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VISION #86 — DAVID LURASCHI | L’image comme terrain de jeu cover
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VISION #86 — DAVID LURASCHI | L’image comme terrain de jeu

VISION #86 — DAVID LURASCHI | L’image comme terrain de jeu

51min |29/10/2025
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VISION #86 — DAVID LURASCHI | L’image comme terrain de jeu

51min |29/10/2025
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Description

Au moment d’enregistrer cet épisode, rien ne s’est passé comme prévu : j’avais perdu tout mon matériel. Absolument tout. David Luraschi, mon invité, et moi nous sommes donc retrouvés un peu paniqués à chercher une solution pendant plus d’une heure, peut-être une heure et demie.  Cette recherche improvisée s’est finalement transformée en un moment de partage, d’humour et de découverte mutuelle. David s’est montré d’une patience rare, d’une grande bienveillance et d’un humour désarmant face à la situation.


Nous avons fini par trouver un micro et avons pu enregistrer ce podcast, dans des conditions simples mais très sincères. Et d’une certaine façon, cela raconte déjà beaucoup de lui : un photographe et artiste franco-américain qui aborde son travail avec autant de légèreté que de profondeur.


Nourri par certaines références cinématographiques, David Luraschi développe une œuvre à la frontière du documentaire et de la fiction. Il compose des images où le quotidien devient récit, où la mise en scène se mêle à la réalité. On connaît aussi son travail de photographie de mode , notamment aux côtés de Jacquemus, où son regard singulier et poétique trouve une autre forme d’expression.


Cet épisode, né d’un léger chaos et d’une belle complicité, reflète parfaitement son univers : drôle, ludique et profondément humain.


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🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    production noyau studio alors pour tout vous dire au moment de commencer cet enregistrement j'avais perdu tout mon matériel vraiment tout on s'est retrouvé david mon invité mais moi un peu paniqué à passer plus d'une heure peut-être une heure et demie à chercher une solution et puis finalement apprendre à se connaître il s'est montré d'une patience incroyable d'une grande bienveillance et surtout d'un humour désarmant face à la situation On a fini par mettre la main sur un micro, sinon vous n'auriez pas ce podcast sorti aujourd'hui, dans des conditions quand même un peu improvisées, mais pleines de sincérité. Et quelque part, ça dit beaucoup du personnage de David Luraski, un photographe, artiste franco-américain aux multiples facettes, qui aborde son travail avec autant d'humour que de légèreté, et avec un vrai sens du jeu. Il est connu pour ses projets personnels, pour ses campagnes de mode notamment, et avec Jacquemus, mais aussi pour son regard profondément nourri de références cinématographiques. Bref, c'était un moment à la fois un peu chaotique, mais très joyeux. J'ai adoré cette rencontre. Et puis on arrive doucement vers la fin de saison de Vision, alors je suis très heureux de vous proposer cet épisode-là. Je vous souhaite une très bonne écoute. Salut, c'est Aliocha, vous écoutez Vision. Le podcast qui donne vie aux images. Vous le savez, ce podcast est soutenu depuis pas mal de temps par MPB, la plus grande plateforme pour acheter, vendre ou échanger votre matériel photo et vidéo d'occasion en toute confiance. Et en ce moment, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente. de votre matériel photo et vidéo, donc vraiment 5% qui s'ajoutent au montant estimé à la vente. Le code OCTOBRE-6-5 est accessible à toutes et à tous, que ce soit une première fois ou non, et il est bien entendu en description de ce podcast sur notre site aussi, avec un lien direct vers le site de MPB. C'est à partir d'aujourd'hui ce code et jusqu'au 30 novembre 2025, donc faites vite. Merci à MPB.

  • Speaker #1

    Alors, l'image en quelle j'ai pensé, c'est pas une image que j'ai produite, mais c'est une image de moi. Une image que mon père ou ma mère a prise. Je porte une tenue entièrement camouflage. J'ai un sabre de samouraï, je pense, en plastique. Et je suis à côté d'un restaurant. peut-être asiatique, où il y a pas mal de poulet ou de canard laqué. Et je trouve la photo assez drôle, parce que mes cheveux roux sont assortis un peu aux canards laqués qui se trouvent derrière moi. Et je n'ai pas l'impression de l'avoir compris lors de la photo, mais j'imagine mes parents en train de rigoler de la situation. Le sabre aussi est sorti de son étui. Donc j'imagine mes parents me dire « Sors le sabre, montre-nous ta vaillance » . Donc cette photo pour moi, elle cristallise beaucoup de choses. Une certaine comédie de situation et une complicité entre le sujet et la personne qui tient la caméra. Donc la comédie est assez centrale dans mon travail, je crois. Je m'appelle David Louraski, c'est un nom italien, donc le CHI se prononce Ski. Je suis né à Paris au début des années 80 et j'ai grandi à Paris avec des parents américains, des expatriés. Ils sont venus en Europe et ont progressivement travaillé dans le cinéma. Mon père surtout à Rome et puis ensuite en France et ma mère en France. On a passé quelques années à Los Angeles quand j'étais tout petit et puis on est vite revenu en Europe. Ma pratique photographique est très proche avec cette culture du cinéma qui a été toujours très présente. Le père de mon père aussi était un producteur qui a beaucoup travaillé dans l'industrie en Amérique et en Europe. Et on a toujours baigné dans ces systèmes narratifs, on a toujours baigné dans l'histoire du cinéma. Et mes premiers souvenirs, peut-être, ne sont pas forcément des souvenirs que j'ai vécu, mais plutôt des films que j'ai regardés, comme des films de Charlie Chaplin. Il y a une résonance étrange, curieuse, mais que j'aime beaucoup, presque romantique, entre mon vécu et les informations que j'ai absorbées à travers un écran de cinéma. Souvent, elles se confondent. Et dans l'absurdité et le surréalisme de l'existence sur cette planète, je peux me rassurer à travers les histoires que j'ai absorbées. Et parfois, ça m'aide. Alors, j'ai grandi à Paris. Après le bac, je pars un peu à New York, parce que j'ai la chance d'avoir la double nationalité et de la famille aux Etats-Unis. Donc, c'est très facile pour moi de... de sauter d'un territoire à l'autre. Très rapidement, j'ai une grande affinité avec l'Ouest et la Californie, et en particulier San Francisco, avec qui j'ai une affection particulière, et surtout aussi parce qu'il y a une grande ouverture avec la nature et le monde en général. San Francisco, c'est un endroit spécial pour moi, parce que c'est un endroit où je peux m'évader un peu, sortir un peu de... de ce monde haussmannien parisien et d'être un peu plus libre, d'être un peu américain, de me réinventer peut-être et aussi continuer un peu ma pratique de skateboard qui a alimenté beaucoup de ma fuite ou de mes loisirs et de mon adolescence. Et San Francisco, ça a été pendant longtemps la mecque du skateboard. À San Francisco, j'étudie le cinéma. Je fais un bachelor au début de drama parce que j'avais un peu des ambitions d'acteur. Mais très rapidement, je change en cinéma studies. Donc, je continue à étudier l'histoire du cinéma, mais dans un contexte académique et pas familial. En parallèle de ça, je travaille dans un vidéo store. Donc, j'absorbe constamment des films. Je continue à vivre à San Francisco jusqu'en 2011. Je vis là-bas neuf ans. Et puis, une fois que le monde de la tech a fait exploser un peu le territoire et le non-landscape, beaucoup de gens sont partis. Et moi, j'ai décidé de revenir en Europe. Et à ce moment-là, j'avais déjà développé ma photographie un peu en mode loisir. Surtout, elle s'est développée... Beaucoup, et en parallèle de ma pratique de skateboard, parce qu'à Paris, déjà quand on était adolescent, on s'enregistrait et on faisait des compilations de nos meilleurs moments avec de la musique. Donc il y avait déjà un aspect, une relation à l'image, l'esthétique et l'editing qui ont développé une certaine sensibilité et qui pouvaient se rapprocher aussi de ma culture de cinéma. En parallèle de mes études de cinéma à San Francisco, Pour faire des storyboards, je prends un appareil photo, comme il y en avait souvent chez moi quand j'étais petit, parce que mon père aussi pratiquait la photographie. Et je prends des photos de mes amis, un peu comme mes parents prenaient des photos de moi et ma sœur quand j'étais petit. Et beaucoup de gens m'ont encouragé, et j'ai trouvé un peu quelque chose qui me complétait. Et par la suite, lors de mon retour, En Europe, je décide de faire un master à Lausanne parce que j'avais accumulé pas mal d'archives aux Etats-Unis mais je ne savais pas exactement quoi faire avec. Et je me suis dit qu'un prisme européen et surtout suisse pourrait peut-être m'aider à articuler ma collection d'archives et mon instinct américain et je pouvais un peu le traduire dans ce prisme européen et essayer d'articuler une finalité. en fait, disons, éditoriales. Et en parallèle, je me suis dit, je vais devenir prof et comme ça, je pourrais continuer ma pratique artistique et faire de la transmission. J'avais déjà été prof pas mal à San Francisco pour des workshops de vidéos, vu que j'en avais fait depuis que j'étais ado. Et aussi, quand je suis arrivé à Lausanne, j'ai été prof d'anglais pour des enfants de 6 à 12 ans. Et c'était assez chouette. Je m'étais dit juste que c'était un bon moyen de continuer ma pratique et d'être un peu dans une profession qui me plaît dans la transmission, en fait. J'ai beaucoup bossé dans les restos à San Francisco, c'était bien. Mais je trouvais que l'éducation, c'était un truc qui me plaisait beaucoup. Je m'appuie beaucoup sur une espèce de mythologie familiale où on jouait à prendre des photos. Donc on se mettait en scène, un peu comme les films qu'on regardait, où peut-être ma sœur me faisait une coiffure et que mon père me disait de me mettre à côté de la fenêtre parce que la lumière était mieux, et on se prenait en photo. Donc on a beaucoup d'albums de photos de famille. où on a des jeux de mise en scène assez comiques. Ils ont beaucoup déguisé ma sœur dans des personnages différents. Ma sœur qui fait le concierge parisien, ou d'autres déguisements ou situations. Et donc ces images-là sont toujours présentes avec moi parce qu'elles ont une certaine sincérité dans la comédie. Et c'est drôle parce que c'est un peu quelque part ce que je fais, ou ce que je produis, ou ce que j'essaye de produire avec mes collaborateurs aujourd'hui. dans un contexte de mode ou commercial. J'essaye de prendre du plaisir comme je le faisais quand j'étais petit. J'ai une grande fierté, ou en tout cas, la figure du grand-père est assez importante chez moi. C'est quelqu'un avec qui j'avais une grande transmission, beaucoup de comédie. Il était italien, il a grandi à Londres et a émigré en 1929 à New York, l'année où les films commencent à parler. Et très vite commence à travailler à Hollywood et avec l'apparemment pour lequel il a une carrière de 60 ans. Et sa vie a été un mélange d'aventures et de collaborations avec des artistes. C'est ce monde un peu fantastique et plein de diplomatie parce que lui il était du côté exécutif. Il devait créer un pont en fait entre les artistes et une compagnie comme l'Apparemente. Et son parcours est intéressant parce que, et puis c'était sur plusieurs décennies, mais après la seconde guerre mondiale, quand les pays européens étaient affaiblis économiquement, ils avaient accepté de... de projeter tous ces films américains qui aussi étaient de la propagande un peu déguisés. Ils avaient dit aux Etats-Unis, d'accord, on vous montrera vos films, mais aidez-nous à financer les nôtres. Et au lieu de juste donner de l'argent, ils ont mis en place des personnes comme mon grand-père pour curater en fait cet argent et ses productions. Donc il y a beaucoup d'histoires de mon grand-père. et comment il a un peu développé ses relations amicales et artistiques avec de grands réalisateurs ou de grands acteurs. Quand il est décédé, on a ouvert son carnet d'adresses, il y avait Orson Welles, Charlie Chaplin, Berlucci. Et quelque part, ça m'inspire, je trouve ça fantastique. Au-delà... Ouais, en fait, je crois que le mot fantastique, c'est quelque chose que j'aime beaucoup. Le fait qu'on peut sauter d'un univers à un autre. Et la photographie et le cinéma, ce sont des véhicules du fantastique. J'ai passé les 15 dernières années de sa vie avec lui. Il habitait sur le même palier avec nous à Paris. Et on jouait aux échecs. Il est décédé il y a peut-être 25 ans, il est décédé en 2001. Le 1er avril, parce que c'était un grand blagueur. Et son souvenir, le fait que je l'invoque aujourd'hui, pour moi, quelque part, il n'est jamais parti. Et donc, c'est un peu une bonne étoile ou quelqu'un qui veille, je crois. Et il me rassure pas mal dans ma pratique. Mais oui, j'ai beaucoup passé du temps avec lui. Et on retrouve des documents, on retrouve du 16 mm qu'il a tourné, ou beaucoup de photos. Il était complètement... Le photographe est des fois un peu trop compulsif. Il y a des photos de ma grand-mère, sa femme, devant le Empire State Building et au lieu d'en avoir une, il y en a une vingtaine. Le gars était un peu fou. Il était peut-être déjà un stagrameur, mais dans les années 30 et 40. J'ai deux inspirations, enfin j'en ai plusieurs, mais il y en a deux qui me viennent à l'esprit tout de suite. C'est le travail de Ralph Gibson, avec qui mon père a passé beaucoup de temps, parce qu'ils étaient tous les deux étudiants à SFAI, San Francisco Art Institute, et ils avaient tous les deux assisté à Dorothy Lang. Mon père était tireur pour elle et ensuite Ralph Gibson. Ils étaient colocataires à San Francisco dans les années 60. Et donc Ralph est quand même une figure assez importante pour moi dans son écriture artistique et ses diptyques surréelles, proches peut-être du cinéma italien de cette époque-là. Et comme son travail était tout le temps dans la maison, en poster ou en photo, il a toujours été présent dans mon subconscient. Une grande grâce et une grande agilité et un pont vers le surréel, en fait, tout simplement. Des images qui te donnent de l'espace pour t'évaporer, pour t'enfuir. Et c'est pareil pour un peintre qui était ami de mes parents, qui s'appelle, italien, qui s'appelle Domenico Gnoli, qui est décédé beaucoup trop jeune, qui a fait pas mal de paysages satoriaux. C'est des détails de cravate ou de coiffure. et on dirait des paysages. Et si on les regarde assez longtemps, ils bougent ou on peut les entendre. Et c'est une invitation fantastique pour un enfant de les regarder. Il y a notamment une peinture d'une cravate qui est assez connue et qu'on avait tout le temps à la maison. Elle est encore chez ma mère. Et quand j'étais petit, j'ai cru que c'était une femme qui poussait un shopping cart dans une... un supermarché américain et qu'il y a que dans les années 50 un peu je pensais que c'était une robe et il y a que quelques années plus tard que je me suis rendu compte que c'était une cravate donc ces deux artistes là sont assez centrales parce qu'ils étaient dans la maison avec nous après il y a aussi la musique qui elle était invisible ou de Chet Baker ou de Eric Satie Mon père aimait bien des fois ouvrir les fenêtres et jouer de la musique à fond. Donc ça, c'était important aussi, je pense, quelque part. Ma pratique, je pense, a plusieurs dimensions, ou en tout cas a plusieurs facettes. Je pense qu'elle est profondément biographique. Pour moi, la vie est un peu aussi un écran de cinéma où on se découvre à travers l'histoire qui s'écrit et parfois on ne choisit pas. Et aussi par les systèmes narratifs que j'ai absorbés à travers l'histoire du cinéma. Donc pour moi, mon écriture et mes démarches, disons dans les séries photo, sont souvent influencés par les films que j'ai vus. Donc peut-être une série peut être une histoire inspirée d'un été meurtrier où Isabelle Adjani change d'identité pour assassiner ses anciens amants. Ou alors ça peut être un film de Vin Vendors où un personnage traverse un désert. Ou la fin de 400 coups quand Antoine Douanel regarde la caméra d'une manière assez confrontationnelle. Donc mes influences, je n'ai pas étudié nécessairement la photographie comme j'ai absorbé l'histoire du cinéma. Donc c'est presque instinctuel chez moi de créer un peu... ces histoires. Cette idée du jeu est peut-être centrale aussi dans mon travail parce qu'elle appelle l'harmonie du groupe, c'est-à-dire un désir d'être dans une communauté, danser autour du feu. C'est peut-être un peu trop romantique, mais le jeu permet une complicité entre les acteurs différents acteurs d'une production. Et donc, c'est pour ça que je m'appuie sur l'enfance parce que c'est un endroit naturel. Et si on arrive à le développer avec un styliste, une styliste, un modèle ou un directeur artistique, on peut être dans un flux créatif. Donc, c'est un peu une recette pour moi de trouver des solutions, d'expérimenter, d'explorer, de découvrir. Et je pense que tout le monde a ça, en lui ou en elle. Si on ne l'a pas, peut-être qu'on peut les inspirer et les inviter à jouer avec nous. Donc c'est juste un remède pour la vie aussi sur cette planète, parce qu'on a tous besoin de s'échapper et d'utiliser le théâtre pour exorciser, exaucer nos peurs ou notre enthousiasme, ou célébrer en fait. Le jeu c'est un rituel. d'aspects il ya un aspect spirituel aussi donc c'est un endroit qui me rend heureux tout simplement alors il ya un projet que j'ai fait avec la styliste et artiste au maïma salem En 2021, elle est en Égypte, on est un peu post-Covid, mais encore dedans. Et je vois qu'elle est au Caire et je lui écris et je lui demande « Pourquoi je ne suis pas là-bas avec toi ? » Et elle me dit tout simplement « Viens » . 48 heures plus tard, je suis au Caire avec elle. Et on en profite, je finis par rester un mois en Égypte parce que j'en tombe amoureux complètement. Et c'est une cure fantastique pour... Le huis clos qui était le confinement pour moi. Et on a plusieurs opportunités de faire des séries. On en fait d'ailleurs deux. Un pour le magazine More or Less, où on a fait un espèce de reverse Malik Sidibe, où on a un décor où on voit le landscape derrière et les rideaux sont sur les périphériques de l'image. Et on fait aussi un objet qui est très chouette, qui s'appelle Desert Lover, A Quest for Peace. et c'est... un petit livret qu'on a fait pour Unemployed Magazine, où c'est principalement Omaima qui tient l'appareil photo. Et je deviens le protagoniste. Et en fait, on revient un peu à cette complicité, où je suis sujet, mais on est tous les deux dans un acte photographique. Et c'est un peu comme un film de Wim Wenders. On a un peu fantasmé l'idée d'un bourgeois du Caire. de Zamalek et son parcours jusqu'au désert de Siwa et sa transformation. Et donc, c'était vraiment chouette de s'exercer à ne pas tenir l'appareil, mais continuer à photographier. C'est un bon exemple parce que chaque projet, j'aime l'idée que chaque projet ait une identité complètement différente. Desert Lover, où je suis le protagoniste, Stop Following Me, qui est une collection pédestre prise au téléphone et Ensemble, qui sont des photos de noir et blanc, de nu. Et peut-être un peu comme un cinéaste, j'aime bien l'idée de traiter différents thèmes et différentes idées avec chaque livre. Pour le contexte de Desert Lover, ce qu'on avait c'était un point de départ et un point de chute. C'est-à-dire qu'on partait du Caire et qu'on allait voyager jusqu'au désert de Siwa. Sur le chemin, on allait croiser la Méditerranée et Alexandrie et d'autres endroits. Donc on avait le début et une fin. Et à travers, je me déguise ou je me transforme. Donc c'est un peu le genre cinéma du road movie. Pour Vanessa Paradis et la collaboration avec Imrou, j'avais beaucoup parlé des peintures de Domenico Gnoli et donc cette forme un peu de l'abstrait et du surréel. La collaboration avec les directeurs artistiques et avec les clients, avec les stylistes, avec les modèles, ça passe au début par le dialogue. En anglais, on dit « psychological read » , c'est tu essaies de trouver un terrain d'entente où tu as des affinités en commun. Et une fois que tu trouves ces affinités, tu les développes pour faire émerger peut-être des idées et un enthousiasme. Omaima, par exemple, elle a beaucoup travaillé dans le cinéma, donc on peut facilement dialoguer et développer un sens de l'humour ensemble, parce qu'on a beaucoup d'affinités en commun. Jacquemus, Simon Porte, il a une très grande sensibilité pour la poésie et le cinéma aussi, donc c'était très facile de dialoguer avec Simon, juste en s'échangeant des images. Imru adore créer des costumes et moi c'est pareil, on a fait un projet avec une styliste qui s'appelle Erika Kuriara à Bali où on a créé un costume de samouraï fait de tongs recyclés et de sacs d'ail en plastique. Le costume fait apparaître des personnages et c'est entre sculpture et silhouette, donc c'est un dialogue je trouve fascinant. Avec Simon, il me semble qu'on a fait cinq campagnes, mais il y a d'autres choses aussi. Il y a plusieurs séries dans le livre « Marseille, je t'aime » . Il y a un éditorial qu'on a fait dans le métro à Réun, que j'aime beaucoup, pour le magazine « Styliste » . Avec Simon, la rencontre s'est faite très naturellement et très rapidement. On fait une première campagne qui s'appelle « La reconstruction » avec l'artiste Willy Dorner, qui sculpte. et qui fait des sculptures humaines. Donc cinq collaborations. Après la reconstruction, on fait les centons. Génial, les centons. Pour celui-là, je lui suggère de travailler à la chambre parce qu'il y avait un aspect Marcel Pagnol et je me souvenais, dans La gloire de mon père, qu'il y a une scène de photographe qui shoot à la chambre. Aussi, les silhouettes de Rose, la modèle. Elles sont assez statiques et sculpturales. Elles reprennent un peu les centons de Provence, en fait. Donc on s'est dit qu'elles étaient assez statiques, donc ça permettait à la prise de vue grand format, qui est un peu plus difficile quand il y a du mouvement. Chacune de ces séries, quand j'y pense maintenant, sont très différentes, et du coup, c'est pour ça que ça me plaît beaucoup aussi. La troisième, c'est celle qui revient le plus, dont on me parle encore. En 2017, on va en Camargue, pas loin d'où vient Simon, et où a été tourné un film qui s'appelle « Crin blanc » de Lamorice dans les années 50, il me semble. Il y a des scènes avec un enfant et un cheval blanc dans l'eau. Et Simon voulait faire des photos de nus en noir et blanc. Et on fait un casting et on trouve deux danseurs sublimes. Et on va en Camargue et on fait des photos sur deux jours. Un lever du jour et un coucher du soleil à Sainte-Marie et puis dans les Salins. Et ce projet, quelques années plus tard, va être aussi mis en bouquin avec mes amis de Loose Joints, Sarah et Lewis. On va en faire un livre qui s'appelle Ensemble. Avec Simon comme avec Sarah et Lewis, la complicité amicale est complètement mélangée avec ses travaux professionnels. Elles cohabitent souvent, complicité, amitié et projet professionnel. Après, ensemble, qu'est-ce qu'on fait ? On va à Lanzarote. C'est chouette, on dirait un film de James Bond. On va à Lanzarote avec Assa. On va sur des plages volcaniques, des plages avec du sable noir. Et on fait plusieurs photos. Des bijoux aussi, des sacs. Le sac a été très important, je pense, je crois, dans l'histoire de la marque. Ça, c'était la Bomba. Et après Lanzarote, on va au Maroc et on photographie Frédéricé sur un scooter, pas loin de Marrakech. Donc avec Simon, ça a toujours été l'aventure et quelque chose de nouveau, où plusieurs choses cohabitent, la poésie et le fantastique. Avec Simon, ça a toujours été une communication assez directe.

  • Speaker #0

    La reconstruction, il voulait collaborer avec Willy Dorner qui faisait ses sculptures. Les santons, les vêtements nous ont dit ce qu'on devait faire. Et puis il avait une idée quand même de représenter la mannequin comme une figurine folklorique. Les nus, c'était la Maurice. Mais à chaque fois, c'était un lien direct avec Simon. Il n'y avait personne d'autre. Sur les shootings, on écoutait... c'était que quelques-uns. Il y avait souvent Marion, sa collègue, Simon, qui souvent faisait le stylisme lui-même à Lanzarote. Il n'y avait que Simon, Marion et quelques assistants. C'était des équipes très réduites. Donc c'est très rare d'avoir ça, d'avoir ce lien direct. Et oui, c'est de loin mes meilleures expériences professionnelles. Peut-être... grâce à cette complicité fantastique, tout simplement. C'est complètement génial. Le projet, la campagne L'amour d'un gitan, qu'on a fait en 2017, devient plus tard, en 2021, je crois, un livre. Et il y a quelques années, je reçois un texte d'une amie, je crois que c'est Camille, qui m'envoie une photo de la campagne, mais vendue sur les quais de Seine à Paris. Souvent à Paris, on croit ces boutiques qui vendent des images de la Tour Eiffel. Et là, tout d'un coup, je vois l'image qu'on a produite, celle du parapluie, avec le logo Jacquemus en dessous, et on découvre, je partage avec Simon, on s'amuse un peu avec cette idée. mais quelqu'un a donc produit des images et vend des posters illégalement de la campagne et des photos. Et on trouve ça assez drôle et quelque part c'est fantastique, l'image n'est pas à nous mais maintenant elle fait partie d'une espèce de culture populaire et elle existe encore, je pense qu'on peut la retrouver, celle-ci et celle de la reconstruction parmi d'autres. entre quelques tours Eiffel sur la scène. Oui, on ne sait pas pourquoi, des fois, il y a des images comme ça qui transpercent. Et même les gens qui les ont créées n'ont aucun contrôle dessus. La musique, ça fait ça, des films ou des images. Mais pour moi, c'est le meilleur musée du monde d'être comme ça dans la rue en plus. C'est super. Mon parcours dans la photographie de mode est assez curieuse, mais aussi peut-être évidente. Quand tu grandis à Paris, tu vois toujours des silhouettes. Il y a des gens qui sont stylés des fois et tu les regardes plus longtemps que les autres. Quelque part, on a tous cette sensibilité ou en tout cas, on peut l'avoir. Dans le skate aussi, c'était très important d'avoir du style. Tu pouvais faire une figure, mais si tu le faisais bien... C'était encore meilleur. Ma pratique photographique a toujours été un peu instinctuelle et biographique. Je voulais juste capturer des moments. Et en fait, ma photographie dans la mode, c'est un peu un mélange des deux. C'est mélanger le style avec le moment ou l'histoire. Et je commence à travailler dans l'industrie de la mode par accident. Ce n'était pas mon intention. Je voulais surtout être fine artist ou storyteller. Mais rapidement... En revenant à Paris, je commence à avoir des clients commerciaux qui me permettent de vivre en tant qu'artiste et j'en suis extrêmement reconnaissant. Je ne pensais pas que c'était possible, en tout cas pour moi. J'allais être professeur et puis gagner ma vie comme ça. Donc pour moi, c'est extraordinaire de vivre en tant qu'artiste et la mode est un véhicule fantastique pour le storytelling. Quand je commence dans la mode, je ne connais pas grand-chose, je ne connais pas trop les acteurs. Bon, je le connais un peu d'une manière superficielle, et même récemment, il y a beaucoup de choses que j'apprends. C'est un peu par le biais de Simon que je découvre un peu beaucoup de ces choses, et via Instagram, parce que tout d'un coup la mode se démocratise d'une manière assez dramatique avec l'Internet. Et ma vision de la mode, je ne sais pas, c'est comme un microcosme. C'est comme un monde, donc il y a plusieurs fleuves, il y a plusieurs courants. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'elle est profondément vernaculaire. C'est comme un timbre du présent. Et on ne s'en rend pas compte tout de suite, mais le vêtement, le choix des mises en scène peuvent être un témoin. Un peu comme l'histoire du cinéma. La propagande dans les films noirs américains, la place de l'homme ou de la femme dans ses narratifs. Donc je trouve ça... Très intéressant parce que c'est presque immédiat. C'est-à-dire, en fait, la mode est tellement rapide, elle évolue tellement qu'on n'a pas le temps de trop contextualiser les choses. Il faut qu'elles arrivent maintenant et on va faire ça. Et c'est peut-être plus tard qu'on se rend compte à quel point elles sont un témoin d'un moment. Je ne sais pas si, par exemple, tu sais, les costumes... féminin des années 80-90 où les femmes avaient plus d'épaulettes. C'était un peu une position dans la société à ce moment-là. Qu'est-ce que je pourrais donner d'autre comme exemple ? En fait, je ne suis pas un grand académicien de l'histoire de la mode. Et c'est peut-être bien aussi parce que comme ça, je peux apporter ma pratique à travers... mes collaborateurs qui ont en plus cette culture. Stop Following Me, le livre que j'ai sorti... Il y a un an maintenant, et un peu à l'épicentre de beaucoup de choses dans ma carrière de photographe. C'était un peu mon point d'entrée, parce qu'il y a eu un moment un peu viral avec sur Instagram. Et c'est drôle parce que c'était un moment où je sortais du master en Suisse et que je voulais photographier comme je photographie en Californie, mais je ne pouvais pas photographier l'architecture. Agel avait déjà fait il y a 100 ans, et complètement. Et très rapidement, avec le développement de la téléphonie et surtout des caméras téléphoniques, on pouvait être un espion comme dans la guerre froide. Et donc, je commence à collectionner instinctivement les personnages qui m'entourent avec un téléphone. Assez rapidement, et je l'avais fait déjà en argentique avant, j'avais sorti une série qui s'appelle Going. C'était un peu vers 2005-2006, j'avais déjà une typologie de personnage à San Francisco. Et donc j'ai continué un peu cette écriture de dos parce que c'était une affinité. La toute première photo, j'avais photographié un vieux monsieur qui marchait avec une canne. Et il y avait quelque chose de très touchant dans sa vulnérabilité, proche de peut-être... cet endroit familier qui est la silhouette de Charlie Chaplin. Et aussi, il me rappelait mon grand-père. Ça permettait de mon grand-père de réapparaître. Je romantise peut-être tout ça, mais c'est des choses qui me touchent. Et donc, à Paris, je commence à collectionner ces personnages dans la rue. Et très rapidement, les gens m'encouragent, mes amis m'encouragent. Et d'une façon assez dogmatique ou systématique, je décide de les photographier toujours du même point de vue, un peu comme une typologie, comme les Béchères. Ils ont fait les usines et les maisons. Et donc c'est devenu un peu une systématique qui a grandi, et qui, entre 2013 et 2015, j'en produis plusieurs milliers. Et le livre qu'on a sorti l'année dernière, donc, est une collection de 400 de ces images. Le livre sort l'année dernière en 2024 et les photos ont été produites entre 2013 et 2015. J'avais toujours envie de faire un livre et j'ai pris du temps à développer vraiment l'objet, l'idée. Et j'aimais beaucoup que le livre sorte dix ans après la production de ces images. Et quelque part aussi, j'aime beaucoup que ces images de... Les téléphones ont survécu cette décennie. Elles sont toujours très, en anglais on dit « relevant » , pertinentes peut-être. Si j'avais pu et si j'avais une plus grande patience, j'aurais attendu 25 ans, qui est le time frame d'une génération. On parle souvent de vernaculaire, de l'image. Il y a un super livre que j'adore, de Anthony Hernandez, qui s'appelle « Rodeo Drive » , où justement tu as ces figures féminines dont je parle pendant le réganisme, qui ont ces épaulettes masculines. dans les looks des gens, dans les voitures qui conduisent, dans les téléphones qui sont encore branchés sur les murs, tu as un peu un témoin du temps. Et donc, j'aime beaucoup l'idée que peut-être ces images prendront plus de valeur aussi dans le temps par leur archivage. J'avais tellement collectionné des gens et les partager sur internet que des fois, des gens reconnaissaient leurs parents ou leurs copines. Et il y a une photo d'Emily, une jeune femme malvoyante, donc elle a une canne, mais elle porte une robe rouge américaine à part elle, avec un Jack Russell. Donc c'était impossible pour moi de ne pas la photographier, c'était très spécial ce moment. Très rapidement après l'avoir publié, une amie me dit ah je la connais, on a étudié ensemble, tu veux que je te la présente ? Et donc j'ai pu aussi rencontrer quelques unes des personnes que j'ai photographiées. J'ai photographié par accident Philippe Catherine parce qu'il regardait un plan de métro et puis il avait une sacoche et aussi un pantalon un peu en pâte def et je trouvais que le mec était trop cool. Et plus tard, on me dit, bah oui, c'est lui, Philippe Catherine. Il y avait aussi une silhouette qui m'avait interpellé, d'un monsieur qui marchait lentement avec un bon berce bleu. Et après l'avoir partagé sur les réseaux, quelqu'un me dit que c'est Claude Montana, le designer. Donc il y a plein de surprises un peu comme ça, qui se passent en périphérie de juste l'instinct d'enregistrer une image. En fait, cette série-là était un grand terrain de jeu pour moi parce que je ne devais pas me soucier de composer graphiquement. Il fallait juste que je suive mon cahier des charges graphique. Et tout ce que j'avais à faire, c'était de cadrer des personnages. Et souvent, très souvent, si je les suivais assez longtemps, quelque chose se passait. Avec Émilie, la malvoyante. Tout d'un coup, il y a des pigeons qui se sont volés pour traverser l'image. Donc, si on est assez patient, les choses aussi arrivent. L'image se crée. Si on voit qu'il y a du potentiel, quelque chose va se passer. La patience aussi peut être récompensée. Après quelques années, je décide d'arrêter de faire ces images parce que j'avais peur qu'on me catalogue comme... Il y avait un Américain, il m'a dit une fois « Hey, you're Backman ! » qui sonne un peu comme Pac-Man, je trouve ça assez drôle. Et donc, il fallait que je m'écarte un peu de ça parce que je ne voulais pas que les gens pensent que je suis limité à ça en tant qu'artiste. Mais aussi, peut-être qu'après deux ans de faire la même chose, on a envie de passer à quelque chose d'autre. Le livre est peut-être une des meilleures finalités de... Pour le médium photographique, parce qu'il voyage, c'est un objet d'archive, un grand-père peut le montrer à son petit-enfant, ça permet une intimité, une grande intimité entre le lecteur et le photographe ou l'artiste. Le livre reste quand même une des choses les plus pertinentes pour la photo. Les livres aussi sont juste fabuleux pour la transmission. Je parlais d'un grand-père avec son petit enfant, mais si je vais chez mes amis Sarah et Lewis, tout d'un coup, ils vont jouer de la bibliothèque comme ils vont jouer un piano. Ils vont me sortir plein de notes différentes et je vais découvrir beaucoup de choses. C'est aussi une fantastique chasse au trésor. Quand on va dans une bibliothèque, on trouve des livres. qui ont été faits des décennies avant, beaucoup de gens pensent que... Tout est archivé sur internet et c'est pas le cas. C'est pas le cas. On peut découvrir beaucoup de choses dans les bibliothèques et chez les amis. Et c'est génial d'avoir des amis qui viennent à la maison et on peut leur partager une exposition impromptue. Je ne me pose pas trop de questions, ça dépend vraiment du projet. Mais ce qui est chouette avec le noir et blanc, et c'est quelque chose que Ralph Gibson m'a souvent dit, c'était que c'est une distance avec la réalité. Et de framer, de mettre en image dans un format portrait, c'est une deuxième distance. Donc le noir et blanc peut te permettre cette distance. Des fois, tu n'as pas la même fantaisie en couleurs. Mais je n'y pense pas trop. Mais récemment, j'ai envie de faire plus de noir et blanc. Je pense que ça fluctue. Mais pareil, entre utiliser un appareil argentique moyen format ou un téléphone, je pense que le sujet te dicte certains appareils plus que d'autres. Et c'est ça le plus important, c'est raconter quelque chose. Il ne faut pas tomber trop dans le piège de l'image précieuse. Je pense que ça, c'est très dangereux. En 2023, je crois, il y a quelques années, avec mon ami Nara, qui... une set designeuse ici à Paris d'origine coréenne. On a un peu un coup de foudre artistique et amical, où on connecte d'une manière assez naturelle, un peu comme avec beaucoup de mes collaborateurs en fait. Et Nara, je vois une étagère qu'elle a construite pour un shoot et je lui dis qu'elle est géniale et qu'elle devrait éditer son travail. De là part un dialogue où on décide de créer un design studio et une famille de meubles. C'est un groupe de six meubles modulables, un peu comme des jouets montés souris. C'était un peu ça l'inspiration. C'est parti d'un arc-en-ciel et on en a décliné des objets. Ce qui était génial avec ça, et c'est peut-être aussi une des meilleures expériences artistiques que j'ai eues de ma vie, c'était peut-être le film dont j'ai toujours rêvé de faire. Un film qui parle à un grand public. C'est peut-être important ça de le dire. Pour moi, je mets en haut de l'échelle... Un objet d'art qui veut parler à un enfant comme à un vieillard. Pour moi, le grand public et pouvoir parler, de créer quelque chose, un large spectre démographique, sont les plus grands. Et c'est ce qui s'est passé avec les meubles. On a exposé les meubles à la faillite anticipation. On a eu beaucoup de gens qui sont venus et ils étaient très enthousiastes. Et c'était une relation horizontale avec le public. Ils ont enlevé leurs chaussures. Et ils ont sauté sur les meubles, ils ont joué avec leurs enfants ou leurs parents. C'est une expérience fantastique. On a aussi développé toute une identité avec notre collaboratrice Clémentine Berry, qui est une directrice artistique. C'est très chouette d'utiliser un autre vecteur que l'image figée, mais aussi de créer des objets tridimensionnels qui, en plus, peuvent s'articuler. Et beaucoup des sculptures ont été créées par le public. Donc cette aventure avec Nara, elle continue, mais c'est aussi très difficile et challenging de faire une entreprise et de vendre des objets. Mais j'adore notre histoire parce qu'elle a été instinctuelle et on a vraiment manifesté ce souhait. Ça arrive très souvent dans la vie d'artiste, qu'on rêve et qu'on aboutit. pas le projet, surtout sans client. Et je pense que sans Narin et sans Clémentine, ce rêve n'aurait pas abouti. Et donc c'est une récompense incroyable, surtout pour des artistes qui travaillent dans la sphère commerciale, de s'épanouir totalement et d'être un artiste à 100%, c'est-à-dire, en anglais on dit follow through, c'est-à-dire arriver jusqu'au bout de nos souhaits. Pour l'avenir, pour revenir à Ralph, il me dit « You're only as good as your last picture » . Et donc je vis pour le prochain. J'aimerais beaucoup aussi réaliser un film. J'aimerais développer un peu plus mon écriture, qui est une relation avec l'invisible. Un bon break du monde visuel dans lequel on vit. Et rencontrer les gens que je n'ai pas encore rencontrés. Souvent des plus jeunes qui vont m'apprendre plus que les plus vieux. Pendant longtemps, je cherchais un mentor dans ma vie et je me suis aperçu que c'était des gens plus jeunes que moi qui m'instruisent le plus. L'avenir, je le vois... C'est difficile. Je ne le vois pas, en fait, l'avenir. Mais j'ai beaucoup d'espoir, surtout grâce aux archives que j'ai créées avec mes complices et mes amis artistes. Ils sont là pour me rappeler qu'il est possible de rêver et d'aboutir ces projets.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Description

Au moment d’enregistrer cet épisode, rien ne s’est passé comme prévu : j’avais perdu tout mon matériel. Absolument tout. David Luraschi, mon invité, et moi nous sommes donc retrouvés un peu paniqués à chercher une solution pendant plus d’une heure, peut-être une heure et demie.  Cette recherche improvisée s’est finalement transformée en un moment de partage, d’humour et de découverte mutuelle. David s’est montré d’une patience rare, d’une grande bienveillance et d’un humour désarmant face à la situation.


Nous avons fini par trouver un micro et avons pu enregistrer ce podcast, dans des conditions simples mais très sincères. Et d’une certaine façon, cela raconte déjà beaucoup de lui : un photographe et artiste franco-américain qui aborde son travail avec autant de légèreté que de profondeur.


Nourri par certaines références cinématographiques, David Luraschi développe une œuvre à la frontière du documentaire et de la fiction. Il compose des images où le quotidien devient récit, où la mise en scène se mêle à la réalité. On connaît aussi son travail de photographie de mode , notamment aux côtés de Jacquemus, où son regard singulier et poétique trouve une autre forme d’expression.


Cet épisode, né d’un léger chaos et d’une belle complicité, reflète parfaitement son univers : drôle, ludique et profondément humain.


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Cette offre* est destinée à tout le monde — que vous soyez nouveau client ou déjà utilisateur MPB !
* Valable jusqu'au 30 novembre 2025.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    production noyau studio alors pour tout vous dire au moment de commencer cet enregistrement j'avais perdu tout mon matériel vraiment tout on s'est retrouvé david mon invité mais moi un peu paniqué à passer plus d'une heure peut-être une heure et demie à chercher une solution et puis finalement apprendre à se connaître il s'est montré d'une patience incroyable d'une grande bienveillance et surtout d'un humour désarmant face à la situation On a fini par mettre la main sur un micro, sinon vous n'auriez pas ce podcast sorti aujourd'hui, dans des conditions quand même un peu improvisées, mais pleines de sincérité. Et quelque part, ça dit beaucoup du personnage de David Luraski, un photographe, artiste franco-américain aux multiples facettes, qui aborde son travail avec autant d'humour que de légèreté, et avec un vrai sens du jeu. Il est connu pour ses projets personnels, pour ses campagnes de mode notamment, et avec Jacquemus, mais aussi pour son regard profondément nourri de références cinématographiques. Bref, c'était un moment à la fois un peu chaotique, mais très joyeux. J'ai adoré cette rencontre. Et puis on arrive doucement vers la fin de saison de Vision, alors je suis très heureux de vous proposer cet épisode-là. Je vous souhaite une très bonne écoute. Salut, c'est Aliocha, vous écoutez Vision. Le podcast qui donne vie aux images. Vous le savez, ce podcast est soutenu depuis pas mal de temps par MPB, la plus grande plateforme pour acheter, vendre ou échanger votre matériel photo et vidéo d'occasion en toute confiance. Et en ce moment, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente. de votre matériel photo et vidéo, donc vraiment 5% qui s'ajoutent au montant estimé à la vente. Le code OCTOBRE-6-5 est accessible à toutes et à tous, que ce soit une première fois ou non, et il est bien entendu en description de ce podcast sur notre site aussi, avec un lien direct vers le site de MPB. C'est à partir d'aujourd'hui ce code et jusqu'au 30 novembre 2025, donc faites vite. Merci à MPB.

  • Speaker #1

    Alors, l'image en quelle j'ai pensé, c'est pas une image que j'ai produite, mais c'est une image de moi. Une image que mon père ou ma mère a prise. Je porte une tenue entièrement camouflage. J'ai un sabre de samouraï, je pense, en plastique. Et je suis à côté d'un restaurant. peut-être asiatique, où il y a pas mal de poulet ou de canard laqué. Et je trouve la photo assez drôle, parce que mes cheveux roux sont assortis un peu aux canards laqués qui se trouvent derrière moi. Et je n'ai pas l'impression de l'avoir compris lors de la photo, mais j'imagine mes parents en train de rigoler de la situation. Le sabre aussi est sorti de son étui. Donc j'imagine mes parents me dire « Sors le sabre, montre-nous ta vaillance » . Donc cette photo pour moi, elle cristallise beaucoup de choses. Une certaine comédie de situation et une complicité entre le sujet et la personne qui tient la caméra. Donc la comédie est assez centrale dans mon travail, je crois. Je m'appelle David Louraski, c'est un nom italien, donc le CHI se prononce Ski. Je suis né à Paris au début des années 80 et j'ai grandi à Paris avec des parents américains, des expatriés. Ils sont venus en Europe et ont progressivement travaillé dans le cinéma. Mon père surtout à Rome et puis ensuite en France et ma mère en France. On a passé quelques années à Los Angeles quand j'étais tout petit et puis on est vite revenu en Europe. Ma pratique photographique est très proche avec cette culture du cinéma qui a été toujours très présente. Le père de mon père aussi était un producteur qui a beaucoup travaillé dans l'industrie en Amérique et en Europe. Et on a toujours baigné dans ces systèmes narratifs, on a toujours baigné dans l'histoire du cinéma. Et mes premiers souvenirs, peut-être, ne sont pas forcément des souvenirs que j'ai vécu, mais plutôt des films que j'ai regardés, comme des films de Charlie Chaplin. Il y a une résonance étrange, curieuse, mais que j'aime beaucoup, presque romantique, entre mon vécu et les informations que j'ai absorbées à travers un écran de cinéma. Souvent, elles se confondent. Et dans l'absurdité et le surréalisme de l'existence sur cette planète, je peux me rassurer à travers les histoires que j'ai absorbées. Et parfois, ça m'aide. Alors, j'ai grandi à Paris. Après le bac, je pars un peu à New York, parce que j'ai la chance d'avoir la double nationalité et de la famille aux Etats-Unis. Donc, c'est très facile pour moi de... de sauter d'un territoire à l'autre. Très rapidement, j'ai une grande affinité avec l'Ouest et la Californie, et en particulier San Francisco, avec qui j'ai une affection particulière, et surtout aussi parce qu'il y a une grande ouverture avec la nature et le monde en général. San Francisco, c'est un endroit spécial pour moi, parce que c'est un endroit où je peux m'évader un peu, sortir un peu de... de ce monde haussmannien parisien et d'être un peu plus libre, d'être un peu américain, de me réinventer peut-être et aussi continuer un peu ma pratique de skateboard qui a alimenté beaucoup de ma fuite ou de mes loisirs et de mon adolescence. Et San Francisco, ça a été pendant longtemps la mecque du skateboard. À San Francisco, j'étudie le cinéma. Je fais un bachelor au début de drama parce que j'avais un peu des ambitions d'acteur. Mais très rapidement, je change en cinéma studies. Donc, je continue à étudier l'histoire du cinéma, mais dans un contexte académique et pas familial. En parallèle de ça, je travaille dans un vidéo store. Donc, j'absorbe constamment des films. Je continue à vivre à San Francisco jusqu'en 2011. Je vis là-bas neuf ans. Et puis, une fois que le monde de la tech a fait exploser un peu le territoire et le non-landscape, beaucoup de gens sont partis. Et moi, j'ai décidé de revenir en Europe. Et à ce moment-là, j'avais déjà développé ma photographie un peu en mode loisir. Surtout, elle s'est développée... Beaucoup, et en parallèle de ma pratique de skateboard, parce qu'à Paris, déjà quand on était adolescent, on s'enregistrait et on faisait des compilations de nos meilleurs moments avec de la musique. Donc il y avait déjà un aspect, une relation à l'image, l'esthétique et l'editing qui ont développé une certaine sensibilité et qui pouvaient se rapprocher aussi de ma culture de cinéma. En parallèle de mes études de cinéma à San Francisco, Pour faire des storyboards, je prends un appareil photo, comme il y en avait souvent chez moi quand j'étais petit, parce que mon père aussi pratiquait la photographie. Et je prends des photos de mes amis, un peu comme mes parents prenaient des photos de moi et ma sœur quand j'étais petit. Et beaucoup de gens m'ont encouragé, et j'ai trouvé un peu quelque chose qui me complétait. Et par la suite, lors de mon retour, En Europe, je décide de faire un master à Lausanne parce que j'avais accumulé pas mal d'archives aux Etats-Unis mais je ne savais pas exactement quoi faire avec. Et je me suis dit qu'un prisme européen et surtout suisse pourrait peut-être m'aider à articuler ma collection d'archives et mon instinct américain et je pouvais un peu le traduire dans ce prisme européen et essayer d'articuler une finalité. en fait, disons, éditoriales. Et en parallèle, je me suis dit, je vais devenir prof et comme ça, je pourrais continuer ma pratique artistique et faire de la transmission. J'avais déjà été prof pas mal à San Francisco pour des workshops de vidéos, vu que j'en avais fait depuis que j'étais ado. Et aussi, quand je suis arrivé à Lausanne, j'ai été prof d'anglais pour des enfants de 6 à 12 ans. Et c'était assez chouette. Je m'étais dit juste que c'était un bon moyen de continuer ma pratique et d'être un peu dans une profession qui me plaît dans la transmission, en fait. J'ai beaucoup bossé dans les restos à San Francisco, c'était bien. Mais je trouvais que l'éducation, c'était un truc qui me plaisait beaucoup. Je m'appuie beaucoup sur une espèce de mythologie familiale où on jouait à prendre des photos. Donc on se mettait en scène, un peu comme les films qu'on regardait, où peut-être ma sœur me faisait une coiffure et que mon père me disait de me mettre à côté de la fenêtre parce que la lumière était mieux, et on se prenait en photo. Donc on a beaucoup d'albums de photos de famille. où on a des jeux de mise en scène assez comiques. Ils ont beaucoup déguisé ma sœur dans des personnages différents. Ma sœur qui fait le concierge parisien, ou d'autres déguisements ou situations. Et donc ces images-là sont toujours présentes avec moi parce qu'elles ont une certaine sincérité dans la comédie. Et c'est drôle parce que c'est un peu quelque part ce que je fais, ou ce que je produis, ou ce que j'essaye de produire avec mes collaborateurs aujourd'hui. dans un contexte de mode ou commercial. J'essaye de prendre du plaisir comme je le faisais quand j'étais petit. J'ai une grande fierté, ou en tout cas, la figure du grand-père est assez importante chez moi. C'est quelqu'un avec qui j'avais une grande transmission, beaucoup de comédie. Il était italien, il a grandi à Londres et a émigré en 1929 à New York, l'année où les films commencent à parler. Et très vite commence à travailler à Hollywood et avec l'apparemment pour lequel il a une carrière de 60 ans. Et sa vie a été un mélange d'aventures et de collaborations avec des artistes. C'est ce monde un peu fantastique et plein de diplomatie parce que lui il était du côté exécutif. Il devait créer un pont en fait entre les artistes et une compagnie comme l'Apparemente. Et son parcours est intéressant parce que, et puis c'était sur plusieurs décennies, mais après la seconde guerre mondiale, quand les pays européens étaient affaiblis économiquement, ils avaient accepté de... de projeter tous ces films américains qui aussi étaient de la propagande un peu déguisés. Ils avaient dit aux Etats-Unis, d'accord, on vous montrera vos films, mais aidez-nous à financer les nôtres. Et au lieu de juste donner de l'argent, ils ont mis en place des personnes comme mon grand-père pour curater en fait cet argent et ses productions. Donc il y a beaucoup d'histoires de mon grand-père. et comment il a un peu développé ses relations amicales et artistiques avec de grands réalisateurs ou de grands acteurs. Quand il est décédé, on a ouvert son carnet d'adresses, il y avait Orson Welles, Charlie Chaplin, Berlucci. Et quelque part, ça m'inspire, je trouve ça fantastique. Au-delà... Ouais, en fait, je crois que le mot fantastique, c'est quelque chose que j'aime beaucoup. Le fait qu'on peut sauter d'un univers à un autre. Et la photographie et le cinéma, ce sont des véhicules du fantastique. J'ai passé les 15 dernières années de sa vie avec lui. Il habitait sur le même palier avec nous à Paris. Et on jouait aux échecs. Il est décédé il y a peut-être 25 ans, il est décédé en 2001. Le 1er avril, parce que c'était un grand blagueur. Et son souvenir, le fait que je l'invoque aujourd'hui, pour moi, quelque part, il n'est jamais parti. Et donc, c'est un peu une bonne étoile ou quelqu'un qui veille, je crois. Et il me rassure pas mal dans ma pratique. Mais oui, j'ai beaucoup passé du temps avec lui. Et on retrouve des documents, on retrouve du 16 mm qu'il a tourné, ou beaucoup de photos. Il était complètement... Le photographe est des fois un peu trop compulsif. Il y a des photos de ma grand-mère, sa femme, devant le Empire State Building et au lieu d'en avoir une, il y en a une vingtaine. Le gars était un peu fou. Il était peut-être déjà un stagrameur, mais dans les années 30 et 40. J'ai deux inspirations, enfin j'en ai plusieurs, mais il y en a deux qui me viennent à l'esprit tout de suite. C'est le travail de Ralph Gibson, avec qui mon père a passé beaucoup de temps, parce qu'ils étaient tous les deux étudiants à SFAI, San Francisco Art Institute, et ils avaient tous les deux assisté à Dorothy Lang. Mon père était tireur pour elle et ensuite Ralph Gibson. Ils étaient colocataires à San Francisco dans les années 60. Et donc Ralph est quand même une figure assez importante pour moi dans son écriture artistique et ses diptyques surréelles, proches peut-être du cinéma italien de cette époque-là. Et comme son travail était tout le temps dans la maison, en poster ou en photo, il a toujours été présent dans mon subconscient. Une grande grâce et une grande agilité et un pont vers le surréel, en fait, tout simplement. Des images qui te donnent de l'espace pour t'évaporer, pour t'enfuir. Et c'est pareil pour un peintre qui était ami de mes parents, qui s'appelle, italien, qui s'appelle Domenico Gnoli, qui est décédé beaucoup trop jeune, qui a fait pas mal de paysages satoriaux. C'est des détails de cravate ou de coiffure. et on dirait des paysages. Et si on les regarde assez longtemps, ils bougent ou on peut les entendre. Et c'est une invitation fantastique pour un enfant de les regarder. Il y a notamment une peinture d'une cravate qui est assez connue et qu'on avait tout le temps à la maison. Elle est encore chez ma mère. Et quand j'étais petit, j'ai cru que c'était une femme qui poussait un shopping cart dans une... un supermarché américain et qu'il y a que dans les années 50 un peu je pensais que c'était une robe et il y a que quelques années plus tard que je me suis rendu compte que c'était une cravate donc ces deux artistes là sont assez centrales parce qu'ils étaient dans la maison avec nous après il y a aussi la musique qui elle était invisible ou de Chet Baker ou de Eric Satie Mon père aimait bien des fois ouvrir les fenêtres et jouer de la musique à fond. Donc ça, c'était important aussi, je pense, quelque part. Ma pratique, je pense, a plusieurs dimensions, ou en tout cas a plusieurs facettes. Je pense qu'elle est profondément biographique. Pour moi, la vie est un peu aussi un écran de cinéma où on se découvre à travers l'histoire qui s'écrit et parfois on ne choisit pas. Et aussi par les systèmes narratifs que j'ai absorbés à travers l'histoire du cinéma. Donc pour moi, mon écriture et mes démarches, disons dans les séries photo, sont souvent influencés par les films que j'ai vus. Donc peut-être une série peut être une histoire inspirée d'un été meurtrier où Isabelle Adjani change d'identité pour assassiner ses anciens amants. Ou alors ça peut être un film de Vin Vendors où un personnage traverse un désert. Ou la fin de 400 coups quand Antoine Douanel regarde la caméra d'une manière assez confrontationnelle. Donc mes influences, je n'ai pas étudié nécessairement la photographie comme j'ai absorbé l'histoire du cinéma. Donc c'est presque instinctuel chez moi de créer un peu... ces histoires. Cette idée du jeu est peut-être centrale aussi dans mon travail parce qu'elle appelle l'harmonie du groupe, c'est-à-dire un désir d'être dans une communauté, danser autour du feu. C'est peut-être un peu trop romantique, mais le jeu permet une complicité entre les acteurs différents acteurs d'une production. Et donc, c'est pour ça que je m'appuie sur l'enfance parce que c'est un endroit naturel. Et si on arrive à le développer avec un styliste, une styliste, un modèle ou un directeur artistique, on peut être dans un flux créatif. Donc, c'est un peu une recette pour moi de trouver des solutions, d'expérimenter, d'explorer, de découvrir. Et je pense que tout le monde a ça, en lui ou en elle. Si on ne l'a pas, peut-être qu'on peut les inspirer et les inviter à jouer avec nous. Donc c'est juste un remède pour la vie aussi sur cette planète, parce qu'on a tous besoin de s'échapper et d'utiliser le théâtre pour exorciser, exaucer nos peurs ou notre enthousiasme, ou célébrer en fait. Le jeu c'est un rituel. d'aspects il ya un aspect spirituel aussi donc c'est un endroit qui me rend heureux tout simplement alors il ya un projet que j'ai fait avec la styliste et artiste au maïma salem En 2021, elle est en Égypte, on est un peu post-Covid, mais encore dedans. Et je vois qu'elle est au Caire et je lui écris et je lui demande « Pourquoi je ne suis pas là-bas avec toi ? » Et elle me dit tout simplement « Viens » . 48 heures plus tard, je suis au Caire avec elle. Et on en profite, je finis par rester un mois en Égypte parce que j'en tombe amoureux complètement. Et c'est une cure fantastique pour... Le huis clos qui était le confinement pour moi. Et on a plusieurs opportunités de faire des séries. On en fait d'ailleurs deux. Un pour le magazine More or Less, où on a fait un espèce de reverse Malik Sidibe, où on a un décor où on voit le landscape derrière et les rideaux sont sur les périphériques de l'image. Et on fait aussi un objet qui est très chouette, qui s'appelle Desert Lover, A Quest for Peace. et c'est... un petit livret qu'on a fait pour Unemployed Magazine, où c'est principalement Omaima qui tient l'appareil photo. Et je deviens le protagoniste. Et en fait, on revient un peu à cette complicité, où je suis sujet, mais on est tous les deux dans un acte photographique. Et c'est un peu comme un film de Wim Wenders. On a un peu fantasmé l'idée d'un bourgeois du Caire. de Zamalek et son parcours jusqu'au désert de Siwa et sa transformation. Et donc, c'était vraiment chouette de s'exercer à ne pas tenir l'appareil, mais continuer à photographier. C'est un bon exemple parce que chaque projet, j'aime l'idée que chaque projet ait une identité complètement différente. Desert Lover, où je suis le protagoniste, Stop Following Me, qui est une collection pédestre prise au téléphone et Ensemble, qui sont des photos de noir et blanc, de nu. Et peut-être un peu comme un cinéaste, j'aime bien l'idée de traiter différents thèmes et différentes idées avec chaque livre. Pour le contexte de Desert Lover, ce qu'on avait c'était un point de départ et un point de chute. C'est-à-dire qu'on partait du Caire et qu'on allait voyager jusqu'au désert de Siwa. Sur le chemin, on allait croiser la Méditerranée et Alexandrie et d'autres endroits. Donc on avait le début et une fin. Et à travers, je me déguise ou je me transforme. Donc c'est un peu le genre cinéma du road movie. Pour Vanessa Paradis et la collaboration avec Imrou, j'avais beaucoup parlé des peintures de Domenico Gnoli et donc cette forme un peu de l'abstrait et du surréel. La collaboration avec les directeurs artistiques et avec les clients, avec les stylistes, avec les modèles, ça passe au début par le dialogue. En anglais, on dit « psychological read » , c'est tu essaies de trouver un terrain d'entente où tu as des affinités en commun. Et une fois que tu trouves ces affinités, tu les développes pour faire émerger peut-être des idées et un enthousiasme. Omaima, par exemple, elle a beaucoup travaillé dans le cinéma, donc on peut facilement dialoguer et développer un sens de l'humour ensemble, parce qu'on a beaucoup d'affinités en commun. Jacquemus, Simon Porte, il a une très grande sensibilité pour la poésie et le cinéma aussi, donc c'était très facile de dialoguer avec Simon, juste en s'échangeant des images. Imru adore créer des costumes et moi c'est pareil, on a fait un projet avec une styliste qui s'appelle Erika Kuriara à Bali où on a créé un costume de samouraï fait de tongs recyclés et de sacs d'ail en plastique. Le costume fait apparaître des personnages et c'est entre sculpture et silhouette, donc c'est un dialogue je trouve fascinant. Avec Simon, il me semble qu'on a fait cinq campagnes, mais il y a d'autres choses aussi. Il y a plusieurs séries dans le livre « Marseille, je t'aime » . Il y a un éditorial qu'on a fait dans le métro à Réun, que j'aime beaucoup, pour le magazine « Styliste » . Avec Simon, la rencontre s'est faite très naturellement et très rapidement. On fait une première campagne qui s'appelle « La reconstruction » avec l'artiste Willy Dorner, qui sculpte. et qui fait des sculptures humaines. Donc cinq collaborations. Après la reconstruction, on fait les centons. Génial, les centons. Pour celui-là, je lui suggère de travailler à la chambre parce qu'il y avait un aspect Marcel Pagnol et je me souvenais, dans La gloire de mon père, qu'il y a une scène de photographe qui shoot à la chambre. Aussi, les silhouettes de Rose, la modèle. Elles sont assez statiques et sculpturales. Elles reprennent un peu les centons de Provence, en fait. Donc on s'est dit qu'elles étaient assez statiques, donc ça permettait à la prise de vue grand format, qui est un peu plus difficile quand il y a du mouvement. Chacune de ces séries, quand j'y pense maintenant, sont très différentes, et du coup, c'est pour ça que ça me plaît beaucoup aussi. La troisième, c'est celle qui revient le plus, dont on me parle encore. En 2017, on va en Camargue, pas loin d'où vient Simon, et où a été tourné un film qui s'appelle « Crin blanc » de Lamorice dans les années 50, il me semble. Il y a des scènes avec un enfant et un cheval blanc dans l'eau. Et Simon voulait faire des photos de nus en noir et blanc. Et on fait un casting et on trouve deux danseurs sublimes. Et on va en Camargue et on fait des photos sur deux jours. Un lever du jour et un coucher du soleil à Sainte-Marie et puis dans les Salins. Et ce projet, quelques années plus tard, va être aussi mis en bouquin avec mes amis de Loose Joints, Sarah et Lewis. On va en faire un livre qui s'appelle Ensemble. Avec Simon comme avec Sarah et Lewis, la complicité amicale est complètement mélangée avec ses travaux professionnels. Elles cohabitent souvent, complicité, amitié et projet professionnel. Après, ensemble, qu'est-ce qu'on fait ? On va à Lanzarote. C'est chouette, on dirait un film de James Bond. On va à Lanzarote avec Assa. On va sur des plages volcaniques, des plages avec du sable noir. Et on fait plusieurs photos. Des bijoux aussi, des sacs. Le sac a été très important, je pense, je crois, dans l'histoire de la marque. Ça, c'était la Bomba. Et après Lanzarote, on va au Maroc et on photographie Frédéricé sur un scooter, pas loin de Marrakech. Donc avec Simon, ça a toujours été l'aventure et quelque chose de nouveau, où plusieurs choses cohabitent, la poésie et le fantastique. Avec Simon, ça a toujours été une communication assez directe.

  • Speaker #0

    La reconstruction, il voulait collaborer avec Willy Dorner qui faisait ses sculptures. Les santons, les vêtements nous ont dit ce qu'on devait faire. Et puis il avait une idée quand même de représenter la mannequin comme une figurine folklorique. Les nus, c'était la Maurice. Mais à chaque fois, c'était un lien direct avec Simon. Il n'y avait personne d'autre. Sur les shootings, on écoutait... c'était que quelques-uns. Il y avait souvent Marion, sa collègue, Simon, qui souvent faisait le stylisme lui-même à Lanzarote. Il n'y avait que Simon, Marion et quelques assistants. C'était des équipes très réduites. Donc c'est très rare d'avoir ça, d'avoir ce lien direct. Et oui, c'est de loin mes meilleures expériences professionnelles. Peut-être... grâce à cette complicité fantastique, tout simplement. C'est complètement génial. Le projet, la campagne L'amour d'un gitan, qu'on a fait en 2017, devient plus tard, en 2021, je crois, un livre. Et il y a quelques années, je reçois un texte d'une amie, je crois que c'est Camille, qui m'envoie une photo de la campagne, mais vendue sur les quais de Seine à Paris. Souvent à Paris, on croit ces boutiques qui vendent des images de la Tour Eiffel. Et là, tout d'un coup, je vois l'image qu'on a produite, celle du parapluie, avec le logo Jacquemus en dessous, et on découvre, je partage avec Simon, on s'amuse un peu avec cette idée. mais quelqu'un a donc produit des images et vend des posters illégalement de la campagne et des photos. Et on trouve ça assez drôle et quelque part c'est fantastique, l'image n'est pas à nous mais maintenant elle fait partie d'une espèce de culture populaire et elle existe encore, je pense qu'on peut la retrouver, celle-ci et celle de la reconstruction parmi d'autres. entre quelques tours Eiffel sur la scène. Oui, on ne sait pas pourquoi, des fois, il y a des images comme ça qui transpercent. Et même les gens qui les ont créées n'ont aucun contrôle dessus. La musique, ça fait ça, des films ou des images. Mais pour moi, c'est le meilleur musée du monde d'être comme ça dans la rue en plus. C'est super. Mon parcours dans la photographie de mode est assez curieuse, mais aussi peut-être évidente. Quand tu grandis à Paris, tu vois toujours des silhouettes. Il y a des gens qui sont stylés des fois et tu les regardes plus longtemps que les autres. Quelque part, on a tous cette sensibilité ou en tout cas, on peut l'avoir. Dans le skate aussi, c'était très important d'avoir du style. Tu pouvais faire une figure, mais si tu le faisais bien... C'était encore meilleur. Ma pratique photographique a toujours été un peu instinctuelle et biographique. Je voulais juste capturer des moments. Et en fait, ma photographie dans la mode, c'est un peu un mélange des deux. C'est mélanger le style avec le moment ou l'histoire. Et je commence à travailler dans l'industrie de la mode par accident. Ce n'était pas mon intention. Je voulais surtout être fine artist ou storyteller. Mais rapidement... En revenant à Paris, je commence à avoir des clients commerciaux qui me permettent de vivre en tant qu'artiste et j'en suis extrêmement reconnaissant. Je ne pensais pas que c'était possible, en tout cas pour moi. J'allais être professeur et puis gagner ma vie comme ça. Donc pour moi, c'est extraordinaire de vivre en tant qu'artiste et la mode est un véhicule fantastique pour le storytelling. Quand je commence dans la mode, je ne connais pas grand-chose, je ne connais pas trop les acteurs. Bon, je le connais un peu d'une manière superficielle, et même récemment, il y a beaucoup de choses que j'apprends. C'est un peu par le biais de Simon que je découvre un peu beaucoup de ces choses, et via Instagram, parce que tout d'un coup la mode se démocratise d'une manière assez dramatique avec l'Internet. Et ma vision de la mode, je ne sais pas, c'est comme un microcosme. C'est comme un monde, donc il y a plusieurs fleuves, il y a plusieurs courants. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'elle est profondément vernaculaire. C'est comme un timbre du présent. Et on ne s'en rend pas compte tout de suite, mais le vêtement, le choix des mises en scène peuvent être un témoin. Un peu comme l'histoire du cinéma. La propagande dans les films noirs américains, la place de l'homme ou de la femme dans ses narratifs. Donc je trouve ça... Très intéressant parce que c'est presque immédiat. C'est-à-dire, en fait, la mode est tellement rapide, elle évolue tellement qu'on n'a pas le temps de trop contextualiser les choses. Il faut qu'elles arrivent maintenant et on va faire ça. Et c'est peut-être plus tard qu'on se rend compte à quel point elles sont un témoin d'un moment. Je ne sais pas si, par exemple, tu sais, les costumes... féminin des années 80-90 où les femmes avaient plus d'épaulettes. C'était un peu une position dans la société à ce moment-là. Qu'est-ce que je pourrais donner d'autre comme exemple ? En fait, je ne suis pas un grand académicien de l'histoire de la mode. Et c'est peut-être bien aussi parce que comme ça, je peux apporter ma pratique à travers... mes collaborateurs qui ont en plus cette culture. Stop Following Me, le livre que j'ai sorti... Il y a un an maintenant, et un peu à l'épicentre de beaucoup de choses dans ma carrière de photographe. C'était un peu mon point d'entrée, parce qu'il y a eu un moment un peu viral avec sur Instagram. Et c'est drôle parce que c'était un moment où je sortais du master en Suisse et que je voulais photographier comme je photographie en Californie, mais je ne pouvais pas photographier l'architecture. Agel avait déjà fait il y a 100 ans, et complètement. Et très rapidement, avec le développement de la téléphonie et surtout des caméras téléphoniques, on pouvait être un espion comme dans la guerre froide. Et donc, je commence à collectionner instinctivement les personnages qui m'entourent avec un téléphone. Assez rapidement, et je l'avais fait déjà en argentique avant, j'avais sorti une série qui s'appelle Going. C'était un peu vers 2005-2006, j'avais déjà une typologie de personnage à San Francisco. Et donc j'ai continué un peu cette écriture de dos parce que c'était une affinité. La toute première photo, j'avais photographié un vieux monsieur qui marchait avec une canne. Et il y avait quelque chose de très touchant dans sa vulnérabilité, proche de peut-être... cet endroit familier qui est la silhouette de Charlie Chaplin. Et aussi, il me rappelait mon grand-père. Ça permettait de mon grand-père de réapparaître. Je romantise peut-être tout ça, mais c'est des choses qui me touchent. Et donc, à Paris, je commence à collectionner ces personnages dans la rue. Et très rapidement, les gens m'encouragent, mes amis m'encouragent. Et d'une façon assez dogmatique ou systématique, je décide de les photographier toujours du même point de vue, un peu comme une typologie, comme les Béchères. Ils ont fait les usines et les maisons. Et donc c'est devenu un peu une systématique qui a grandi, et qui, entre 2013 et 2015, j'en produis plusieurs milliers. Et le livre qu'on a sorti l'année dernière, donc, est une collection de 400 de ces images. Le livre sort l'année dernière en 2024 et les photos ont été produites entre 2013 et 2015. J'avais toujours envie de faire un livre et j'ai pris du temps à développer vraiment l'objet, l'idée. Et j'aimais beaucoup que le livre sorte dix ans après la production de ces images. Et quelque part aussi, j'aime beaucoup que ces images de... Les téléphones ont survécu cette décennie. Elles sont toujours très, en anglais on dit « relevant » , pertinentes peut-être. Si j'avais pu et si j'avais une plus grande patience, j'aurais attendu 25 ans, qui est le time frame d'une génération. On parle souvent de vernaculaire, de l'image. Il y a un super livre que j'adore, de Anthony Hernandez, qui s'appelle « Rodeo Drive » , où justement tu as ces figures féminines dont je parle pendant le réganisme, qui ont ces épaulettes masculines. dans les looks des gens, dans les voitures qui conduisent, dans les téléphones qui sont encore branchés sur les murs, tu as un peu un témoin du temps. Et donc, j'aime beaucoup l'idée que peut-être ces images prendront plus de valeur aussi dans le temps par leur archivage. J'avais tellement collectionné des gens et les partager sur internet que des fois, des gens reconnaissaient leurs parents ou leurs copines. Et il y a une photo d'Emily, une jeune femme malvoyante, donc elle a une canne, mais elle porte une robe rouge américaine à part elle, avec un Jack Russell. Donc c'était impossible pour moi de ne pas la photographier, c'était très spécial ce moment. Très rapidement après l'avoir publié, une amie me dit ah je la connais, on a étudié ensemble, tu veux que je te la présente ? Et donc j'ai pu aussi rencontrer quelques unes des personnes que j'ai photographiées. J'ai photographié par accident Philippe Catherine parce qu'il regardait un plan de métro et puis il avait une sacoche et aussi un pantalon un peu en pâte def et je trouvais que le mec était trop cool. Et plus tard, on me dit, bah oui, c'est lui, Philippe Catherine. Il y avait aussi une silhouette qui m'avait interpellé, d'un monsieur qui marchait lentement avec un bon berce bleu. Et après l'avoir partagé sur les réseaux, quelqu'un me dit que c'est Claude Montana, le designer. Donc il y a plein de surprises un peu comme ça, qui se passent en périphérie de juste l'instinct d'enregistrer une image. En fait, cette série-là était un grand terrain de jeu pour moi parce que je ne devais pas me soucier de composer graphiquement. Il fallait juste que je suive mon cahier des charges graphique. Et tout ce que j'avais à faire, c'était de cadrer des personnages. Et souvent, très souvent, si je les suivais assez longtemps, quelque chose se passait. Avec Émilie, la malvoyante. Tout d'un coup, il y a des pigeons qui se sont volés pour traverser l'image. Donc, si on est assez patient, les choses aussi arrivent. L'image se crée. Si on voit qu'il y a du potentiel, quelque chose va se passer. La patience aussi peut être récompensée. Après quelques années, je décide d'arrêter de faire ces images parce que j'avais peur qu'on me catalogue comme... Il y avait un Américain, il m'a dit une fois « Hey, you're Backman ! » qui sonne un peu comme Pac-Man, je trouve ça assez drôle. Et donc, il fallait que je m'écarte un peu de ça parce que je ne voulais pas que les gens pensent que je suis limité à ça en tant qu'artiste. Mais aussi, peut-être qu'après deux ans de faire la même chose, on a envie de passer à quelque chose d'autre. Le livre est peut-être une des meilleures finalités de... Pour le médium photographique, parce qu'il voyage, c'est un objet d'archive, un grand-père peut le montrer à son petit-enfant, ça permet une intimité, une grande intimité entre le lecteur et le photographe ou l'artiste. Le livre reste quand même une des choses les plus pertinentes pour la photo. Les livres aussi sont juste fabuleux pour la transmission. Je parlais d'un grand-père avec son petit enfant, mais si je vais chez mes amis Sarah et Lewis, tout d'un coup, ils vont jouer de la bibliothèque comme ils vont jouer un piano. Ils vont me sortir plein de notes différentes et je vais découvrir beaucoup de choses. C'est aussi une fantastique chasse au trésor. Quand on va dans une bibliothèque, on trouve des livres. qui ont été faits des décennies avant, beaucoup de gens pensent que... Tout est archivé sur internet et c'est pas le cas. C'est pas le cas. On peut découvrir beaucoup de choses dans les bibliothèques et chez les amis. Et c'est génial d'avoir des amis qui viennent à la maison et on peut leur partager une exposition impromptue. Je ne me pose pas trop de questions, ça dépend vraiment du projet. Mais ce qui est chouette avec le noir et blanc, et c'est quelque chose que Ralph Gibson m'a souvent dit, c'était que c'est une distance avec la réalité. Et de framer, de mettre en image dans un format portrait, c'est une deuxième distance. Donc le noir et blanc peut te permettre cette distance. Des fois, tu n'as pas la même fantaisie en couleurs. Mais je n'y pense pas trop. Mais récemment, j'ai envie de faire plus de noir et blanc. Je pense que ça fluctue. Mais pareil, entre utiliser un appareil argentique moyen format ou un téléphone, je pense que le sujet te dicte certains appareils plus que d'autres. Et c'est ça le plus important, c'est raconter quelque chose. Il ne faut pas tomber trop dans le piège de l'image précieuse. Je pense que ça, c'est très dangereux. En 2023, je crois, il y a quelques années, avec mon ami Nara, qui... une set designeuse ici à Paris d'origine coréenne. On a un peu un coup de foudre artistique et amical, où on connecte d'une manière assez naturelle, un peu comme avec beaucoup de mes collaborateurs en fait. Et Nara, je vois une étagère qu'elle a construite pour un shoot et je lui dis qu'elle est géniale et qu'elle devrait éditer son travail. De là part un dialogue où on décide de créer un design studio et une famille de meubles. C'est un groupe de six meubles modulables, un peu comme des jouets montés souris. C'était un peu ça l'inspiration. C'est parti d'un arc-en-ciel et on en a décliné des objets. Ce qui était génial avec ça, et c'est peut-être aussi une des meilleures expériences artistiques que j'ai eues de ma vie, c'était peut-être le film dont j'ai toujours rêvé de faire. Un film qui parle à un grand public. C'est peut-être important ça de le dire. Pour moi, je mets en haut de l'échelle... Un objet d'art qui veut parler à un enfant comme à un vieillard. Pour moi, le grand public et pouvoir parler, de créer quelque chose, un large spectre démographique, sont les plus grands. Et c'est ce qui s'est passé avec les meubles. On a exposé les meubles à la faillite anticipation. On a eu beaucoup de gens qui sont venus et ils étaient très enthousiastes. Et c'était une relation horizontale avec le public. Ils ont enlevé leurs chaussures. Et ils ont sauté sur les meubles, ils ont joué avec leurs enfants ou leurs parents. C'est une expérience fantastique. On a aussi développé toute une identité avec notre collaboratrice Clémentine Berry, qui est une directrice artistique. C'est très chouette d'utiliser un autre vecteur que l'image figée, mais aussi de créer des objets tridimensionnels qui, en plus, peuvent s'articuler. Et beaucoup des sculptures ont été créées par le public. Donc cette aventure avec Nara, elle continue, mais c'est aussi très difficile et challenging de faire une entreprise et de vendre des objets. Mais j'adore notre histoire parce qu'elle a été instinctuelle et on a vraiment manifesté ce souhait. Ça arrive très souvent dans la vie d'artiste, qu'on rêve et qu'on aboutit. pas le projet, surtout sans client. Et je pense que sans Narin et sans Clémentine, ce rêve n'aurait pas abouti. Et donc c'est une récompense incroyable, surtout pour des artistes qui travaillent dans la sphère commerciale, de s'épanouir totalement et d'être un artiste à 100%, c'est-à-dire, en anglais on dit follow through, c'est-à-dire arriver jusqu'au bout de nos souhaits. Pour l'avenir, pour revenir à Ralph, il me dit « You're only as good as your last picture » . Et donc je vis pour le prochain. J'aimerais beaucoup aussi réaliser un film. J'aimerais développer un peu plus mon écriture, qui est une relation avec l'invisible. Un bon break du monde visuel dans lequel on vit. Et rencontrer les gens que je n'ai pas encore rencontrés. Souvent des plus jeunes qui vont m'apprendre plus que les plus vieux. Pendant longtemps, je cherchais un mentor dans ma vie et je me suis aperçu que c'était des gens plus jeunes que moi qui m'instruisent le plus. L'avenir, je le vois... C'est difficile. Je ne le vois pas, en fait, l'avenir. Mais j'ai beaucoup d'espoir, surtout grâce aux archives que j'ai créées avec mes complices et mes amis artistes. Ils sont là pour me rappeler qu'il est possible de rêver et d'aboutir ces projets.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

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Au moment d’enregistrer cet épisode, rien ne s’est passé comme prévu : j’avais perdu tout mon matériel. Absolument tout. David Luraschi, mon invité, et moi nous sommes donc retrouvés un peu paniqués à chercher une solution pendant plus d’une heure, peut-être une heure et demie.  Cette recherche improvisée s’est finalement transformée en un moment de partage, d’humour et de découverte mutuelle. David s’est montré d’une patience rare, d’une grande bienveillance et d’un humour désarmant face à la situation.


Nous avons fini par trouver un micro et avons pu enregistrer ce podcast, dans des conditions simples mais très sincères. Et d’une certaine façon, cela raconte déjà beaucoup de lui : un photographe et artiste franco-américain qui aborde son travail avec autant de légèreté que de profondeur.


Nourri par certaines références cinématographiques, David Luraschi développe une œuvre à la frontière du documentaire et de la fiction. Il compose des images où le quotidien devient récit, où la mise en scène se mêle à la réalité. On connaît aussi son travail de photographie de mode , notamment aux côtés de Jacquemus, où son regard singulier et poétique trouve une autre forme d’expression.


Cet épisode, né d’un léger chaos et d’une belle complicité, reflète parfaitement son univers : drôle, ludique et profondément humain.


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Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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  • Speaker #0

    production noyau studio alors pour tout vous dire au moment de commencer cet enregistrement j'avais perdu tout mon matériel vraiment tout on s'est retrouvé david mon invité mais moi un peu paniqué à passer plus d'une heure peut-être une heure et demie à chercher une solution et puis finalement apprendre à se connaître il s'est montré d'une patience incroyable d'une grande bienveillance et surtout d'un humour désarmant face à la situation On a fini par mettre la main sur un micro, sinon vous n'auriez pas ce podcast sorti aujourd'hui, dans des conditions quand même un peu improvisées, mais pleines de sincérité. Et quelque part, ça dit beaucoup du personnage de David Luraski, un photographe, artiste franco-américain aux multiples facettes, qui aborde son travail avec autant d'humour que de légèreté, et avec un vrai sens du jeu. Il est connu pour ses projets personnels, pour ses campagnes de mode notamment, et avec Jacquemus, mais aussi pour son regard profondément nourri de références cinématographiques. Bref, c'était un moment à la fois un peu chaotique, mais très joyeux. J'ai adoré cette rencontre. Et puis on arrive doucement vers la fin de saison de Vision, alors je suis très heureux de vous proposer cet épisode-là. Je vous souhaite une très bonne écoute. Salut, c'est Aliocha, vous écoutez Vision. Le podcast qui donne vie aux images. Vous le savez, ce podcast est soutenu depuis pas mal de temps par MPB, la plus grande plateforme pour acheter, vendre ou échanger votre matériel photo et vidéo d'occasion en toute confiance. Et en ce moment, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente. de votre matériel photo et vidéo, donc vraiment 5% qui s'ajoutent au montant estimé à la vente. Le code OCTOBRE-6-5 est accessible à toutes et à tous, que ce soit une première fois ou non, et il est bien entendu en description de ce podcast sur notre site aussi, avec un lien direct vers le site de MPB. C'est à partir d'aujourd'hui ce code et jusqu'au 30 novembre 2025, donc faites vite. Merci à MPB.

  • Speaker #1

    Alors, l'image en quelle j'ai pensé, c'est pas une image que j'ai produite, mais c'est une image de moi. Une image que mon père ou ma mère a prise. Je porte une tenue entièrement camouflage. J'ai un sabre de samouraï, je pense, en plastique. Et je suis à côté d'un restaurant. peut-être asiatique, où il y a pas mal de poulet ou de canard laqué. Et je trouve la photo assez drôle, parce que mes cheveux roux sont assortis un peu aux canards laqués qui se trouvent derrière moi. Et je n'ai pas l'impression de l'avoir compris lors de la photo, mais j'imagine mes parents en train de rigoler de la situation. Le sabre aussi est sorti de son étui. Donc j'imagine mes parents me dire « Sors le sabre, montre-nous ta vaillance » . Donc cette photo pour moi, elle cristallise beaucoup de choses. Une certaine comédie de situation et une complicité entre le sujet et la personne qui tient la caméra. Donc la comédie est assez centrale dans mon travail, je crois. Je m'appelle David Louraski, c'est un nom italien, donc le CHI se prononce Ski. Je suis né à Paris au début des années 80 et j'ai grandi à Paris avec des parents américains, des expatriés. Ils sont venus en Europe et ont progressivement travaillé dans le cinéma. Mon père surtout à Rome et puis ensuite en France et ma mère en France. On a passé quelques années à Los Angeles quand j'étais tout petit et puis on est vite revenu en Europe. Ma pratique photographique est très proche avec cette culture du cinéma qui a été toujours très présente. Le père de mon père aussi était un producteur qui a beaucoup travaillé dans l'industrie en Amérique et en Europe. Et on a toujours baigné dans ces systèmes narratifs, on a toujours baigné dans l'histoire du cinéma. Et mes premiers souvenirs, peut-être, ne sont pas forcément des souvenirs que j'ai vécu, mais plutôt des films que j'ai regardés, comme des films de Charlie Chaplin. Il y a une résonance étrange, curieuse, mais que j'aime beaucoup, presque romantique, entre mon vécu et les informations que j'ai absorbées à travers un écran de cinéma. Souvent, elles se confondent. Et dans l'absurdité et le surréalisme de l'existence sur cette planète, je peux me rassurer à travers les histoires que j'ai absorbées. Et parfois, ça m'aide. Alors, j'ai grandi à Paris. Après le bac, je pars un peu à New York, parce que j'ai la chance d'avoir la double nationalité et de la famille aux Etats-Unis. Donc, c'est très facile pour moi de... de sauter d'un territoire à l'autre. Très rapidement, j'ai une grande affinité avec l'Ouest et la Californie, et en particulier San Francisco, avec qui j'ai une affection particulière, et surtout aussi parce qu'il y a une grande ouverture avec la nature et le monde en général. San Francisco, c'est un endroit spécial pour moi, parce que c'est un endroit où je peux m'évader un peu, sortir un peu de... de ce monde haussmannien parisien et d'être un peu plus libre, d'être un peu américain, de me réinventer peut-être et aussi continuer un peu ma pratique de skateboard qui a alimenté beaucoup de ma fuite ou de mes loisirs et de mon adolescence. Et San Francisco, ça a été pendant longtemps la mecque du skateboard. À San Francisco, j'étudie le cinéma. Je fais un bachelor au début de drama parce que j'avais un peu des ambitions d'acteur. Mais très rapidement, je change en cinéma studies. Donc, je continue à étudier l'histoire du cinéma, mais dans un contexte académique et pas familial. En parallèle de ça, je travaille dans un vidéo store. Donc, j'absorbe constamment des films. Je continue à vivre à San Francisco jusqu'en 2011. Je vis là-bas neuf ans. Et puis, une fois que le monde de la tech a fait exploser un peu le territoire et le non-landscape, beaucoup de gens sont partis. Et moi, j'ai décidé de revenir en Europe. Et à ce moment-là, j'avais déjà développé ma photographie un peu en mode loisir. Surtout, elle s'est développée... Beaucoup, et en parallèle de ma pratique de skateboard, parce qu'à Paris, déjà quand on était adolescent, on s'enregistrait et on faisait des compilations de nos meilleurs moments avec de la musique. Donc il y avait déjà un aspect, une relation à l'image, l'esthétique et l'editing qui ont développé une certaine sensibilité et qui pouvaient se rapprocher aussi de ma culture de cinéma. En parallèle de mes études de cinéma à San Francisco, Pour faire des storyboards, je prends un appareil photo, comme il y en avait souvent chez moi quand j'étais petit, parce que mon père aussi pratiquait la photographie. Et je prends des photos de mes amis, un peu comme mes parents prenaient des photos de moi et ma sœur quand j'étais petit. Et beaucoup de gens m'ont encouragé, et j'ai trouvé un peu quelque chose qui me complétait. Et par la suite, lors de mon retour, En Europe, je décide de faire un master à Lausanne parce que j'avais accumulé pas mal d'archives aux Etats-Unis mais je ne savais pas exactement quoi faire avec. Et je me suis dit qu'un prisme européen et surtout suisse pourrait peut-être m'aider à articuler ma collection d'archives et mon instinct américain et je pouvais un peu le traduire dans ce prisme européen et essayer d'articuler une finalité. en fait, disons, éditoriales. Et en parallèle, je me suis dit, je vais devenir prof et comme ça, je pourrais continuer ma pratique artistique et faire de la transmission. J'avais déjà été prof pas mal à San Francisco pour des workshops de vidéos, vu que j'en avais fait depuis que j'étais ado. Et aussi, quand je suis arrivé à Lausanne, j'ai été prof d'anglais pour des enfants de 6 à 12 ans. Et c'était assez chouette. Je m'étais dit juste que c'était un bon moyen de continuer ma pratique et d'être un peu dans une profession qui me plaît dans la transmission, en fait. J'ai beaucoup bossé dans les restos à San Francisco, c'était bien. Mais je trouvais que l'éducation, c'était un truc qui me plaisait beaucoup. Je m'appuie beaucoup sur une espèce de mythologie familiale où on jouait à prendre des photos. Donc on se mettait en scène, un peu comme les films qu'on regardait, où peut-être ma sœur me faisait une coiffure et que mon père me disait de me mettre à côté de la fenêtre parce que la lumière était mieux, et on se prenait en photo. Donc on a beaucoup d'albums de photos de famille. où on a des jeux de mise en scène assez comiques. Ils ont beaucoup déguisé ma sœur dans des personnages différents. Ma sœur qui fait le concierge parisien, ou d'autres déguisements ou situations. Et donc ces images-là sont toujours présentes avec moi parce qu'elles ont une certaine sincérité dans la comédie. Et c'est drôle parce que c'est un peu quelque part ce que je fais, ou ce que je produis, ou ce que j'essaye de produire avec mes collaborateurs aujourd'hui. dans un contexte de mode ou commercial. J'essaye de prendre du plaisir comme je le faisais quand j'étais petit. J'ai une grande fierté, ou en tout cas, la figure du grand-père est assez importante chez moi. C'est quelqu'un avec qui j'avais une grande transmission, beaucoup de comédie. Il était italien, il a grandi à Londres et a émigré en 1929 à New York, l'année où les films commencent à parler. Et très vite commence à travailler à Hollywood et avec l'apparemment pour lequel il a une carrière de 60 ans. Et sa vie a été un mélange d'aventures et de collaborations avec des artistes. C'est ce monde un peu fantastique et plein de diplomatie parce que lui il était du côté exécutif. Il devait créer un pont en fait entre les artistes et une compagnie comme l'Apparemente. Et son parcours est intéressant parce que, et puis c'était sur plusieurs décennies, mais après la seconde guerre mondiale, quand les pays européens étaient affaiblis économiquement, ils avaient accepté de... de projeter tous ces films américains qui aussi étaient de la propagande un peu déguisés. Ils avaient dit aux Etats-Unis, d'accord, on vous montrera vos films, mais aidez-nous à financer les nôtres. Et au lieu de juste donner de l'argent, ils ont mis en place des personnes comme mon grand-père pour curater en fait cet argent et ses productions. Donc il y a beaucoup d'histoires de mon grand-père. et comment il a un peu développé ses relations amicales et artistiques avec de grands réalisateurs ou de grands acteurs. Quand il est décédé, on a ouvert son carnet d'adresses, il y avait Orson Welles, Charlie Chaplin, Berlucci. Et quelque part, ça m'inspire, je trouve ça fantastique. Au-delà... Ouais, en fait, je crois que le mot fantastique, c'est quelque chose que j'aime beaucoup. Le fait qu'on peut sauter d'un univers à un autre. Et la photographie et le cinéma, ce sont des véhicules du fantastique. J'ai passé les 15 dernières années de sa vie avec lui. Il habitait sur le même palier avec nous à Paris. Et on jouait aux échecs. Il est décédé il y a peut-être 25 ans, il est décédé en 2001. Le 1er avril, parce que c'était un grand blagueur. Et son souvenir, le fait que je l'invoque aujourd'hui, pour moi, quelque part, il n'est jamais parti. Et donc, c'est un peu une bonne étoile ou quelqu'un qui veille, je crois. Et il me rassure pas mal dans ma pratique. Mais oui, j'ai beaucoup passé du temps avec lui. Et on retrouve des documents, on retrouve du 16 mm qu'il a tourné, ou beaucoup de photos. Il était complètement... Le photographe est des fois un peu trop compulsif. Il y a des photos de ma grand-mère, sa femme, devant le Empire State Building et au lieu d'en avoir une, il y en a une vingtaine. Le gars était un peu fou. Il était peut-être déjà un stagrameur, mais dans les années 30 et 40. J'ai deux inspirations, enfin j'en ai plusieurs, mais il y en a deux qui me viennent à l'esprit tout de suite. C'est le travail de Ralph Gibson, avec qui mon père a passé beaucoup de temps, parce qu'ils étaient tous les deux étudiants à SFAI, San Francisco Art Institute, et ils avaient tous les deux assisté à Dorothy Lang. Mon père était tireur pour elle et ensuite Ralph Gibson. Ils étaient colocataires à San Francisco dans les années 60. Et donc Ralph est quand même une figure assez importante pour moi dans son écriture artistique et ses diptyques surréelles, proches peut-être du cinéma italien de cette époque-là. Et comme son travail était tout le temps dans la maison, en poster ou en photo, il a toujours été présent dans mon subconscient. Une grande grâce et une grande agilité et un pont vers le surréel, en fait, tout simplement. Des images qui te donnent de l'espace pour t'évaporer, pour t'enfuir. Et c'est pareil pour un peintre qui était ami de mes parents, qui s'appelle, italien, qui s'appelle Domenico Gnoli, qui est décédé beaucoup trop jeune, qui a fait pas mal de paysages satoriaux. C'est des détails de cravate ou de coiffure. et on dirait des paysages. Et si on les regarde assez longtemps, ils bougent ou on peut les entendre. Et c'est une invitation fantastique pour un enfant de les regarder. Il y a notamment une peinture d'une cravate qui est assez connue et qu'on avait tout le temps à la maison. Elle est encore chez ma mère. Et quand j'étais petit, j'ai cru que c'était une femme qui poussait un shopping cart dans une... un supermarché américain et qu'il y a que dans les années 50 un peu je pensais que c'était une robe et il y a que quelques années plus tard que je me suis rendu compte que c'était une cravate donc ces deux artistes là sont assez centrales parce qu'ils étaient dans la maison avec nous après il y a aussi la musique qui elle était invisible ou de Chet Baker ou de Eric Satie Mon père aimait bien des fois ouvrir les fenêtres et jouer de la musique à fond. Donc ça, c'était important aussi, je pense, quelque part. Ma pratique, je pense, a plusieurs dimensions, ou en tout cas a plusieurs facettes. Je pense qu'elle est profondément biographique. Pour moi, la vie est un peu aussi un écran de cinéma où on se découvre à travers l'histoire qui s'écrit et parfois on ne choisit pas. Et aussi par les systèmes narratifs que j'ai absorbés à travers l'histoire du cinéma. Donc pour moi, mon écriture et mes démarches, disons dans les séries photo, sont souvent influencés par les films que j'ai vus. Donc peut-être une série peut être une histoire inspirée d'un été meurtrier où Isabelle Adjani change d'identité pour assassiner ses anciens amants. Ou alors ça peut être un film de Vin Vendors où un personnage traverse un désert. Ou la fin de 400 coups quand Antoine Douanel regarde la caméra d'une manière assez confrontationnelle. Donc mes influences, je n'ai pas étudié nécessairement la photographie comme j'ai absorbé l'histoire du cinéma. Donc c'est presque instinctuel chez moi de créer un peu... ces histoires. Cette idée du jeu est peut-être centrale aussi dans mon travail parce qu'elle appelle l'harmonie du groupe, c'est-à-dire un désir d'être dans une communauté, danser autour du feu. C'est peut-être un peu trop romantique, mais le jeu permet une complicité entre les acteurs différents acteurs d'une production. Et donc, c'est pour ça que je m'appuie sur l'enfance parce que c'est un endroit naturel. Et si on arrive à le développer avec un styliste, une styliste, un modèle ou un directeur artistique, on peut être dans un flux créatif. Donc, c'est un peu une recette pour moi de trouver des solutions, d'expérimenter, d'explorer, de découvrir. Et je pense que tout le monde a ça, en lui ou en elle. Si on ne l'a pas, peut-être qu'on peut les inspirer et les inviter à jouer avec nous. Donc c'est juste un remède pour la vie aussi sur cette planète, parce qu'on a tous besoin de s'échapper et d'utiliser le théâtre pour exorciser, exaucer nos peurs ou notre enthousiasme, ou célébrer en fait. Le jeu c'est un rituel. d'aspects il ya un aspect spirituel aussi donc c'est un endroit qui me rend heureux tout simplement alors il ya un projet que j'ai fait avec la styliste et artiste au maïma salem En 2021, elle est en Égypte, on est un peu post-Covid, mais encore dedans. Et je vois qu'elle est au Caire et je lui écris et je lui demande « Pourquoi je ne suis pas là-bas avec toi ? » Et elle me dit tout simplement « Viens » . 48 heures plus tard, je suis au Caire avec elle. Et on en profite, je finis par rester un mois en Égypte parce que j'en tombe amoureux complètement. Et c'est une cure fantastique pour... Le huis clos qui était le confinement pour moi. Et on a plusieurs opportunités de faire des séries. On en fait d'ailleurs deux. Un pour le magazine More or Less, où on a fait un espèce de reverse Malik Sidibe, où on a un décor où on voit le landscape derrière et les rideaux sont sur les périphériques de l'image. Et on fait aussi un objet qui est très chouette, qui s'appelle Desert Lover, A Quest for Peace. et c'est... un petit livret qu'on a fait pour Unemployed Magazine, où c'est principalement Omaima qui tient l'appareil photo. Et je deviens le protagoniste. Et en fait, on revient un peu à cette complicité, où je suis sujet, mais on est tous les deux dans un acte photographique. Et c'est un peu comme un film de Wim Wenders. On a un peu fantasmé l'idée d'un bourgeois du Caire. de Zamalek et son parcours jusqu'au désert de Siwa et sa transformation. Et donc, c'était vraiment chouette de s'exercer à ne pas tenir l'appareil, mais continuer à photographier. C'est un bon exemple parce que chaque projet, j'aime l'idée que chaque projet ait une identité complètement différente. Desert Lover, où je suis le protagoniste, Stop Following Me, qui est une collection pédestre prise au téléphone et Ensemble, qui sont des photos de noir et blanc, de nu. Et peut-être un peu comme un cinéaste, j'aime bien l'idée de traiter différents thèmes et différentes idées avec chaque livre. Pour le contexte de Desert Lover, ce qu'on avait c'était un point de départ et un point de chute. C'est-à-dire qu'on partait du Caire et qu'on allait voyager jusqu'au désert de Siwa. Sur le chemin, on allait croiser la Méditerranée et Alexandrie et d'autres endroits. Donc on avait le début et une fin. Et à travers, je me déguise ou je me transforme. Donc c'est un peu le genre cinéma du road movie. Pour Vanessa Paradis et la collaboration avec Imrou, j'avais beaucoup parlé des peintures de Domenico Gnoli et donc cette forme un peu de l'abstrait et du surréel. La collaboration avec les directeurs artistiques et avec les clients, avec les stylistes, avec les modèles, ça passe au début par le dialogue. En anglais, on dit « psychological read » , c'est tu essaies de trouver un terrain d'entente où tu as des affinités en commun. Et une fois que tu trouves ces affinités, tu les développes pour faire émerger peut-être des idées et un enthousiasme. Omaima, par exemple, elle a beaucoup travaillé dans le cinéma, donc on peut facilement dialoguer et développer un sens de l'humour ensemble, parce qu'on a beaucoup d'affinités en commun. Jacquemus, Simon Porte, il a une très grande sensibilité pour la poésie et le cinéma aussi, donc c'était très facile de dialoguer avec Simon, juste en s'échangeant des images. Imru adore créer des costumes et moi c'est pareil, on a fait un projet avec une styliste qui s'appelle Erika Kuriara à Bali où on a créé un costume de samouraï fait de tongs recyclés et de sacs d'ail en plastique. Le costume fait apparaître des personnages et c'est entre sculpture et silhouette, donc c'est un dialogue je trouve fascinant. Avec Simon, il me semble qu'on a fait cinq campagnes, mais il y a d'autres choses aussi. Il y a plusieurs séries dans le livre « Marseille, je t'aime » . Il y a un éditorial qu'on a fait dans le métro à Réun, que j'aime beaucoup, pour le magazine « Styliste » . Avec Simon, la rencontre s'est faite très naturellement et très rapidement. On fait une première campagne qui s'appelle « La reconstruction » avec l'artiste Willy Dorner, qui sculpte. et qui fait des sculptures humaines. Donc cinq collaborations. Après la reconstruction, on fait les centons. Génial, les centons. Pour celui-là, je lui suggère de travailler à la chambre parce qu'il y avait un aspect Marcel Pagnol et je me souvenais, dans La gloire de mon père, qu'il y a une scène de photographe qui shoot à la chambre. Aussi, les silhouettes de Rose, la modèle. Elles sont assez statiques et sculpturales. Elles reprennent un peu les centons de Provence, en fait. Donc on s'est dit qu'elles étaient assez statiques, donc ça permettait à la prise de vue grand format, qui est un peu plus difficile quand il y a du mouvement. Chacune de ces séries, quand j'y pense maintenant, sont très différentes, et du coup, c'est pour ça que ça me plaît beaucoup aussi. La troisième, c'est celle qui revient le plus, dont on me parle encore. En 2017, on va en Camargue, pas loin d'où vient Simon, et où a été tourné un film qui s'appelle « Crin blanc » de Lamorice dans les années 50, il me semble. Il y a des scènes avec un enfant et un cheval blanc dans l'eau. Et Simon voulait faire des photos de nus en noir et blanc. Et on fait un casting et on trouve deux danseurs sublimes. Et on va en Camargue et on fait des photos sur deux jours. Un lever du jour et un coucher du soleil à Sainte-Marie et puis dans les Salins. Et ce projet, quelques années plus tard, va être aussi mis en bouquin avec mes amis de Loose Joints, Sarah et Lewis. On va en faire un livre qui s'appelle Ensemble. Avec Simon comme avec Sarah et Lewis, la complicité amicale est complètement mélangée avec ses travaux professionnels. Elles cohabitent souvent, complicité, amitié et projet professionnel. Après, ensemble, qu'est-ce qu'on fait ? On va à Lanzarote. C'est chouette, on dirait un film de James Bond. On va à Lanzarote avec Assa. On va sur des plages volcaniques, des plages avec du sable noir. Et on fait plusieurs photos. Des bijoux aussi, des sacs. Le sac a été très important, je pense, je crois, dans l'histoire de la marque. Ça, c'était la Bomba. Et après Lanzarote, on va au Maroc et on photographie Frédéricé sur un scooter, pas loin de Marrakech. Donc avec Simon, ça a toujours été l'aventure et quelque chose de nouveau, où plusieurs choses cohabitent, la poésie et le fantastique. Avec Simon, ça a toujours été une communication assez directe.

  • Speaker #0

    La reconstruction, il voulait collaborer avec Willy Dorner qui faisait ses sculptures. Les santons, les vêtements nous ont dit ce qu'on devait faire. Et puis il avait une idée quand même de représenter la mannequin comme une figurine folklorique. Les nus, c'était la Maurice. Mais à chaque fois, c'était un lien direct avec Simon. Il n'y avait personne d'autre. Sur les shootings, on écoutait... c'était que quelques-uns. Il y avait souvent Marion, sa collègue, Simon, qui souvent faisait le stylisme lui-même à Lanzarote. Il n'y avait que Simon, Marion et quelques assistants. C'était des équipes très réduites. Donc c'est très rare d'avoir ça, d'avoir ce lien direct. Et oui, c'est de loin mes meilleures expériences professionnelles. Peut-être... grâce à cette complicité fantastique, tout simplement. C'est complètement génial. Le projet, la campagne L'amour d'un gitan, qu'on a fait en 2017, devient plus tard, en 2021, je crois, un livre. Et il y a quelques années, je reçois un texte d'une amie, je crois que c'est Camille, qui m'envoie une photo de la campagne, mais vendue sur les quais de Seine à Paris. Souvent à Paris, on croit ces boutiques qui vendent des images de la Tour Eiffel. Et là, tout d'un coup, je vois l'image qu'on a produite, celle du parapluie, avec le logo Jacquemus en dessous, et on découvre, je partage avec Simon, on s'amuse un peu avec cette idée. mais quelqu'un a donc produit des images et vend des posters illégalement de la campagne et des photos. Et on trouve ça assez drôle et quelque part c'est fantastique, l'image n'est pas à nous mais maintenant elle fait partie d'une espèce de culture populaire et elle existe encore, je pense qu'on peut la retrouver, celle-ci et celle de la reconstruction parmi d'autres. entre quelques tours Eiffel sur la scène. Oui, on ne sait pas pourquoi, des fois, il y a des images comme ça qui transpercent. Et même les gens qui les ont créées n'ont aucun contrôle dessus. La musique, ça fait ça, des films ou des images. Mais pour moi, c'est le meilleur musée du monde d'être comme ça dans la rue en plus. C'est super. Mon parcours dans la photographie de mode est assez curieuse, mais aussi peut-être évidente. Quand tu grandis à Paris, tu vois toujours des silhouettes. Il y a des gens qui sont stylés des fois et tu les regardes plus longtemps que les autres. Quelque part, on a tous cette sensibilité ou en tout cas, on peut l'avoir. Dans le skate aussi, c'était très important d'avoir du style. Tu pouvais faire une figure, mais si tu le faisais bien... C'était encore meilleur. Ma pratique photographique a toujours été un peu instinctuelle et biographique. Je voulais juste capturer des moments. Et en fait, ma photographie dans la mode, c'est un peu un mélange des deux. C'est mélanger le style avec le moment ou l'histoire. Et je commence à travailler dans l'industrie de la mode par accident. Ce n'était pas mon intention. Je voulais surtout être fine artist ou storyteller. Mais rapidement... En revenant à Paris, je commence à avoir des clients commerciaux qui me permettent de vivre en tant qu'artiste et j'en suis extrêmement reconnaissant. Je ne pensais pas que c'était possible, en tout cas pour moi. J'allais être professeur et puis gagner ma vie comme ça. Donc pour moi, c'est extraordinaire de vivre en tant qu'artiste et la mode est un véhicule fantastique pour le storytelling. Quand je commence dans la mode, je ne connais pas grand-chose, je ne connais pas trop les acteurs. Bon, je le connais un peu d'une manière superficielle, et même récemment, il y a beaucoup de choses que j'apprends. C'est un peu par le biais de Simon que je découvre un peu beaucoup de ces choses, et via Instagram, parce que tout d'un coup la mode se démocratise d'une manière assez dramatique avec l'Internet. Et ma vision de la mode, je ne sais pas, c'est comme un microcosme. C'est comme un monde, donc il y a plusieurs fleuves, il y a plusieurs courants. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'elle est profondément vernaculaire. C'est comme un timbre du présent. Et on ne s'en rend pas compte tout de suite, mais le vêtement, le choix des mises en scène peuvent être un témoin. Un peu comme l'histoire du cinéma. La propagande dans les films noirs américains, la place de l'homme ou de la femme dans ses narratifs. Donc je trouve ça... Très intéressant parce que c'est presque immédiat. C'est-à-dire, en fait, la mode est tellement rapide, elle évolue tellement qu'on n'a pas le temps de trop contextualiser les choses. Il faut qu'elles arrivent maintenant et on va faire ça. Et c'est peut-être plus tard qu'on se rend compte à quel point elles sont un témoin d'un moment. Je ne sais pas si, par exemple, tu sais, les costumes... féminin des années 80-90 où les femmes avaient plus d'épaulettes. C'était un peu une position dans la société à ce moment-là. Qu'est-ce que je pourrais donner d'autre comme exemple ? En fait, je ne suis pas un grand académicien de l'histoire de la mode. Et c'est peut-être bien aussi parce que comme ça, je peux apporter ma pratique à travers... mes collaborateurs qui ont en plus cette culture. Stop Following Me, le livre que j'ai sorti... Il y a un an maintenant, et un peu à l'épicentre de beaucoup de choses dans ma carrière de photographe. C'était un peu mon point d'entrée, parce qu'il y a eu un moment un peu viral avec sur Instagram. Et c'est drôle parce que c'était un moment où je sortais du master en Suisse et que je voulais photographier comme je photographie en Californie, mais je ne pouvais pas photographier l'architecture. Agel avait déjà fait il y a 100 ans, et complètement. Et très rapidement, avec le développement de la téléphonie et surtout des caméras téléphoniques, on pouvait être un espion comme dans la guerre froide. Et donc, je commence à collectionner instinctivement les personnages qui m'entourent avec un téléphone. Assez rapidement, et je l'avais fait déjà en argentique avant, j'avais sorti une série qui s'appelle Going. C'était un peu vers 2005-2006, j'avais déjà une typologie de personnage à San Francisco. Et donc j'ai continué un peu cette écriture de dos parce que c'était une affinité. La toute première photo, j'avais photographié un vieux monsieur qui marchait avec une canne. Et il y avait quelque chose de très touchant dans sa vulnérabilité, proche de peut-être... cet endroit familier qui est la silhouette de Charlie Chaplin. Et aussi, il me rappelait mon grand-père. Ça permettait de mon grand-père de réapparaître. Je romantise peut-être tout ça, mais c'est des choses qui me touchent. Et donc, à Paris, je commence à collectionner ces personnages dans la rue. Et très rapidement, les gens m'encouragent, mes amis m'encouragent. Et d'une façon assez dogmatique ou systématique, je décide de les photographier toujours du même point de vue, un peu comme une typologie, comme les Béchères. Ils ont fait les usines et les maisons. Et donc c'est devenu un peu une systématique qui a grandi, et qui, entre 2013 et 2015, j'en produis plusieurs milliers. Et le livre qu'on a sorti l'année dernière, donc, est une collection de 400 de ces images. Le livre sort l'année dernière en 2024 et les photos ont été produites entre 2013 et 2015. J'avais toujours envie de faire un livre et j'ai pris du temps à développer vraiment l'objet, l'idée. Et j'aimais beaucoup que le livre sorte dix ans après la production de ces images. Et quelque part aussi, j'aime beaucoup que ces images de... Les téléphones ont survécu cette décennie. Elles sont toujours très, en anglais on dit « relevant » , pertinentes peut-être. Si j'avais pu et si j'avais une plus grande patience, j'aurais attendu 25 ans, qui est le time frame d'une génération. On parle souvent de vernaculaire, de l'image. Il y a un super livre que j'adore, de Anthony Hernandez, qui s'appelle « Rodeo Drive » , où justement tu as ces figures féminines dont je parle pendant le réganisme, qui ont ces épaulettes masculines. dans les looks des gens, dans les voitures qui conduisent, dans les téléphones qui sont encore branchés sur les murs, tu as un peu un témoin du temps. Et donc, j'aime beaucoup l'idée que peut-être ces images prendront plus de valeur aussi dans le temps par leur archivage. J'avais tellement collectionné des gens et les partager sur internet que des fois, des gens reconnaissaient leurs parents ou leurs copines. Et il y a une photo d'Emily, une jeune femme malvoyante, donc elle a une canne, mais elle porte une robe rouge américaine à part elle, avec un Jack Russell. Donc c'était impossible pour moi de ne pas la photographier, c'était très spécial ce moment. Très rapidement après l'avoir publié, une amie me dit ah je la connais, on a étudié ensemble, tu veux que je te la présente ? Et donc j'ai pu aussi rencontrer quelques unes des personnes que j'ai photographiées. J'ai photographié par accident Philippe Catherine parce qu'il regardait un plan de métro et puis il avait une sacoche et aussi un pantalon un peu en pâte def et je trouvais que le mec était trop cool. Et plus tard, on me dit, bah oui, c'est lui, Philippe Catherine. Il y avait aussi une silhouette qui m'avait interpellé, d'un monsieur qui marchait lentement avec un bon berce bleu. Et après l'avoir partagé sur les réseaux, quelqu'un me dit que c'est Claude Montana, le designer. Donc il y a plein de surprises un peu comme ça, qui se passent en périphérie de juste l'instinct d'enregistrer une image. En fait, cette série-là était un grand terrain de jeu pour moi parce que je ne devais pas me soucier de composer graphiquement. Il fallait juste que je suive mon cahier des charges graphique. Et tout ce que j'avais à faire, c'était de cadrer des personnages. Et souvent, très souvent, si je les suivais assez longtemps, quelque chose se passait. Avec Émilie, la malvoyante. Tout d'un coup, il y a des pigeons qui se sont volés pour traverser l'image. Donc, si on est assez patient, les choses aussi arrivent. L'image se crée. Si on voit qu'il y a du potentiel, quelque chose va se passer. La patience aussi peut être récompensée. Après quelques années, je décide d'arrêter de faire ces images parce que j'avais peur qu'on me catalogue comme... Il y avait un Américain, il m'a dit une fois « Hey, you're Backman ! » qui sonne un peu comme Pac-Man, je trouve ça assez drôle. Et donc, il fallait que je m'écarte un peu de ça parce que je ne voulais pas que les gens pensent que je suis limité à ça en tant qu'artiste. Mais aussi, peut-être qu'après deux ans de faire la même chose, on a envie de passer à quelque chose d'autre. Le livre est peut-être une des meilleures finalités de... Pour le médium photographique, parce qu'il voyage, c'est un objet d'archive, un grand-père peut le montrer à son petit-enfant, ça permet une intimité, une grande intimité entre le lecteur et le photographe ou l'artiste. Le livre reste quand même une des choses les plus pertinentes pour la photo. Les livres aussi sont juste fabuleux pour la transmission. Je parlais d'un grand-père avec son petit enfant, mais si je vais chez mes amis Sarah et Lewis, tout d'un coup, ils vont jouer de la bibliothèque comme ils vont jouer un piano. Ils vont me sortir plein de notes différentes et je vais découvrir beaucoup de choses. C'est aussi une fantastique chasse au trésor. Quand on va dans une bibliothèque, on trouve des livres. qui ont été faits des décennies avant, beaucoup de gens pensent que... Tout est archivé sur internet et c'est pas le cas. C'est pas le cas. On peut découvrir beaucoup de choses dans les bibliothèques et chez les amis. Et c'est génial d'avoir des amis qui viennent à la maison et on peut leur partager une exposition impromptue. Je ne me pose pas trop de questions, ça dépend vraiment du projet. Mais ce qui est chouette avec le noir et blanc, et c'est quelque chose que Ralph Gibson m'a souvent dit, c'était que c'est une distance avec la réalité. Et de framer, de mettre en image dans un format portrait, c'est une deuxième distance. Donc le noir et blanc peut te permettre cette distance. Des fois, tu n'as pas la même fantaisie en couleurs. Mais je n'y pense pas trop. Mais récemment, j'ai envie de faire plus de noir et blanc. Je pense que ça fluctue. Mais pareil, entre utiliser un appareil argentique moyen format ou un téléphone, je pense que le sujet te dicte certains appareils plus que d'autres. Et c'est ça le plus important, c'est raconter quelque chose. Il ne faut pas tomber trop dans le piège de l'image précieuse. Je pense que ça, c'est très dangereux. En 2023, je crois, il y a quelques années, avec mon ami Nara, qui... une set designeuse ici à Paris d'origine coréenne. On a un peu un coup de foudre artistique et amical, où on connecte d'une manière assez naturelle, un peu comme avec beaucoup de mes collaborateurs en fait. Et Nara, je vois une étagère qu'elle a construite pour un shoot et je lui dis qu'elle est géniale et qu'elle devrait éditer son travail. De là part un dialogue où on décide de créer un design studio et une famille de meubles. C'est un groupe de six meubles modulables, un peu comme des jouets montés souris. C'était un peu ça l'inspiration. C'est parti d'un arc-en-ciel et on en a décliné des objets. Ce qui était génial avec ça, et c'est peut-être aussi une des meilleures expériences artistiques que j'ai eues de ma vie, c'était peut-être le film dont j'ai toujours rêvé de faire. Un film qui parle à un grand public. C'est peut-être important ça de le dire. Pour moi, je mets en haut de l'échelle... Un objet d'art qui veut parler à un enfant comme à un vieillard. Pour moi, le grand public et pouvoir parler, de créer quelque chose, un large spectre démographique, sont les plus grands. Et c'est ce qui s'est passé avec les meubles. On a exposé les meubles à la faillite anticipation. On a eu beaucoup de gens qui sont venus et ils étaient très enthousiastes. Et c'était une relation horizontale avec le public. Ils ont enlevé leurs chaussures. Et ils ont sauté sur les meubles, ils ont joué avec leurs enfants ou leurs parents. C'est une expérience fantastique. On a aussi développé toute une identité avec notre collaboratrice Clémentine Berry, qui est une directrice artistique. C'est très chouette d'utiliser un autre vecteur que l'image figée, mais aussi de créer des objets tridimensionnels qui, en plus, peuvent s'articuler. Et beaucoup des sculptures ont été créées par le public. Donc cette aventure avec Nara, elle continue, mais c'est aussi très difficile et challenging de faire une entreprise et de vendre des objets. Mais j'adore notre histoire parce qu'elle a été instinctuelle et on a vraiment manifesté ce souhait. Ça arrive très souvent dans la vie d'artiste, qu'on rêve et qu'on aboutit. pas le projet, surtout sans client. Et je pense que sans Narin et sans Clémentine, ce rêve n'aurait pas abouti. Et donc c'est une récompense incroyable, surtout pour des artistes qui travaillent dans la sphère commerciale, de s'épanouir totalement et d'être un artiste à 100%, c'est-à-dire, en anglais on dit follow through, c'est-à-dire arriver jusqu'au bout de nos souhaits. Pour l'avenir, pour revenir à Ralph, il me dit « You're only as good as your last picture » . Et donc je vis pour le prochain. J'aimerais beaucoup aussi réaliser un film. J'aimerais développer un peu plus mon écriture, qui est une relation avec l'invisible. Un bon break du monde visuel dans lequel on vit. Et rencontrer les gens que je n'ai pas encore rencontrés. Souvent des plus jeunes qui vont m'apprendre plus que les plus vieux. Pendant longtemps, je cherchais un mentor dans ma vie et je me suis aperçu que c'était des gens plus jeunes que moi qui m'instruisent le plus. L'avenir, je le vois... C'est difficile. Je ne le vois pas, en fait, l'avenir. Mais j'ai beaucoup d'espoir, surtout grâce aux archives que j'ai créées avec mes complices et mes amis artistes. Ils sont là pour me rappeler qu'il est possible de rêver et d'aboutir ces projets.

  • Speaker #1

    Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast, et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram, at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Description

Au moment d’enregistrer cet épisode, rien ne s’est passé comme prévu : j’avais perdu tout mon matériel. Absolument tout. David Luraschi, mon invité, et moi nous sommes donc retrouvés un peu paniqués à chercher une solution pendant plus d’une heure, peut-être une heure et demie.  Cette recherche improvisée s’est finalement transformée en un moment de partage, d’humour et de découverte mutuelle. David s’est montré d’une patience rare, d’une grande bienveillance et d’un humour désarmant face à la situation.


Nous avons fini par trouver un micro et avons pu enregistrer ce podcast, dans des conditions simples mais très sincères. Et d’une certaine façon, cela raconte déjà beaucoup de lui : un photographe et artiste franco-américain qui aborde son travail avec autant de légèreté que de profondeur.


Nourri par certaines références cinématographiques, David Luraschi développe une œuvre à la frontière du documentaire et de la fiction. Il compose des images où le quotidien devient récit, où la mise en scène se mêle à la réalité. On connaît aussi son travail de photographie de mode , notamment aux côtés de Jacquemus, où son regard singulier et poétique trouve une autre forme d’expression.


Cet épisode, né d’un léger chaos et d’une belle complicité, reflète parfaitement son univers : drôle, ludique et profondément humain.


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🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    production noyau studio alors pour tout vous dire au moment de commencer cet enregistrement j'avais perdu tout mon matériel vraiment tout on s'est retrouvé david mon invité mais moi un peu paniqué à passer plus d'une heure peut-être une heure et demie à chercher une solution et puis finalement apprendre à se connaître il s'est montré d'une patience incroyable d'une grande bienveillance et surtout d'un humour désarmant face à la situation On a fini par mettre la main sur un micro, sinon vous n'auriez pas ce podcast sorti aujourd'hui, dans des conditions quand même un peu improvisées, mais pleines de sincérité. Et quelque part, ça dit beaucoup du personnage de David Luraski, un photographe, artiste franco-américain aux multiples facettes, qui aborde son travail avec autant d'humour que de légèreté, et avec un vrai sens du jeu. Il est connu pour ses projets personnels, pour ses campagnes de mode notamment, et avec Jacquemus, mais aussi pour son regard profondément nourri de références cinématographiques. Bref, c'était un moment à la fois un peu chaotique, mais très joyeux. J'ai adoré cette rencontre. Et puis on arrive doucement vers la fin de saison de Vision, alors je suis très heureux de vous proposer cet épisode-là. Je vous souhaite une très bonne écoute. Salut, c'est Aliocha, vous écoutez Vision. Le podcast qui donne vie aux images. Vous le savez, ce podcast est soutenu depuis pas mal de temps par MPB, la plus grande plateforme pour acheter, vendre ou échanger votre matériel photo et vidéo d'occasion en toute confiance. Et en ce moment, vous pouvez profiter de 5% supplémentaire sur la vente. de votre matériel photo et vidéo, donc vraiment 5% qui s'ajoutent au montant estimé à la vente. Le code OCTOBRE-6-5 est accessible à toutes et à tous, que ce soit une première fois ou non, et il est bien entendu en description de ce podcast sur notre site aussi, avec un lien direct vers le site de MPB. C'est à partir d'aujourd'hui ce code et jusqu'au 30 novembre 2025, donc faites vite. Merci à MPB.

  • Speaker #1

    Alors, l'image en quelle j'ai pensé, c'est pas une image que j'ai produite, mais c'est une image de moi. Une image que mon père ou ma mère a prise. Je porte une tenue entièrement camouflage. J'ai un sabre de samouraï, je pense, en plastique. Et je suis à côté d'un restaurant. peut-être asiatique, où il y a pas mal de poulet ou de canard laqué. Et je trouve la photo assez drôle, parce que mes cheveux roux sont assortis un peu aux canards laqués qui se trouvent derrière moi. Et je n'ai pas l'impression de l'avoir compris lors de la photo, mais j'imagine mes parents en train de rigoler de la situation. Le sabre aussi est sorti de son étui. Donc j'imagine mes parents me dire « Sors le sabre, montre-nous ta vaillance » . Donc cette photo pour moi, elle cristallise beaucoup de choses. Une certaine comédie de situation et une complicité entre le sujet et la personne qui tient la caméra. Donc la comédie est assez centrale dans mon travail, je crois. Je m'appelle David Louraski, c'est un nom italien, donc le CHI se prononce Ski. Je suis né à Paris au début des années 80 et j'ai grandi à Paris avec des parents américains, des expatriés. Ils sont venus en Europe et ont progressivement travaillé dans le cinéma. Mon père surtout à Rome et puis ensuite en France et ma mère en France. On a passé quelques années à Los Angeles quand j'étais tout petit et puis on est vite revenu en Europe. Ma pratique photographique est très proche avec cette culture du cinéma qui a été toujours très présente. Le père de mon père aussi était un producteur qui a beaucoup travaillé dans l'industrie en Amérique et en Europe. Et on a toujours baigné dans ces systèmes narratifs, on a toujours baigné dans l'histoire du cinéma. Et mes premiers souvenirs, peut-être, ne sont pas forcément des souvenirs que j'ai vécu, mais plutôt des films que j'ai regardés, comme des films de Charlie Chaplin. Il y a une résonance étrange, curieuse, mais que j'aime beaucoup, presque romantique, entre mon vécu et les informations que j'ai absorbées à travers un écran de cinéma. Souvent, elles se confondent. Et dans l'absurdité et le surréalisme de l'existence sur cette planète, je peux me rassurer à travers les histoires que j'ai absorbées. Et parfois, ça m'aide. Alors, j'ai grandi à Paris. Après le bac, je pars un peu à New York, parce que j'ai la chance d'avoir la double nationalité et de la famille aux Etats-Unis. Donc, c'est très facile pour moi de... de sauter d'un territoire à l'autre. Très rapidement, j'ai une grande affinité avec l'Ouest et la Californie, et en particulier San Francisco, avec qui j'ai une affection particulière, et surtout aussi parce qu'il y a une grande ouverture avec la nature et le monde en général. San Francisco, c'est un endroit spécial pour moi, parce que c'est un endroit où je peux m'évader un peu, sortir un peu de... de ce monde haussmannien parisien et d'être un peu plus libre, d'être un peu américain, de me réinventer peut-être et aussi continuer un peu ma pratique de skateboard qui a alimenté beaucoup de ma fuite ou de mes loisirs et de mon adolescence. Et San Francisco, ça a été pendant longtemps la mecque du skateboard. À San Francisco, j'étudie le cinéma. Je fais un bachelor au début de drama parce que j'avais un peu des ambitions d'acteur. Mais très rapidement, je change en cinéma studies. Donc, je continue à étudier l'histoire du cinéma, mais dans un contexte académique et pas familial. En parallèle de ça, je travaille dans un vidéo store. Donc, j'absorbe constamment des films. Je continue à vivre à San Francisco jusqu'en 2011. Je vis là-bas neuf ans. Et puis, une fois que le monde de la tech a fait exploser un peu le territoire et le non-landscape, beaucoup de gens sont partis. Et moi, j'ai décidé de revenir en Europe. Et à ce moment-là, j'avais déjà développé ma photographie un peu en mode loisir. Surtout, elle s'est développée... Beaucoup, et en parallèle de ma pratique de skateboard, parce qu'à Paris, déjà quand on était adolescent, on s'enregistrait et on faisait des compilations de nos meilleurs moments avec de la musique. Donc il y avait déjà un aspect, une relation à l'image, l'esthétique et l'editing qui ont développé une certaine sensibilité et qui pouvaient se rapprocher aussi de ma culture de cinéma. En parallèle de mes études de cinéma à San Francisco, Pour faire des storyboards, je prends un appareil photo, comme il y en avait souvent chez moi quand j'étais petit, parce que mon père aussi pratiquait la photographie. Et je prends des photos de mes amis, un peu comme mes parents prenaient des photos de moi et ma sœur quand j'étais petit. Et beaucoup de gens m'ont encouragé, et j'ai trouvé un peu quelque chose qui me complétait. Et par la suite, lors de mon retour, En Europe, je décide de faire un master à Lausanne parce que j'avais accumulé pas mal d'archives aux Etats-Unis mais je ne savais pas exactement quoi faire avec. Et je me suis dit qu'un prisme européen et surtout suisse pourrait peut-être m'aider à articuler ma collection d'archives et mon instinct américain et je pouvais un peu le traduire dans ce prisme européen et essayer d'articuler une finalité. en fait, disons, éditoriales. Et en parallèle, je me suis dit, je vais devenir prof et comme ça, je pourrais continuer ma pratique artistique et faire de la transmission. J'avais déjà été prof pas mal à San Francisco pour des workshops de vidéos, vu que j'en avais fait depuis que j'étais ado. Et aussi, quand je suis arrivé à Lausanne, j'ai été prof d'anglais pour des enfants de 6 à 12 ans. Et c'était assez chouette. Je m'étais dit juste que c'était un bon moyen de continuer ma pratique et d'être un peu dans une profession qui me plaît dans la transmission, en fait. J'ai beaucoup bossé dans les restos à San Francisco, c'était bien. Mais je trouvais que l'éducation, c'était un truc qui me plaisait beaucoup. Je m'appuie beaucoup sur une espèce de mythologie familiale où on jouait à prendre des photos. Donc on se mettait en scène, un peu comme les films qu'on regardait, où peut-être ma sœur me faisait une coiffure et que mon père me disait de me mettre à côté de la fenêtre parce que la lumière était mieux, et on se prenait en photo. Donc on a beaucoup d'albums de photos de famille. où on a des jeux de mise en scène assez comiques. Ils ont beaucoup déguisé ma sœur dans des personnages différents. Ma sœur qui fait le concierge parisien, ou d'autres déguisements ou situations. Et donc ces images-là sont toujours présentes avec moi parce qu'elles ont une certaine sincérité dans la comédie. Et c'est drôle parce que c'est un peu quelque part ce que je fais, ou ce que je produis, ou ce que j'essaye de produire avec mes collaborateurs aujourd'hui. dans un contexte de mode ou commercial. J'essaye de prendre du plaisir comme je le faisais quand j'étais petit. J'ai une grande fierté, ou en tout cas, la figure du grand-père est assez importante chez moi. C'est quelqu'un avec qui j'avais une grande transmission, beaucoup de comédie. Il était italien, il a grandi à Londres et a émigré en 1929 à New York, l'année où les films commencent à parler. Et très vite commence à travailler à Hollywood et avec l'apparemment pour lequel il a une carrière de 60 ans. Et sa vie a été un mélange d'aventures et de collaborations avec des artistes. C'est ce monde un peu fantastique et plein de diplomatie parce que lui il était du côté exécutif. Il devait créer un pont en fait entre les artistes et une compagnie comme l'Apparemente. Et son parcours est intéressant parce que, et puis c'était sur plusieurs décennies, mais après la seconde guerre mondiale, quand les pays européens étaient affaiblis économiquement, ils avaient accepté de... de projeter tous ces films américains qui aussi étaient de la propagande un peu déguisés. Ils avaient dit aux Etats-Unis, d'accord, on vous montrera vos films, mais aidez-nous à financer les nôtres. Et au lieu de juste donner de l'argent, ils ont mis en place des personnes comme mon grand-père pour curater en fait cet argent et ses productions. Donc il y a beaucoup d'histoires de mon grand-père. et comment il a un peu développé ses relations amicales et artistiques avec de grands réalisateurs ou de grands acteurs. Quand il est décédé, on a ouvert son carnet d'adresses, il y avait Orson Welles, Charlie Chaplin, Berlucci. Et quelque part, ça m'inspire, je trouve ça fantastique. Au-delà... Ouais, en fait, je crois que le mot fantastique, c'est quelque chose que j'aime beaucoup. Le fait qu'on peut sauter d'un univers à un autre. Et la photographie et le cinéma, ce sont des véhicules du fantastique. J'ai passé les 15 dernières années de sa vie avec lui. Il habitait sur le même palier avec nous à Paris. Et on jouait aux échecs. Il est décédé il y a peut-être 25 ans, il est décédé en 2001. Le 1er avril, parce que c'était un grand blagueur. Et son souvenir, le fait que je l'invoque aujourd'hui, pour moi, quelque part, il n'est jamais parti. Et donc, c'est un peu une bonne étoile ou quelqu'un qui veille, je crois. Et il me rassure pas mal dans ma pratique. Mais oui, j'ai beaucoup passé du temps avec lui. Et on retrouve des documents, on retrouve du 16 mm qu'il a tourné, ou beaucoup de photos. Il était complètement... Le photographe est des fois un peu trop compulsif. Il y a des photos de ma grand-mère, sa femme, devant le Empire State Building et au lieu d'en avoir une, il y en a une vingtaine. Le gars était un peu fou. Il était peut-être déjà un stagrameur, mais dans les années 30 et 40. J'ai deux inspirations, enfin j'en ai plusieurs, mais il y en a deux qui me viennent à l'esprit tout de suite. C'est le travail de Ralph Gibson, avec qui mon père a passé beaucoup de temps, parce qu'ils étaient tous les deux étudiants à SFAI, San Francisco Art Institute, et ils avaient tous les deux assisté à Dorothy Lang. Mon père était tireur pour elle et ensuite Ralph Gibson. Ils étaient colocataires à San Francisco dans les années 60. Et donc Ralph est quand même une figure assez importante pour moi dans son écriture artistique et ses diptyques surréelles, proches peut-être du cinéma italien de cette époque-là. Et comme son travail était tout le temps dans la maison, en poster ou en photo, il a toujours été présent dans mon subconscient. Une grande grâce et une grande agilité et un pont vers le surréel, en fait, tout simplement. Des images qui te donnent de l'espace pour t'évaporer, pour t'enfuir. Et c'est pareil pour un peintre qui était ami de mes parents, qui s'appelle, italien, qui s'appelle Domenico Gnoli, qui est décédé beaucoup trop jeune, qui a fait pas mal de paysages satoriaux. C'est des détails de cravate ou de coiffure. et on dirait des paysages. Et si on les regarde assez longtemps, ils bougent ou on peut les entendre. Et c'est une invitation fantastique pour un enfant de les regarder. Il y a notamment une peinture d'une cravate qui est assez connue et qu'on avait tout le temps à la maison. Elle est encore chez ma mère. Et quand j'étais petit, j'ai cru que c'était une femme qui poussait un shopping cart dans une... un supermarché américain et qu'il y a que dans les années 50 un peu je pensais que c'était une robe et il y a que quelques années plus tard que je me suis rendu compte que c'était une cravate donc ces deux artistes là sont assez centrales parce qu'ils étaient dans la maison avec nous après il y a aussi la musique qui elle était invisible ou de Chet Baker ou de Eric Satie Mon père aimait bien des fois ouvrir les fenêtres et jouer de la musique à fond. Donc ça, c'était important aussi, je pense, quelque part. Ma pratique, je pense, a plusieurs dimensions, ou en tout cas a plusieurs facettes. Je pense qu'elle est profondément biographique. Pour moi, la vie est un peu aussi un écran de cinéma où on se découvre à travers l'histoire qui s'écrit et parfois on ne choisit pas. Et aussi par les systèmes narratifs que j'ai absorbés à travers l'histoire du cinéma. Donc pour moi, mon écriture et mes démarches, disons dans les séries photo, sont souvent influencés par les films que j'ai vus. Donc peut-être une série peut être une histoire inspirée d'un été meurtrier où Isabelle Adjani change d'identité pour assassiner ses anciens amants. Ou alors ça peut être un film de Vin Vendors où un personnage traverse un désert. Ou la fin de 400 coups quand Antoine Douanel regarde la caméra d'une manière assez confrontationnelle. Donc mes influences, je n'ai pas étudié nécessairement la photographie comme j'ai absorbé l'histoire du cinéma. Donc c'est presque instinctuel chez moi de créer un peu... ces histoires. Cette idée du jeu est peut-être centrale aussi dans mon travail parce qu'elle appelle l'harmonie du groupe, c'est-à-dire un désir d'être dans une communauté, danser autour du feu. C'est peut-être un peu trop romantique, mais le jeu permet une complicité entre les acteurs différents acteurs d'une production. Et donc, c'est pour ça que je m'appuie sur l'enfance parce que c'est un endroit naturel. Et si on arrive à le développer avec un styliste, une styliste, un modèle ou un directeur artistique, on peut être dans un flux créatif. Donc, c'est un peu une recette pour moi de trouver des solutions, d'expérimenter, d'explorer, de découvrir. Et je pense que tout le monde a ça, en lui ou en elle. Si on ne l'a pas, peut-être qu'on peut les inspirer et les inviter à jouer avec nous. Donc c'est juste un remède pour la vie aussi sur cette planète, parce qu'on a tous besoin de s'échapper et d'utiliser le théâtre pour exorciser, exaucer nos peurs ou notre enthousiasme, ou célébrer en fait. Le jeu c'est un rituel. d'aspects il ya un aspect spirituel aussi donc c'est un endroit qui me rend heureux tout simplement alors il ya un projet que j'ai fait avec la styliste et artiste au maïma salem En 2021, elle est en Égypte, on est un peu post-Covid, mais encore dedans. Et je vois qu'elle est au Caire et je lui écris et je lui demande « Pourquoi je ne suis pas là-bas avec toi ? » Et elle me dit tout simplement « Viens » . 48 heures plus tard, je suis au Caire avec elle. Et on en profite, je finis par rester un mois en Égypte parce que j'en tombe amoureux complètement. Et c'est une cure fantastique pour... Le huis clos qui était le confinement pour moi. Et on a plusieurs opportunités de faire des séries. On en fait d'ailleurs deux. Un pour le magazine More or Less, où on a fait un espèce de reverse Malik Sidibe, où on a un décor où on voit le landscape derrière et les rideaux sont sur les périphériques de l'image. Et on fait aussi un objet qui est très chouette, qui s'appelle Desert Lover, A Quest for Peace. et c'est... un petit livret qu'on a fait pour Unemployed Magazine, où c'est principalement Omaima qui tient l'appareil photo. Et je deviens le protagoniste. Et en fait, on revient un peu à cette complicité, où je suis sujet, mais on est tous les deux dans un acte photographique. Et c'est un peu comme un film de Wim Wenders. On a un peu fantasmé l'idée d'un bourgeois du Caire. de Zamalek et son parcours jusqu'au désert de Siwa et sa transformation. Et donc, c'était vraiment chouette de s'exercer à ne pas tenir l'appareil, mais continuer à photographier. C'est un bon exemple parce que chaque projet, j'aime l'idée que chaque projet ait une identité complètement différente. Desert Lover, où je suis le protagoniste, Stop Following Me, qui est une collection pédestre prise au téléphone et Ensemble, qui sont des photos de noir et blanc, de nu. Et peut-être un peu comme un cinéaste, j'aime bien l'idée de traiter différents thèmes et différentes idées avec chaque livre. Pour le contexte de Desert Lover, ce qu'on avait c'était un point de départ et un point de chute. C'est-à-dire qu'on partait du Caire et qu'on allait voyager jusqu'au désert de Siwa. Sur le chemin, on allait croiser la Méditerranée et Alexandrie et d'autres endroits. Donc on avait le début et une fin. Et à travers, je me déguise ou je me transforme. Donc c'est un peu le genre cinéma du road movie. Pour Vanessa Paradis et la collaboration avec Imrou, j'avais beaucoup parlé des peintures de Domenico Gnoli et donc cette forme un peu de l'abstrait et du surréel. La collaboration avec les directeurs artistiques et avec les clients, avec les stylistes, avec les modèles, ça passe au début par le dialogue. En anglais, on dit « psychological read » , c'est tu essaies de trouver un terrain d'entente où tu as des affinités en commun. Et une fois que tu trouves ces affinités, tu les développes pour faire émerger peut-être des idées et un enthousiasme. Omaima, par exemple, elle a beaucoup travaillé dans le cinéma, donc on peut facilement dialoguer et développer un sens de l'humour ensemble, parce qu'on a beaucoup d'affinités en commun. Jacquemus, Simon Porte, il a une très grande sensibilité pour la poésie et le cinéma aussi, donc c'était très facile de dialoguer avec Simon, juste en s'échangeant des images. Imru adore créer des costumes et moi c'est pareil, on a fait un projet avec une styliste qui s'appelle Erika Kuriara à Bali où on a créé un costume de samouraï fait de tongs recyclés et de sacs d'ail en plastique. Le costume fait apparaître des personnages et c'est entre sculpture et silhouette, donc c'est un dialogue je trouve fascinant. Avec Simon, il me semble qu'on a fait cinq campagnes, mais il y a d'autres choses aussi. Il y a plusieurs séries dans le livre « Marseille, je t'aime » . Il y a un éditorial qu'on a fait dans le métro à Réun, que j'aime beaucoup, pour le magazine « Styliste » . Avec Simon, la rencontre s'est faite très naturellement et très rapidement. On fait une première campagne qui s'appelle « La reconstruction » avec l'artiste Willy Dorner, qui sculpte. et qui fait des sculptures humaines. Donc cinq collaborations. Après la reconstruction, on fait les centons. Génial, les centons. Pour celui-là, je lui suggère de travailler à la chambre parce qu'il y avait un aspect Marcel Pagnol et je me souvenais, dans La gloire de mon père, qu'il y a une scène de photographe qui shoot à la chambre. Aussi, les silhouettes de Rose, la modèle. Elles sont assez statiques et sculpturales. Elles reprennent un peu les centons de Provence, en fait. Donc on s'est dit qu'elles étaient assez statiques, donc ça permettait à la prise de vue grand format, qui est un peu plus difficile quand il y a du mouvement. Chacune de ces séries, quand j'y pense maintenant, sont très différentes, et du coup, c'est pour ça que ça me plaît beaucoup aussi. La troisième, c'est celle qui revient le plus, dont on me parle encore. En 2017, on va en Camargue, pas loin d'où vient Simon, et où a été tourné un film qui s'appelle « Crin blanc » de Lamorice dans les années 50, il me semble. Il y a des scènes avec un enfant et un cheval blanc dans l'eau. Et Simon voulait faire des photos de nus en noir et blanc. Et on fait un casting et on trouve deux danseurs sublimes. Et on va en Camargue et on fait des photos sur deux jours. Un lever du jour et un coucher du soleil à Sainte-Marie et puis dans les Salins. Et ce projet, quelques années plus tard, va être aussi mis en bouquin avec mes amis de Loose Joints, Sarah et Lewis. On va en faire un livre qui s'appelle Ensemble. Avec Simon comme avec Sarah et Lewis, la complicité amicale est complètement mélangée avec ses travaux professionnels. Elles cohabitent souvent, complicité, amitié et projet professionnel. Après, ensemble, qu'est-ce qu'on fait ? On va à Lanzarote. C'est chouette, on dirait un film de James Bond. On va à Lanzarote avec Assa. On va sur des plages volcaniques, des plages avec du sable noir. Et on fait plusieurs photos. Des bijoux aussi, des sacs. Le sac a été très important, je pense, je crois, dans l'histoire de la marque. Ça, c'était la Bomba. Et après Lanzarote, on va au Maroc et on photographie Frédéricé sur un scooter, pas loin de Marrakech. Donc avec Simon, ça a toujours été l'aventure et quelque chose de nouveau, où plusieurs choses cohabitent, la poésie et le fantastique. Avec Simon, ça a toujours été une communication assez directe.

  • Speaker #0

    La reconstruction, il voulait collaborer avec Willy Dorner qui faisait ses sculptures. Les santons, les vêtements nous ont dit ce qu'on devait faire. Et puis il avait une idée quand même de représenter la mannequin comme une figurine folklorique. Les nus, c'était la Maurice. Mais à chaque fois, c'était un lien direct avec Simon. Il n'y avait personne d'autre. Sur les shootings, on écoutait... c'était que quelques-uns. Il y avait souvent Marion, sa collègue, Simon, qui souvent faisait le stylisme lui-même à Lanzarote. Il n'y avait que Simon, Marion et quelques assistants. C'était des équipes très réduites. Donc c'est très rare d'avoir ça, d'avoir ce lien direct. Et oui, c'est de loin mes meilleures expériences professionnelles. Peut-être... grâce à cette complicité fantastique, tout simplement. C'est complètement génial. Le projet, la campagne L'amour d'un gitan, qu'on a fait en 2017, devient plus tard, en 2021, je crois, un livre. Et il y a quelques années, je reçois un texte d'une amie, je crois que c'est Camille, qui m'envoie une photo de la campagne, mais vendue sur les quais de Seine à Paris. Souvent à Paris, on croit ces boutiques qui vendent des images de la Tour Eiffel. Et là, tout d'un coup, je vois l'image qu'on a produite, celle du parapluie, avec le logo Jacquemus en dessous, et on découvre, je partage avec Simon, on s'amuse un peu avec cette idée. mais quelqu'un a donc produit des images et vend des posters illégalement de la campagne et des photos. Et on trouve ça assez drôle et quelque part c'est fantastique, l'image n'est pas à nous mais maintenant elle fait partie d'une espèce de culture populaire et elle existe encore, je pense qu'on peut la retrouver, celle-ci et celle de la reconstruction parmi d'autres. entre quelques tours Eiffel sur la scène. Oui, on ne sait pas pourquoi, des fois, il y a des images comme ça qui transpercent. Et même les gens qui les ont créées n'ont aucun contrôle dessus. La musique, ça fait ça, des films ou des images. Mais pour moi, c'est le meilleur musée du monde d'être comme ça dans la rue en plus. C'est super. Mon parcours dans la photographie de mode est assez curieuse, mais aussi peut-être évidente. Quand tu grandis à Paris, tu vois toujours des silhouettes. Il y a des gens qui sont stylés des fois et tu les regardes plus longtemps que les autres. Quelque part, on a tous cette sensibilité ou en tout cas, on peut l'avoir. Dans le skate aussi, c'était très important d'avoir du style. Tu pouvais faire une figure, mais si tu le faisais bien... C'était encore meilleur. Ma pratique photographique a toujours été un peu instinctuelle et biographique. Je voulais juste capturer des moments. Et en fait, ma photographie dans la mode, c'est un peu un mélange des deux. C'est mélanger le style avec le moment ou l'histoire. Et je commence à travailler dans l'industrie de la mode par accident. Ce n'était pas mon intention. Je voulais surtout être fine artist ou storyteller. Mais rapidement... En revenant à Paris, je commence à avoir des clients commerciaux qui me permettent de vivre en tant qu'artiste et j'en suis extrêmement reconnaissant. Je ne pensais pas que c'était possible, en tout cas pour moi. J'allais être professeur et puis gagner ma vie comme ça. Donc pour moi, c'est extraordinaire de vivre en tant qu'artiste et la mode est un véhicule fantastique pour le storytelling. Quand je commence dans la mode, je ne connais pas grand-chose, je ne connais pas trop les acteurs. Bon, je le connais un peu d'une manière superficielle, et même récemment, il y a beaucoup de choses que j'apprends. C'est un peu par le biais de Simon que je découvre un peu beaucoup de ces choses, et via Instagram, parce que tout d'un coup la mode se démocratise d'une manière assez dramatique avec l'Internet. Et ma vision de la mode, je ne sais pas, c'est comme un microcosme. C'est comme un monde, donc il y a plusieurs fleuves, il y a plusieurs courants. Mais ce qui est intéressant, c'est qu'elle est profondément vernaculaire. C'est comme un timbre du présent. Et on ne s'en rend pas compte tout de suite, mais le vêtement, le choix des mises en scène peuvent être un témoin. Un peu comme l'histoire du cinéma. La propagande dans les films noirs américains, la place de l'homme ou de la femme dans ses narratifs. Donc je trouve ça... Très intéressant parce que c'est presque immédiat. C'est-à-dire, en fait, la mode est tellement rapide, elle évolue tellement qu'on n'a pas le temps de trop contextualiser les choses. Il faut qu'elles arrivent maintenant et on va faire ça. Et c'est peut-être plus tard qu'on se rend compte à quel point elles sont un témoin d'un moment. Je ne sais pas si, par exemple, tu sais, les costumes... féminin des années 80-90 où les femmes avaient plus d'épaulettes. C'était un peu une position dans la société à ce moment-là. Qu'est-ce que je pourrais donner d'autre comme exemple ? En fait, je ne suis pas un grand académicien de l'histoire de la mode. Et c'est peut-être bien aussi parce que comme ça, je peux apporter ma pratique à travers... mes collaborateurs qui ont en plus cette culture. Stop Following Me, le livre que j'ai sorti... Il y a un an maintenant, et un peu à l'épicentre de beaucoup de choses dans ma carrière de photographe. C'était un peu mon point d'entrée, parce qu'il y a eu un moment un peu viral avec sur Instagram. Et c'est drôle parce que c'était un moment où je sortais du master en Suisse et que je voulais photographier comme je photographie en Californie, mais je ne pouvais pas photographier l'architecture. Agel avait déjà fait il y a 100 ans, et complètement. Et très rapidement, avec le développement de la téléphonie et surtout des caméras téléphoniques, on pouvait être un espion comme dans la guerre froide. Et donc, je commence à collectionner instinctivement les personnages qui m'entourent avec un téléphone. Assez rapidement, et je l'avais fait déjà en argentique avant, j'avais sorti une série qui s'appelle Going. C'était un peu vers 2005-2006, j'avais déjà une typologie de personnage à San Francisco. Et donc j'ai continué un peu cette écriture de dos parce que c'était une affinité. La toute première photo, j'avais photographié un vieux monsieur qui marchait avec une canne. Et il y avait quelque chose de très touchant dans sa vulnérabilité, proche de peut-être... cet endroit familier qui est la silhouette de Charlie Chaplin. Et aussi, il me rappelait mon grand-père. Ça permettait de mon grand-père de réapparaître. Je romantise peut-être tout ça, mais c'est des choses qui me touchent. Et donc, à Paris, je commence à collectionner ces personnages dans la rue. Et très rapidement, les gens m'encouragent, mes amis m'encouragent. Et d'une façon assez dogmatique ou systématique, je décide de les photographier toujours du même point de vue, un peu comme une typologie, comme les Béchères. Ils ont fait les usines et les maisons. Et donc c'est devenu un peu une systématique qui a grandi, et qui, entre 2013 et 2015, j'en produis plusieurs milliers. Et le livre qu'on a sorti l'année dernière, donc, est une collection de 400 de ces images. Le livre sort l'année dernière en 2024 et les photos ont été produites entre 2013 et 2015. J'avais toujours envie de faire un livre et j'ai pris du temps à développer vraiment l'objet, l'idée. Et j'aimais beaucoup que le livre sorte dix ans après la production de ces images. Et quelque part aussi, j'aime beaucoup que ces images de... Les téléphones ont survécu cette décennie. Elles sont toujours très, en anglais on dit « relevant » , pertinentes peut-être. Si j'avais pu et si j'avais une plus grande patience, j'aurais attendu 25 ans, qui est le time frame d'une génération. On parle souvent de vernaculaire, de l'image. Il y a un super livre que j'adore, de Anthony Hernandez, qui s'appelle « Rodeo Drive » , où justement tu as ces figures féminines dont je parle pendant le réganisme, qui ont ces épaulettes masculines. dans les looks des gens, dans les voitures qui conduisent, dans les téléphones qui sont encore branchés sur les murs, tu as un peu un témoin du temps. Et donc, j'aime beaucoup l'idée que peut-être ces images prendront plus de valeur aussi dans le temps par leur archivage. J'avais tellement collectionné des gens et les partager sur internet que des fois, des gens reconnaissaient leurs parents ou leurs copines. Et il y a une photo d'Emily, une jeune femme malvoyante, donc elle a une canne, mais elle porte une robe rouge américaine à part elle, avec un Jack Russell. Donc c'était impossible pour moi de ne pas la photographier, c'était très spécial ce moment. Très rapidement après l'avoir publié, une amie me dit ah je la connais, on a étudié ensemble, tu veux que je te la présente ? Et donc j'ai pu aussi rencontrer quelques unes des personnes que j'ai photographiées. J'ai photographié par accident Philippe Catherine parce qu'il regardait un plan de métro et puis il avait une sacoche et aussi un pantalon un peu en pâte def et je trouvais que le mec était trop cool. Et plus tard, on me dit, bah oui, c'est lui, Philippe Catherine. Il y avait aussi une silhouette qui m'avait interpellé, d'un monsieur qui marchait lentement avec un bon berce bleu. Et après l'avoir partagé sur les réseaux, quelqu'un me dit que c'est Claude Montana, le designer. Donc il y a plein de surprises un peu comme ça, qui se passent en périphérie de juste l'instinct d'enregistrer une image. En fait, cette série-là était un grand terrain de jeu pour moi parce que je ne devais pas me soucier de composer graphiquement. Il fallait juste que je suive mon cahier des charges graphique. Et tout ce que j'avais à faire, c'était de cadrer des personnages. Et souvent, très souvent, si je les suivais assez longtemps, quelque chose se passait. Avec Émilie, la malvoyante. Tout d'un coup, il y a des pigeons qui se sont volés pour traverser l'image. Donc, si on est assez patient, les choses aussi arrivent. L'image se crée. Si on voit qu'il y a du potentiel, quelque chose va se passer. La patience aussi peut être récompensée. Après quelques années, je décide d'arrêter de faire ces images parce que j'avais peur qu'on me catalogue comme... Il y avait un Américain, il m'a dit une fois « Hey, you're Backman ! » qui sonne un peu comme Pac-Man, je trouve ça assez drôle. Et donc, il fallait que je m'écarte un peu de ça parce que je ne voulais pas que les gens pensent que je suis limité à ça en tant qu'artiste. Mais aussi, peut-être qu'après deux ans de faire la même chose, on a envie de passer à quelque chose d'autre. Le livre est peut-être une des meilleures finalités de... Pour le médium photographique, parce qu'il voyage, c'est un objet d'archive, un grand-père peut le montrer à son petit-enfant, ça permet une intimité, une grande intimité entre le lecteur et le photographe ou l'artiste. Le livre reste quand même une des choses les plus pertinentes pour la photo. Les livres aussi sont juste fabuleux pour la transmission. Je parlais d'un grand-père avec son petit enfant, mais si je vais chez mes amis Sarah et Lewis, tout d'un coup, ils vont jouer de la bibliothèque comme ils vont jouer un piano. Ils vont me sortir plein de notes différentes et je vais découvrir beaucoup de choses. C'est aussi une fantastique chasse au trésor. Quand on va dans une bibliothèque, on trouve des livres. qui ont été faits des décennies avant, beaucoup de gens pensent que... Tout est archivé sur internet et c'est pas le cas. C'est pas le cas. On peut découvrir beaucoup de choses dans les bibliothèques et chez les amis. Et c'est génial d'avoir des amis qui viennent à la maison et on peut leur partager une exposition impromptue. Je ne me pose pas trop de questions, ça dépend vraiment du projet. Mais ce qui est chouette avec le noir et blanc, et c'est quelque chose que Ralph Gibson m'a souvent dit, c'était que c'est une distance avec la réalité. Et de framer, de mettre en image dans un format portrait, c'est une deuxième distance. Donc le noir et blanc peut te permettre cette distance. Des fois, tu n'as pas la même fantaisie en couleurs. Mais je n'y pense pas trop. Mais récemment, j'ai envie de faire plus de noir et blanc. Je pense que ça fluctue. Mais pareil, entre utiliser un appareil argentique moyen format ou un téléphone, je pense que le sujet te dicte certains appareils plus que d'autres. Et c'est ça le plus important, c'est raconter quelque chose. Il ne faut pas tomber trop dans le piège de l'image précieuse. Je pense que ça, c'est très dangereux. En 2023, je crois, il y a quelques années, avec mon ami Nara, qui... une set designeuse ici à Paris d'origine coréenne. On a un peu un coup de foudre artistique et amical, où on connecte d'une manière assez naturelle, un peu comme avec beaucoup de mes collaborateurs en fait. Et Nara, je vois une étagère qu'elle a construite pour un shoot et je lui dis qu'elle est géniale et qu'elle devrait éditer son travail. De là part un dialogue où on décide de créer un design studio et une famille de meubles. C'est un groupe de six meubles modulables, un peu comme des jouets montés souris. C'était un peu ça l'inspiration. C'est parti d'un arc-en-ciel et on en a décliné des objets. Ce qui était génial avec ça, et c'est peut-être aussi une des meilleures expériences artistiques que j'ai eues de ma vie, c'était peut-être le film dont j'ai toujours rêvé de faire. Un film qui parle à un grand public. C'est peut-être important ça de le dire. Pour moi, je mets en haut de l'échelle... Un objet d'art qui veut parler à un enfant comme à un vieillard. Pour moi, le grand public et pouvoir parler, de créer quelque chose, un large spectre démographique, sont les plus grands. Et c'est ce qui s'est passé avec les meubles. On a exposé les meubles à la faillite anticipation. On a eu beaucoup de gens qui sont venus et ils étaient très enthousiastes. Et c'était une relation horizontale avec le public. Ils ont enlevé leurs chaussures. Et ils ont sauté sur les meubles, ils ont joué avec leurs enfants ou leurs parents. C'est une expérience fantastique. On a aussi développé toute une identité avec notre collaboratrice Clémentine Berry, qui est une directrice artistique. C'est très chouette d'utiliser un autre vecteur que l'image figée, mais aussi de créer des objets tridimensionnels qui, en plus, peuvent s'articuler. Et beaucoup des sculptures ont été créées par le public. Donc cette aventure avec Nara, elle continue, mais c'est aussi très difficile et challenging de faire une entreprise et de vendre des objets. Mais j'adore notre histoire parce qu'elle a été instinctuelle et on a vraiment manifesté ce souhait. Ça arrive très souvent dans la vie d'artiste, qu'on rêve et qu'on aboutit. pas le projet, surtout sans client. Et je pense que sans Narin et sans Clémentine, ce rêve n'aurait pas abouti. Et donc c'est une récompense incroyable, surtout pour des artistes qui travaillent dans la sphère commerciale, de s'épanouir totalement et d'être un artiste à 100%, c'est-à-dire, en anglais on dit follow through, c'est-à-dire arriver jusqu'au bout de nos souhaits. Pour l'avenir, pour revenir à Ralph, il me dit « You're only as good as your last picture » . Et donc je vis pour le prochain. J'aimerais beaucoup aussi réaliser un film. J'aimerais développer un peu plus mon écriture, qui est une relation avec l'invisible. Un bon break du monde visuel dans lequel on vit. Et rencontrer les gens que je n'ai pas encore rencontrés. Souvent des plus jeunes qui vont m'apprendre plus que les plus vieux. Pendant longtemps, je cherchais un mentor dans ma vie et je me suis aperçu que c'était des gens plus jeunes que moi qui m'instruisent le plus. L'avenir, je le vois... C'est difficile. Je ne le vois pas, en fait, l'avenir. Mais j'ai beaucoup d'espoir, surtout grâce aux archives que j'ai créées avec mes complices et mes amis artistes. Ils sont là pour me rappeler qu'il est possible de rêver et d'aboutir ces projets.

  • Speaker #1

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