undefined cover
undefined cover
VISION #66 — EMMA LE DOYEN |  « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve » cover
VISION #66 — EMMA LE DOYEN |  « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve » cover
Vision(s)

VISION #66 — EMMA LE DOYEN | « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve »

VISION #66 — EMMA LE DOYEN | « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve »

57min |17/07/2024
Play
undefined cover
undefined cover
VISION #66 — EMMA LE DOYEN |  « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve » cover
VISION #66 — EMMA LE DOYEN |  « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve » cover
Vision(s)

VISION #66 — EMMA LE DOYEN | « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve »

VISION #66 — EMMA LE DOYEN | « J'ai un rapport très primaire à l'idée de la sauvegarde : si je capture, je sauve »

57min |17/07/2024
Play

Description

J’ai toujours trouvé les photographies d’Emma Le Doyen intrigantes, accessibles et esthétiques à la fois. C’est ainsi que la photographe définit aussi ses images : elle recherche la beauté dans le quotidien, les choses à la fois simples et “pudiques”. Dans ce podcast, je la trouve spontanée, surprenante, touchante et drôle.


On découvre sa grande passion pour les définitions, son histoire de vie — de son enfance immergée dans un milieu artistique (et non intellectuel, selon elle) à un parcours scolaire chaotique — qui finalement la dirige vers ce qu’elle aime par-dessus tout : créer, que cela soit au départ en dessinant qu’en photographiant. D’ailleurs, l’artiste évoque l’une de ses premières expériences en photographie de nuit avec ses amies ainsi que son amour pour la photographie argentique, qu’elle découvre d’abord en noir et blanc puis en couleur.


Emma nous entraîne également dans ses projets personnels, ses obsessions et ses réflexions sur la mémoire, le temps et l'authenticité de ses souvenirs capturés en images. Durant toutes ces années, elle continue de développer et nourrir un travail personnel qui se concentre principalement sur des projets au long cours où le temps est en effet essentiel. On pense au livre HécatombeTV, où elle photographie pendant près de 10 ans toutes les télévisions cathodiques abandonnées dans la rue. Il y a aussi son projet de cœur, Marcelle, sur sa grand-mère, qu’elle documente pendant près de 11 ans.


Tous les projets photographiques personnels en cours d’Emma sont souvent empreints d’une forme de mélancolie douce, comme si les reliques pouvaient devenir remèdes. Dis moi au revoir, son premier projet auto-édité paraîtra courant octobre 2024. C’est le récit poétique et métaphorique de la vie d’un sentiment amoureux. Et c’est aussi dans cette dynamique qu’elle reprend un travail plastique et ajoute le dessin à sa pratique quotidienne.


Au début, je parlais de photographies “esthétiques” pour décrire le travail de l’artiste. Dans le podcast, elle nous rappelle l’une de ses définitions : L'esthétique (ou théorie des arts libéraux, gnoséologie inférieure, art de la beauté du penser, art de l'analogon de la raison) est la science de la connaissance sensible.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production Noyaux Studios Vous écoutez Vidyon, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d'occasion. On vous a mis un lien dans la description de ce podcast, peu importe la plateforme que vous utilisez, et sur notre site vision.photo. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    C'est une photo qui représente des fleurs qui sont fanées et jetées dans une poubelle. Le sac poubelle est en plastique violet et la lumière passe au travers. Il est au flou beaucoup, donc on ne l'identifie pas tout de suite. Je pense au premier regard comme un sac plastique, comme un sac poubelle. Il y a un bourgeon au milieu de l'image qui semble pas vraiment fané par rapport au reste de la branche et qui ressort comme ça, qui attire l'attention. La photo pour moi, elle dégage quelque chose d'assez poétique et très délicat. Et elle est bien représentative de ce que j'aime dans la photo, c'est comment on peut mettre son regard sur des choses du quotidien, très banales, et par un instant, un peu comme ça, une lumière qui passe, leur donner quelque chose de plus magique et poétique, et que les images racontent une nouvelle histoire. Et cette lumière-là, ces couleurs-là, je les aime beaucoup parce qu'elles ont un... Quelque chose d'un peu magique pour moi, elle correspond à la fin de la journée, au début des journées. Et c'est vraiment ces instants très courts à capter. Même si là c'est artificiel dû au plastique, pour moi c'est des tonalités qui font vraiment référence à un petit moment de magie. Donc voilà, c'est une photo que j'aime beaucoup et qui fait partie d'une série, d'un livre que je vais bientôt sortir. Je m'appelle Emma, je suis photographe, je vis à Paris. J'ai grandi à Paris. Je pense que mon rapport aux arts plastiques, en général, il a commencé très jeune. J'ai commencé à dessiner très jeune, vraiment toute petite. C'était une de mes activités préférées. Et j'ai évolué dans un univers très créatif et artistique. Dans l'enfance, à Paris, ma mère était costumière, puis créatrice de robes de mariée et de scènes. Et mon père est comédien. Donc mon enfance, elle est très remplie d'images. Il y a un rapport à l'image qui est fort. Il y a beaucoup de tissus, de couleurs, de décors, de lumières. Je passe beaucoup de temps dans l'atelier de ma mère, qu'elle a toujours, qui est dans le 18e. ou en répétition avec mon père. Les images sont présentes et mes parents ont des goûts assez particuliers. Ils sont un peu barrés quand je suis jeune. Chez moi, il y a beaucoup de bondieuserie, il y a des tableaux. Ma mère adore vraiment l'histoire du costume. Il y a beaucoup de livres de l'histoire du costume, de photos de plateaux d'Hollywood, etc. Et mon père il joue, il adore jouer, il a genre joué dans des pièces de cap et d'épée, il fait de l'escrime et il monte à cheval. Donc voilà, c'est un peu des chevaliers quoi. Et voilà, donc il y a beaucoup d'images et c'est très créatif. Donc je me sens assez vite dans un univers où c'est naturel de dessiner, de faire de la peinture. et mes grands-parents qui me gardent beaucoup. J'en ai qui sont en Picardie, eux qui ne sont pas du tout familiers à cet univers-là, mais j'ai ma meilleure amie qui devient ma famille aussi un peu d'adoption, et dans sa famille, elle, tout le monde dessine. Son père dessine, sa mère est illustratrice, donc très vite on a ça. C'est le dessin qui est mon point de départ avant la photo, c'est d'abord ça. Et après, la photo arrive un peu plus tard au collège. C'est assez drôle l'histoire comment arrive la photo parce qu'avec une de mes meilleures amies Morgane, on décide de commencer à faire des photos. On fait un jeu et en fait on va... Dans le métro, il y en a une qui bande ses yeux et qui tourne l'autre devant le plan du métro, et elle s'arrête sur un point de la maps de métro, et là on prend le dernier métro. Et après, le but, c'est qu'on doit revenir chez nous. Je commence la photo par la photo de nuit, à la fin du collège. Et on doit revenir jusqu'à chez nous, et ça nous fait découvrir. Parce que moi, j'ai grandi dans le 18e, et en bon parisien, on met hyper longtemps à sortir de son quartier. Franchement, le périmètre est très très petit pendant pas mal d'années, et quand on commence à avoir un peu le droit d'avoir une carte de métro, de sortir... On ne dit pas où on va à ses parents et en fait on va à l'autre bout de Paris en pleine nuit, bref. Donc je commence à faire des photos comme ça, en argentique et que du noir et blanc, genre que en 3200 ou 1600 ISO. Et là l'approche elle est vraiment de faire des photos, je pense que j'ai grandi avec les photos de quartier Bresson. Vraiment le côté de douaneau, tu vois. Je ne sais pas, pour moi, c'est ça la photo. Au début, c'est le noir et blanc. C'est les cartes postales qu'il y a en bas de chez moi. Moi, j'habite à Montmartre. Je suis à l'école devant le funiculaire et il n'y a que des cartes postales. Et c'est ce Paris-là. Donc, quand on commence à faire des photos avec Morgane, on essaye de faire ce genre de photos. Des amoureux sur le pont Alexandre III, un peu flou, en noir et blanc. Et on fait ça. Et c'est très drôle, on s'amuse bien. Mais on ne fait vraiment pas beaucoup de photos, on n'a pas d'argent. Pour nous, une péloche, ça doit durer presque deux jours. Mais c'est comme ça que ça commence. Et à la fin du collège, je suis très mauvaise à l'école. Je suis considérée vraiment comme une cancre. J'ai des gros problèmes de concentration, je ne fais que dormir. C'est pas du tout pour moi l'école. Ils ne veulent pas que j'aille en général. Les profs décident qu'il faut que j'aille dans un truc technologique et j'ai ma prof de dessin qui me rattrape et me chope dans les couloirs et me dit tu ne vas pas du tout les laisser faire. Merci Madame Parent parce que je pense qu'elle m'a sauvé la vie. Tu ne te laisses pas faire, tu vas aller à Renoir et tu vas demander un brevet de technicien parce que tu n'as pas le niveau pour aller en art appliqué. Donc tu vas aller faire ce concours et c'est ça que tu vas faire. Et je l'écoute. Et du coup, après le collège, je fais un brevet de technicien au lycée Auguste Renoir, qui est place de Clichy, donc je reste dans mon quartier. Et c'est un diplôme qui n'existe plus, mais c'est l'ancêtre du graphisme. Donc on apprend vraiment à faire de la maquette à la mine bleue. C'est assez désuet déjà, mais il y a 18 heures d'art plastique par semaine. Donc je fais du nu, des dessins de composition, j'ai 6 heures d'histoire de l'art et j'ai 6 heures de photo, avec histoire de la photo et du labo, et de la prise de vue et du studio. Et là c'est l'éclosion totale de ma vie, ça devient vraiment les meilleures années. Je pense que ça restera pour toujours certaines des meilleures années de mon existence. Et c'est là, je ne sais pas, je me libère, je me découvre. Ah oui, mais en fait, je ne suis pas du tout nulle à l'école. C'est juste que je me faisais chier. Et ça devient vraiment des années qui sont formidables. Et je découvre là, la photo. La vraie photo, parce que pour moi, c'était un truc un peu noir et blanc, les cartes postales. Même mes parents, ils n'avaient que des livres hyper... Très l'histoire du théâtre, très Hollywood. Donc en fait, c'était très en noir et blanc. J'avais un peu une image où la couleur, c'était les catalogues. La couleur, c'était la vente. Il y avait quelque chose de l'ordre. Même ma mère, elle faisait des robes. Donc mon père faisait les photos des robes de ma mère. Les robes de Marielle, mon père faisait de la photo aussi. Et il faisait de la couleur pour vendre des trucs. Et pour moi, les livres, l'art, c'était en noir et blanc. Et en cours de photo à Renoir, je découvre la photo de couleur, la photo documentaire de couleur. Et là, je pense que c'est mon énorme coup de foudre. Je situe à ce moment-là un truc... Waouh, waouh, ça c'est un truc de dingue. Et je me souviens que mon premier crush de lycéenne, c'est Martine Parr. Tout d'un coup, Martin Parr, il est super pop. Il fait des images qui sont très colorées, très saturées. Il y a de l'humour, il y a un peu de cynisme, il y a un côté un peu provoque dans son approche de la photo. Et si tu replaces dans le contexte où je suis ado, et en plus à l'époque, c'est vraiment la mode, c'est le début des fluo kids, on s'habille en années 80. Il y a tout un univers visuel sur le côté un peu comme ça, flash et pop et presque un peu mauvais goût, qui est complètement dans le moment. Donc là pour moi c'est genre Waouh ok ça c'est vraiment ça tue C'est comme ça que je commence à faire de la photo de couleur Mon lien avec la couleur, c'est très instinctif et simple, mais moi je vois en couleur, donc j'ai envie de me souvenir en couleur. Quand je fais des photos, j'aime retrouver ce qui sur le moment m'a accrochée. Et voilà, il y a ce rapport hyper primaire, je vois en couleur, j'ai envie que ce soit en couleur. Le noir et blanc, pour moi, il met une distance totale. J'ai l'impression que le noir et blanc, il fiche quelque chose, il met un mur. Ça transforme la sensation de l'instant. D'ailleurs, quand je fais des chromis, puisque je fais beaucoup mes chromis avec mes scans, ma question, c'est toujours... c'était quoi déjà ? C'était quoi la couleur que j'ai aimée ? C'était quoi la lumière qui m'a plu ? Parce que quand on fait des scans, on a un panel, on pourrait faire n'importe quoi, mais moi j'aime bien aller dans mon souvenir. Et voilà, c'est pour ça que la couleur, ça a marché chez moi. Je pense que ça met du temps de savoir ce que tu aimes faire en photo. C'est un processus assez long en fait. Si je reprends le fil, après avoir eu ce crush sur Martin Parr, j'ai découvert d'autres photographes documentaires. Ça a un peu effet évolué mon approche, notamment Ernst Haast ou Joël Meyerowitz ou William Eggleston, où j'avais l'impression qu'ils avaient un rapport plus doux, un peu moins cynique, un peu moins comme ça provoque, et qu'il y avait une espèce de douceur et de poésie du quotidien, où là je me suis vraiment retrouvée. Je pense que c'est dans cette direction après que j'ai commencé à me tourner. Ça m'a donné un peu une voie, une porte à suivre où on pouvait faire des photos dans notre quotidien et être plus doux et raconter des choses, je ne sais pas, simples et pudiques. C'est à partir de là où j'ai commencé à faire de la photo couleur vraiment régulièrement de mon quotidien, de mes déplacements. etc. Plus j'étais grande, plus j'avais de l'argent pour faire des photos. Au début, tu mets une pellicule, elle dure deux semaines, trois semaines, puis au fur et à mesure, tu t'autorises à en faire de plus en plus. Et je dirais que mon rapport à la photo, il est assez quotidien, simple, assez personnel. Mais après, c'est avec le temps, aujourd'hui, que j'arrive à me dire, ouais, il y a des thématiques qui ressortent, il y a des thèmes... J'ai un rapport en fait assez primaire à l'idée de la sauvegarde, si je capture je sauve, du coup c'est un peu un endroit où je peux comme ça garder des moments, garder des endroits, garder des souvenirs et en fait le souvenir... est présent dans toutes les photos et les séries personnelles que je fais. Mais ça, il a fallu du temps pour que je m'en rende compte. Sur le coup, on fait des photos et on a envie de faire des trucs. On est jeune, on se dit tiens, je vais faire un fanzine, je vais faire un machin. Après, j'ai commencé à travailler. J'avais besoin de gagner de l'argent. Donc la commande est venue. Je me suis dit mais je peux gagner ma vie en faisant des photos. Waouh, c'est un truc de ouf, c'est ça que je vais faire. Et là, on expérimente, on va à plein d'endroits. On fait un peu... Des portraits de la mode un peu selon les rencontres. Et c'est il y a quelques années, j'ai eu un espèce de moment... Moi j'en ai eu trop marre de faire de la commande et j'ai ressenti un espèce de manque abyssal de me concentrer sur des trucs qui me touchent et qui sont personnels et je me suis vraiment posée. Du coup ces quatre dernières années j'ai bloqué du temps, j'ai pris un lieu pour travailler là-dessus et j'ai travaillé un petit peu moins pour avoir de l'espace pour faire quelque chose et je me suis rendue compte là que ça faisait des années que je faisais des photos, que j'avais des thèmes, que j'avais des... des projets dans des boîtes comme ça et qu'en fait, oui, tous, ils avaient ce point commun d'être liés aux souvenirs, de parler du temps. J'adore travailler en argentique. Je travaille... essentiellement en argentique. Je pense qu'il y a plusieurs facteurs. Déjà, j'ai commencé à l'époque où il n'y avait pas de numérique. On entendait parler du numérique, mais c'était un truc hyper professionnel. C'est comme ça que j'ai commencé la photo. Je pense qu'il y a une espèce d'affection, de point de départ. Ensuite, en toute honnêteté, je pense que je trouve ça plus beau. Et que ça, c'est un peu un truc simple. Il n'y a pas à dire, c'est beau. Et aussi, j'aime bien les pellicules. J'aime bien le rapport au nombre précis que la pellicule impose. Et j'aime bien avoir 10 vues ou avoir 36 vues. Je trouve que ça met beaucoup plus d'intention, ou d'attention à la photo qu'on prend. Et que du coup, tu lui donnes plus de valeur, elle est plus précieuse. Quand on part à un endroit, parce que moi j'adore faire des photos, dès que je bouge j'ai toujours un appareil photo, et de réfléchir à combien de pêloches je prends. combien de vues j'ai, pour combien de temps, j'ai l'impression qu'elles ont plus d'importance. Et que quand je fais du numérique, il y a ce truc, tu cliques là, et tu fais trop de photos, et du coup, elles manquent de sens. Mais voilà, moi en tout cas, ça me canalise. Alors par contre, moi je fais pas de laboratoire. Je sais que certains diront que c'est pas bien. Mais j'ai essayé et en toute honnêteté, j'ai trop la flemme. J'arrive pas à dégager du temps. En fait, j'ai commencé à faire ça parce qu'à un moment... Il y a quelques années, il n'y avait pas ce délire de faire du labo à fond, faire du tirage tout seul. Mais je ne sais pas, il y a eu un petit moment, vent, poupe, on se remet tous à faire du tirage et du labo. Et donc je me suis dit, je vais essayer moi aussi, parce que je n'avais pas fait de labo depuis Renoir. Et en fait, j'ai vu que ça allait être un temps, mais un temps avant que je maîtrise et que je sois à l'aise et que je fasse des trucs que j'aime. Ça allait être beaucoup de temps et d'argent. Et moi, ces dix dernières années, j'ai aussi fait des films, j'ai fait des clips, et je fais toujours beaucoup de dessins et je fais de la peinture. Et en fait, je me suis dit, qu'est-ce que je veux, où je veux mettre mon temps ? Et j'ai décidé que j'allais continuer à travailler avec des labos professionnels et des tireurs professionnels. Et comme ça, j'allais avoir du temps pour peindre et pour dessiner. Donc c'est vraiment une décision de pratique. Voilà, mais j'aime beaucoup faire mes chromis. Chez moi, j'adore faire mes chromis avec mon jogging, mon café, ma série d'enquête de Arte en fond. Et je crois que c'est ça, j'aime bien le confort. L'envie de mélanger des médiums et de vouloir ajouter des trucs, je pense que ça fait partie de ces quatre dernières années où j'ai pris un atelier du temps. Ça me permet aussi de me permettre plus de liberté dans les expérimentations. Et j'ai envie d'y aller de plus en plus parce que je trouve que ça croise aussi des endroits où je suis à l'aise. J'ai fait des études de graphisme, je fais du dessin, je fais de la photo. Si on peut faire des ponts et des rebonds, je trouve que c'est intéressant. Et après, moi, j'ai un rapport, je ne l'expliquerai pas trop, est-ce que c'est mes études, est-ce que c'est juste mes goûts ? Mais quand je fais des photos, je les accumule. Puis au bout d'un moment, quand ça devient pour moi un projet et que je peux les rassembler, je les imagine toujours éditées. Pour qu'une série existe, dans ma tête c'est un livre. Il y a toujours cette idée que c'est un projet d'édition projeté qui devient que la série tient ensemble. Encore plus que l'exposition, le livre enferme quelque chose de... Je me souviens que quand j'ai commencé à faire de la photo jeune, mon truc c'était je vais faire des livres. Et avant même de formuler, je vais travailler ou je vais faire des commandes ou je vais faire des trucs comme ça, c'était vraiment genre le livre. Donc je pense toujours avec l'idée d'édition et ça m'aide, ça structure un peu. Alors aller de plus en plus tenter des choses en graphisme et s'autoriser des choses, ça fait un peu sens du coup. Mais pour l'instant je suis à un niveau expérimental de cette chose puisque le seul... Le seul début de projet où j'ai commencé à le faire, c'est la série Décor Réel, qui est complètement un projet en cours. Moi, c'est en cours de développement, de prise de vue. On verra quand est-ce que je décide que c'est fini, sûrement dans dix ans. Effectivement, je suis attachée à l'esthétique. Et je ne le vois pas comme un truc péjoratif ou un gros mot, si on le prend au sens simple, d'aimer, d'être un peu dans une quête entre le contenu et le contenant, la forme et le fond. J'aime que ça me plaise. Et si je le mets en opposition peut-être à des gens qui vont avoir une approche où le fond doit primer sur la forme et que c'est ça qui importe, moi j'avoue que... Si je suis sincère, non. Je suis sensible au rendu visuel et je m'exprime très visuel. Mais peut-être aussi parce que je me suis beaucoup exprimée avec les images dans la vie et ça a été beaucoup mon langage, donc j'y ai peut-être mis ça. La définition de l'esthétique, c'est vraiment la science du sensible. C'est l'étude de la sensibilité et des sens. Donc en fait, ça fait sens, du coup. Mais si c'est cette approche-là qu'on a, oui, je l'aime. Après, je sais que de toute façon, le goût est subjectif, donc tout ça est vraiment une histoire de sensation. Mais j'aime bien que les choses me plaisent. Et je pense que chez moi, aussi par mon éducation, mes parents se sont beaucoup communiqués comme ça, avec les images. Ma mère, elle est autodidacte, donc elle a grandi en Picardie. Elle est venue à Paris, elle a commencé à coudre, donc elle vient pas des mots. C'est vraiment quelque chose de très instinctif, etc. Et je pense que j'ai grandi avec ça, où chez moi, il n'y a pas un background. Ça fait bizarre de dire ça, mais il n'y a pas un background intellectuel, de savoir. Mes deux parents viennent de classes moyennes ou populaires et ils ont décidé d'être des artistes, un peu comme ça, super jeunes. Je suis la plus diplômée de ma famille, par exemple. Ils n'en parlent jamais, ils s'en foutent. Mais du coup, le sensible et le visuel, ça a été vraiment, je pense, le langage. En ayant grandi à Paris, j'ai été confrontée à, bien évidemment... plein de sociologie de gens et notamment aussi par mes études, un rapport plus intellectuel de l'art. Et ce n'est pas ça chez moi. Mes parents, c'est des artistes à le temps bon instinctifs. Ce n'est pas la même chose. Et d'ailleurs, quand je suis arrivée à Dupérez, parce qu'après j'ai fait un DSA, ma fin de diplôme, c'est un DSA supérieur d'art appliqué, je devais écrire un mémoire et ça a été hyper dur. Ça a été les deux années, mais j'avais envie de... mourir, c'était terrible parce que j'étais incapable d'écrire en mémoire et puis en plus moi j'avais fait un BT donc j'avais pas fait de philo et du coup on avait genre 5 heures de philo j'en avais jamais fait de ma vie en bac plus 2, tu commences avec des gens tous les gens ils avaient fait L j'étais à la masse totale et j'ai vraiment bien ramé pour attraper la barque parce que chez moi il n'y a pas ce truc que les mots, les textes, c'est plus comme ça à l'instant. Décor réel, c'est une série de photos de paysages qui sont essentiellement des paysages de montagne et un peu de campagne et de mer qui ont le point commun d'avoir... En fait, quand je les ai prises, j'ai trouvé que c'était incroyable et que ça ne ressemblait pas à la réalité. Et en fait, le point de départ de cette série, ça a été de réunir ensemble toutes ces images qui renferment cette émotion au moment de la prise de vue qui est de me dire que ce n'est pas vrai tellement c'est beau. Et ça m'a fait réfléchir et questionner. J'étais en montagne avec un ami qui me dit Arrête de dire que ce n'est pas vrai, c'est ça la vraie vie. Et moi, cette phrase est restée. Je me suis dit Pourquoi je n'y crois pas ? Je trouve que c'est beau et que c'est dehors. Et je suis remontée à un souvenir d'enfance, bien évidemment. Et en fait, quand j'étais petite, j'ai grandi à Paris avec des parents pas du tout outdoor activities. C'est vraiment... Il n'y avait pas d'extérieur. En plus, ils travaillaient l'été. Mon père était toujours en train de faire des pièces de théâtre tout l'été. Ma mère avait toutes ses livraisons de robes de mariée. Ils étaient très occupés l'été. J'étais envoyée chez mes grands-parents. Chez mes grands-parents, on restait dans la maison avec un jardin avec des haies taillées. Mon rapport à la nature, c'est un jardin avec des haies qui sont taillées, avec des fleurs dans des bacs. avec des petits murets, et that's it. Et genre, c'est ça la nature. Et quand mes parents arrivaient à la fin de l'été, ils dormaient en fait, ils dormaient sur un transat et c'est tout. Et quand j'ai eu 30 ans, j'ai eu un espèce de reminder où en CM1, j'avais fait une classe de nature dans les Pyrénées. Et j'avais trouvé ça incroyable. Je m'étais dit, mais c'est un truc de fou. Genre, c'est un film. Et j'avais... toute cette espèce de souvenir nébuleux de cette classe de CM1, c'est de trouver que c'était hallucinant tellement c'était beau la montagne. Et j'avais l'impression qu'il y avait des fées qui allaient sortir de chaque rocher, qu'il y avait plein de rivières avec des gros rochers ronds. Et pour moi, tout était fantastique. Du coup, j'ai eu une espèce d'envie, genre il faut que je devienne cette personne. J'ai envie de connaître la montagne, j'ai envie de connaître la nature. En quelques années, je suis devenue une espèce de passionnée de randonnée. J'ai fait de la voile. Je me suis mis à vraiment être, il faut que j'aille découvrir tout ça. Et il y avait toujours cette émotion-là. Et donc, j'ai réuni toutes ces photos avec cette émotion. Et pour moi, ça questionne. Le nom est un jeu de mots aussi, puisque c'est un peu du vocabulaire du théâtre. Plutôt du scénario, est-ce qu'on shoot en studio ou en décor réel ? Et c'est pour ça qu'elle s'appelle Décor Réel. C'est pourquoi tout ce naturel était pour moi plutôt de l'ordre de la fiction. Quand j'ai commencé à réunir les photos qui ont créé ce travail en cours de décors réels, j'ai découvert la notion de sentiment océanique, qui est une notion de Romain Roland, qui est un écrivain et qui écrit avec Freud. Il était inspiré de Spinoza et il avait parlé de cette notion psychologique-spirituelle qui ferait que... En face de paysages, lui il parlait de l'océan à la base, mais ça peut aussi être un point de vue. Tu étais transportée par une émotion, une impression de ressentir une unité avec l'univers, voire une unité avec l'éternité. Et ça m'a trop parlé, parce que du coup, dans cette idée d'éternité, moi je faisais une association à quelque chose qui n'est pas vrai, qui est fictif. Et cette sensation d'un truc qui est au-dessus de ton quotidien. J'ai trouvé que c'était... ça m'a inspirée, ça m'a fait continuer en me disant Ouais, je veux continuer de réunir ces photos, il y a un truc à faire avec. Mais c'est un projet en cours. Encore une fois, j'ai encore plein de sentiers, de montagnes à traverser. Dis-moi au revoir c'est un projet de livre que j'ai commencé un peu par hasard. En fait, je voulais envoyer un autre projet à un concours. Et puis à la fin, je me rends compte qu'il faut deux projets pour pouvoir participer au concours et peut-être avoir de l'argent. Et il est genre 19h et la fin des inscriptions, c'est à minuit. Donc je me dis, il faut que je trouve un truc en deux secondes. Qu'est-ce que j'ai qui traîne ? Et je décide d'ouvrir un dictionnaire, parce que j'adore les dictionnaires. Et je regarde le mot déception, parce qu'à l'époque, j'étais... Je venais de vivre une rupture amoureuse et j'étais vraiment en déception permanente. Je vais voir le mot et je trouve que la définition est vraiment... trop drôle et je me mets à vouloir la mettre en image. Je crée une séquence de 10 images, j'envoie le truc dans la nuit, je perds ce concours et je laisse un peu reposer. Et un an plus tard, j'ai des nouvelles images et je me souviens de cette séquence et je veux les ajouter à la séquence. Donc je reprends ces images-là des mois et des mois après. J'en ajoute des nouvelles et là je me dis non mais en fait, j'ai envie de faire vraiment... Un film complet qui raconterait l'histoire d'un sentiment amoureux, de sa naissance à sa mort et à sa renaissance, et qui pourrait comme ça, par séquence, créer des différents moments qui traversent sa vie. Et je me suis mise à réunir des images qui sont séparées par actes et qui pour moi... correspondent à un moment et les images racontent ce moment vraiment juste par les tonalités et les émotions qu'elles enferment. Et voilà, ça fait ce projet Dis-moi au revoir Dans mon quotidien, toute seule, malgré moi, je pense que si on réfléchit, si on regarde... On regarde avec l'état dans lequel on est, déjà de base.

  • Speaker #0

    Donc c'est d'ailleurs, bref, je pense la même chose avec l'amour, je pense que tu rencontres les gens que tu es prêt à rencontrer et puis tu vois pas ceux que tu es pas prêt à voir. Donc je pense que quand on se balade avec un appareil photo c'est un peu la même chose, on voit des choses qui correspondent au moment ou à notre sensibilité de ce moment. de facto, elles contiennent une émotion. Après, c'est hyper subjectif et personnel, et ça ne va pas forcément être reçu par les autres de la même façon. Ça, tu n'as aucun contrôle. Mais je pense néanmoins qu'en tant qu'humain, on a un socle commun de lecture. On a une grille de lecture tous ensemble. Donc il y a des divergences, mais il y a quand même plein d'endroits où on peut se retrouver, notamment là sur 10 mois à voir. C'est vrai qu'au départ, c'est parti d'un... d'un moteur assez personnel de moi je suis déçue, je suis en déception amoureuse, je vais faire un truc là-dessus La définition, elle dit que c'est le sentiment Un happiness, donc de tristesse, parce que quelqu'un ou quelque chose n'a pas été assez bon comme tu l'avais espéré, ou n'est pas arrivé comme tu l'avais espéré. Après, il y a une phrase en anglais, parce que c'est une définition anglaise, He could see the disappointment in her eyes Et j'aimais bien parce que c'était lui qui peut regarder dans ses yeux au féminin. Et après, c'est Someone or something that is not good as you hoped or expect Et la dernière phrase c'est le film était décevant, ce que j'ai trouvé vraiment drôle. Au début de ce travail, mon approche tout début elle est un peu scénique. Et en fait au final... En reliant ces séquences, je les trouve super sensibles. Je me rappelle de choses, ça me remet dans des émotions. Je me rends compte que ce n'est pas si perso que ça. C'est un truc universel. Autour de moi, tous mes amis ont vécu ça. En plus, c'est un sujet de conversation sans fin. On adore parler de ça. Quand ça va bien, quand ça va mal, quand c'est le passé, c'est quelque chose qui nous réunit. Et du coup, tout d'un coup... Le début un peu égotripe, cynique, qui s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus ouvert et beaucoup plus poétique et qui s'adresse à tout le monde. Et c'est pour ça que je pense que j'ai voulu parler d'un sentiment amoureux, parce que je voulais que ça ne soit pas un personnage de la relation classique, qui se tend amoureuse, un garçon, une fille, une fille, etc. Mais deux personnes. Et je préférais que ce soit le sentiment qui est presque un peu extérieur. Et je pense que ça correspond bien à ma photo parce que je suis assez pudique. Dans mon rapport à la photo, c'est sûr que je parle... Je pense que dans mes photos, il y a beaucoup d'émotions. Comme je l'ai dit, il y a du souvenir, il y a de la mémoire, mais ce n'est jamais très démonstratif. Il y a peu d'humains. Les humains, ils sont souvent de dos, ils sont souvent un bout de main. J'ai un rapport à la photo, je ne sais pas, je ne l'explique pas trop, mais je suis assez pudique. Donc, j'essaye de parler de plein de trucs, mais avec un peu toujours une... Il y a toujours une petite distance, mais qui est pour moi une distance juste de... Je sais pas, ouais, de réserver une forme d'anonymat. Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant dans le fait d'être un peu anonyme, c'est que ça ouvre le champ aux autres, et ça ouvre le champ à toutes les lectures et au possible, et ça fait que cette image, elle peut te rappeler un souvenir à toi, et tu peux y mettre un truc à toi, tu vois, elle est un peu plus vague. Je pense que c'est ça qui est intéressant quand tu fais des photos pendant 10 ans, 11 ans, c'est que le point de départ de vouloir les prendre, il évolue au fur et à mesure. Au début, j'ai pris des photos de ma grand-mère parce que je l'aime et que j'avais envie de la prendre en photo. Et ma grand-mère, c'est vraiment une... Une taiseuse de Picardie qui parlait pas... Enfin, elle parlait de trucs genre les patates, les tâches à faire, mais elle parlait pas des vraies choses. Elle était très mutique quand il s'agissait d'elle. Donc je pense qu'au début, il y a une envie comme ça de la documenter, un peu pour peut-être aller chercher... poussé la relation intime et que ça allait faire qu'elle allait s'ouvrir. Je pense que le point de départ, c'est ça. Après, je me suis rendu compte que ça n'allait pas du tout me faire apprendre plus de choses sur elle. Mais c'est installé ce rapport-là. Et en plus, elle me laissait vachement faire. Elle aimait bien que je la prenne en photo. Donc ça a été aussi un échange un peu silencieux entre nous. Et ça s'est installé et au fur et à mesure du temps, je me suis rendu compte que j'étais en train de vraiment dresser son portrait et le portrait de ma grand-mère et de son territoire. Mais voilà, de chez elle, de sa campagne, de autour, des vues, et qu'il y avait comme un portrait au sens large. Et une fois qu'elle était partie, je me suis rendu compte que là, j'étais vraiment en train de parler de plein de choses en même temps, puisque ça racontait aussi être une femme. qui est âgée, qui vit seule. Mon grand-père, il est décédé quand j'avais 11 ans, donc elle a été très très très longtemps veuve. Et c'est aussi cet aspect-là, d'être, de vieillir seule, de vieillir seule dans ce type de décor, ça parle du temps, du temps qui passe. Et le livre que j'ai envie de faire, il n'est toujours pas fait, parce qu'il y a tellement de photos et je veux garder la répétition. Je veux garder... Il y a des choses que j'ai prises en photo. Plein de fois, la même chose. Et on voit la nature qui pousse, qui est coupée, qui repose, qui est coupée. Il y a des vues, par exemple, on allait tout le temps au cimetière, et le cimetière, il donne sur des champs, et ça en picardie dans une zone très rurale, et les champs, ils font de l'agriculture, ils tournent. Donc une année, c'est du colza, après c'est du blé, et même ça, j'ai des vues comme ça. Genre, j'aime vraiment ce truc-là, de la répétition, de l'accumulation. Mais je pense que je suis comme... Enfin, après, je suis comme ça dans la vraie vie. Je garde tout, je classe, j'ai du mal à me séparer des choses. Dans la série, j'ai fait une série dans la série, qui est un ensemble d'images de tous les bibelots que je préférais chez ma grand-mère, qui sont shootés sur fond blanc. D'ailleurs, c'est très loin de ce que je fais d'habitude, puisque ça ressemble vraiment à de la photo de nature morte, ce qui n'est pas du tout mon domaine. Mais ça, je l'ai fait dans une nécessité, vraiment. viscérales, parce que ma grand-mère venait de décéder. En fait, il y avait plein de bibelots chez elle, et ça a été un peu compliqué entre mes oncles et mes tantes, etc. Et il fallait vider très vite cette maison. Et donc, je suis allée aux obsèques. C'est pour ça que je ne vais pas être complètement folle, mais je suis allée aux obsèques avec un fond dans mon coffre, un fond et des pieds, et des trépieds, et mon appareil. Et le lendemain... des obsèques, moi je dormais dans la maison parce que j'ai toujours dormi dans cette maison et le moment des obsèques, j'ai pris en photo tous les objets que j'aimais tous les bibelots qui pour moi étaient qui racontaient des trucs d'elles et je les ai photographiés mais là vraiment dans une nécessité de ok, là dans 3 jours ça va être le gros bordel ça va partir dans tous les sens il faut que je le fasse maintenant qu'il n'y a personne et ce qui est fou c'est que psychologiquement moi ça marche Le fait que je les ai tous pris en photo, c'est ok. Je suis ok maintenant qu'ils soient partis, un peu partout. Que cette maison, elle ne soit plus là. C'est fou comment après, je ne sais pas, c'est thérapeutique, je pense que j'ai un vrai rapport comme ça aux choses. Mais même quand je regarde mes photos, ça me détend. J'ai l'impression d'être en connexion particulière tout le temps avec ma grand-mère. Ça m'a créé vraiment... C'est complètement... Enfin, c'est moi et moi, mais c'est comme ça que j'ai fait cette séquence. Et là, il y a une autre image comme cette séquence qui est une chaise en plastique qui était au fond du jardin. Et le jardin était vraiment le territoire de mon grand-père, donc il a été très très très abandonné après son décès. Il y avait cette chaise et j'avais quand même mes oncles qui passaient régulièrement pour couper le lierre, qui est super invasif. Et j'ai pris en photo cette chaise qui, de temps en temps, était délibérée, puis recouverte, puis redélibérée. Et en fait, mes oncles et tantes, ils ont su que je prenais en photo la chaise, donc ils l'ont laissée. Ils n'ont jamais bougé. Il y a le truc d'Emma, on va lui laisser sa chaise. Et donc elle a été là, comme ça, et j'adore cette séquence parce qu'on voit vraiment la nature. Il y a plein de saisons. Même le vert, il est chlorophylle au début de l'été. Il est foncé quand l'hiver arrive. Et je ne sais pas, ça, ça raconte beaucoup de choses pour moi. Je trouve qu'il y a un gros lien entre la photographie et la musique. Effectivement, dans les souvenirs, je trouve que tu arrives facilement à avoir des images quand tu fermes les yeux. J'arrive facilement à avoir des sons. Mais je trouve que les odeurs, c'est super dur de s'en souvenir. C'est vraiment le truc où on n'a pas de maîtrise. Et quand tout d'un coup, on passe dans un endroit... Moi, je sais que j'essaie avec les produits nettoyants. Quand je vais dans des toilettes qui utilisent le même produit nettoyant que ma grand-mère, ça me fait un truc de joie, d'émotion qui est beaucoup trop grand. Mais il faut qu'on sente les odeurs pour être reconnecté aux odeurs. Alors que je trouve que le son et l'image, notre cerveau, il arrive un peu à le créer tout seul. C'est assez intéressant. Et moi, je fais un lien plutôt entre du coup... Enfin, plus que la musique, je fais un lien entre la photo et le son. Parce qu'il y a des photos, j'ai des sons, mais des fois, c'est pas forcément de la musique. Ça peut juste être le bruit du vent ou les oiseaux ou ce genre de son. Par exemple, tout le projet de Marcel, j'entends la campagne. Et la campagne, ça a un son tellement particulier, la campagne française, avec ses coucous, ses clochers, il y a un truc, un tracteur au loin, je ne sais pas, je trouve que le bruit de la campagne, il est Madeleine de Proust de chez elle, de tout ce temps passé dans le jardin, mais du coup je le vois. Moi, tous mes grands-parents, c'est parce que j'en ai deux, et deux adoptés, et deux maternelles et paternelles, donc j'ai quatre grands-parents. Et moi, tous mes grands-parents, c'est vraiment... trop trop bien quoi mais je parle souvent de son en tout cas quand je pense à mes photos et il y a la notion forcément du rythme qui est assez un peu une notion commune de rythmer les séries, les séquences voilà pour créer un peu une série intéressante qui va changer de focus mais moi j'aime bien aussi parler de tonalité C'est un peu un mot que j'utilise beaucoup quand je parle de mes photos, et des photos en général, parce que j'aime trop ce mot, parce qu'il a trois sens qui pour moi sont... complètement adapté pour la photo. Il y a le sens premier qui est la musique. Et du coup, c'est vraiment cette idée de rythme, d'espace entre les notes, le sens musical, que l'on comprend bien. Et après, il y a le deuxième sens qui est la valeur moyenne des nuances, qui est plutôt en termes de couleurs, genre un tableau, les tonalités, donc ça parle de couleurs. Et le troisième sens, c'est l'impression générale particulière qui distingue un état affectif. C'est la tonalité d'un rêve. Et là, on est plus de l'ordre du sensible. Ce mot, il enferme pour moi le panel exact de qu'est-ce que c'est une série photo et qu'est-ce que c'est des images. Mon rapport au temps, il est du coup très différent. entre ce qui sont mes projets personnels et mon approche personnelle de la photo, où là je suis très très très lente. Mais je pense que ça va et à la fois par mes obsessions, comme je viens d'en parler, et aussi je pense qu'il y a une part de peur, de se lancer, j'aime bien faire des poses, j'aime bien reculer, franchement quand même, soyons honnêtes. Et mon rapport à la commande, c'est l'inverse, et ça c'est trop bien. Je pense que c'est... Dans la commande, il n'y a pas de temps, il n'y a jamais assez de temps. tu dois faire un portrait en 10 minutes ou en 20 minutes et tu dois faire une série de 16 images en une journée ou 35 looks quand c'est plus de la pub mais en fait ça me va parce que ça me relaxe c'est mon travail si genre je devais faire des projets que qui prennent 10 ans j'aurais envie de mourir donc j'aime bien avoir cet endroit là où je gagne ma vie en faisant des photos, et c'est ce que j'aime faire. Mais j'ai un cahier de décharge et ça va vite, ça sort vite. Je ne sais pas, il y a un côté aussi, je ne sais pas, ça relaxe. En tout cas, moi, ça me relaxe. Non, mais c'est ça, je pense que les cahiers de décharge, ça me rassure. On peut y rechercher le travail de commande. Il y a quand même, c'est un panel assez large. Il y a la presse, où là, je pense que... le pont entre mon travail personnel, en tout cas mon approche personnelle et ma sensibilité, et avec ce que je fais en presse, c'est là où c'est le plus évident. Et du coup, il y a des magazines avec lesquels je travaille depuis longtemps, comme Hobby. Là, on a trop de points communs. C'est-à-dire que l'équipe qui a fait ce magazine Hobby, c'est un magazine, pour recontextualiser, c'est un magazine qui parle des passions, des gens qui ont des passions. Et donc, il y a beaucoup de collectionneurs, il y a beaucoup de gens comme ça qui collectionnent, qui accumulent. Donc, ils ont un truc en commun avec moi. Donc, en fait, je vais prendre en commun... Sur tout notre travail, on a été rencontrer, prendre en commun des gens pour parler de choses qui les animent et qui peuvent être présentes. C'est assez jouissif comme travail de commande. Et en plus de ça, il y a une vraie… En DA, ils s'amusent, c'est très beau, les objets sont chouettes. Et là, le dernier hobby, c'est une fête, c'était une carte blanche où ils m'ont proposé… Il y avait une carte blanche, on avait tous le même commun qui était le rassemblement populaire. On parlait de rassemblement. festifs, populaires. Et moi, j'ai choisi la nuit des pêcheurs, qui est ma fête préférée à Toulon, où je vais presque tous les ans. C'est une fête avec plein de stands de nourriture de la mer, avec des pêcheurs, etc. Et on mange et on boit, et après, il y a tout le temps un groupe, c'est toujours les mêmes, qui s'appellent les coureurs de l'océan, qui reprennent tous les tubes, et ça devient un bal. Et il y a la moitié des tables qui sont repliées, et tout le monde danse, et tout le monde est hystérique. C'est vraiment bon. La folie ! Et cet endroit est très très drôle parce que les gens c'est clairement de zéro à 90 ans et c'est une énorme fiesta. Et quand ils m'ont dit la carte blanche, j'ai dit Waouh, je vais faire la nuit des pêcheurs parce que c'est vraiment mon endroit préféré Donc ouais, on a un rapport assez libre. Après, quand je fais du portrait, c'est autre chose. J'adore faire du portrait parce que je trouve que ça appelle aussi mon côté curieux. Je vais rencontrer des gens et je trouve que c'est vraiment un des aspects formidables de mon travail. Je me sens hyper chanceuse. C'est encore mieux quand je vais chez les gens parce que moi, je suis vraiment une grosse curieuse. J'aime bien voir leurs objets et tout. On a compris, je mets un peu d'affect sur les bibelots et les trucs comme ça. Donc quand je peux aller dans l'espace de quelqu'un, c'est... C'est le truc parfait. Et voilà, donc la presse, c'est quand même très connecté. Après, la commande-commande de mode ou de publicité, là, c'est un peu différent, parce que quand tu fais de l'éditorial en mode, je trouve que j'arrive à mettre beaucoup de moins. Là, je suis arrivée à un moment où ça y est, je suis passée par... Quand tu commences à faire de l'édito de mode, tu fais des tests, tu fais des trucs, tu expérimentes, tu vas dans tous les sens. Aussi trouver ta ligne de communication avec la styliste pour être à un endroit où on se comprend, ça prend un peu de temps. Mais là je pense que quand je fais des éditos, il y a toujours de moi dedans. Même si c'est très fin, même si c'est très subtil, il y a toujours des liens à faire. avec mes obsessions. Mais après, la pub, moi je trouve qu'on devient des photographes exécutants. Là, pour le coup, c'est un peu le rêve. Je pense que c'est le rêve de tout photographe de faire des pubs qui te demandent de faire ton art, mais j'en suis pas vraiment là. Et ça me va aussi, parce que je trouve qu'on a de la chance de faire ce métier et que quand je fais de la pub, ils font appel à moi pour... pour un savoir-faire. C'est pas la même chose que tu mets au service, tu mets ton sens du cadre, ton savoir-faire technique. Moi, je pense que j'ai aussi pas mal de trucs où on fait appel à ma direction des acteurs. Quand tu fais de la pub, j'ai fait pas mal de films, donc du coup, s'il faut faire des situations naturelles ou en tout cas qui semblent naturelles, on fait appel à toi pour d'autres choses autour et ça fait que t'as une certaine expertise pour faire des images qui racontent ce que le client a envie et ça me va, c'est cool. C'est une bonne manière de gagner sa vie, je trouve ça chouette. En ce moment, j'ai un peu lâché le film. Pendant dix ans, je faisais des photos et des films, plutôt des films de pub et quelques clips. J'ai un peu... Ça coïncide au moment où j'ai décidé de travailler sur mes projets photos, de faire plus de choses artistiques et manuelles. En fait, j'étais vraiment en manque de trucs manuels. Et en fait, la vie de réal de pub, c'est quand même de faire beaucoup, beaucoup des PDF et des keynotes et d'être en salle de montage. Franchement, c'est une journée de tournage pour un mois dans des bureaux. C'est ça, la vérité. Donc, ce n'était pas comme si tu faisais de la fiction et que tu pars deux mois. Là, c'est quand même... Oui, bon, tu travailles un an. Donc, au final, je pense que le ratio est le même. Mais bref. Et donc j'étais moins en saturation de faire des choses avec mes mains, c'est pour ça que j'ai pris un atelier et tous les deux projets de livres que j'ai, celui qui sort là et celui qui est toujours en... En cours, je les ai faits au mur. En fait, j'ai imprimé toutes les photos. Et je voulais vraiment avoir des chemins de fer et des endroits où je peux laisser coller et que je manipule avec mes mains. Et au moment où j'ai fait ça, j'ai arrêté complètement de faire des films. Soyons honnêtes, j'aimerais en refaire. Mais tout d'un coup, j'ai eu un peu un désintérêt sur le fait de faire des compètes. Le film de pub, c'est quand même un monde un peu particulier. Il faut faire tout le temps des compètes. On doit faire des dossiers. Après on est trois ou quatre à te présenter, tu gagnes, tu perds, etc. Je ne sais pas, je crois que j'étais arrivée à un moment où je n'avais plus trop envie de ça. J'avais envie de faire des trucs un peu plus antérieurs, un peu plus artistiques, un peu plus manuels. Mais le film me manque. Être sur un plateau, ça me manque terriblement. Parce que c'est vraiment un endroit que j'adore. Je sais que j'ai l'intention d'y revenir, je ne sais pas comment. Mais j'adore être sur un plateau et c'est vrai que j'adore la mise en scène. Je trouve ça trop trop bien. C'est un échange qui est cool et le jeu c'est assez naturel chez moi. J'ai un père comédien, donc oui, j'aime trop ça. J'ai voulu être comédienne pendant très longtemps. Je trouve que c'est un truc assez naturel. Je pense que les photographes, on est des grands drama queens, drama kings. Et qu'on est aussi avec des grands moments de confiance, de créativité, de mojo. Et des moments où on est rempli de doutes et on est complètement perdu et on pense qu'il faut qu'on change de métier. Le point commun que je vois avec tous mes potes photographes, c'est qu'il y en a pas mal où on fait des sacrées montagnes russes. Et je pense que... Forcément quand on est dans le down, dans le creux de ces moments de doute, la concurrence elle prend de la place. Ça serait bête de le nier. On a un peu peur, on se compare, je pense que c'est des trucs un peu de l'humain classique tu vois. Mais faut pas le faire. Après on sait que c'est bête et que ça sert à rien. C'est un monde assez concurrentiel. C'est pas... On est beaucoup de photographes. Là, on fait une parenthèse économiquement, c'est hyper compliqué. Je trouve que c'est très compliqué pour les photographes et que c'est un peu dur parce qu'à la base, on est quand même plutôt bien payés pour ce qu'on fait dans notre vie. Pas quand il s'agit de la presse, ça c'est une autre histoire, mais quand on fait de la pub ou de la mode, on est bien payés par rapport à la moyenne de la France. Donc on est un peu dans une position où à la base, comme on est très bien payés, on part avec un truc de... il ne faut pas se plaindre. Notre entourage, il y a quelque chose de... Quand même, vu ce qu'on gagne, il ne faut pas se plaindre. Sauf qu'il y a deux points en ce moment que moi je ressens, c'est que ça a méga baissé les budgets. Et les assistants, les staffs et tout, moi je sais, en shooting, ils ont tous calé leur salaire sur l'inflation. Donc moi, les gens avec qui je travaille, ils ont augmenté un petit prorata pour faire sens avec l'inflation. Et c'est normal. Je pense qu'ils auraient même pu le faire plus. Et les photographes, ils ont en moyenne perdu 25%. ce que je trouve ouf en fait. Donc du coup, ça a pied sur ce truc de concurrence. Et en plus, il y a ce truc-là, et souvent il y a ce truc que j'essaye d'expliquer à mes amis, c'est que quand tu es photographe, tu dois beaucoup alimenter toi-même le fait d'être photographe. Donc c'est toi qui entretiens ton travail. Donc quand tu es bien payé pour faire une pub, la moitié de cet argent, tu vas le mettre dans ton livre, tu vas le mettre dans tes peloches, tu vas le mettre dans tes trucs perso. En fait... Si j'arrête de le faire, je ne suis plus photographe. Après, il y a toute l'économie des éditos qui est encore un autre sujet. En vrai, c'est bizarre, cette économie. C'est un peu comme ça. C'est un équilibre constant à trouver entre tes moments créatifs, où tu es bien et du coup, il faut en profiter, il faut produire à fond, faire des pubs pour avoir de l'argent, pour injecter dans tes projets, mais pas en faire trop pour que tu aies du temps de faire tes projets. Et quand tu fais tes projets, si après tu fais trop longtemps que tes projets, t'as plus d'argent, donc du coup après t'es inquiet, du coup après tu penses que t'es nul et qu'il faut que tu changes de métier. Et tu passes ton temps à faire un peu ça. J'ai le sentiment que les femmes photographes ont moins un esprit concurrentiel que les garçons photographes. C'est vraiment un ressenti personnel, mais je vois autour de moi... Là, dans ma génération, on a tous passé 30 ans, donc je trouve que tout ça se calme beaucoup. Tu sens que plus tu grandis, plus tu es mature et tu es à l'aise dans ta pratique. Du coup, de plus en plus, la concurrence est quelque chose avec laquelle tu te détaches. Mais en tout cas, plus jeune, entre mes 20 et 30 ans, je trouvais que les filles photographes, on était beaucoup moins stress. Et ça, je pense que là, c'est un truc sociétal. On pourrait parler vraiment de patriarcat, de la notion de qu'est-ce qu'un mec, la société lui demande, elle lui demande d'être le meilleur. Donc du coup, tous les photographes garçons, ils veulent être incroyables. Ils veulent être vraiment des stars. Ils veulent avoir des couves. Et ils sont stressés s'ils le sont pas, ça sera un échec de ne pas être une star. Alors que les filles, comme de toute façon c'est que les gars qui sont des stars, on est juste en mode mais si nous on nous laisse tranquilles et qu'on gagne notre vie et qu'on vit tranquille en faisant ce métier-là, on a gagné. On n'a même pas cette pression parce que le haut du podium n'est même pas attribué aux femmes. Donc ça nous relaxe. Nous le but c'est juste d'être une artiste et de vivre de ça. Donc j'ai toujours eu moi ce ressenti dans mon entourage. Du coup, la concurrence était moins problématique pour les filles. Le futur, c'est que j'aimerais déjà sortir de ces projets qui dorment et qui ont maturé pendant toutes ces années. Depuis quelques années, comme j'ai repris une pratique assidue du dessin et de la peinture, j'ai envie que ça vienne aussi dans ma pratique, que ça prenne de plus en plus de place. Et j'aimerais pouvoir mélanger les médiums. Ça, je trouve que... C'est un truc où c'est pas encore facile en France. Quand on parle avec des gens de l'art, c'est un truc qui revient toujours, c'est très catégorisé, même par rapport à ton médium défini, où t'appartiens, à quel type, même à quel prix, etc. J'aimerais bien, je pense que je suis pas la première qui va le tenter, je sais pas si je vais y arriver, mais pouvoir continuer comme ça, de mélanger de plus en plus, et faire des livres, faire des expos, ça serait bien que je m'y mette. et continuer à faire mon travail de photographe. Et le film, je ne sais pas comment je vais y revenir. Je pense qu'il faudrait que ça passe par l'écriture, mais ce sera dans un second temps. Je vais voir. À titre personnel, je suis assez optimiste. Je trouve que je suis dans un bon moment de ma vie et je sens que c'est un peu un nouveau... Là, je me suis fait 3-4 années, un peu gestation, tac, tac. travaille des choses et tout, et que là, j'arrive un peu à un nouveau chapitre où je me suis prête à les montrer. Peut-être que j'ai un petit peu moins de pudeur. Il y a un petit truc qui s'est enlevé, qui s'est amoindri à ce niveau-là, qui me permet de me sentir enfin prête à vraiment partager les choses et que c'est le bon moment. Donc ça, c'est super chouette. Mais après, j'avoue qu'à l'échelle du monde, je ne suis pas méga optimiste. Je suis optimiste à ma petite échelle perso, mais non. Oui, en ce moment, je suis en quête. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Description

J’ai toujours trouvé les photographies d’Emma Le Doyen intrigantes, accessibles et esthétiques à la fois. C’est ainsi que la photographe définit aussi ses images : elle recherche la beauté dans le quotidien, les choses à la fois simples et “pudiques”. Dans ce podcast, je la trouve spontanée, surprenante, touchante et drôle.


On découvre sa grande passion pour les définitions, son histoire de vie — de son enfance immergée dans un milieu artistique (et non intellectuel, selon elle) à un parcours scolaire chaotique — qui finalement la dirige vers ce qu’elle aime par-dessus tout : créer, que cela soit au départ en dessinant qu’en photographiant. D’ailleurs, l’artiste évoque l’une de ses premières expériences en photographie de nuit avec ses amies ainsi que son amour pour la photographie argentique, qu’elle découvre d’abord en noir et blanc puis en couleur.


Emma nous entraîne également dans ses projets personnels, ses obsessions et ses réflexions sur la mémoire, le temps et l'authenticité de ses souvenirs capturés en images. Durant toutes ces années, elle continue de développer et nourrir un travail personnel qui se concentre principalement sur des projets au long cours où le temps est en effet essentiel. On pense au livre HécatombeTV, où elle photographie pendant près de 10 ans toutes les télévisions cathodiques abandonnées dans la rue. Il y a aussi son projet de cœur, Marcelle, sur sa grand-mère, qu’elle documente pendant près de 11 ans.


Tous les projets photographiques personnels en cours d’Emma sont souvent empreints d’une forme de mélancolie douce, comme si les reliques pouvaient devenir remèdes. Dis moi au revoir, son premier projet auto-édité paraîtra courant octobre 2024. C’est le récit poétique et métaphorique de la vie d’un sentiment amoureux. Et c’est aussi dans cette dynamique qu’elle reprend un travail plastique et ajoute le dessin à sa pratique quotidienne.


Au début, je parlais de photographies “esthétiques” pour décrire le travail de l’artiste. Dans le podcast, elle nous rappelle l’une de ses définitions : L'esthétique (ou théorie des arts libéraux, gnoséologie inférieure, art de la beauté du penser, art de l'analogon de la raison) est la science de la connaissance sensible.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production Noyaux Studios Vous écoutez Vidyon, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d'occasion. On vous a mis un lien dans la description de ce podcast, peu importe la plateforme que vous utilisez, et sur notre site vision.photo. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    C'est une photo qui représente des fleurs qui sont fanées et jetées dans une poubelle. Le sac poubelle est en plastique violet et la lumière passe au travers. Il est au flou beaucoup, donc on ne l'identifie pas tout de suite. Je pense au premier regard comme un sac plastique, comme un sac poubelle. Il y a un bourgeon au milieu de l'image qui semble pas vraiment fané par rapport au reste de la branche et qui ressort comme ça, qui attire l'attention. La photo pour moi, elle dégage quelque chose d'assez poétique et très délicat. Et elle est bien représentative de ce que j'aime dans la photo, c'est comment on peut mettre son regard sur des choses du quotidien, très banales, et par un instant, un peu comme ça, une lumière qui passe, leur donner quelque chose de plus magique et poétique, et que les images racontent une nouvelle histoire. Et cette lumière-là, ces couleurs-là, je les aime beaucoup parce qu'elles ont un... Quelque chose d'un peu magique pour moi, elle correspond à la fin de la journée, au début des journées. Et c'est vraiment ces instants très courts à capter. Même si là c'est artificiel dû au plastique, pour moi c'est des tonalités qui font vraiment référence à un petit moment de magie. Donc voilà, c'est une photo que j'aime beaucoup et qui fait partie d'une série, d'un livre que je vais bientôt sortir. Je m'appelle Emma, je suis photographe, je vis à Paris. J'ai grandi à Paris. Je pense que mon rapport aux arts plastiques, en général, il a commencé très jeune. J'ai commencé à dessiner très jeune, vraiment toute petite. C'était une de mes activités préférées. Et j'ai évolué dans un univers très créatif et artistique. Dans l'enfance, à Paris, ma mère était costumière, puis créatrice de robes de mariée et de scènes. Et mon père est comédien. Donc mon enfance, elle est très remplie d'images. Il y a un rapport à l'image qui est fort. Il y a beaucoup de tissus, de couleurs, de décors, de lumières. Je passe beaucoup de temps dans l'atelier de ma mère, qu'elle a toujours, qui est dans le 18e. ou en répétition avec mon père. Les images sont présentes et mes parents ont des goûts assez particuliers. Ils sont un peu barrés quand je suis jeune. Chez moi, il y a beaucoup de bondieuserie, il y a des tableaux. Ma mère adore vraiment l'histoire du costume. Il y a beaucoup de livres de l'histoire du costume, de photos de plateaux d'Hollywood, etc. Et mon père il joue, il adore jouer, il a genre joué dans des pièces de cap et d'épée, il fait de l'escrime et il monte à cheval. Donc voilà, c'est un peu des chevaliers quoi. Et voilà, donc il y a beaucoup d'images et c'est très créatif. Donc je me sens assez vite dans un univers où c'est naturel de dessiner, de faire de la peinture. et mes grands-parents qui me gardent beaucoup. J'en ai qui sont en Picardie, eux qui ne sont pas du tout familiers à cet univers-là, mais j'ai ma meilleure amie qui devient ma famille aussi un peu d'adoption, et dans sa famille, elle, tout le monde dessine. Son père dessine, sa mère est illustratrice, donc très vite on a ça. C'est le dessin qui est mon point de départ avant la photo, c'est d'abord ça. Et après, la photo arrive un peu plus tard au collège. C'est assez drôle l'histoire comment arrive la photo parce qu'avec une de mes meilleures amies Morgane, on décide de commencer à faire des photos. On fait un jeu et en fait on va... Dans le métro, il y en a une qui bande ses yeux et qui tourne l'autre devant le plan du métro, et elle s'arrête sur un point de la maps de métro, et là on prend le dernier métro. Et après, le but, c'est qu'on doit revenir chez nous. Je commence la photo par la photo de nuit, à la fin du collège. Et on doit revenir jusqu'à chez nous, et ça nous fait découvrir. Parce que moi, j'ai grandi dans le 18e, et en bon parisien, on met hyper longtemps à sortir de son quartier. Franchement, le périmètre est très très petit pendant pas mal d'années, et quand on commence à avoir un peu le droit d'avoir une carte de métro, de sortir... On ne dit pas où on va à ses parents et en fait on va à l'autre bout de Paris en pleine nuit, bref. Donc je commence à faire des photos comme ça, en argentique et que du noir et blanc, genre que en 3200 ou 1600 ISO. Et là l'approche elle est vraiment de faire des photos, je pense que j'ai grandi avec les photos de quartier Bresson. Vraiment le côté de douaneau, tu vois. Je ne sais pas, pour moi, c'est ça la photo. Au début, c'est le noir et blanc. C'est les cartes postales qu'il y a en bas de chez moi. Moi, j'habite à Montmartre. Je suis à l'école devant le funiculaire et il n'y a que des cartes postales. Et c'est ce Paris-là. Donc, quand on commence à faire des photos avec Morgane, on essaye de faire ce genre de photos. Des amoureux sur le pont Alexandre III, un peu flou, en noir et blanc. Et on fait ça. Et c'est très drôle, on s'amuse bien. Mais on ne fait vraiment pas beaucoup de photos, on n'a pas d'argent. Pour nous, une péloche, ça doit durer presque deux jours. Mais c'est comme ça que ça commence. Et à la fin du collège, je suis très mauvaise à l'école. Je suis considérée vraiment comme une cancre. J'ai des gros problèmes de concentration, je ne fais que dormir. C'est pas du tout pour moi l'école. Ils ne veulent pas que j'aille en général. Les profs décident qu'il faut que j'aille dans un truc technologique et j'ai ma prof de dessin qui me rattrape et me chope dans les couloirs et me dit tu ne vas pas du tout les laisser faire. Merci Madame Parent parce que je pense qu'elle m'a sauvé la vie. Tu ne te laisses pas faire, tu vas aller à Renoir et tu vas demander un brevet de technicien parce que tu n'as pas le niveau pour aller en art appliqué. Donc tu vas aller faire ce concours et c'est ça que tu vas faire. Et je l'écoute. Et du coup, après le collège, je fais un brevet de technicien au lycée Auguste Renoir, qui est place de Clichy, donc je reste dans mon quartier. Et c'est un diplôme qui n'existe plus, mais c'est l'ancêtre du graphisme. Donc on apprend vraiment à faire de la maquette à la mine bleue. C'est assez désuet déjà, mais il y a 18 heures d'art plastique par semaine. Donc je fais du nu, des dessins de composition, j'ai 6 heures d'histoire de l'art et j'ai 6 heures de photo, avec histoire de la photo et du labo, et de la prise de vue et du studio. Et là c'est l'éclosion totale de ma vie, ça devient vraiment les meilleures années. Je pense que ça restera pour toujours certaines des meilleures années de mon existence. Et c'est là, je ne sais pas, je me libère, je me découvre. Ah oui, mais en fait, je ne suis pas du tout nulle à l'école. C'est juste que je me faisais chier. Et ça devient vraiment des années qui sont formidables. Et je découvre là, la photo. La vraie photo, parce que pour moi, c'était un truc un peu noir et blanc, les cartes postales. Même mes parents, ils n'avaient que des livres hyper... Très l'histoire du théâtre, très Hollywood. Donc en fait, c'était très en noir et blanc. J'avais un peu une image où la couleur, c'était les catalogues. La couleur, c'était la vente. Il y avait quelque chose de l'ordre. Même ma mère, elle faisait des robes. Donc mon père faisait les photos des robes de ma mère. Les robes de Marielle, mon père faisait de la photo aussi. Et il faisait de la couleur pour vendre des trucs. Et pour moi, les livres, l'art, c'était en noir et blanc. Et en cours de photo à Renoir, je découvre la photo de couleur, la photo documentaire de couleur. Et là, je pense que c'est mon énorme coup de foudre. Je situe à ce moment-là un truc... Waouh, waouh, ça c'est un truc de dingue. Et je me souviens que mon premier crush de lycéenne, c'est Martine Parr. Tout d'un coup, Martin Parr, il est super pop. Il fait des images qui sont très colorées, très saturées. Il y a de l'humour, il y a un peu de cynisme, il y a un côté un peu provoque dans son approche de la photo. Et si tu replaces dans le contexte où je suis ado, et en plus à l'époque, c'est vraiment la mode, c'est le début des fluo kids, on s'habille en années 80. Il y a tout un univers visuel sur le côté un peu comme ça, flash et pop et presque un peu mauvais goût, qui est complètement dans le moment. Donc là pour moi c'est genre Waouh ok ça c'est vraiment ça tue C'est comme ça que je commence à faire de la photo de couleur Mon lien avec la couleur, c'est très instinctif et simple, mais moi je vois en couleur, donc j'ai envie de me souvenir en couleur. Quand je fais des photos, j'aime retrouver ce qui sur le moment m'a accrochée. Et voilà, il y a ce rapport hyper primaire, je vois en couleur, j'ai envie que ce soit en couleur. Le noir et blanc, pour moi, il met une distance totale. J'ai l'impression que le noir et blanc, il fiche quelque chose, il met un mur. Ça transforme la sensation de l'instant. D'ailleurs, quand je fais des chromis, puisque je fais beaucoup mes chromis avec mes scans, ma question, c'est toujours... c'était quoi déjà ? C'était quoi la couleur que j'ai aimée ? C'était quoi la lumière qui m'a plu ? Parce que quand on fait des scans, on a un panel, on pourrait faire n'importe quoi, mais moi j'aime bien aller dans mon souvenir. Et voilà, c'est pour ça que la couleur, ça a marché chez moi. Je pense que ça met du temps de savoir ce que tu aimes faire en photo. C'est un processus assez long en fait. Si je reprends le fil, après avoir eu ce crush sur Martin Parr, j'ai découvert d'autres photographes documentaires. Ça a un peu effet évolué mon approche, notamment Ernst Haast ou Joël Meyerowitz ou William Eggleston, où j'avais l'impression qu'ils avaient un rapport plus doux, un peu moins cynique, un peu moins comme ça provoque, et qu'il y avait une espèce de douceur et de poésie du quotidien, où là je me suis vraiment retrouvée. Je pense que c'est dans cette direction après que j'ai commencé à me tourner. Ça m'a donné un peu une voie, une porte à suivre où on pouvait faire des photos dans notre quotidien et être plus doux et raconter des choses, je ne sais pas, simples et pudiques. C'est à partir de là où j'ai commencé à faire de la photo couleur vraiment régulièrement de mon quotidien, de mes déplacements. etc. Plus j'étais grande, plus j'avais de l'argent pour faire des photos. Au début, tu mets une pellicule, elle dure deux semaines, trois semaines, puis au fur et à mesure, tu t'autorises à en faire de plus en plus. Et je dirais que mon rapport à la photo, il est assez quotidien, simple, assez personnel. Mais après, c'est avec le temps, aujourd'hui, que j'arrive à me dire, ouais, il y a des thématiques qui ressortent, il y a des thèmes... J'ai un rapport en fait assez primaire à l'idée de la sauvegarde, si je capture je sauve, du coup c'est un peu un endroit où je peux comme ça garder des moments, garder des endroits, garder des souvenirs et en fait le souvenir... est présent dans toutes les photos et les séries personnelles que je fais. Mais ça, il a fallu du temps pour que je m'en rende compte. Sur le coup, on fait des photos et on a envie de faire des trucs. On est jeune, on se dit tiens, je vais faire un fanzine, je vais faire un machin. Après, j'ai commencé à travailler. J'avais besoin de gagner de l'argent. Donc la commande est venue. Je me suis dit mais je peux gagner ma vie en faisant des photos. Waouh, c'est un truc de ouf, c'est ça que je vais faire. Et là, on expérimente, on va à plein d'endroits. On fait un peu... Des portraits de la mode un peu selon les rencontres. Et c'est il y a quelques années, j'ai eu un espèce de moment... Moi j'en ai eu trop marre de faire de la commande et j'ai ressenti un espèce de manque abyssal de me concentrer sur des trucs qui me touchent et qui sont personnels et je me suis vraiment posée. Du coup ces quatre dernières années j'ai bloqué du temps, j'ai pris un lieu pour travailler là-dessus et j'ai travaillé un petit peu moins pour avoir de l'espace pour faire quelque chose et je me suis rendue compte là que ça faisait des années que je faisais des photos, que j'avais des thèmes, que j'avais des... des projets dans des boîtes comme ça et qu'en fait, oui, tous, ils avaient ce point commun d'être liés aux souvenirs, de parler du temps. J'adore travailler en argentique. Je travaille... essentiellement en argentique. Je pense qu'il y a plusieurs facteurs. Déjà, j'ai commencé à l'époque où il n'y avait pas de numérique. On entendait parler du numérique, mais c'était un truc hyper professionnel. C'est comme ça que j'ai commencé la photo. Je pense qu'il y a une espèce d'affection, de point de départ. Ensuite, en toute honnêteté, je pense que je trouve ça plus beau. Et que ça, c'est un peu un truc simple. Il n'y a pas à dire, c'est beau. Et aussi, j'aime bien les pellicules. J'aime bien le rapport au nombre précis que la pellicule impose. Et j'aime bien avoir 10 vues ou avoir 36 vues. Je trouve que ça met beaucoup plus d'intention, ou d'attention à la photo qu'on prend. Et que du coup, tu lui donnes plus de valeur, elle est plus précieuse. Quand on part à un endroit, parce que moi j'adore faire des photos, dès que je bouge j'ai toujours un appareil photo, et de réfléchir à combien de pêloches je prends. combien de vues j'ai, pour combien de temps, j'ai l'impression qu'elles ont plus d'importance. Et que quand je fais du numérique, il y a ce truc, tu cliques là, et tu fais trop de photos, et du coup, elles manquent de sens. Mais voilà, moi en tout cas, ça me canalise. Alors par contre, moi je fais pas de laboratoire. Je sais que certains diront que c'est pas bien. Mais j'ai essayé et en toute honnêteté, j'ai trop la flemme. J'arrive pas à dégager du temps. En fait, j'ai commencé à faire ça parce qu'à un moment... Il y a quelques années, il n'y avait pas ce délire de faire du labo à fond, faire du tirage tout seul. Mais je ne sais pas, il y a eu un petit moment, vent, poupe, on se remet tous à faire du tirage et du labo. Et donc je me suis dit, je vais essayer moi aussi, parce que je n'avais pas fait de labo depuis Renoir. Et en fait, j'ai vu que ça allait être un temps, mais un temps avant que je maîtrise et que je sois à l'aise et que je fasse des trucs que j'aime. Ça allait être beaucoup de temps et d'argent. Et moi, ces dix dernières années, j'ai aussi fait des films, j'ai fait des clips, et je fais toujours beaucoup de dessins et je fais de la peinture. Et en fait, je me suis dit, qu'est-ce que je veux, où je veux mettre mon temps ? Et j'ai décidé que j'allais continuer à travailler avec des labos professionnels et des tireurs professionnels. Et comme ça, j'allais avoir du temps pour peindre et pour dessiner. Donc c'est vraiment une décision de pratique. Voilà, mais j'aime beaucoup faire mes chromis. Chez moi, j'adore faire mes chromis avec mon jogging, mon café, ma série d'enquête de Arte en fond. Et je crois que c'est ça, j'aime bien le confort. L'envie de mélanger des médiums et de vouloir ajouter des trucs, je pense que ça fait partie de ces quatre dernières années où j'ai pris un atelier du temps. Ça me permet aussi de me permettre plus de liberté dans les expérimentations. Et j'ai envie d'y aller de plus en plus parce que je trouve que ça croise aussi des endroits où je suis à l'aise. J'ai fait des études de graphisme, je fais du dessin, je fais de la photo. Si on peut faire des ponts et des rebonds, je trouve que c'est intéressant. Et après, moi, j'ai un rapport, je ne l'expliquerai pas trop, est-ce que c'est mes études, est-ce que c'est juste mes goûts ? Mais quand je fais des photos, je les accumule. Puis au bout d'un moment, quand ça devient pour moi un projet et que je peux les rassembler, je les imagine toujours éditées. Pour qu'une série existe, dans ma tête c'est un livre. Il y a toujours cette idée que c'est un projet d'édition projeté qui devient que la série tient ensemble. Encore plus que l'exposition, le livre enferme quelque chose de... Je me souviens que quand j'ai commencé à faire de la photo jeune, mon truc c'était je vais faire des livres. Et avant même de formuler, je vais travailler ou je vais faire des commandes ou je vais faire des trucs comme ça, c'était vraiment genre le livre. Donc je pense toujours avec l'idée d'édition et ça m'aide, ça structure un peu. Alors aller de plus en plus tenter des choses en graphisme et s'autoriser des choses, ça fait un peu sens du coup. Mais pour l'instant je suis à un niveau expérimental de cette chose puisque le seul... Le seul début de projet où j'ai commencé à le faire, c'est la série Décor Réel, qui est complètement un projet en cours. Moi, c'est en cours de développement, de prise de vue. On verra quand est-ce que je décide que c'est fini, sûrement dans dix ans. Effectivement, je suis attachée à l'esthétique. Et je ne le vois pas comme un truc péjoratif ou un gros mot, si on le prend au sens simple, d'aimer, d'être un peu dans une quête entre le contenu et le contenant, la forme et le fond. J'aime que ça me plaise. Et si je le mets en opposition peut-être à des gens qui vont avoir une approche où le fond doit primer sur la forme et que c'est ça qui importe, moi j'avoue que... Si je suis sincère, non. Je suis sensible au rendu visuel et je m'exprime très visuel. Mais peut-être aussi parce que je me suis beaucoup exprimée avec les images dans la vie et ça a été beaucoup mon langage, donc j'y ai peut-être mis ça. La définition de l'esthétique, c'est vraiment la science du sensible. C'est l'étude de la sensibilité et des sens. Donc en fait, ça fait sens, du coup. Mais si c'est cette approche-là qu'on a, oui, je l'aime. Après, je sais que de toute façon, le goût est subjectif, donc tout ça est vraiment une histoire de sensation. Mais j'aime bien que les choses me plaisent. Et je pense que chez moi, aussi par mon éducation, mes parents se sont beaucoup communiqués comme ça, avec les images. Ma mère, elle est autodidacte, donc elle a grandi en Picardie. Elle est venue à Paris, elle a commencé à coudre, donc elle vient pas des mots. C'est vraiment quelque chose de très instinctif, etc. Et je pense que j'ai grandi avec ça, où chez moi, il n'y a pas un background. Ça fait bizarre de dire ça, mais il n'y a pas un background intellectuel, de savoir. Mes deux parents viennent de classes moyennes ou populaires et ils ont décidé d'être des artistes, un peu comme ça, super jeunes. Je suis la plus diplômée de ma famille, par exemple. Ils n'en parlent jamais, ils s'en foutent. Mais du coup, le sensible et le visuel, ça a été vraiment, je pense, le langage. En ayant grandi à Paris, j'ai été confrontée à, bien évidemment... plein de sociologie de gens et notamment aussi par mes études, un rapport plus intellectuel de l'art. Et ce n'est pas ça chez moi. Mes parents, c'est des artistes à le temps bon instinctifs. Ce n'est pas la même chose. Et d'ailleurs, quand je suis arrivée à Dupérez, parce qu'après j'ai fait un DSA, ma fin de diplôme, c'est un DSA supérieur d'art appliqué, je devais écrire un mémoire et ça a été hyper dur. Ça a été les deux années, mais j'avais envie de... mourir, c'était terrible parce que j'étais incapable d'écrire en mémoire et puis en plus moi j'avais fait un BT donc j'avais pas fait de philo et du coup on avait genre 5 heures de philo j'en avais jamais fait de ma vie en bac plus 2, tu commences avec des gens tous les gens ils avaient fait L j'étais à la masse totale et j'ai vraiment bien ramé pour attraper la barque parce que chez moi il n'y a pas ce truc que les mots, les textes, c'est plus comme ça à l'instant. Décor réel, c'est une série de photos de paysages qui sont essentiellement des paysages de montagne et un peu de campagne et de mer qui ont le point commun d'avoir... En fait, quand je les ai prises, j'ai trouvé que c'était incroyable et que ça ne ressemblait pas à la réalité. Et en fait, le point de départ de cette série, ça a été de réunir ensemble toutes ces images qui renferment cette émotion au moment de la prise de vue qui est de me dire que ce n'est pas vrai tellement c'est beau. Et ça m'a fait réfléchir et questionner. J'étais en montagne avec un ami qui me dit Arrête de dire que ce n'est pas vrai, c'est ça la vraie vie. Et moi, cette phrase est restée. Je me suis dit Pourquoi je n'y crois pas ? Je trouve que c'est beau et que c'est dehors. Et je suis remontée à un souvenir d'enfance, bien évidemment. Et en fait, quand j'étais petite, j'ai grandi à Paris avec des parents pas du tout outdoor activities. C'est vraiment... Il n'y avait pas d'extérieur. En plus, ils travaillaient l'été. Mon père était toujours en train de faire des pièces de théâtre tout l'été. Ma mère avait toutes ses livraisons de robes de mariée. Ils étaient très occupés l'été. J'étais envoyée chez mes grands-parents. Chez mes grands-parents, on restait dans la maison avec un jardin avec des haies taillées. Mon rapport à la nature, c'est un jardin avec des haies qui sont taillées, avec des fleurs dans des bacs. avec des petits murets, et that's it. Et genre, c'est ça la nature. Et quand mes parents arrivaient à la fin de l'été, ils dormaient en fait, ils dormaient sur un transat et c'est tout. Et quand j'ai eu 30 ans, j'ai eu un espèce de reminder où en CM1, j'avais fait une classe de nature dans les Pyrénées. Et j'avais trouvé ça incroyable. Je m'étais dit, mais c'est un truc de fou. Genre, c'est un film. Et j'avais... toute cette espèce de souvenir nébuleux de cette classe de CM1, c'est de trouver que c'était hallucinant tellement c'était beau la montagne. Et j'avais l'impression qu'il y avait des fées qui allaient sortir de chaque rocher, qu'il y avait plein de rivières avec des gros rochers ronds. Et pour moi, tout était fantastique. Du coup, j'ai eu une espèce d'envie, genre il faut que je devienne cette personne. J'ai envie de connaître la montagne, j'ai envie de connaître la nature. En quelques années, je suis devenue une espèce de passionnée de randonnée. J'ai fait de la voile. Je me suis mis à vraiment être, il faut que j'aille découvrir tout ça. Et il y avait toujours cette émotion-là. Et donc, j'ai réuni toutes ces photos avec cette émotion. Et pour moi, ça questionne. Le nom est un jeu de mots aussi, puisque c'est un peu du vocabulaire du théâtre. Plutôt du scénario, est-ce qu'on shoot en studio ou en décor réel ? Et c'est pour ça qu'elle s'appelle Décor Réel. C'est pourquoi tout ce naturel était pour moi plutôt de l'ordre de la fiction. Quand j'ai commencé à réunir les photos qui ont créé ce travail en cours de décors réels, j'ai découvert la notion de sentiment océanique, qui est une notion de Romain Roland, qui est un écrivain et qui écrit avec Freud. Il était inspiré de Spinoza et il avait parlé de cette notion psychologique-spirituelle qui ferait que... En face de paysages, lui il parlait de l'océan à la base, mais ça peut aussi être un point de vue. Tu étais transportée par une émotion, une impression de ressentir une unité avec l'univers, voire une unité avec l'éternité. Et ça m'a trop parlé, parce que du coup, dans cette idée d'éternité, moi je faisais une association à quelque chose qui n'est pas vrai, qui est fictif. Et cette sensation d'un truc qui est au-dessus de ton quotidien. J'ai trouvé que c'était... ça m'a inspirée, ça m'a fait continuer en me disant Ouais, je veux continuer de réunir ces photos, il y a un truc à faire avec. Mais c'est un projet en cours. Encore une fois, j'ai encore plein de sentiers, de montagnes à traverser. Dis-moi au revoir c'est un projet de livre que j'ai commencé un peu par hasard. En fait, je voulais envoyer un autre projet à un concours. Et puis à la fin, je me rends compte qu'il faut deux projets pour pouvoir participer au concours et peut-être avoir de l'argent. Et il est genre 19h et la fin des inscriptions, c'est à minuit. Donc je me dis, il faut que je trouve un truc en deux secondes. Qu'est-ce que j'ai qui traîne ? Et je décide d'ouvrir un dictionnaire, parce que j'adore les dictionnaires. Et je regarde le mot déception, parce qu'à l'époque, j'étais... Je venais de vivre une rupture amoureuse et j'étais vraiment en déception permanente. Je vais voir le mot et je trouve que la définition est vraiment... trop drôle et je me mets à vouloir la mettre en image. Je crée une séquence de 10 images, j'envoie le truc dans la nuit, je perds ce concours et je laisse un peu reposer. Et un an plus tard, j'ai des nouvelles images et je me souviens de cette séquence et je veux les ajouter à la séquence. Donc je reprends ces images-là des mois et des mois après. J'en ajoute des nouvelles et là je me dis non mais en fait, j'ai envie de faire vraiment... Un film complet qui raconterait l'histoire d'un sentiment amoureux, de sa naissance à sa mort et à sa renaissance, et qui pourrait comme ça, par séquence, créer des différents moments qui traversent sa vie. Et je me suis mise à réunir des images qui sont séparées par actes et qui pour moi... correspondent à un moment et les images racontent ce moment vraiment juste par les tonalités et les émotions qu'elles enferment. Et voilà, ça fait ce projet Dis-moi au revoir Dans mon quotidien, toute seule, malgré moi, je pense que si on réfléchit, si on regarde... On regarde avec l'état dans lequel on est, déjà de base.

  • Speaker #0

    Donc c'est d'ailleurs, bref, je pense la même chose avec l'amour, je pense que tu rencontres les gens que tu es prêt à rencontrer et puis tu vois pas ceux que tu es pas prêt à voir. Donc je pense que quand on se balade avec un appareil photo c'est un peu la même chose, on voit des choses qui correspondent au moment ou à notre sensibilité de ce moment. de facto, elles contiennent une émotion. Après, c'est hyper subjectif et personnel, et ça ne va pas forcément être reçu par les autres de la même façon. Ça, tu n'as aucun contrôle. Mais je pense néanmoins qu'en tant qu'humain, on a un socle commun de lecture. On a une grille de lecture tous ensemble. Donc il y a des divergences, mais il y a quand même plein d'endroits où on peut se retrouver, notamment là sur 10 mois à voir. C'est vrai qu'au départ, c'est parti d'un... d'un moteur assez personnel de moi je suis déçue, je suis en déception amoureuse, je vais faire un truc là-dessus La définition, elle dit que c'est le sentiment Un happiness, donc de tristesse, parce que quelqu'un ou quelque chose n'a pas été assez bon comme tu l'avais espéré, ou n'est pas arrivé comme tu l'avais espéré. Après, il y a une phrase en anglais, parce que c'est une définition anglaise, He could see the disappointment in her eyes Et j'aimais bien parce que c'était lui qui peut regarder dans ses yeux au féminin. Et après, c'est Someone or something that is not good as you hoped or expect Et la dernière phrase c'est le film était décevant, ce que j'ai trouvé vraiment drôle. Au début de ce travail, mon approche tout début elle est un peu scénique. Et en fait au final... En reliant ces séquences, je les trouve super sensibles. Je me rappelle de choses, ça me remet dans des émotions. Je me rends compte que ce n'est pas si perso que ça. C'est un truc universel. Autour de moi, tous mes amis ont vécu ça. En plus, c'est un sujet de conversation sans fin. On adore parler de ça. Quand ça va bien, quand ça va mal, quand c'est le passé, c'est quelque chose qui nous réunit. Et du coup, tout d'un coup... Le début un peu égotripe, cynique, qui s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus ouvert et beaucoup plus poétique et qui s'adresse à tout le monde. Et c'est pour ça que je pense que j'ai voulu parler d'un sentiment amoureux, parce que je voulais que ça ne soit pas un personnage de la relation classique, qui se tend amoureuse, un garçon, une fille, une fille, etc. Mais deux personnes. Et je préférais que ce soit le sentiment qui est presque un peu extérieur. Et je pense que ça correspond bien à ma photo parce que je suis assez pudique. Dans mon rapport à la photo, c'est sûr que je parle... Je pense que dans mes photos, il y a beaucoup d'émotions. Comme je l'ai dit, il y a du souvenir, il y a de la mémoire, mais ce n'est jamais très démonstratif. Il y a peu d'humains. Les humains, ils sont souvent de dos, ils sont souvent un bout de main. J'ai un rapport à la photo, je ne sais pas, je ne l'explique pas trop, mais je suis assez pudique. Donc, j'essaye de parler de plein de trucs, mais avec un peu toujours une... Il y a toujours une petite distance, mais qui est pour moi une distance juste de... Je sais pas, ouais, de réserver une forme d'anonymat. Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant dans le fait d'être un peu anonyme, c'est que ça ouvre le champ aux autres, et ça ouvre le champ à toutes les lectures et au possible, et ça fait que cette image, elle peut te rappeler un souvenir à toi, et tu peux y mettre un truc à toi, tu vois, elle est un peu plus vague. Je pense que c'est ça qui est intéressant quand tu fais des photos pendant 10 ans, 11 ans, c'est que le point de départ de vouloir les prendre, il évolue au fur et à mesure. Au début, j'ai pris des photos de ma grand-mère parce que je l'aime et que j'avais envie de la prendre en photo. Et ma grand-mère, c'est vraiment une... Une taiseuse de Picardie qui parlait pas... Enfin, elle parlait de trucs genre les patates, les tâches à faire, mais elle parlait pas des vraies choses. Elle était très mutique quand il s'agissait d'elle. Donc je pense qu'au début, il y a une envie comme ça de la documenter, un peu pour peut-être aller chercher... poussé la relation intime et que ça allait faire qu'elle allait s'ouvrir. Je pense que le point de départ, c'est ça. Après, je me suis rendu compte que ça n'allait pas du tout me faire apprendre plus de choses sur elle. Mais c'est installé ce rapport-là. Et en plus, elle me laissait vachement faire. Elle aimait bien que je la prenne en photo. Donc ça a été aussi un échange un peu silencieux entre nous. Et ça s'est installé et au fur et à mesure du temps, je me suis rendu compte que j'étais en train de vraiment dresser son portrait et le portrait de ma grand-mère et de son territoire. Mais voilà, de chez elle, de sa campagne, de autour, des vues, et qu'il y avait comme un portrait au sens large. Et une fois qu'elle était partie, je me suis rendu compte que là, j'étais vraiment en train de parler de plein de choses en même temps, puisque ça racontait aussi être une femme. qui est âgée, qui vit seule. Mon grand-père, il est décédé quand j'avais 11 ans, donc elle a été très très très longtemps veuve. Et c'est aussi cet aspect-là, d'être, de vieillir seule, de vieillir seule dans ce type de décor, ça parle du temps, du temps qui passe. Et le livre que j'ai envie de faire, il n'est toujours pas fait, parce qu'il y a tellement de photos et je veux garder la répétition. Je veux garder... Il y a des choses que j'ai prises en photo. Plein de fois, la même chose. Et on voit la nature qui pousse, qui est coupée, qui repose, qui est coupée. Il y a des vues, par exemple, on allait tout le temps au cimetière, et le cimetière, il donne sur des champs, et ça en picardie dans une zone très rurale, et les champs, ils font de l'agriculture, ils tournent. Donc une année, c'est du colza, après c'est du blé, et même ça, j'ai des vues comme ça. Genre, j'aime vraiment ce truc-là, de la répétition, de l'accumulation. Mais je pense que je suis comme... Enfin, après, je suis comme ça dans la vraie vie. Je garde tout, je classe, j'ai du mal à me séparer des choses. Dans la série, j'ai fait une série dans la série, qui est un ensemble d'images de tous les bibelots que je préférais chez ma grand-mère, qui sont shootés sur fond blanc. D'ailleurs, c'est très loin de ce que je fais d'habitude, puisque ça ressemble vraiment à de la photo de nature morte, ce qui n'est pas du tout mon domaine. Mais ça, je l'ai fait dans une nécessité, vraiment. viscérales, parce que ma grand-mère venait de décéder. En fait, il y avait plein de bibelots chez elle, et ça a été un peu compliqué entre mes oncles et mes tantes, etc. Et il fallait vider très vite cette maison. Et donc, je suis allée aux obsèques. C'est pour ça que je ne vais pas être complètement folle, mais je suis allée aux obsèques avec un fond dans mon coffre, un fond et des pieds, et des trépieds, et mon appareil. Et le lendemain... des obsèques, moi je dormais dans la maison parce que j'ai toujours dormi dans cette maison et le moment des obsèques, j'ai pris en photo tous les objets que j'aimais tous les bibelots qui pour moi étaient qui racontaient des trucs d'elles et je les ai photographiés mais là vraiment dans une nécessité de ok, là dans 3 jours ça va être le gros bordel ça va partir dans tous les sens il faut que je le fasse maintenant qu'il n'y a personne et ce qui est fou c'est que psychologiquement moi ça marche Le fait que je les ai tous pris en photo, c'est ok. Je suis ok maintenant qu'ils soient partis, un peu partout. Que cette maison, elle ne soit plus là. C'est fou comment après, je ne sais pas, c'est thérapeutique, je pense que j'ai un vrai rapport comme ça aux choses. Mais même quand je regarde mes photos, ça me détend. J'ai l'impression d'être en connexion particulière tout le temps avec ma grand-mère. Ça m'a créé vraiment... C'est complètement... Enfin, c'est moi et moi, mais c'est comme ça que j'ai fait cette séquence. Et là, il y a une autre image comme cette séquence qui est une chaise en plastique qui était au fond du jardin. Et le jardin était vraiment le territoire de mon grand-père, donc il a été très très très abandonné après son décès. Il y avait cette chaise et j'avais quand même mes oncles qui passaient régulièrement pour couper le lierre, qui est super invasif. Et j'ai pris en photo cette chaise qui, de temps en temps, était délibérée, puis recouverte, puis redélibérée. Et en fait, mes oncles et tantes, ils ont su que je prenais en photo la chaise, donc ils l'ont laissée. Ils n'ont jamais bougé. Il y a le truc d'Emma, on va lui laisser sa chaise. Et donc elle a été là, comme ça, et j'adore cette séquence parce qu'on voit vraiment la nature. Il y a plein de saisons. Même le vert, il est chlorophylle au début de l'été. Il est foncé quand l'hiver arrive. Et je ne sais pas, ça, ça raconte beaucoup de choses pour moi. Je trouve qu'il y a un gros lien entre la photographie et la musique. Effectivement, dans les souvenirs, je trouve que tu arrives facilement à avoir des images quand tu fermes les yeux. J'arrive facilement à avoir des sons. Mais je trouve que les odeurs, c'est super dur de s'en souvenir. C'est vraiment le truc où on n'a pas de maîtrise. Et quand tout d'un coup, on passe dans un endroit... Moi, je sais que j'essaie avec les produits nettoyants. Quand je vais dans des toilettes qui utilisent le même produit nettoyant que ma grand-mère, ça me fait un truc de joie, d'émotion qui est beaucoup trop grand. Mais il faut qu'on sente les odeurs pour être reconnecté aux odeurs. Alors que je trouve que le son et l'image, notre cerveau, il arrive un peu à le créer tout seul. C'est assez intéressant. Et moi, je fais un lien plutôt entre du coup... Enfin, plus que la musique, je fais un lien entre la photo et le son. Parce qu'il y a des photos, j'ai des sons, mais des fois, c'est pas forcément de la musique. Ça peut juste être le bruit du vent ou les oiseaux ou ce genre de son. Par exemple, tout le projet de Marcel, j'entends la campagne. Et la campagne, ça a un son tellement particulier, la campagne française, avec ses coucous, ses clochers, il y a un truc, un tracteur au loin, je ne sais pas, je trouve que le bruit de la campagne, il est Madeleine de Proust de chez elle, de tout ce temps passé dans le jardin, mais du coup je le vois. Moi, tous mes grands-parents, c'est parce que j'en ai deux, et deux adoptés, et deux maternelles et paternelles, donc j'ai quatre grands-parents. Et moi, tous mes grands-parents, c'est vraiment... trop trop bien quoi mais je parle souvent de son en tout cas quand je pense à mes photos et il y a la notion forcément du rythme qui est assez un peu une notion commune de rythmer les séries, les séquences voilà pour créer un peu une série intéressante qui va changer de focus mais moi j'aime bien aussi parler de tonalité C'est un peu un mot que j'utilise beaucoup quand je parle de mes photos, et des photos en général, parce que j'aime trop ce mot, parce qu'il a trois sens qui pour moi sont... complètement adapté pour la photo. Il y a le sens premier qui est la musique. Et du coup, c'est vraiment cette idée de rythme, d'espace entre les notes, le sens musical, que l'on comprend bien. Et après, il y a le deuxième sens qui est la valeur moyenne des nuances, qui est plutôt en termes de couleurs, genre un tableau, les tonalités, donc ça parle de couleurs. Et le troisième sens, c'est l'impression générale particulière qui distingue un état affectif. C'est la tonalité d'un rêve. Et là, on est plus de l'ordre du sensible. Ce mot, il enferme pour moi le panel exact de qu'est-ce que c'est une série photo et qu'est-ce que c'est des images. Mon rapport au temps, il est du coup très différent. entre ce qui sont mes projets personnels et mon approche personnelle de la photo, où là je suis très très très lente. Mais je pense que ça va et à la fois par mes obsessions, comme je viens d'en parler, et aussi je pense qu'il y a une part de peur, de se lancer, j'aime bien faire des poses, j'aime bien reculer, franchement quand même, soyons honnêtes. Et mon rapport à la commande, c'est l'inverse, et ça c'est trop bien. Je pense que c'est... Dans la commande, il n'y a pas de temps, il n'y a jamais assez de temps. tu dois faire un portrait en 10 minutes ou en 20 minutes et tu dois faire une série de 16 images en une journée ou 35 looks quand c'est plus de la pub mais en fait ça me va parce que ça me relaxe c'est mon travail si genre je devais faire des projets que qui prennent 10 ans j'aurais envie de mourir donc j'aime bien avoir cet endroit là où je gagne ma vie en faisant des photos, et c'est ce que j'aime faire. Mais j'ai un cahier de décharge et ça va vite, ça sort vite. Je ne sais pas, il y a un côté aussi, je ne sais pas, ça relaxe. En tout cas, moi, ça me relaxe. Non, mais c'est ça, je pense que les cahiers de décharge, ça me rassure. On peut y rechercher le travail de commande. Il y a quand même, c'est un panel assez large. Il y a la presse, où là, je pense que... le pont entre mon travail personnel, en tout cas mon approche personnelle et ma sensibilité, et avec ce que je fais en presse, c'est là où c'est le plus évident. Et du coup, il y a des magazines avec lesquels je travaille depuis longtemps, comme Hobby. Là, on a trop de points communs. C'est-à-dire que l'équipe qui a fait ce magazine Hobby, c'est un magazine, pour recontextualiser, c'est un magazine qui parle des passions, des gens qui ont des passions. Et donc, il y a beaucoup de collectionneurs, il y a beaucoup de gens comme ça qui collectionnent, qui accumulent. Donc, ils ont un truc en commun avec moi. Donc, en fait, je vais prendre en commun... Sur tout notre travail, on a été rencontrer, prendre en commun des gens pour parler de choses qui les animent et qui peuvent être présentes. C'est assez jouissif comme travail de commande. Et en plus de ça, il y a une vraie… En DA, ils s'amusent, c'est très beau, les objets sont chouettes. Et là, le dernier hobby, c'est une fête, c'était une carte blanche où ils m'ont proposé… Il y avait une carte blanche, on avait tous le même commun qui était le rassemblement populaire. On parlait de rassemblement. festifs, populaires. Et moi, j'ai choisi la nuit des pêcheurs, qui est ma fête préférée à Toulon, où je vais presque tous les ans. C'est une fête avec plein de stands de nourriture de la mer, avec des pêcheurs, etc. Et on mange et on boit, et après, il y a tout le temps un groupe, c'est toujours les mêmes, qui s'appellent les coureurs de l'océan, qui reprennent tous les tubes, et ça devient un bal. Et il y a la moitié des tables qui sont repliées, et tout le monde danse, et tout le monde est hystérique. C'est vraiment bon. La folie ! Et cet endroit est très très drôle parce que les gens c'est clairement de zéro à 90 ans et c'est une énorme fiesta. Et quand ils m'ont dit la carte blanche, j'ai dit Waouh, je vais faire la nuit des pêcheurs parce que c'est vraiment mon endroit préféré Donc ouais, on a un rapport assez libre. Après, quand je fais du portrait, c'est autre chose. J'adore faire du portrait parce que je trouve que ça appelle aussi mon côté curieux. Je vais rencontrer des gens et je trouve que c'est vraiment un des aspects formidables de mon travail. Je me sens hyper chanceuse. C'est encore mieux quand je vais chez les gens parce que moi, je suis vraiment une grosse curieuse. J'aime bien voir leurs objets et tout. On a compris, je mets un peu d'affect sur les bibelots et les trucs comme ça. Donc quand je peux aller dans l'espace de quelqu'un, c'est... C'est le truc parfait. Et voilà, donc la presse, c'est quand même très connecté. Après, la commande-commande de mode ou de publicité, là, c'est un peu différent, parce que quand tu fais de l'éditorial en mode, je trouve que j'arrive à mettre beaucoup de moins. Là, je suis arrivée à un moment où ça y est, je suis passée par... Quand tu commences à faire de l'édito de mode, tu fais des tests, tu fais des trucs, tu expérimentes, tu vas dans tous les sens. Aussi trouver ta ligne de communication avec la styliste pour être à un endroit où on se comprend, ça prend un peu de temps. Mais là je pense que quand je fais des éditos, il y a toujours de moi dedans. Même si c'est très fin, même si c'est très subtil, il y a toujours des liens à faire. avec mes obsessions. Mais après, la pub, moi je trouve qu'on devient des photographes exécutants. Là, pour le coup, c'est un peu le rêve. Je pense que c'est le rêve de tout photographe de faire des pubs qui te demandent de faire ton art, mais j'en suis pas vraiment là. Et ça me va aussi, parce que je trouve qu'on a de la chance de faire ce métier et que quand je fais de la pub, ils font appel à moi pour... pour un savoir-faire. C'est pas la même chose que tu mets au service, tu mets ton sens du cadre, ton savoir-faire technique. Moi, je pense que j'ai aussi pas mal de trucs où on fait appel à ma direction des acteurs. Quand tu fais de la pub, j'ai fait pas mal de films, donc du coup, s'il faut faire des situations naturelles ou en tout cas qui semblent naturelles, on fait appel à toi pour d'autres choses autour et ça fait que t'as une certaine expertise pour faire des images qui racontent ce que le client a envie et ça me va, c'est cool. C'est une bonne manière de gagner sa vie, je trouve ça chouette. En ce moment, j'ai un peu lâché le film. Pendant dix ans, je faisais des photos et des films, plutôt des films de pub et quelques clips. J'ai un peu... Ça coïncide au moment où j'ai décidé de travailler sur mes projets photos, de faire plus de choses artistiques et manuelles. En fait, j'étais vraiment en manque de trucs manuels. Et en fait, la vie de réal de pub, c'est quand même de faire beaucoup, beaucoup des PDF et des keynotes et d'être en salle de montage. Franchement, c'est une journée de tournage pour un mois dans des bureaux. C'est ça, la vérité. Donc, ce n'était pas comme si tu faisais de la fiction et que tu pars deux mois. Là, c'est quand même... Oui, bon, tu travailles un an. Donc, au final, je pense que le ratio est le même. Mais bref. Et donc j'étais moins en saturation de faire des choses avec mes mains, c'est pour ça que j'ai pris un atelier et tous les deux projets de livres que j'ai, celui qui sort là et celui qui est toujours en... En cours, je les ai faits au mur. En fait, j'ai imprimé toutes les photos. Et je voulais vraiment avoir des chemins de fer et des endroits où je peux laisser coller et que je manipule avec mes mains. Et au moment où j'ai fait ça, j'ai arrêté complètement de faire des films. Soyons honnêtes, j'aimerais en refaire. Mais tout d'un coup, j'ai eu un peu un désintérêt sur le fait de faire des compètes. Le film de pub, c'est quand même un monde un peu particulier. Il faut faire tout le temps des compètes. On doit faire des dossiers. Après on est trois ou quatre à te présenter, tu gagnes, tu perds, etc. Je ne sais pas, je crois que j'étais arrivée à un moment où je n'avais plus trop envie de ça. J'avais envie de faire des trucs un peu plus antérieurs, un peu plus artistiques, un peu plus manuels. Mais le film me manque. Être sur un plateau, ça me manque terriblement. Parce que c'est vraiment un endroit que j'adore. Je sais que j'ai l'intention d'y revenir, je ne sais pas comment. Mais j'adore être sur un plateau et c'est vrai que j'adore la mise en scène. Je trouve ça trop trop bien. C'est un échange qui est cool et le jeu c'est assez naturel chez moi. J'ai un père comédien, donc oui, j'aime trop ça. J'ai voulu être comédienne pendant très longtemps. Je trouve que c'est un truc assez naturel. Je pense que les photographes, on est des grands drama queens, drama kings. Et qu'on est aussi avec des grands moments de confiance, de créativité, de mojo. Et des moments où on est rempli de doutes et on est complètement perdu et on pense qu'il faut qu'on change de métier. Le point commun que je vois avec tous mes potes photographes, c'est qu'il y en a pas mal où on fait des sacrées montagnes russes. Et je pense que... Forcément quand on est dans le down, dans le creux de ces moments de doute, la concurrence elle prend de la place. Ça serait bête de le nier. On a un peu peur, on se compare, je pense que c'est des trucs un peu de l'humain classique tu vois. Mais faut pas le faire. Après on sait que c'est bête et que ça sert à rien. C'est un monde assez concurrentiel. C'est pas... On est beaucoup de photographes. Là, on fait une parenthèse économiquement, c'est hyper compliqué. Je trouve que c'est très compliqué pour les photographes et que c'est un peu dur parce qu'à la base, on est quand même plutôt bien payés pour ce qu'on fait dans notre vie. Pas quand il s'agit de la presse, ça c'est une autre histoire, mais quand on fait de la pub ou de la mode, on est bien payés par rapport à la moyenne de la France. Donc on est un peu dans une position où à la base, comme on est très bien payés, on part avec un truc de... il ne faut pas se plaindre. Notre entourage, il y a quelque chose de... Quand même, vu ce qu'on gagne, il ne faut pas se plaindre. Sauf qu'il y a deux points en ce moment que moi je ressens, c'est que ça a méga baissé les budgets. Et les assistants, les staffs et tout, moi je sais, en shooting, ils ont tous calé leur salaire sur l'inflation. Donc moi, les gens avec qui je travaille, ils ont augmenté un petit prorata pour faire sens avec l'inflation. Et c'est normal. Je pense qu'ils auraient même pu le faire plus. Et les photographes, ils ont en moyenne perdu 25%. ce que je trouve ouf en fait. Donc du coup, ça a pied sur ce truc de concurrence. Et en plus, il y a ce truc-là, et souvent il y a ce truc que j'essaye d'expliquer à mes amis, c'est que quand tu es photographe, tu dois beaucoup alimenter toi-même le fait d'être photographe. Donc c'est toi qui entretiens ton travail. Donc quand tu es bien payé pour faire une pub, la moitié de cet argent, tu vas le mettre dans ton livre, tu vas le mettre dans tes peloches, tu vas le mettre dans tes trucs perso. En fait... Si j'arrête de le faire, je ne suis plus photographe. Après, il y a toute l'économie des éditos qui est encore un autre sujet. En vrai, c'est bizarre, cette économie. C'est un peu comme ça. C'est un équilibre constant à trouver entre tes moments créatifs, où tu es bien et du coup, il faut en profiter, il faut produire à fond, faire des pubs pour avoir de l'argent, pour injecter dans tes projets, mais pas en faire trop pour que tu aies du temps de faire tes projets. Et quand tu fais tes projets, si après tu fais trop longtemps que tes projets, t'as plus d'argent, donc du coup après t'es inquiet, du coup après tu penses que t'es nul et qu'il faut que tu changes de métier. Et tu passes ton temps à faire un peu ça. J'ai le sentiment que les femmes photographes ont moins un esprit concurrentiel que les garçons photographes. C'est vraiment un ressenti personnel, mais je vois autour de moi... Là, dans ma génération, on a tous passé 30 ans, donc je trouve que tout ça se calme beaucoup. Tu sens que plus tu grandis, plus tu es mature et tu es à l'aise dans ta pratique. Du coup, de plus en plus, la concurrence est quelque chose avec laquelle tu te détaches. Mais en tout cas, plus jeune, entre mes 20 et 30 ans, je trouvais que les filles photographes, on était beaucoup moins stress. Et ça, je pense que là, c'est un truc sociétal. On pourrait parler vraiment de patriarcat, de la notion de qu'est-ce qu'un mec, la société lui demande, elle lui demande d'être le meilleur. Donc du coup, tous les photographes garçons, ils veulent être incroyables. Ils veulent être vraiment des stars. Ils veulent avoir des couves. Et ils sont stressés s'ils le sont pas, ça sera un échec de ne pas être une star. Alors que les filles, comme de toute façon c'est que les gars qui sont des stars, on est juste en mode mais si nous on nous laisse tranquilles et qu'on gagne notre vie et qu'on vit tranquille en faisant ce métier-là, on a gagné. On n'a même pas cette pression parce que le haut du podium n'est même pas attribué aux femmes. Donc ça nous relaxe. Nous le but c'est juste d'être une artiste et de vivre de ça. Donc j'ai toujours eu moi ce ressenti dans mon entourage. Du coup, la concurrence était moins problématique pour les filles. Le futur, c'est que j'aimerais déjà sortir de ces projets qui dorment et qui ont maturé pendant toutes ces années. Depuis quelques années, comme j'ai repris une pratique assidue du dessin et de la peinture, j'ai envie que ça vienne aussi dans ma pratique, que ça prenne de plus en plus de place. Et j'aimerais pouvoir mélanger les médiums. Ça, je trouve que... C'est un truc où c'est pas encore facile en France. Quand on parle avec des gens de l'art, c'est un truc qui revient toujours, c'est très catégorisé, même par rapport à ton médium défini, où t'appartiens, à quel type, même à quel prix, etc. J'aimerais bien, je pense que je suis pas la première qui va le tenter, je sais pas si je vais y arriver, mais pouvoir continuer comme ça, de mélanger de plus en plus, et faire des livres, faire des expos, ça serait bien que je m'y mette. et continuer à faire mon travail de photographe. Et le film, je ne sais pas comment je vais y revenir. Je pense qu'il faudrait que ça passe par l'écriture, mais ce sera dans un second temps. Je vais voir. À titre personnel, je suis assez optimiste. Je trouve que je suis dans un bon moment de ma vie et je sens que c'est un peu un nouveau... Là, je me suis fait 3-4 années, un peu gestation, tac, tac. travaille des choses et tout, et que là, j'arrive un peu à un nouveau chapitre où je me suis prête à les montrer. Peut-être que j'ai un petit peu moins de pudeur. Il y a un petit truc qui s'est enlevé, qui s'est amoindri à ce niveau-là, qui me permet de me sentir enfin prête à vraiment partager les choses et que c'est le bon moment. Donc ça, c'est super chouette. Mais après, j'avoue qu'à l'échelle du monde, je ne suis pas méga optimiste. Je suis optimiste à ma petite échelle perso, mais non. Oui, en ce moment, je suis en quête. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Share

Embed

You may also like

Description

J’ai toujours trouvé les photographies d’Emma Le Doyen intrigantes, accessibles et esthétiques à la fois. C’est ainsi que la photographe définit aussi ses images : elle recherche la beauté dans le quotidien, les choses à la fois simples et “pudiques”. Dans ce podcast, je la trouve spontanée, surprenante, touchante et drôle.


On découvre sa grande passion pour les définitions, son histoire de vie — de son enfance immergée dans un milieu artistique (et non intellectuel, selon elle) à un parcours scolaire chaotique — qui finalement la dirige vers ce qu’elle aime par-dessus tout : créer, que cela soit au départ en dessinant qu’en photographiant. D’ailleurs, l’artiste évoque l’une de ses premières expériences en photographie de nuit avec ses amies ainsi que son amour pour la photographie argentique, qu’elle découvre d’abord en noir et blanc puis en couleur.


Emma nous entraîne également dans ses projets personnels, ses obsessions et ses réflexions sur la mémoire, le temps et l'authenticité de ses souvenirs capturés en images. Durant toutes ces années, elle continue de développer et nourrir un travail personnel qui se concentre principalement sur des projets au long cours où le temps est en effet essentiel. On pense au livre HécatombeTV, où elle photographie pendant près de 10 ans toutes les télévisions cathodiques abandonnées dans la rue. Il y a aussi son projet de cœur, Marcelle, sur sa grand-mère, qu’elle documente pendant près de 11 ans.


Tous les projets photographiques personnels en cours d’Emma sont souvent empreints d’une forme de mélancolie douce, comme si les reliques pouvaient devenir remèdes. Dis moi au revoir, son premier projet auto-édité paraîtra courant octobre 2024. C’est le récit poétique et métaphorique de la vie d’un sentiment amoureux. Et c’est aussi dans cette dynamique qu’elle reprend un travail plastique et ajoute le dessin à sa pratique quotidienne.


Au début, je parlais de photographies “esthétiques” pour décrire le travail de l’artiste. Dans le podcast, elle nous rappelle l’une de ses définitions : L'esthétique (ou théorie des arts libéraux, gnoséologie inférieure, art de la beauté du penser, art de l'analogon de la raison) est la science de la connaissance sensible.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production Noyaux Studios Vous écoutez Vidyon, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d'occasion. On vous a mis un lien dans la description de ce podcast, peu importe la plateforme que vous utilisez, et sur notre site vision.photo. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    C'est une photo qui représente des fleurs qui sont fanées et jetées dans une poubelle. Le sac poubelle est en plastique violet et la lumière passe au travers. Il est au flou beaucoup, donc on ne l'identifie pas tout de suite. Je pense au premier regard comme un sac plastique, comme un sac poubelle. Il y a un bourgeon au milieu de l'image qui semble pas vraiment fané par rapport au reste de la branche et qui ressort comme ça, qui attire l'attention. La photo pour moi, elle dégage quelque chose d'assez poétique et très délicat. Et elle est bien représentative de ce que j'aime dans la photo, c'est comment on peut mettre son regard sur des choses du quotidien, très banales, et par un instant, un peu comme ça, une lumière qui passe, leur donner quelque chose de plus magique et poétique, et que les images racontent une nouvelle histoire. Et cette lumière-là, ces couleurs-là, je les aime beaucoup parce qu'elles ont un... Quelque chose d'un peu magique pour moi, elle correspond à la fin de la journée, au début des journées. Et c'est vraiment ces instants très courts à capter. Même si là c'est artificiel dû au plastique, pour moi c'est des tonalités qui font vraiment référence à un petit moment de magie. Donc voilà, c'est une photo que j'aime beaucoup et qui fait partie d'une série, d'un livre que je vais bientôt sortir. Je m'appelle Emma, je suis photographe, je vis à Paris. J'ai grandi à Paris. Je pense que mon rapport aux arts plastiques, en général, il a commencé très jeune. J'ai commencé à dessiner très jeune, vraiment toute petite. C'était une de mes activités préférées. Et j'ai évolué dans un univers très créatif et artistique. Dans l'enfance, à Paris, ma mère était costumière, puis créatrice de robes de mariée et de scènes. Et mon père est comédien. Donc mon enfance, elle est très remplie d'images. Il y a un rapport à l'image qui est fort. Il y a beaucoup de tissus, de couleurs, de décors, de lumières. Je passe beaucoup de temps dans l'atelier de ma mère, qu'elle a toujours, qui est dans le 18e. ou en répétition avec mon père. Les images sont présentes et mes parents ont des goûts assez particuliers. Ils sont un peu barrés quand je suis jeune. Chez moi, il y a beaucoup de bondieuserie, il y a des tableaux. Ma mère adore vraiment l'histoire du costume. Il y a beaucoup de livres de l'histoire du costume, de photos de plateaux d'Hollywood, etc. Et mon père il joue, il adore jouer, il a genre joué dans des pièces de cap et d'épée, il fait de l'escrime et il monte à cheval. Donc voilà, c'est un peu des chevaliers quoi. Et voilà, donc il y a beaucoup d'images et c'est très créatif. Donc je me sens assez vite dans un univers où c'est naturel de dessiner, de faire de la peinture. et mes grands-parents qui me gardent beaucoup. J'en ai qui sont en Picardie, eux qui ne sont pas du tout familiers à cet univers-là, mais j'ai ma meilleure amie qui devient ma famille aussi un peu d'adoption, et dans sa famille, elle, tout le monde dessine. Son père dessine, sa mère est illustratrice, donc très vite on a ça. C'est le dessin qui est mon point de départ avant la photo, c'est d'abord ça. Et après, la photo arrive un peu plus tard au collège. C'est assez drôle l'histoire comment arrive la photo parce qu'avec une de mes meilleures amies Morgane, on décide de commencer à faire des photos. On fait un jeu et en fait on va... Dans le métro, il y en a une qui bande ses yeux et qui tourne l'autre devant le plan du métro, et elle s'arrête sur un point de la maps de métro, et là on prend le dernier métro. Et après, le but, c'est qu'on doit revenir chez nous. Je commence la photo par la photo de nuit, à la fin du collège. Et on doit revenir jusqu'à chez nous, et ça nous fait découvrir. Parce que moi, j'ai grandi dans le 18e, et en bon parisien, on met hyper longtemps à sortir de son quartier. Franchement, le périmètre est très très petit pendant pas mal d'années, et quand on commence à avoir un peu le droit d'avoir une carte de métro, de sortir... On ne dit pas où on va à ses parents et en fait on va à l'autre bout de Paris en pleine nuit, bref. Donc je commence à faire des photos comme ça, en argentique et que du noir et blanc, genre que en 3200 ou 1600 ISO. Et là l'approche elle est vraiment de faire des photos, je pense que j'ai grandi avec les photos de quartier Bresson. Vraiment le côté de douaneau, tu vois. Je ne sais pas, pour moi, c'est ça la photo. Au début, c'est le noir et blanc. C'est les cartes postales qu'il y a en bas de chez moi. Moi, j'habite à Montmartre. Je suis à l'école devant le funiculaire et il n'y a que des cartes postales. Et c'est ce Paris-là. Donc, quand on commence à faire des photos avec Morgane, on essaye de faire ce genre de photos. Des amoureux sur le pont Alexandre III, un peu flou, en noir et blanc. Et on fait ça. Et c'est très drôle, on s'amuse bien. Mais on ne fait vraiment pas beaucoup de photos, on n'a pas d'argent. Pour nous, une péloche, ça doit durer presque deux jours. Mais c'est comme ça que ça commence. Et à la fin du collège, je suis très mauvaise à l'école. Je suis considérée vraiment comme une cancre. J'ai des gros problèmes de concentration, je ne fais que dormir. C'est pas du tout pour moi l'école. Ils ne veulent pas que j'aille en général. Les profs décident qu'il faut que j'aille dans un truc technologique et j'ai ma prof de dessin qui me rattrape et me chope dans les couloirs et me dit tu ne vas pas du tout les laisser faire. Merci Madame Parent parce que je pense qu'elle m'a sauvé la vie. Tu ne te laisses pas faire, tu vas aller à Renoir et tu vas demander un brevet de technicien parce que tu n'as pas le niveau pour aller en art appliqué. Donc tu vas aller faire ce concours et c'est ça que tu vas faire. Et je l'écoute. Et du coup, après le collège, je fais un brevet de technicien au lycée Auguste Renoir, qui est place de Clichy, donc je reste dans mon quartier. Et c'est un diplôme qui n'existe plus, mais c'est l'ancêtre du graphisme. Donc on apprend vraiment à faire de la maquette à la mine bleue. C'est assez désuet déjà, mais il y a 18 heures d'art plastique par semaine. Donc je fais du nu, des dessins de composition, j'ai 6 heures d'histoire de l'art et j'ai 6 heures de photo, avec histoire de la photo et du labo, et de la prise de vue et du studio. Et là c'est l'éclosion totale de ma vie, ça devient vraiment les meilleures années. Je pense que ça restera pour toujours certaines des meilleures années de mon existence. Et c'est là, je ne sais pas, je me libère, je me découvre. Ah oui, mais en fait, je ne suis pas du tout nulle à l'école. C'est juste que je me faisais chier. Et ça devient vraiment des années qui sont formidables. Et je découvre là, la photo. La vraie photo, parce que pour moi, c'était un truc un peu noir et blanc, les cartes postales. Même mes parents, ils n'avaient que des livres hyper... Très l'histoire du théâtre, très Hollywood. Donc en fait, c'était très en noir et blanc. J'avais un peu une image où la couleur, c'était les catalogues. La couleur, c'était la vente. Il y avait quelque chose de l'ordre. Même ma mère, elle faisait des robes. Donc mon père faisait les photos des robes de ma mère. Les robes de Marielle, mon père faisait de la photo aussi. Et il faisait de la couleur pour vendre des trucs. Et pour moi, les livres, l'art, c'était en noir et blanc. Et en cours de photo à Renoir, je découvre la photo de couleur, la photo documentaire de couleur. Et là, je pense que c'est mon énorme coup de foudre. Je situe à ce moment-là un truc... Waouh, waouh, ça c'est un truc de dingue. Et je me souviens que mon premier crush de lycéenne, c'est Martine Parr. Tout d'un coup, Martin Parr, il est super pop. Il fait des images qui sont très colorées, très saturées. Il y a de l'humour, il y a un peu de cynisme, il y a un côté un peu provoque dans son approche de la photo. Et si tu replaces dans le contexte où je suis ado, et en plus à l'époque, c'est vraiment la mode, c'est le début des fluo kids, on s'habille en années 80. Il y a tout un univers visuel sur le côté un peu comme ça, flash et pop et presque un peu mauvais goût, qui est complètement dans le moment. Donc là pour moi c'est genre Waouh ok ça c'est vraiment ça tue C'est comme ça que je commence à faire de la photo de couleur Mon lien avec la couleur, c'est très instinctif et simple, mais moi je vois en couleur, donc j'ai envie de me souvenir en couleur. Quand je fais des photos, j'aime retrouver ce qui sur le moment m'a accrochée. Et voilà, il y a ce rapport hyper primaire, je vois en couleur, j'ai envie que ce soit en couleur. Le noir et blanc, pour moi, il met une distance totale. J'ai l'impression que le noir et blanc, il fiche quelque chose, il met un mur. Ça transforme la sensation de l'instant. D'ailleurs, quand je fais des chromis, puisque je fais beaucoup mes chromis avec mes scans, ma question, c'est toujours... c'était quoi déjà ? C'était quoi la couleur que j'ai aimée ? C'était quoi la lumière qui m'a plu ? Parce que quand on fait des scans, on a un panel, on pourrait faire n'importe quoi, mais moi j'aime bien aller dans mon souvenir. Et voilà, c'est pour ça que la couleur, ça a marché chez moi. Je pense que ça met du temps de savoir ce que tu aimes faire en photo. C'est un processus assez long en fait. Si je reprends le fil, après avoir eu ce crush sur Martin Parr, j'ai découvert d'autres photographes documentaires. Ça a un peu effet évolué mon approche, notamment Ernst Haast ou Joël Meyerowitz ou William Eggleston, où j'avais l'impression qu'ils avaient un rapport plus doux, un peu moins cynique, un peu moins comme ça provoque, et qu'il y avait une espèce de douceur et de poésie du quotidien, où là je me suis vraiment retrouvée. Je pense que c'est dans cette direction après que j'ai commencé à me tourner. Ça m'a donné un peu une voie, une porte à suivre où on pouvait faire des photos dans notre quotidien et être plus doux et raconter des choses, je ne sais pas, simples et pudiques. C'est à partir de là où j'ai commencé à faire de la photo couleur vraiment régulièrement de mon quotidien, de mes déplacements. etc. Plus j'étais grande, plus j'avais de l'argent pour faire des photos. Au début, tu mets une pellicule, elle dure deux semaines, trois semaines, puis au fur et à mesure, tu t'autorises à en faire de plus en plus. Et je dirais que mon rapport à la photo, il est assez quotidien, simple, assez personnel. Mais après, c'est avec le temps, aujourd'hui, que j'arrive à me dire, ouais, il y a des thématiques qui ressortent, il y a des thèmes... J'ai un rapport en fait assez primaire à l'idée de la sauvegarde, si je capture je sauve, du coup c'est un peu un endroit où je peux comme ça garder des moments, garder des endroits, garder des souvenirs et en fait le souvenir... est présent dans toutes les photos et les séries personnelles que je fais. Mais ça, il a fallu du temps pour que je m'en rende compte. Sur le coup, on fait des photos et on a envie de faire des trucs. On est jeune, on se dit tiens, je vais faire un fanzine, je vais faire un machin. Après, j'ai commencé à travailler. J'avais besoin de gagner de l'argent. Donc la commande est venue. Je me suis dit mais je peux gagner ma vie en faisant des photos. Waouh, c'est un truc de ouf, c'est ça que je vais faire. Et là, on expérimente, on va à plein d'endroits. On fait un peu... Des portraits de la mode un peu selon les rencontres. Et c'est il y a quelques années, j'ai eu un espèce de moment... Moi j'en ai eu trop marre de faire de la commande et j'ai ressenti un espèce de manque abyssal de me concentrer sur des trucs qui me touchent et qui sont personnels et je me suis vraiment posée. Du coup ces quatre dernières années j'ai bloqué du temps, j'ai pris un lieu pour travailler là-dessus et j'ai travaillé un petit peu moins pour avoir de l'espace pour faire quelque chose et je me suis rendue compte là que ça faisait des années que je faisais des photos, que j'avais des thèmes, que j'avais des... des projets dans des boîtes comme ça et qu'en fait, oui, tous, ils avaient ce point commun d'être liés aux souvenirs, de parler du temps. J'adore travailler en argentique. Je travaille... essentiellement en argentique. Je pense qu'il y a plusieurs facteurs. Déjà, j'ai commencé à l'époque où il n'y avait pas de numérique. On entendait parler du numérique, mais c'était un truc hyper professionnel. C'est comme ça que j'ai commencé la photo. Je pense qu'il y a une espèce d'affection, de point de départ. Ensuite, en toute honnêteté, je pense que je trouve ça plus beau. Et que ça, c'est un peu un truc simple. Il n'y a pas à dire, c'est beau. Et aussi, j'aime bien les pellicules. J'aime bien le rapport au nombre précis que la pellicule impose. Et j'aime bien avoir 10 vues ou avoir 36 vues. Je trouve que ça met beaucoup plus d'intention, ou d'attention à la photo qu'on prend. Et que du coup, tu lui donnes plus de valeur, elle est plus précieuse. Quand on part à un endroit, parce que moi j'adore faire des photos, dès que je bouge j'ai toujours un appareil photo, et de réfléchir à combien de pêloches je prends. combien de vues j'ai, pour combien de temps, j'ai l'impression qu'elles ont plus d'importance. Et que quand je fais du numérique, il y a ce truc, tu cliques là, et tu fais trop de photos, et du coup, elles manquent de sens. Mais voilà, moi en tout cas, ça me canalise. Alors par contre, moi je fais pas de laboratoire. Je sais que certains diront que c'est pas bien. Mais j'ai essayé et en toute honnêteté, j'ai trop la flemme. J'arrive pas à dégager du temps. En fait, j'ai commencé à faire ça parce qu'à un moment... Il y a quelques années, il n'y avait pas ce délire de faire du labo à fond, faire du tirage tout seul. Mais je ne sais pas, il y a eu un petit moment, vent, poupe, on se remet tous à faire du tirage et du labo. Et donc je me suis dit, je vais essayer moi aussi, parce que je n'avais pas fait de labo depuis Renoir. Et en fait, j'ai vu que ça allait être un temps, mais un temps avant que je maîtrise et que je sois à l'aise et que je fasse des trucs que j'aime. Ça allait être beaucoup de temps et d'argent. Et moi, ces dix dernières années, j'ai aussi fait des films, j'ai fait des clips, et je fais toujours beaucoup de dessins et je fais de la peinture. Et en fait, je me suis dit, qu'est-ce que je veux, où je veux mettre mon temps ? Et j'ai décidé que j'allais continuer à travailler avec des labos professionnels et des tireurs professionnels. Et comme ça, j'allais avoir du temps pour peindre et pour dessiner. Donc c'est vraiment une décision de pratique. Voilà, mais j'aime beaucoup faire mes chromis. Chez moi, j'adore faire mes chromis avec mon jogging, mon café, ma série d'enquête de Arte en fond. Et je crois que c'est ça, j'aime bien le confort. L'envie de mélanger des médiums et de vouloir ajouter des trucs, je pense que ça fait partie de ces quatre dernières années où j'ai pris un atelier du temps. Ça me permet aussi de me permettre plus de liberté dans les expérimentations. Et j'ai envie d'y aller de plus en plus parce que je trouve que ça croise aussi des endroits où je suis à l'aise. J'ai fait des études de graphisme, je fais du dessin, je fais de la photo. Si on peut faire des ponts et des rebonds, je trouve que c'est intéressant. Et après, moi, j'ai un rapport, je ne l'expliquerai pas trop, est-ce que c'est mes études, est-ce que c'est juste mes goûts ? Mais quand je fais des photos, je les accumule. Puis au bout d'un moment, quand ça devient pour moi un projet et que je peux les rassembler, je les imagine toujours éditées. Pour qu'une série existe, dans ma tête c'est un livre. Il y a toujours cette idée que c'est un projet d'édition projeté qui devient que la série tient ensemble. Encore plus que l'exposition, le livre enferme quelque chose de... Je me souviens que quand j'ai commencé à faire de la photo jeune, mon truc c'était je vais faire des livres. Et avant même de formuler, je vais travailler ou je vais faire des commandes ou je vais faire des trucs comme ça, c'était vraiment genre le livre. Donc je pense toujours avec l'idée d'édition et ça m'aide, ça structure un peu. Alors aller de plus en plus tenter des choses en graphisme et s'autoriser des choses, ça fait un peu sens du coup. Mais pour l'instant je suis à un niveau expérimental de cette chose puisque le seul... Le seul début de projet où j'ai commencé à le faire, c'est la série Décor Réel, qui est complètement un projet en cours. Moi, c'est en cours de développement, de prise de vue. On verra quand est-ce que je décide que c'est fini, sûrement dans dix ans. Effectivement, je suis attachée à l'esthétique. Et je ne le vois pas comme un truc péjoratif ou un gros mot, si on le prend au sens simple, d'aimer, d'être un peu dans une quête entre le contenu et le contenant, la forme et le fond. J'aime que ça me plaise. Et si je le mets en opposition peut-être à des gens qui vont avoir une approche où le fond doit primer sur la forme et que c'est ça qui importe, moi j'avoue que... Si je suis sincère, non. Je suis sensible au rendu visuel et je m'exprime très visuel. Mais peut-être aussi parce que je me suis beaucoup exprimée avec les images dans la vie et ça a été beaucoup mon langage, donc j'y ai peut-être mis ça. La définition de l'esthétique, c'est vraiment la science du sensible. C'est l'étude de la sensibilité et des sens. Donc en fait, ça fait sens, du coup. Mais si c'est cette approche-là qu'on a, oui, je l'aime. Après, je sais que de toute façon, le goût est subjectif, donc tout ça est vraiment une histoire de sensation. Mais j'aime bien que les choses me plaisent. Et je pense que chez moi, aussi par mon éducation, mes parents se sont beaucoup communiqués comme ça, avec les images. Ma mère, elle est autodidacte, donc elle a grandi en Picardie. Elle est venue à Paris, elle a commencé à coudre, donc elle vient pas des mots. C'est vraiment quelque chose de très instinctif, etc. Et je pense que j'ai grandi avec ça, où chez moi, il n'y a pas un background. Ça fait bizarre de dire ça, mais il n'y a pas un background intellectuel, de savoir. Mes deux parents viennent de classes moyennes ou populaires et ils ont décidé d'être des artistes, un peu comme ça, super jeunes. Je suis la plus diplômée de ma famille, par exemple. Ils n'en parlent jamais, ils s'en foutent. Mais du coup, le sensible et le visuel, ça a été vraiment, je pense, le langage. En ayant grandi à Paris, j'ai été confrontée à, bien évidemment... plein de sociologie de gens et notamment aussi par mes études, un rapport plus intellectuel de l'art. Et ce n'est pas ça chez moi. Mes parents, c'est des artistes à le temps bon instinctifs. Ce n'est pas la même chose. Et d'ailleurs, quand je suis arrivée à Dupérez, parce qu'après j'ai fait un DSA, ma fin de diplôme, c'est un DSA supérieur d'art appliqué, je devais écrire un mémoire et ça a été hyper dur. Ça a été les deux années, mais j'avais envie de... mourir, c'était terrible parce que j'étais incapable d'écrire en mémoire et puis en plus moi j'avais fait un BT donc j'avais pas fait de philo et du coup on avait genre 5 heures de philo j'en avais jamais fait de ma vie en bac plus 2, tu commences avec des gens tous les gens ils avaient fait L j'étais à la masse totale et j'ai vraiment bien ramé pour attraper la barque parce que chez moi il n'y a pas ce truc que les mots, les textes, c'est plus comme ça à l'instant. Décor réel, c'est une série de photos de paysages qui sont essentiellement des paysages de montagne et un peu de campagne et de mer qui ont le point commun d'avoir... En fait, quand je les ai prises, j'ai trouvé que c'était incroyable et que ça ne ressemblait pas à la réalité. Et en fait, le point de départ de cette série, ça a été de réunir ensemble toutes ces images qui renferment cette émotion au moment de la prise de vue qui est de me dire que ce n'est pas vrai tellement c'est beau. Et ça m'a fait réfléchir et questionner. J'étais en montagne avec un ami qui me dit Arrête de dire que ce n'est pas vrai, c'est ça la vraie vie. Et moi, cette phrase est restée. Je me suis dit Pourquoi je n'y crois pas ? Je trouve que c'est beau et que c'est dehors. Et je suis remontée à un souvenir d'enfance, bien évidemment. Et en fait, quand j'étais petite, j'ai grandi à Paris avec des parents pas du tout outdoor activities. C'est vraiment... Il n'y avait pas d'extérieur. En plus, ils travaillaient l'été. Mon père était toujours en train de faire des pièces de théâtre tout l'été. Ma mère avait toutes ses livraisons de robes de mariée. Ils étaient très occupés l'été. J'étais envoyée chez mes grands-parents. Chez mes grands-parents, on restait dans la maison avec un jardin avec des haies taillées. Mon rapport à la nature, c'est un jardin avec des haies qui sont taillées, avec des fleurs dans des bacs. avec des petits murets, et that's it. Et genre, c'est ça la nature. Et quand mes parents arrivaient à la fin de l'été, ils dormaient en fait, ils dormaient sur un transat et c'est tout. Et quand j'ai eu 30 ans, j'ai eu un espèce de reminder où en CM1, j'avais fait une classe de nature dans les Pyrénées. Et j'avais trouvé ça incroyable. Je m'étais dit, mais c'est un truc de fou. Genre, c'est un film. Et j'avais... toute cette espèce de souvenir nébuleux de cette classe de CM1, c'est de trouver que c'était hallucinant tellement c'était beau la montagne. Et j'avais l'impression qu'il y avait des fées qui allaient sortir de chaque rocher, qu'il y avait plein de rivières avec des gros rochers ronds. Et pour moi, tout était fantastique. Du coup, j'ai eu une espèce d'envie, genre il faut que je devienne cette personne. J'ai envie de connaître la montagne, j'ai envie de connaître la nature. En quelques années, je suis devenue une espèce de passionnée de randonnée. J'ai fait de la voile. Je me suis mis à vraiment être, il faut que j'aille découvrir tout ça. Et il y avait toujours cette émotion-là. Et donc, j'ai réuni toutes ces photos avec cette émotion. Et pour moi, ça questionne. Le nom est un jeu de mots aussi, puisque c'est un peu du vocabulaire du théâtre. Plutôt du scénario, est-ce qu'on shoot en studio ou en décor réel ? Et c'est pour ça qu'elle s'appelle Décor Réel. C'est pourquoi tout ce naturel était pour moi plutôt de l'ordre de la fiction. Quand j'ai commencé à réunir les photos qui ont créé ce travail en cours de décors réels, j'ai découvert la notion de sentiment océanique, qui est une notion de Romain Roland, qui est un écrivain et qui écrit avec Freud. Il était inspiré de Spinoza et il avait parlé de cette notion psychologique-spirituelle qui ferait que... En face de paysages, lui il parlait de l'océan à la base, mais ça peut aussi être un point de vue. Tu étais transportée par une émotion, une impression de ressentir une unité avec l'univers, voire une unité avec l'éternité. Et ça m'a trop parlé, parce que du coup, dans cette idée d'éternité, moi je faisais une association à quelque chose qui n'est pas vrai, qui est fictif. Et cette sensation d'un truc qui est au-dessus de ton quotidien. J'ai trouvé que c'était... ça m'a inspirée, ça m'a fait continuer en me disant Ouais, je veux continuer de réunir ces photos, il y a un truc à faire avec. Mais c'est un projet en cours. Encore une fois, j'ai encore plein de sentiers, de montagnes à traverser. Dis-moi au revoir c'est un projet de livre que j'ai commencé un peu par hasard. En fait, je voulais envoyer un autre projet à un concours. Et puis à la fin, je me rends compte qu'il faut deux projets pour pouvoir participer au concours et peut-être avoir de l'argent. Et il est genre 19h et la fin des inscriptions, c'est à minuit. Donc je me dis, il faut que je trouve un truc en deux secondes. Qu'est-ce que j'ai qui traîne ? Et je décide d'ouvrir un dictionnaire, parce que j'adore les dictionnaires. Et je regarde le mot déception, parce qu'à l'époque, j'étais... Je venais de vivre une rupture amoureuse et j'étais vraiment en déception permanente. Je vais voir le mot et je trouve que la définition est vraiment... trop drôle et je me mets à vouloir la mettre en image. Je crée une séquence de 10 images, j'envoie le truc dans la nuit, je perds ce concours et je laisse un peu reposer. Et un an plus tard, j'ai des nouvelles images et je me souviens de cette séquence et je veux les ajouter à la séquence. Donc je reprends ces images-là des mois et des mois après. J'en ajoute des nouvelles et là je me dis non mais en fait, j'ai envie de faire vraiment... Un film complet qui raconterait l'histoire d'un sentiment amoureux, de sa naissance à sa mort et à sa renaissance, et qui pourrait comme ça, par séquence, créer des différents moments qui traversent sa vie. Et je me suis mise à réunir des images qui sont séparées par actes et qui pour moi... correspondent à un moment et les images racontent ce moment vraiment juste par les tonalités et les émotions qu'elles enferment. Et voilà, ça fait ce projet Dis-moi au revoir Dans mon quotidien, toute seule, malgré moi, je pense que si on réfléchit, si on regarde... On regarde avec l'état dans lequel on est, déjà de base.

  • Speaker #0

    Donc c'est d'ailleurs, bref, je pense la même chose avec l'amour, je pense que tu rencontres les gens que tu es prêt à rencontrer et puis tu vois pas ceux que tu es pas prêt à voir. Donc je pense que quand on se balade avec un appareil photo c'est un peu la même chose, on voit des choses qui correspondent au moment ou à notre sensibilité de ce moment. de facto, elles contiennent une émotion. Après, c'est hyper subjectif et personnel, et ça ne va pas forcément être reçu par les autres de la même façon. Ça, tu n'as aucun contrôle. Mais je pense néanmoins qu'en tant qu'humain, on a un socle commun de lecture. On a une grille de lecture tous ensemble. Donc il y a des divergences, mais il y a quand même plein d'endroits où on peut se retrouver, notamment là sur 10 mois à voir. C'est vrai qu'au départ, c'est parti d'un... d'un moteur assez personnel de moi je suis déçue, je suis en déception amoureuse, je vais faire un truc là-dessus La définition, elle dit que c'est le sentiment Un happiness, donc de tristesse, parce que quelqu'un ou quelque chose n'a pas été assez bon comme tu l'avais espéré, ou n'est pas arrivé comme tu l'avais espéré. Après, il y a une phrase en anglais, parce que c'est une définition anglaise, He could see the disappointment in her eyes Et j'aimais bien parce que c'était lui qui peut regarder dans ses yeux au féminin. Et après, c'est Someone or something that is not good as you hoped or expect Et la dernière phrase c'est le film était décevant, ce que j'ai trouvé vraiment drôle. Au début de ce travail, mon approche tout début elle est un peu scénique. Et en fait au final... En reliant ces séquences, je les trouve super sensibles. Je me rappelle de choses, ça me remet dans des émotions. Je me rends compte que ce n'est pas si perso que ça. C'est un truc universel. Autour de moi, tous mes amis ont vécu ça. En plus, c'est un sujet de conversation sans fin. On adore parler de ça. Quand ça va bien, quand ça va mal, quand c'est le passé, c'est quelque chose qui nous réunit. Et du coup, tout d'un coup... Le début un peu égotripe, cynique, qui s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus ouvert et beaucoup plus poétique et qui s'adresse à tout le monde. Et c'est pour ça que je pense que j'ai voulu parler d'un sentiment amoureux, parce que je voulais que ça ne soit pas un personnage de la relation classique, qui se tend amoureuse, un garçon, une fille, une fille, etc. Mais deux personnes. Et je préférais que ce soit le sentiment qui est presque un peu extérieur. Et je pense que ça correspond bien à ma photo parce que je suis assez pudique. Dans mon rapport à la photo, c'est sûr que je parle... Je pense que dans mes photos, il y a beaucoup d'émotions. Comme je l'ai dit, il y a du souvenir, il y a de la mémoire, mais ce n'est jamais très démonstratif. Il y a peu d'humains. Les humains, ils sont souvent de dos, ils sont souvent un bout de main. J'ai un rapport à la photo, je ne sais pas, je ne l'explique pas trop, mais je suis assez pudique. Donc, j'essaye de parler de plein de trucs, mais avec un peu toujours une... Il y a toujours une petite distance, mais qui est pour moi une distance juste de... Je sais pas, ouais, de réserver une forme d'anonymat. Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant dans le fait d'être un peu anonyme, c'est que ça ouvre le champ aux autres, et ça ouvre le champ à toutes les lectures et au possible, et ça fait que cette image, elle peut te rappeler un souvenir à toi, et tu peux y mettre un truc à toi, tu vois, elle est un peu plus vague. Je pense que c'est ça qui est intéressant quand tu fais des photos pendant 10 ans, 11 ans, c'est que le point de départ de vouloir les prendre, il évolue au fur et à mesure. Au début, j'ai pris des photos de ma grand-mère parce que je l'aime et que j'avais envie de la prendre en photo. Et ma grand-mère, c'est vraiment une... Une taiseuse de Picardie qui parlait pas... Enfin, elle parlait de trucs genre les patates, les tâches à faire, mais elle parlait pas des vraies choses. Elle était très mutique quand il s'agissait d'elle. Donc je pense qu'au début, il y a une envie comme ça de la documenter, un peu pour peut-être aller chercher... poussé la relation intime et que ça allait faire qu'elle allait s'ouvrir. Je pense que le point de départ, c'est ça. Après, je me suis rendu compte que ça n'allait pas du tout me faire apprendre plus de choses sur elle. Mais c'est installé ce rapport-là. Et en plus, elle me laissait vachement faire. Elle aimait bien que je la prenne en photo. Donc ça a été aussi un échange un peu silencieux entre nous. Et ça s'est installé et au fur et à mesure du temps, je me suis rendu compte que j'étais en train de vraiment dresser son portrait et le portrait de ma grand-mère et de son territoire. Mais voilà, de chez elle, de sa campagne, de autour, des vues, et qu'il y avait comme un portrait au sens large. Et une fois qu'elle était partie, je me suis rendu compte que là, j'étais vraiment en train de parler de plein de choses en même temps, puisque ça racontait aussi être une femme. qui est âgée, qui vit seule. Mon grand-père, il est décédé quand j'avais 11 ans, donc elle a été très très très longtemps veuve. Et c'est aussi cet aspect-là, d'être, de vieillir seule, de vieillir seule dans ce type de décor, ça parle du temps, du temps qui passe. Et le livre que j'ai envie de faire, il n'est toujours pas fait, parce qu'il y a tellement de photos et je veux garder la répétition. Je veux garder... Il y a des choses que j'ai prises en photo. Plein de fois, la même chose. Et on voit la nature qui pousse, qui est coupée, qui repose, qui est coupée. Il y a des vues, par exemple, on allait tout le temps au cimetière, et le cimetière, il donne sur des champs, et ça en picardie dans une zone très rurale, et les champs, ils font de l'agriculture, ils tournent. Donc une année, c'est du colza, après c'est du blé, et même ça, j'ai des vues comme ça. Genre, j'aime vraiment ce truc-là, de la répétition, de l'accumulation. Mais je pense que je suis comme... Enfin, après, je suis comme ça dans la vraie vie. Je garde tout, je classe, j'ai du mal à me séparer des choses. Dans la série, j'ai fait une série dans la série, qui est un ensemble d'images de tous les bibelots que je préférais chez ma grand-mère, qui sont shootés sur fond blanc. D'ailleurs, c'est très loin de ce que je fais d'habitude, puisque ça ressemble vraiment à de la photo de nature morte, ce qui n'est pas du tout mon domaine. Mais ça, je l'ai fait dans une nécessité, vraiment. viscérales, parce que ma grand-mère venait de décéder. En fait, il y avait plein de bibelots chez elle, et ça a été un peu compliqué entre mes oncles et mes tantes, etc. Et il fallait vider très vite cette maison. Et donc, je suis allée aux obsèques. C'est pour ça que je ne vais pas être complètement folle, mais je suis allée aux obsèques avec un fond dans mon coffre, un fond et des pieds, et des trépieds, et mon appareil. Et le lendemain... des obsèques, moi je dormais dans la maison parce que j'ai toujours dormi dans cette maison et le moment des obsèques, j'ai pris en photo tous les objets que j'aimais tous les bibelots qui pour moi étaient qui racontaient des trucs d'elles et je les ai photographiés mais là vraiment dans une nécessité de ok, là dans 3 jours ça va être le gros bordel ça va partir dans tous les sens il faut que je le fasse maintenant qu'il n'y a personne et ce qui est fou c'est que psychologiquement moi ça marche Le fait que je les ai tous pris en photo, c'est ok. Je suis ok maintenant qu'ils soient partis, un peu partout. Que cette maison, elle ne soit plus là. C'est fou comment après, je ne sais pas, c'est thérapeutique, je pense que j'ai un vrai rapport comme ça aux choses. Mais même quand je regarde mes photos, ça me détend. J'ai l'impression d'être en connexion particulière tout le temps avec ma grand-mère. Ça m'a créé vraiment... C'est complètement... Enfin, c'est moi et moi, mais c'est comme ça que j'ai fait cette séquence. Et là, il y a une autre image comme cette séquence qui est une chaise en plastique qui était au fond du jardin. Et le jardin était vraiment le territoire de mon grand-père, donc il a été très très très abandonné après son décès. Il y avait cette chaise et j'avais quand même mes oncles qui passaient régulièrement pour couper le lierre, qui est super invasif. Et j'ai pris en photo cette chaise qui, de temps en temps, était délibérée, puis recouverte, puis redélibérée. Et en fait, mes oncles et tantes, ils ont su que je prenais en photo la chaise, donc ils l'ont laissée. Ils n'ont jamais bougé. Il y a le truc d'Emma, on va lui laisser sa chaise. Et donc elle a été là, comme ça, et j'adore cette séquence parce qu'on voit vraiment la nature. Il y a plein de saisons. Même le vert, il est chlorophylle au début de l'été. Il est foncé quand l'hiver arrive. Et je ne sais pas, ça, ça raconte beaucoup de choses pour moi. Je trouve qu'il y a un gros lien entre la photographie et la musique. Effectivement, dans les souvenirs, je trouve que tu arrives facilement à avoir des images quand tu fermes les yeux. J'arrive facilement à avoir des sons. Mais je trouve que les odeurs, c'est super dur de s'en souvenir. C'est vraiment le truc où on n'a pas de maîtrise. Et quand tout d'un coup, on passe dans un endroit... Moi, je sais que j'essaie avec les produits nettoyants. Quand je vais dans des toilettes qui utilisent le même produit nettoyant que ma grand-mère, ça me fait un truc de joie, d'émotion qui est beaucoup trop grand. Mais il faut qu'on sente les odeurs pour être reconnecté aux odeurs. Alors que je trouve que le son et l'image, notre cerveau, il arrive un peu à le créer tout seul. C'est assez intéressant. Et moi, je fais un lien plutôt entre du coup... Enfin, plus que la musique, je fais un lien entre la photo et le son. Parce qu'il y a des photos, j'ai des sons, mais des fois, c'est pas forcément de la musique. Ça peut juste être le bruit du vent ou les oiseaux ou ce genre de son. Par exemple, tout le projet de Marcel, j'entends la campagne. Et la campagne, ça a un son tellement particulier, la campagne française, avec ses coucous, ses clochers, il y a un truc, un tracteur au loin, je ne sais pas, je trouve que le bruit de la campagne, il est Madeleine de Proust de chez elle, de tout ce temps passé dans le jardin, mais du coup je le vois. Moi, tous mes grands-parents, c'est parce que j'en ai deux, et deux adoptés, et deux maternelles et paternelles, donc j'ai quatre grands-parents. Et moi, tous mes grands-parents, c'est vraiment... trop trop bien quoi mais je parle souvent de son en tout cas quand je pense à mes photos et il y a la notion forcément du rythme qui est assez un peu une notion commune de rythmer les séries, les séquences voilà pour créer un peu une série intéressante qui va changer de focus mais moi j'aime bien aussi parler de tonalité C'est un peu un mot que j'utilise beaucoup quand je parle de mes photos, et des photos en général, parce que j'aime trop ce mot, parce qu'il a trois sens qui pour moi sont... complètement adapté pour la photo. Il y a le sens premier qui est la musique. Et du coup, c'est vraiment cette idée de rythme, d'espace entre les notes, le sens musical, que l'on comprend bien. Et après, il y a le deuxième sens qui est la valeur moyenne des nuances, qui est plutôt en termes de couleurs, genre un tableau, les tonalités, donc ça parle de couleurs. Et le troisième sens, c'est l'impression générale particulière qui distingue un état affectif. C'est la tonalité d'un rêve. Et là, on est plus de l'ordre du sensible. Ce mot, il enferme pour moi le panel exact de qu'est-ce que c'est une série photo et qu'est-ce que c'est des images. Mon rapport au temps, il est du coup très différent. entre ce qui sont mes projets personnels et mon approche personnelle de la photo, où là je suis très très très lente. Mais je pense que ça va et à la fois par mes obsessions, comme je viens d'en parler, et aussi je pense qu'il y a une part de peur, de se lancer, j'aime bien faire des poses, j'aime bien reculer, franchement quand même, soyons honnêtes. Et mon rapport à la commande, c'est l'inverse, et ça c'est trop bien. Je pense que c'est... Dans la commande, il n'y a pas de temps, il n'y a jamais assez de temps. tu dois faire un portrait en 10 minutes ou en 20 minutes et tu dois faire une série de 16 images en une journée ou 35 looks quand c'est plus de la pub mais en fait ça me va parce que ça me relaxe c'est mon travail si genre je devais faire des projets que qui prennent 10 ans j'aurais envie de mourir donc j'aime bien avoir cet endroit là où je gagne ma vie en faisant des photos, et c'est ce que j'aime faire. Mais j'ai un cahier de décharge et ça va vite, ça sort vite. Je ne sais pas, il y a un côté aussi, je ne sais pas, ça relaxe. En tout cas, moi, ça me relaxe. Non, mais c'est ça, je pense que les cahiers de décharge, ça me rassure. On peut y rechercher le travail de commande. Il y a quand même, c'est un panel assez large. Il y a la presse, où là, je pense que... le pont entre mon travail personnel, en tout cas mon approche personnelle et ma sensibilité, et avec ce que je fais en presse, c'est là où c'est le plus évident. Et du coup, il y a des magazines avec lesquels je travaille depuis longtemps, comme Hobby. Là, on a trop de points communs. C'est-à-dire que l'équipe qui a fait ce magazine Hobby, c'est un magazine, pour recontextualiser, c'est un magazine qui parle des passions, des gens qui ont des passions. Et donc, il y a beaucoup de collectionneurs, il y a beaucoup de gens comme ça qui collectionnent, qui accumulent. Donc, ils ont un truc en commun avec moi. Donc, en fait, je vais prendre en commun... Sur tout notre travail, on a été rencontrer, prendre en commun des gens pour parler de choses qui les animent et qui peuvent être présentes. C'est assez jouissif comme travail de commande. Et en plus de ça, il y a une vraie… En DA, ils s'amusent, c'est très beau, les objets sont chouettes. Et là, le dernier hobby, c'est une fête, c'était une carte blanche où ils m'ont proposé… Il y avait une carte blanche, on avait tous le même commun qui était le rassemblement populaire. On parlait de rassemblement. festifs, populaires. Et moi, j'ai choisi la nuit des pêcheurs, qui est ma fête préférée à Toulon, où je vais presque tous les ans. C'est une fête avec plein de stands de nourriture de la mer, avec des pêcheurs, etc. Et on mange et on boit, et après, il y a tout le temps un groupe, c'est toujours les mêmes, qui s'appellent les coureurs de l'océan, qui reprennent tous les tubes, et ça devient un bal. Et il y a la moitié des tables qui sont repliées, et tout le monde danse, et tout le monde est hystérique. C'est vraiment bon. La folie ! Et cet endroit est très très drôle parce que les gens c'est clairement de zéro à 90 ans et c'est une énorme fiesta. Et quand ils m'ont dit la carte blanche, j'ai dit Waouh, je vais faire la nuit des pêcheurs parce que c'est vraiment mon endroit préféré Donc ouais, on a un rapport assez libre. Après, quand je fais du portrait, c'est autre chose. J'adore faire du portrait parce que je trouve que ça appelle aussi mon côté curieux. Je vais rencontrer des gens et je trouve que c'est vraiment un des aspects formidables de mon travail. Je me sens hyper chanceuse. C'est encore mieux quand je vais chez les gens parce que moi, je suis vraiment une grosse curieuse. J'aime bien voir leurs objets et tout. On a compris, je mets un peu d'affect sur les bibelots et les trucs comme ça. Donc quand je peux aller dans l'espace de quelqu'un, c'est... C'est le truc parfait. Et voilà, donc la presse, c'est quand même très connecté. Après, la commande-commande de mode ou de publicité, là, c'est un peu différent, parce que quand tu fais de l'éditorial en mode, je trouve que j'arrive à mettre beaucoup de moins. Là, je suis arrivée à un moment où ça y est, je suis passée par... Quand tu commences à faire de l'édito de mode, tu fais des tests, tu fais des trucs, tu expérimentes, tu vas dans tous les sens. Aussi trouver ta ligne de communication avec la styliste pour être à un endroit où on se comprend, ça prend un peu de temps. Mais là je pense que quand je fais des éditos, il y a toujours de moi dedans. Même si c'est très fin, même si c'est très subtil, il y a toujours des liens à faire. avec mes obsessions. Mais après, la pub, moi je trouve qu'on devient des photographes exécutants. Là, pour le coup, c'est un peu le rêve. Je pense que c'est le rêve de tout photographe de faire des pubs qui te demandent de faire ton art, mais j'en suis pas vraiment là. Et ça me va aussi, parce que je trouve qu'on a de la chance de faire ce métier et que quand je fais de la pub, ils font appel à moi pour... pour un savoir-faire. C'est pas la même chose que tu mets au service, tu mets ton sens du cadre, ton savoir-faire technique. Moi, je pense que j'ai aussi pas mal de trucs où on fait appel à ma direction des acteurs. Quand tu fais de la pub, j'ai fait pas mal de films, donc du coup, s'il faut faire des situations naturelles ou en tout cas qui semblent naturelles, on fait appel à toi pour d'autres choses autour et ça fait que t'as une certaine expertise pour faire des images qui racontent ce que le client a envie et ça me va, c'est cool. C'est une bonne manière de gagner sa vie, je trouve ça chouette. En ce moment, j'ai un peu lâché le film. Pendant dix ans, je faisais des photos et des films, plutôt des films de pub et quelques clips. J'ai un peu... Ça coïncide au moment où j'ai décidé de travailler sur mes projets photos, de faire plus de choses artistiques et manuelles. En fait, j'étais vraiment en manque de trucs manuels. Et en fait, la vie de réal de pub, c'est quand même de faire beaucoup, beaucoup des PDF et des keynotes et d'être en salle de montage. Franchement, c'est une journée de tournage pour un mois dans des bureaux. C'est ça, la vérité. Donc, ce n'était pas comme si tu faisais de la fiction et que tu pars deux mois. Là, c'est quand même... Oui, bon, tu travailles un an. Donc, au final, je pense que le ratio est le même. Mais bref. Et donc j'étais moins en saturation de faire des choses avec mes mains, c'est pour ça que j'ai pris un atelier et tous les deux projets de livres que j'ai, celui qui sort là et celui qui est toujours en... En cours, je les ai faits au mur. En fait, j'ai imprimé toutes les photos. Et je voulais vraiment avoir des chemins de fer et des endroits où je peux laisser coller et que je manipule avec mes mains. Et au moment où j'ai fait ça, j'ai arrêté complètement de faire des films. Soyons honnêtes, j'aimerais en refaire. Mais tout d'un coup, j'ai eu un peu un désintérêt sur le fait de faire des compètes. Le film de pub, c'est quand même un monde un peu particulier. Il faut faire tout le temps des compètes. On doit faire des dossiers. Après on est trois ou quatre à te présenter, tu gagnes, tu perds, etc. Je ne sais pas, je crois que j'étais arrivée à un moment où je n'avais plus trop envie de ça. J'avais envie de faire des trucs un peu plus antérieurs, un peu plus artistiques, un peu plus manuels. Mais le film me manque. Être sur un plateau, ça me manque terriblement. Parce que c'est vraiment un endroit que j'adore. Je sais que j'ai l'intention d'y revenir, je ne sais pas comment. Mais j'adore être sur un plateau et c'est vrai que j'adore la mise en scène. Je trouve ça trop trop bien. C'est un échange qui est cool et le jeu c'est assez naturel chez moi. J'ai un père comédien, donc oui, j'aime trop ça. J'ai voulu être comédienne pendant très longtemps. Je trouve que c'est un truc assez naturel. Je pense que les photographes, on est des grands drama queens, drama kings. Et qu'on est aussi avec des grands moments de confiance, de créativité, de mojo. Et des moments où on est rempli de doutes et on est complètement perdu et on pense qu'il faut qu'on change de métier. Le point commun que je vois avec tous mes potes photographes, c'est qu'il y en a pas mal où on fait des sacrées montagnes russes. Et je pense que... Forcément quand on est dans le down, dans le creux de ces moments de doute, la concurrence elle prend de la place. Ça serait bête de le nier. On a un peu peur, on se compare, je pense que c'est des trucs un peu de l'humain classique tu vois. Mais faut pas le faire. Après on sait que c'est bête et que ça sert à rien. C'est un monde assez concurrentiel. C'est pas... On est beaucoup de photographes. Là, on fait une parenthèse économiquement, c'est hyper compliqué. Je trouve que c'est très compliqué pour les photographes et que c'est un peu dur parce qu'à la base, on est quand même plutôt bien payés pour ce qu'on fait dans notre vie. Pas quand il s'agit de la presse, ça c'est une autre histoire, mais quand on fait de la pub ou de la mode, on est bien payés par rapport à la moyenne de la France. Donc on est un peu dans une position où à la base, comme on est très bien payés, on part avec un truc de... il ne faut pas se plaindre. Notre entourage, il y a quelque chose de... Quand même, vu ce qu'on gagne, il ne faut pas se plaindre. Sauf qu'il y a deux points en ce moment que moi je ressens, c'est que ça a méga baissé les budgets. Et les assistants, les staffs et tout, moi je sais, en shooting, ils ont tous calé leur salaire sur l'inflation. Donc moi, les gens avec qui je travaille, ils ont augmenté un petit prorata pour faire sens avec l'inflation. Et c'est normal. Je pense qu'ils auraient même pu le faire plus. Et les photographes, ils ont en moyenne perdu 25%. ce que je trouve ouf en fait. Donc du coup, ça a pied sur ce truc de concurrence. Et en plus, il y a ce truc-là, et souvent il y a ce truc que j'essaye d'expliquer à mes amis, c'est que quand tu es photographe, tu dois beaucoup alimenter toi-même le fait d'être photographe. Donc c'est toi qui entretiens ton travail. Donc quand tu es bien payé pour faire une pub, la moitié de cet argent, tu vas le mettre dans ton livre, tu vas le mettre dans tes peloches, tu vas le mettre dans tes trucs perso. En fait... Si j'arrête de le faire, je ne suis plus photographe. Après, il y a toute l'économie des éditos qui est encore un autre sujet. En vrai, c'est bizarre, cette économie. C'est un peu comme ça. C'est un équilibre constant à trouver entre tes moments créatifs, où tu es bien et du coup, il faut en profiter, il faut produire à fond, faire des pubs pour avoir de l'argent, pour injecter dans tes projets, mais pas en faire trop pour que tu aies du temps de faire tes projets. Et quand tu fais tes projets, si après tu fais trop longtemps que tes projets, t'as plus d'argent, donc du coup après t'es inquiet, du coup après tu penses que t'es nul et qu'il faut que tu changes de métier. Et tu passes ton temps à faire un peu ça. J'ai le sentiment que les femmes photographes ont moins un esprit concurrentiel que les garçons photographes. C'est vraiment un ressenti personnel, mais je vois autour de moi... Là, dans ma génération, on a tous passé 30 ans, donc je trouve que tout ça se calme beaucoup. Tu sens que plus tu grandis, plus tu es mature et tu es à l'aise dans ta pratique. Du coup, de plus en plus, la concurrence est quelque chose avec laquelle tu te détaches. Mais en tout cas, plus jeune, entre mes 20 et 30 ans, je trouvais que les filles photographes, on était beaucoup moins stress. Et ça, je pense que là, c'est un truc sociétal. On pourrait parler vraiment de patriarcat, de la notion de qu'est-ce qu'un mec, la société lui demande, elle lui demande d'être le meilleur. Donc du coup, tous les photographes garçons, ils veulent être incroyables. Ils veulent être vraiment des stars. Ils veulent avoir des couves. Et ils sont stressés s'ils le sont pas, ça sera un échec de ne pas être une star. Alors que les filles, comme de toute façon c'est que les gars qui sont des stars, on est juste en mode mais si nous on nous laisse tranquilles et qu'on gagne notre vie et qu'on vit tranquille en faisant ce métier-là, on a gagné. On n'a même pas cette pression parce que le haut du podium n'est même pas attribué aux femmes. Donc ça nous relaxe. Nous le but c'est juste d'être une artiste et de vivre de ça. Donc j'ai toujours eu moi ce ressenti dans mon entourage. Du coup, la concurrence était moins problématique pour les filles. Le futur, c'est que j'aimerais déjà sortir de ces projets qui dorment et qui ont maturé pendant toutes ces années. Depuis quelques années, comme j'ai repris une pratique assidue du dessin et de la peinture, j'ai envie que ça vienne aussi dans ma pratique, que ça prenne de plus en plus de place. Et j'aimerais pouvoir mélanger les médiums. Ça, je trouve que... C'est un truc où c'est pas encore facile en France. Quand on parle avec des gens de l'art, c'est un truc qui revient toujours, c'est très catégorisé, même par rapport à ton médium défini, où t'appartiens, à quel type, même à quel prix, etc. J'aimerais bien, je pense que je suis pas la première qui va le tenter, je sais pas si je vais y arriver, mais pouvoir continuer comme ça, de mélanger de plus en plus, et faire des livres, faire des expos, ça serait bien que je m'y mette. et continuer à faire mon travail de photographe. Et le film, je ne sais pas comment je vais y revenir. Je pense qu'il faudrait que ça passe par l'écriture, mais ce sera dans un second temps. Je vais voir. À titre personnel, je suis assez optimiste. Je trouve que je suis dans un bon moment de ma vie et je sens que c'est un peu un nouveau... Là, je me suis fait 3-4 années, un peu gestation, tac, tac. travaille des choses et tout, et que là, j'arrive un peu à un nouveau chapitre où je me suis prête à les montrer. Peut-être que j'ai un petit peu moins de pudeur. Il y a un petit truc qui s'est enlevé, qui s'est amoindri à ce niveau-là, qui me permet de me sentir enfin prête à vraiment partager les choses et que c'est le bon moment. Donc ça, c'est super chouette. Mais après, j'avoue qu'à l'échelle du monde, je ne suis pas méga optimiste. Je suis optimiste à ma petite échelle perso, mais non. Oui, en ce moment, je suis en quête. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Description

J’ai toujours trouvé les photographies d’Emma Le Doyen intrigantes, accessibles et esthétiques à la fois. C’est ainsi que la photographe définit aussi ses images : elle recherche la beauté dans le quotidien, les choses à la fois simples et “pudiques”. Dans ce podcast, je la trouve spontanée, surprenante, touchante et drôle.


On découvre sa grande passion pour les définitions, son histoire de vie — de son enfance immergée dans un milieu artistique (et non intellectuel, selon elle) à un parcours scolaire chaotique — qui finalement la dirige vers ce qu’elle aime par-dessus tout : créer, que cela soit au départ en dessinant qu’en photographiant. D’ailleurs, l’artiste évoque l’une de ses premières expériences en photographie de nuit avec ses amies ainsi que son amour pour la photographie argentique, qu’elle découvre d’abord en noir et blanc puis en couleur.


Emma nous entraîne également dans ses projets personnels, ses obsessions et ses réflexions sur la mémoire, le temps et l'authenticité de ses souvenirs capturés en images. Durant toutes ces années, elle continue de développer et nourrir un travail personnel qui se concentre principalement sur des projets au long cours où le temps est en effet essentiel. On pense au livre HécatombeTV, où elle photographie pendant près de 10 ans toutes les télévisions cathodiques abandonnées dans la rue. Il y a aussi son projet de cœur, Marcelle, sur sa grand-mère, qu’elle documente pendant près de 11 ans.


Tous les projets photographiques personnels en cours d’Emma sont souvent empreints d’une forme de mélancolie douce, comme si les reliques pouvaient devenir remèdes. Dis moi au revoir, son premier projet auto-édité paraîtra courant octobre 2024. C’est le récit poétique et métaphorique de la vie d’un sentiment amoureux. Et c’est aussi dans cette dynamique qu’elle reprend un travail plastique et ajoute le dessin à sa pratique quotidienne.


Au début, je parlais de photographies “esthétiques” pour décrire le travail de l’artiste. Dans le podcast, elle nous rappelle l’une de ses définitions : L'esthétique (ou théorie des arts libéraux, gnoséologie inférieure, art de la beauté du penser, art de l'analogon de la raison) est la science de la connaissance sensible.


🤝 Partenaire


MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d’occasion.


🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Aliocha Boi, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


Instagram - Vision(s)  

Site - Vision(s)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production Noyaux Studios Vous écoutez Vidyon, un podcast sur la photographie contemporaine. Ce podcast a été réalisé en partenariat avec MPB, la plus grande plateforme en ligne au monde pour acheter, vendre et échanger du matériel photo et vidéo d'occasion. On vous a mis un lien dans la description de ce podcast, peu importe la plateforme que vous utilisez, et sur notre site vision.photo. Bonne écoute !

  • Speaker #1

    C'est une photo qui représente des fleurs qui sont fanées et jetées dans une poubelle. Le sac poubelle est en plastique violet et la lumière passe au travers. Il est au flou beaucoup, donc on ne l'identifie pas tout de suite. Je pense au premier regard comme un sac plastique, comme un sac poubelle. Il y a un bourgeon au milieu de l'image qui semble pas vraiment fané par rapport au reste de la branche et qui ressort comme ça, qui attire l'attention. La photo pour moi, elle dégage quelque chose d'assez poétique et très délicat. Et elle est bien représentative de ce que j'aime dans la photo, c'est comment on peut mettre son regard sur des choses du quotidien, très banales, et par un instant, un peu comme ça, une lumière qui passe, leur donner quelque chose de plus magique et poétique, et que les images racontent une nouvelle histoire. Et cette lumière-là, ces couleurs-là, je les aime beaucoup parce qu'elles ont un... Quelque chose d'un peu magique pour moi, elle correspond à la fin de la journée, au début des journées. Et c'est vraiment ces instants très courts à capter. Même si là c'est artificiel dû au plastique, pour moi c'est des tonalités qui font vraiment référence à un petit moment de magie. Donc voilà, c'est une photo que j'aime beaucoup et qui fait partie d'une série, d'un livre que je vais bientôt sortir. Je m'appelle Emma, je suis photographe, je vis à Paris. J'ai grandi à Paris. Je pense que mon rapport aux arts plastiques, en général, il a commencé très jeune. J'ai commencé à dessiner très jeune, vraiment toute petite. C'était une de mes activités préférées. Et j'ai évolué dans un univers très créatif et artistique. Dans l'enfance, à Paris, ma mère était costumière, puis créatrice de robes de mariée et de scènes. Et mon père est comédien. Donc mon enfance, elle est très remplie d'images. Il y a un rapport à l'image qui est fort. Il y a beaucoup de tissus, de couleurs, de décors, de lumières. Je passe beaucoup de temps dans l'atelier de ma mère, qu'elle a toujours, qui est dans le 18e. ou en répétition avec mon père. Les images sont présentes et mes parents ont des goûts assez particuliers. Ils sont un peu barrés quand je suis jeune. Chez moi, il y a beaucoup de bondieuserie, il y a des tableaux. Ma mère adore vraiment l'histoire du costume. Il y a beaucoup de livres de l'histoire du costume, de photos de plateaux d'Hollywood, etc. Et mon père il joue, il adore jouer, il a genre joué dans des pièces de cap et d'épée, il fait de l'escrime et il monte à cheval. Donc voilà, c'est un peu des chevaliers quoi. Et voilà, donc il y a beaucoup d'images et c'est très créatif. Donc je me sens assez vite dans un univers où c'est naturel de dessiner, de faire de la peinture. et mes grands-parents qui me gardent beaucoup. J'en ai qui sont en Picardie, eux qui ne sont pas du tout familiers à cet univers-là, mais j'ai ma meilleure amie qui devient ma famille aussi un peu d'adoption, et dans sa famille, elle, tout le monde dessine. Son père dessine, sa mère est illustratrice, donc très vite on a ça. C'est le dessin qui est mon point de départ avant la photo, c'est d'abord ça. Et après, la photo arrive un peu plus tard au collège. C'est assez drôle l'histoire comment arrive la photo parce qu'avec une de mes meilleures amies Morgane, on décide de commencer à faire des photos. On fait un jeu et en fait on va... Dans le métro, il y en a une qui bande ses yeux et qui tourne l'autre devant le plan du métro, et elle s'arrête sur un point de la maps de métro, et là on prend le dernier métro. Et après, le but, c'est qu'on doit revenir chez nous. Je commence la photo par la photo de nuit, à la fin du collège. Et on doit revenir jusqu'à chez nous, et ça nous fait découvrir. Parce que moi, j'ai grandi dans le 18e, et en bon parisien, on met hyper longtemps à sortir de son quartier. Franchement, le périmètre est très très petit pendant pas mal d'années, et quand on commence à avoir un peu le droit d'avoir une carte de métro, de sortir... On ne dit pas où on va à ses parents et en fait on va à l'autre bout de Paris en pleine nuit, bref. Donc je commence à faire des photos comme ça, en argentique et que du noir et blanc, genre que en 3200 ou 1600 ISO. Et là l'approche elle est vraiment de faire des photos, je pense que j'ai grandi avec les photos de quartier Bresson. Vraiment le côté de douaneau, tu vois. Je ne sais pas, pour moi, c'est ça la photo. Au début, c'est le noir et blanc. C'est les cartes postales qu'il y a en bas de chez moi. Moi, j'habite à Montmartre. Je suis à l'école devant le funiculaire et il n'y a que des cartes postales. Et c'est ce Paris-là. Donc, quand on commence à faire des photos avec Morgane, on essaye de faire ce genre de photos. Des amoureux sur le pont Alexandre III, un peu flou, en noir et blanc. Et on fait ça. Et c'est très drôle, on s'amuse bien. Mais on ne fait vraiment pas beaucoup de photos, on n'a pas d'argent. Pour nous, une péloche, ça doit durer presque deux jours. Mais c'est comme ça que ça commence. Et à la fin du collège, je suis très mauvaise à l'école. Je suis considérée vraiment comme une cancre. J'ai des gros problèmes de concentration, je ne fais que dormir. C'est pas du tout pour moi l'école. Ils ne veulent pas que j'aille en général. Les profs décident qu'il faut que j'aille dans un truc technologique et j'ai ma prof de dessin qui me rattrape et me chope dans les couloirs et me dit tu ne vas pas du tout les laisser faire. Merci Madame Parent parce que je pense qu'elle m'a sauvé la vie. Tu ne te laisses pas faire, tu vas aller à Renoir et tu vas demander un brevet de technicien parce que tu n'as pas le niveau pour aller en art appliqué. Donc tu vas aller faire ce concours et c'est ça que tu vas faire. Et je l'écoute. Et du coup, après le collège, je fais un brevet de technicien au lycée Auguste Renoir, qui est place de Clichy, donc je reste dans mon quartier. Et c'est un diplôme qui n'existe plus, mais c'est l'ancêtre du graphisme. Donc on apprend vraiment à faire de la maquette à la mine bleue. C'est assez désuet déjà, mais il y a 18 heures d'art plastique par semaine. Donc je fais du nu, des dessins de composition, j'ai 6 heures d'histoire de l'art et j'ai 6 heures de photo, avec histoire de la photo et du labo, et de la prise de vue et du studio. Et là c'est l'éclosion totale de ma vie, ça devient vraiment les meilleures années. Je pense que ça restera pour toujours certaines des meilleures années de mon existence. Et c'est là, je ne sais pas, je me libère, je me découvre. Ah oui, mais en fait, je ne suis pas du tout nulle à l'école. C'est juste que je me faisais chier. Et ça devient vraiment des années qui sont formidables. Et je découvre là, la photo. La vraie photo, parce que pour moi, c'était un truc un peu noir et blanc, les cartes postales. Même mes parents, ils n'avaient que des livres hyper... Très l'histoire du théâtre, très Hollywood. Donc en fait, c'était très en noir et blanc. J'avais un peu une image où la couleur, c'était les catalogues. La couleur, c'était la vente. Il y avait quelque chose de l'ordre. Même ma mère, elle faisait des robes. Donc mon père faisait les photos des robes de ma mère. Les robes de Marielle, mon père faisait de la photo aussi. Et il faisait de la couleur pour vendre des trucs. Et pour moi, les livres, l'art, c'était en noir et blanc. Et en cours de photo à Renoir, je découvre la photo de couleur, la photo documentaire de couleur. Et là, je pense que c'est mon énorme coup de foudre. Je situe à ce moment-là un truc... Waouh, waouh, ça c'est un truc de dingue. Et je me souviens que mon premier crush de lycéenne, c'est Martine Parr. Tout d'un coup, Martin Parr, il est super pop. Il fait des images qui sont très colorées, très saturées. Il y a de l'humour, il y a un peu de cynisme, il y a un côté un peu provoque dans son approche de la photo. Et si tu replaces dans le contexte où je suis ado, et en plus à l'époque, c'est vraiment la mode, c'est le début des fluo kids, on s'habille en années 80. Il y a tout un univers visuel sur le côté un peu comme ça, flash et pop et presque un peu mauvais goût, qui est complètement dans le moment. Donc là pour moi c'est genre Waouh ok ça c'est vraiment ça tue C'est comme ça que je commence à faire de la photo de couleur Mon lien avec la couleur, c'est très instinctif et simple, mais moi je vois en couleur, donc j'ai envie de me souvenir en couleur. Quand je fais des photos, j'aime retrouver ce qui sur le moment m'a accrochée. Et voilà, il y a ce rapport hyper primaire, je vois en couleur, j'ai envie que ce soit en couleur. Le noir et blanc, pour moi, il met une distance totale. J'ai l'impression que le noir et blanc, il fiche quelque chose, il met un mur. Ça transforme la sensation de l'instant. D'ailleurs, quand je fais des chromis, puisque je fais beaucoup mes chromis avec mes scans, ma question, c'est toujours... c'était quoi déjà ? C'était quoi la couleur que j'ai aimée ? C'était quoi la lumière qui m'a plu ? Parce que quand on fait des scans, on a un panel, on pourrait faire n'importe quoi, mais moi j'aime bien aller dans mon souvenir. Et voilà, c'est pour ça que la couleur, ça a marché chez moi. Je pense que ça met du temps de savoir ce que tu aimes faire en photo. C'est un processus assez long en fait. Si je reprends le fil, après avoir eu ce crush sur Martin Parr, j'ai découvert d'autres photographes documentaires. Ça a un peu effet évolué mon approche, notamment Ernst Haast ou Joël Meyerowitz ou William Eggleston, où j'avais l'impression qu'ils avaient un rapport plus doux, un peu moins cynique, un peu moins comme ça provoque, et qu'il y avait une espèce de douceur et de poésie du quotidien, où là je me suis vraiment retrouvée. Je pense que c'est dans cette direction après que j'ai commencé à me tourner. Ça m'a donné un peu une voie, une porte à suivre où on pouvait faire des photos dans notre quotidien et être plus doux et raconter des choses, je ne sais pas, simples et pudiques. C'est à partir de là où j'ai commencé à faire de la photo couleur vraiment régulièrement de mon quotidien, de mes déplacements. etc. Plus j'étais grande, plus j'avais de l'argent pour faire des photos. Au début, tu mets une pellicule, elle dure deux semaines, trois semaines, puis au fur et à mesure, tu t'autorises à en faire de plus en plus. Et je dirais que mon rapport à la photo, il est assez quotidien, simple, assez personnel. Mais après, c'est avec le temps, aujourd'hui, que j'arrive à me dire, ouais, il y a des thématiques qui ressortent, il y a des thèmes... J'ai un rapport en fait assez primaire à l'idée de la sauvegarde, si je capture je sauve, du coup c'est un peu un endroit où je peux comme ça garder des moments, garder des endroits, garder des souvenirs et en fait le souvenir... est présent dans toutes les photos et les séries personnelles que je fais. Mais ça, il a fallu du temps pour que je m'en rende compte. Sur le coup, on fait des photos et on a envie de faire des trucs. On est jeune, on se dit tiens, je vais faire un fanzine, je vais faire un machin. Après, j'ai commencé à travailler. J'avais besoin de gagner de l'argent. Donc la commande est venue. Je me suis dit mais je peux gagner ma vie en faisant des photos. Waouh, c'est un truc de ouf, c'est ça que je vais faire. Et là, on expérimente, on va à plein d'endroits. On fait un peu... Des portraits de la mode un peu selon les rencontres. Et c'est il y a quelques années, j'ai eu un espèce de moment... Moi j'en ai eu trop marre de faire de la commande et j'ai ressenti un espèce de manque abyssal de me concentrer sur des trucs qui me touchent et qui sont personnels et je me suis vraiment posée. Du coup ces quatre dernières années j'ai bloqué du temps, j'ai pris un lieu pour travailler là-dessus et j'ai travaillé un petit peu moins pour avoir de l'espace pour faire quelque chose et je me suis rendue compte là que ça faisait des années que je faisais des photos, que j'avais des thèmes, que j'avais des... des projets dans des boîtes comme ça et qu'en fait, oui, tous, ils avaient ce point commun d'être liés aux souvenirs, de parler du temps. J'adore travailler en argentique. Je travaille... essentiellement en argentique. Je pense qu'il y a plusieurs facteurs. Déjà, j'ai commencé à l'époque où il n'y avait pas de numérique. On entendait parler du numérique, mais c'était un truc hyper professionnel. C'est comme ça que j'ai commencé la photo. Je pense qu'il y a une espèce d'affection, de point de départ. Ensuite, en toute honnêteté, je pense que je trouve ça plus beau. Et que ça, c'est un peu un truc simple. Il n'y a pas à dire, c'est beau. Et aussi, j'aime bien les pellicules. J'aime bien le rapport au nombre précis que la pellicule impose. Et j'aime bien avoir 10 vues ou avoir 36 vues. Je trouve que ça met beaucoup plus d'intention, ou d'attention à la photo qu'on prend. Et que du coup, tu lui donnes plus de valeur, elle est plus précieuse. Quand on part à un endroit, parce que moi j'adore faire des photos, dès que je bouge j'ai toujours un appareil photo, et de réfléchir à combien de pêloches je prends. combien de vues j'ai, pour combien de temps, j'ai l'impression qu'elles ont plus d'importance. Et que quand je fais du numérique, il y a ce truc, tu cliques là, et tu fais trop de photos, et du coup, elles manquent de sens. Mais voilà, moi en tout cas, ça me canalise. Alors par contre, moi je fais pas de laboratoire. Je sais que certains diront que c'est pas bien. Mais j'ai essayé et en toute honnêteté, j'ai trop la flemme. J'arrive pas à dégager du temps. En fait, j'ai commencé à faire ça parce qu'à un moment... Il y a quelques années, il n'y avait pas ce délire de faire du labo à fond, faire du tirage tout seul. Mais je ne sais pas, il y a eu un petit moment, vent, poupe, on se remet tous à faire du tirage et du labo. Et donc je me suis dit, je vais essayer moi aussi, parce que je n'avais pas fait de labo depuis Renoir. Et en fait, j'ai vu que ça allait être un temps, mais un temps avant que je maîtrise et que je sois à l'aise et que je fasse des trucs que j'aime. Ça allait être beaucoup de temps et d'argent. Et moi, ces dix dernières années, j'ai aussi fait des films, j'ai fait des clips, et je fais toujours beaucoup de dessins et je fais de la peinture. Et en fait, je me suis dit, qu'est-ce que je veux, où je veux mettre mon temps ? Et j'ai décidé que j'allais continuer à travailler avec des labos professionnels et des tireurs professionnels. Et comme ça, j'allais avoir du temps pour peindre et pour dessiner. Donc c'est vraiment une décision de pratique. Voilà, mais j'aime beaucoup faire mes chromis. Chez moi, j'adore faire mes chromis avec mon jogging, mon café, ma série d'enquête de Arte en fond. Et je crois que c'est ça, j'aime bien le confort. L'envie de mélanger des médiums et de vouloir ajouter des trucs, je pense que ça fait partie de ces quatre dernières années où j'ai pris un atelier du temps. Ça me permet aussi de me permettre plus de liberté dans les expérimentations. Et j'ai envie d'y aller de plus en plus parce que je trouve que ça croise aussi des endroits où je suis à l'aise. J'ai fait des études de graphisme, je fais du dessin, je fais de la photo. Si on peut faire des ponts et des rebonds, je trouve que c'est intéressant. Et après, moi, j'ai un rapport, je ne l'expliquerai pas trop, est-ce que c'est mes études, est-ce que c'est juste mes goûts ? Mais quand je fais des photos, je les accumule. Puis au bout d'un moment, quand ça devient pour moi un projet et que je peux les rassembler, je les imagine toujours éditées. Pour qu'une série existe, dans ma tête c'est un livre. Il y a toujours cette idée que c'est un projet d'édition projeté qui devient que la série tient ensemble. Encore plus que l'exposition, le livre enferme quelque chose de... Je me souviens que quand j'ai commencé à faire de la photo jeune, mon truc c'était je vais faire des livres. Et avant même de formuler, je vais travailler ou je vais faire des commandes ou je vais faire des trucs comme ça, c'était vraiment genre le livre. Donc je pense toujours avec l'idée d'édition et ça m'aide, ça structure un peu. Alors aller de plus en plus tenter des choses en graphisme et s'autoriser des choses, ça fait un peu sens du coup. Mais pour l'instant je suis à un niveau expérimental de cette chose puisque le seul... Le seul début de projet où j'ai commencé à le faire, c'est la série Décor Réel, qui est complètement un projet en cours. Moi, c'est en cours de développement, de prise de vue. On verra quand est-ce que je décide que c'est fini, sûrement dans dix ans. Effectivement, je suis attachée à l'esthétique. Et je ne le vois pas comme un truc péjoratif ou un gros mot, si on le prend au sens simple, d'aimer, d'être un peu dans une quête entre le contenu et le contenant, la forme et le fond. J'aime que ça me plaise. Et si je le mets en opposition peut-être à des gens qui vont avoir une approche où le fond doit primer sur la forme et que c'est ça qui importe, moi j'avoue que... Si je suis sincère, non. Je suis sensible au rendu visuel et je m'exprime très visuel. Mais peut-être aussi parce que je me suis beaucoup exprimée avec les images dans la vie et ça a été beaucoup mon langage, donc j'y ai peut-être mis ça. La définition de l'esthétique, c'est vraiment la science du sensible. C'est l'étude de la sensibilité et des sens. Donc en fait, ça fait sens, du coup. Mais si c'est cette approche-là qu'on a, oui, je l'aime. Après, je sais que de toute façon, le goût est subjectif, donc tout ça est vraiment une histoire de sensation. Mais j'aime bien que les choses me plaisent. Et je pense que chez moi, aussi par mon éducation, mes parents se sont beaucoup communiqués comme ça, avec les images. Ma mère, elle est autodidacte, donc elle a grandi en Picardie. Elle est venue à Paris, elle a commencé à coudre, donc elle vient pas des mots. C'est vraiment quelque chose de très instinctif, etc. Et je pense que j'ai grandi avec ça, où chez moi, il n'y a pas un background. Ça fait bizarre de dire ça, mais il n'y a pas un background intellectuel, de savoir. Mes deux parents viennent de classes moyennes ou populaires et ils ont décidé d'être des artistes, un peu comme ça, super jeunes. Je suis la plus diplômée de ma famille, par exemple. Ils n'en parlent jamais, ils s'en foutent. Mais du coup, le sensible et le visuel, ça a été vraiment, je pense, le langage. En ayant grandi à Paris, j'ai été confrontée à, bien évidemment... plein de sociologie de gens et notamment aussi par mes études, un rapport plus intellectuel de l'art. Et ce n'est pas ça chez moi. Mes parents, c'est des artistes à le temps bon instinctifs. Ce n'est pas la même chose. Et d'ailleurs, quand je suis arrivée à Dupérez, parce qu'après j'ai fait un DSA, ma fin de diplôme, c'est un DSA supérieur d'art appliqué, je devais écrire un mémoire et ça a été hyper dur. Ça a été les deux années, mais j'avais envie de... mourir, c'était terrible parce que j'étais incapable d'écrire en mémoire et puis en plus moi j'avais fait un BT donc j'avais pas fait de philo et du coup on avait genre 5 heures de philo j'en avais jamais fait de ma vie en bac plus 2, tu commences avec des gens tous les gens ils avaient fait L j'étais à la masse totale et j'ai vraiment bien ramé pour attraper la barque parce que chez moi il n'y a pas ce truc que les mots, les textes, c'est plus comme ça à l'instant. Décor réel, c'est une série de photos de paysages qui sont essentiellement des paysages de montagne et un peu de campagne et de mer qui ont le point commun d'avoir... En fait, quand je les ai prises, j'ai trouvé que c'était incroyable et que ça ne ressemblait pas à la réalité. Et en fait, le point de départ de cette série, ça a été de réunir ensemble toutes ces images qui renferment cette émotion au moment de la prise de vue qui est de me dire que ce n'est pas vrai tellement c'est beau. Et ça m'a fait réfléchir et questionner. J'étais en montagne avec un ami qui me dit Arrête de dire que ce n'est pas vrai, c'est ça la vraie vie. Et moi, cette phrase est restée. Je me suis dit Pourquoi je n'y crois pas ? Je trouve que c'est beau et que c'est dehors. Et je suis remontée à un souvenir d'enfance, bien évidemment. Et en fait, quand j'étais petite, j'ai grandi à Paris avec des parents pas du tout outdoor activities. C'est vraiment... Il n'y avait pas d'extérieur. En plus, ils travaillaient l'été. Mon père était toujours en train de faire des pièces de théâtre tout l'été. Ma mère avait toutes ses livraisons de robes de mariée. Ils étaient très occupés l'été. J'étais envoyée chez mes grands-parents. Chez mes grands-parents, on restait dans la maison avec un jardin avec des haies taillées. Mon rapport à la nature, c'est un jardin avec des haies qui sont taillées, avec des fleurs dans des bacs. avec des petits murets, et that's it. Et genre, c'est ça la nature. Et quand mes parents arrivaient à la fin de l'été, ils dormaient en fait, ils dormaient sur un transat et c'est tout. Et quand j'ai eu 30 ans, j'ai eu un espèce de reminder où en CM1, j'avais fait une classe de nature dans les Pyrénées. Et j'avais trouvé ça incroyable. Je m'étais dit, mais c'est un truc de fou. Genre, c'est un film. Et j'avais... toute cette espèce de souvenir nébuleux de cette classe de CM1, c'est de trouver que c'était hallucinant tellement c'était beau la montagne. Et j'avais l'impression qu'il y avait des fées qui allaient sortir de chaque rocher, qu'il y avait plein de rivières avec des gros rochers ronds. Et pour moi, tout était fantastique. Du coup, j'ai eu une espèce d'envie, genre il faut que je devienne cette personne. J'ai envie de connaître la montagne, j'ai envie de connaître la nature. En quelques années, je suis devenue une espèce de passionnée de randonnée. J'ai fait de la voile. Je me suis mis à vraiment être, il faut que j'aille découvrir tout ça. Et il y avait toujours cette émotion-là. Et donc, j'ai réuni toutes ces photos avec cette émotion. Et pour moi, ça questionne. Le nom est un jeu de mots aussi, puisque c'est un peu du vocabulaire du théâtre. Plutôt du scénario, est-ce qu'on shoot en studio ou en décor réel ? Et c'est pour ça qu'elle s'appelle Décor Réel. C'est pourquoi tout ce naturel était pour moi plutôt de l'ordre de la fiction. Quand j'ai commencé à réunir les photos qui ont créé ce travail en cours de décors réels, j'ai découvert la notion de sentiment océanique, qui est une notion de Romain Roland, qui est un écrivain et qui écrit avec Freud. Il était inspiré de Spinoza et il avait parlé de cette notion psychologique-spirituelle qui ferait que... En face de paysages, lui il parlait de l'océan à la base, mais ça peut aussi être un point de vue. Tu étais transportée par une émotion, une impression de ressentir une unité avec l'univers, voire une unité avec l'éternité. Et ça m'a trop parlé, parce que du coup, dans cette idée d'éternité, moi je faisais une association à quelque chose qui n'est pas vrai, qui est fictif. Et cette sensation d'un truc qui est au-dessus de ton quotidien. J'ai trouvé que c'était... ça m'a inspirée, ça m'a fait continuer en me disant Ouais, je veux continuer de réunir ces photos, il y a un truc à faire avec. Mais c'est un projet en cours. Encore une fois, j'ai encore plein de sentiers, de montagnes à traverser. Dis-moi au revoir c'est un projet de livre que j'ai commencé un peu par hasard. En fait, je voulais envoyer un autre projet à un concours. Et puis à la fin, je me rends compte qu'il faut deux projets pour pouvoir participer au concours et peut-être avoir de l'argent. Et il est genre 19h et la fin des inscriptions, c'est à minuit. Donc je me dis, il faut que je trouve un truc en deux secondes. Qu'est-ce que j'ai qui traîne ? Et je décide d'ouvrir un dictionnaire, parce que j'adore les dictionnaires. Et je regarde le mot déception, parce qu'à l'époque, j'étais... Je venais de vivre une rupture amoureuse et j'étais vraiment en déception permanente. Je vais voir le mot et je trouve que la définition est vraiment... trop drôle et je me mets à vouloir la mettre en image. Je crée une séquence de 10 images, j'envoie le truc dans la nuit, je perds ce concours et je laisse un peu reposer. Et un an plus tard, j'ai des nouvelles images et je me souviens de cette séquence et je veux les ajouter à la séquence. Donc je reprends ces images-là des mois et des mois après. J'en ajoute des nouvelles et là je me dis non mais en fait, j'ai envie de faire vraiment... Un film complet qui raconterait l'histoire d'un sentiment amoureux, de sa naissance à sa mort et à sa renaissance, et qui pourrait comme ça, par séquence, créer des différents moments qui traversent sa vie. Et je me suis mise à réunir des images qui sont séparées par actes et qui pour moi... correspondent à un moment et les images racontent ce moment vraiment juste par les tonalités et les émotions qu'elles enferment. Et voilà, ça fait ce projet Dis-moi au revoir Dans mon quotidien, toute seule, malgré moi, je pense que si on réfléchit, si on regarde... On regarde avec l'état dans lequel on est, déjà de base.

  • Speaker #0

    Donc c'est d'ailleurs, bref, je pense la même chose avec l'amour, je pense que tu rencontres les gens que tu es prêt à rencontrer et puis tu vois pas ceux que tu es pas prêt à voir. Donc je pense que quand on se balade avec un appareil photo c'est un peu la même chose, on voit des choses qui correspondent au moment ou à notre sensibilité de ce moment. de facto, elles contiennent une émotion. Après, c'est hyper subjectif et personnel, et ça ne va pas forcément être reçu par les autres de la même façon. Ça, tu n'as aucun contrôle. Mais je pense néanmoins qu'en tant qu'humain, on a un socle commun de lecture. On a une grille de lecture tous ensemble. Donc il y a des divergences, mais il y a quand même plein d'endroits où on peut se retrouver, notamment là sur 10 mois à voir. C'est vrai qu'au départ, c'est parti d'un... d'un moteur assez personnel de moi je suis déçue, je suis en déception amoureuse, je vais faire un truc là-dessus La définition, elle dit que c'est le sentiment Un happiness, donc de tristesse, parce que quelqu'un ou quelque chose n'a pas été assez bon comme tu l'avais espéré, ou n'est pas arrivé comme tu l'avais espéré. Après, il y a une phrase en anglais, parce que c'est une définition anglaise, He could see the disappointment in her eyes Et j'aimais bien parce que c'était lui qui peut regarder dans ses yeux au féminin. Et après, c'est Someone or something that is not good as you hoped or expect Et la dernière phrase c'est le film était décevant, ce que j'ai trouvé vraiment drôle. Au début de ce travail, mon approche tout début elle est un peu scénique. Et en fait au final... En reliant ces séquences, je les trouve super sensibles. Je me rappelle de choses, ça me remet dans des émotions. Je me rends compte que ce n'est pas si perso que ça. C'est un truc universel. Autour de moi, tous mes amis ont vécu ça. En plus, c'est un sujet de conversation sans fin. On adore parler de ça. Quand ça va bien, quand ça va mal, quand c'est le passé, c'est quelque chose qui nous réunit. Et du coup, tout d'un coup... Le début un peu égotripe, cynique, qui s'est transformé en quelque chose de beaucoup plus ouvert et beaucoup plus poétique et qui s'adresse à tout le monde. Et c'est pour ça que je pense que j'ai voulu parler d'un sentiment amoureux, parce que je voulais que ça ne soit pas un personnage de la relation classique, qui se tend amoureuse, un garçon, une fille, une fille, etc. Mais deux personnes. Et je préférais que ce soit le sentiment qui est presque un peu extérieur. Et je pense que ça correspond bien à ma photo parce que je suis assez pudique. Dans mon rapport à la photo, c'est sûr que je parle... Je pense que dans mes photos, il y a beaucoup d'émotions. Comme je l'ai dit, il y a du souvenir, il y a de la mémoire, mais ce n'est jamais très démonstratif. Il y a peu d'humains. Les humains, ils sont souvent de dos, ils sont souvent un bout de main. J'ai un rapport à la photo, je ne sais pas, je ne l'explique pas trop, mais je suis assez pudique. Donc, j'essaye de parler de plein de trucs, mais avec un peu toujours une... Il y a toujours une petite distance, mais qui est pour moi une distance juste de... Je sais pas, ouais, de réserver une forme d'anonymat. Je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant dans le fait d'être un peu anonyme, c'est que ça ouvre le champ aux autres, et ça ouvre le champ à toutes les lectures et au possible, et ça fait que cette image, elle peut te rappeler un souvenir à toi, et tu peux y mettre un truc à toi, tu vois, elle est un peu plus vague. Je pense que c'est ça qui est intéressant quand tu fais des photos pendant 10 ans, 11 ans, c'est que le point de départ de vouloir les prendre, il évolue au fur et à mesure. Au début, j'ai pris des photos de ma grand-mère parce que je l'aime et que j'avais envie de la prendre en photo. Et ma grand-mère, c'est vraiment une... Une taiseuse de Picardie qui parlait pas... Enfin, elle parlait de trucs genre les patates, les tâches à faire, mais elle parlait pas des vraies choses. Elle était très mutique quand il s'agissait d'elle. Donc je pense qu'au début, il y a une envie comme ça de la documenter, un peu pour peut-être aller chercher... poussé la relation intime et que ça allait faire qu'elle allait s'ouvrir. Je pense que le point de départ, c'est ça. Après, je me suis rendu compte que ça n'allait pas du tout me faire apprendre plus de choses sur elle. Mais c'est installé ce rapport-là. Et en plus, elle me laissait vachement faire. Elle aimait bien que je la prenne en photo. Donc ça a été aussi un échange un peu silencieux entre nous. Et ça s'est installé et au fur et à mesure du temps, je me suis rendu compte que j'étais en train de vraiment dresser son portrait et le portrait de ma grand-mère et de son territoire. Mais voilà, de chez elle, de sa campagne, de autour, des vues, et qu'il y avait comme un portrait au sens large. Et une fois qu'elle était partie, je me suis rendu compte que là, j'étais vraiment en train de parler de plein de choses en même temps, puisque ça racontait aussi être une femme. qui est âgée, qui vit seule. Mon grand-père, il est décédé quand j'avais 11 ans, donc elle a été très très très longtemps veuve. Et c'est aussi cet aspect-là, d'être, de vieillir seule, de vieillir seule dans ce type de décor, ça parle du temps, du temps qui passe. Et le livre que j'ai envie de faire, il n'est toujours pas fait, parce qu'il y a tellement de photos et je veux garder la répétition. Je veux garder... Il y a des choses que j'ai prises en photo. Plein de fois, la même chose. Et on voit la nature qui pousse, qui est coupée, qui repose, qui est coupée. Il y a des vues, par exemple, on allait tout le temps au cimetière, et le cimetière, il donne sur des champs, et ça en picardie dans une zone très rurale, et les champs, ils font de l'agriculture, ils tournent. Donc une année, c'est du colza, après c'est du blé, et même ça, j'ai des vues comme ça. Genre, j'aime vraiment ce truc-là, de la répétition, de l'accumulation. Mais je pense que je suis comme... Enfin, après, je suis comme ça dans la vraie vie. Je garde tout, je classe, j'ai du mal à me séparer des choses. Dans la série, j'ai fait une série dans la série, qui est un ensemble d'images de tous les bibelots que je préférais chez ma grand-mère, qui sont shootés sur fond blanc. D'ailleurs, c'est très loin de ce que je fais d'habitude, puisque ça ressemble vraiment à de la photo de nature morte, ce qui n'est pas du tout mon domaine. Mais ça, je l'ai fait dans une nécessité, vraiment. viscérales, parce que ma grand-mère venait de décéder. En fait, il y avait plein de bibelots chez elle, et ça a été un peu compliqué entre mes oncles et mes tantes, etc. Et il fallait vider très vite cette maison. Et donc, je suis allée aux obsèques. C'est pour ça que je ne vais pas être complètement folle, mais je suis allée aux obsèques avec un fond dans mon coffre, un fond et des pieds, et des trépieds, et mon appareil. Et le lendemain... des obsèques, moi je dormais dans la maison parce que j'ai toujours dormi dans cette maison et le moment des obsèques, j'ai pris en photo tous les objets que j'aimais tous les bibelots qui pour moi étaient qui racontaient des trucs d'elles et je les ai photographiés mais là vraiment dans une nécessité de ok, là dans 3 jours ça va être le gros bordel ça va partir dans tous les sens il faut que je le fasse maintenant qu'il n'y a personne et ce qui est fou c'est que psychologiquement moi ça marche Le fait que je les ai tous pris en photo, c'est ok. Je suis ok maintenant qu'ils soient partis, un peu partout. Que cette maison, elle ne soit plus là. C'est fou comment après, je ne sais pas, c'est thérapeutique, je pense que j'ai un vrai rapport comme ça aux choses. Mais même quand je regarde mes photos, ça me détend. J'ai l'impression d'être en connexion particulière tout le temps avec ma grand-mère. Ça m'a créé vraiment... C'est complètement... Enfin, c'est moi et moi, mais c'est comme ça que j'ai fait cette séquence. Et là, il y a une autre image comme cette séquence qui est une chaise en plastique qui était au fond du jardin. Et le jardin était vraiment le territoire de mon grand-père, donc il a été très très très abandonné après son décès. Il y avait cette chaise et j'avais quand même mes oncles qui passaient régulièrement pour couper le lierre, qui est super invasif. Et j'ai pris en photo cette chaise qui, de temps en temps, était délibérée, puis recouverte, puis redélibérée. Et en fait, mes oncles et tantes, ils ont su que je prenais en photo la chaise, donc ils l'ont laissée. Ils n'ont jamais bougé. Il y a le truc d'Emma, on va lui laisser sa chaise. Et donc elle a été là, comme ça, et j'adore cette séquence parce qu'on voit vraiment la nature. Il y a plein de saisons. Même le vert, il est chlorophylle au début de l'été. Il est foncé quand l'hiver arrive. Et je ne sais pas, ça, ça raconte beaucoup de choses pour moi. Je trouve qu'il y a un gros lien entre la photographie et la musique. Effectivement, dans les souvenirs, je trouve que tu arrives facilement à avoir des images quand tu fermes les yeux. J'arrive facilement à avoir des sons. Mais je trouve que les odeurs, c'est super dur de s'en souvenir. C'est vraiment le truc où on n'a pas de maîtrise. Et quand tout d'un coup, on passe dans un endroit... Moi, je sais que j'essaie avec les produits nettoyants. Quand je vais dans des toilettes qui utilisent le même produit nettoyant que ma grand-mère, ça me fait un truc de joie, d'émotion qui est beaucoup trop grand. Mais il faut qu'on sente les odeurs pour être reconnecté aux odeurs. Alors que je trouve que le son et l'image, notre cerveau, il arrive un peu à le créer tout seul. C'est assez intéressant. Et moi, je fais un lien plutôt entre du coup... Enfin, plus que la musique, je fais un lien entre la photo et le son. Parce qu'il y a des photos, j'ai des sons, mais des fois, c'est pas forcément de la musique. Ça peut juste être le bruit du vent ou les oiseaux ou ce genre de son. Par exemple, tout le projet de Marcel, j'entends la campagne. Et la campagne, ça a un son tellement particulier, la campagne française, avec ses coucous, ses clochers, il y a un truc, un tracteur au loin, je ne sais pas, je trouve que le bruit de la campagne, il est Madeleine de Proust de chez elle, de tout ce temps passé dans le jardin, mais du coup je le vois. Moi, tous mes grands-parents, c'est parce que j'en ai deux, et deux adoptés, et deux maternelles et paternelles, donc j'ai quatre grands-parents. Et moi, tous mes grands-parents, c'est vraiment... trop trop bien quoi mais je parle souvent de son en tout cas quand je pense à mes photos et il y a la notion forcément du rythme qui est assez un peu une notion commune de rythmer les séries, les séquences voilà pour créer un peu une série intéressante qui va changer de focus mais moi j'aime bien aussi parler de tonalité C'est un peu un mot que j'utilise beaucoup quand je parle de mes photos, et des photos en général, parce que j'aime trop ce mot, parce qu'il a trois sens qui pour moi sont... complètement adapté pour la photo. Il y a le sens premier qui est la musique. Et du coup, c'est vraiment cette idée de rythme, d'espace entre les notes, le sens musical, que l'on comprend bien. Et après, il y a le deuxième sens qui est la valeur moyenne des nuances, qui est plutôt en termes de couleurs, genre un tableau, les tonalités, donc ça parle de couleurs. Et le troisième sens, c'est l'impression générale particulière qui distingue un état affectif. C'est la tonalité d'un rêve. Et là, on est plus de l'ordre du sensible. Ce mot, il enferme pour moi le panel exact de qu'est-ce que c'est une série photo et qu'est-ce que c'est des images. Mon rapport au temps, il est du coup très différent. entre ce qui sont mes projets personnels et mon approche personnelle de la photo, où là je suis très très très lente. Mais je pense que ça va et à la fois par mes obsessions, comme je viens d'en parler, et aussi je pense qu'il y a une part de peur, de se lancer, j'aime bien faire des poses, j'aime bien reculer, franchement quand même, soyons honnêtes. Et mon rapport à la commande, c'est l'inverse, et ça c'est trop bien. Je pense que c'est... Dans la commande, il n'y a pas de temps, il n'y a jamais assez de temps. tu dois faire un portrait en 10 minutes ou en 20 minutes et tu dois faire une série de 16 images en une journée ou 35 looks quand c'est plus de la pub mais en fait ça me va parce que ça me relaxe c'est mon travail si genre je devais faire des projets que qui prennent 10 ans j'aurais envie de mourir donc j'aime bien avoir cet endroit là où je gagne ma vie en faisant des photos, et c'est ce que j'aime faire. Mais j'ai un cahier de décharge et ça va vite, ça sort vite. Je ne sais pas, il y a un côté aussi, je ne sais pas, ça relaxe. En tout cas, moi, ça me relaxe. Non, mais c'est ça, je pense que les cahiers de décharge, ça me rassure. On peut y rechercher le travail de commande. Il y a quand même, c'est un panel assez large. Il y a la presse, où là, je pense que... le pont entre mon travail personnel, en tout cas mon approche personnelle et ma sensibilité, et avec ce que je fais en presse, c'est là où c'est le plus évident. Et du coup, il y a des magazines avec lesquels je travaille depuis longtemps, comme Hobby. Là, on a trop de points communs. C'est-à-dire que l'équipe qui a fait ce magazine Hobby, c'est un magazine, pour recontextualiser, c'est un magazine qui parle des passions, des gens qui ont des passions. Et donc, il y a beaucoup de collectionneurs, il y a beaucoup de gens comme ça qui collectionnent, qui accumulent. Donc, ils ont un truc en commun avec moi. Donc, en fait, je vais prendre en commun... Sur tout notre travail, on a été rencontrer, prendre en commun des gens pour parler de choses qui les animent et qui peuvent être présentes. C'est assez jouissif comme travail de commande. Et en plus de ça, il y a une vraie… En DA, ils s'amusent, c'est très beau, les objets sont chouettes. Et là, le dernier hobby, c'est une fête, c'était une carte blanche où ils m'ont proposé… Il y avait une carte blanche, on avait tous le même commun qui était le rassemblement populaire. On parlait de rassemblement. festifs, populaires. Et moi, j'ai choisi la nuit des pêcheurs, qui est ma fête préférée à Toulon, où je vais presque tous les ans. C'est une fête avec plein de stands de nourriture de la mer, avec des pêcheurs, etc. Et on mange et on boit, et après, il y a tout le temps un groupe, c'est toujours les mêmes, qui s'appellent les coureurs de l'océan, qui reprennent tous les tubes, et ça devient un bal. Et il y a la moitié des tables qui sont repliées, et tout le monde danse, et tout le monde est hystérique. C'est vraiment bon. La folie ! Et cet endroit est très très drôle parce que les gens c'est clairement de zéro à 90 ans et c'est une énorme fiesta. Et quand ils m'ont dit la carte blanche, j'ai dit Waouh, je vais faire la nuit des pêcheurs parce que c'est vraiment mon endroit préféré Donc ouais, on a un rapport assez libre. Après, quand je fais du portrait, c'est autre chose. J'adore faire du portrait parce que je trouve que ça appelle aussi mon côté curieux. Je vais rencontrer des gens et je trouve que c'est vraiment un des aspects formidables de mon travail. Je me sens hyper chanceuse. C'est encore mieux quand je vais chez les gens parce que moi, je suis vraiment une grosse curieuse. J'aime bien voir leurs objets et tout. On a compris, je mets un peu d'affect sur les bibelots et les trucs comme ça. Donc quand je peux aller dans l'espace de quelqu'un, c'est... C'est le truc parfait. Et voilà, donc la presse, c'est quand même très connecté. Après, la commande-commande de mode ou de publicité, là, c'est un peu différent, parce que quand tu fais de l'éditorial en mode, je trouve que j'arrive à mettre beaucoup de moins. Là, je suis arrivée à un moment où ça y est, je suis passée par... Quand tu commences à faire de l'édito de mode, tu fais des tests, tu fais des trucs, tu expérimentes, tu vas dans tous les sens. Aussi trouver ta ligne de communication avec la styliste pour être à un endroit où on se comprend, ça prend un peu de temps. Mais là je pense que quand je fais des éditos, il y a toujours de moi dedans. Même si c'est très fin, même si c'est très subtil, il y a toujours des liens à faire. avec mes obsessions. Mais après, la pub, moi je trouve qu'on devient des photographes exécutants. Là, pour le coup, c'est un peu le rêve. Je pense que c'est le rêve de tout photographe de faire des pubs qui te demandent de faire ton art, mais j'en suis pas vraiment là. Et ça me va aussi, parce que je trouve qu'on a de la chance de faire ce métier et que quand je fais de la pub, ils font appel à moi pour... pour un savoir-faire. C'est pas la même chose que tu mets au service, tu mets ton sens du cadre, ton savoir-faire technique. Moi, je pense que j'ai aussi pas mal de trucs où on fait appel à ma direction des acteurs. Quand tu fais de la pub, j'ai fait pas mal de films, donc du coup, s'il faut faire des situations naturelles ou en tout cas qui semblent naturelles, on fait appel à toi pour d'autres choses autour et ça fait que t'as une certaine expertise pour faire des images qui racontent ce que le client a envie et ça me va, c'est cool. C'est une bonne manière de gagner sa vie, je trouve ça chouette. En ce moment, j'ai un peu lâché le film. Pendant dix ans, je faisais des photos et des films, plutôt des films de pub et quelques clips. J'ai un peu... Ça coïncide au moment où j'ai décidé de travailler sur mes projets photos, de faire plus de choses artistiques et manuelles. En fait, j'étais vraiment en manque de trucs manuels. Et en fait, la vie de réal de pub, c'est quand même de faire beaucoup, beaucoup des PDF et des keynotes et d'être en salle de montage. Franchement, c'est une journée de tournage pour un mois dans des bureaux. C'est ça, la vérité. Donc, ce n'était pas comme si tu faisais de la fiction et que tu pars deux mois. Là, c'est quand même... Oui, bon, tu travailles un an. Donc, au final, je pense que le ratio est le même. Mais bref. Et donc j'étais moins en saturation de faire des choses avec mes mains, c'est pour ça que j'ai pris un atelier et tous les deux projets de livres que j'ai, celui qui sort là et celui qui est toujours en... En cours, je les ai faits au mur. En fait, j'ai imprimé toutes les photos. Et je voulais vraiment avoir des chemins de fer et des endroits où je peux laisser coller et que je manipule avec mes mains. Et au moment où j'ai fait ça, j'ai arrêté complètement de faire des films. Soyons honnêtes, j'aimerais en refaire. Mais tout d'un coup, j'ai eu un peu un désintérêt sur le fait de faire des compètes. Le film de pub, c'est quand même un monde un peu particulier. Il faut faire tout le temps des compètes. On doit faire des dossiers. Après on est trois ou quatre à te présenter, tu gagnes, tu perds, etc. Je ne sais pas, je crois que j'étais arrivée à un moment où je n'avais plus trop envie de ça. J'avais envie de faire des trucs un peu plus antérieurs, un peu plus artistiques, un peu plus manuels. Mais le film me manque. Être sur un plateau, ça me manque terriblement. Parce que c'est vraiment un endroit que j'adore. Je sais que j'ai l'intention d'y revenir, je ne sais pas comment. Mais j'adore être sur un plateau et c'est vrai que j'adore la mise en scène. Je trouve ça trop trop bien. C'est un échange qui est cool et le jeu c'est assez naturel chez moi. J'ai un père comédien, donc oui, j'aime trop ça. J'ai voulu être comédienne pendant très longtemps. Je trouve que c'est un truc assez naturel. Je pense que les photographes, on est des grands drama queens, drama kings. Et qu'on est aussi avec des grands moments de confiance, de créativité, de mojo. Et des moments où on est rempli de doutes et on est complètement perdu et on pense qu'il faut qu'on change de métier. Le point commun que je vois avec tous mes potes photographes, c'est qu'il y en a pas mal où on fait des sacrées montagnes russes. Et je pense que... Forcément quand on est dans le down, dans le creux de ces moments de doute, la concurrence elle prend de la place. Ça serait bête de le nier. On a un peu peur, on se compare, je pense que c'est des trucs un peu de l'humain classique tu vois. Mais faut pas le faire. Après on sait que c'est bête et que ça sert à rien. C'est un monde assez concurrentiel. C'est pas... On est beaucoup de photographes. Là, on fait une parenthèse économiquement, c'est hyper compliqué. Je trouve que c'est très compliqué pour les photographes et que c'est un peu dur parce qu'à la base, on est quand même plutôt bien payés pour ce qu'on fait dans notre vie. Pas quand il s'agit de la presse, ça c'est une autre histoire, mais quand on fait de la pub ou de la mode, on est bien payés par rapport à la moyenne de la France. Donc on est un peu dans une position où à la base, comme on est très bien payés, on part avec un truc de... il ne faut pas se plaindre. Notre entourage, il y a quelque chose de... Quand même, vu ce qu'on gagne, il ne faut pas se plaindre. Sauf qu'il y a deux points en ce moment que moi je ressens, c'est que ça a méga baissé les budgets. Et les assistants, les staffs et tout, moi je sais, en shooting, ils ont tous calé leur salaire sur l'inflation. Donc moi, les gens avec qui je travaille, ils ont augmenté un petit prorata pour faire sens avec l'inflation. Et c'est normal. Je pense qu'ils auraient même pu le faire plus. Et les photographes, ils ont en moyenne perdu 25%. ce que je trouve ouf en fait. Donc du coup, ça a pied sur ce truc de concurrence. Et en plus, il y a ce truc-là, et souvent il y a ce truc que j'essaye d'expliquer à mes amis, c'est que quand tu es photographe, tu dois beaucoup alimenter toi-même le fait d'être photographe. Donc c'est toi qui entretiens ton travail. Donc quand tu es bien payé pour faire une pub, la moitié de cet argent, tu vas le mettre dans ton livre, tu vas le mettre dans tes peloches, tu vas le mettre dans tes trucs perso. En fait... Si j'arrête de le faire, je ne suis plus photographe. Après, il y a toute l'économie des éditos qui est encore un autre sujet. En vrai, c'est bizarre, cette économie. C'est un peu comme ça. C'est un équilibre constant à trouver entre tes moments créatifs, où tu es bien et du coup, il faut en profiter, il faut produire à fond, faire des pubs pour avoir de l'argent, pour injecter dans tes projets, mais pas en faire trop pour que tu aies du temps de faire tes projets. Et quand tu fais tes projets, si après tu fais trop longtemps que tes projets, t'as plus d'argent, donc du coup après t'es inquiet, du coup après tu penses que t'es nul et qu'il faut que tu changes de métier. Et tu passes ton temps à faire un peu ça. J'ai le sentiment que les femmes photographes ont moins un esprit concurrentiel que les garçons photographes. C'est vraiment un ressenti personnel, mais je vois autour de moi... Là, dans ma génération, on a tous passé 30 ans, donc je trouve que tout ça se calme beaucoup. Tu sens que plus tu grandis, plus tu es mature et tu es à l'aise dans ta pratique. Du coup, de plus en plus, la concurrence est quelque chose avec laquelle tu te détaches. Mais en tout cas, plus jeune, entre mes 20 et 30 ans, je trouvais que les filles photographes, on était beaucoup moins stress. Et ça, je pense que là, c'est un truc sociétal. On pourrait parler vraiment de patriarcat, de la notion de qu'est-ce qu'un mec, la société lui demande, elle lui demande d'être le meilleur. Donc du coup, tous les photographes garçons, ils veulent être incroyables. Ils veulent être vraiment des stars. Ils veulent avoir des couves. Et ils sont stressés s'ils le sont pas, ça sera un échec de ne pas être une star. Alors que les filles, comme de toute façon c'est que les gars qui sont des stars, on est juste en mode mais si nous on nous laisse tranquilles et qu'on gagne notre vie et qu'on vit tranquille en faisant ce métier-là, on a gagné. On n'a même pas cette pression parce que le haut du podium n'est même pas attribué aux femmes. Donc ça nous relaxe. Nous le but c'est juste d'être une artiste et de vivre de ça. Donc j'ai toujours eu moi ce ressenti dans mon entourage. Du coup, la concurrence était moins problématique pour les filles. Le futur, c'est que j'aimerais déjà sortir de ces projets qui dorment et qui ont maturé pendant toutes ces années. Depuis quelques années, comme j'ai repris une pratique assidue du dessin et de la peinture, j'ai envie que ça vienne aussi dans ma pratique, que ça prenne de plus en plus de place. Et j'aimerais pouvoir mélanger les médiums. Ça, je trouve que... C'est un truc où c'est pas encore facile en France. Quand on parle avec des gens de l'art, c'est un truc qui revient toujours, c'est très catégorisé, même par rapport à ton médium défini, où t'appartiens, à quel type, même à quel prix, etc. J'aimerais bien, je pense que je suis pas la première qui va le tenter, je sais pas si je vais y arriver, mais pouvoir continuer comme ça, de mélanger de plus en plus, et faire des livres, faire des expos, ça serait bien que je m'y mette. et continuer à faire mon travail de photographe. Et le film, je ne sais pas comment je vais y revenir. Je pense qu'il faudrait que ça passe par l'écriture, mais ce sera dans un second temps. Je vais voir. À titre personnel, je suis assez optimiste. Je trouve que je suis dans un bon moment de ma vie et je sens que c'est un peu un nouveau... Là, je me suis fait 3-4 années, un peu gestation, tac, tac. travaille des choses et tout, et que là, j'arrive un peu à un nouveau chapitre où je me suis prête à les montrer. Peut-être que j'ai un petit peu moins de pudeur. Il y a un petit truc qui s'est enlevé, qui s'est amoindri à ce niveau-là, qui me permet de me sentir enfin prête à vraiment partager les choses et que c'est le bon moment. Donc ça, c'est super chouette. Mais après, j'avoue qu'à l'échelle du monde, je ne suis pas méga optimiste. Je suis optimiste à ma petite échelle perso, mais non. Oui, en ce moment, je suis en quête. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes de podcast, de Spotify en passant par Deezer, Apple Podcast et nos actualités sur notre site vision.photo ou sur notre Instagram at podcastvision. Si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. A très vite pour parler de photographie.

Share

Embed

You may also like