et allez, vas-y, lance-toi. En tout cas, vraiment, ça m'a donné des ailes. Je me souviens de quelque chose d'assez fort, mais ça qui fait, je pense, à tous ces workshops, c'est qu'au début, il a une espèce de paperboard, et paperboard, l'accent belge revient, et en gros, il dessine un appareil photo, et je ne vais pas faire l'accent italien, mais il dit qu'est-ce qu'il faut pour faire une photo ? Et donc, tout le monde dit une pellicule, donc on met une pellicule, il met une petite flèche, on va avoir un appareil photo. Après, il dit qu'est-ce qu'il faut d'autre ? Et alors, tout le monde dit des yeux, de la lumière, patati, patata, un sujet, machin. Il dit non, non, non, et puis là, il dessine un cœur. il dit pour faire une bonne photo il faut mettre son coeur dedans il faut mettre de l'amour dedans et je lui ai rajouté la motte waouh c'est trop vrai et au final c'est un peu ce qui guide aussi mes projets jusqu'à maintenant et en plus c'était trop touchant parce qu'il s'avère que 7 ans plus tard, je sais plus quelle année ça nous mène je crois 2018 ou quelque chose comme ça Paul K me contacte parce qu'ils vont faire un sujet sur l'atelier de Paul Orversi et du coup il me propose de faire les photos et donc je vais dans son studio le prendre en photo chez lui et tout et moi j'étais en plus à la fois hyper émue, à la fois un peu intimidée, parce que voilà, c'est quand même le type qui m'a donné envie de faire la photo. Et je me souviens, sur le pas de la porte, au moment où on part avec mon assistant, ça, il avait été adorable et tout, et puis il dit à mon assistant, tu as de la chance de travailler avec Charlotte parce que Charlotte, elle photographie avec le cœur. Et là, j'étais là genre, incroyable. Au début de ma photographie, je faisais plutôt des photos de mes amis en décor naturel, que ce soit intérieur, extérieur, dans les champs, là où j'habitais en Belgique en fait, et du coup en lumière naturelle et tout ça. Il y avait quand même déjà cette notion de storytelling, de mise en scène, d'envie de raconter diverses personnalités, des choses comme ça. Mais en fait, en allant au Groubelin, j'ai un peu découvert complètement le studio et un peu ce qu'est la... page blanche du studio et en fait étrangement ça m'a vachement inspirée alors qu'au début j'avais l'impression que ça allait pas être pour moi mais cette idée de composer un peu comme un tableau en fait parce que du coup je me suis rendu compte que au final je pense que j'aurais pu être peintre mais c'est juste que j'avais pas du tout ni la patience ni les skills ni le talent et que la photographie c'était beaucoup plus immédiat beaucoup plus facile puis il y avait quand même un rapport au réel et à l'autre qui est intéressant que t'as pas forcément dans la peinture et donc cette idée de studio elle arrivait vraiment comme la page blanche... Et au fur et à mesure, je me suis rendue compte que j'aimais bien le travail de la composition, évoquer aussi parfois des figures ou des poses de l'histoire de l'art que parfois les gens connaissent dans l'art conscient collectif, de jouer avec les couleurs. Et au final, au fur et à mesure de me dire Ah, j'aime bien les codes de la photographie de mode et de la publicité. Et qu'est-ce que la photo esthétique, comme ça, me permet de mettre en lumière comme sujet ? Donc comment on lit le fond et la forme. Et voilà, dans cette esthétique assez épurée, assez minimaliste, avec une touche en effet d'humour ou d'absurde décalage qui crée un peu un questionnement ou quelque chose d'un peu inattendu ou de poétique. Et donc voilà, c'était un peu ce travail de se dire ok, ça c'est mes influences ou ce sont mes idées et comment j'arrive à traduire visuellement des choses comme ça et les mettre en image pour qu'elles soient assez lisibles en fait. Il y a un mélange de choses dans mon travail, dans le sens où il y a des images qui sont plus spontanées, qui vont plus arriver lors d'expérimentations, mais qui étaient aussi d'ailleurs plus dans un cadre où j'avais un studio qui me permettait d'expérimenter. Ou même quand j'étais au Gobelin, tout simplement, je pensais à une photo qui s'appelle Équilibre instable qui est à la base un sujet de Gobelin, qui est le fameux poirier où la fille a la jupe à l'envers sur un fond jaune. Ça, c'était des expérimentations. J'avais l'idée en amont, mais c'était un peu aussi... ou je pense au travail de body painting ou quoi, où d'un coup, c'est plus dans l'illusion d'optique que va avoir un certain angle, une certaine composition que se crée quelque chose d'intriguant. Alors que dans beaucoup de mon travail, je vais en effet réfléchir en amont, à me dire comment je peux traduire visuellement des idées, qu'est-ce que je peux exprimer dans le décor, dans le stylisme, dans les objets, comme par exemple dans le travail sur mon père, ou je pense à un portrait que j'avais fait de Rocaille à Diallo. où il y avait des oreilles en plâtre, il y avait aussi un micro de radio. Et voilà, ça évoquait le fait qu'elle posait sur la table des sujets auxquels on est parfois volontairement sourds, ou qu'on ne veut pas l'écouter. Et donc, à chaque fois, j'essaye de me dire, aussi inspirée du coup par le surréalisme, et par l'intérêt des objets, et par ce que les objets racontent de nous, ou peuvent symboliser, c'est toujours intéressant, parce que jouer avec les symboliques dans une image, fait qu'on peut arriver à transmettre un certain message. Donc c'est vrai qu'en amont, parfois je fais même des croquis, je réfléchis à mes éléments et à comment les associer esthétiquement. Et donc après, parfois, il peut y avoir des surprises le jour J. Mais en général, c'est vrai que j'ai un travail assez préparé. Et après, c'est toujours, tu vois, il faut toujours jouer avec la nuance et ne pas s'enfermer dans une méthodologie qui serait, à fortiori, dans les nuls, qui serait, c'est les inconnus, c'est les nuls, c'est les inconnus, je ne sais plus, c'est les inconnus. qui serait a fortiori un petit peu enfermante. La couleur, en vrai, c'est quelque chose de très vital. Je ne sais pas comment expliquer, mais même dans la vie, tout simplement, au-delà de mon travail, la couleur, ça va vraiment m'apporter de la joie, du plaisir. Je pense que ça déclenche des endorphines chez moi. Parce que même, je peux me balader dans la rue et je ne sais pas, un bouquet de... Je vois d'un coup une plante ou un bouquet de fleurs fuchsia et je suis en mode, waouh, c'est trop beau. Les couleurs, vraiment, je trouve ça incroyable. Et je pense qu'il doit y avoir aussi, comme je disais tout à l'heure, peut-être le rapport aussi à Belle-Île où j'ai grandi, où il y avait des couleurs, je me souviens évidemment du bleu de la mer, du ciel, du vert des falaises, du jaune du mimosa, du rose de certains volets de maison. Du coup, je pense que ça m'a un peu marquée. Puis les couleurs, c'est la vie, c'est la lumière, c'est le soleil, c'est la nature, c'est plein de belles choses, c'est les fruits, les légumes. Puis en vrai aussi, je pense qu'il y a un rapport à l'enfance. Quand on est enfant, on a beaucoup plus de couleurs dans notre vie, que ce soit dans les vêtements, les jouets, tout est hyper coloré. Puis après, on arrive dans le monde d'adultes, gris et triste. Et voilà, souvent les gens... Je me souviens parce que parfois, je vais au parc, pas loin de chez moi, regarder les enfants, c'est extrêmement bizarre à chaque fois que je dis ça, parce que je trouve qu'on n'est jamais en contact avec les enfants. Donc parfois, je vais au parc, bah ouais, regarder les enfants. Et je crois qu'on m'avait dit, il y a un enfant qui est venu me voir, il me dit Ah, est-ce que t'es habillée pour Carnaval ? Et genre, pas du tout en fait, je suis juste habillée tous les jours avec plein de couleurs. Mais ouais, je pense que c'est trop beau la couleur, c'est hyper vivifiant. Puis même, ça a des vrais pouvoirs qui sont, comment dire, prouvés. Enfin, je sais qu'il y a une prison à Lausanne, d'ailleurs il y a une photographe, dont j'ai oublié le nom malheureusement, mais qui a fait un travail très chouette là-dessus. Il y a une prison avec des murs roses clairs, et ça a prouvé que ça apaisait les détenus. Et puis aussi, je trouve que la couleur, c'est aussi une manière de communiquer. Ça aussi, pareil, il est symbolique du sens, des émotions. Donc, oui, c'est vrai que j'adore travailler avec la couleur. J'aime très fort certaines couleurs qui reviennent tout le temps. Le jaune un peu poussin. Je n'aime pas quand il y a trop de vert dans le jaune, des détails comme ça. Le rose pastel, le bleu ciel, le bleu clin. Même le vert, j'adore. J'adore le vert qui soit un peu olive ou qui soit... Plus forêt. Franchement, ça tourne beaucoup autour de ces couleurs qui, en vrai, comme je disais, ont fait vraiment partie du lieu où j'ai vécu, je pense. Et qui me ramènent de la joie, du réconfort. C'est un projet que j'ai fait sur mon père qui s'appelle... projet Maurice et qui a pris la forme d'un livre qui s'appelle Maurice, tristesse et rigolade. C'est un projet que j'ai commencé en 2011 quand j'avais 17 ans. Il faut savoir que dans ma vie personnelle à cet âge-là, j'avais un papa qui avait 79 ans, qui pourtant allait très très bien, sauf que il a eu un cancer et que ce cancer n'a pas duré très très longtemps, mais suite à une opération, il a eu des complications, du coup choc. pulmonaire, crise cardiaque. Il a été mis dans un coma artificiel pendant un mois et demi et quand il est ressorti de ce coma, il n'avait plus de tumeur, mais il avait son cerveau abîmé par des séquelles neurologiques définitives. Donc c'était très difficile, déstabilisant, remuant. Il faut savoir qu'à ce moment-là, je n'étais pas du tout dans l'optique de faire un projet. On était plutôt dans la survie et dans savoir comment on va, le big bang dans la famille, dans la vie et tout ça. Mon père est revenu à la maison. Pendant 2-3 ans, il était... Alors, il faut savoir qu'initialement, les médecins étaient plutôt pessimistes. Ils disaient, voilà, il est faible, il ne va pas récupérer, il ne lui reste pas beaucoup de temps et tout. Mais au final, il est revenu à la maison après quand même encore de longs mois d'hospitalisation. Et il est resté très, très affaibli pendant 2-3 ans, complètement dépendant, presque pas possible de communiquer, très prostré dans le vide, le regard ailleurs et tout. Mais en fait, au fur et à mesure, avec beaucoup... beaucoup d'amour, de soins, de temps. Il a commencé à récupérer certaines choses qui étaient complètement dingues pour nous, mais même rien que se lever tout seul de la table de la cuisine à son fauteuil, c'était un exploit. Ou pouvoir manger tout seul, ou des choses comme ça qui paraissent totalement ordinaires, mais qui sont complètement à réapprendre quand on a un proche malade. Et donc, c'est à ce moment-là, au moment où il est allé mieux, que j'ai commencé à vouloir faire un projet. Il faut savoir qu'en parallèle, du coup... Moi j'étais partie faire mon école à Paris en 2013, donc voilà, quand il était tombé la malade, c'était en début 2011. Et en fait, le recul aussi que m'a permis mon départ à Paris sur la situation de ne plus vivre quotidiennement avec m'a permis aussi de regarder la chose différemment. Et puis, la genèse aussi est arrivée. Justement, au Gobelin, on avait un cours de narration visuelle. Et je me souviens qu'il fallait faire une espèce de diaporama, une suite d'images qui racontait quelque chose. Et j'avais fait des photos, en fait, moi, de mon père à la maison, alors que, du coup, très documentaire, très réaliste. Peut-être que je mettais l'appareil photo entre moi et la situation un peu pour me protéger ou pour réaliser tellement c'était surréaliste. Quand ça vous tombe dessus, on a du mal à intégrer que ça arrive. Et donc, j'hésitais à faire ça. Et c'était une intervenante, comment dire, pas régulière, qui venait faire ce travail au Gobelin, qui s'appelait Michelle. Et je lui en parle et tout. Et c'était hyper touchant parce qu'en fait, elle commençait à me dire, après la classe, un peu plus à côté, elle me dit Ah, mais moi, je t'encourage vraiment à faire le travail sur ton père. Parce que moi, je ne sais pas, mais en fait, j'ai le cancer et du coup, je te le dis, fais-le. Donc moi, j'étais toute remue en mode, oh waouh, trop intense. Ça veut dire qu'il y a quand même une certaine nécessité à peut-être développer ça. Alors que comme je te disais, vraiment, c'était tout à fait embryonnaire. C'était des photos dont je ne pensais jamais rien faire et tout. Et donc, ce mélange de ça, de mon père va mieux. Je me suis dit, je vais commencer à le prendre beaucoup plus en photo et me dire que je vais en faire quelque chose. Donc à chaque fois que je retournais le voir en Belgique, je le prenais en photo, juste moi et mon boîtier. Puis c'était chouette parce que vu qu'il n'était pas toujours à même de communiquer, l'appareil photo d'un coup, ça amenait un jeu, ça amenait un lien. Il réagissait et tout et il prenait vraiment plaisir à ça. Et en fait, au fur et à mesure, oui voilà, c'est ça. Un jour, il est venu à Paris pour ma remise de diplôme, c'est ça, des Gobelins. Et j'en ai profité en fait parce que j'avais des amis qui avaient un petit studio. Et je me suis dit, qu'est-ce que ça donne ? Je ne l'ai jamais emmené en studio. Enfin, je le photographiais à la maison, tranquille et tout, mais... Qu'est-ce que ça donne ? Comment il réagit si je la met dans un studio avec des flashs et tout ? C'est un peu qui tout double quoi. Soit il est profité et ça le paralyse et tout, ou au contraire ça le stimule et ça lui fait entrer dans une certaine joie et dans un jeu. Et donc très fort heureusement ça a été le deuxième cas. Donc il était un peu comme une star de cinéma, il changeait de pose à chaque clic et tout, et c'était trop chouette. Et c'est vraiment ce jour-là où je me suis dit En fait il faut que je fasse un projet en deux parties. Une partie documentaire, du coup, où on retrouve toute cette traversée entre l'annonce de sa maladie, le fait qu'il tombe dans le gouffre du coma, puis comment il se reconstruit derrière, comment on adapte une vie autour de quelqu'un de malade et de vieux. Et après, je me suis dit, je veux faire aussi une partie mise en scène où d'un coup, je raconte comme un conte visuel et météphorique ces différentes étapes qu'il a traversées, en commençant par le coma. Et donc, j'ai fait tout un travail où j'avais fait des croquis, d'ailleurs. de décors, de costumes, d'accessoires qui racontent tout ça. Je pense à un tableau, par exemple, qui voulait raconter le fait qu'il avait perdu ses notions spatio-temporelles. Donc j'avais fait un tableau tout en rouge qui s'appelait Des orientations où le sol et les murs avaient la même couleur. Il y avait un escalier calé dans le mur qui était une référence à Magritte qui brouillait complètement les perspectives de direction. Il y avait des horloges sans aiguilles qui faisaient référence à une scène de film Ingmar Bergman, qui s'appelle Les Fraises Sauvages. Et il avait, mon père, il avait un costume aussi tout en rouge, avec des très longues manches, qui montrait un peu son incapacité à faire les choses par lui-même. Et donc, voilà, j'avais ce travail documentaire, ce travail mise en scène. Sauf que la mise en scène, ça coûtait bonbon, en fait, de faire de faire tous ces constructions, trouver les costumes, construire ou les louer, etc. Et donc, j'ai voulu faire un Kickstarter, c'était en 2016. Et en fait, quand j'y pense, c'est assez fou parce que je me souviens, la veille que je mette le Kickstarter en ligne, j'étais un peu prise de panique. Alors que j'avais tout préparé, j'avais fait la vidéo, j'avais scanné les croquis, tout expliqué, où va l'argent, qu'est-ce que je vais faire exactement, etc. J'étais vraiment hyper déterminée. Et la veille, je me suis dit non, mais je vais afficher ma vie, trop bizarre, qu'est-ce que je suis en train de faire, c'est n'importe quoi. Puis heureusement, j'ai eu un élan où je me suis dit, est-ce que tu as juste peur du regard des autres et du coup, tu ne vas pas faire ton projet ? où est-ce que tu t'en fiches et tout ce qui compte c'est faire le projet avec ton père. Heureusement, j'ai mis en ligne la chose. Et c'est vrai que c'est assez fou parce que j'ai reçu immédiatement une ribambelle de messages d'inconnus, mais qui s'adressaient à moi de manière hyper intime et trop touchante parce qu'un proche, une mère, un père, un grand-père, un ami traversaient ça. Donc d'un coup, c'était assez intéressant parce que moi je m'étais sentie très seule pendant toute la maladie de mon père. J'avais fait ce projet un peu par survie, par résilience, sûrement par besoin de transformer ça. Et c'est vrai qu'on dit souvent qu'il faut le vivre pour le comprendre. Et d'un coup, c'est vrai que tu te rends compte que plein de gens vivent ça, c'est juste que personne n'en parle. Et donc c'est trop con, on est tous tout seuls dans notre merdier, alors qu'on pourrait quelque part collectivement se soutenir, ou en tout cas savoir que certaines personnes traversent ça. Et donc c'était un vrai plaisir de me rendre compte que mon livre, il a peut-être permis à des gens d'avoir de l'espoir ou de traverser ça. Et c'est vrai que moi-même, la photographie, ça a été totalement thérapeutique sur cette expérience de ma vie, puisque ça m'a changé mon regard. Au début, j'étais un peu à subir le fait que mon père n'allait plus jamais être comme avant, à être dans la frustration et tout. Et avec la photographie, je me suis mise à l'apprivoiser, à l'observer, à l'admirer, à me dire que c'était comme une poésie et que j'allais un peu... rendre hommage à cette poésie. Et donc, de là est né ce projet et cette envie de créer comme un conte autour de thématiques qui sont plutôt normalement effrayantes, la maladie, le coma, la vieillesse, les séquelles, la dépendance, et qui pourtant vont faire normalement plus ou moins partie de notre vie, à un moment donné ou à un autre, selon les vies. Donc voilà, et maintenant l'idée c'est que je transforme ce livre en une exposition, j'espère pour 2024-2025, alors je pense que 2024 c'est un petit peu serré, mais on va quand même se remettre la rate au courbouillon comme on dit, les inconnus ne sont pas loin non plus. Et l'idée c'est de rééditer le livre au moment de cette exposition. Ce qui était hyper particulier, c'est que mon père est décédé deux mois avant la sortie du livre. Littéralement dix jours après sa mort, j'étais à l'imprimerie. Mais bizarrement, d'avoir ce livre qui sort, ça m'a hyper fort aidée à ce moment-là. Et en parallèle, il a été en rupture de stock hyper vite. C'était un projet qui m'a mis sept ans de ma vie. J'avais 24 ans à l'époque, donc sept ans sur 24 ans, c'est quand même long. C'est quand même une grosse partie de la vie. J'y ai mis vraiment tout l'amour possible et imaginable. C'est clairement mon projet le plus important, le plus abouti. Et au final, il est un peu impalpable maintenant, mais je compte m'y remettre dessus, parce que c'est vrai qu'il y avait des raisons un peu personnelles, un peu difficiles forcément de revenir là-dedans. Mais je me suis rendue compte que, même si pour moi c'était mon passé, c'était quand même le présent de plein de gens, et que donc, encore une fois, par collectivité, il y avait peut-être... Et puis aussi par envie que le souvenir de mon père perdure, et qu'il reste dans les mémoires, même si ça fait maintenant six ans qu'il est parti. C'est juste que c'est vrai que c'est un sujet tellement personnel que forcément je le porte de manière différente au cours de ma vie, mais je veux continuer de le porter en tout cas. Il faut savoir qu'Angèle et moi, on est belges, on vient de Bruxelles, et on se connaissait de loin, de vue, on ne s'était jamais rencontrées, mais je savais qu'elle avait une très chouette tête, je ne savais pas qu'elle chantait à l'époque. Et en fait, je suis tombée sur son Instagram par hasard en 2016, là où j'ai découvert qu'elle faisait des petites capsules où elle se mettait en scène pour chanter. Donc déjà, un, je découvre qu'elle chante bien, deux, je découvre qu'elle est drôle et qu'elle a une façon de se mettre en scène que je trouve originale et qui sort du lot. Et du coup, je la suis. Elle est trop mignonne à l'époque, je crois qu'elle avait 2000 abonnés. Mais je ne sais pas si on peut encore retrouver ses petites vidéos, mais elle, c'était vraiment chouette. Et du coup, le lendemain, c'est sa manageuse qui me contacte et qui me dit Oui, on va commencer à faire des petits concerts dans des bars, on n'a rien, on n'a pas d'image. Est-ce que tu es d'accord de nous faire des premières images ? Donc on fait ces premières images, je crois que c'était les premiers jours de janvier 2017. On fait ces images où elle a les spaghettis sur la tête avec son ciré jaune. Et ça marche bien, on trouve ça chouette, le contact est fluide et tout. Et du coup, on embraye assez rapidement sur d'autres photos. Puis l'idée de faire des clips, même si je n'avais jamais fait de clip, il y avait un peu cette idée de se dire, c'est logique que Charlotte le fasse. J'avais driveé un peu l'image et du coup, il y avait une espèce de fluidité qui était assez chouette. Et puis, il n'y avait pas du tout de label en question. En fait, on était très libre. Alors évidemment, c'était le tout début du projet, donc il n'y avait pas de budget, mais on a quand même réussi à faire avec ce qu'on avait. Et c'était trop chouette. Je me souviens, La loi de Murphy, je ne m'attendais pas. J'étais surprise de comment ça a marché. Même la fusion musique-image. Et d'ailleurs, moi, je préférais à la base la chanson Je veux tes yeux. La loi de Murphy, je n'étais pas forcément hyper fan de la chanson. Mais en fait, en faisant le clip, je me suis mise à aimer la chanson. Et voilà quoi.

  • Speaker #0

    Le passage à la vidéo, j'y ai toujours pensé. Je l'ai toujours un peu redouté aussi, parce qu'il faut savoir que vu que j'ai commencé à la photo à 13-14 ans, j'ai eu le temps d'expérimenter, de faire des trucs ratés, de tester différentes lumières, différents styles de photos, de me faire la main. Alors qu'en vidéo, pas du tout. Je ne sais pas tenir une caméra. Ok, j'ai un sens du cadre et de la mise en scène, mais j'avais peur que d'un coup, la différence d'expérience soit trop forte. où justement que je ne me retrouve pas dans la vidéo. Et au final, j'ai pensé le clip de La loi de Morphique, et donc mon premier clip, vraiment comme une série de photos finalement, parce que vu que dans mon travail photographique, j'ai une manière un peu sérielle de travailler, que l'ordre des images a une importance dans ce que ça raconte. Au final, c'était pareil avec les plans d'un film. C'est juste que j'avais décidé de faire des plans flics pour rappeler justement la photographie, pour avoir du coup une certaine main sur la composition. Et que oui, chaque... capture d'écran en fait aurait pu être une photo ça je trouvais ça chouette aussi puis c'était ma manière à moi d'intégrer cette nouvelle façon de faire ce nouveau médium puisque la différence énorme enfin les différences énormes c'est quand même que l'on passe d'un instant à un moment que donc il n'y a pas du tout la même notion de temps ni même la motion de mouvement c'est pour ça qu'au début tout est assez fixe dans ce que j'ai fait enfin j'ai mis du temps à intégrer la notion de déplacement de la caméra la temporarité du mouvement Et donc j'ai pensé un peu ça comme une succession de plans fixes. Et en fait, j'avais fait le pré-montage en amont dans ma tête et en storyboard, où j'écoutais la musique et je la segmentais en fonction du rythme, par tranche de secondes, enfin de plusieurs secondes. Et je me disais, telle seconde, j'ai envie de telle image, etc. Et c'est comme ça que ça s'est construit au fur et à mesure. Mais c'est vrai qu'au début, j'étais un peu tétanisée à me dire, comment je vais passer à la vidéo ? Et c'est en décortiquant tout ça... Et presque de manière assez scolaire, même mon storyboard fait à la main avec des petites images de Google Images que j'avais imprimées, décopées et collées à la colle. C'était très scolaire, mais au final, ça a marché. Je trouve que déjà, entre la photo et la vidéo, il y a une différence dans ce rapport aux autres. Dans le sens où la photo, concrètement, je peux en faire seule. Par exemple, les photos où j'étais allée revoir mon père en Belgique, je suis seule. Après, la photographie de studio, c'est autre chose. Parce que d'un coup, il y a du matériel, il y a des lumières, il y a quelque chose de plus chargé. Puis il y a aussi le travail d'équipe avec soit le stylisme, le maquillage. Après, moi, ce n'est pas forcément la photographie de mode qui m'intéresse. Mais c'est comment tous ces outils-là peuvent se mettre au service du sens d'une image sans qu'elle soit forcément destinée à vendre. un vêtement quoi et c'est vrai que dans la vidéo tu dépends 100% des autres en fait du régisseur au chef électro au chef opérateur au pointeur enfin tous sont complètement indispensables et c'est hyper fort et beau puis aussi techniquement j'ai pas été formé en fait à manipuler des caméras alors après je suis avec le chef op et on regarde le cadre au millimètre mais c'est vrai que je suis plus dépendante en vidéo aussi le travail de la vidéo ça t'oblige un peu être un chef d'orchestre Et d'ailleurs, que ce soit dans la photo ou la vidéo, le temps m'a appris à déjà savoir, entre guillemets, exactement ce que je veux. Ça, c'est surtout dans la réalisation, parce que chaque seconde de travail est comptée. En fait, le temps sur un tournage, c'est ton plus grand ennemi. Donc, pour optimiser le temps, tu es obligé de savoir exactement ce que tu veux et ta journée est découpée en fonction de ce que tu dois faire. Donc, c'est identifier ce que je veux faire, comment je veux le faire et ensuite savoir le communiquer aux autres. Et puis avec chaque membre d'équipe, qu'est-ce qu'il est capable de proposer ou d'enrichir ou d'apporter à l'image, esthétiquement ou avec du sens. Et après, c'est vrai que la solitude de la photographie, moi c'est vrai que j'ai un petit défaut, c'est que j'ai tendance à être beaucoup trop dans ma tête. Je passe franchement 80% du temps dans ma tête où je peux vraiment fixer une fenêtre pendant des heures. J'ai un truc un peu contemplatif où du coup... Parfois dans des travaux personnels reliés à la photo ou à un travail plus solitaire, je vais parfois plus m'enfoncer dans le doute ou être un peu paralysée sur ça. Là où typiquement sur un travail de clip, on est dans un enjeu où ça dépend aussi d'une deadline qui dépend d'autrui. Je trouve que parfois dans la photo solitaire, il y a un truc où pour ma part, pour mon caractère, tu peux parfois être un peu baignée dans le doute. ou l'incertitude et ça peut parfois jouer des tours. Je mène quand même ma barque. Je ne sais pas si je dirais que je la mène assez seule parce que je suis entourée, mais disons que j'arrive quand même à avoir une certaine indépendance de mes idées, etc. Mais c'est sûr que c'est trop chouette d'avoir un ping-pong, d'avoir aussi un œil extérieur. Après, encore une fois, l'œil extérieur, il peut parfois te replonger dans le doute parce qu'il faut savoir s'écouter, il faut savoir aussi savoir si un sujet revient ou une envie revient régulièrement, d'y croire soi-même, même si souvent d'ailleurs... C'est mes amis qui me disent ça au début, ils me disent Ouais, parfois tu parles d'un projet au début, genre en vrai on comprend rien de ce que tu dis, et après bon bah tu commences à faire le truc et on commence à voir que ça prend forme. Mais c'est vrai qu'au tout début, il n'y a que moi qui vois, et parfois j'ai l'impression que les autres sont dans ma tête et qu'ils voient ce que je raconte, alors que pas forcément. Mais bon, et j'ai l'impression qu'avec le temps, ça devient de plus en plus comme ça, parce que forcément les idées parfois se complexifient ou quoi. Mais ouais, il y a vraiment ce truc de... C'est tout un processus qui en fait met vachement de temps entre... Vivre quelque chose, une expérience, un événement, un truc de l'actualité, l'intégrer, puis après le digérer, et puis le produire en quelque chose d'artistique, ça peut mettre vachement de temps. Je pense que le corps, il est arrivé de manière hyper instinctive, simplement parce que j'ai un corps. Et parce que du coup, j'ai grandi en tant que jeune fille, en tant que jeune femme, en tant que femme. Parce que voilà, ça y est, j'ai 31 ans. Enfin non, pas encore, j'ai 31 ans. Bon ok, je m'écarte totale. Bref, donc tout ça pour dire qu'en vrai, quand t'es une jeune fille, d'ailleurs je pense quand t'es un jeune garçon aussi, tu grandis et tu vois ton corps changer. Mais c'est vrai que pour les meufs, il y a un truc encore qui se cristallise en fait sur... Ta valeur est énormément portée sur ton apparence, sur ton corps, sur si t'es bonne ou pas, sur patati, patata, c'est des grands questionnements avec énormément de complexes et en fait qui viennent complètement te brouiller et te faire perdre du temps concrètement et qui peuvent même parfois t'atteindre sur la construction de soi et les complexes et la confiance etc. Donc je pense qu'il y avait déjà un constat d'une féminité hyper étriquée ou hyper normée. On doit rentrer dans le moule justement de, à l'époque il n'y avait pas trop les réseaux sociaux mais il y avait plutôt les magazines et je sentais une espèce de chose complètement contradictoire entre les représentations que je voyais de jeunes femmes souvent sexualisées, objectifiées, même si ce n'était pas forcément hardcore mais tu sentais toujours le même prisme de séduction, de domination, de regard même si ça pouvait être dans l'admiration ou quoi mais il y avait toujours un prisme sexualisant. Et moi j'avais un peu envie de détourner cette hypersexualisation, d'en rigoler, de la mettre en lumière, de mettre son absurdité en lumière. Et aussi j'avais envie de représenter quelque chose d'un peu plus maladroit, d'un peu plus rigolo, d'un peu plus décomplexé. D'un coup qu'en fait on rigole de nos complexes, ou qu'on rigole avec nos complexes plutôt que de les scruter, de les éliminer. Et donc d'un coup je trouvais de l'intérêt dans les bourrelets, dans les plis, dans la gravité du corps, dans des positions absurdes. je pensais à un projet aussi qui s'appelle Les Enveloppes, que je n'avais jamais publié en entier d'ailleurs, je me rends compte. Ou avec Ophélie Sec, qui est une artiste maquilleuse avec qui je travaillais tout le temps. Elle avait peint tous les corps en blanc au farallot. C'était d'ailleurs inspiré initialement de la série Noudi de Paolo Roversi, qui représentait plein de mannequins nus. Sauf que là, j'avais fait des mannequins qui étaient un petit peu plus variés en termes de corpulence. Et c'est vrai qu'il y avait quelque chose d'hyper beau dans la façon où le corps d'un coup Il était esthétisé non pas par une posture galvanisante ou qui met en valeur ou un peu olympique ou quoi, mais d'un coup par le blanc sur la peau faisait que d'un coup c'était plus ternelle, c'était comme une pâte à pain ou comme une guimauve ou comme quelque chose de gourmand et de onctueux ou comme un nuage. Donc ça changeait ta perception du corps. C'était pas du tout un rapport sexuel, mais beaucoup plus naturaliste du corps, comme si le corps devenait un paysage, quelque chose d'abstrait. C'est vrai que ça c'est quelques images des enveloppes, j'ai pu notamment les intégrer dans le clip que j'ai fait sur les passantes de Georges Brassens, qui était d'ailleurs complètement une carte blanche. Et où pareil, c'était un gros défi ce clip parce que j'avais fait quelques clips d'Angèle. Angèle est une chanteuse pop, des chansons pop ont une structure très particulière avec des couplets, des refrains, un beat, un pont, etc. Là d'un coup j'étais dans un tunnel de 4 minutes 17 avec juste Georges Brassens. Pas de couplet ni de refrain, juste sa diction, une guitare et un violoncelle. Et donc les Passantes, ça a été une carte blanche où j'ai pu finalement... interpréter littéralement ce poème qui était donc d'Antoine Paul de 1911, parce que c'est une des rares chansons que Brassens n'a pas écrite. Et Brassens a mis très longtemps à composer la musique. Donc c'est un texte qu'il a longtemps porté en lui, je pense, et il a composé la musique en 1972, si je ne me trompe pas. Et donc c'était hyper intéressant de le réinterpréter du coup, en fin 2017, début 2018, parce que Me Too venait d'arriver, vraiment un mois avant. Et donc il y avait... Cette volonté d'avoir une carte blanche, donner à une réalisatrice féminine pour apporter son point de vue. Et donc, j'étais face à ce tunnel de guitare et de diction de Brassens. Et ma seule moyen, finalement, de découper mes photographies que j'allais mettre à la suite, comme des vignettes, c'était de découper selon le phrasé de Brassens qui disait parfois les e comme ça, une silhouette fluette, e des choses comme ça. Et à chaque fois, du coup, je découpais les vers. Donc vraiment, j'ai fait... J'ai un peu tronçonné le truc, mais chaque fois, je me dis, qu'est-ce que ce vers m'inspire ? À un moment donné, il dit à la compagne de voyage ça me faisait penser à l'aide-soignante de mon père. Je suis représentée une dame qui accompagne un petit papy à marcher dans un jardin, des choses comme ça. Et donc, j'aime beaucoup ce clip parce qu'au final, il m'a permis d'intégrer à peu près 120-125 vignettes, donc différentes scènes, différentes photographies. Et c'est comme un gros livre photo, au final, animé. Parce que pareil, les plans sont relativement fixes. Parfois, il y a des petites traves lignières avant, mais ça reste assez contemplatif, puis c'est sur un rythme de musique lent. Et donc, c'était important pour moi de pouvoir un peu cristalliser dans ce clip tout un tas de représentations féminines, de corps, de métiers, d'origine. Et c'était assez impressionnant puisque le clip a été censuré le jour même. Et il a été signalé en masse par les utilisateurs de YouTube parce qu'apparemment, c'est extrêmement choquant de voir des femmes qui ne sont pas que jeunes, minces et blanches. Et voilà, c'est extrêmement dur de voir des femmes noires ou des femmes grosses. Waouh, c'est choquant. J'ai fait ce petit manuel Sex Education avec Netflix, qui était pour la promotion de la saison 2 de la série en France. Et ils m'ont simplement dit, ouais, est-ce que tu as une idée pour promouvoir la saison 2 ? Et assez rapidement, m'est venue cette idée de petit manuel. Et ce qui est chouette, c'est que toute seule, je n'aurais pas pu le faire. Je ne l'aurais peut-être pas fait aussi vite avec cet impact de diffusion parce que ce qui était génial, c'est qu'il a été imprimé à 75 000 exemplaires et envoyé gratuitement. Il suffisait simplement qu'on s'inscrive sur un site internet. Il n'y avait même pas de frais de port et c'était envoyé gratuitement chez la personne. Donc je trouvais qu'en termes de pouvoir éducatif, c'était trop chouette. Puis il y avait un peu le côté cool de Netflix. Il y avait l'actrice principale Emma Mackey qui s'était prêtée au jeu, qui était en couverture. Ça parle de sexualité. Évidemment, on s'intéresse. beaucoup de monde, surtout les jeunes, et si ça peut donner des notions importantes de respect, de consentement, de découvert de l'autre, et des notions capitales qui ne sont pas données justement en cours, à l'école ou dans les familles, parce que c'est tabou, etc. Donc j'ai vraiment vu ce projet comme quelque chose d'hyper important, et en plus j'ai pu quand même avoir vachement de liberté dans son élaboration. Donc c'était chouette et ce que j'aimais le plus en fait c'est qu'au final il y avait des gens de tout âge qui le feuilletaient et qui apprenaient des choses. Moi j'ai appris plein de choses en faisant ce manuel et encore une fois je trouve que c'est encore plus gratifiant et intéressant quand un projet permet d'être un support éducatif et que l'image, la direction artistique, le graphisme viennent enrichir et apprendre quelque chose. Ça m'avait trop touchée parce que j'avais fait une exposition à Bruxelles il y a deux ans. Et en fait, il y avait une classe de réto de Crowley, qui est une école à Bruxelles qui est assez spéciale, qui se démarque des autres écoles. En fait, il y a une prof de réto qui a emmené sa classe voir mon expo. Et ils ont tous écrit une lettre après sur ce qu'ils ont ressenti. Et c'était franchement un des plus beaux cadeaux que j'ai reçus. Pareil, ça m'avait... Je me souviens, j'étais... J'étais chez une amie en train de lire ça, dans la cage d'escalier, en train de pleurer en mode waouh, c'est incroyable Parce que même les lettres des garçons me touchaient presque encore plus. Parce que d'un coup, c'était ah, je me rends compte que tous les corps peuvent être beaux On sentait que ça avait peut-être déplacé des choses en eux sur un rapport au corps. Et qu'à 16, 17, 18 ans, c'est tellement important. Parce que beaucoup de parents sont en mode ah non, non, surtout pas, tabou Mais en fait, il faut se rendre compte que même les enfants, les pré-adolescents, les adolescents, ils baignent dans une société hyper sexualisée en permanence. Et que c'est justement en en parlant, et en disant les choses, et en échangeant, et en établissant les mots clairs et les règles de base, qu'on formera une sexualité positive, puisque la sexualité arrivera d'une manière ou d'une autre. Mais il vaut mieux qu'elle soit dans un cadre sécurisé, de respect, plutôt que justement laisser ses enfants dans le gouffre. Et justement, pour moi, l'ignorance, c'est le terreau fertile des violences. Donc c'est en éduquant qu'on aura des meilleures choses, tout simplement. C'est vrai que j'aime beaucoup le travail du portrait et en vrai j'adore autant faire des portraits d'anonymes que des portraits de gens plus connus. Ce qui diffère en général c'est le rapport à l'image évidemment. Mais c'est vrai que j'aime beaucoup le portrait parce que je vois ça un peu comme un échange, puis je vois un peu ça comme... à chaque fois je vais admirer la beauté que je trouve en une personne, encore une fois qu'elle soit anonyme ou pas. Et c'est vrai que dans le cadre d'un travail de commande de presse, il y a certains composants qui font que tu travailles quand même avec des contraintes. C'est intéressant aussi comme façon de faire. Après parfois c'est un petit peu limitant en termes de créativité parce que tu as forcément des enjeux où la personne doit être reconnaissable, fort, assez éclairée, plutôt mise en valeur. Donc on va... pas être sur des photos qui vont révolutionner le portrait ou la représentation, mais parfois je pense à un portrait que j'adore de Annie Ernaux, que j'ai fait chez elle. Par exemple, ça c'était un portrait qui avait lieu dans le cadre d'une commande du Marie-Claire en 2021, sur un projet de huit couvertures sur le 8 mars. Donc j'avais photographié huit femmes différentes, dont Aïssa Maïga, Lucène de Yakuza, il y avait aussi une avocate qui s'appelle Elisa Rojas. Et dans ces diverses femmes-là, il y avait notamment Annie Ernaux. Et en fait, à l'époque, elle n'avait pas voulu aller au studio pour des raisons du Covid. Donc, j'avais exceptionnellement fait son portrait chez elle. Et en fait, c'était un moment magique parce qu'on était chez elle dans le Val d'Oise avec sa maison qui donne justement un vu sur l'Oise et qui a une très, très belle lumière au petit matin d'hiver qu'il y avait. Puis, il y avait une espèce d'apaisement chez elle. Et puis, elle était hyper gentille. Et moi, c'est vrai que c'est une écrivaine qui m'inspire énormément, qui me parle très, très fort. même dans ma vie personnelle et tout, dans sa façon d'écrire. Donc, le portrait qu'on a fait, il avait à la fois cette simplicité, cette pureté. Et je le trouve hyper beau parce qu'il est très simple et qu'elle est très belle dessus. Et je pense aussi à un portrait plus récent que j'ai fait de Amélie Nothomb, aussi pour le Marie-Claire de cette année, cette fois-ci. Et ce qui était génial, c'est que ça, pour le coup, c'est assez rare. de m'amuser avec, m'amuser littéralement vraiment avec les gens que je photographie. Parce que moi j'ai un peu, je pense qu'il me reste pas mal d'une âme d'enfant, et c'est pas forcément le cas de tout le monde, encore moins des stars ou qui ont un rapport plus compliqué à leur image, ou plus travaillé, etc. Mais avec Amélie Nothomb, on s'est amusé comme des gamines, avec un grand ballon rouge, et on rigolait, et on s'amusait, puis elle, elle se prêtait vachement au jeu, c'est quelqu'un d'assez théâtral. Et elle n'a pas peur du ridicule non plus. Et puis, je pense que c'est le côté belge aussi qu'on a en commun. Mais c'est vrai qu'au final, ce que j'aime bien avec le portrait de presse, c'est que ça donne lieu à des rencontres, parfois avec des artistes que j'admire, comme Annie Ernaux. Et ça crée des moments intéressants de créativité, parfois quand le cadre nous le permet. Et j'aime bien cette petite collection de portraits qui s'étend au fur et à mesure. C'est vrai que je me suis rendue compte avec le temps que j'ai travaillé rarement finalement l'image seule, dans le sens où souvent elle est associée à du texte ou à des mots, ou parfois même plus récemment je me suis amusée à retravailler certains tirages, à leur rapporter des choses par-dessus de manière un peu mixed-media. Par exemple j'avais brodé, enfin pas moi-même mais j'avais travaillé avec un atelier de broderie, qui avait travaillé des abeilles brodées sur des tirages pour un projet sur l'apiculture. Donc je pense qu'il y a cette voie-là de comment utiliser la photographie parmi d'autres médiums pour raconter un sujet. Et après, c'est vrai qu'il y a la voie de la réalisation qui m'inspire aussi, même si mon amour pour la photo restera toujours le premier. Je suis une amatrice de photographie, mais vraiment mille fois plus que cinéphile, par exemple. L'image fixe, c'est vraiment une passion de contemplation. Mais c'est vrai que je trouve que... La vidéo peut apporter une espèce de cumul d'émotions hyper forte, même dans la communication ou la transmission d'émotions. Donc je continue de réfléchir mes projets dans ces deux catégories et de voir comment je vais réussir à enrichir au fur et à mesure ma pratique. Si je devais retourner en arrière et me revoir à 16 ans, alors par rapport à l'invitation de reverser au déjeuner, je lui dirais calme-toi ma grande et réapprends un petit peu la politesse. Mais en même temps, je ne regrette pas. Et en vrai, je n'ai pas trop de regrets parce que j'avais quand même une forme de détermination, d'ailleurs, que je trouve assez impressionnante. Enfin, limite, j'étais plus déterminée que maintenant. Aujourd'hui, parfois, il y a plus le doute qui prend en place. Mais ça, je pense que c'est plus par rapport au monde de manière générale, du fait de devenir adulte. Dans la jeunesse, parfois il y a un peu de folie, un peu d'impression que tu vas pouvoir gravir des montagnes. Mais de manière générale, ce que je conseille aux jeunes photographes, c'est d'être patient, de ne pas lâcher, de continuer de travailler. Et aussi, je pense qu'à la différence de moi qui avait 16 ans en 2010, c'est que je pense qu'aujourd'hui, les gens ne sont peut-être pas du tout patients parce que les réseaux sociaux, parce que l'immédiateté, parce que poster, est-ce que ma photo va être likée, repartagée ? Du coup, je pense qu'il y a un thermomètre qui n'est pas du tout le bon aujourd'hui parce qu'il est vachement biaisé par l'immédiateté des réseaux sociaux et par peut-être un sentiment d'échec qui peut arriver très vite. Alors qu'en fait, il faut se laisser le temps. Encore une fois, moi, j'ai commencé à bidouer des photos à 13 ans et je pense que mon univers a dû commencer à se constituer que 10 ans plus tard. C'est vraiment prendre le temps, faire ce qu'on aime et réfléchir à ce qui nous amuse, ce qui nous passionne et ce qu'on a envie de raconter en images. et se donner du temps pour le faire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. À très vite pour parler de photographie.

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Description

Comme beaucoup, j’ai découvert le travail de Charlotte Abramow avec son projet Maurice, tristesse et rigolade, une série photographique touchante dédiée à son père, victime à ce moment-là d’un cancer et d’un coma. Le projet est en grande partie mis en scène et pourtant, je n’ai rarement été aussi touché par certaines images. Cela se joue sur des détails : un sourire, un regard, une main posée délicatement sur le visage, un nez qui dépasse de la couette du lit. C’est un projet qui change le regard sur la maladie et qui fait du bien. Une façon de faire face, de la douleur à la résilience artistique. De ce fait, je n’étais pas très surpris, en rencontrant Charlotte, de retrouver la même part d’humanité, de sensibilité et d’humour chez elle.


Dans cet épisode, la photographe et vidéaste belge commence par nous raconter ses premiers souvenirs liés à la photographie, influencée par sa mère qui capturait des moments familiaux avec un appareil argentique Nikon. À 13 ans, Charlotte découvre la photographie de manière autodidacte, capturant des images simples sur son Skyblog. C'est en découvrant les œuvres de Paolo Roversi qu'elle ressent un véritable électrochoc artistique, qui la pousse à explorer plus profondément ce médium. Son parcours la mène à l'école des Gobelins à Paris, où elle affine ses compétences techniques et développe son style singulier.


Charlotte nous parle également de ses collaborations avec la chanteuse Angèle, des premières images jusqu'à la réalisation de clips. Charlotte explique comment elle a abordé la vidéo, un médium nouveau pour elle, en s'inspirant de sa manière de photographier. Cette transition vers la vidéo a élargi son champ d'expression artistique, lui permettant de raconter des histoires de manière encore plus immersive.


Enfin, l’artiste aborde des sujets plus larges tels que l'importance de la couleur dans son travail, son rapport au corps et à la féminité, ainsi que son engagement pour une représentation diversifiée et inclusive. Elle évoque également ses projets éducatifs, comme le manuel Sex Education avec Netflix, qui visent à transmettre des notions essentielles de respect et de consentement à travers l'image.


Cet épisode est une plongée captivante dans le parcours et les inspirations de Charlotte, une artiste qui photographie avec le cœur et qui transforme la réalité en poésie visuelle.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production à L'Oyau Studio. Vous écoutez Vidion, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, qui est une plateforme en ligne qui propose le moyen le plus simple sûr et responsable d'acquérir, de revendre ou d'échanger du matériel photo ou vidéo d'occasion.

  • Speaker #1

    J'ai choisi une photographie qui représente mon père. C'est une photo qui a été faite en studio, mais un décor qu'on a construit et qui présente comme une pièce, comme une chambre. où le papier peint est fait de nuages, comme si on était au milieu du ciel. Et on voit mon père, du coup, debout sur ce lit. Il a comme une cape de roi avec la couette du lit et il a une couronne. Il est comme le petit prince, en fait, au milieu du lit, debout. Et il y a un faisceau de lumière qui l'éclaire comme une porte entreouverte, comme la chambre des enfants un peu la nuit. Et il y a des ampoules qui circulent, je dirais, sur la couette et qui représentent un peu comme... ses connexions neuronales, ses souvenirs, ses pensées, ce qui s'éclaire encore en lui. C'est une photo que j'ai faite dans le cadre d'un projet que j'ai fait sur lui parce qu'il a été malade et qu'il a traversé un cancer, un coma. Et c'était un peu sur sa reconstruction. Donc c'est une photo qui est d'ailleurs la couverture du livre et qui est assez symbolique de plein de choses. Je m'appelle Charlotte Abramoff, j'ai 30 ans, je suis belge et je suis photographe. J'ai commencé la photo quand j'avais 13 ans. Je suis née donc en Belgique. J'ai vécu quand j'étais petite à Béli-Lanmère de mes 8 à mes 13 ans. Je pense que ça a été super important pour moi parce que c'est un endroit magnifique, plein de couleurs, de lumières, même les petites maisons, toutes les couleurs qu'il y a. En fait, je me suis rendu compte que ça avait beaucoup, à mon avis, infusé en moi quelque part. Après, je suis rentrée à Bruxelles pour mon adolescence. J'ai fait un bac S au lycée. J'avais déjà commencé la photo pendant que j'étais au collège. Mais voilà, il fallait terminer le lycée. Et après, j'ai fait deux ans de Gobelin. Donc je suis partie à Paris pour faire l'école des Gobelins. Et j'ai été diplômée en 2015. C'est vrai que dès le lycée, je pensais déjà à comment j'allais pouvoir faire de la photo au plus vite. Mais voilà, je voulais terminer le lycée général. Et en allant aux rencontres d'Arles quand j'avais 16 ans, c'est vrai que je suis tombée au détour d'un stand qui présentait l'école des Gobelins. Et ça m'a plu ce côté un peu terre à terre, un peu, oui, en effet, assez technique. Moi, je ressentais vraiment ce besoin où je ne connaissais rien, ni la retouche, ni les lumières artificielles, ni le studio. Et je sentais que ça bloquait un peu ma créativité. Et là, je sentais que ça pouvait être un chouette terrain de jeu pour apprendre tout ça. Et donc, c'est vrai que je me suis lancée dans le choix de cette école de manière assez instinctive. Les premiers souvenirs que j'ai qui sont liés à la photographie, c'est plutôt des souvenirs familiaux. Parce que ma maman, elle faisait beaucoup de photos de famille avec un argentique Nikon. Et donc, c'est un objet qui m'était assez familier. Même parfois, je le prenais pour faire une photo d'eux ou quoi. D'ailleurs, dans l'album de famille, d'un coup, tu vois une photo complètement décadrée avec l'appareil photo trop lourd pour l'enfant. Et même, il m'avait offert un petit appareil photo jetable pour un voyage scolaire, genre quand j'avais 7 ans. Et donc, il y avait ce truc un peu de capturer des souvenirs et d'un côté un peu jeu aussi. Enfin voilà, dans un appareil photo, il y a comme un rectangle. Donc quand on est un enfant, il y a un truc un peu ludique aussi. Et donc ça, c'était mes premiers contacts avec la photographie. Et après, c'était plus en grandissant. Au final, vers mes 13 ans, je crois que c'était par ennui. En fait, j'ai découvert... Les photos de Paolo Roversi, ça a été un peu une espèce d'électrochoc, de me dire waouh, c'est trop beau Et voilà, en parallèle, j'ai commencé à faire des petites photos très basiques, à l'époque Skyblog, des pattes de mon chat, des fleurs, des canettes de Red Bull, des converses. Et ça a commencé comme ça, puis après c'était les autoportraits, des portraits de mes amis et tout, et voilà quoi. Je me souviens évidemment de son portrait emblématique de Natalia Vodianova, pour lequel il est extrêmement connu, qui est d'une simplicité incroyable, mais qui est magnétique. Et c'est vrai que de reverser ce que je trouvais qui ressortait très fort par rapport à plein d'autres photographes de mode, c'est qu'il y avait une poésie, une espèce de mystère, quelque chose d'assez pur. On n'était pas dans justement une érotisation ou une objectification totale de la femme. Il y avait quand même... une aura, une certaine liberté, et voilà, pas un regard trop sexualisant ou trop séducteur, etc. Et voilà, quelque chose d'assez fragile et d'assez sincère, je trouvais. Et aussi, voilà, une certaine... Ouais, une vraie poésie dans son travail aussi du studio, qui est comme un petit théâtre, qui ouvre la porte sur le rêve, sur l'imaginaire. Donc voilà, j'étais complètement embarquée dans ça. Après, j'aimais beaucoup aussi les photos genre de Tim Walker et de photographes de mode assez emblématiques. Et je pense que c'est en étant au final une jeune fille, et via aussi parfois des magazines de mode ou quoi, que j'étais happée au final par cet amour de l'imaginaire qui est arrivé avec la photographie de mode. Vu que j'ai commencé la photo vers mes 13 ans et que c'est devenu une passion et une obsession immédiatement, mes parents qui sont médecins, ils m'ont toujours emmenée à des expos, etc. Ils ne connaissaient pas trop la photo. Mais c'est vrai qu'il m'avait pas mal initiée à l'expression artistique de manière générale. Et il s'avère que la photo, il ne connaissait pas. Donc ils se sont dit, allons voir ce festival de photos, les rencontres d'art. Et il s'avère qu'il y avait justement un stage qui était proposé avec Paolo Roversi, qui était juste une journée. Et à l'époque, j'étais mineure, j'avais donc 16 ans. Et je ne pouvais pas normalement intégrer le stage. Et ma mère l'a trop forcé en envoyant un mail en disant vraiment, chère, t'es très motivée, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut faire une exception ? Et finalement, je crois que Paolo et l'organisation des rencontres ont dit oui. Et donc, je me souviens de cette journée où c'était un des plus beaux jours de ma vie. J'étais trop heureuse. En plus, Paolo, il était vraiment hyper gentil, sincèrement gentil, disponible, généreux. Donc moi, ça m'a mis des étoiles dans les yeux. On avait pu lui poser plein de questions. On était genre une quinzaine et j'étais la plus jeune du coup. Et l'après-midi, on pouvait lui montrer notre portfolio et tout. Et j'étais tellement, je pense que j'étais tellement dans les étoiles que même à midi, je me suis dit, vas-y, ça se trouve, c'est la première et la dernière fois. de ta vie que tu le vois, propose-lui d'aller déjeuner. Donc je suis allée déjeuner avec lui, le pauvre, et je pense qu'il a dit oui par gentillesse. Mais en vrai, après coup, je me dis, waouh, Charles, t'es trop culotté. Donc on a déjeuné avec mon père et Paolo. Absurde, enfin, incroyable. Et il était trop gentil. Après, il m'a laissé sa carte. Et ce qui est fou, c'est qu'il m'a fait un peu une surprise. C'est que l'année d'après, j'étais revenue aux rencontres et il y avait Polka Magazine qui avait fait un petit sujet sur moi parce qu'il y avait un peu un côté étonnant à une... une fille qui est aussi jeune. Ce qui avait impressionné, c'était plus que j'avais beaucoup de photos. Je m'étais ramenée avec un livre blurb que j'avais imprimé. Et donc, j'avais quand même beaucoup de photos pour mon jeune âge. Et du coup, en fait, Polka avait aussi interviewé Paolo Roversi sur moi, sur mes photos, alors que j'avais 17 ans. Et c'était incroyable comme reconnaissance, comme signe de confiance. Et allez, vas-y, lance-toi. En tout cas, vraiment, ça m'a donné des ailes. Je me souviens de quelque chose d'assez fort, mais ça qui fait, je pense, à tous ces workshops, c'est qu'au début, il a une espèce de paperboard, et paperboard, l'accent belge revient, et en gros, il dessine un appareil photo, et je ne vais pas faire l'accent italien, mais il dit qu'est-ce qu'il faut pour faire une photo ? Et donc, tout le monde dit une pellicule, donc on met une pellicule, il met une petite flèche, on va avoir un appareil photo. Après, il dit qu'est-ce qu'il faut d'autre ? Et alors, tout le monde dit des yeux, de la lumière, patati, patata, un sujet, machin. Il dit non, non, non, et puis là, il dessine un cœur. il dit pour faire une bonne photo il faut mettre son coeur dedans il faut mettre de l'amour dedans et je lui ai rajouté la motte waouh c'est trop vrai et au final c'est un peu ce qui guide aussi mes projets jusqu'à maintenant et en plus c'était trop touchant parce qu'il s'avère que 7 ans plus tard, je sais plus quelle année ça nous mène je crois 2018 ou quelque chose comme ça Paul K me contacte parce qu'ils vont faire un sujet sur l'atelier de Paul Orversi et du coup il me propose de faire les photos et donc je vais dans son studio le prendre en photo chez lui et tout et moi j'étais en plus à la fois hyper émue, à la fois un peu intimidée, parce que voilà, c'est quand même le type qui m'a donné envie de faire la photo. Et je me souviens, sur le pas de la porte, au moment où on part avec mon assistant, ça, il avait été adorable et tout, et puis il dit à mon assistant, tu as de la chance de travailler avec Charlotte parce que Charlotte, elle photographie avec le cœur. Et là, j'étais là genre, incroyable. Au début de ma photographie, je faisais plutôt des photos de mes amis en décor naturel, que ce soit intérieur, extérieur, dans les champs, là où j'habitais en Belgique en fait, et du coup en lumière naturelle et tout ça. Il y avait quand même déjà cette notion de storytelling, de mise en scène, d'envie de raconter diverses personnalités, des choses comme ça. Mais en fait, en allant au Groubelin, j'ai un peu découvert complètement le studio et un peu ce qu'est la... page blanche du studio et en fait étrangement ça m'a vachement inspirée alors qu'au début j'avais l'impression que ça allait pas être pour moi mais cette idée de composer un peu comme un tableau en fait parce que du coup je me suis rendu compte que au final je pense que j'aurais pu être peintre mais c'est juste que j'avais pas du tout ni la patience ni les skills ni le talent et que la photographie c'était beaucoup plus immédiat beaucoup plus facile puis il y avait quand même un rapport au réel et à l'autre qui est intéressant que t'as pas forcément dans la peinture et donc cette idée de studio elle arrivait vraiment comme la page blanche... Et au fur et à mesure, je me suis rendue compte que j'aimais bien le travail de la composition, évoquer aussi parfois des figures ou des poses de l'histoire de l'art que parfois les gens connaissent dans l'art conscient collectif, de jouer avec les couleurs. Et au final, au fur et à mesure de me dire Ah, j'aime bien les codes de la photographie de mode et de la publicité. Et qu'est-ce que la photo esthétique, comme ça, me permet de mettre en lumière comme sujet ? Donc comment on lit le fond et la forme. Et voilà, dans cette esthétique assez épurée, assez minimaliste, avec une touche en effet d'humour ou d'absurde décalage qui crée un peu un questionnement ou quelque chose d'un peu inattendu ou de poétique. Et donc voilà, c'était un peu ce travail de se dire ok, ça c'est mes influences ou ce sont mes idées et comment j'arrive à traduire visuellement des choses comme ça et les mettre en image pour qu'elles soient assez lisibles en fait. Il y a un mélange de choses dans mon travail, dans le sens où il y a des images qui sont plus spontanées, qui vont plus arriver lors d'expérimentations, mais qui étaient aussi d'ailleurs plus dans un cadre où j'avais un studio qui me permettait d'expérimenter. Ou même quand j'étais au Gobelin, tout simplement, je pensais à une photo qui s'appelle Équilibre instable qui est à la base un sujet de Gobelin, qui est le fameux poirier où la fille a la jupe à l'envers sur un fond jaune. Ça, c'était des expérimentations. J'avais l'idée en amont, mais c'était un peu aussi... ou je pense au travail de body painting ou quoi, où d'un coup, c'est plus dans l'illusion d'optique que va avoir un certain angle, une certaine composition que se crée quelque chose d'intriguant. Alors que dans beaucoup de mon travail, je vais en effet réfléchir en amont, à me dire comment je peux traduire visuellement des idées, qu'est-ce que je peux exprimer dans le décor, dans le stylisme, dans les objets, comme par exemple dans le travail sur mon père, ou je pense à un portrait que j'avais fait de Rocaille à Diallo. où il y avait des oreilles en plâtre, il y avait aussi un micro de radio. Et voilà, ça évoquait le fait qu'elle posait sur la table des sujets auxquels on est parfois volontairement sourds, ou qu'on ne veut pas l'écouter. Et donc, à chaque fois, j'essaye de me dire, aussi inspirée du coup par le surréalisme, et par l'intérêt des objets, et par ce que les objets racontent de nous, ou peuvent symboliser, c'est toujours intéressant, parce que jouer avec les symboliques dans une image, fait qu'on peut arriver à transmettre un certain message. Donc c'est vrai qu'en amont, parfois je fais même des croquis, je réfléchis à mes éléments et à comment les associer esthétiquement. Et donc après, parfois, il peut y avoir des surprises le jour J. Mais en général, c'est vrai que j'ai un travail assez préparé. Et après, c'est toujours, tu vois, il faut toujours jouer avec la nuance et ne pas s'enfermer dans une méthodologie qui serait, à fortiori, dans les nuls, qui serait, c'est les inconnus, c'est les nuls, c'est les inconnus, je ne sais plus, c'est les inconnus. qui serait a fortiori un petit peu enfermante. La couleur, en vrai, c'est quelque chose de très vital. Je ne sais pas comment expliquer, mais même dans la vie, tout simplement, au-delà de mon travail, la couleur, ça va vraiment m'apporter de la joie, du plaisir. Je pense que ça déclenche des endorphines chez moi. Parce que même, je peux me balader dans la rue et je ne sais pas, un bouquet de... Je vois d'un coup une plante ou un bouquet de fleurs fuchsia et je suis en mode, waouh, c'est trop beau. Les couleurs, vraiment, je trouve ça incroyable. Et je pense qu'il doit y avoir aussi, comme je disais tout à l'heure, peut-être le rapport aussi à Belle-Île où j'ai grandi, où il y avait des couleurs, je me souviens évidemment du bleu de la mer, du ciel, du vert des falaises, du jaune du mimosa, du rose de certains volets de maison. Du coup, je pense que ça m'a un peu marquée. Puis les couleurs, c'est la vie, c'est la lumière, c'est le soleil, c'est la nature, c'est plein de belles choses, c'est les fruits, les légumes. Puis en vrai aussi, je pense qu'il y a un rapport à l'enfance. Quand on est enfant, on a beaucoup plus de couleurs dans notre vie, que ce soit dans les vêtements, les jouets, tout est hyper coloré. Puis après, on arrive dans le monde d'adultes, gris et triste. Et voilà, souvent les gens... Je me souviens parce que parfois, je vais au parc, pas loin de chez moi, regarder les enfants, c'est extrêmement bizarre à chaque fois que je dis ça, parce que je trouve qu'on n'est jamais en contact avec les enfants. Donc parfois, je vais au parc, bah ouais, regarder les enfants. Et je crois qu'on m'avait dit, il y a un enfant qui est venu me voir, il me dit Ah, est-ce que t'es habillée pour Carnaval ? Et genre, pas du tout en fait, je suis juste habillée tous les jours avec plein de couleurs. Mais ouais, je pense que c'est trop beau la couleur, c'est hyper vivifiant. Puis même, ça a des vrais pouvoirs qui sont, comment dire, prouvés. Enfin, je sais qu'il y a une prison à Lausanne, d'ailleurs il y a une photographe, dont j'ai oublié le nom malheureusement, mais qui a fait un travail très chouette là-dessus. Il y a une prison avec des murs roses clairs, et ça a prouvé que ça apaisait les détenus. Et puis aussi, je trouve que la couleur, c'est aussi une manière de communiquer. Ça aussi, pareil, il est symbolique du sens, des émotions. Donc, oui, c'est vrai que j'adore travailler avec la couleur. J'aime très fort certaines couleurs qui reviennent tout le temps. Le jaune un peu poussin. Je n'aime pas quand il y a trop de vert dans le jaune, des détails comme ça. Le rose pastel, le bleu ciel, le bleu clin. Même le vert, j'adore. J'adore le vert qui soit un peu olive ou qui soit... Plus forêt. Franchement, ça tourne beaucoup autour de ces couleurs qui, en vrai, comme je disais, ont fait vraiment partie du lieu où j'ai vécu, je pense. Et qui me ramènent de la joie, du réconfort. C'est un projet que j'ai fait sur mon père qui s'appelle... projet Maurice et qui a pris la forme d'un livre qui s'appelle Maurice, tristesse et rigolade. C'est un projet que j'ai commencé en 2011 quand j'avais 17 ans. Il faut savoir que dans ma vie personnelle à cet âge-là, j'avais un papa qui avait 79 ans, qui pourtant allait très très bien, sauf que il a eu un cancer et que ce cancer n'a pas duré très très longtemps, mais suite à une opération, il a eu des complications, du coup choc. pulmonaire, crise cardiaque. Il a été mis dans un coma artificiel pendant un mois et demi et quand il est ressorti de ce coma, il n'avait plus de tumeur, mais il avait son cerveau abîmé par des séquelles neurologiques définitives. Donc c'était très difficile, déstabilisant, remuant. Il faut savoir qu'à ce moment-là, je n'étais pas du tout dans l'optique de faire un projet. On était plutôt dans la survie et dans savoir comment on va, le big bang dans la famille, dans la vie et tout ça. Mon père est revenu à la maison. Pendant 2-3 ans, il était... Alors, il faut savoir qu'initialement, les médecins étaient plutôt pessimistes. Ils disaient, voilà, il est faible, il ne va pas récupérer, il ne lui reste pas beaucoup de temps et tout. Mais au final, il est revenu à la maison après quand même encore de longs mois d'hospitalisation. Et il est resté très, très affaibli pendant 2-3 ans, complètement dépendant, presque pas possible de communiquer, très prostré dans le vide, le regard ailleurs et tout. Mais en fait, au fur et à mesure, avec beaucoup... beaucoup d'amour, de soins, de temps. Il a commencé à récupérer certaines choses qui étaient complètement dingues pour nous, mais même rien que se lever tout seul de la table de la cuisine à son fauteuil, c'était un exploit. Ou pouvoir manger tout seul, ou des choses comme ça qui paraissent totalement ordinaires, mais qui sont complètement à réapprendre quand on a un proche malade. Et donc, c'est à ce moment-là, au moment où il est allé mieux, que j'ai commencé à vouloir faire un projet. Il faut savoir qu'en parallèle, du coup... Moi j'étais partie faire mon école à Paris en 2013, donc voilà, quand il était tombé la malade, c'était en début 2011. Et en fait, le recul aussi que m'a permis mon départ à Paris sur la situation de ne plus vivre quotidiennement avec m'a permis aussi de regarder la chose différemment. Et puis, la genèse aussi est arrivée. Justement, au Gobelin, on avait un cours de narration visuelle. Et je me souviens qu'il fallait faire une espèce de diaporama, une suite d'images qui racontait quelque chose. Et j'avais fait des photos, en fait, moi, de mon père à la maison, alors que, du coup, très documentaire, très réaliste. Peut-être que je mettais l'appareil photo entre moi et la situation un peu pour me protéger ou pour réaliser tellement c'était surréaliste. Quand ça vous tombe dessus, on a du mal à intégrer que ça arrive. Et donc, j'hésitais à faire ça. Et c'était une intervenante, comment dire, pas régulière, qui venait faire ce travail au Gobelin, qui s'appelait Michelle. Et je lui en parle et tout. Et c'était hyper touchant parce qu'en fait, elle commençait à me dire, après la classe, un peu plus à côté, elle me dit Ah, mais moi, je t'encourage vraiment à faire le travail sur ton père. Parce que moi, je ne sais pas, mais en fait, j'ai le cancer et du coup, je te le dis, fais-le. Donc moi, j'étais toute remue en mode, oh waouh, trop intense. Ça veut dire qu'il y a quand même une certaine nécessité à peut-être développer ça. Alors que comme je te disais, vraiment, c'était tout à fait embryonnaire. C'était des photos dont je ne pensais jamais rien faire et tout. Et donc, ce mélange de ça, de mon père va mieux. Je me suis dit, je vais commencer à le prendre beaucoup plus en photo et me dire que je vais en faire quelque chose. Donc à chaque fois que je retournais le voir en Belgique, je le prenais en photo, juste moi et mon boîtier. Puis c'était chouette parce que vu qu'il n'était pas toujours à même de communiquer, l'appareil photo d'un coup, ça amenait un jeu, ça amenait un lien. Il réagissait et tout et il prenait vraiment plaisir à ça. Et en fait, au fur et à mesure, oui voilà, c'est ça. Un jour, il est venu à Paris pour ma remise de diplôme, c'est ça, des Gobelins. Et j'en ai profité en fait parce que j'avais des amis qui avaient un petit studio. Et je me suis dit, qu'est-ce que ça donne ? Je ne l'ai jamais emmené en studio. Enfin, je le photographiais à la maison, tranquille et tout, mais... Qu'est-ce que ça donne ? Comment il réagit si je la met dans un studio avec des flashs et tout ? C'est un peu qui tout double quoi. Soit il est profité et ça le paralyse et tout, ou au contraire ça le stimule et ça lui fait entrer dans une certaine joie et dans un jeu. Et donc très fort heureusement ça a été le deuxième cas. Donc il était un peu comme une star de cinéma, il changeait de pose à chaque clic et tout, et c'était trop chouette. Et c'est vraiment ce jour-là où je me suis dit En fait il faut que je fasse un projet en deux parties. Une partie documentaire, du coup, où on retrouve toute cette traversée entre l'annonce de sa maladie, le fait qu'il tombe dans le gouffre du coma, puis comment il se reconstruit derrière, comment on adapte une vie autour de quelqu'un de malade et de vieux. Et après, je me suis dit, je veux faire aussi une partie mise en scène où d'un coup, je raconte comme un conte visuel et météphorique ces différentes étapes qu'il a traversées, en commençant par le coma. Et donc, j'ai fait tout un travail où j'avais fait des croquis, d'ailleurs. de décors, de costumes, d'accessoires qui racontent tout ça. Je pense à un tableau, par exemple, qui voulait raconter le fait qu'il avait perdu ses notions spatio-temporelles. Donc j'avais fait un tableau tout en rouge qui s'appelait Des orientations où le sol et les murs avaient la même couleur. Il y avait un escalier calé dans le mur qui était une référence à Magritte qui brouillait complètement les perspectives de direction. Il y avait des horloges sans aiguilles qui faisaient référence à une scène de film Ingmar Bergman, qui s'appelle Les Fraises Sauvages. Et il avait, mon père, il avait un costume aussi tout en rouge, avec des très longues manches, qui montrait un peu son incapacité à faire les choses par lui-même. Et donc, voilà, j'avais ce travail documentaire, ce travail mise en scène. Sauf que la mise en scène, ça coûtait bonbon, en fait, de faire de faire tous ces constructions, trouver les costumes, construire ou les louer, etc. Et donc, j'ai voulu faire un Kickstarter, c'était en 2016. Et en fait, quand j'y pense, c'est assez fou parce que je me souviens, la veille que je mette le Kickstarter en ligne, j'étais un peu prise de panique. Alors que j'avais tout préparé, j'avais fait la vidéo, j'avais scanné les croquis, tout expliqué, où va l'argent, qu'est-ce que je vais faire exactement, etc. J'étais vraiment hyper déterminée. Et la veille, je me suis dit non, mais je vais afficher ma vie, trop bizarre, qu'est-ce que je suis en train de faire, c'est n'importe quoi. Puis heureusement, j'ai eu un élan où je me suis dit, est-ce que tu as juste peur du regard des autres et du coup, tu ne vas pas faire ton projet ? où est-ce que tu t'en fiches et tout ce qui compte c'est faire le projet avec ton père. Heureusement, j'ai mis en ligne la chose. Et c'est vrai que c'est assez fou parce que j'ai reçu immédiatement une ribambelle de messages d'inconnus, mais qui s'adressaient à moi de manière hyper intime et trop touchante parce qu'un proche, une mère, un père, un grand-père, un ami traversaient ça. Donc d'un coup, c'était assez intéressant parce que moi je m'étais sentie très seule pendant toute la maladie de mon père. J'avais fait ce projet un peu par survie, par résilience, sûrement par besoin de transformer ça. Et c'est vrai qu'on dit souvent qu'il faut le vivre pour le comprendre. Et d'un coup, c'est vrai que tu te rends compte que plein de gens vivent ça, c'est juste que personne n'en parle. Et donc c'est trop con, on est tous tout seuls dans notre merdier, alors qu'on pourrait quelque part collectivement se soutenir, ou en tout cas savoir que certaines personnes traversent ça. Et donc c'était un vrai plaisir de me rendre compte que mon livre, il a peut-être permis à des gens d'avoir de l'espoir ou de traverser ça. Et c'est vrai que moi-même, la photographie, ça a été totalement thérapeutique sur cette expérience de ma vie, puisque ça m'a changé mon regard. Au début, j'étais un peu à subir le fait que mon père n'allait plus jamais être comme avant, à être dans la frustration et tout. Et avec la photographie, je me suis mise à l'apprivoiser, à l'observer, à l'admirer, à me dire que c'était comme une poésie et que j'allais un peu... rendre hommage à cette poésie. Et donc, de là est né ce projet et cette envie de créer comme un conte autour de thématiques qui sont plutôt normalement effrayantes, la maladie, le coma, la vieillesse, les séquelles, la dépendance, et qui pourtant vont faire normalement plus ou moins partie de notre vie, à un moment donné ou à un autre, selon les vies. Donc voilà, et maintenant l'idée c'est que je transforme ce livre en une exposition, j'espère pour 2024-2025, alors je pense que 2024 c'est un petit peu serré, mais on va quand même se remettre la rate au courbouillon comme on dit, les inconnus ne sont pas loin non plus. Et l'idée c'est de rééditer le livre au moment de cette exposition. Ce qui était hyper particulier, c'est que mon père est décédé deux mois avant la sortie du livre. Littéralement dix jours après sa mort, j'étais à l'imprimerie. Mais bizarrement, d'avoir ce livre qui sort, ça m'a hyper fort aidée à ce moment-là. Et en parallèle, il a été en rupture de stock hyper vite. C'était un projet qui m'a mis sept ans de ma vie. J'avais 24 ans à l'époque, donc sept ans sur 24 ans, c'est quand même long. C'est quand même une grosse partie de la vie. J'y ai mis vraiment tout l'amour possible et imaginable. C'est clairement mon projet le plus important, le plus abouti. Et au final, il est un peu impalpable maintenant, mais je compte m'y remettre dessus, parce que c'est vrai qu'il y avait des raisons un peu personnelles, un peu difficiles forcément de revenir là-dedans. Mais je me suis rendue compte que, même si pour moi c'était mon passé, c'était quand même le présent de plein de gens, et que donc, encore une fois, par collectivité, il y avait peut-être... Et puis aussi par envie que le souvenir de mon père perdure, et qu'il reste dans les mémoires, même si ça fait maintenant six ans qu'il est parti. C'est juste que c'est vrai que c'est un sujet tellement personnel que forcément je le porte de manière différente au cours de ma vie, mais je veux continuer de le porter en tout cas. Il faut savoir qu'Angèle et moi, on est belges, on vient de Bruxelles, et on se connaissait de loin, de vue, on ne s'était jamais rencontrées, mais je savais qu'elle avait une très chouette tête, je ne savais pas qu'elle chantait à l'époque. Et en fait, je suis tombée sur son Instagram par hasard en 2016, là où j'ai découvert qu'elle faisait des petites capsules où elle se mettait en scène pour chanter. Donc déjà, un, je découvre qu'elle chante bien, deux, je découvre qu'elle est drôle et qu'elle a une façon de se mettre en scène que je trouve originale et qui sort du lot. Et du coup, je la suis. Elle est trop mignonne à l'époque, je crois qu'elle avait 2000 abonnés. Mais je ne sais pas si on peut encore retrouver ses petites vidéos, mais elle, c'était vraiment chouette. Et du coup, le lendemain, c'est sa manageuse qui me contacte et qui me dit Oui, on va commencer à faire des petits concerts dans des bars, on n'a rien, on n'a pas d'image. Est-ce que tu es d'accord de nous faire des premières images ? Donc on fait ces premières images, je crois que c'était les premiers jours de janvier 2017. On fait ces images où elle a les spaghettis sur la tête avec son ciré jaune. Et ça marche bien, on trouve ça chouette, le contact est fluide et tout. Et du coup, on embraye assez rapidement sur d'autres photos. Puis l'idée de faire des clips, même si je n'avais jamais fait de clip, il y avait un peu cette idée de se dire, c'est logique que Charlotte le fasse. J'avais driveé un peu l'image et du coup, il y avait une espèce de fluidité qui était assez chouette. Et puis, il n'y avait pas du tout de label en question. En fait, on était très libre. Alors évidemment, c'était le tout début du projet, donc il n'y avait pas de budget, mais on a quand même réussi à faire avec ce qu'on avait. Et c'était trop chouette. Je me souviens, La loi de Murphy, je ne m'attendais pas. J'étais surprise de comment ça a marché. Même la fusion musique-image. Et d'ailleurs, moi, je préférais à la base la chanson Je veux tes yeux. La loi de Murphy, je n'étais pas forcément hyper fan de la chanson. Mais en fait, en faisant le clip, je me suis mise à aimer la chanson. Et voilà quoi.

  • Speaker #0

    Le passage à la vidéo, j'y ai toujours pensé. Je l'ai toujours un peu redouté aussi, parce qu'il faut savoir que vu que j'ai commencé à la photo à 13-14 ans, j'ai eu le temps d'expérimenter, de faire des trucs ratés, de tester différentes lumières, différents styles de photos, de me faire la main. Alors qu'en vidéo, pas du tout. Je ne sais pas tenir une caméra. Ok, j'ai un sens du cadre et de la mise en scène, mais j'avais peur que d'un coup, la différence d'expérience soit trop forte. où justement que je ne me retrouve pas dans la vidéo. Et au final, j'ai pensé le clip de La loi de Morphique, et donc mon premier clip, vraiment comme une série de photos finalement, parce que vu que dans mon travail photographique, j'ai une manière un peu sérielle de travailler, que l'ordre des images a une importance dans ce que ça raconte. Au final, c'était pareil avec les plans d'un film. C'est juste que j'avais décidé de faire des plans flics pour rappeler justement la photographie, pour avoir du coup une certaine main sur la composition. Et que oui, chaque... capture d'écran en fait aurait pu être une photo ça je trouvais ça chouette aussi puis c'était ma manière à moi d'intégrer cette nouvelle façon de faire ce nouveau médium puisque la différence énorme enfin les différences énormes c'est quand même que l'on passe d'un instant à un moment que donc il n'y a pas du tout la même notion de temps ni même la motion de mouvement c'est pour ça qu'au début tout est assez fixe dans ce que j'ai fait enfin j'ai mis du temps à intégrer la notion de déplacement de la caméra la temporarité du mouvement Et donc j'ai pensé un peu ça comme une succession de plans fixes. Et en fait, j'avais fait le pré-montage en amont dans ma tête et en storyboard, où j'écoutais la musique et je la segmentais en fonction du rythme, par tranche de secondes, enfin de plusieurs secondes. Et je me disais, telle seconde, j'ai envie de telle image, etc. Et c'est comme ça que ça s'est construit au fur et à mesure. Mais c'est vrai qu'au début, j'étais un peu tétanisée à me dire, comment je vais passer à la vidéo ? Et c'est en décortiquant tout ça... Et presque de manière assez scolaire, même mon storyboard fait à la main avec des petites images de Google Images que j'avais imprimées, décopées et collées à la colle. C'était très scolaire, mais au final, ça a marché. Je trouve que déjà, entre la photo et la vidéo, il y a une différence dans ce rapport aux autres. Dans le sens où la photo, concrètement, je peux en faire seule. Par exemple, les photos où j'étais allée revoir mon père en Belgique, je suis seule. Après, la photographie de studio, c'est autre chose. Parce que d'un coup, il y a du matériel, il y a des lumières, il y a quelque chose de plus chargé. Puis il y a aussi le travail d'équipe avec soit le stylisme, le maquillage. Après, moi, ce n'est pas forcément la photographie de mode qui m'intéresse. Mais c'est comment tous ces outils-là peuvent se mettre au service du sens d'une image sans qu'elle soit forcément destinée à vendre. un vêtement quoi et c'est vrai que dans la vidéo tu dépends 100% des autres en fait du régisseur au chef électro au chef opérateur au pointeur enfin tous sont complètement indispensables et c'est hyper fort et beau puis aussi techniquement j'ai pas été formé en fait à manipuler des caméras alors après je suis avec le chef op et on regarde le cadre au millimètre mais c'est vrai que je suis plus dépendante en vidéo aussi le travail de la vidéo ça t'oblige un peu être un chef d'orchestre Et d'ailleurs, que ce soit dans la photo ou la vidéo, le temps m'a appris à déjà savoir, entre guillemets, exactement ce que je veux. Ça, c'est surtout dans la réalisation, parce que chaque seconde de travail est comptée. En fait, le temps sur un tournage, c'est ton plus grand ennemi. Donc, pour optimiser le temps, tu es obligé de savoir exactement ce que tu veux et ta journée est découpée en fonction de ce que tu dois faire. Donc, c'est identifier ce que je veux faire, comment je veux le faire et ensuite savoir le communiquer aux autres. Et puis avec chaque membre d'équipe, qu'est-ce qu'il est capable de proposer ou d'enrichir ou d'apporter à l'image, esthétiquement ou avec du sens. Et après, c'est vrai que la solitude de la photographie, moi c'est vrai que j'ai un petit défaut, c'est que j'ai tendance à être beaucoup trop dans ma tête. Je passe franchement 80% du temps dans ma tête où je peux vraiment fixer une fenêtre pendant des heures. J'ai un truc un peu contemplatif où du coup... Parfois dans des travaux personnels reliés à la photo ou à un travail plus solitaire, je vais parfois plus m'enfoncer dans le doute ou être un peu paralysée sur ça. Là où typiquement sur un travail de clip, on est dans un enjeu où ça dépend aussi d'une deadline qui dépend d'autrui. Je trouve que parfois dans la photo solitaire, il y a un truc où pour ma part, pour mon caractère, tu peux parfois être un peu baignée dans le doute. ou l'incertitude et ça peut parfois jouer des tours. Je mène quand même ma barque. Je ne sais pas si je dirais que je la mène assez seule parce que je suis entourée, mais disons que j'arrive quand même à avoir une certaine indépendance de mes idées, etc. Mais c'est sûr que c'est trop chouette d'avoir un ping-pong, d'avoir aussi un œil extérieur. Après, encore une fois, l'œil extérieur, il peut parfois te replonger dans le doute parce qu'il faut savoir s'écouter, il faut savoir aussi savoir si un sujet revient ou une envie revient régulièrement, d'y croire soi-même, même si souvent d'ailleurs... C'est mes amis qui me disent ça au début, ils me disent Ouais, parfois tu parles d'un projet au début, genre en vrai on comprend rien de ce que tu dis, et après bon bah tu commences à faire le truc et on commence à voir que ça prend forme. Mais c'est vrai qu'au tout début, il n'y a que moi qui vois, et parfois j'ai l'impression que les autres sont dans ma tête et qu'ils voient ce que je raconte, alors que pas forcément. Mais bon, et j'ai l'impression qu'avec le temps, ça devient de plus en plus comme ça, parce que forcément les idées parfois se complexifient ou quoi. Mais ouais, il y a vraiment ce truc de... C'est tout un processus qui en fait met vachement de temps entre... Vivre quelque chose, une expérience, un événement, un truc de l'actualité, l'intégrer, puis après le digérer, et puis le produire en quelque chose d'artistique, ça peut mettre vachement de temps. Je pense que le corps, il est arrivé de manière hyper instinctive, simplement parce que j'ai un corps. Et parce que du coup, j'ai grandi en tant que jeune fille, en tant que jeune femme, en tant que femme. Parce que voilà, ça y est, j'ai 31 ans. Enfin non, pas encore, j'ai 31 ans. Bon ok, je m'écarte totale. Bref, donc tout ça pour dire qu'en vrai, quand t'es une jeune fille, d'ailleurs je pense quand t'es un jeune garçon aussi, tu grandis et tu vois ton corps changer. Mais c'est vrai que pour les meufs, il y a un truc encore qui se cristallise en fait sur... Ta valeur est énormément portée sur ton apparence, sur ton corps, sur si t'es bonne ou pas, sur patati, patata, c'est des grands questionnements avec énormément de complexes et en fait qui viennent complètement te brouiller et te faire perdre du temps concrètement et qui peuvent même parfois t'atteindre sur la construction de soi et les complexes et la confiance etc. Donc je pense qu'il y avait déjà un constat d'une féminité hyper étriquée ou hyper normée. On doit rentrer dans le moule justement de, à l'époque il n'y avait pas trop les réseaux sociaux mais il y avait plutôt les magazines et je sentais une espèce de chose complètement contradictoire entre les représentations que je voyais de jeunes femmes souvent sexualisées, objectifiées, même si ce n'était pas forcément hardcore mais tu sentais toujours le même prisme de séduction, de domination, de regard même si ça pouvait être dans l'admiration ou quoi mais il y avait toujours un prisme sexualisant. Et moi j'avais un peu envie de détourner cette hypersexualisation, d'en rigoler, de la mettre en lumière, de mettre son absurdité en lumière. Et aussi j'avais envie de représenter quelque chose d'un peu plus maladroit, d'un peu plus rigolo, d'un peu plus décomplexé. D'un coup qu'en fait on rigole de nos complexes, ou qu'on rigole avec nos complexes plutôt que de les scruter, de les éliminer. Et donc d'un coup je trouvais de l'intérêt dans les bourrelets, dans les plis, dans la gravité du corps, dans des positions absurdes. je pensais à un projet aussi qui s'appelle Les Enveloppes, que je n'avais jamais publié en entier d'ailleurs, je me rends compte. Ou avec Ophélie Sec, qui est une artiste maquilleuse avec qui je travaillais tout le temps. Elle avait peint tous les corps en blanc au farallot. C'était d'ailleurs inspiré initialement de la série Noudi de Paolo Roversi, qui représentait plein de mannequins nus. Sauf que là, j'avais fait des mannequins qui étaient un petit peu plus variés en termes de corpulence. Et c'est vrai qu'il y avait quelque chose d'hyper beau dans la façon où le corps d'un coup Il était esthétisé non pas par une posture galvanisante ou qui met en valeur ou un peu olympique ou quoi, mais d'un coup par le blanc sur la peau faisait que d'un coup c'était plus ternelle, c'était comme une pâte à pain ou comme une guimauve ou comme quelque chose de gourmand et de onctueux ou comme un nuage. Donc ça changeait ta perception du corps. C'était pas du tout un rapport sexuel, mais beaucoup plus naturaliste du corps, comme si le corps devenait un paysage, quelque chose d'abstrait. C'est vrai que ça c'est quelques images des enveloppes, j'ai pu notamment les intégrer dans le clip que j'ai fait sur les passantes de Georges Brassens, qui était d'ailleurs complètement une carte blanche. Et où pareil, c'était un gros défi ce clip parce que j'avais fait quelques clips d'Angèle. Angèle est une chanteuse pop, des chansons pop ont une structure très particulière avec des couplets, des refrains, un beat, un pont, etc. Là d'un coup j'étais dans un tunnel de 4 minutes 17 avec juste Georges Brassens. Pas de couplet ni de refrain, juste sa diction, une guitare et un violoncelle. Et donc les Passantes, ça a été une carte blanche où j'ai pu finalement... interpréter littéralement ce poème qui était donc d'Antoine Paul de 1911, parce que c'est une des rares chansons que Brassens n'a pas écrite. Et Brassens a mis très longtemps à composer la musique. Donc c'est un texte qu'il a longtemps porté en lui, je pense, et il a composé la musique en 1972, si je ne me trompe pas. Et donc c'était hyper intéressant de le réinterpréter du coup, en fin 2017, début 2018, parce que Me Too venait d'arriver, vraiment un mois avant. Et donc il y avait... Cette volonté d'avoir une carte blanche, donner à une réalisatrice féminine pour apporter son point de vue. Et donc, j'étais face à ce tunnel de guitare et de diction de Brassens. Et ma seule moyen, finalement, de découper mes photographies que j'allais mettre à la suite, comme des vignettes, c'était de découper selon le phrasé de Brassens qui disait parfois les e comme ça, une silhouette fluette, e des choses comme ça. Et à chaque fois, du coup, je découpais les vers. Donc vraiment, j'ai fait... J'ai un peu tronçonné le truc, mais chaque fois, je me dis, qu'est-ce que ce vers m'inspire ? À un moment donné, il dit à la compagne de voyage ça me faisait penser à l'aide-soignante de mon père. Je suis représentée une dame qui accompagne un petit papy à marcher dans un jardin, des choses comme ça. Et donc, j'aime beaucoup ce clip parce qu'au final, il m'a permis d'intégrer à peu près 120-125 vignettes, donc différentes scènes, différentes photographies. Et c'est comme un gros livre photo, au final, animé. Parce que pareil, les plans sont relativement fixes. Parfois, il y a des petites traves lignières avant, mais ça reste assez contemplatif, puis c'est sur un rythme de musique lent. Et donc, c'était important pour moi de pouvoir un peu cristalliser dans ce clip tout un tas de représentations féminines, de corps, de métiers, d'origine. Et c'était assez impressionnant puisque le clip a été censuré le jour même. Et il a été signalé en masse par les utilisateurs de YouTube parce qu'apparemment, c'est extrêmement choquant de voir des femmes qui ne sont pas que jeunes, minces et blanches. Et voilà, c'est extrêmement dur de voir des femmes noires ou des femmes grosses. Waouh, c'est choquant. J'ai fait ce petit manuel Sex Education avec Netflix, qui était pour la promotion de la saison 2 de la série en France. Et ils m'ont simplement dit, ouais, est-ce que tu as une idée pour promouvoir la saison 2 ? Et assez rapidement, m'est venue cette idée de petit manuel. Et ce qui est chouette, c'est que toute seule, je n'aurais pas pu le faire. Je ne l'aurais peut-être pas fait aussi vite avec cet impact de diffusion parce que ce qui était génial, c'est qu'il a été imprimé à 75 000 exemplaires et envoyé gratuitement. Il suffisait simplement qu'on s'inscrive sur un site internet. Il n'y avait même pas de frais de port et c'était envoyé gratuitement chez la personne. Donc je trouvais qu'en termes de pouvoir éducatif, c'était trop chouette. Puis il y avait un peu le côté cool de Netflix. Il y avait l'actrice principale Emma Mackey qui s'était prêtée au jeu, qui était en couverture. Ça parle de sexualité. Évidemment, on s'intéresse. beaucoup de monde, surtout les jeunes, et si ça peut donner des notions importantes de respect, de consentement, de découvert de l'autre, et des notions capitales qui ne sont pas données justement en cours, à l'école ou dans les familles, parce que c'est tabou, etc. Donc j'ai vraiment vu ce projet comme quelque chose d'hyper important, et en plus j'ai pu quand même avoir vachement de liberté dans son élaboration. Donc c'était chouette et ce que j'aimais le plus en fait c'est qu'au final il y avait des gens de tout âge qui le feuilletaient et qui apprenaient des choses. Moi j'ai appris plein de choses en faisant ce manuel et encore une fois je trouve que c'est encore plus gratifiant et intéressant quand un projet permet d'être un support éducatif et que l'image, la direction artistique, le graphisme viennent enrichir et apprendre quelque chose. Ça m'avait trop touchée parce que j'avais fait une exposition à Bruxelles il y a deux ans. Et en fait, il y avait une classe de réto de Crowley, qui est une école à Bruxelles qui est assez spéciale, qui se démarque des autres écoles. En fait, il y a une prof de réto qui a emmené sa classe voir mon expo. Et ils ont tous écrit une lettre après sur ce qu'ils ont ressenti. Et c'était franchement un des plus beaux cadeaux que j'ai reçus. Pareil, ça m'avait... Je me souviens, j'étais... J'étais chez une amie en train de lire ça, dans la cage d'escalier, en train de pleurer en mode waouh, c'est incroyable Parce que même les lettres des garçons me touchaient presque encore plus. Parce que d'un coup, c'était ah, je me rends compte que tous les corps peuvent être beaux On sentait que ça avait peut-être déplacé des choses en eux sur un rapport au corps. Et qu'à 16, 17, 18 ans, c'est tellement important. Parce que beaucoup de parents sont en mode ah non, non, surtout pas, tabou Mais en fait, il faut se rendre compte que même les enfants, les pré-adolescents, les adolescents, ils baignent dans une société hyper sexualisée en permanence. Et que c'est justement en en parlant, et en disant les choses, et en échangeant, et en établissant les mots clairs et les règles de base, qu'on formera une sexualité positive, puisque la sexualité arrivera d'une manière ou d'une autre. Mais il vaut mieux qu'elle soit dans un cadre sécurisé, de respect, plutôt que justement laisser ses enfants dans le gouffre. Et justement, pour moi, l'ignorance, c'est le terreau fertile des violences. Donc c'est en éduquant qu'on aura des meilleures choses, tout simplement. C'est vrai que j'aime beaucoup le travail du portrait et en vrai j'adore autant faire des portraits d'anonymes que des portraits de gens plus connus. Ce qui diffère en général c'est le rapport à l'image évidemment. Mais c'est vrai que j'aime beaucoup le portrait parce que je vois ça un peu comme un échange, puis je vois un peu ça comme... à chaque fois je vais admirer la beauté que je trouve en une personne, encore une fois qu'elle soit anonyme ou pas. Et c'est vrai que dans le cadre d'un travail de commande de presse, il y a certains composants qui font que tu travailles quand même avec des contraintes. C'est intéressant aussi comme façon de faire. Après parfois c'est un petit peu limitant en termes de créativité parce que tu as forcément des enjeux où la personne doit être reconnaissable, fort, assez éclairée, plutôt mise en valeur. Donc on va... pas être sur des photos qui vont révolutionner le portrait ou la représentation, mais parfois je pense à un portrait que j'adore de Annie Ernaux, que j'ai fait chez elle. Par exemple, ça c'était un portrait qui avait lieu dans le cadre d'une commande du Marie-Claire en 2021, sur un projet de huit couvertures sur le 8 mars. Donc j'avais photographié huit femmes différentes, dont Aïssa Maïga, Lucène de Yakuza, il y avait aussi une avocate qui s'appelle Elisa Rojas. Et dans ces diverses femmes-là, il y avait notamment Annie Ernaux. Et en fait, à l'époque, elle n'avait pas voulu aller au studio pour des raisons du Covid. Donc, j'avais exceptionnellement fait son portrait chez elle. Et en fait, c'était un moment magique parce qu'on était chez elle dans le Val d'Oise avec sa maison qui donne justement un vu sur l'Oise et qui a une très, très belle lumière au petit matin d'hiver qu'il y avait. Puis, il y avait une espèce d'apaisement chez elle. Et puis, elle était hyper gentille. Et moi, c'est vrai que c'est une écrivaine qui m'inspire énormément, qui me parle très, très fort. même dans ma vie personnelle et tout, dans sa façon d'écrire. Donc, le portrait qu'on a fait, il avait à la fois cette simplicité, cette pureté. Et je le trouve hyper beau parce qu'il est très simple et qu'elle est très belle dessus. Et je pense aussi à un portrait plus récent que j'ai fait de Amélie Nothomb, aussi pour le Marie-Claire de cette année, cette fois-ci. Et ce qui était génial, c'est que ça, pour le coup, c'est assez rare. de m'amuser avec, m'amuser littéralement vraiment avec les gens que je photographie. Parce que moi j'ai un peu, je pense qu'il me reste pas mal d'une âme d'enfant, et c'est pas forcément le cas de tout le monde, encore moins des stars ou qui ont un rapport plus compliqué à leur image, ou plus travaillé, etc. Mais avec Amélie Nothomb, on s'est amusé comme des gamines, avec un grand ballon rouge, et on rigolait, et on s'amusait, puis elle, elle se prêtait vachement au jeu, c'est quelqu'un d'assez théâtral. Et elle n'a pas peur du ridicule non plus. Et puis, je pense que c'est le côté belge aussi qu'on a en commun. Mais c'est vrai qu'au final, ce que j'aime bien avec le portrait de presse, c'est que ça donne lieu à des rencontres, parfois avec des artistes que j'admire, comme Annie Ernaux. Et ça crée des moments intéressants de créativité, parfois quand le cadre nous le permet. Et j'aime bien cette petite collection de portraits qui s'étend au fur et à mesure. C'est vrai que je me suis rendue compte avec le temps que j'ai travaillé rarement finalement l'image seule, dans le sens où souvent elle est associée à du texte ou à des mots, ou parfois même plus récemment je me suis amusée à retravailler certains tirages, à leur rapporter des choses par-dessus de manière un peu mixed-media. Par exemple j'avais brodé, enfin pas moi-même mais j'avais travaillé avec un atelier de broderie, qui avait travaillé des abeilles brodées sur des tirages pour un projet sur l'apiculture. Donc je pense qu'il y a cette voie-là de comment utiliser la photographie parmi d'autres médiums pour raconter un sujet. Et après, c'est vrai qu'il y a la voie de la réalisation qui m'inspire aussi, même si mon amour pour la photo restera toujours le premier. Je suis une amatrice de photographie, mais vraiment mille fois plus que cinéphile, par exemple. L'image fixe, c'est vraiment une passion de contemplation. Mais c'est vrai que je trouve que... La vidéo peut apporter une espèce de cumul d'émotions hyper forte, même dans la communication ou la transmission d'émotions. Donc je continue de réfléchir mes projets dans ces deux catégories et de voir comment je vais réussir à enrichir au fur et à mesure ma pratique. Si je devais retourner en arrière et me revoir à 16 ans, alors par rapport à l'invitation de reverser au déjeuner, je lui dirais calme-toi ma grande et réapprends un petit peu la politesse. Mais en même temps, je ne regrette pas. Et en vrai, je n'ai pas trop de regrets parce que j'avais quand même une forme de détermination, d'ailleurs, que je trouve assez impressionnante. Enfin, limite, j'étais plus déterminée que maintenant. Aujourd'hui, parfois, il y a plus le doute qui prend en place. Mais ça, je pense que c'est plus par rapport au monde de manière générale, du fait de devenir adulte. Dans la jeunesse, parfois il y a un peu de folie, un peu d'impression que tu vas pouvoir gravir des montagnes. Mais de manière générale, ce que je conseille aux jeunes photographes, c'est d'être patient, de ne pas lâcher, de continuer de travailler. Et aussi, je pense qu'à la différence de moi qui avait 16 ans en 2010, c'est que je pense qu'aujourd'hui, les gens ne sont peut-être pas du tout patients parce que les réseaux sociaux, parce que l'immédiateté, parce que poster, est-ce que ma photo va être likée, repartagée ? Du coup, je pense qu'il y a un thermomètre qui n'est pas du tout le bon aujourd'hui parce qu'il est vachement biaisé par l'immédiateté des réseaux sociaux et par peut-être un sentiment d'échec qui peut arriver très vite. Alors qu'en fait, il faut se laisser le temps. Encore une fois, moi, j'ai commencé à bidouer des photos à 13 ans et je pense que mon univers a dû commencer à se constituer que 10 ans plus tard. C'est vraiment prendre le temps, faire ce qu'on aime et réfléchir à ce qui nous amuse, ce qui nous passionne et ce qu'on a envie de raconter en images. et se donner du temps pour le faire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. À très vite pour parler de photographie.

Description

Comme beaucoup, j’ai découvert le travail de Charlotte Abramow avec son projet Maurice, tristesse et rigolade, une série photographique touchante dédiée à son père, victime à ce moment-là d’un cancer et d’un coma. Le projet est en grande partie mis en scène et pourtant, je n’ai rarement été aussi touché par certaines images. Cela se joue sur des détails : un sourire, un regard, une main posée délicatement sur le visage, un nez qui dépasse de la couette du lit. C’est un projet qui change le regard sur la maladie et qui fait du bien. Une façon de faire face, de la douleur à la résilience artistique. De ce fait, je n’étais pas très surpris, en rencontrant Charlotte, de retrouver la même part d’humanité, de sensibilité et d’humour chez elle.


Dans cet épisode, la photographe et vidéaste belge commence par nous raconter ses premiers souvenirs liés à la photographie, influencée par sa mère qui capturait des moments familiaux avec un appareil argentique Nikon. À 13 ans, Charlotte découvre la photographie de manière autodidacte, capturant des images simples sur son Skyblog. C'est en découvrant les œuvres de Paolo Roversi qu'elle ressent un véritable électrochoc artistique, qui la pousse à explorer plus profondément ce médium. Son parcours la mène à l'école des Gobelins à Paris, où elle affine ses compétences techniques et développe son style singulier.


Charlotte nous parle également de ses collaborations avec la chanteuse Angèle, des premières images jusqu'à la réalisation de clips. Charlotte explique comment elle a abordé la vidéo, un médium nouveau pour elle, en s'inspirant de sa manière de photographier. Cette transition vers la vidéo a élargi son champ d'expression artistique, lui permettant de raconter des histoires de manière encore plus immersive.


Enfin, l’artiste aborde des sujets plus larges tels que l'importance de la couleur dans son travail, son rapport au corps et à la féminité, ainsi que son engagement pour une représentation diversifiée et inclusive. Elle évoque également ses projets éducatifs, comme le manuel Sex Education avec Netflix, qui visent à transmettre des notions essentielles de respect et de consentement à travers l'image.


Cet épisode est une plongée captivante dans le parcours et les inspirations de Charlotte, une artiste qui photographie avec le cœur et qui transforme la réalité en poésie visuelle.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production à L'Oyau Studio. Vous écoutez Vidion, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, qui est une plateforme en ligne qui propose le moyen le plus simple sûr et responsable d'acquérir, de revendre ou d'échanger du matériel photo ou vidéo d'occasion.

  • Speaker #1

    J'ai choisi une photographie qui représente mon père. C'est une photo qui a été faite en studio, mais un décor qu'on a construit et qui présente comme une pièce, comme une chambre. où le papier peint est fait de nuages, comme si on était au milieu du ciel. Et on voit mon père, du coup, debout sur ce lit. Il a comme une cape de roi avec la couette du lit et il a une couronne. Il est comme le petit prince, en fait, au milieu du lit, debout. Et il y a un faisceau de lumière qui l'éclaire comme une porte entreouverte, comme la chambre des enfants un peu la nuit. Et il y a des ampoules qui circulent, je dirais, sur la couette et qui représentent un peu comme... ses connexions neuronales, ses souvenirs, ses pensées, ce qui s'éclaire encore en lui. C'est une photo que j'ai faite dans le cadre d'un projet que j'ai fait sur lui parce qu'il a été malade et qu'il a traversé un cancer, un coma. Et c'était un peu sur sa reconstruction. Donc c'est une photo qui est d'ailleurs la couverture du livre et qui est assez symbolique de plein de choses. Je m'appelle Charlotte Abramoff, j'ai 30 ans, je suis belge et je suis photographe. J'ai commencé la photo quand j'avais 13 ans. Je suis née donc en Belgique. J'ai vécu quand j'étais petite à Béli-Lanmère de mes 8 à mes 13 ans. Je pense que ça a été super important pour moi parce que c'est un endroit magnifique, plein de couleurs, de lumières, même les petites maisons, toutes les couleurs qu'il y a. En fait, je me suis rendu compte que ça avait beaucoup, à mon avis, infusé en moi quelque part. Après, je suis rentrée à Bruxelles pour mon adolescence. J'ai fait un bac S au lycée. J'avais déjà commencé la photo pendant que j'étais au collège. Mais voilà, il fallait terminer le lycée. Et après, j'ai fait deux ans de Gobelin. Donc je suis partie à Paris pour faire l'école des Gobelins. Et j'ai été diplômée en 2015. C'est vrai que dès le lycée, je pensais déjà à comment j'allais pouvoir faire de la photo au plus vite. Mais voilà, je voulais terminer le lycée général. Et en allant aux rencontres d'Arles quand j'avais 16 ans, c'est vrai que je suis tombée au détour d'un stand qui présentait l'école des Gobelins. Et ça m'a plu ce côté un peu terre à terre, un peu, oui, en effet, assez technique. Moi, je ressentais vraiment ce besoin où je ne connaissais rien, ni la retouche, ni les lumières artificielles, ni le studio. Et je sentais que ça bloquait un peu ma créativité. Et là, je sentais que ça pouvait être un chouette terrain de jeu pour apprendre tout ça. Et donc, c'est vrai que je me suis lancée dans le choix de cette école de manière assez instinctive. Les premiers souvenirs que j'ai qui sont liés à la photographie, c'est plutôt des souvenirs familiaux. Parce que ma maman, elle faisait beaucoup de photos de famille avec un argentique Nikon. Et donc, c'est un objet qui m'était assez familier. Même parfois, je le prenais pour faire une photo d'eux ou quoi. D'ailleurs, dans l'album de famille, d'un coup, tu vois une photo complètement décadrée avec l'appareil photo trop lourd pour l'enfant. Et même, il m'avait offert un petit appareil photo jetable pour un voyage scolaire, genre quand j'avais 7 ans. Et donc, il y avait ce truc un peu de capturer des souvenirs et d'un côté un peu jeu aussi. Enfin voilà, dans un appareil photo, il y a comme un rectangle. Donc quand on est un enfant, il y a un truc un peu ludique aussi. Et donc ça, c'était mes premiers contacts avec la photographie. Et après, c'était plus en grandissant. Au final, vers mes 13 ans, je crois que c'était par ennui. En fait, j'ai découvert... Les photos de Paolo Roversi, ça a été un peu une espèce d'électrochoc, de me dire waouh, c'est trop beau Et voilà, en parallèle, j'ai commencé à faire des petites photos très basiques, à l'époque Skyblog, des pattes de mon chat, des fleurs, des canettes de Red Bull, des converses. Et ça a commencé comme ça, puis après c'était les autoportraits, des portraits de mes amis et tout, et voilà quoi. Je me souviens évidemment de son portrait emblématique de Natalia Vodianova, pour lequel il est extrêmement connu, qui est d'une simplicité incroyable, mais qui est magnétique. Et c'est vrai que de reverser ce que je trouvais qui ressortait très fort par rapport à plein d'autres photographes de mode, c'est qu'il y avait une poésie, une espèce de mystère, quelque chose d'assez pur. On n'était pas dans justement une érotisation ou une objectification totale de la femme. Il y avait quand même... une aura, une certaine liberté, et voilà, pas un regard trop sexualisant ou trop séducteur, etc. Et voilà, quelque chose d'assez fragile et d'assez sincère, je trouvais. Et aussi, voilà, une certaine... Ouais, une vraie poésie dans son travail aussi du studio, qui est comme un petit théâtre, qui ouvre la porte sur le rêve, sur l'imaginaire. Donc voilà, j'étais complètement embarquée dans ça. Après, j'aimais beaucoup aussi les photos genre de Tim Walker et de photographes de mode assez emblématiques. Et je pense que c'est en étant au final une jeune fille, et via aussi parfois des magazines de mode ou quoi, que j'étais happée au final par cet amour de l'imaginaire qui est arrivé avec la photographie de mode. Vu que j'ai commencé la photo vers mes 13 ans et que c'est devenu une passion et une obsession immédiatement, mes parents qui sont médecins, ils m'ont toujours emmenée à des expos, etc. Ils ne connaissaient pas trop la photo. Mais c'est vrai qu'il m'avait pas mal initiée à l'expression artistique de manière générale. Et il s'avère que la photo, il ne connaissait pas. Donc ils se sont dit, allons voir ce festival de photos, les rencontres d'art. Et il s'avère qu'il y avait justement un stage qui était proposé avec Paolo Roversi, qui était juste une journée. Et à l'époque, j'étais mineure, j'avais donc 16 ans. Et je ne pouvais pas normalement intégrer le stage. Et ma mère l'a trop forcé en envoyant un mail en disant vraiment, chère, t'es très motivée, s'il vous plaît, est-ce qu'on peut faire une exception ? Et finalement, je crois que Paolo et l'organisation des rencontres ont dit oui. Et donc, je me souviens de cette journée où c'était un des plus beaux jours de ma vie. J'étais trop heureuse. En plus, Paolo, il était vraiment hyper gentil, sincèrement gentil, disponible, généreux. Donc moi, ça m'a mis des étoiles dans les yeux. On avait pu lui poser plein de questions. On était genre une quinzaine et j'étais la plus jeune du coup. Et l'après-midi, on pouvait lui montrer notre portfolio et tout. Et j'étais tellement, je pense que j'étais tellement dans les étoiles que même à midi, je me suis dit, vas-y, ça se trouve, c'est la première et la dernière fois. de ta vie que tu le vois, propose-lui d'aller déjeuner. Donc je suis allée déjeuner avec lui, le pauvre, et je pense qu'il a dit oui par gentillesse. Mais en vrai, après coup, je me dis, waouh, Charles, t'es trop culotté. Donc on a déjeuné avec mon père et Paolo. Absurde, enfin, incroyable. Et il était trop gentil. Après, il m'a laissé sa carte. Et ce qui est fou, c'est qu'il m'a fait un peu une surprise. C'est que l'année d'après, j'étais revenue aux rencontres et il y avait Polka Magazine qui avait fait un petit sujet sur moi parce qu'il y avait un peu un côté étonnant à une... une fille qui est aussi jeune. Ce qui avait impressionné, c'était plus que j'avais beaucoup de photos. Je m'étais ramenée avec un livre blurb que j'avais imprimé. Et donc, j'avais quand même beaucoup de photos pour mon jeune âge. Et du coup, en fait, Polka avait aussi interviewé Paolo Roversi sur moi, sur mes photos, alors que j'avais 17 ans. Et c'était incroyable comme reconnaissance, comme signe de confiance. Et allez, vas-y, lance-toi. En tout cas, vraiment, ça m'a donné des ailes. Je me souviens de quelque chose d'assez fort, mais ça qui fait, je pense, à tous ces workshops, c'est qu'au début, il a une espèce de paperboard, et paperboard, l'accent belge revient, et en gros, il dessine un appareil photo, et je ne vais pas faire l'accent italien, mais il dit qu'est-ce qu'il faut pour faire une photo ? Et donc, tout le monde dit une pellicule, donc on met une pellicule, il met une petite flèche, on va avoir un appareil photo. Après, il dit qu'est-ce qu'il faut d'autre ? Et alors, tout le monde dit des yeux, de la lumière, patati, patata, un sujet, machin. Il dit non, non, non, et puis là, il dessine un cœur. il dit pour faire une bonne photo il faut mettre son coeur dedans il faut mettre de l'amour dedans et je lui ai rajouté la motte waouh c'est trop vrai et au final c'est un peu ce qui guide aussi mes projets jusqu'à maintenant et en plus c'était trop touchant parce qu'il s'avère que 7 ans plus tard, je sais plus quelle année ça nous mène je crois 2018 ou quelque chose comme ça Paul K me contacte parce qu'ils vont faire un sujet sur l'atelier de Paul Orversi et du coup il me propose de faire les photos et donc je vais dans son studio le prendre en photo chez lui et tout et moi j'étais en plus à la fois hyper émue, à la fois un peu intimidée, parce que voilà, c'est quand même le type qui m'a donné envie de faire la photo. Et je me souviens, sur le pas de la porte, au moment où on part avec mon assistant, ça, il avait été adorable et tout, et puis il dit à mon assistant, tu as de la chance de travailler avec Charlotte parce que Charlotte, elle photographie avec le cœur. Et là, j'étais là genre, incroyable. Au début de ma photographie, je faisais plutôt des photos de mes amis en décor naturel, que ce soit intérieur, extérieur, dans les champs, là où j'habitais en Belgique en fait, et du coup en lumière naturelle et tout ça. Il y avait quand même déjà cette notion de storytelling, de mise en scène, d'envie de raconter diverses personnalités, des choses comme ça. Mais en fait, en allant au Groubelin, j'ai un peu découvert complètement le studio et un peu ce qu'est la... page blanche du studio et en fait étrangement ça m'a vachement inspirée alors qu'au début j'avais l'impression que ça allait pas être pour moi mais cette idée de composer un peu comme un tableau en fait parce que du coup je me suis rendu compte que au final je pense que j'aurais pu être peintre mais c'est juste que j'avais pas du tout ni la patience ni les skills ni le talent et que la photographie c'était beaucoup plus immédiat beaucoup plus facile puis il y avait quand même un rapport au réel et à l'autre qui est intéressant que t'as pas forcément dans la peinture et donc cette idée de studio elle arrivait vraiment comme la page blanche... Et au fur et à mesure, je me suis rendue compte que j'aimais bien le travail de la composition, évoquer aussi parfois des figures ou des poses de l'histoire de l'art que parfois les gens connaissent dans l'art conscient collectif, de jouer avec les couleurs. Et au final, au fur et à mesure de me dire Ah, j'aime bien les codes de la photographie de mode et de la publicité. Et qu'est-ce que la photo esthétique, comme ça, me permet de mettre en lumière comme sujet ? Donc comment on lit le fond et la forme. Et voilà, dans cette esthétique assez épurée, assez minimaliste, avec une touche en effet d'humour ou d'absurde décalage qui crée un peu un questionnement ou quelque chose d'un peu inattendu ou de poétique. Et donc voilà, c'était un peu ce travail de se dire ok, ça c'est mes influences ou ce sont mes idées et comment j'arrive à traduire visuellement des choses comme ça et les mettre en image pour qu'elles soient assez lisibles en fait. Il y a un mélange de choses dans mon travail, dans le sens où il y a des images qui sont plus spontanées, qui vont plus arriver lors d'expérimentations, mais qui étaient aussi d'ailleurs plus dans un cadre où j'avais un studio qui me permettait d'expérimenter. Ou même quand j'étais au Gobelin, tout simplement, je pensais à une photo qui s'appelle Équilibre instable qui est à la base un sujet de Gobelin, qui est le fameux poirier où la fille a la jupe à l'envers sur un fond jaune. Ça, c'était des expérimentations. J'avais l'idée en amont, mais c'était un peu aussi... ou je pense au travail de body painting ou quoi, où d'un coup, c'est plus dans l'illusion d'optique que va avoir un certain angle, une certaine composition que se crée quelque chose d'intriguant. Alors que dans beaucoup de mon travail, je vais en effet réfléchir en amont, à me dire comment je peux traduire visuellement des idées, qu'est-ce que je peux exprimer dans le décor, dans le stylisme, dans les objets, comme par exemple dans le travail sur mon père, ou je pense à un portrait que j'avais fait de Rocaille à Diallo. où il y avait des oreilles en plâtre, il y avait aussi un micro de radio. Et voilà, ça évoquait le fait qu'elle posait sur la table des sujets auxquels on est parfois volontairement sourds, ou qu'on ne veut pas l'écouter. Et donc, à chaque fois, j'essaye de me dire, aussi inspirée du coup par le surréalisme, et par l'intérêt des objets, et par ce que les objets racontent de nous, ou peuvent symboliser, c'est toujours intéressant, parce que jouer avec les symboliques dans une image, fait qu'on peut arriver à transmettre un certain message. Donc c'est vrai qu'en amont, parfois je fais même des croquis, je réfléchis à mes éléments et à comment les associer esthétiquement. Et donc après, parfois, il peut y avoir des surprises le jour J. Mais en général, c'est vrai que j'ai un travail assez préparé. Et après, c'est toujours, tu vois, il faut toujours jouer avec la nuance et ne pas s'enfermer dans une méthodologie qui serait, à fortiori, dans les nuls, qui serait, c'est les inconnus, c'est les nuls, c'est les inconnus, je ne sais plus, c'est les inconnus. qui serait a fortiori un petit peu enfermante. La couleur, en vrai, c'est quelque chose de très vital. Je ne sais pas comment expliquer, mais même dans la vie, tout simplement, au-delà de mon travail, la couleur, ça va vraiment m'apporter de la joie, du plaisir. Je pense que ça déclenche des endorphines chez moi. Parce que même, je peux me balader dans la rue et je ne sais pas, un bouquet de... Je vois d'un coup une plante ou un bouquet de fleurs fuchsia et je suis en mode, waouh, c'est trop beau. Les couleurs, vraiment, je trouve ça incroyable. Et je pense qu'il doit y avoir aussi, comme je disais tout à l'heure, peut-être le rapport aussi à Belle-Île où j'ai grandi, où il y avait des couleurs, je me souviens évidemment du bleu de la mer, du ciel, du vert des falaises, du jaune du mimosa, du rose de certains volets de maison. Du coup, je pense que ça m'a un peu marquée. Puis les couleurs, c'est la vie, c'est la lumière, c'est le soleil, c'est la nature, c'est plein de belles choses, c'est les fruits, les légumes. Puis en vrai aussi, je pense qu'il y a un rapport à l'enfance. Quand on est enfant, on a beaucoup plus de couleurs dans notre vie, que ce soit dans les vêtements, les jouets, tout est hyper coloré. Puis après, on arrive dans le monde d'adultes, gris et triste. Et voilà, souvent les gens... Je me souviens parce que parfois, je vais au parc, pas loin de chez moi, regarder les enfants, c'est extrêmement bizarre à chaque fois que je dis ça, parce que je trouve qu'on n'est jamais en contact avec les enfants. Donc parfois, je vais au parc, bah ouais, regarder les enfants. Et je crois qu'on m'avait dit, il y a un enfant qui est venu me voir, il me dit Ah, est-ce que t'es habillée pour Carnaval ? Et genre, pas du tout en fait, je suis juste habillée tous les jours avec plein de couleurs. Mais ouais, je pense que c'est trop beau la couleur, c'est hyper vivifiant. Puis même, ça a des vrais pouvoirs qui sont, comment dire, prouvés. Enfin, je sais qu'il y a une prison à Lausanne, d'ailleurs il y a une photographe, dont j'ai oublié le nom malheureusement, mais qui a fait un travail très chouette là-dessus. Il y a une prison avec des murs roses clairs, et ça a prouvé que ça apaisait les détenus. Et puis aussi, je trouve que la couleur, c'est aussi une manière de communiquer. Ça aussi, pareil, il est symbolique du sens, des émotions. Donc, oui, c'est vrai que j'adore travailler avec la couleur. J'aime très fort certaines couleurs qui reviennent tout le temps. Le jaune un peu poussin. Je n'aime pas quand il y a trop de vert dans le jaune, des détails comme ça. Le rose pastel, le bleu ciel, le bleu clin. Même le vert, j'adore. J'adore le vert qui soit un peu olive ou qui soit... Plus forêt. Franchement, ça tourne beaucoup autour de ces couleurs qui, en vrai, comme je disais, ont fait vraiment partie du lieu où j'ai vécu, je pense. Et qui me ramènent de la joie, du réconfort. C'est un projet que j'ai fait sur mon père qui s'appelle... projet Maurice et qui a pris la forme d'un livre qui s'appelle Maurice, tristesse et rigolade. C'est un projet que j'ai commencé en 2011 quand j'avais 17 ans. Il faut savoir que dans ma vie personnelle à cet âge-là, j'avais un papa qui avait 79 ans, qui pourtant allait très très bien, sauf que il a eu un cancer et que ce cancer n'a pas duré très très longtemps, mais suite à une opération, il a eu des complications, du coup choc. pulmonaire, crise cardiaque. Il a été mis dans un coma artificiel pendant un mois et demi et quand il est ressorti de ce coma, il n'avait plus de tumeur, mais il avait son cerveau abîmé par des séquelles neurologiques définitives. Donc c'était très difficile, déstabilisant, remuant. Il faut savoir qu'à ce moment-là, je n'étais pas du tout dans l'optique de faire un projet. On était plutôt dans la survie et dans savoir comment on va, le big bang dans la famille, dans la vie et tout ça. Mon père est revenu à la maison. Pendant 2-3 ans, il était... Alors, il faut savoir qu'initialement, les médecins étaient plutôt pessimistes. Ils disaient, voilà, il est faible, il ne va pas récupérer, il ne lui reste pas beaucoup de temps et tout. Mais au final, il est revenu à la maison après quand même encore de longs mois d'hospitalisation. Et il est resté très, très affaibli pendant 2-3 ans, complètement dépendant, presque pas possible de communiquer, très prostré dans le vide, le regard ailleurs et tout. Mais en fait, au fur et à mesure, avec beaucoup... beaucoup d'amour, de soins, de temps. Il a commencé à récupérer certaines choses qui étaient complètement dingues pour nous, mais même rien que se lever tout seul de la table de la cuisine à son fauteuil, c'était un exploit. Ou pouvoir manger tout seul, ou des choses comme ça qui paraissent totalement ordinaires, mais qui sont complètement à réapprendre quand on a un proche malade. Et donc, c'est à ce moment-là, au moment où il est allé mieux, que j'ai commencé à vouloir faire un projet. Il faut savoir qu'en parallèle, du coup... Moi j'étais partie faire mon école à Paris en 2013, donc voilà, quand il était tombé la malade, c'était en début 2011. Et en fait, le recul aussi que m'a permis mon départ à Paris sur la situation de ne plus vivre quotidiennement avec m'a permis aussi de regarder la chose différemment. Et puis, la genèse aussi est arrivée. Justement, au Gobelin, on avait un cours de narration visuelle. Et je me souviens qu'il fallait faire une espèce de diaporama, une suite d'images qui racontait quelque chose. Et j'avais fait des photos, en fait, moi, de mon père à la maison, alors que, du coup, très documentaire, très réaliste. Peut-être que je mettais l'appareil photo entre moi et la situation un peu pour me protéger ou pour réaliser tellement c'était surréaliste. Quand ça vous tombe dessus, on a du mal à intégrer que ça arrive. Et donc, j'hésitais à faire ça. Et c'était une intervenante, comment dire, pas régulière, qui venait faire ce travail au Gobelin, qui s'appelait Michelle. Et je lui en parle et tout. Et c'était hyper touchant parce qu'en fait, elle commençait à me dire, après la classe, un peu plus à côté, elle me dit Ah, mais moi, je t'encourage vraiment à faire le travail sur ton père. Parce que moi, je ne sais pas, mais en fait, j'ai le cancer et du coup, je te le dis, fais-le. Donc moi, j'étais toute remue en mode, oh waouh, trop intense. Ça veut dire qu'il y a quand même une certaine nécessité à peut-être développer ça. Alors que comme je te disais, vraiment, c'était tout à fait embryonnaire. C'était des photos dont je ne pensais jamais rien faire et tout. Et donc, ce mélange de ça, de mon père va mieux. Je me suis dit, je vais commencer à le prendre beaucoup plus en photo et me dire que je vais en faire quelque chose. Donc à chaque fois que je retournais le voir en Belgique, je le prenais en photo, juste moi et mon boîtier. Puis c'était chouette parce que vu qu'il n'était pas toujours à même de communiquer, l'appareil photo d'un coup, ça amenait un jeu, ça amenait un lien. Il réagissait et tout et il prenait vraiment plaisir à ça. Et en fait, au fur et à mesure, oui voilà, c'est ça. Un jour, il est venu à Paris pour ma remise de diplôme, c'est ça, des Gobelins. Et j'en ai profité en fait parce que j'avais des amis qui avaient un petit studio. Et je me suis dit, qu'est-ce que ça donne ? Je ne l'ai jamais emmené en studio. Enfin, je le photographiais à la maison, tranquille et tout, mais... Qu'est-ce que ça donne ? Comment il réagit si je la met dans un studio avec des flashs et tout ? C'est un peu qui tout double quoi. Soit il est profité et ça le paralyse et tout, ou au contraire ça le stimule et ça lui fait entrer dans une certaine joie et dans un jeu. Et donc très fort heureusement ça a été le deuxième cas. Donc il était un peu comme une star de cinéma, il changeait de pose à chaque clic et tout, et c'était trop chouette. Et c'est vraiment ce jour-là où je me suis dit En fait il faut que je fasse un projet en deux parties. Une partie documentaire, du coup, où on retrouve toute cette traversée entre l'annonce de sa maladie, le fait qu'il tombe dans le gouffre du coma, puis comment il se reconstruit derrière, comment on adapte une vie autour de quelqu'un de malade et de vieux. Et après, je me suis dit, je veux faire aussi une partie mise en scène où d'un coup, je raconte comme un conte visuel et météphorique ces différentes étapes qu'il a traversées, en commençant par le coma. Et donc, j'ai fait tout un travail où j'avais fait des croquis, d'ailleurs. de décors, de costumes, d'accessoires qui racontent tout ça. Je pense à un tableau, par exemple, qui voulait raconter le fait qu'il avait perdu ses notions spatio-temporelles. Donc j'avais fait un tableau tout en rouge qui s'appelait Des orientations où le sol et les murs avaient la même couleur. Il y avait un escalier calé dans le mur qui était une référence à Magritte qui brouillait complètement les perspectives de direction. Il y avait des horloges sans aiguilles qui faisaient référence à une scène de film Ingmar Bergman, qui s'appelle Les Fraises Sauvages. Et il avait, mon père, il avait un costume aussi tout en rouge, avec des très longues manches, qui montrait un peu son incapacité à faire les choses par lui-même. Et donc, voilà, j'avais ce travail documentaire, ce travail mise en scène. Sauf que la mise en scène, ça coûtait bonbon, en fait, de faire de faire tous ces constructions, trouver les costumes, construire ou les louer, etc. Et donc, j'ai voulu faire un Kickstarter, c'était en 2016. Et en fait, quand j'y pense, c'est assez fou parce que je me souviens, la veille que je mette le Kickstarter en ligne, j'étais un peu prise de panique. Alors que j'avais tout préparé, j'avais fait la vidéo, j'avais scanné les croquis, tout expliqué, où va l'argent, qu'est-ce que je vais faire exactement, etc. J'étais vraiment hyper déterminée. Et la veille, je me suis dit non, mais je vais afficher ma vie, trop bizarre, qu'est-ce que je suis en train de faire, c'est n'importe quoi. Puis heureusement, j'ai eu un élan où je me suis dit, est-ce que tu as juste peur du regard des autres et du coup, tu ne vas pas faire ton projet ? où est-ce que tu t'en fiches et tout ce qui compte c'est faire le projet avec ton père. Heureusement, j'ai mis en ligne la chose. Et c'est vrai que c'est assez fou parce que j'ai reçu immédiatement une ribambelle de messages d'inconnus, mais qui s'adressaient à moi de manière hyper intime et trop touchante parce qu'un proche, une mère, un père, un grand-père, un ami traversaient ça. Donc d'un coup, c'était assez intéressant parce que moi je m'étais sentie très seule pendant toute la maladie de mon père. J'avais fait ce projet un peu par survie, par résilience, sûrement par besoin de transformer ça. Et c'est vrai qu'on dit souvent qu'il faut le vivre pour le comprendre. Et d'un coup, c'est vrai que tu te rends compte que plein de gens vivent ça, c'est juste que personne n'en parle. Et donc c'est trop con, on est tous tout seuls dans notre merdier, alors qu'on pourrait quelque part collectivement se soutenir, ou en tout cas savoir que certaines personnes traversent ça. Et donc c'était un vrai plaisir de me rendre compte que mon livre, il a peut-être permis à des gens d'avoir de l'espoir ou de traverser ça. Et c'est vrai que moi-même, la photographie, ça a été totalement thérapeutique sur cette expérience de ma vie, puisque ça m'a changé mon regard. Au début, j'étais un peu à subir le fait que mon père n'allait plus jamais être comme avant, à être dans la frustration et tout. Et avec la photographie, je me suis mise à l'apprivoiser, à l'observer, à l'admirer, à me dire que c'était comme une poésie et que j'allais un peu... rendre hommage à cette poésie. Et donc, de là est né ce projet et cette envie de créer comme un conte autour de thématiques qui sont plutôt normalement effrayantes, la maladie, le coma, la vieillesse, les séquelles, la dépendance, et qui pourtant vont faire normalement plus ou moins partie de notre vie, à un moment donné ou à un autre, selon les vies. Donc voilà, et maintenant l'idée c'est que je transforme ce livre en une exposition, j'espère pour 2024-2025, alors je pense que 2024 c'est un petit peu serré, mais on va quand même se remettre la rate au courbouillon comme on dit, les inconnus ne sont pas loin non plus. Et l'idée c'est de rééditer le livre au moment de cette exposition. Ce qui était hyper particulier, c'est que mon père est décédé deux mois avant la sortie du livre. Littéralement dix jours après sa mort, j'étais à l'imprimerie. Mais bizarrement, d'avoir ce livre qui sort, ça m'a hyper fort aidée à ce moment-là. Et en parallèle, il a été en rupture de stock hyper vite. C'était un projet qui m'a mis sept ans de ma vie. J'avais 24 ans à l'époque, donc sept ans sur 24 ans, c'est quand même long. C'est quand même une grosse partie de la vie. J'y ai mis vraiment tout l'amour possible et imaginable. C'est clairement mon projet le plus important, le plus abouti. Et au final, il est un peu impalpable maintenant, mais je compte m'y remettre dessus, parce que c'est vrai qu'il y avait des raisons un peu personnelles, un peu difficiles forcément de revenir là-dedans. Mais je me suis rendue compte que, même si pour moi c'était mon passé, c'était quand même le présent de plein de gens, et que donc, encore une fois, par collectivité, il y avait peut-être... Et puis aussi par envie que le souvenir de mon père perdure, et qu'il reste dans les mémoires, même si ça fait maintenant six ans qu'il est parti. C'est juste que c'est vrai que c'est un sujet tellement personnel que forcément je le porte de manière différente au cours de ma vie, mais je veux continuer de le porter en tout cas. Il faut savoir qu'Angèle et moi, on est belges, on vient de Bruxelles, et on se connaissait de loin, de vue, on ne s'était jamais rencontrées, mais je savais qu'elle avait une très chouette tête, je ne savais pas qu'elle chantait à l'époque. Et en fait, je suis tombée sur son Instagram par hasard en 2016, là où j'ai découvert qu'elle faisait des petites capsules où elle se mettait en scène pour chanter. Donc déjà, un, je découvre qu'elle chante bien, deux, je découvre qu'elle est drôle et qu'elle a une façon de se mettre en scène que je trouve originale et qui sort du lot. Et du coup, je la suis. Elle est trop mignonne à l'époque, je crois qu'elle avait 2000 abonnés. Mais je ne sais pas si on peut encore retrouver ses petites vidéos, mais elle, c'était vraiment chouette. Et du coup, le lendemain, c'est sa manageuse qui me contacte et qui me dit Oui, on va commencer à faire des petits concerts dans des bars, on n'a rien, on n'a pas d'image. Est-ce que tu es d'accord de nous faire des premières images ? Donc on fait ces premières images, je crois que c'était les premiers jours de janvier 2017. On fait ces images où elle a les spaghettis sur la tête avec son ciré jaune. Et ça marche bien, on trouve ça chouette, le contact est fluide et tout. Et du coup, on embraye assez rapidement sur d'autres photos. Puis l'idée de faire des clips, même si je n'avais jamais fait de clip, il y avait un peu cette idée de se dire, c'est logique que Charlotte le fasse. J'avais driveé un peu l'image et du coup, il y avait une espèce de fluidité qui était assez chouette. Et puis, il n'y avait pas du tout de label en question. En fait, on était très libre. Alors évidemment, c'était le tout début du projet, donc il n'y avait pas de budget, mais on a quand même réussi à faire avec ce qu'on avait. Et c'était trop chouette. Je me souviens, La loi de Murphy, je ne m'attendais pas. J'étais surprise de comment ça a marché. Même la fusion musique-image. Et d'ailleurs, moi, je préférais à la base la chanson Je veux tes yeux. La loi de Murphy, je n'étais pas forcément hyper fan de la chanson. Mais en fait, en faisant le clip, je me suis mise à aimer la chanson. Et voilà quoi.

  • Speaker #0

    Le passage à la vidéo, j'y ai toujours pensé. Je l'ai toujours un peu redouté aussi, parce qu'il faut savoir que vu que j'ai commencé à la photo à 13-14 ans, j'ai eu le temps d'expérimenter, de faire des trucs ratés, de tester différentes lumières, différents styles de photos, de me faire la main. Alors qu'en vidéo, pas du tout. Je ne sais pas tenir une caméra. Ok, j'ai un sens du cadre et de la mise en scène, mais j'avais peur que d'un coup, la différence d'expérience soit trop forte. où justement que je ne me retrouve pas dans la vidéo. Et au final, j'ai pensé le clip de La loi de Morphique, et donc mon premier clip, vraiment comme une série de photos finalement, parce que vu que dans mon travail photographique, j'ai une manière un peu sérielle de travailler, que l'ordre des images a une importance dans ce que ça raconte. Au final, c'était pareil avec les plans d'un film. C'est juste que j'avais décidé de faire des plans flics pour rappeler justement la photographie, pour avoir du coup une certaine main sur la composition. Et que oui, chaque... capture d'écran en fait aurait pu être une photo ça je trouvais ça chouette aussi puis c'était ma manière à moi d'intégrer cette nouvelle façon de faire ce nouveau médium puisque la différence énorme enfin les différences énormes c'est quand même que l'on passe d'un instant à un moment que donc il n'y a pas du tout la même notion de temps ni même la motion de mouvement c'est pour ça qu'au début tout est assez fixe dans ce que j'ai fait enfin j'ai mis du temps à intégrer la notion de déplacement de la caméra la temporarité du mouvement Et donc j'ai pensé un peu ça comme une succession de plans fixes. Et en fait, j'avais fait le pré-montage en amont dans ma tête et en storyboard, où j'écoutais la musique et je la segmentais en fonction du rythme, par tranche de secondes, enfin de plusieurs secondes. Et je me disais, telle seconde, j'ai envie de telle image, etc. Et c'est comme ça que ça s'est construit au fur et à mesure. Mais c'est vrai qu'au début, j'étais un peu tétanisée à me dire, comment je vais passer à la vidéo ? Et c'est en décortiquant tout ça... Et presque de manière assez scolaire, même mon storyboard fait à la main avec des petites images de Google Images que j'avais imprimées, décopées et collées à la colle. C'était très scolaire, mais au final, ça a marché. Je trouve que déjà, entre la photo et la vidéo, il y a une différence dans ce rapport aux autres. Dans le sens où la photo, concrètement, je peux en faire seule. Par exemple, les photos où j'étais allée revoir mon père en Belgique, je suis seule. Après, la photographie de studio, c'est autre chose. Parce que d'un coup, il y a du matériel, il y a des lumières, il y a quelque chose de plus chargé. Puis il y a aussi le travail d'équipe avec soit le stylisme, le maquillage. Après, moi, ce n'est pas forcément la photographie de mode qui m'intéresse. Mais c'est comment tous ces outils-là peuvent se mettre au service du sens d'une image sans qu'elle soit forcément destinée à vendre. un vêtement quoi et c'est vrai que dans la vidéo tu dépends 100% des autres en fait du régisseur au chef électro au chef opérateur au pointeur enfin tous sont complètement indispensables et c'est hyper fort et beau puis aussi techniquement j'ai pas été formé en fait à manipuler des caméras alors après je suis avec le chef op et on regarde le cadre au millimètre mais c'est vrai que je suis plus dépendante en vidéo aussi le travail de la vidéo ça t'oblige un peu être un chef d'orchestre Et d'ailleurs, que ce soit dans la photo ou la vidéo, le temps m'a appris à déjà savoir, entre guillemets, exactement ce que je veux. Ça, c'est surtout dans la réalisation, parce que chaque seconde de travail est comptée. En fait, le temps sur un tournage, c'est ton plus grand ennemi. Donc, pour optimiser le temps, tu es obligé de savoir exactement ce que tu veux et ta journée est découpée en fonction de ce que tu dois faire. Donc, c'est identifier ce que je veux faire, comment je veux le faire et ensuite savoir le communiquer aux autres. Et puis avec chaque membre d'équipe, qu'est-ce qu'il est capable de proposer ou d'enrichir ou d'apporter à l'image, esthétiquement ou avec du sens. Et après, c'est vrai que la solitude de la photographie, moi c'est vrai que j'ai un petit défaut, c'est que j'ai tendance à être beaucoup trop dans ma tête. Je passe franchement 80% du temps dans ma tête où je peux vraiment fixer une fenêtre pendant des heures. J'ai un truc un peu contemplatif où du coup... Parfois dans des travaux personnels reliés à la photo ou à un travail plus solitaire, je vais parfois plus m'enfoncer dans le doute ou être un peu paralysée sur ça. Là où typiquement sur un travail de clip, on est dans un enjeu où ça dépend aussi d'une deadline qui dépend d'autrui. Je trouve que parfois dans la photo solitaire, il y a un truc où pour ma part, pour mon caractère, tu peux parfois être un peu baignée dans le doute. ou l'incertitude et ça peut parfois jouer des tours. Je mène quand même ma barque. Je ne sais pas si je dirais que je la mène assez seule parce que je suis entourée, mais disons que j'arrive quand même à avoir une certaine indépendance de mes idées, etc. Mais c'est sûr que c'est trop chouette d'avoir un ping-pong, d'avoir aussi un œil extérieur. Après, encore une fois, l'œil extérieur, il peut parfois te replonger dans le doute parce qu'il faut savoir s'écouter, il faut savoir aussi savoir si un sujet revient ou une envie revient régulièrement, d'y croire soi-même, même si souvent d'ailleurs... C'est mes amis qui me disent ça au début, ils me disent Ouais, parfois tu parles d'un projet au début, genre en vrai on comprend rien de ce que tu dis, et après bon bah tu commences à faire le truc et on commence à voir que ça prend forme. Mais c'est vrai qu'au tout début, il n'y a que moi qui vois, et parfois j'ai l'impression que les autres sont dans ma tête et qu'ils voient ce que je raconte, alors que pas forcément. Mais bon, et j'ai l'impression qu'avec le temps, ça devient de plus en plus comme ça, parce que forcément les idées parfois se complexifient ou quoi. Mais ouais, il y a vraiment ce truc de... C'est tout un processus qui en fait met vachement de temps entre... Vivre quelque chose, une expérience, un événement, un truc de l'actualité, l'intégrer, puis après le digérer, et puis le produire en quelque chose d'artistique, ça peut mettre vachement de temps. Je pense que le corps, il est arrivé de manière hyper instinctive, simplement parce que j'ai un corps. Et parce que du coup, j'ai grandi en tant que jeune fille, en tant que jeune femme, en tant que femme. Parce que voilà, ça y est, j'ai 31 ans. Enfin non, pas encore, j'ai 31 ans. Bon ok, je m'écarte totale. Bref, donc tout ça pour dire qu'en vrai, quand t'es une jeune fille, d'ailleurs je pense quand t'es un jeune garçon aussi, tu grandis et tu vois ton corps changer. Mais c'est vrai que pour les meufs, il y a un truc encore qui se cristallise en fait sur... Ta valeur est énormément portée sur ton apparence, sur ton corps, sur si t'es bonne ou pas, sur patati, patata, c'est des grands questionnements avec énormément de complexes et en fait qui viennent complètement te brouiller et te faire perdre du temps concrètement et qui peuvent même parfois t'atteindre sur la construction de soi et les complexes et la confiance etc. Donc je pense qu'il y avait déjà un constat d'une féminité hyper étriquée ou hyper normée. On doit rentrer dans le moule justement de, à l'époque il n'y avait pas trop les réseaux sociaux mais il y avait plutôt les magazines et je sentais une espèce de chose complètement contradictoire entre les représentations que je voyais de jeunes femmes souvent sexualisées, objectifiées, même si ce n'était pas forcément hardcore mais tu sentais toujours le même prisme de séduction, de domination, de regard même si ça pouvait être dans l'admiration ou quoi mais il y avait toujours un prisme sexualisant. Et moi j'avais un peu envie de détourner cette hypersexualisation, d'en rigoler, de la mettre en lumière, de mettre son absurdité en lumière. Et aussi j'avais envie de représenter quelque chose d'un peu plus maladroit, d'un peu plus rigolo, d'un peu plus décomplexé. D'un coup qu'en fait on rigole de nos complexes, ou qu'on rigole avec nos complexes plutôt que de les scruter, de les éliminer. Et donc d'un coup je trouvais de l'intérêt dans les bourrelets, dans les plis, dans la gravité du corps, dans des positions absurdes. je pensais à un projet aussi qui s'appelle Les Enveloppes, que je n'avais jamais publié en entier d'ailleurs, je me rends compte. Ou avec Ophélie Sec, qui est une artiste maquilleuse avec qui je travaillais tout le temps. Elle avait peint tous les corps en blanc au farallot. C'était d'ailleurs inspiré initialement de la série Noudi de Paolo Roversi, qui représentait plein de mannequins nus. Sauf que là, j'avais fait des mannequins qui étaient un petit peu plus variés en termes de corpulence. Et c'est vrai qu'il y avait quelque chose d'hyper beau dans la façon où le corps d'un coup Il était esthétisé non pas par une posture galvanisante ou qui met en valeur ou un peu olympique ou quoi, mais d'un coup par le blanc sur la peau faisait que d'un coup c'était plus ternelle, c'était comme une pâte à pain ou comme une guimauve ou comme quelque chose de gourmand et de onctueux ou comme un nuage. Donc ça changeait ta perception du corps. C'était pas du tout un rapport sexuel, mais beaucoup plus naturaliste du corps, comme si le corps devenait un paysage, quelque chose d'abstrait. C'est vrai que ça c'est quelques images des enveloppes, j'ai pu notamment les intégrer dans le clip que j'ai fait sur les passantes de Georges Brassens, qui était d'ailleurs complètement une carte blanche. Et où pareil, c'était un gros défi ce clip parce que j'avais fait quelques clips d'Angèle. Angèle est une chanteuse pop, des chansons pop ont une structure très particulière avec des couplets, des refrains, un beat, un pont, etc. Là d'un coup j'étais dans un tunnel de 4 minutes 17 avec juste Georges Brassens. Pas de couplet ni de refrain, juste sa diction, une guitare et un violoncelle. Et donc les Passantes, ça a été une carte blanche où j'ai pu finalement... interpréter littéralement ce poème qui était donc d'Antoine Paul de 1911, parce que c'est une des rares chansons que Brassens n'a pas écrite. Et Brassens a mis très longtemps à composer la musique. Donc c'est un texte qu'il a longtemps porté en lui, je pense, et il a composé la musique en 1972, si je ne me trompe pas. Et donc c'était hyper intéressant de le réinterpréter du coup, en fin 2017, début 2018, parce que Me Too venait d'arriver, vraiment un mois avant. Et donc il y avait... Cette volonté d'avoir une carte blanche, donner à une réalisatrice féminine pour apporter son point de vue. Et donc, j'étais face à ce tunnel de guitare et de diction de Brassens. Et ma seule moyen, finalement, de découper mes photographies que j'allais mettre à la suite, comme des vignettes, c'était de découper selon le phrasé de Brassens qui disait parfois les e comme ça, une silhouette fluette, e des choses comme ça. Et à chaque fois, du coup, je découpais les vers. Donc vraiment, j'ai fait... J'ai un peu tronçonné le truc, mais chaque fois, je me dis, qu'est-ce que ce vers m'inspire ? À un moment donné, il dit à la compagne de voyage ça me faisait penser à l'aide-soignante de mon père. Je suis représentée une dame qui accompagne un petit papy à marcher dans un jardin, des choses comme ça. Et donc, j'aime beaucoup ce clip parce qu'au final, il m'a permis d'intégrer à peu près 120-125 vignettes, donc différentes scènes, différentes photographies. Et c'est comme un gros livre photo, au final, animé. Parce que pareil, les plans sont relativement fixes. Parfois, il y a des petites traves lignières avant, mais ça reste assez contemplatif, puis c'est sur un rythme de musique lent. Et donc, c'était important pour moi de pouvoir un peu cristalliser dans ce clip tout un tas de représentations féminines, de corps, de métiers, d'origine. Et c'était assez impressionnant puisque le clip a été censuré le jour même. Et il a été signalé en masse par les utilisateurs de YouTube parce qu'apparemment, c'est extrêmement choquant de voir des femmes qui ne sont pas que jeunes, minces et blanches. Et voilà, c'est extrêmement dur de voir des femmes noires ou des femmes grosses. Waouh, c'est choquant. J'ai fait ce petit manuel Sex Education avec Netflix, qui était pour la promotion de la saison 2 de la série en France. Et ils m'ont simplement dit, ouais, est-ce que tu as une idée pour promouvoir la saison 2 ? Et assez rapidement, m'est venue cette idée de petit manuel. Et ce qui est chouette, c'est que toute seule, je n'aurais pas pu le faire. Je ne l'aurais peut-être pas fait aussi vite avec cet impact de diffusion parce que ce qui était génial, c'est qu'il a été imprimé à 75 000 exemplaires et envoyé gratuitement. Il suffisait simplement qu'on s'inscrive sur un site internet. Il n'y avait même pas de frais de port et c'était envoyé gratuitement chez la personne. Donc je trouvais qu'en termes de pouvoir éducatif, c'était trop chouette. Puis il y avait un peu le côté cool de Netflix. Il y avait l'actrice principale Emma Mackey qui s'était prêtée au jeu, qui était en couverture. Ça parle de sexualité. Évidemment, on s'intéresse. beaucoup de monde, surtout les jeunes, et si ça peut donner des notions importantes de respect, de consentement, de découvert de l'autre, et des notions capitales qui ne sont pas données justement en cours, à l'école ou dans les familles, parce que c'est tabou, etc. Donc j'ai vraiment vu ce projet comme quelque chose d'hyper important, et en plus j'ai pu quand même avoir vachement de liberté dans son élaboration. Donc c'était chouette et ce que j'aimais le plus en fait c'est qu'au final il y avait des gens de tout âge qui le feuilletaient et qui apprenaient des choses. Moi j'ai appris plein de choses en faisant ce manuel et encore une fois je trouve que c'est encore plus gratifiant et intéressant quand un projet permet d'être un support éducatif et que l'image, la direction artistique, le graphisme viennent enrichir et apprendre quelque chose. Ça m'avait trop touchée parce que j'avais fait une exposition à Bruxelles il y a deux ans. Et en fait, il y avait une classe de réto de Crowley, qui est une école à Bruxelles qui est assez spéciale, qui se démarque des autres écoles. En fait, il y a une prof de réto qui a emmené sa classe voir mon expo. Et ils ont tous écrit une lettre après sur ce qu'ils ont ressenti. Et c'était franchement un des plus beaux cadeaux que j'ai reçus. Pareil, ça m'avait... Je me souviens, j'étais... J'étais chez une amie en train de lire ça, dans la cage d'escalier, en train de pleurer en mode waouh, c'est incroyable Parce que même les lettres des garçons me touchaient presque encore plus. Parce que d'un coup, c'était ah, je me rends compte que tous les corps peuvent être beaux On sentait que ça avait peut-être déplacé des choses en eux sur un rapport au corps. Et qu'à 16, 17, 18 ans, c'est tellement important. Parce que beaucoup de parents sont en mode ah non, non, surtout pas, tabou Mais en fait, il faut se rendre compte que même les enfants, les pré-adolescents, les adolescents, ils baignent dans une société hyper sexualisée en permanence. Et que c'est justement en en parlant, et en disant les choses, et en échangeant, et en établissant les mots clairs et les règles de base, qu'on formera une sexualité positive, puisque la sexualité arrivera d'une manière ou d'une autre. Mais il vaut mieux qu'elle soit dans un cadre sécurisé, de respect, plutôt que justement laisser ses enfants dans le gouffre. Et justement, pour moi, l'ignorance, c'est le terreau fertile des violences. Donc c'est en éduquant qu'on aura des meilleures choses, tout simplement. C'est vrai que j'aime beaucoup le travail du portrait et en vrai j'adore autant faire des portraits d'anonymes que des portraits de gens plus connus. Ce qui diffère en général c'est le rapport à l'image évidemment. Mais c'est vrai que j'aime beaucoup le portrait parce que je vois ça un peu comme un échange, puis je vois un peu ça comme... à chaque fois je vais admirer la beauté que je trouve en une personne, encore une fois qu'elle soit anonyme ou pas. Et c'est vrai que dans le cadre d'un travail de commande de presse, il y a certains composants qui font que tu travailles quand même avec des contraintes. C'est intéressant aussi comme façon de faire. Après parfois c'est un petit peu limitant en termes de créativité parce que tu as forcément des enjeux où la personne doit être reconnaissable, fort, assez éclairée, plutôt mise en valeur. Donc on va... pas être sur des photos qui vont révolutionner le portrait ou la représentation, mais parfois je pense à un portrait que j'adore de Annie Ernaux, que j'ai fait chez elle. Par exemple, ça c'était un portrait qui avait lieu dans le cadre d'une commande du Marie-Claire en 2021, sur un projet de huit couvertures sur le 8 mars. Donc j'avais photographié huit femmes différentes, dont Aïssa Maïga, Lucène de Yakuza, il y avait aussi une avocate qui s'appelle Elisa Rojas. Et dans ces diverses femmes-là, il y avait notamment Annie Ernaux. Et en fait, à l'époque, elle n'avait pas voulu aller au studio pour des raisons du Covid. Donc, j'avais exceptionnellement fait son portrait chez elle. Et en fait, c'était un moment magique parce qu'on était chez elle dans le Val d'Oise avec sa maison qui donne justement un vu sur l'Oise et qui a une très, très belle lumière au petit matin d'hiver qu'il y avait. Puis, il y avait une espèce d'apaisement chez elle. Et puis, elle était hyper gentille. Et moi, c'est vrai que c'est une écrivaine qui m'inspire énormément, qui me parle très, très fort. même dans ma vie personnelle et tout, dans sa façon d'écrire. Donc, le portrait qu'on a fait, il avait à la fois cette simplicité, cette pureté. Et je le trouve hyper beau parce qu'il est très simple et qu'elle est très belle dessus. Et je pense aussi à un portrait plus récent que j'ai fait de Amélie Nothomb, aussi pour le Marie-Claire de cette année, cette fois-ci. Et ce qui était génial, c'est que ça, pour le coup, c'est assez rare. de m'amuser avec, m'amuser littéralement vraiment avec les gens que je photographie. Parce que moi j'ai un peu, je pense qu'il me reste pas mal d'une âme d'enfant, et c'est pas forcément le cas de tout le monde, encore moins des stars ou qui ont un rapport plus compliqué à leur image, ou plus travaillé, etc. Mais avec Amélie Nothomb, on s'est amusé comme des gamines, avec un grand ballon rouge, et on rigolait, et on s'amusait, puis elle, elle se prêtait vachement au jeu, c'est quelqu'un d'assez théâtral. Et elle n'a pas peur du ridicule non plus. Et puis, je pense que c'est le côté belge aussi qu'on a en commun. Mais c'est vrai qu'au final, ce que j'aime bien avec le portrait de presse, c'est que ça donne lieu à des rencontres, parfois avec des artistes que j'admire, comme Annie Ernaux. Et ça crée des moments intéressants de créativité, parfois quand le cadre nous le permet. Et j'aime bien cette petite collection de portraits qui s'étend au fur et à mesure. C'est vrai que je me suis rendue compte avec le temps que j'ai travaillé rarement finalement l'image seule, dans le sens où souvent elle est associée à du texte ou à des mots, ou parfois même plus récemment je me suis amusée à retravailler certains tirages, à leur rapporter des choses par-dessus de manière un peu mixed-media. Par exemple j'avais brodé, enfin pas moi-même mais j'avais travaillé avec un atelier de broderie, qui avait travaillé des abeilles brodées sur des tirages pour un projet sur l'apiculture. Donc je pense qu'il y a cette voie-là de comment utiliser la photographie parmi d'autres médiums pour raconter un sujet. Et après, c'est vrai qu'il y a la voie de la réalisation qui m'inspire aussi, même si mon amour pour la photo restera toujours le premier. Je suis une amatrice de photographie, mais vraiment mille fois plus que cinéphile, par exemple. L'image fixe, c'est vraiment une passion de contemplation. Mais c'est vrai que je trouve que... La vidéo peut apporter une espèce de cumul d'émotions hyper forte, même dans la communication ou la transmission d'émotions. Donc je continue de réfléchir mes projets dans ces deux catégories et de voir comment je vais réussir à enrichir au fur et à mesure ma pratique. Si je devais retourner en arrière et me revoir à 16 ans, alors par rapport à l'invitation de reverser au déjeuner, je lui dirais calme-toi ma grande et réapprends un petit peu la politesse. Mais en même temps, je ne regrette pas. Et en vrai, je n'ai pas trop de regrets parce que j'avais quand même une forme de détermination, d'ailleurs, que je trouve assez impressionnante. Enfin, limite, j'étais plus déterminée que maintenant. Aujourd'hui, parfois, il y a plus le doute qui prend en place. Mais ça, je pense que c'est plus par rapport au monde de manière générale, du fait de devenir adulte. Dans la jeunesse, parfois il y a un peu de folie, un peu d'impression que tu vas pouvoir gravir des montagnes. Mais de manière générale, ce que je conseille aux jeunes photographes, c'est d'être patient, de ne pas lâcher, de continuer de travailler. Et aussi, je pense qu'à la différence de moi qui avait 16 ans en 2010, c'est que je pense qu'aujourd'hui, les gens ne sont peut-être pas du tout patients parce que les réseaux sociaux, parce que l'immédiateté, parce que poster, est-ce que ma photo va être likée, repartagée ? Du coup, je pense qu'il y a un thermomètre qui n'est pas du tout le bon aujourd'hui parce qu'il est vachement biaisé par l'immédiateté des réseaux sociaux et par peut-être un sentiment d'échec qui peut arriver très vite. Alors qu'en fait, il faut se laisser le temps. Encore une fois, moi, j'ai commencé à bidouer des photos à 13 ans et je pense que mon univers a dû commencer à se constituer que 10 ans plus tard. C'est vraiment prendre le temps, faire ce qu'on aime et réfléchir à ce qui nous amuse, ce qui nous passionne et ce qu'on a envie de raconter en images. et se donner du temps pour le faire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, atpodcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. À très vite pour parler de photographie.

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