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Vision(s)

VISION #69 — LINA SOUALEM | L'importance de la mémoire

VISION #69 — LINA SOUALEM | L'importance de la mémoire

55min |27/11/2024
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VISION #69 — LINA SOUALEM | L'importance de la mémoire

55min |27/11/2024
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Description

À travers le medium du documentaire, Lina Soualem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans Leur Algérie où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n’a jamais été écrite. Et puis cette année dans Bye Bye Tibériade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. 


Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision(s) lié au cinéma, avec le parcours d’une personne aussi inspirante que Lina Soualem. Bonne écoute.


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🎙 Crédits


Un podcast réalisé et écrit par Louis Lepron, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


✨ Liens  


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une production, un loyau studio.

  • Speaker #1

    À travers le médium du documentaire, Lina Soalem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans leur Algérie, où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n'a jamais été écrite, et puis cette année dans Bye Bye Tiberiade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision lié au cinéma, avec le parcours d'une personne aussi inspirante que Lina Soalem. Bonne écoute. Salut, c'est Louis. Vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. Cette année, adoptez une approche plus durable pour les fêtes. Avec notre partenaire MPB, vous pouvez offrir ou acheter du matériel photo et vidéo d'occasion qui a été testé et approuvé pour des cadeaux fiables et à bon prix. Un lien pour tester MPB est disponible en description de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est difficile de choisir des scènes parce que pour moi, mes films sont un peu des puzzles et je passe par plein d'étapes pour pouvoir reconstituer une histoire justement. Donc c'est difficile de choisir une scène qui représenterait un peu tout le travail. Mais il y a quand même une scène qui me vient en tête, que j'ai dû tourner plusieurs fois puisque je n'arrivais pas à faire ressortir quelque chose de mon grand-père algérien dans leur Algérie. Et c'est une scène dans laquelle j'utilise des photos pour faire ressurgir la mémoire. Puisque dans leur Algérie, je filme mes grands-parents qui n'ont jamais raconté leur histoire et dont l'histoire est tellement traumatique qu'ils se sont réfugiés dans le silence. Donc en fait, il s'agissait pour moi de briser le silence et plutôt que d'être dans la confrontation et dans le question-réponse que je voyais était limité et limitait les échanges. Puisque quelqu'un qui n'a jamais parlé ne va pas tout d'un coup parler parce que tu lui poses une question ou lui demandes de répondre par oui ou par non. Il fallait trouver des manières de faire ressurgir la mémoire sans être dans la confrontation. Et j'avais beaucoup discuté de ça avec ma monteuse Gladys Joujou qui a monté mes deux films et avec qui on écrit aussi ensemble, puisqu'elle est aussi autrice. Ça fait partie du travail de monteuse. Du coup, elle m'a dit, il faut que tu essayes d'utiliser des objets ou des photos pour que la personne qui est filmée puisse accéder à certaines émotions à travers la photo. et décider de quoi elle va pouvoir parler. Et donc j'avais trouvé des photos de mes arrière-grands-parents, les parents de mon grand-père, puisqu'en fait je m'étais rendu compte que mon grand-père n'avait jamais parlé de ses parents, que je ne savais rien de mes arrière-grands-parents, ni comment ils s'appelaient, ni comment ils vivaient, ni où ils vivaient, ni ce qu'ils avaient fait de leur vie, quand est-ce qu'ils étaient nés et morts. Donc il y avait vraiment dans la lignée des ancêtres, ça s'arrêtait à mes grands-parents. Et c'était primordial pour moi de comprendre qui ils étaient. Je ne comprenais pas comment mon grand-père ne pouvait pas parler de ses parents. Et donc j'ai agrandi, c'était des toutes petites photos d'identité que mon père avait gardées, parce que c'est un peu lui qui garde tous les trésors de la famille. Et je les ai faites agrandir, plastifier. Et puis je suis arrivée avec chez mon grand-père. Et en fait, j'ai tourné ça quatre fois où je lui montrais les photos en lui disant Qu'est-ce que ça te rappelle ces photos ? C'était parents Et en fait, les quatre premières fois, soit il tournait la tête, soit il disait Ah, c'est le passé soit il disait Ah, j'ai pas envie de parler de ça Donc à chaque fois, ça faisait rien ressortir et je me disais Bon, bah, dans le film, ça serait une scène de silence. Ça montrera justement à quel point il y a un silence, il y a un problème de transmission. Et en fait, au fond de moi, je me disais Mais c'est pas possible, il faut que je... J'avais besoin de réessayer. Et en fait, un jour, je suis revenue la cinquième fois, j'ai posé les photos. Et puis là, mon grand-père a commencé à parler. Et il m'a révélé en fait que, je ne vais pas tout révéler pour ceux qui n'auraient pas vu le film, mais qu'en fait pour lui, c'est difficile de voir ses photos parce qu'il a quitté ses parents très jeunes, de force puisqu'il a été emmené en France pour travailler sous la colonisation en tant que sujet de l'Empire français, donc sans avoir accès à ses droits. Et qu'en fait, il a sacrifié toute sa vie au travail aussi pour envoyer de l'argent pour que ses parents puissent... survivre mais qui n'a jamais vraiment pu vivre avec eux et en fait j'ai découvert à travers cette scène non pas mon grand père mais le jeune homme qu'il a été et la blessure en fait de la séparation avec les parents et ça a été hyper impactant parce que je me suis dit c'est fou que à 80 ans et quelques cette blessure de l'enfant soit toujours aussi présente en lui En fait, ce n'est pas les mêmes générations qui valorisent les images. Je pense que c'est la génération de mon père et la mienne qui ont valorisé ces images-là comme des traces de notre histoire face à des parents et des grands-parents ultra silencieux. Alors que je pense que mes grands-parents étaient dans un processus de survie à un traumatisme colonial et à la souffrance du déracinement et en fait se rappeler de ce qu'on a perdu. n'aident pas à avancer. Alors que pour nous, on est nés de l'exil, mais on n'a pas vécu l'exil. Donc en fait, nous, c'est comme si on avait besoin de recréer des ponts dans cette espèce de distance qui s'est créée et de fracture qu'il y a eu du fait de cet exil non choisi. Et du coup, c'est vrai que c'est mon père qui a réuni toutes les photos de la famille et qui m'a transmis aussi cette... Le fait de valoriser autant les traces, et en même temps c'était des photos, et en même temps c'était des vidéos, puisque mon père a filmé énormément dans les années 90 avec un caméscope VHS, tous nos voyages dans ma famille algérienne en Auvergne, et tous nos voyages dans ma famille palestinienne en Galilée. Comme si aussi le fait de descendre d'histoires d'exil et d'effacement et de déracinement ont créé chez mon père ce besoin et cette nécessité de faire trace. pour continuer à exister, de peur de disparaître complètement dans une mémoire collective qui est à trous en fait, et qui est incomplète parce que nos aînés n'ont pas de transmis du fait de la difficulté de ce qu'ils ont vécu. Alors je m'appelle Lina Soalem, je suis réalisatrice, j'ai réalisé deux films documentaires, le premier Leur Algérie et le deuxième Bye Bye Tiberiath. Bon j'ai grandi avec deux parents comédiens donc l'image a toujours été très présente à la maison à travers les films, donc souvent des films dans lesquels mes parents jouaient, donc en plus j'avais toujours cette réalité de mes parents à la maison et mes parents dans les films. Et j'ai jamais trop eu de recul et de distance par rapport à ça. Pour moi, la famille, le cinéma, étaient des mondes liés dès le départ. Là où c'était un peu bizarre, c'était sur les plateaux plutôt, où du coup, je n'arrivais plus à savoir si c'était le parent comédien ou le parent parent. Et de toute façon, je m'emmerdais énormément sur les plateaux de cinéma quand j'étais petite, puisque j'avais besoin d'attention et personne ne m'accordait de l'attention. Mais c'est vrai que je m'étais plus intéressée dans l'adolescence et ensuite quand j'ai fait des études. plutôt aux histoires orales plus qu'à l'image, puisque j'ai fait des études d'histoire, de sciences politiques. Je m'intéressais énormément à l'histoire des civilisations et ça, je pense que c'est vraiment en lien avec mes identités et les histoires de ma famille. Et j'avais l'impression que le monde de l'image, c'était le monde de mes parents et que moi, j'avais quelque chose d'autre à apporter et à explorer qui serait ma propre voix, mais toujours dans l'idée et la volonté de raconter des histoires ou de connaître. l'évolution des peuples, des civilisations, de trouver sa place dans le monde, de comprendre ses identités, son héritage, etc. Et je suis revenue à l'image beaucoup plus tardivement, c'est-à-dire qu'après les études d'histoire de sciences politiques, j'ai voulu faire du journalisme. Donc pareil avec l'idée de transmettre, mais l'exigence de neutralité, d'objectivité, ça m'a rendu dingue, puisque je disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai pas tenu longtemps, je me suis pas mal embrouillée. Après j'ai voulu faire de la diplomatie culturelle, parce que pareil c'était faire des liens entre les différentes contrées, etc. Mais pareil, la désillusion est arrivée très vite, en fait parce que j'avais une voix politique que j'avais envie de porter je pense, et que je me suis rendue compte que dans le journalisme, on ne le permettait pas, on faisait semblant que ce n'était pas ça. Puis dans la diplomatie culturelle, encore pire, puisque qui dit diplomatie ne parle pas de tes opinions politiques. Et en fait, moi, j'avais l'impression que j'avais un besoin d'expression, mais je n'arrivais pas à trouver le médium. Et c'est quand j'ai fini mon master, j'étais en Argentine pendant... quelques mois pour faire mon stage justement de fin d'études donc c'est là que je faisais du journalisme et en fait j'ai découvert un festival de cinéma des droits de l'homme donc c'était encore une fois des thématiques qui m'intéressait qui correspondait à mes études mais avec le médium du fin la forme de cinéma et c'est là que j'ai commencé à faire du volontariat et puis qu'on m'a proposé de programmer notamment Ils avaient une section film du Moyen-Orient et ils m'ont proposé de faire un focus cinéma palestinien. Moi j'avais 23 ans à l'époque, j'étais assez jeune et je ne parlais pas encore très très bien l'espagnol, donc c'est des gens qui m'ont fait confiance. Et en fait à ce moment-là j'ai vu énormément de films et j'ai découvert le documentaire comme ça. C'est-à-dire que je ne connaissais pas du tout le documentaire, mes parents sont comédiens de fiction et en plus n'étaient pas du tout dans la réalisation à l'époque, donc même réaliser ce n'était pas quelque chose. qui me semblait accessible. Et en fait, je voyais beaucoup de documentaires faits par des Palestiniens sur la Palestine ou au Moyen-Orient, donc des thématiques qui m'intéressaient d'un point de vue politique, mais que je n'avais jamais vraiment vues sous un prisme artistique. Je me disais, en fait, on peut raconter nos histoires qui sont chargées politiquement et historiquement, mais librement, artistiquement, sous plein de formes. Et on peut provoquer des émotions chez le spectateur. qui font que ça les rapproche de notre histoire qui semble toujours, pour beaucoup de gens, trop complexe, entre guillemets. Et en fait, ça a été une révélation. Il y a un film que j'ai vu à ce moment-là, donc en 2013, qui s'appelle A World Not Ours, de Mahdi Fleifel, qui est un réalisateur palestinien qui a vécu au Danemark, dont le dernier film était à la quinzaine des réalisateurs à Cannes l'année dernière, qui s'appelle To a Land Unknown. Et en fait, son film, c'était un documentaire sur sa famille, qui est une famille palestinienne qui vit dans un camp de réfugiés au Liban. Et lui, il a une voix off où il raconte l'histoire de sa famille, mais avec un ton hyper comique, hyper décalé, hyper cynique. Je me suis dit, mais c'est génial, en fait, tu peux regarder ces histoires-là et rire et pleurer et comprendre le tragique de ce qu'ils ont vécu politiquement, tout en ayant une certaine distance qui permet aussi de replacer les choses dans son contexte. J'ai trouvé ça fascinant et du coup, ça a... planté quelque chose dans ma tête où je me disais un jour j'aimerais bien faire quelque chose sur ma famille mais à ce moment là j'avais aucune idée de ce que j'allais faire et c'est vraiment des années plus tard parce qu'ensuite je suis rentrée en France, il fallait que je travaille je trouvais pas de travail dans le documentaire parce qu'il y a pas de travail enfin je voulais assister des réals, j'envoyais des mails je disais je peux faire assistante et tout ça bon tout le monde me disait il y a pas d'argent, laisse tomber donc ils m'ont bien cassé le moral Et donc j'ai rebossé dans la diplomatie culturelle, j'ai bossé à l'UNESCO pendant quelques mois. Et finalement mes grands-parents algériens se sont séparés et ça a été le déclic pour leur Algérie en fait où j'ai démissionné, j'ai pris une caméra et j'ai commencé à filmer sans vraiment savoir ce que je faisais puisque c'était ma toute première expérience. Donc c'est comme ça que ça a commencé quoi. Je me souviens du bureau dans lequel j'étais à l'UNESCO où j'étais en dépression, parce qu'en fait je me rendais compte que je ne me sentais pas du tout épanouie, que je passais à côté de quelque chose, que j'avais 26 ans, que j'avais un truc un peu de bon, c'est super d'avoir un travail. Mais en fait j'ai toujours rêvé d'avoir un travail, parce qu'on te dit il faut avoir un travail, puis une fois que tu l'as, tu dis bah oui c'est super. Mais en fait, pourquoi je sens que je ne suis pas à ma place ? Enfin bref, j'étais dans des questionnements. Et en fait, je me souviens que j'ai commencé à écrire dans ce bureau. C'est-à-dire à mes pauses-déj, je n'allais pas déjeuner et je commençais à écrire sur l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de mon grand-père et à rêver de faire un film sans savoir quelle forme ça allait prendre. Et je me souviens d'une copine qui m'avait envoyé une résidence au Maroc qui s'appelle Fidadok. Et du coup, vraiment, j'ai... postulé une semaine en retard en me disant bon ils vont jamais me prendre et deux semaines plus tard ils m'ont pris. Donc c'était le premier élan quoi, avec cette page où j'avais raconté l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de l'immigration algérienne et comment je voulais raconter à travers une histoire intime, une histoire collective. Mais bon j'avais rien écrit sur l'approche visuelle, je savais pas du tout faire ces choses là mais fin ad hoc c'est une résidence qui aide des personnes qui débutent donc en fait... Ils ont cru au projet, quoi. Du coup, j'y suis allée, je pense, un ou deux mois plus tard. Donc, je suis allée deux semaines, je crois, à Agadir. Dans ce festival de cinéma, on était plein de jeunes réalisatrices, réalisateurs ou même pas, des jeunes porteurs de projets, beaucoup du Maroc, Afrique du Nord et d'autres certains du Moyen-Orient. Et en fait, à ce moment-là, j'ai rencontré plein de gens dans le cinéma, africains et Moyen-Oriental, et tout d'un coup, les gens me regardaient sérieusement. C'est-à-dire, je parlais d'un film et on me posait des questions sur Ah oui, comment tu envisages ça et ça ? Je disais Ah ouais, donc en fait, c'est sérieux Et en fait, ça a été génial parce que du coup, ça m'a permis de croire dans le projet. Et en fait, dès que je suis rentrée d'Agadir, j'ai demandé sur Facebook. J'ai dit, est-ce que quelqu'un peut me prêter une caméra et des micros ? Et en fait, j'ai un ami, Rachid Ami, qui est réalisateur, qui est trop sympa, m'a prêté une caméra. Et d'autres personnes qui m'ont prêté des micros. J'ai un pote de ma mère, un gesson, à qui j'ai eu un appel téléphonique. et qui m'a donné des conseils sur comment tu branches un HF, le zoom, enfin tout ça moi c'était la première fois que je voyais ce matériel. Je me suis exercée un peu toute seule et je suis partie filmer, je suis partie chez ma grand-mère un mois et demi. J'ai fait des images et en revenant j'ai repris l'écriture et j'ai postulé à notre résidence en Algérie à travers le festival de Bejaïa, les rencontres cinématographiques de Bejaïa et j'ai gagné une bourse. et une résidence à Alger pendant un mois. Et ensuite, j'ai postulé à la SCAM, Bruyant d'un rêve, donc j'ai eu mes premiers sous, disons. Et la SCAM, en plus, on avait un tutorat, donc il y a une réalisatrice qui s'appelle Chantal Richard, que j'adore, qui a été ma tutrice. Et après, j'ai commencé avec le dossier que j'avais écrit, pour lequel, d'ailleurs, on nous a aidé, dans les résidences, ils nous aidaient à construire des dossiers. notamment pour la France, puisque en général, même les résidences en Afrique du Nord, souvent il y a des copros avec la France, donc on t'apprend à écrire des dossiers pour correspondre au fond français aussi. Donc la SCAM, CNC à l'écriture, tout ça. Et du coup, à partir de ça, j'ai commencé à envoyer le dossier à des prods, parce qu'on m'a dit, c'est comme ça que ça marche, il faut rencontrer des prods. Puis j'ai trouvé une prod chez Agathe Film qui était intéressée, j'ai commencé à la rencontrer, donc voilà, ça s'est fait un peu de fil en aiguille. Après, j'ai rencontré Gladys Lamonteuse, dont plusieurs personnes m'avaient parlé. Je lui ai montré le dossier que j'avais, les images que j'avais déjà tournées. Et moi, pendant tout ça, je continuais d'aller filmer. À aucun moment, je me suis arrêtée. Puis j'avais déjà toutes les archives de mon père, que j'avais numérisées moi-même. Et voilà, en fait, après, j'ai postulé un autre truc en Tunisie, où j'ai été prise. Et pour la Tunisie, il fallait faire un rough cut, alors que je n'étais même pas encore... pour pitcher le film en post-prod. Alors j'étais encore... Mais bon, des fois dans le doc, t'es entre plein d'étapes en même temps. Et du coup avec la monteuse, on s'est mis... On a fait 5 semaines de montage pour ce truc-là, avec une deadline. Et du coup j'ai montré 40 minutes en Tunisie, on a eu un prix, donc un peu plus d'argent pour continuer. Parce qu'en fait, j'ai pas réussi à avoir des fonds traditionnels avec leur Algérie, étant... Premier film, et puis les gens ne croyaient pas trop au projet, à l'écrit. On me disait qu'ils ne comprenaient pas comment cette histoire intime allait pouvoir raconter quelque chose de collectif. Ils ne comprenaient pas en quoi l'histoire d'immigrés algériens pouvait être universelle. Donc bon, beaucoup de biais racistes aussi. La région Auvergne, par exemple, n'a jamais financé le film alors qu'il est tourné intégralement en Auvergne. Je ne dis pas qu'ils doivent financer tout ce qui se tourne en Auvergne, mais... Mais voilà, il n'y a pas beaucoup de films sur l'immigration algérienne en Auvergne, alors que c'est une immigration hyper importante. Ils n'ont pas défendu le projet. Donc voilà, on ne trouvait pas ça. Donc il fallait faire un peu différemment et passer par toutes ces plateformes, surtout dans le monde arabe en fait, de pitch, où tu postules, tu gagnes 2000, 3000, 4000, 5000. C'est pas les fonds genre Région ou CNC où des fois t'as 20 000 d'un coup ou 30 000 d'un coup qui te permettent de planifier. Là t'as de l'argent, tu fais ce que tu peux avec, tu retournes en tournage. Moi je tournais seule de toute façon et on m'avait prêté des choses. Donc bon pour ce film-là ça a fonctionné comme ça. Et ça m'a permis de le faire de toute façon parce que j'avais pas trop le temps d'attendre non plus parce que mes grands-parents étaient âgés et mon grand-père, j'ai commencé à le filmer, il avait 85 ans et il nous a quittés à 88. Donc je l'ai filmé ces trois dernières années. Si j'avais dû attendre, je n'aurais pas eu ce film-là. Le film narratif, c'est vraiment avec Gladys Joujoux, la monteuse, qui s'est construit en montage. C'est-à-dire que mes intentions étaient très claires avant de tourner. C'est-à-dire que je savais que je filmais cette histoire pour briser le silence, pour la retransmettre parce que c'est une histoire qui est marginalisée, pas présente dans notre mémoire collective, notamment en France. Mais je ne savais pas comment j'allais le faire. Moi, je posais des questions derrière la caméra, je ne savais pas... pas du tout que j'allais garder mes questions, par exemple. Donc moi, j'étais dans une spontanéité en me disant de toute façon, je vais couper ma voix. Quand j'ai compris que j'allais garder ma voix, ça a été un peu compliqué à assumer, mais après ça allait. Donc j'avais quand même cette intention assez claire sur la portée politique de ce que je cherchais, de la parole intime que je filmais. Mais il y a plein de choses dont j'étais pas consciente, et quand on a commencé à monter avec Gladys... Comme je continue à tourner, il y a plein de choses que j'ai fait en tournage grâce à tout ce qu'on construisait ensemble en montage. C'est-à-dire que c'est elle qui me suggérait justement d'utiliser des photos pour réactiver la mémoire. C'est elle qui m'aidait à, si je veux montrer une vidéo à ma grand-mère, comment je filme la scène ? Quel type de questions il faut que je pose ? C'est aussi à l'étape du montage que j'ai réalisé qu'il fallait... que je ramène les personnages, mes grands-parents, dans certains lieux aussi pour réactiver la mémoire et que je ne sois pas toujours dans des set-up chez eux, assis. Donc j'ai amené ma grand-mère dans la vieille maison, j'ai amené mon grand-père dans les vieilles usines et ça a créé des scènes hyper importantes. Et tout ça, ça s'est construit aussi en montage, c'est-à-dire qu'on discutait de ce que j'allais potentiellement pouvoir filmer en imaginant comment ça allait rentrer dans le montage et dans l'écriture. J'allais filmer, je revenais avec les images. Si ça ne marchait pas, je retournais, je filmais différemment. Les images d'archives personnelles, par exemple, on a mis beaucoup de temps à trouver leur place. Et j'ai fait beaucoup de tentatives. Je les ai reprojetées dans le salon de mon grand-père en filmant ma grand-mère et mon père les regardant. Je les ai montrées à ma grand-mère. Je les ai utilisées plein pot comme ça. Il n'y a rien qui marchait. Et c'est en montage qu'à un moment, Gladys me dit Bon, essayons de renverser. Et ce n'est pas toi qui leur poses des questions, mais tu demandes à ton père de... Vous regardez les images ensemble et c'est lui qui va te poser des questions. Voilà, du coup, on a juste enregistré en son. Et j'ai dit à mon père, bon bah, regardons les archives ensemble et juste dis-moi ce qui te passe par la tête et pose-moi des questions si tu en as. Et en fait, on a fait ça de manière hyper spontanée. Et je me rappelle, on était en montage, on n'avait pas d'argent sur le film. Donc tout était en mode, dès qu'on avait une idée, il fallait le faire le soir même. Donc souvent, après le montage, je courais chez mon père avec mon Zoom. En mode, bon, dernière tentative. Et en fait, on l'a fait. Et puis le lendemain matin, je suis arrivée avec les sons, on les a posés sur les archives et tout d'un coup, ça a pris tout son sens. Tout est fait un peu dans l'urgence et la spontanéité. Et en même temps, ça correspond à la parole qui ne peut émerger qu'une seule fois. Donc en fait, tu tentes plein de choses, mais la parole que tu cherches, si tu l'as, tu l'auras qu'une seule fois dans un seul contexte. Et tu ne sais pas en avance lequel ce sera. Donc tu mets en situation, tu crées plein de situations pour essayer de faire émerger cette parole-là. Mais en fait, tu peux la voir d'une seule manière, disons. Les lieux... c'est des lieux de mémoire qui font émerger des choses moi quand j'ai filmé mon grand-père dans les anciennes usines déjà je me suis dit il va pas tenir longtemps parce que il va vouloir rentrer très vite je me suis dit bon je vais essayer de le filmer quelques minutes pour avoir des images de son corps dans cet endroit là au départ je pensais pas qu'il allait forcément parler et s'exprimer et on a passé trois heures et en fait c'était fascinant parce que j'ai rien demandé, j'ai posé aucune question Il se baladait dans les usines et on est allé au musée de la Coutellerie et il commençait à dévoiler le fait que c'était un travail dans lequel il s'est senti exploité. Tout d'un coup, on voyait l'ouvrier, on voyait le jeune homme, on découvrait des choses de lui et de son histoire. Et en même temps, on voyait à quel point dans ce musée, sa mémoire était complètement absente. Donc c'était aussi un geste politique que de ramener mon grand-père dans cet endroit, en tant qu'ouvrier algérien qui, comme des milliers d'autres, a contribué. à cette industrie de la coutellerie, mais qui, dans ce musée de la coutellerie, est complètement absent, invisibilisé, effacé. Donc en fait, même de le filmer à l'intérieur, pour moi, c'était lui rendre sa mémoire. Ils étaient 70% des ouvriers. Pourquoi ils ne sont pas... Il n'y a même pas une pancarte, il n'y a même pas une photo, il n'y a même pas un paragraphe. C'est des gens qui ont été complètement effacés. Non mais ça, c'est les surprises du réel, parce que moi, j'étais allée faire des repérages dans le musée de la coutellerie. Et en fait, le mec du musée, qui est aussi un Algérien, me dit... Il me dit, oui, est-ce que tu veux aller voir la salle son et lumière ? Je dis, c'est quoi ce truc ? Il me dit, c'est une salle dans laquelle il y a une voix et on reconstitue. Donc en fait, c'était comme ça. Et donc, je suis descendue dans ce truc et je me suis dit, mais c'est extraordinaire. Au début, je l'ai filmé vide et seul en me disant, je ne suis pas sûre que mon grand-père accepte de descendre dans cette salle, de s'asseoir. Et en fait, il l'a fait. Et surtout, c'était incroyable parce qu'il interagissait avec la voix qui disait ils sont malins, le son de la forge est insupportable et tu sentais à quel point c'est son expérience. Donc c'était une manière de parler de lui aussi à travers quelque chose. Enfin, ce n'est pas moi qui ai installé les sons et les lumières, c'était vraiment… Non mais c'est fou parce que je n'aurais jamais pensé à ça. En fait, ça te montre aussi qu'il y a tout un travail de mémoire qui est fait, même de reconstitution. On en est complètement exclus en tant qu'Algériens ou descendants d'Algériens. Et du coup, c'était un décor idéal pour remettre mon grand-père à l'intérieur, pour continuer à le faire exister. Comme s'ils avaient fait ce setup aussi pour ça, alors que pas du tout. À la base, c'est pour des touristes qui viennent, qui ne connaissent pas la coutellerie, pour leur montrer un peu les différents postes, le son, le feu, la chaleur, enfin tous ces trucs un peu insupportables. En fait... Je ne me suis jamais directement inspirée d'un film en particulier ou d'une scène en particulier. Mais j'ai vu beaucoup de films avant de rentrer en montage de leur Algérie. Notamment dans les résidences, ils nous faisaient voir pas mal de films. Et souvent, on nous faisait voir des films en lien avec ce qu'on essayait de faire. Donc j'ai vu beaucoup de films sur la famille, les relations familiales, des traumatismes historiques dans les familles, etc. Et en fait, c'est une manière de... Aussi de voir à quel point il y a de multiples façons de raconter des histoires, qu'il y a plein d'émotions qui peuvent ressortir et qu'il faut trouver son propre chemin. Donc c'est plutôt inconscient s'il y a des choses que j'ai voulu tenter. Par contre, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que le fait de parler de certains films qui nous ont plu et touchés, ça nous donne des idées. Par exemple, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que je discutais beaucoup avec Gladys du film de Sarah Pauly qui s'appelle Stories We Tell. C'est une Canadienne qui a fait un film sur sa famille et sur un secret de famille. Pour le coup, on n'a pas du tout la même histoire, c'est pas du tout... Mais en fait, elle met son père dans un studio et elle écrit un scénario pour son père et elle le fait lire l'histoire avec elle. Et du coup, en parlant de ce film-là à la monteuse, on s'est dit que c'est un dispositif qui pourrait être intéressant pour nous. On n'a pas fait la même chose, on n'était pas en studio, mais du coup, moi j'avais déjà écrit des textes sur les femmes de ma famille. Et j'ai décidé de les faire lire à ma mère. Mais après, ça partait sur des archives historiques, et c'est complètement différent. Mais du coup, il y a des choses comme ça, des dispositifs, où on se dit Ah ouais, c'est possible ! Donc on peut essayer quelque chose. Ça donne confiance, ça te montre qu'en fait, la forme documentaire est hyper libre et que tu peux tout faire. Je pense pas du tout, quand je fais L'Heure Algérie, que je vais faire un deuxième film, puisque déjà, j'étais même pas sûre d'arriver à faire un premier film. C'est vraiment quand L'Heure Algérie est sortie. que la possibilité de faire un deuxième film est vraiment apparue. Même si en réalité, pendant que je tournais leur Algérie, j'avais déjà commencé à filmer ma grand-mère en Palestine, en parallèle. Mais presque comme un devoir de je filme mes grands-parents algériens Et presque comme si aussi... En fait, c'était presque inconscient. Parce que j'avais déjà rencontré aussi le producteur qui m'avait proposé un autre projet sur l'Anakba. palestinienne, un projet de série. Et en fait, moi je disais, si je devais faire un autre film sur la Palestine, ça serait plus à travers mes histoires personnelles. Mais je ne pensais pas vraiment à un autre film. Mais en même temps, je filmais quand même. Mais le moment où j'ai vraiment dit, ok, là je me lance dans un deuxième film, et ça va être un peu une continuation de ce que j'ai commencé à explorer dans l'oragérie, ce qui est la mémoire familiale dans la mémoire collective, c'est vraiment que l'oragérie... était terminé quoi et que j'ai commencé à le partager avec le public parce que c'est quand j'ai reçu, quand j'ai vécu pour la première fois les réactions du public où je me suis dit ok c'est possible de... enfin ils arrivent à s'identifier avec ces histoires là et c'est possible de transmettre des choses à travers ces formes là et donc ça m'a donné de la force pour entreprendre vraiment le deuxième. Le fait d'avoir fait leur algérie, d'avoir réussi à le faire, d'avoir réussi à le sortir, d'avoir réussi à attirer. aussi l'intérêt du public parce que tu fais un film après tu sais pas si ça va toucher ou pas donc le fait que mes intentions aient été perçues et que j'ai reçu des retours les gens me disaient être touchés par les choses que j'avais voulu transmettre donc je me suis dit bon bah je suis obligé de continuer parce qu'en plus l'histoire palestinienne est d'autant plus essentielle et primordiale qu'elle est encore plus invisibilisée plus effacée que l'histoire algérienne et j'ai accès à cette histoire. Donc c'est mon devoir de continuer. La toute première étape était quand j'ai filmé ma grand-mère en Palestine avec ma mère, de poser une caméra face à ma grand-mère et à cette mémoire de la Nakba qui est hyper chargée, très lourde. Et j'ai déjà à ce moment-là, c'était en 2018, sachant que j'ai commencé à filmer leur Algérie en 2017. Donc en fait c'est très rapide, j'étais allée pour les vacances. voir ma grand-mère avec ma mère et j'ai pris la caméra. Et j'ai déjà, à ce moment-là, amené ma grand-mère à Tiberiade. Comme déjà, dans ce truc de il faut la ramener sur les lieux de sa mémoire il faut à tout prix inscrire sa mémoire dans ces lieux-là et surtout, il faut à tout prix capturer sa mémoire parce que j'avais peur qu'elle parte sans avoir transmis son histoire. Et en fait, je ne savais pas du tout à ce moment-là que ça allait être la dernière fois que j'allais voir ma grand-mère. Parce qu'après, il y a eu Covid, elle est décédée, on n'a pas pu la voir. Et ouais, donc en fait, ces images-là sont devenues les dernières images de ma grand-mère et donc sont devenues des archives pour le film en plus. Convainc ma mère, ça a été à la fois long et difficile et à la fois pas tant que ça parce qu'on n'a jamais été dans la confrontation. Mais ce n'était pas évident parce que je ne voulais pas être dans la confrontation et je voulais qu'elle soit à l'aise. Moi, je m'agacais aussi quand je voyais que ce n'était pas fluide et que ça ne lui allait pas. En me disant, mais pourquoi ? Est-ce que c'est de ma faute ? Est-ce que je présente mal les choses ? Est-ce que je suis mal à l'aise ? Du coup, je ne la mets pas à l'aise. Donc, il a fallu un temps pour trouver aussi l'équilibre entre nous. Je pense qu'au départ, je ne savais pas trop ce que je cherchais. Donc, quand tu es face à quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il cherche, tu ne sais pas ce qu'il faut lui donner non plus. Et aussi, ma mère a l'habitude des caméras sur des plateaux de fiction, donc elle avait tendance à être un peu distante, trop consciente de la caméra, à me répondre comme si j'étais une journaliste. Et moi, je voulais à la fois qu'elle me réponde comme à sa fille, mais en même temps, j'étais aussi réalisatrice et j'essayais de m'adresser à elle de femme à femme. Il y avait plein de choses qui se mélangeaient, qui faisaient qu'en fait, c'était une question de temps, d'être à l'aise, de comprendre les intentions derrière le film, que moi, j'arrive mieux à formuler ce que je cherche. Et quand j'ai réussi à lui expliquer, quand on a réussi à comprendre toutes les deux que c'était pas un film sur elle, c'était pas un portrait d'elle en tant que Yama Abbas, l'actrice, en tant que mère simplement, mais c'était un film sur elle en tant que femme palestinienne dans une lignée de femmes. Donc elle parmi d'autres. Et en quoi son histoire apporte à la grande histoire. Et donc à ce moment-là, ça nous mettait à égalité. Puisqu'on fait toutes les deux partie de cette histoire et toutes les deux on essaye de reconstituer cette histoire collective. Et c'est moins intimidant que si je disais je vais faire un portrait de toi. Il ne s'agissait pas du tout de ça. Et je voulais m'éloigner absolument du portrait de... Dans ces deux histoires, c'est-à-dire que raconter l'histoire d'un immigré algérien ou raconter l'histoire d'un palestinien ou d'une palestinienne a forcément un lien au collectif, puisque c'est des histoires qui ont été marquées par une histoire collective tragique qui a complètement bouleversé les destins individuels. Donc en fait, même si tu racontes une histoire d'amour ou une histoire de déménagement, c'est un déménagement ou un déplacement. ou des liens qui se sont construits dans un contexte d'exil forcé, de guerre, d'effacement de l'identité, d'effacement de son histoire, de négation de son existence. Donc c'est forcément des choses qui affectent ton destin individuel. Et après c'est comment raconter le parcours intime quand même de ces femmes-là, de leur redonner le droit à la complexité, le droit à leur... Leur lutte aussi intime, qui sont propres à leurs conditions de femme, propres à leur histoire aussi, du fait de leur famille spécifique, mais de faire comprendre que c'est une histoire parmi des milliers d'histoires, et qu'en fait, leur histoire intime contribue à enrichir l'histoire collective. L'heure Algérie, ça s'est fait de manière très spontanée, où j'ai d'abord filmé et ensuite écrit. Et bien sûr, ensuite, je notais des questions que je voulais poser, je réfléchissais au lieu. Mais après, une fois que j'avais déjà commencé à regarder les images, à monter et à réfléchir à la structure, Bye Bye Tiberiat, pour le coup, j'ai beaucoup plus préparé en amont et pas seule, puisque j'avais ma co-autrice Nadine Naous avec qui j'écrivais. et Gladys Joujou qui a monté le film, qui était aussi impliquée dès la phase d'écriture et de préparation du tournage. Puisqu'on écrivait sur la base des images d'archives personnelles que j'avais, on les regardait, on réfléchissait, ok, mes tentes, on les a 30 ans plus tôt, si je les filme aujourd'hui, j'aimerais filmer ces tentes-là ensemble dans tel lieu, tel lieu, tel lieu. Dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on parle d'amour, dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on raconte l'histoire de la grande tente. Mais après, je n'ai pas tout gardé. J'ai fait plusieurs tentatives. C'est-à-dire que j'ai posé les mêmes questions, parfois dans des lieux différents. Il y a des choses qui ne marchaient pas. Il y a des choses que j'ai ajoutées. Il y a des scènes que je pensais filmer entre ma mère et une de ses sœurs, où finalement, je n'ai gardé que ma mère seule. Il y a des scènes où je pensais avoir des éléments de la part de ma mère seule. Et finalement, c'est parti. Ça s'est transformé et ça a été présent dans ma voix off. Donc voilà la manière dont les histoires ont été racontées dans le film. C'est après plusieurs tentatives aussi, mais il y a eu beaucoup plus de préparation. Je savais que j'avais des scènes dans lesquelles je voulais demander à ma mère de rejouer des moments de son adolescence, de elle plus jeune, se remettre dans la peau de elle plus jeune, pour justement accéder à des émotions auxquelles elle n'aurait pas pu avoir accès par un question-réponse et par la parole. Il s'agissait vraiment de se remettre dans la peau de qui elle a été. Et pour ça, je l'amenais dans le lieu dans lequel elle avait vécu l'événement en question. Et je demandais à une de mes tantes d'être présente, qui était présente avec elle à l'époque. Donc presque de remettre un petit peu... Donc tout ça, c'est des choses que j'ai préparées en amont. Et après, il y a plein de choses que j'ai trouvées tout au long de l'écriture. La voix off est arrivée hyper tardivement. Le fait de faire lire à ma mère les textes sur les femmes de la famille s'est arrivé aussi tardivement. Parce qu'au départ, je pensais que c'était ma grand-mère qui allait me raconter ces histoires-là. Et elle est décédée. Donc j'allais la filmer et deux mois avant le tournage, elle est décédée. Donc en fait, je suis allée filmer quand même, mais je n'ai pas pu capturer cette parole-là. Donc en revenant au montage, il a fallu trouver un autre dispositif et c'est là qu'on a pensé à ce dispositif-là. J'ai tout appris en faisant le Régéry, que ce soit la caméra, le son, le sens du cadre, le montage, l'écriture, comment tu fais surgir l'invisible, l'indicible, comment tu filmes. Des choses qui ne se disent pas, qui ne se voient pas. Comment les corps se déplacent dans des lieux et ce que ça raconte. Comment parfois le silence, ça raconte plus que des mots. Enfin, tout ça, c'est... J'ai tout appris en faisant l'Oralgérie. Et même, c'est bête, mais les étapes de... Écriture, tournage, montage, la post-prod, ce que le son apporte, ce que la musique apporte, ce que le sous-titrage apporte. Enfin, on est sur... Ce que le cadrage apporte. Enfin, plein de choses. Et du coup, c'est avec... tout cet apprentissage-là que dans My Bytes Bariat j'avais accès à cette gamme en fait de plein de choses qui vont déterminer ce que le film sera et en même temps il y a plein de choses mais il y a peu de choses qui vont marcher donc tu essayes plein de choses, tu filmes plein de choses pour à la fin garder peu de choses dans l'Eure Algérie j'ai beaucoup filmé et utiliser peu. Dans Bye Bye Tiberiat, j'ai beaucoup préparé pour filmer plutôt ce que j'allais utiliser, disons. Même s'il y a plein de choses qu'évidemment, je n'ai pas utilisées et que j'ai essayé qui ne marchaient pas. Mais je préparais beaucoup plus. Mais c'est des manières différentes. Ça dépend des histoires. Quand tu filmes dans l'urgence et quand tu filmes des personnes avec qui tu n'as pas le luxe de préparer, tu filmes, tu filmes, tu filmes et après, tu tries en montage et tu construis après. En plus, Leur Algérie, je le tournais en France, donc c'était facile pour moi de faire des allers-retours entre Paris et l'Auvergne, en voiture, en train, je pouvais y aller le week-end. Des fois, je montais la semaine, le week-end, j'allais tourner une scène, je revenais le lundi. Bye Bye Tiberiade, c'était compliqué de préparer le tournage. Puis en plus, c'est une question de personnages. Leur Algérie, j'avais mes deux grands-parents. Bye Bye Tiberiade, j'ai sept tantes, deux oncles, ma mère, ma grand-mère. C'est un set-up qui est beaucoup plus chargé. et je ne peux pas arriver comme ça et leur demander d'être à ma disposition. Parce qu'elles ont toute leur vie, leur travail. Ce n'est pas comme mes grands-parents algériens qui étaient à la maison tout le temps et avec qui je pouvais faire passer des semaines chez eux et ça ne les perturbait pas. Là, avec mes tantes, il fallait s'organiser, demander quand est-ce que vous êtes dispo. Aussi, leur expliquer un peu le projet parce qu'elles n'ont pas l'habitude. Mais après, j'ai eu de la chance dans les deux films. Toute ma famille m'a énormément soutenue et super bien accueillie, plus que ce que j'aurais pu imaginer. C'est très compliqué de filmer en famille puisque justement... T'es obligée d'être à distance, donc des fois, moi j'étais saoulée parce que j'avais envie de profiter de ma famille aussi. Enfin, surtout quand j'étais avec ma famille palestinienne, que je vois pas très souvent. Bah des fois, il y avait des moments où je les filmais pendant les déjeuners, les dîners, et je me disais, en fait, j'ai envie de pouvoir m'asseoir, de profiter. Mais il y avait cet objectif de capturer qui était plus important. C'est compliqué d'être derrière la caméra, de faire le cadre dans leur Algérie, tout en étant... Celle qui pose les questions est en contact, high contact avec ma grand-mère ou mon grand-père. Mais en même temps, j'ai... En fait, sur le moment, c'était toujours assez évident. C'est-à-dire que des fois, oui, j'étais prise d'une certaine émotion et j'allais me mettre à avoir peut-être les larmes aux yeux. Mais je me reprenais aussitôt parce que l'objectif était plus important, c'est-à-dire capturer cette mémoire. C'est essentiel, c'est une mémoire qui peut disparaître. Et le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est que cette mémoire disparaisse et que je n'arrive pas à la capturer à temps. Le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est de ne pas redonner cette mémoire aux personnes que je filme. Donc oui, sur le moment, j'aimerais m'arrêter, prendre dans les bras. Mais en fait, ça, je peux le faire après. Mais la mémoire que je capture, c'est qu'à ce moment-là que je peux le faire, en fait. Et c'était le cas avec ma grand-mère palestinienne, en fait. Je l'ai filmée pendant tout ce voyage à Tiberiade, pendant ce moment où elle me racontait la Nakba, où il y a plein de moments où elle était en sanglots. Mais si j'avais arrêté la caméra en disant il faut que je me sois à côté, elle j'apprends dans mes bras, je n'aurais jamais capturé tout ça. Il faut s'effacer, en fait il faut se mettre à distance. Et même dans My By Tiberiade, quand je filme le deuil de ma mère, c'est hyper dur. Je vois ma mère qui est en deuil, je rentre dans la maison de ma grand-mère, avec pour la première fois ma grand-mère qui n'est pas là. Mais en fait c'est un moment... qui racontent énormément dans le film. Et je me suis tenue. Et en fait, ça m'a permis aussi de faire mon deuil. C'est-à-dire que moi, c'est par le fait que j'ai capturé ces mémoires-là que je rends hommage et que je fais mon deuil. C'est pas forcément en arrêtant la caméra et en pleurant. Alors c'est vrai que le mot enquête, je ne l'utilise jamais et je ne m'identifie pas du tout à ce mot parce que j'ai l'impression que quand on parle d'enquête, on parle d'un mystère et on parle de secrets. Alors que là, dans ces histoires-là, pour moi, ce n'est pas des secrets, c'est le silence. Donc je sais que je ne vais pas résoudre l'histoire en apprenant des choses, mais briser le silence me permettra de mieux comprendre et de mieux atteindre. les personnes que je filme. Donc, ce n'est pas vraiment enquête, mais c'est plus, comme je disais au départ, construire un puzzle. En fait, c'est qu'il y a plein de morceaux. Et l'idée, c'est de pouvoir reconstituer son histoire, se la réapproprier, comprendre sa place dans la famille, dans l'histoire entre la France et l'Algérie, entre la Palestine et Paris. Donc pour moi, ce n'est pas enquête dans le sens où je ne suis pas en train d'essayer de résoudre et de passer à autre chose, mais je suis en train d'essayer de compléter pour trouver ma place. Donc c'est presque de la survie, pas au sens de vécu, mais de la survie au sens... Dans une famille, dans une histoire, pour exister, c'est presque un besoin d'exister. Et pour ça, il faut savoir d'où on vient. Et pour savoir d'où on vient, il faut briser ces silences-là. Le puzzle et la forme documentaire se rejoignent. Je parle de puzzle aussi parce que c'est comme ça que j'ai constitué mes films. Mais peut-être que si mes sujets avaient été autres, je n'aurais pas fait le même genre de film. Mais c'est vrai que pour moi, dans les deux histoires, que ce soit Leur Algérie ou Bye Bye Tiberiade, comme je disais, il s'agissait de recoller les morceaux, de recréer des liens, d'aller faire émerger une mémoire enfouie, d'essayer de redonner une forme de linéarité à des histoires complètement morcelées. Et pour moi, tout ça, c'est un écho, c'est un miroir à la réalité de l'expérience de l'exil. Et à travers le documentaire, la manière dont on les a construits, c'est vraiment ça, c'est déjà comment mêler l'intime et le collectif. Donc c'est déjà recréer des liens entre des choses qui semblent être séparées. Et c'est donc à chaque fois qu'on regarde des scènes en montage, on les pense et on les écrit à la fois sur le côté intime et le côté collectif. Qu'est-ce que ça raconte de l'intime de cette famille ? Mais en quoi cet intime-là est intéressant pour l'histoire collective ? On ne s'intéresse pas à l'intime en tant que tel, mais c'est vraiment pour constituer une histoire. Et c'est pareil, les photos, les vidéos qui sont intimes. vont se mélanger à des archives qui sont historiques, par exemple. Et c'est une manière de tout le temps re-imbriquer l'intime et le collectif ensemble. Et justement, c'est vrai que les films sont construits comme des puzzles parce qu'ils mélangent différentes sources d'images, des archives des années 90 et des images contemporaines pour l'heure Algérie, mais aussi des archives historiques, puisque dans l'heure Algérie, j'ai utilisé aussi des extraits des années 40 et 50 pendant la colonisation française en Algérie. Et dans Bye Bye Tiberiade, c'est la même chose. J'ai des archives des années 90, des archives historiques allant des années 30 aux années 80 et des images contemporaines. Et en fait, c'est presque comme si ces formes-là étaient nécessaires et essentielles pour raconter notre histoire, qui est faite de bouts de mémoire morcelés et surtout qui est faite de mémoires qui ont été effacées délibérément aussi. Donc les traces, les images sont nécessaires puisqu'elles deviennent la preuve d'une existence qui est niée. qui n'est pas reconnu ou qui est marginalisé. Et dans le cas de la colonisation française en Algérie, il y a plein d'archives auxquelles on n'a pas accès et qui ont été longtemps cachées ou difficiles d'accès. Dans le cas de la Palestine, énormément d'archives ont été détruites. Et de lieux aujourd'hui sont détruits, et des vies sont détruites, et des cultures sont détruites. Donc en fait, chaque image devient précieuse, parce que rare. C'est hyper dur de se dire le film est fini parce que tu as tellement d'étapes. Bon déjà quand je faisais l'heure Algérie, à aucun moment je me disais je vais réussir à faire le film. Je me disais bon je fais ce que je peux. Mais je me disais mais comment je vais faire pour faire un film ? Et c'est vraiment à la toute fin quand il y a un visionnage où tout d'un coup tu regardes et tu te dis ah ouais j'ai un film. Et en même temps tu as l'étape du final cut de l'image. où t'as un film et il manque toute la partie sonore, puis ensuite la musique. Et en fait, c'est ça qui est fascinant aussi, c'est à quel point ça prend forme aussi à chaque étape. Et c'est vrai que My Mighty Bariat, comme j'avais déjà eu l'expérience par rapport à leur Algérie, j'étais un peu plus consciente de ces étapes-là. Mais pour le coup, My Mighty Bariat, comme c'était beaucoup plus morcelé, j'avais du mal à voir le film. Je voyais plein de bouts de choses en me disant, mais... J'arrive pas à trouver cette linéarité et c'est vraiment arrivé à la toute fin du montage puisque la linéarité est arrivée avec l'écriture de ma voix qui en fait c'est en parcimonie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup ma voix mais c'est deux trois phrases au début, deux trois phrases par-ci par-là qui font qu'on arrive à lier les choses entre elles et ça on l'a écrite les trois dernières semaines de montage après trois quatre ans de travail d'aller-retour entre tournage, montage, écriture Et du coup, c'est vraiment... Mais après, la structure était là et le film était là. Je pense que je n'aurais pas pu écrire ma voix. Avant, il fallait que je pose un peu tous ces morceaux-là pour comprendre. Ok, j'ai raconté l'histoire de mon arrière-grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma mère. C'est moi qui ai décidé de raconter ces histoires-là, je suis descendante de ces histoires-là, je les raconte à travers mon point de vue, mes ressentis. C'est moi qui dois faire le lien entre tout ça, puisque quand je regarde le film en l'état, sans ma voix, c'est intéressant, mais c'est quand même morcelé. Et du coup, j'ai posé ma voix dans les endroits où il y avait besoin de me suivre, de suivre mon intention. Et tout d'un coup, ça prenait sens. Donc, on a l'impression que c'est un détail, mais c'est un détail qu'on n'aurait pas pu construire si on n'avait pas fait tout le reste. Donc, en fait, c'est comme du travail à la chaîne. Si tu oublies un tournevis à un moment, tu as l'impression que le truc est là, mais en fait, ça va se péter la gueule. La caméra, pour moi, c'était le meilleur moyen. de capturer et transmettre ces histoires-là. Mais ce n'est pas seulement la caméra, c'est la caméra et l'écriture. C'est-à-dire capturer ces images et comment tu les ficelles entre elles. Parce qu'avec des mêmes images, tu peux faire des choses très différentes. Donc c'est pour ça que pour moi, c'est au-delà de l'image en soi, c'est la forme documentaire qui est une manière de construire un récit avec des images. Parce que j'aurais pu faire de l'art vidéo et sur une photographie de ma grand-mère, capturer sa voix. J'aurais pu dans Bye Bye Tiberia ne faire qu'un film d'archives ou ne pas utiliser d'archives du tout et faire que avec des images contemporaines. Mais en fait, c'est plutôt collecter un maximum de matière pour raconter une histoire à trous. Comme un puzzle, tu réunis toutes les pièces pour pouvoir le former. Donc pour moi, c'est vraiment propre au documentaire qui te permet de faire ça. L'instinct, pour moi, est hyper important. Ce n'est pas du tout une question de talent. C'est un instinct que tu partages avec des gens qui te permettent d'accéder à ce que tu as envie de construire. Parce que des fois, tu ressens des choses, tu les exprimes. Et puis, que je les exprime avec Nadine Aous, ma co-autrice, qui me dit Ah ben du coup, si on devait l'exprimer à l'écrit, ça serait comme ça. Ou Si tu devais tourner la scène pour arriver à ce que tu veux, ça serait comme ça. Et quand je l'exprime avec Gladys Joujou en montage... Elle me dit Ah bah du coup, si c'est vraiment ça ton intention, on pourrait faire ci et ça. Et pareil, quand tu es en post-prod, avec l'étalonnage, avec le son, la monteuse son avec qui j'ai travaillé, c'est dire Voilà, j'ai envie qu'on sente ça, qu'on sente ça. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'ai ce ressenti. Et en fait, oui, tu es obligé de faire confiance à ton instinct parce que tu as une certaine envie artistique, mais sans l'expérience, tu ne sais pas forcément comment le... traduire en termes techniques cinéma. Puis peut-être que tu n'as pas besoin de le traduire en termes techniques cinéma, puisque le cinéma, de toute façon, est un travail collectif dans lequel on œuvre toutes et tous pour le meilleur film possible par rapport à nos envies. Il n'y a pas de critère objectif de meilleur film ou pas meilleur film. Mais du coup, moi, c'est aussi pour ça que je valorise énormément les personnes avec qui je travaille. En fait, je n'aurais pas pu faire ces films sans toutes les personnes qui m'ont accompagnée. dans leur Algérie, que ce soit Gladys, avec qui on a écrit, monté, construit le film, et aussi ceux qui ont travaillé le son avec moi, qui sont un couple de monteurs-mixeurs, Julie Triboud et Rémi Durel d'Obsidienne Studio, qui en fait ont vu débarquer une jeune qui n'a jamais fait de film, qui ne sait pas ce que c'est le montage son, qui fait un film sur ses grands-parents, et qui ont été extraordinaires dans la manière dont ils ont cru dans le projet, étaient hyper touchés. très émue et ont su traduire mes envies, mes émotions dans le travail sonore. Et ça, j'étais fascinée. Et pareil avec l'étalonneur Christophe Bousquet, j'ai retravaillé avec ces personnes-là sur Bye Bye Tiberian. C'était hyper important pour moi. Et en plus de ça, dans Bye Bye Tiberian, j'ai voulu écrire avec quelqu'un en amont parce que, justement, j'avais un peu souffert de la solitude dans leur Algérie, de tout faire toute seule aussi, même si j'avais Gladys qui était mon acolyte. Mais là, j'avais envie d'être encore plus entourée. Et là, comme j'ai envie de faire de la fiction, c'est une envie encore d'être encore plus, plus, plus entourée. J'ai toujours envie de faire à la fois du documentaire, de l'écriture. Je ne suis pas quelqu'un qui, une fois que je fais quelque chose, je me dis je ne vais faire que ça. J'ai toujours été un peu touche-à-tout, sachant qu'avant de faire Leur Algérie et Bye Bye Tiberiade, j'ai fait de la programmation. J'ai écrit sur des projets d'autres personnes. Entre leur Algérie Bye Bye Timariad, j'ai travaillé sur une série de fiction plutôt télé qui s'appelle Oussekine sur l'histoire de Malik Oussekine avec Disney où là j'étais coordinatrice d'écriture et documentaliste et en fait j'ai participé à la room d'auteurs dans l'écriture. Donc là c'était ma première expérience de fiction mais sur un projet qui est tiré du réel donc ça mêlait un petit peu ce que j'aimais faire dans le documentaire et en même temps... mon attirance vers l'écriture de fiction. Et là, j'ai encore des projets documentaires en tête, mais le prochain projet qui vraiment commence un peu à émerger, à se concrétiser, même si je suis au tout, tout, tout, tout, tout, tout début. C'est un projet de fiction sur l'histoire d'une famille qui vit en Espagne, d'une famille franco-algérienne. Pour moi, ça continue de traiter les sujets qui m'intéressent, c'est-à-dire comment tu trouves ta place dans la famille, comment en tant que descendant d'immigrés, descendant d'exilés, tu te construis entre plusieurs territoires, qu'est-ce que signifie le territoire dans sa construction personnelle. C'est axé surtout sur le personnage principal qui est une jeune femme franco-algérienne dans sa trentaine, donc aussi l'histoire de la femme, des femmes. Comment tu te lies aux femmes de ta famille ? Qu'est-ce qu'elles t'ont transmis ? Est-ce que tu te construis contre elles, avec elles ? Quels sont les points communs ? Comment chacune de ces femmes, chacun de ces personnages, porte son héritage historique dans la manière dont ils ou elles naviguent dans le monde et dans la famille ? Et ça passe par la fiction parce que j'ai envie de déplacer un peu les enjeux, j'ai envie de me détacher du poids du réel aussi, qui a été très pesant sur leur Algérie. et surtout sur Bye Bye Tiberiade, avec tout le contexte du génocide à Gaza pendant toute la tournée du film, et de ce que tu portes aussi publiquement dans des moments comme ça, c'est très difficile. Et je ne dis pas que j'ai envie de faire des choses plus légères, parce que j'ai toujours envie d'avoir une portée politique dans ce que je fais, puisque pour moi, de toute façon, tout est politique, et nos existences sont politiques en soi, mais j'ai envie de réinjecter plus d'humour, d'amour. Bon, je ne vais pas faire une comédie, mais j'ai envie d'avoir une liberté de ton. Et voilà, je ne sais pas du tout. Comme d'hab, quand je commence quelque chose, je ne me dis pas, ouais, je vois le film et je sais ce que je veux faire. Mais j'ai des intentions, j'ai des envies, j'ai des gens avec qui j'ai envie de travailler. Et j'ai des rêves qu'on va essayer de construire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez d'ailleurs retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes, que ce soit Spotify, Deezer ou Apple, ainsi que nos actualités sur le site vision.photo ou sur notre Instagram, at vision. Et si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. Donc je vous dis à très vite pour de nouvelles rencontres.

Description

À travers le medium du documentaire, Lina Soualem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans Leur Algérie où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n’a jamais été écrite. Et puis cette année dans Bye Bye Tibériade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. 


Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision(s) lié au cinéma, avec le parcours d’une personne aussi inspirante que Lina Soualem. Bonne écoute.


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Un podcast réalisé et écrit par Louis Lepron, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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Transcription

  • Speaker #0

    Une production, un loyau studio.

  • Speaker #1

    À travers le médium du documentaire, Lina Soalem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans leur Algérie, où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n'a jamais été écrite, et puis cette année dans Bye Bye Tiberiade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision lié au cinéma, avec le parcours d'une personne aussi inspirante que Lina Soalem. Bonne écoute. Salut, c'est Louis. Vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. Cette année, adoptez une approche plus durable pour les fêtes. Avec notre partenaire MPB, vous pouvez offrir ou acheter du matériel photo et vidéo d'occasion qui a été testé et approuvé pour des cadeaux fiables et à bon prix. Un lien pour tester MPB est disponible en description de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est difficile de choisir des scènes parce que pour moi, mes films sont un peu des puzzles et je passe par plein d'étapes pour pouvoir reconstituer une histoire justement. Donc c'est difficile de choisir une scène qui représenterait un peu tout le travail. Mais il y a quand même une scène qui me vient en tête, que j'ai dû tourner plusieurs fois puisque je n'arrivais pas à faire ressortir quelque chose de mon grand-père algérien dans leur Algérie. Et c'est une scène dans laquelle j'utilise des photos pour faire ressurgir la mémoire. Puisque dans leur Algérie, je filme mes grands-parents qui n'ont jamais raconté leur histoire et dont l'histoire est tellement traumatique qu'ils se sont réfugiés dans le silence. Donc en fait, il s'agissait pour moi de briser le silence et plutôt que d'être dans la confrontation et dans le question-réponse que je voyais était limité et limitait les échanges. Puisque quelqu'un qui n'a jamais parlé ne va pas tout d'un coup parler parce que tu lui poses une question ou lui demandes de répondre par oui ou par non. Il fallait trouver des manières de faire ressurgir la mémoire sans être dans la confrontation. Et j'avais beaucoup discuté de ça avec ma monteuse Gladys Joujou qui a monté mes deux films et avec qui on écrit aussi ensemble, puisqu'elle est aussi autrice. Ça fait partie du travail de monteuse. Du coup, elle m'a dit, il faut que tu essayes d'utiliser des objets ou des photos pour que la personne qui est filmée puisse accéder à certaines émotions à travers la photo. et décider de quoi elle va pouvoir parler. Et donc j'avais trouvé des photos de mes arrière-grands-parents, les parents de mon grand-père, puisqu'en fait je m'étais rendu compte que mon grand-père n'avait jamais parlé de ses parents, que je ne savais rien de mes arrière-grands-parents, ni comment ils s'appelaient, ni comment ils vivaient, ni où ils vivaient, ni ce qu'ils avaient fait de leur vie, quand est-ce qu'ils étaient nés et morts. Donc il y avait vraiment dans la lignée des ancêtres, ça s'arrêtait à mes grands-parents. Et c'était primordial pour moi de comprendre qui ils étaient. Je ne comprenais pas comment mon grand-père ne pouvait pas parler de ses parents. Et donc j'ai agrandi, c'était des toutes petites photos d'identité que mon père avait gardées, parce que c'est un peu lui qui garde tous les trésors de la famille. Et je les ai faites agrandir, plastifier. Et puis je suis arrivée avec chez mon grand-père. Et en fait, j'ai tourné ça quatre fois où je lui montrais les photos en lui disant Qu'est-ce que ça te rappelle ces photos ? C'était parents Et en fait, les quatre premières fois, soit il tournait la tête, soit il disait Ah, c'est le passé soit il disait Ah, j'ai pas envie de parler de ça Donc à chaque fois, ça faisait rien ressortir et je me disais Bon, bah, dans le film, ça serait une scène de silence. Ça montrera justement à quel point il y a un silence, il y a un problème de transmission. Et en fait, au fond de moi, je me disais Mais c'est pas possible, il faut que je... J'avais besoin de réessayer. Et en fait, un jour, je suis revenue la cinquième fois, j'ai posé les photos. Et puis là, mon grand-père a commencé à parler. Et il m'a révélé en fait que, je ne vais pas tout révéler pour ceux qui n'auraient pas vu le film, mais qu'en fait pour lui, c'est difficile de voir ses photos parce qu'il a quitté ses parents très jeunes, de force puisqu'il a été emmené en France pour travailler sous la colonisation en tant que sujet de l'Empire français, donc sans avoir accès à ses droits. Et qu'en fait, il a sacrifié toute sa vie au travail aussi pour envoyer de l'argent pour que ses parents puissent... survivre mais qui n'a jamais vraiment pu vivre avec eux et en fait j'ai découvert à travers cette scène non pas mon grand père mais le jeune homme qu'il a été et la blessure en fait de la séparation avec les parents et ça a été hyper impactant parce que je me suis dit c'est fou que à 80 ans et quelques cette blessure de l'enfant soit toujours aussi présente en lui En fait, ce n'est pas les mêmes générations qui valorisent les images. Je pense que c'est la génération de mon père et la mienne qui ont valorisé ces images-là comme des traces de notre histoire face à des parents et des grands-parents ultra silencieux. Alors que je pense que mes grands-parents étaient dans un processus de survie à un traumatisme colonial et à la souffrance du déracinement et en fait se rappeler de ce qu'on a perdu. n'aident pas à avancer. Alors que pour nous, on est nés de l'exil, mais on n'a pas vécu l'exil. Donc en fait, nous, c'est comme si on avait besoin de recréer des ponts dans cette espèce de distance qui s'est créée et de fracture qu'il y a eu du fait de cet exil non choisi. Et du coup, c'est vrai que c'est mon père qui a réuni toutes les photos de la famille et qui m'a transmis aussi cette... Le fait de valoriser autant les traces, et en même temps c'était des photos, et en même temps c'était des vidéos, puisque mon père a filmé énormément dans les années 90 avec un caméscope VHS, tous nos voyages dans ma famille algérienne en Auvergne, et tous nos voyages dans ma famille palestinienne en Galilée. Comme si aussi le fait de descendre d'histoires d'exil et d'effacement et de déracinement ont créé chez mon père ce besoin et cette nécessité de faire trace. pour continuer à exister, de peur de disparaître complètement dans une mémoire collective qui est à trous en fait, et qui est incomplète parce que nos aînés n'ont pas de transmis du fait de la difficulté de ce qu'ils ont vécu. Alors je m'appelle Lina Soalem, je suis réalisatrice, j'ai réalisé deux films documentaires, le premier Leur Algérie et le deuxième Bye Bye Tiberiath. Bon j'ai grandi avec deux parents comédiens donc l'image a toujours été très présente à la maison à travers les films, donc souvent des films dans lesquels mes parents jouaient, donc en plus j'avais toujours cette réalité de mes parents à la maison et mes parents dans les films. Et j'ai jamais trop eu de recul et de distance par rapport à ça. Pour moi, la famille, le cinéma, étaient des mondes liés dès le départ. Là où c'était un peu bizarre, c'était sur les plateaux plutôt, où du coup, je n'arrivais plus à savoir si c'était le parent comédien ou le parent parent. Et de toute façon, je m'emmerdais énormément sur les plateaux de cinéma quand j'étais petite, puisque j'avais besoin d'attention et personne ne m'accordait de l'attention. Mais c'est vrai que je m'étais plus intéressée dans l'adolescence et ensuite quand j'ai fait des études. plutôt aux histoires orales plus qu'à l'image, puisque j'ai fait des études d'histoire, de sciences politiques. Je m'intéressais énormément à l'histoire des civilisations et ça, je pense que c'est vraiment en lien avec mes identités et les histoires de ma famille. Et j'avais l'impression que le monde de l'image, c'était le monde de mes parents et que moi, j'avais quelque chose d'autre à apporter et à explorer qui serait ma propre voix, mais toujours dans l'idée et la volonté de raconter des histoires ou de connaître. l'évolution des peuples, des civilisations, de trouver sa place dans le monde, de comprendre ses identités, son héritage, etc. Et je suis revenue à l'image beaucoup plus tardivement, c'est-à-dire qu'après les études d'histoire de sciences politiques, j'ai voulu faire du journalisme. Donc pareil avec l'idée de transmettre, mais l'exigence de neutralité, d'objectivité, ça m'a rendu dingue, puisque je disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai pas tenu longtemps, je me suis pas mal embrouillée. Après j'ai voulu faire de la diplomatie culturelle, parce que pareil c'était faire des liens entre les différentes contrées, etc. Mais pareil, la désillusion est arrivée très vite, en fait parce que j'avais une voix politique que j'avais envie de porter je pense, et que je me suis rendue compte que dans le journalisme, on ne le permettait pas, on faisait semblant que ce n'était pas ça. Puis dans la diplomatie culturelle, encore pire, puisque qui dit diplomatie ne parle pas de tes opinions politiques. Et en fait, moi, j'avais l'impression que j'avais un besoin d'expression, mais je n'arrivais pas à trouver le médium. Et c'est quand j'ai fini mon master, j'étais en Argentine pendant... quelques mois pour faire mon stage justement de fin d'études donc c'est là que je faisais du journalisme et en fait j'ai découvert un festival de cinéma des droits de l'homme donc c'était encore une fois des thématiques qui m'intéressait qui correspondait à mes études mais avec le médium du fin la forme de cinéma et c'est là que j'ai commencé à faire du volontariat et puis qu'on m'a proposé de programmer notamment Ils avaient une section film du Moyen-Orient et ils m'ont proposé de faire un focus cinéma palestinien. Moi j'avais 23 ans à l'époque, j'étais assez jeune et je ne parlais pas encore très très bien l'espagnol, donc c'est des gens qui m'ont fait confiance. Et en fait à ce moment-là j'ai vu énormément de films et j'ai découvert le documentaire comme ça. C'est-à-dire que je ne connaissais pas du tout le documentaire, mes parents sont comédiens de fiction et en plus n'étaient pas du tout dans la réalisation à l'époque, donc même réaliser ce n'était pas quelque chose. qui me semblait accessible. Et en fait, je voyais beaucoup de documentaires faits par des Palestiniens sur la Palestine ou au Moyen-Orient, donc des thématiques qui m'intéressaient d'un point de vue politique, mais que je n'avais jamais vraiment vues sous un prisme artistique. Je me disais, en fait, on peut raconter nos histoires qui sont chargées politiquement et historiquement, mais librement, artistiquement, sous plein de formes. Et on peut provoquer des émotions chez le spectateur. qui font que ça les rapproche de notre histoire qui semble toujours, pour beaucoup de gens, trop complexe, entre guillemets. Et en fait, ça a été une révélation. Il y a un film que j'ai vu à ce moment-là, donc en 2013, qui s'appelle A World Not Ours, de Mahdi Fleifel, qui est un réalisateur palestinien qui a vécu au Danemark, dont le dernier film était à la quinzaine des réalisateurs à Cannes l'année dernière, qui s'appelle To a Land Unknown. Et en fait, son film, c'était un documentaire sur sa famille, qui est une famille palestinienne qui vit dans un camp de réfugiés au Liban. Et lui, il a une voix off où il raconte l'histoire de sa famille, mais avec un ton hyper comique, hyper décalé, hyper cynique. Je me suis dit, mais c'est génial, en fait, tu peux regarder ces histoires-là et rire et pleurer et comprendre le tragique de ce qu'ils ont vécu politiquement, tout en ayant une certaine distance qui permet aussi de replacer les choses dans son contexte. J'ai trouvé ça fascinant et du coup, ça a... planté quelque chose dans ma tête où je me disais un jour j'aimerais bien faire quelque chose sur ma famille mais à ce moment là j'avais aucune idée de ce que j'allais faire et c'est vraiment des années plus tard parce qu'ensuite je suis rentrée en France, il fallait que je travaille je trouvais pas de travail dans le documentaire parce qu'il y a pas de travail enfin je voulais assister des réals, j'envoyais des mails je disais je peux faire assistante et tout ça bon tout le monde me disait il y a pas d'argent, laisse tomber donc ils m'ont bien cassé le moral Et donc j'ai rebossé dans la diplomatie culturelle, j'ai bossé à l'UNESCO pendant quelques mois. Et finalement mes grands-parents algériens se sont séparés et ça a été le déclic pour leur Algérie en fait où j'ai démissionné, j'ai pris une caméra et j'ai commencé à filmer sans vraiment savoir ce que je faisais puisque c'était ma toute première expérience. Donc c'est comme ça que ça a commencé quoi. Je me souviens du bureau dans lequel j'étais à l'UNESCO où j'étais en dépression, parce qu'en fait je me rendais compte que je ne me sentais pas du tout épanouie, que je passais à côté de quelque chose, que j'avais 26 ans, que j'avais un truc un peu de bon, c'est super d'avoir un travail. Mais en fait j'ai toujours rêvé d'avoir un travail, parce qu'on te dit il faut avoir un travail, puis une fois que tu l'as, tu dis bah oui c'est super. Mais en fait, pourquoi je sens que je ne suis pas à ma place ? Enfin bref, j'étais dans des questionnements. Et en fait, je me souviens que j'ai commencé à écrire dans ce bureau. C'est-à-dire à mes pauses-déj, je n'allais pas déjeuner et je commençais à écrire sur l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de mon grand-père et à rêver de faire un film sans savoir quelle forme ça allait prendre. Et je me souviens d'une copine qui m'avait envoyé une résidence au Maroc qui s'appelle Fidadok. Et du coup, vraiment, j'ai... postulé une semaine en retard en me disant bon ils vont jamais me prendre et deux semaines plus tard ils m'ont pris. Donc c'était le premier élan quoi, avec cette page où j'avais raconté l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de l'immigration algérienne et comment je voulais raconter à travers une histoire intime, une histoire collective. Mais bon j'avais rien écrit sur l'approche visuelle, je savais pas du tout faire ces choses là mais fin ad hoc c'est une résidence qui aide des personnes qui débutent donc en fait... Ils ont cru au projet, quoi. Du coup, j'y suis allée, je pense, un ou deux mois plus tard. Donc, je suis allée deux semaines, je crois, à Agadir. Dans ce festival de cinéma, on était plein de jeunes réalisatrices, réalisateurs ou même pas, des jeunes porteurs de projets, beaucoup du Maroc, Afrique du Nord et d'autres certains du Moyen-Orient. Et en fait, à ce moment-là, j'ai rencontré plein de gens dans le cinéma, africains et Moyen-Oriental, et tout d'un coup, les gens me regardaient sérieusement. C'est-à-dire, je parlais d'un film et on me posait des questions sur Ah oui, comment tu envisages ça et ça ? Je disais Ah ouais, donc en fait, c'est sérieux Et en fait, ça a été génial parce que du coup, ça m'a permis de croire dans le projet. Et en fait, dès que je suis rentrée d'Agadir, j'ai demandé sur Facebook. J'ai dit, est-ce que quelqu'un peut me prêter une caméra et des micros ? Et en fait, j'ai un ami, Rachid Ami, qui est réalisateur, qui est trop sympa, m'a prêté une caméra. Et d'autres personnes qui m'ont prêté des micros. J'ai un pote de ma mère, un gesson, à qui j'ai eu un appel téléphonique. et qui m'a donné des conseils sur comment tu branches un HF, le zoom, enfin tout ça moi c'était la première fois que je voyais ce matériel. Je me suis exercée un peu toute seule et je suis partie filmer, je suis partie chez ma grand-mère un mois et demi. J'ai fait des images et en revenant j'ai repris l'écriture et j'ai postulé à notre résidence en Algérie à travers le festival de Bejaïa, les rencontres cinématographiques de Bejaïa et j'ai gagné une bourse. et une résidence à Alger pendant un mois. Et ensuite, j'ai postulé à la SCAM, Bruyant d'un rêve, donc j'ai eu mes premiers sous, disons. Et la SCAM, en plus, on avait un tutorat, donc il y a une réalisatrice qui s'appelle Chantal Richard, que j'adore, qui a été ma tutrice. Et après, j'ai commencé avec le dossier que j'avais écrit, pour lequel, d'ailleurs, on nous a aidé, dans les résidences, ils nous aidaient à construire des dossiers. notamment pour la France, puisque en général, même les résidences en Afrique du Nord, souvent il y a des copros avec la France, donc on t'apprend à écrire des dossiers pour correspondre au fond français aussi. Donc la SCAM, CNC à l'écriture, tout ça. Et du coup, à partir de ça, j'ai commencé à envoyer le dossier à des prods, parce qu'on m'a dit, c'est comme ça que ça marche, il faut rencontrer des prods. Puis j'ai trouvé une prod chez Agathe Film qui était intéressée, j'ai commencé à la rencontrer, donc voilà, ça s'est fait un peu de fil en aiguille. Après, j'ai rencontré Gladys Lamonteuse, dont plusieurs personnes m'avaient parlé. Je lui ai montré le dossier que j'avais, les images que j'avais déjà tournées. Et moi, pendant tout ça, je continuais d'aller filmer. À aucun moment, je me suis arrêtée. Puis j'avais déjà toutes les archives de mon père, que j'avais numérisées moi-même. Et voilà, en fait, après, j'ai postulé un autre truc en Tunisie, où j'ai été prise. Et pour la Tunisie, il fallait faire un rough cut, alors que je n'étais même pas encore... pour pitcher le film en post-prod. Alors j'étais encore... Mais bon, des fois dans le doc, t'es entre plein d'étapes en même temps. Et du coup avec la monteuse, on s'est mis... On a fait 5 semaines de montage pour ce truc-là, avec une deadline. Et du coup j'ai montré 40 minutes en Tunisie, on a eu un prix, donc un peu plus d'argent pour continuer. Parce qu'en fait, j'ai pas réussi à avoir des fonds traditionnels avec leur Algérie, étant... Premier film, et puis les gens ne croyaient pas trop au projet, à l'écrit. On me disait qu'ils ne comprenaient pas comment cette histoire intime allait pouvoir raconter quelque chose de collectif. Ils ne comprenaient pas en quoi l'histoire d'immigrés algériens pouvait être universelle. Donc bon, beaucoup de biais racistes aussi. La région Auvergne, par exemple, n'a jamais financé le film alors qu'il est tourné intégralement en Auvergne. Je ne dis pas qu'ils doivent financer tout ce qui se tourne en Auvergne, mais... Mais voilà, il n'y a pas beaucoup de films sur l'immigration algérienne en Auvergne, alors que c'est une immigration hyper importante. Ils n'ont pas défendu le projet. Donc voilà, on ne trouvait pas ça. Donc il fallait faire un peu différemment et passer par toutes ces plateformes, surtout dans le monde arabe en fait, de pitch, où tu postules, tu gagnes 2000, 3000, 4000, 5000. C'est pas les fonds genre Région ou CNC où des fois t'as 20 000 d'un coup ou 30 000 d'un coup qui te permettent de planifier. Là t'as de l'argent, tu fais ce que tu peux avec, tu retournes en tournage. Moi je tournais seule de toute façon et on m'avait prêté des choses. Donc bon pour ce film-là ça a fonctionné comme ça. Et ça m'a permis de le faire de toute façon parce que j'avais pas trop le temps d'attendre non plus parce que mes grands-parents étaient âgés et mon grand-père, j'ai commencé à le filmer, il avait 85 ans et il nous a quittés à 88. Donc je l'ai filmé ces trois dernières années. Si j'avais dû attendre, je n'aurais pas eu ce film-là. Le film narratif, c'est vraiment avec Gladys Joujoux, la monteuse, qui s'est construit en montage. C'est-à-dire que mes intentions étaient très claires avant de tourner. C'est-à-dire que je savais que je filmais cette histoire pour briser le silence, pour la retransmettre parce que c'est une histoire qui est marginalisée, pas présente dans notre mémoire collective, notamment en France. Mais je ne savais pas comment j'allais le faire. Moi, je posais des questions derrière la caméra, je ne savais pas... pas du tout que j'allais garder mes questions, par exemple. Donc moi, j'étais dans une spontanéité en me disant de toute façon, je vais couper ma voix. Quand j'ai compris que j'allais garder ma voix, ça a été un peu compliqué à assumer, mais après ça allait. Donc j'avais quand même cette intention assez claire sur la portée politique de ce que je cherchais, de la parole intime que je filmais. Mais il y a plein de choses dont j'étais pas consciente, et quand on a commencé à monter avec Gladys... Comme je continue à tourner, il y a plein de choses que j'ai fait en tournage grâce à tout ce qu'on construisait ensemble en montage. C'est-à-dire que c'est elle qui me suggérait justement d'utiliser des photos pour réactiver la mémoire. C'est elle qui m'aidait à, si je veux montrer une vidéo à ma grand-mère, comment je filme la scène ? Quel type de questions il faut que je pose ? C'est aussi à l'étape du montage que j'ai réalisé qu'il fallait... que je ramène les personnages, mes grands-parents, dans certains lieux aussi pour réactiver la mémoire et que je ne sois pas toujours dans des set-up chez eux, assis. Donc j'ai amené ma grand-mère dans la vieille maison, j'ai amené mon grand-père dans les vieilles usines et ça a créé des scènes hyper importantes. Et tout ça, ça s'est construit aussi en montage, c'est-à-dire qu'on discutait de ce que j'allais potentiellement pouvoir filmer en imaginant comment ça allait rentrer dans le montage et dans l'écriture. J'allais filmer, je revenais avec les images. Si ça ne marchait pas, je retournais, je filmais différemment. Les images d'archives personnelles, par exemple, on a mis beaucoup de temps à trouver leur place. Et j'ai fait beaucoup de tentatives. Je les ai reprojetées dans le salon de mon grand-père en filmant ma grand-mère et mon père les regardant. Je les ai montrées à ma grand-mère. Je les ai utilisées plein pot comme ça. Il n'y a rien qui marchait. Et c'est en montage qu'à un moment, Gladys me dit Bon, essayons de renverser. Et ce n'est pas toi qui leur poses des questions, mais tu demandes à ton père de... Vous regardez les images ensemble et c'est lui qui va te poser des questions. Voilà, du coup, on a juste enregistré en son. Et j'ai dit à mon père, bon bah, regardons les archives ensemble et juste dis-moi ce qui te passe par la tête et pose-moi des questions si tu en as. Et en fait, on a fait ça de manière hyper spontanée. Et je me rappelle, on était en montage, on n'avait pas d'argent sur le film. Donc tout était en mode, dès qu'on avait une idée, il fallait le faire le soir même. Donc souvent, après le montage, je courais chez mon père avec mon Zoom. En mode, bon, dernière tentative. Et en fait, on l'a fait. Et puis le lendemain matin, je suis arrivée avec les sons, on les a posés sur les archives et tout d'un coup, ça a pris tout son sens. Tout est fait un peu dans l'urgence et la spontanéité. Et en même temps, ça correspond à la parole qui ne peut émerger qu'une seule fois. Donc en fait, tu tentes plein de choses, mais la parole que tu cherches, si tu l'as, tu l'auras qu'une seule fois dans un seul contexte. Et tu ne sais pas en avance lequel ce sera. Donc tu mets en situation, tu crées plein de situations pour essayer de faire émerger cette parole-là. Mais en fait, tu peux la voir d'une seule manière, disons. Les lieux... c'est des lieux de mémoire qui font émerger des choses moi quand j'ai filmé mon grand-père dans les anciennes usines déjà je me suis dit il va pas tenir longtemps parce que il va vouloir rentrer très vite je me suis dit bon je vais essayer de le filmer quelques minutes pour avoir des images de son corps dans cet endroit là au départ je pensais pas qu'il allait forcément parler et s'exprimer et on a passé trois heures et en fait c'était fascinant parce que j'ai rien demandé, j'ai posé aucune question Il se baladait dans les usines et on est allé au musée de la Coutellerie et il commençait à dévoiler le fait que c'était un travail dans lequel il s'est senti exploité. Tout d'un coup, on voyait l'ouvrier, on voyait le jeune homme, on découvrait des choses de lui et de son histoire. Et en même temps, on voyait à quel point dans ce musée, sa mémoire était complètement absente. Donc c'était aussi un geste politique que de ramener mon grand-père dans cet endroit, en tant qu'ouvrier algérien qui, comme des milliers d'autres, a contribué. à cette industrie de la coutellerie, mais qui, dans ce musée de la coutellerie, est complètement absent, invisibilisé, effacé. Donc en fait, même de le filmer à l'intérieur, pour moi, c'était lui rendre sa mémoire. Ils étaient 70% des ouvriers. Pourquoi ils ne sont pas... Il n'y a même pas une pancarte, il n'y a même pas une photo, il n'y a même pas un paragraphe. C'est des gens qui ont été complètement effacés. Non mais ça, c'est les surprises du réel, parce que moi, j'étais allée faire des repérages dans le musée de la coutellerie. Et en fait, le mec du musée, qui est aussi un Algérien, me dit... Il me dit, oui, est-ce que tu veux aller voir la salle son et lumière ? Je dis, c'est quoi ce truc ? Il me dit, c'est une salle dans laquelle il y a une voix et on reconstitue. Donc en fait, c'était comme ça. Et donc, je suis descendue dans ce truc et je me suis dit, mais c'est extraordinaire. Au début, je l'ai filmé vide et seul en me disant, je ne suis pas sûre que mon grand-père accepte de descendre dans cette salle, de s'asseoir. Et en fait, il l'a fait. Et surtout, c'était incroyable parce qu'il interagissait avec la voix qui disait ils sont malins, le son de la forge est insupportable et tu sentais à quel point c'est son expérience. Donc c'était une manière de parler de lui aussi à travers quelque chose. Enfin, ce n'est pas moi qui ai installé les sons et les lumières, c'était vraiment… Non mais c'est fou parce que je n'aurais jamais pensé à ça. En fait, ça te montre aussi qu'il y a tout un travail de mémoire qui est fait, même de reconstitution. On en est complètement exclus en tant qu'Algériens ou descendants d'Algériens. Et du coup, c'était un décor idéal pour remettre mon grand-père à l'intérieur, pour continuer à le faire exister. Comme s'ils avaient fait ce setup aussi pour ça, alors que pas du tout. À la base, c'est pour des touristes qui viennent, qui ne connaissent pas la coutellerie, pour leur montrer un peu les différents postes, le son, le feu, la chaleur, enfin tous ces trucs un peu insupportables. En fait... Je ne me suis jamais directement inspirée d'un film en particulier ou d'une scène en particulier. Mais j'ai vu beaucoup de films avant de rentrer en montage de leur Algérie. Notamment dans les résidences, ils nous faisaient voir pas mal de films. Et souvent, on nous faisait voir des films en lien avec ce qu'on essayait de faire. Donc j'ai vu beaucoup de films sur la famille, les relations familiales, des traumatismes historiques dans les familles, etc. Et en fait, c'est une manière de... Aussi de voir à quel point il y a de multiples façons de raconter des histoires, qu'il y a plein d'émotions qui peuvent ressortir et qu'il faut trouver son propre chemin. Donc c'est plutôt inconscient s'il y a des choses que j'ai voulu tenter. Par contre, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que le fait de parler de certains films qui nous ont plu et touchés, ça nous donne des idées. Par exemple, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que je discutais beaucoup avec Gladys du film de Sarah Pauly qui s'appelle Stories We Tell. C'est une Canadienne qui a fait un film sur sa famille et sur un secret de famille. Pour le coup, on n'a pas du tout la même histoire, c'est pas du tout... Mais en fait, elle met son père dans un studio et elle écrit un scénario pour son père et elle le fait lire l'histoire avec elle. Et du coup, en parlant de ce film-là à la monteuse, on s'est dit que c'est un dispositif qui pourrait être intéressant pour nous. On n'a pas fait la même chose, on n'était pas en studio, mais du coup, moi j'avais déjà écrit des textes sur les femmes de ma famille. Et j'ai décidé de les faire lire à ma mère. Mais après, ça partait sur des archives historiques, et c'est complètement différent. Mais du coup, il y a des choses comme ça, des dispositifs, où on se dit Ah ouais, c'est possible ! Donc on peut essayer quelque chose. Ça donne confiance, ça te montre qu'en fait, la forme documentaire est hyper libre et que tu peux tout faire. Je pense pas du tout, quand je fais L'Heure Algérie, que je vais faire un deuxième film, puisque déjà, j'étais même pas sûre d'arriver à faire un premier film. C'est vraiment quand L'Heure Algérie est sortie. que la possibilité de faire un deuxième film est vraiment apparue. Même si en réalité, pendant que je tournais leur Algérie, j'avais déjà commencé à filmer ma grand-mère en Palestine, en parallèle. Mais presque comme un devoir de je filme mes grands-parents algériens Et presque comme si aussi... En fait, c'était presque inconscient. Parce que j'avais déjà rencontré aussi le producteur qui m'avait proposé un autre projet sur l'Anakba. palestinienne, un projet de série. Et en fait, moi je disais, si je devais faire un autre film sur la Palestine, ça serait plus à travers mes histoires personnelles. Mais je ne pensais pas vraiment à un autre film. Mais en même temps, je filmais quand même. Mais le moment où j'ai vraiment dit, ok, là je me lance dans un deuxième film, et ça va être un peu une continuation de ce que j'ai commencé à explorer dans l'oragérie, ce qui est la mémoire familiale dans la mémoire collective, c'est vraiment que l'oragérie... était terminé quoi et que j'ai commencé à le partager avec le public parce que c'est quand j'ai reçu, quand j'ai vécu pour la première fois les réactions du public où je me suis dit ok c'est possible de... enfin ils arrivent à s'identifier avec ces histoires là et c'est possible de transmettre des choses à travers ces formes là et donc ça m'a donné de la force pour entreprendre vraiment le deuxième. Le fait d'avoir fait leur algérie, d'avoir réussi à le faire, d'avoir réussi à le sortir, d'avoir réussi à attirer. aussi l'intérêt du public parce que tu fais un film après tu sais pas si ça va toucher ou pas donc le fait que mes intentions aient été perçues et que j'ai reçu des retours les gens me disaient être touchés par les choses que j'avais voulu transmettre donc je me suis dit bon bah je suis obligé de continuer parce qu'en plus l'histoire palestinienne est d'autant plus essentielle et primordiale qu'elle est encore plus invisibilisée plus effacée que l'histoire algérienne et j'ai accès à cette histoire. Donc c'est mon devoir de continuer. La toute première étape était quand j'ai filmé ma grand-mère en Palestine avec ma mère, de poser une caméra face à ma grand-mère et à cette mémoire de la Nakba qui est hyper chargée, très lourde. Et j'ai déjà à ce moment-là, c'était en 2018, sachant que j'ai commencé à filmer leur Algérie en 2017. Donc en fait c'est très rapide, j'étais allée pour les vacances. voir ma grand-mère avec ma mère et j'ai pris la caméra. Et j'ai déjà, à ce moment-là, amené ma grand-mère à Tiberiade. Comme déjà, dans ce truc de il faut la ramener sur les lieux de sa mémoire il faut à tout prix inscrire sa mémoire dans ces lieux-là et surtout, il faut à tout prix capturer sa mémoire parce que j'avais peur qu'elle parte sans avoir transmis son histoire. Et en fait, je ne savais pas du tout à ce moment-là que ça allait être la dernière fois que j'allais voir ma grand-mère. Parce qu'après, il y a eu Covid, elle est décédée, on n'a pas pu la voir. Et ouais, donc en fait, ces images-là sont devenues les dernières images de ma grand-mère et donc sont devenues des archives pour le film en plus. Convainc ma mère, ça a été à la fois long et difficile et à la fois pas tant que ça parce qu'on n'a jamais été dans la confrontation. Mais ce n'était pas évident parce que je ne voulais pas être dans la confrontation et je voulais qu'elle soit à l'aise. Moi, je m'agacais aussi quand je voyais que ce n'était pas fluide et que ça ne lui allait pas. En me disant, mais pourquoi ? Est-ce que c'est de ma faute ? Est-ce que je présente mal les choses ? Est-ce que je suis mal à l'aise ? Du coup, je ne la mets pas à l'aise. Donc, il a fallu un temps pour trouver aussi l'équilibre entre nous. Je pense qu'au départ, je ne savais pas trop ce que je cherchais. Donc, quand tu es face à quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il cherche, tu ne sais pas ce qu'il faut lui donner non plus. Et aussi, ma mère a l'habitude des caméras sur des plateaux de fiction, donc elle avait tendance à être un peu distante, trop consciente de la caméra, à me répondre comme si j'étais une journaliste. Et moi, je voulais à la fois qu'elle me réponde comme à sa fille, mais en même temps, j'étais aussi réalisatrice et j'essayais de m'adresser à elle de femme à femme. Il y avait plein de choses qui se mélangeaient, qui faisaient qu'en fait, c'était une question de temps, d'être à l'aise, de comprendre les intentions derrière le film, que moi, j'arrive mieux à formuler ce que je cherche. Et quand j'ai réussi à lui expliquer, quand on a réussi à comprendre toutes les deux que c'était pas un film sur elle, c'était pas un portrait d'elle en tant que Yama Abbas, l'actrice, en tant que mère simplement, mais c'était un film sur elle en tant que femme palestinienne dans une lignée de femmes. Donc elle parmi d'autres. Et en quoi son histoire apporte à la grande histoire. Et donc à ce moment-là, ça nous mettait à égalité. Puisqu'on fait toutes les deux partie de cette histoire et toutes les deux on essaye de reconstituer cette histoire collective. Et c'est moins intimidant que si je disais je vais faire un portrait de toi. Il ne s'agissait pas du tout de ça. Et je voulais m'éloigner absolument du portrait de... Dans ces deux histoires, c'est-à-dire que raconter l'histoire d'un immigré algérien ou raconter l'histoire d'un palestinien ou d'une palestinienne a forcément un lien au collectif, puisque c'est des histoires qui ont été marquées par une histoire collective tragique qui a complètement bouleversé les destins individuels. Donc en fait, même si tu racontes une histoire d'amour ou une histoire de déménagement, c'est un déménagement ou un déplacement. ou des liens qui se sont construits dans un contexte d'exil forcé, de guerre, d'effacement de l'identité, d'effacement de son histoire, de négation de son existence. Donc c'est forcément des choses qui affectent ton destin individuel. Et après c'est comment raconter le parcours intime quand même de ces femmes-là, de leur redonner le droit à la complexité, le droit à leur... Leur lutte aussi intime, qui sont propres à leurs conditions de femme, propres à leur histoire aussi, du fait de leur famille spécifique, mais de faire comprendre que c'est une histoire parmi des milliers d'histoires, et qu'en fait, leur histoire intime contribue à enrichir l'histoire collective. L'heure Algérie, ça s'est fait de manière très spontanée, où j'ai d'abord filmé et ensuite écrit. Et bien sûr, ensuite, je notais des questions que je voulais poser, je réfléchissais au lieu. Mais après, une fois que j'avais déjà commencé à regarder les images, à monter et à réfléchir à la structure, Bye Bye Tiberiat, pour le coup, j'ai beaucoup plus préparé en amont et pas seule, puisque j'avais ma co-autrice Nadine Naous avec qui j'écrivais. et Gladys Joujou qui a monté le film, qui était aussi impliquée dès la phase d'écriture et de préparation du tournage. Puisqu'on écrivait sur la base des images d'archives personnelles que j'avais, on les regardait, on réfléchissait, ok, mes tentes, on les a 30 ans plus tôt, si je les filme aujourd'hui, j'aimerais filmer ces tentes-là ensemble dans tel lieu, tel lieu, tel lieu. Dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on parle d'amour, dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on raconte l'histoire de la grande tente. Mais après, je n'ai pas tout gardé. J'ai fait plusieurs tentatives. C'est-à-dire que j'ai posé les mêmes questions, parfois dans des lieux différents. Il y a des choses qui ne marchaient pas. Il y a des choses que j'ai ajoutées. Il y a des scènes que je pensais filmer entre ma mère et une de ses sœurs, où finalement, je n'ai gardé que ma mère seule. Il y a des scènes où je pensais avoir des éléments de la part de ma mère seule. Et finalement, c'est parti. Ça s'est transformé et ça a été présent dans ma voix off. Donc voilà la manière dont les histoires ont été racontées dans le film. C'est après plusieurs tentatives aussi, mais il y a eu beaucoup plus de préparation. Je savais que j'avais des scènes dans lesquelles je voulais demander à ma mère de rejouer des moments de son adolescence, de elle plus jeune, se remettre dans la peau de elle plus jeune, pour justement accéder à des émotions auxquelles elle n'aurait pas pu avoir accès par un question-réponse et par la parole. Il s'agissait vraiment de se remettre dans la peau de qui elle a été. Et pour ça, je l'amenais dans le lieu dans lequel elle avait vécu l'événement en question. Et je demandais à une de mes tantes d'être présente, qui était présente avec elle à l'époque. Donc presque de remettre un petit peu... Donc tout ça, c'est des choses que j'ai préparées en amont. Et après, il y a plein de choses que j'ai trouvées tout au long de l'écriture. La voix off est arrivée hyper tardivement. Le fait de faire lire à ma mère les textes sur les femmes de la famille s'est arrivé aussi tardivement. Parce qu'au départ, je pensais que c'était ma grand-mère qui allait me raconter ces histoires-là. Et elle est décédée. Donc j'allais la filmer et deux mois avant le tournage, elle est décédée. Donc en fait, je suis allée filmer quand même, mais je n'ai pas pu capturer cette parole-là. Donc en revenant au montage, il a fallu trouver un autre dispositif et c'est là qu'on a pensé à ce dispositif-là. J'ai tout appris en faisant le Régéry, que ce soit la caméra, le son, le sens du cadre, le montage, l'écriture, comment tu fais surgir l'invisible, l'indicible, comment tu filmes. Des choses qui ne se disent pas, qui ne se voient pas. Comment les corps se déplacent dans des lieux et ce que ça raconte. Comment parfois le silence, ça raconte plus que des mots. Enfin, tout ça, c'est... J'ai tout appris en faisant l'Oralgérie. Et même, c'est bête, mais les étapes de... Écriture, tournage, montage, la post-prod, ce que le son apporte, ce que la musique apporte, ce que le sous-titrage apporte. Enfin, on est sur... Ce que le cadrage apporte. Enfin, plein de choses. Et du coup, c'est avec... tout cet apprentissage-là que dans My Bytes Bariat j'avais accès à cette gamme en fait de plein de choses qui vont déterminer ce que le film sera et en même temps il y a plein de choses mais il y a peu de choses qui vont marcher donc tu essayes plein de choses, tu filmes plein de choses pour à la fin garder peu de choses dans l'Eure Algérie j'ai beaucoup filmé et utiliser peu. Dans Bye Bye Tiberiat, j'ai beaucoup préparé pour filmer plutôt ce que j'allais utiliser, disons. Même s'il y a plein de choses qu'évidemment, je n'ai pas utilisées et que j'ai essayé qui ne marchaient pas. Mais je préparais beaucoup plus. Mais c'est des manières différentes. Ça dépend des histoires. Quand tu filmes dans l'urgence et quand tu filmes des personnes avec qui tu n'as pas le luxe de préparer, tu filmes, tu filmes, tu filmes et après, tu tries en montage et tu construis après. En plus, Leur Algérie, je le tournais en France, donc c'était facile pour moi de faire des allers-retours entre Paris et l'Auvergne, en voiture, en train, je pouvais y aller le week-end. Des fois, je montais la semaine, le week-end, j'allais tourner une scène, je revenais le lundi. Bye Bye Tiberiade, c'était compliqué de préparer le tournage. Puis en plus, c'est une question de personnages. Leur Algérie, j'avais mes deux grands-parents. Bye Bye Tiberiade, j'ai sept tantes, deux oncles, ma mère, ma grand-mère. C'est un set-up qui est beaucoup plus chargé. et je ne peux pas arriver comme ça et leur demander d'être à ma disposition. Parce qu'elles ont toute leur vie, leur travail. Ce n'est pas comme mes grands-parents algériens qui étaient à la maison tout le temps et avec qui je pouvais faire passer des semaines chez eux et ça ne les perturbait pas. Là, avec mes tantes, il fallait s'organiser, demander quand est-ce que vous êtes dispo. Aussi, leur expliquer un peu le projet parce qu'elles n'ont pas l'habitude. Mais après, j'ai eu de la chance dans les deux films. Toute ma famille m'a énormément soutenue et super bien accueillie, plus que ce que j'aurais pu imaginer. C'est très compliqué de filmer en famille puisque justement... T'es obligée d'être à distance, donc des fois, moi j'étais saoulée parce que j'avais envie de profiter de ma famille aussi. Enfin, surtout quand j'étais avec ma famille palestinienne, que je vois pas très souvent. Bah des fois, il y avait des moments où je les filmais pendant les déjeuners, les dîners, et je me disais, en fait, j'ai envie de pouvoir m'asseoir, de profiter. Mais il y avait cet objectif de capturer qui était plus important. C'est compliqué d'être derrière la caméra, de faire le cadre dans leur Algérie, tout en étant... Celle qui pose les questions est en contact, high contact avec ma grand-mère ou mon grand-père. Mais en même temps, j'ai... En fait, sur le moment, c'était toujours assez évident. C'est-à-dire que des fois, oui, j'étais prise d'une certaine émotion et j'allais me mettre à avoir peut-être les larmes aux yeux. Mais je me reprenais aussitôt parce que l'objectif était plus important, c'est-à-dire capturer cette mémoire. C'est essentiel, c'est une mémoire qui peut disparaître. Et le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est que cette mémoire disparaisse et que je n'arrive pas à la capturer à temps. Le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est de ne pas redonner cette mémoire aux personnes que je filme. Donc oui, sur le moment, j'aimerais m'arrêter, prendre dans les bras. Mais en fait, ça, je peux le faire après. Mais la mémoire que je capture, c'est qu'à ce moment-là que je peux le faire, en fait. Et c'était le cas avec ma grand-mère palestinienne, en fait. Je l'ai filmée pendant tout ce voyage à Tiberiade, pendant ce moment où elle me racontait la Nakba, où il y a plein de moments où elle était en sanglots. Mais si j'avais arrêté la caméra en disant il faut que je me sois à côté, elle j'apprends dans mes bras, je n'aurais jamais capturé tout ça. Il faut s'effacer, en fait il faut se mettre à distance. Et même dans My By Tiberiade, quand je filme le deuil de ma mère, c'est hyper dur. Je vois ma mère qui est en deuil, je rentre dans la maison de ma grand-mère, avec pour la première fois ma grand-mère qui n'est pas là. Mais en fait c'est un moment... qui racontent énormément dans le film. Et je me suis tenue. Et en fait, ça m'a permis aussi de faire mon deuil. C'est-à-dire que moi, c'est par le fait que j'ai capturé ces mémoires-là que je rends hommage et que je fais mon deuil. C'est pas forcément en arrêtant la caméra et en pleurant. Alors c'est vrai que le mot enquête, je ne l'utilise jamais et je ne m'identifie pas du tout à ce mot parce que j'ai l'impression que quand on parle d'enquête, on parle d'un mystère et on parle de secrets. Alors que là, dans ces histoires-là, pour moi, ce n'est pas des secrets, c'est le silence. Donc je sais que je ne vais pas résoudre l'histoire en apprenant des choses, mais briser le silence me permettra de mieux comprendre et de mieux atteindre. les personnes que je filme. Donc, ce n'est pas vraiment enquête, mais c'est plus, comme je disais au départ, construire un puzzle. En fait, c'est qu'il y a plein de morceaux. Et l'idée, c'est de pouvoir reconstituer son histoire, se la réapproprier, comprendre sa place dans la famille, dans l'histoire entre la France et l'Algérie, entre la Palestine et Paris. Donc pour moi, ce n'est pas enquête dans le sens où je ne suis pas en train d'essayer de résoudre et de passer à autre chose, mais je suis en train d'essayer de compléter pour trouver ma place. Donc c'est presque de la survie, pas au sens de vécu, mais de la survie au sens... Dans une famille, dans une histoire, pour exister, c'est presque un besoin d'exister. Et pour ça, il faut savoir d'où on vient. Et pour savoir d'où on vient, il faut briser ces silences-là. Le puzzle et la forme documentaire se rejoignent. Je parle de puzzle aussi parce que c'est comme ça que j'ai constitué mes films. Mais peut-être que si mes sujets avaient été autres, je n'aurais pas fait le même genre de film. Mais c'est vrai que pour moi, dans les deux histoires, que ce soit Leur Algérie ou Bye Bye Tiberiade, comme je disais, il s'agissait de recoller les morceaux, de recréer des liens, d'aller faire émerger une mémoire enfouie, d'essayer de redonner une forme de linéarité à des histoires complètement morcelées. Et pour moi, tout ça, c'est un écho, c'est un miroir à la réalité de l'expérience de l'exil. Et à travers le documentaire, la manière dont on les a construits, c'est vraiment ça, c'est déjà comment mêler l'intime et le collectif. Donc c'est déjà recréer des liens entre des choses qui semblent être séparées. Et c'est donc à chaque fois qu'on regarde des scènes en montage, on les pense et on les écrit à la fois sur le côté intime et le côté collectif. Qu'est-ce que ça raconte de l'intime de cette famille ? Mais en quoi cet intime-là est intéressant pour l'histoire collective ? On ne s'intéresse pas à l'intime en tant que tel, mais c'est vraiment pour constituer une histoire. Et c'est pareil, les photos, les vidéos qui sont intimes. vont se mélanger à des archives qui sont historiques, par exemple. Et c'est une manière de tout le temps re-imbriquer l'intime et le collectif ensemble. Et justement, c'est vrai que les films sont construits comme des puzzles parce qu'ils mélangent différentes sources d'images, des archives des années 90 et des images contemporaines pour l'heure Algérie, mais aussi des archives historiques, puisque dans l'heure Algérie, j'ai utilisé aussi des extraits des années 40 et 50 pendant la colonisation française en Algérie. Et dans Bye Bye Tiberiade, c'est la même chose. J'ai des archives des années 90, des archives historiques allant des années 30 aux années 80 et des images contemporaines. Et en fait, c'est presque comme si ces formes-là étaient nécessaires et essentielles pour raconter notre histoire, qui est faite de bouts de mémoire morcelés et surtout qui est faite de mémoires qui ont été effacées délibérément aussi. Donc les traces, les images sont nécessaires puisqu'elles deviennent la preuve d'une existence qui est niée. qui n'est pas reconnu ou qui est marginalisé. Et dans le cas de la colonisation française en Algérie, il y a plein d'archives auxquelles on n'a pas accès et qui ont été longtemps cachées ou difficiles d'accès. Dans le cas de la Palestine, énormément d'archives ont été détruites. Et de lieux aujourd'hui sont détruits, et des vies sont détruites, et des cultures sont détruites. Donc en fait, chaque image devient précieuse, parce que rare. C'est hyper dur de se dire le film est fini parce que tu as tellement d'étapes. Bon déjà quand je faisais l'heure Algérie, à aucun moment je me disais je vais réussir à faire le film. Je me disais bon je fais ce que je peux. Mais je me disais mais comment je vais faire pour faire un film ? Et c'est vraiment à la toute fin quand il y a un visionnage où tout d'un coup tu regardes et tu te dis ah ouais j'ai un film. Et en même temps tu as l'étape du final cut de l'image. où t'as un film et il manque toute la partie sonore, puis ensuite la musique. Et en fait, c'est ça qui est fascinant aussi, c'est à quel point ça prend forme aussi à chaque étape. Et c'est vrai que My Mighty Bariat, comme j'avais déjà eu l'expérience par rapport à leur Algérie, j'étais un peu plus consciente de ces étapes-là. Mais pour le coup, My Mighty Bariat, comme c'était beaucoup plus morcelé, j'avais du mal à voir le film. Je voyais plein de bouts de choses en me disant, mais... J'arrive pas à trouver cette linéarité et c'est vraiment arrivé à la toute fin du montage puisque la linéarité est arrivée avec l'écriture de ma voix qui en fait c'est en parcimonie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup ma voix mais c'est deux trois phrases au début, deux trois phrases par-ci par-là qui font qu'on arrive à lier les choses entre elles et ça on l'a écrite les trois dernières semaines de montage après trois quatre ans de travail d'aller-retour entre tournage, montage, écriture Et du coup, c'est vraiment... Mais après, la structure était là et le film était là. Je pense que je n'aurais pas pu écrire ma voix. Avant, il fallait que je pose un peu tous ces morceaux-là pour comprendre. Ok, j'ai raconté l'histoire de mon arrière-grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma mère. C'est moi qui ai décidé de raconter ces histoires-là, je suis descendante de ces histoires-là, je les raconte à travers mon point de vue, mes ressentis. C'est moi qui dois faire le lien entre tout ça, puisque quand je regarde le film en l'état, sans ma voix, c'est intéressant, mais c'est quand même morcelé. Et du coup, j'ai posé ma voix dans les endroits où il y avait besoin de me suivre, de suivre mon intention. Et tout d'un coup, ça prenait sens. Donc, on a l'impression que c'est un détail, mais c'est un détail qu'on n'aurait pas pu construire si on n'avait pas fait tout le reste. Donc, en fait, c'est comme du travail à la chaîne. Si tu oublies un tournevis à un moment, tu as l'impression que le truc est là, mais en fait, ça va se péter la gueule. La caméra, pour moi, c'était le meilleur moyen. de capturer et transmettre ces histoires-là. Mais ce n'est pas seulement la caméra, c'est la caméra et l'écriture. C'est-à-dire capturer ces images et comment tu les ficelles entre elles. Parce qu'avec des mêmes images, tu peux faire des choses très différentes. Donc c'est pour ça que pour moi, c'est au-delà de l'image en soi, c'est la forme documentaire qui est une manière de construire un récit avec des images. Parce que j'aurais pu faire de l'art vidéo et sur une photographie de ma grand-mère, capturer sa voix. J'aurais pu dans Bye Bye Tiberia ne faire qu'un film d'archives ou ne pas utiliser d'archives du tout et faire que avec des images contemporaines. Mais en fait, c'est plutôt collecter un maximum de matière pour raconter une histoire à trous. Comme un puzzle, tu réunis toutes les pièces pour pouvoir le former. Donc pour moi, c'est vraiment propre au documentaire qui te permet de faire ça. L'instinct, pour moi, est hyper important. Ce n'est pas du tout une question de talent. C'est un instinct que tu partages avec des gens qui te permettent d'accéder à ce que tu as envie de construire. Parce que des fois, tu ressens des choses, tu les exprimes. Et puis, que je les exprime avec Nadine Aous, ma co-autrice, qui me dit Ah ben du coup, si on devait l'exprimer à l'écrit, ça serait comme ça. Ou Si tu devais tourner la scène pour arriver à ce que tu veux, ça serait comme ça. Et quand je l'exprime avec Gladys Joujou en montage... Elle me dit Ah bah du coup, si c'est vraiment ça ton intention, on pourrait faire ci et ça. Et pareil, quand tu es en post-prod, avec l'étalonnage, avec le son, la monteuse son avec qui j'ai travaillé, c'est dire Voilà, j'ai envie qu'on sente ça, qu'on sente ça. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'ai ce ressenti. Et en fait, oui, tu es obligé de faire confiance à ton instinct parce que tu as une certaine envie artistique, mais sans l'expérience, tu ne sais pas forcément comment le... traduire en termes techniques cinéma. Puis peut-être que tu n'as pas besoin de le traduire en termes techniques cinéma, puisque le cinéma, de toute façon, est un travail collectif dans lequel on œuvre toutes et tous pour le meilleur film possible par rapport à nos envies. Il n'y a pas de critère objectif de meilleur film ou pas meilleur film. Mais du coup, moi, c'est aussi pour ça que je valorise énormément les personnes avec qui je travaille. En fait, je n'aurais pas pu faire ces films sans toutes les personnes qui m'ont accompagnée. dans leur Algérie, que ce soit Gladys, avec qui on a écrit, monté, construit le film, et aussi ceux qui ont travaillé le son avec moi, qui sont un couple de monteurs-mixeurs, Julie Triboud et Rémi Durel d'Obsidienne Studio, qui en fait ont vu débarquer une jeune qui n'a jamais fait de film, qui ne sait pas ce que c'est le montage son, qui fait un film sur ses grands-parents, et qui ont été extraordinaires dans la manière dont ils ont cru dans le projet, étaient hyper touchés. très émue et ont su traduire mes envies, mes émotions dans le travail sonore. Et ça, j'étais fascinée. Et pareil avec l'étalonneur Christophe Bousquet, j'ai retravaillé avec ces personnes-là sur Bye Bye Tiberian. C'était hyper important pour moi. Et en plus de ça, dans Bye Bye Tiberian, j'ai voulu écrire avec quelqu'un en amont parce que, justement, j'avais un peu souffert de la solitude dans leur Algérie, de tout faire toute seule aussi, même si j'avais Gladys qui était mon acolyte. Mais là, j'avais envie d'être encore plus entourée. Et là, comme j'ai envie de faire de la fiction, c'est une envie encore d'être encore plus, plus, plus entourée. J'ai toujours envie de faire à la fois du documentaire, de l'écriture. Je ne suis pas quelqu'un qui, une fois que je fais quelque chose, je me dis je ne vais faire que ça. J'ai toujours été un peu touche-à-tout, sachant qu'avant de faire Leur Algérie et Bye Bye Tiberiade, j'ai fait de la programmation. J'ai écrit sur des projets d'autres personnes. Entre leur Algérie Bye Bye Timariad, j'ai travaillé sur une série de fiction plutôt télé qui s'appelle Oussekine sur l'histoire de Malik Oussekine avec Disney où là j'étais coordinatrice d'écriture et documentaliste et en fait j'ai participé à la room d'auteurs dans l'écriture. Donc là c'était ma première expérience de fiction mais sur un projet qui est tiré du réel donc ça mêlait un petit peu ce que j'aimais faire dans le documentaire et en même temps... mon attirance vers l'écriture de fiction. Et là, j'ai encore des projets documentaires en tête, mais le prochain projet qui vraiment commence un peu à émerger, à se concrétiser, même si je suis au tout, tout, tout, tout, tout, tout début. C'est un projet de fiction sur l'histoire d'une famille qui vit en Espagne, d'une famille franco-algérienne. Pour moi, ça continue de traiter les sujets qui m'intéressent, c'est-à-dire comment tu trouves ta place dans la famille, comment en tant que descendant d'immigrés, descendant d'exilés, tu te construis entre plusieurs territoires, qu'est-ce que signifie le territoire dans sa construction personnelle. C'est axé surtout sur le personnage principal qui est une jeune femme franco-algérienne dans sa trentaine, donc aussi l'histoire de la femme, des femmes. Comment tu te lies aux femmes de ta famille ? Qu'est-ce qu'elles t'ont transmis ? Est-ce que tu te construis contre elles, avec elles ? Quels sont les points communs ? Comment chacune de ces femmes, chacun de ces personnages, porte son héritage historique dans la manière dont ils ou elles naviguent dans le monde et dans la famille ? Et ça passe par la fiction parce que j'ai envie de déplacer un peu les enjeux, j'ai envie de me détacher du poids du réel aussi, qui a été très pesant sur leur Algérie. et surtout sur Bye Bye Tiberiade, avec tout le contexte du génocide à Gaza pendant toute la tournée du film, et de ce que tu portes aussi publiquement dans des moments comme ça, c'est très difficile. Et je ne dis pas que j'ai envie de faire des choses plus légères, parce que j'ai toujours envie d'avoir une portée politique dans ce que je fais, puisque pour moi, de toute façon, tout est politique, et nos existences sont politiques en soi, mais j'ai envie de réinjecter plus d'humour, d'amour. Bon, je ne vais pas faire une comédie, mais j'ai envie d'avoir une liberté de ton. Et voilà, je ne sais pas du tout. Comme d'hab, quand je commence quelque chose, je ne me dis pas, ouais, je vois le film et je sais ce que je veux faire. Mais j'ai des intentions, j'ai des envies, j'ai des gens avec qui j'ai envie de travailler. Et j'ai des rêves qu'on va essayer de construire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez d'ailleurs retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes, que ce soit Spotify, Deezer ou Apple, ainsi que nos actualités sur le site vision.photo ou sur notre Instagram, at vision. Et si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. Donc je vous dis à très vite pour de nouvelles rencontres.

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À travers le medium du documentaire, Lina Soualem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans Leur Algérie où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n’a jamais été écrite. Et puis cette année dans Bye Bye Tibériade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. 


Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision(s) lié au cinéma, avec le parcours d’une personne aussi inspirante que Lina Soualem. Bonne écoute.


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    À travers le médium du documentaire, Lina Soalem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans leur Algérie, où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n'a jamais été écrite, et puis cette année dans Bye Bye Tiberiade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision lié au cinéma, avec le parcours d'une personne aussi inspirante que Lina Soalem. Bonne écoute. Salut, c'est Louis. Vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. Cette année, adoptez une approche plus durable pour les fêtes. Avec notre partenaire MPB, vous pouvez offrir ou acheter du matériel photo et vidéo d'occasion qui a été testé et approuvé pour des cadeaux fiables et à bon prix. Un lien pour tester MPB est disponible en description de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est difficile de choisir des scènes parce que pour moi, mes films sont un peu des puzzles et je passe par plein d'étapes pour pouvoir reconstituer une histoire justement. Donc c'est difficile de choisir une scène qui représenterait un peu tout le travail. Mais il y a quand même une scène qui me vient en tête, que j'ai dû tourner plusieurs fois puisque je n'arrivais pas à faire ressortir quelque chose de mon grand-père algérien dans leur Algérie. Et c'est une scène dans laquelle j'utilise des photos pour faire ressurgir la mémoire. Puisque dans leur Algérie, je filme mes grands-parents qui n'ont jamais raconté leur histoire et dont l'histoire est tellement traumatique qu'ils se sont réfugiés dans le silence. Donc en fait, il s'agissait pour moi de briser le silence et plutôt que d'être dans la confrontation et dans le question-réponse que je voyais était limité et limitait les échanges. Puisque quelqu'un qui n'a jamais parlé ne va pas tout d'un coup parler parce que tu lui poses une question ou lui demandes de répondre par oui ou par non. Il fallait trouver des manières de faire ressurgir la mémoire sans être dans la confrontation. Et j'avais beaucoup discuté de ça avec ma monteuse Gladys Joujou qui a monté mes deux films et avec qui on écrit aussi ensemble, puisqu'elle est aussi autrice. Ça fait partie du travail de monteuse. Du coup, elle m'a dit, il faut que tu essayes d'utiliser des objets ou des photos pour que la personne qui est filmée puisse accéder à certaines émotions à travers la photo. et décider de quoi elle va pouvoir parler. Et donc j'avais trouvé des photos de mes arrière-grands-parents, les parents de mon grand-père, puisqu'en fait je m'étais rendu compte que mon grand-père n'avait jamais parlé de ses parents, que je ne savais rien de mes arrière-grands-parents, ni comment ils s'appelaient, ni comment ils vivaient, ni où ils vivaient, ni ce qu'ils avaient fait de leur vie, quand est-ce qu'ils étaient nés et morts. Donc il y avait vraiment dans la lignée des ancêtres, ça s'arrêtait à mes grands-parents. Et c'était primordial pour moi de comprendre qui ils étaient. Je ne comprenais pas comment mon grand-père ne pouvait pas parler de ses parents. Et donc j'ai agrandi, c'était des toutes petites photos d'identité que mon père avait gardées, parce que c'est un peu lui qui garde tous les trésors de la famille. Et je les ai faites agrandir, plastifier. Et puis je suis arrivée avec chez mon grand-père. Et en fait, j'ai tourné ça quatre fois où je lui montrais les photos en lui disant Qu'est-ce que ça te rappelle ces photos ? C'était parents Et en fait, les quatre premières fois, soit il tournait la tête, soit il disait Ah, c'est le passé soit il disait Ah, j'ai pas envie de parler de ça Donc à chaque fois, ça faisait rien ressortir et je me disais Bon, bah, dans le film, ça serait une scène de silence. Ça montrera justement à quel point il y a un silence, il y a un problème de transmission. Et en fait, au fond de moi, je me disais Mais c'est pas possible, il faut que je... J'avais besoin de réessayer. Et en fait, un jour, je suis revenue la cinquième fois, j'ai posé les photos. Et puis là, mon grand-père a commencé à parler. Et il m'a révélé en fait que, je ne vais pas tout révéler pour ceux qui n'auraient pas vu le film, mais qu'en fait pour lui, c'est difficile de voir ses photos parce qu'il a quitté ses parents très jeunes, de force puisqu'il a été emmené en France pour travailler sous la colonisation en tant que sujet de l'Empire français, donc sans avoir accès à ses droits. Et qu'en fait, il a sacrifié toute sa vie au travail aussi pour envoyer de l'argent pour que ses parents puissent... survivre mais qui n'a jamais vraiment pu vivre avec eux et en fait j'ai découvert à travers cette scène non pas mon grand père mais le jeune homme qu'il a été et la blessure en fait de la séparation avec les parents et ça a été hyper impactant parce que je me suis dit c'est fou que à 80 ans et quelques cette blessure de l'enfant soit toujours aussi présente en lui En fait, ce n'est pas les mêmes générations qui valorisent les images. Je pense que c'est la génération de mon père et la mienne qui ont valorisé ces images-là comme des traces de notre histoire face à des parents et des grands-parents ultra silencieux. Alors que je pense que mes grands-parents étaient dans un processus de survie à un traumatisme colonial et à la souffrance du déracinement et en fait se rappeler de ce qu'on a perdu. n'aident pas à avancer. Alors que pour nous, on est nés de l'exil, mais on n'a pas vécu l'exil. Donc en fait, nous, c'est comme si on avait besoin de recréer des ponts dans cette espèce de distance qui s'est créée et de fracture qu'il y a eu du fait de cet exil non choisi. Et du coup, c'est vrai que c'est mon père qui a réuni toutes les photos de la famille et qui m'a transmis aussi cette... Le fait de valoriser autant les traces, et en même temps c'était des photos, et en même temps c'était des vidéos, puisque mon père a filmé énormément dans les années 90 avec un caméscope VHS, tous nos voyages dans ma famille algérienne en Auvergne, et tous nos voyages dans ma famille palestinienne en Galilée. Comme si aussi le fait de descendre d'histoires d'exil et d'effacement et de déracinement ont créé chez mon père ce besoin et cette nécessité de faire trace. pour continuer à exister, de peur de disparaître complètement dans une mémoire collective qui est à trous en fait, et qui est incomplète parce que nos aînés n'ont pas de transmis du fait de la difficulté de ce qu'ils ont vécu. Alors je m'appelle Lina Soalem, je suis réalisatrice, j'ai réalisé deux films documentaires, le premier Leur Algérie et le deuxième Bye Bye Tiberiath. Bon j'ai grandi avec deux parents comédiens donc l'image a toujours été très présente à la maison à travers les films, donc souvent des films dans lesquels mes parents jouaient, donc en plus j'avais toujours cette réalité de mes parents à la maison et mes parents dans les films. Et j'ai jamais trop eu de recul et de distance par rapport à ça. Pour moi, la famille, le cinéma, étaient des mondes liés dès le départ. Là où c'était un peu bizarre, c'était sur les plateaux plutôt, où du coup, je n'arrivais plus à savoir si c'était le parent comédien ou le parent parent. Et de toute façon, je m'emmerdais énormément sur les plateaux de cinéma quand j'étais petite, puisque j'avais besoin d'attention et personne ne m'accordait de l'attention. Mais c'est vrai que je m'étais plus intéressée dans l'adolescence et ensuite quand j'ai fait des études. plutôt aux histoires orales plus qu'à l'image, puisque j'ai fait des études d'histoire, de sciences politiques. Je m'intéressais énormément à l'histoire des civilisations et ça, je pense que c'est vraiment en lien avec mes identités et les histoires de ma famille. Et j'avais l'impression que le monde de l'image, c'était le monde de mes parents et que moi, j'avais quelque chose d'autre à apporter et à explorer qui serait ma propre voix, mais toujours dans l'idée et la volonté de raconter des histoires ou de connaître. l'évolution des peuples, des civilisations, de trouver sa place dans le monde, de comprendre ses identités, son héritage, etc. Et je suis revenue à l'image beaucoup plus tardivement, c'est-à-dire qu'après les études d'histoire de sciences politiques, j'ai voulu faire du journalisme. Donc pareil avec l'idée de transmettre, mais l'exigence de neutralité, d'objectivité, ça m'a rendu dingue, puisque je disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai pas tenu longtemps, je me suis pas mal embrouillée. Après j'ai voulu faire de la diplomatie culturelle, parce que pareil c'était faire des liens entre les différentes contrées, etc. Mais pareil, la désillusion est arrivée très vite, en fait parce que j'avais une voix politique que j'avais envie de porter je pense, et que je me suis rendue compte que dans le journalisme, on ne le permettait pas, on faisait semblant que ce n'était pas ça. Puis dans la diplomatie culturelle, encore pire, puisque qui dit diplomatie ne parle pas de tes opinions politiques. Et en fait, moi, j'avais l'impression que j'avais un besoin d'expression, mais je n'arrivais pas à trouver le médium. Et c'est quand j'ai fini mon master, j'étais en Argentine pendant... quelques mois pour faire mon stage justement de fin d'études donc c'est là que je faisais du journalisme et en fait j'ai découvert un festival de cinéma des droits de l'homme donc c'était encore une fois des thématiques qui m'intéressait qui correspondait à mes études mais avec le médium du fin la forme de cinéma et c'est là que j'ai commencé à faire du volontariat et puis qu'on m'a proposé de programmer notamment Ils avaient une section film du Moyen-Orient et ils m'ont proposé de faire un focus cinéma palestinien. Moi j'avais 23 ans à l'époque, j'étais assez jeune et je ne parlais pas encore très très bien l'espagnol, donc c'est des gens qui m'ont fait confiance. Et en fait à ce moment-là j'ai vu énormément de films et j'ai découvert le documentaire comme ça. C'est-à-dire que je ne connaissais pas du tout le documentaire, mes parents sont comédiens de fiction et en plus n'étaient pas du tout dans la réalisation à l'époque, donc même réaliser ce n'était pas quelque chose. qui me semblait accessible. Et en fait, je voyais beaucoup de documentaires faits par des Palestiniens sur la Palestine ou au Moyen-Orient, donc des thématiques qui m'intéressaient d'un point de vue politique, mais que je n'avais jamais vraiment vues sous un prisme artistique. Je me disais, en fait, on peut raconter nos histoires qui sont chargées politiquement et historiquement, mais librement, artistiquement, sous plein de formes. Et on peut provoquer des émotions chez le spectateur. qui font que ça les rapproche de notre histoire qui semble toujours, pour beaucoup de gens, trop complexe, entre guillemets. Et en fait, ça a été une révélation. Il y a un film que j'ai vu à ce moment-là, donc en 2013, qui s'appelle A World Not Ours, de Mahdi Fleifel, qui est un réalisateur palestinien qui a vécu au Danemark, dont le dernier film était à la quinzaine des réalisateurs à Cannes l'année dernière, qui s'appelle To a Land Unknown. Et en fait, son film, c'était un documentaire sur sa famille, qui est une famille palestinienne qui vit dans un camp de réfugiés au Liban. Et lui, il a une voix off où il raconte l'histoire de sa famille, mais avec un ton hyper comique, hyper décalé, hyper cynique. Je me suis dit, mais c'est génial, en fait, tu peux regarder ces histoires-là et rire et pleurer et comprendre le tragique de ce qu'ils ont vécu politiquement, tout en ayant une certaine distance qui permet aussi de replacer les choses dans son contexte. J'ai trouvé ça fascinant et du coup, ça a... planté quelque chose dans ma tête où je me disais un jour j'aimerais bien faire quelque chose sur ma famille mais à ce moment là j'avais aucune idée de ce que j'allais faire et c'est vraiment des années plus tard parce qu'ensuite je suis rentrée en France, il fallait que je travaille je trouvais pas de travail dans le documentaire parce qu'il y a pas de travail enfin je voulais assister des réals, j'envoyais des mails je disais je peux faire assistante et tout ça bon tout le monde me disait il y a pas d'argent, laisse tomber donc ils m'ont bien cassé le moral Et donc j'ai rebossé dans la diplomatie culturelle, j'ai bossé à l'UNESCO pendant quelques mois. Et finalement mes grands-parents algériens se sont séparés et ça a été le déclic pour leur Algérie en fait où j'ai démissionné, j'ai pris une caméra et j'ai commencé à filmer sans vraiment savoir ce que je faisais puisque c'était ma toute première expérience. Donc c'est comme ça que ça a commencé quoi. Je me souviens du bureau dans lequel j'étais à l'UNESCO où j'étais en dépression, parce qu'en fait je me rendais compte que je ne me sentais pas du tout épanouie, que je passais à côté de quelque chose, que j'avais 26 ans, que j'avais un truc un peu de bon, c'est super d'avoir un travail. Mais en fait j'ai toujours rêvé d'avoir un travail, parce qu'on te dit il faut avoir un travail, puis une fois que tu l'as, tu dis bah oui c'est super. Mais en fait, pourquoi je sens que je ne suis pas à ma place ? Enfin bref, j'étais dans des questionnements. Et en fait, je me souviens que j'ai commencé à écrire dans ce bureau. C'est-à-dire à mes pauses-déj, je n'allais pas déjeuner et je commençais à écrire sur l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de mon grand-père et à rêver de faire un film sans savoir quelle forme ça allait prendre. Et je me souviens d'une copine qui m'avait envoyé une résidence au Maroc qui s'appelle Fidadok. Et du coup, vraiment, j'ai... postulé une semaine en retard en me disant bon ils vont jamais me prendre et deux semaines plus tard ils m'ont pris. Donc c'était le premier élan quoi, avec cette page où j'avais raconté l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de l'immigration algérienne et comment je voulais raconter à travers une histoire intime, une histoire collective. Mais bon j'avais rien écrit sur l'approche visuelle, je savais pas du tout faire ces choses là mais fin ad hoc c'est une résidence qui aide des personnes qui débutent donc en fait... Ils ont cru au projet, quoi. Du coup, j'y suis allée, je pense, un ou deux mois plus tard. Donc, je suis allée deux semaines, je crois, à Agadir. Dans ce festival de cinéma, on était plein de jeunes réalisatrices, réalisateurs ou même pas, des jeunes porteurs de projets, beaucoup du Maroc, Afrique du Nord et d'autres certains du Moyen-Orient. Et en fait, à ce moment-là, j'ai rencontré plein de gens dans le cinéma, africains et Moyen-Oriental, et tout d'un coup, les gens me regardaient sérieusement. C'est-à-dire, je parlais d'un film et on me posait des questions sur Ah oui, comment tu envisages ça et ça ? Je disais Ah ouais, donc en fait, c'est sérieux Et en fait, ça a été génial parce que du coup, ça m'a permis de croire dans le projet. Et en fait, dès que je suis rentrée d'Agadir, j'ai demandé sur Facebook. J'ai dit, est-ce que quelqu'un peut me prêter une caméra et des micros ? Et en fait, j'ai un ami, Rachid Ami, qui est réalisateur, qui est trop sympa, m'a prêté une caméra. Et d'autres personnes qui m'ont prêté des micros. J'ai un pote de ma mère, un gesson, à qui j'ai eu un appel téléphonique. et qui m'a donné des conseils sur comment tu branches un HF, le zoom, enfin tout ça moi c'était la première fois que je voyais ce matériel. Je me suis exercée un peu toute seule et je suis partie filmer, je suis partie chez ma grand-mère un mois et demi. J'ai fait des images et en revenant j'ai repris l'écriture et j'ai postulé à notre résidence en Algérie à travers le festival de Bejaïa, les rencontres cinématographiques de Bejaïa et j'ai gagné une bourse. et une résidence à Alger pendant un mois. Et ensuite, j'ai postulé à la SCAM, Bruyant d'un rêve, donc j'ai eu mes premiers sous, disons. Et la SCAM, en plus, on avait un tutorat, donc il y a une réalisatrice qui s'appelle Chantal Richard, que j'adore, qui a été ma tutrice. Et après, j'ai commencé avec le dossier que j'avais écrit, pour lequel, d'ailleurs, on nous a aidé, dans les résidences, ils nous aidaient à construire des dossiers. notamment pour la France, puisque en général, même les résidences en Afrique du Nord, souvent il y a des copros avec la France, donc on t'apprend à écrire des dossiers pour correspondre au fond français aussi. Donc la SCAM, CNC à l'écriture, tout ça. Et du coup, à partir de ça, j'ai commencé à envoyer le dossier à des prods, parce qu'on m'a dit, c'est comme ça que ça marche, il faut rencontrer des prods. Puis j'ai trouvé une prod chez Agathe Film qui était intéressée, j'ai commencé à la rencontrer, donc voilà, ça s'est fait un peu de fil en aiguille. Après, j'ai rencontré Gladys Lamonteuse, dont plusieurs personnes m'avaient parlé. Je lui ai montré le dossier que j'avais, les images que j'avais déjà tournées. Et moi, pendant tout ça, je continuais d'aller filmer. À aucun moment, je me suis arrêtée. Puis j'avais déjà toutes les archives de mon père, que j'avais numérisées moi-même. Et voilà, en fait, après, j'ai postulé un autre truc en Tunisie, où j'ai été prise. Et pour la Tunisie, il fallait faire un rough cut, alors que je n'étais même pas encore... pour pitcher le film en post-prod. Alors j'étais encore... Mais bon, des fois dans le doc, t'es entre plein d'étapes en même temps. Et du coup avec la monteuse, on s'est mis... On a fait 5 semaines de montage pour ce truc-là, avec une deadline. Et du coup j'ai montré 40 minutes en Tunisie, on a eu un prix, donc un peu plus d'argent pour continuer. Parce qu'en fait, j'ai pas réussi à avoir des fonds traditionnels avec leur Algérie, étant... Premier film, et puis les gens ne croyaient pas trop au projet, à l'écrit. On me disait qu'ils ne comprenaient pas comment cette histoire intime allait pouvoir raconter quelque chose de collectif. Ils ne comprenaient pas en quoi l'histoire d'immigrés algériens pouvait être universelle. Donc bon, beaucoup de biais racistes aussi. La région Auvergne, par exemple, n'a jamais financé le film alors qu'il est tourné intégralement en Auvergne. Je ne dis pas qu'ils doivent financer tout ce qui se tourne en Auvergne, mais... Mais voilà, il n'y a pas beaucoup de films sur l'immigration algérienne en Auvergne, alors que c'est une immigration hyper importante. Ils n'ont pas défendu le projet. Donc voilà, on ne trouvait pas ça. Donc il fallait faire un peu différemment et passer par toutes ces plateformes, surtout dans le monde arabe en fait, de pitch, où tu postules, tu gagnes 2000, 3000, 4000, 5000. C'est pas les fonds genre Région ou CNC où des fois t'as 20 000 d'un coup ou 30 000 d'un coup qui te permettent de planifier. Là t'as de l'argent, tu fais ce que tu peux avec, tu retournes en tournage. Moi je tournais seule de toute façon et on m'avait prêté des choses. Donc bon pour ce film-là ça a fonctionné comme ça. Et ça m'a permis de le faire de toute façon parce que j'avais pas trop le temps d'attendre non plus parce que mes grands-parents étaient âgés et mon grand-père, j'ai commencé à le filmer, il avait 85 ans et il nous a quittés à 88. Donc je l'ai filmé ces trois dernières années. Si j'avais dû attendre, je n'aurais pas eu ce film-là. Le film narratif, c'est vraiment avec Gladys Joujoux, la monteuse, qui s'est construit en montage. C'est-à-dire que mes intentions étaient très claires avant de tourner. C'est-à-dire que je savais que je filmais cette histoire pour briser le silence, pour la retransmettre parce que c'est une histoire qui est marginalisée, pas présente dans notre mémoire collective, notamment en France. Mais je ne savais pas comment j'allais le faire. Moi, je posais des questions derrière la caméra, je ne savais pas... pas du tout que j'allais garder mes questions, par exemple. Donc moi, j'étais dans une spontanéité en me disant de toute façon, je vais couper ma voix. Quand j'ai compris que j'allais garder ma voix, ça a été un peu compliqué à assumer, mais après ça allait. Donc j'avais quand même cette intention assez claire sur la portée politique de ce que je cherchais, de la parole intime que je filmais. Mais il y a plein de choses dont j'étais pas consciente, et quand on a commencé à monter avec Gladys... Comme je continue à tourner, il y a plein de choses que j'ai fait en tournage grâce à tout ce qu'on construisait ensemble en montage. C'est-à-dire que c'est elle qui me suggérait justement d'utiliser des photos pour réactiver la mémoire. C'est elle qui m'aidait à, si je veux montrer une vidéo à ma grand-mère, comment je filme la scène ? Quel type de questions il faut que je pose ? C'est aussi à l'étape du montage que j'ai réalisé qu'il fallait... que je ramène les personnages, mes grands-parents, dans certains lieux aussi pour réactiver la mémoire et que je ne sois pas toujours dans des set-up chez eux, assis. Donc j'ai amené ma grand-mère dans la vieille maison, j'ai amené mon grand-père dans les vieilles usines et ça a créé des scènes hyper importantes. Et tout ça, ça s'est construit aussi en montage, c'est-à-dire qu'on discutait de ce que j'allais potentiellement pouvoir filmer en imaginant comment ça allait rentrer dans le montage et dans l'écriture. J'allais filmer, je revenais avec les images. Si ça ne marchait pas, je retournais, je filmais différemment. Les images d'archives personnelles, par exemple, on a mis beaucoup de temps à trouver leur place. Et j'ai fait beaucoup de tentatives. Je les ai reprojetées dans le salon de mon grand-père en filmant ma grand-mère et mon père les regardant. Je les ai montrées à ma grand-mère. Je les ai utilisées plein pot comme ça. Il n'y a rien qui marchait. Et c'est en montage qu'à un moment, Gladys me dit Bon, essayons de renverser. Et ce n'est pas toi qui leur poses des questions, mais tu demandes à ton père de... Vous regardez les images ensemble et c'est lui qui va te poser des questions. Voilà, du coup, on a juste enregistré en son. Et j'ai dit à mon père, bon bah, regardons les archives ensemble et juste dis-moi ce qui te passe par la tête et pose-moi des questions si tu en as. Et en fait, on a fait ça de manière hyper spontanée. Et je me rappelle, on était en montage, on n'avait pas d'argent sur le film. Donc tout était en mode, dès qu'on avait une idée, il fallait le faire le soir même. Donc souvent, après le montage, je courais chez mon père avec mon Zoom. En mode, bon, dernière tentative. Et en fait, on l'a fait. Et puis le lendemain matin, je suis arrivée avec les sons, on les a posés sur les archives et tout d'un coup, ça a pris tout son sens. Tout est fait un peu dans l'urgence et la spontanéité. Et en même temps, ça correspond à la parole qui ne peut émerger qu'une seule fois. Donc en fait, tu tentes plein de choses, mais la parole que tu cherches, si tu l'as, tu l'auras qu'une seule fois dans un seul contexte. Et tu ne sais pas en avance lequel ce sera. Donc tu mets en situation, tu crées plein de situations pour essayer de faire émerger cette parole-là. Mais en fait, tu peux la voir d'une seule manière, disons. Les lieux... c'est des lieux de mémoire qui font émerger des choses moi quand j'ai filmé mon grand-père dans les anciennes usines déjà je me suis dit il va pas tenir longtemps parce que il va vouloir rentrer très vite je me suis dit bon je vais essayer de le filmer quelques minutes pour avoir des images de son corps dans cet endroit là au départ je pensais pas qu'il allait forcément parler et s'exprimer et on a passé trois heures et en fait c'était fascinant parce que j'ai rien demandé, j'ai posé aucune question Il se baladait dans les usines et on est allé au musée de la Coutellerie et il commençait à dévoiler le fait que c'était un travail dans lequel il s'est senti exploité. Tout d'un coup, on voyait l'ouvrier, on voyait le jeune homme, on découvrait des choses de lui et de son histoire. Et en même temps, on voyait à quel point dans ce musée, sa mémoire était complètement absente. Donc c'était aussi un geste politique que de ramener mon grand-père dans cet endroit, en tant qu'ouvrier algérien qui, comme des milliers d'autres, a contribué. à cette industrie de la coutellerie, mais qui, dans ce musée de la coutellerie, est complètement absent, invisibilisé, effacé. Donc en fait, même de le filmer à l'intérieur, pour moi, c'était lui rendre sa mémoire. Ils étaient 70% des ouvriers. Pourquoi ils ne sont pas... Il n'y a même pas une pancarte, il n'y a même pas une photo, il n'y a même pas un paragraphe. C'est des gens qui ont été complètement effacés. Non mais ça, c'est les surprises du réel, parce que moi, j'étais allée faire des repérages dans le musée de la coutellerie. Et en fait, le mec du musée, qui est aussi un Algérien, me dit... Il me dit, oui, est-ce que tu veux aller voir la salle son et lumière ? Je dis, c'est quoi ce truc ? Il me dit, c'est une salle dans laquelle il y a une voix et on reconstitue. Donc en fait, c'était comme ça. Et donc, je suis descendue dans ce truc et je me suis dit, mais c'est extraordinaire. Au début, je l'ai filmé vide et seul en me disant, je ne suis pas sûre que mon grand-père accepte de descendre dans cette salle, de s'asseoir. Et en fait, il l'a fait. Et surtout, c'était incroyable parce qu'il interagissait avec la voix qui disait ils sont malins, le son de la forge est insupportable et tu sentais à quel point c'est son expérience. Donc c'était une manière de parler de lui aussi à travers quelque chose. Enfin, ce n'est pas moi qui ai installé les sons et les lumières, c'était vraiment… Non mais c'est fou parce que je n'aurais jamais pensé à ça. En fait, ça te montre aussi qu'il y a tout un travail de mémoire qui est fait, même de reconstitution. On en est complètement exclus en tant qu'Algériens ou descendants d'Algériens. Et du coup, c'était un décor idéal pour remettre mon grand-père à l'intérieur, pour continuer à le faire exister. Comme s'ils avaient fait ce setup aussi pour ça, alors que pas du tout. À la base, c'est pour des touristes qui viennent, qui ne connaissent pas la coutellerie, pour leur montrer un peu les différents postes, le son, le feu, la chaleur, enfin tous ces trucs un peu insupportables. En fait... Je ne me suis jamais directement inspirée d'un film en particulier ou d'une scène en particulier. Mais j'ai vu beaucoup de films avant de rentrer en montage de leur Algérie. Notamment dans les résidences, ils nous faisaient voir pas mal de films. Et souvent, on nous faisait voir des films en lien avec ce qu'on essayait de faire. Donc j'ai vu beaucoup de films sur la famille, les relations familiales, des traumatismes historiques dans les familles, etc. Et en fait, c'est une manière de... Aussi de voir à quel point il y a de multiples façons de raconter des histoires, qu'il y a plein d'émotions qui peuvent ressortir et qu'il faut trouver son propre chemin. Donc c'est plutôt inconscient s'il y a des choses que j'ai voulu tenter. Par contre, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que le fait de parler de certains films qui nous ont plu et touchés, ça nous donne des idées. Par exemple, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que je discutais beaucoup avec Gladys du film de Sarah Pauly qui s'appelle Stories We Tell. C'est une Canadienne qui a fait un film sur sa famille et sur un secret de famille. Pour le coup, on n'a pas du tout la même histoire, c'est pas du tout... Mais en fait, elle met son père dans un studio et elle écrit un scénario pour son père et elle le fait lire l'histoire avec elle. Et du coup, en parlant de ce film-là à la monteuse, on s'est dit que c'est un dispositif qui pourrait être intéressant pour nous. On n'a pas fait la même chose, on n'était pas en studio, mais du coup, moi j'avais déjà écrit des textes sur les femmes de ma famille. Et j'ai décidé de les faire lire à ma mère. Mais après, ça partait sur des archives historiques, et c'est complètement différent. Mais du coup, il y a des choses comme ça, des dispositifs, où on se dit Ah ouais, c'est possible ! Donc on peut essayer quelque chose. Ça donne confiance, ça te montre qu'en fait, la forme documentaire est hyper libre et que tu peux tout faire. Je pense pas du tout, quand je fais L'Heure Algérie, que je vais faire un deuxième film, puisque déjà, j'étais même pas sûre d'arriver à faire un premier film. C'est vraiment quand L'Heure Algérie est sortie. que la possibilité de faire un deuxième film est vraiment apparue. Même si en réalité, pendant que je tournais leur Algérie, j'avais déjà commencé à filmer ma grand-mère en Palestine, en parallèle. Mais presque comme un devoir de je filme mes grands-parents algériens Et presque comme si aussi... En fait, c'était presque inconscient. Parce que j'avais déjà rencontré aussi le producteur qui m'avait proposé un autre projet sur l'Anakba. palestinienne, un projet de série. Et en fait, moi je disais, si je devais faire un autre film sur la Palestine, ça serait plus à travers mes histoires personnelles. Mais je ne pensais pas vraiment à un autre film. Mais en même temps, je filmais quand même. Mais le moment où j'ai vraiment dit, ok, là je me lance dans un deuxième film, et ça va être un peu une continuation de ce que j'ai commencé à explorer dans l'oragérie, ce qui est la mémoire familiale dans la mémoire collective, c'est vraiment que l'oragérie... était terminé quoi et que j'ai commencé à le partager avec le public parce que c'est quand j'ai reçu, quand j'ai vécu pour la première fois les réactions du public où je me suis dit ok c'est possible de... enfin ils arrivent à s'identifier avec ces histoires là et c'est possible de transmettre des choses à travers ces formes là et donc ça m'a donné de la force pour entreprendre vraiment le deuxième. Le fait d'avoir fait leur algérie, d'avoir réussi à le faire, d'avoir réussi à le sortir, d'avoir réussi à attirer. aussi l'intérêt du public parce que tu fais un film après tu sais pas si ça va toucher ou pas donc le fait que mes intentions aient été perçues et que j'ai reçu des retours les gens me disaient être touchés par les choses que j'avais voulu transmettre donc je me suis dit bon bah je suis obligé de continuer parce qu'en plus l'histoire palestinienne est d'autant plus essentielle et primordiale qu'elle est encore plus invisibilisée plus effacée que l'histoire algérienne et j'ai accès à cette histoire. Donc c'est mon devoir de continuer. La toute première étape était quand j'ai filmé ma grand-mère en Palestine avec ma mère, de poser une caméra face à ma grand-mère et à cette mémoire de la Nakba qui est hyper chargée, très lourde. Et j'ai déjà à ce moment-là, c'était en 2018, sachant que j'ai commencé à filmer leur Algérie en 2017. Donc en fait c'est très rapide, j'étais allée pour les vacances. voir ma grand-mère avec ma mère et j'ai pris la caméra. Et j'ai déjà, à ce moment-là, amené ma grand-mère à Tiberiade. Comme déjà, dans ce truc de il faut la ramener sur les lieux de sa mémoire il faut à tout prix inscrire sa mémoire dans ces lieux-là et surtout, il faut à tout prix capturer sa mémoire parce que j'avais peur qu'elle parte sans avoir transmis son histoire. Et en fait, je ne savais pas du tout à ce moment-là que ça allait être la dernière fois que j'allais voir ma grand-mère. Parce qu'après, il y a eu Covid, elle est décédée, on n'a pas pu la voir. Et ouais, donc en fait, ces images-là sont devenues les dernières images de ma grand-mère et donc sont devenues des archives pour le film en plus. Convainc ma mère, ça a été à la fois long et difficile et à la fois pas tant que ça parce qu'on n'a jamais été dans la confrontation. Mais ce n'était pas évident parce que je ne voulais pas être dans la confrontation et je voulais qu'elle soit à l'aise. Moi, je m'agacais aussi quand je voyais que ce n'était pas fluide et que ça ne lui allait pas. En me disant, mais pourquoi ? Est-ce que c'est de ma faute ? Est-ce que je présente mal les choses ? Est-ce que je suis mal à l'aise ? Du coup, je ne la mets pas à l'aise. Donc, il a fallu un temps pour trouver aussi l'équilibre entre nous. Je pense qu'au départ, je ne savais pas trop ce que je cherchais. Donc, quand tu es face à quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il cherche, tu ne sais pas ce qu'il faut lui donner non plus. Et aussi, ma mère a l'habitude des caméras sur des plateaux de fiction, donc elle avait tendance à être un peu distante, trop consciente de la caméra, à me répondre comme si j'étais une journaliste. Et moi, je voulais à la fois qu'elle me réponde comme à sa fille, mais en même temps, j'étais aussi réalisatrice et j'essayais de m'adresser à elle de femme à femme. Il y avait plein de choses qui se mélangeaient, qui faisaient qu'en fait, c'était une question de temps, d'être à l'aise, de comprendre les intentions derrière le film, que moi, j'arrive mieux à formuler ce que je cherche. Et quand j'ai réussi à lui expliquer, quand on a réussi à comprendre toutes les deux que c'était pas un film sur elle, c'était pas un portrait d'elle en tant que Yama Abbas, l'actrice, en tant que mère simplement, mais c'était un film sur elle en tant que femme palestinienne dans une lignée de femmes. Donc elle parmi d'autres. Et en quoi son histoire apporte à la grande histoire. Et donc à ce moment-là, ça nous mettait à égalité. Puisqu'on fait toutes les deux partie de cette histoire et toutes les deux on essaye de reconstituer cette histoire collective. Et c'est moins intimidant que si je disais je vais faire un portrait de toi. Il ne s'agissait pas du tout de ça. Et je voulais m'éloigner absolument du portrait de... Dans ces deux histoires, c'est-à-dire que raconter l'histoire d'un immigré algérien ou raconter l'histoire d'un palestinien ou d'une palestinienne a forcément un lien au collectif, puisque c'est des histoires qui ont été marquées par une histoire collective tragique qui a complètement bouleversé les destins individuels. Donc en fait, même si tu racontes une histoire d'amour ou une histoire de déménagement, c'est un déménagement ou un déplacement. ou des liens qui se sont construits dans un contexte d'exil forcé, de guerre, d'effacement de l'identité, d'effacement de son histoire, de négation de son existence. Donc c'est forcément des choses qui affectent ton destin individuel. Et après c'est comment raconter le parcours intime quand même de ces femmes-là, de leur redonner le droit à la complexité, le droit à leur... Leur lutte aussi intime, qui sont propres à leurs conditions de femme, propres à leur histoire aussi, du fait de leur famille spécifique, mais de faire comprendre que c'est une histoire parmi des milliers d'histoires, et qu'en fait, leur histoire intime contribue à enrichir l'histoire collective. L'heure Algérie, ça s'est fait de manière très spontanée, où j'ai d'abord filmé et ensuite écrit. Et bien sûr, ensuite, je notais des questions que je voulais poser, je réfléchissais au lieu. Mais après, une fois que j'avais déjà commencé à regarder les images, à monter et à réfléchir à la structure, Bye Bye Tiberiat, pour le coup, j'ai beaucoup plus préparé en amont et pas seule, puisque j'avais ma co-autrice Nadine Naous avec qui j'écrivais. et Gladys Joujou qui a monté le film, qui était aussi impliquée dès la phase d'écriture et de préparation du tournage. Puisqu'on écrivait sur la base des images d'archives personnelles que j'avais, on les regardait, on réfléchissait, ok, mes tentes, on les a 30 ans plus tôt, si je les filme aujourd'hui, j'aimerais filmer ces tentes-là ensemble dans tel lieu, tel lieu, tel lieu. Dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on parle d'amour, dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on raconte l'histoire de la grande tente. Mais après, je n'ai pas tout gardé. J'ai fait plusieurs tentatives. C'est-à-dire que j'ai posé les mêmes questions, parfois dans des lieux différents. Il y a des choses qui ne marchaient pas. Il y a des choses que j'ai ajoutées. Il y a des scènes que je pensais filmer entre ma mère et une de ses sœurs, où finalement, je n'ai gardé que ma mère seule. Il y a des scènes où je pensais avoir des éléments de la part de ma mère seule. Et finalement, c'est parti. Ça s'est transformé et ça a été présent dans ma voix off. Donc voilà la manière dont les histoires ont été racontées dans le film. C'est après plusieurs tentatives aussi, mais il y a eu beaucoup plus de préparation. Je savais que j'avais des scènes dans lesquelles je voulais demander à ma mère de rejouer des moments de son adolescence, de elle plus jeune, se remettre dans la peau de elle plus jeune, pour justement accéder à des émotions auxquelles elle n'aurait pas pu avoir accès par un question-réponse et par la parole. Il s'agissait vraiment de se remettre dans la peau de qui elle a été. Et pour ça, je l'amenais dans le lieu dans lequel elle avait vécu l'événement en question. Et je demandais à une de mes tantes d'être présente, qui était présente avec elle à l'époque. Donc presque de remettre un petit peu... Donc tout ça, c'est des choses que j'ai préparées en amont. Et après, il y a plein de choses que j'ai trouvées tout au long de l'écriture. La voix off est arrivée hyper tardivement. Le fait de faire lire à ma mère les textes sur les femmes de la famille s'est arrivé aussi tardivement. Parce qu'au départ, je pensais que c'était ma grand-mère qui allait me raconter ces histoires-là. Et elle est décédée. Donc j'allais la filmer et deux mois avant le tournage, elle est décédée. Donc en fait, je suis allée filmer quand même, mais je n'ai pas pu capturer cette parole-là. Donc en revenant au montage, il a fallu trouver un autre dispositif et c'est là qu'on a pensé à ce dispositif-là. J'ai tout appris en faisant le Régéry, que ce soit la caméra, le son, le sens du cadre, le montage, l'écriture, comment tu fais surgir l'invisible, l'indicible, comment tu filmes. Des choses qui ne se disent pas, qui ne se voient pas. Comment les corps se déplacent dans des lieux et ce que ça raconte. Comment parfois le silence, ça raconte plus que des mots. Enfin, tout ça, c'est... J'ai tout appris en faisant l'Oralgérie. Et même, c'est bête, mais les étapes de... Écriture, tournage, montage, la post-prod, ce que le son apporte, ce que la musique apporte, ce que le sous-titrage apporte. Enfin, on est sur... Ce que le cadrage apporte. Enfin, plein de choses. Et du coup, c'est avec... tout cet apprentissage-là que dans My Bytes Bariat j'avais accès à cette gamme en fait de plein de choses qui vont déterminer ce que le film sera et en même temps il y a plein de choses mais il y a peu de choses qui vont marcher donc tu essayes plein de choses, tu filmes plein de choses pour à la fin garder peu de choses dans l'Eure Algérie j'ai beaucoup filmé et utiliser peu. Dans Bye Bye Tiberiat, j'ai beaucoup préparé pour filmer plutôt ce que j'allais utiliser, disons. Même s'il y a plein de choses qu'évidemment, je n'ai pas utilisées et que j'ai essayé qui ne marchaient pas. Mais je préparais beaucoup plus. Mais c'est des manières différentes. Ça dépend des histoires. Quand tu filmes dans l'urgence et quand tu filmes des personnes avec qui tu n'as pas le luxe de préparer, tu filmes, tu filmes, tu filmes et après, tu tries en montage et tu construis après. En plus, Leur Algérie, je le tournais en France, donc c'était facile pour moi de faire des allers-retours entre Paris et l'Auvergne, en voiture, en train, je pouvais y aller le week-end. Des fois, je montais la semaine, le week-end, j'allais tourner une scène, je revenais le lundi. Bye Bye Tiberiade, c'était compliqué de préparer le tournage. Puis en plus, c'est une question de personnages. Leur Algérie, j'avais mes deux grands-parents. Bye Bye Tiberiade, j'ai sept tantes, deux oncles, ma mère, ma grand-mère. C'est un set-up qui est beaucoup plus chargé. et je ne peux pas arriver comme ça et leur demander d'être à ma disposition. Parce qu'elles ont toute leur vie, leur travail. Ce n'est pas comme mes grands-parents algériens qui étaient à la maison tout le temps et avec qui je pouvais faire passer des semaines chez eux et ça ne les perturbait pas. Là, avec mes tantes, il fallait s'organiser, demander quand est-ce que vous êtes dispo. Aussi, leur expliquer un peu le projet parce qu'elles n'ont pas l'habitude. Mais après, j'ai eu de la chance dans les deux films. Toute ma famille m'a énormément soutenue et super bien accueillie, plus que ce que j'aurais pu imaginer. C'est très compliqué de filmer en famille puisque justement... T'es obligée d'être à distance, donc des fois, moi j'étais saoulée parce que j'avais envie de profiter de ma famille aussi. Enfin, surtout quand j'étais avec ma famille palestinienne, que je vois pas très souvent. Bah des fois, il y avait des moments où je les filmais pendant les déjeuners, les dîners, et je me disais, en fait, j'ai envie de pouvoir m'asseoir, de profiter. Mais il y avait cet objectif de capturer qui était plus important. C'est compliqué d'être derrière la caméra, de faire le cadre dans leur Algérie, tout en étant... Celle qui pose les questions est en contact, high contact avec ma grand-mère ou mon grand-père. Mais en même temps, j'ai... En fait, sur le moment, c'était toujours assez évident. C'est-à-dire que des fois, oui, j'étais prise d'une certaine émotion et j'allais me mettre à avoir peut-être les larmes aux yeux. Mais je me reprenais aussitôt parce que l'objectif était plus important, c'est-à-dire capturer cette mémoire. C'est essentiel, c'est une mémoire qui peut disparaître. Et le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est que cette mémoire disparaisse et que je n'arrive pas à la capturer à temps. Le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est de ne pas redonner cette mémoire aux personnes que je filme. Donc oui, sur le moment, j'aimerais m'arrêter, prendre dans les bras. Mais en fait, ça, je peux le faire après. Mais la mémoire que je capture, c'est qu'à ce moment-là que je peux le faire, en fait. Et c'était le cas avec ma grand-mère palestinienne, en fait. Je l'ai filmée pendant tout ce voyage à Tiberiade, pendant ce moment où elle me racontait la Nakba, où il y a plein de moments où elle était en sanglots. Mais si j'avais arrêté la caméra en disant il faut que je me sois à côté, elle j'apprends dans mes bras, je n'aurais jamais capturé tout ça. Il faut s'effacer, en fait il faut se mettre à distance. Et même dans My By Tiberiade, quand je filme le deuil de ma mère, c'est hyper dur. Je vois ma mère qui est en deuil, je rentre dans la maison de ma grand-mère, avec pour la première fois ma grand-mère qui n'est pas là. Mais en fait c'est un moment... qui racontent énormément dans le film. Et je me suis tenue. Et en fait, ça m'a permis aussi de faire mon deuil. C'est-à-dire que moi, c'est par le fait que j'ai capturé ces mémoires-là que je rends hommage et que je fais mon deuil. C'est pas forcément en arrêtant la caméra et en pleurant. Alors c'est vrai que le mot enquête, je ne l'utilise jamais et je ne m'identifie pas du tout à ce mot parce que j'ai l'impression que quand on parle d'enquête, on parle d'un mystère et on parle de secrets. Alors que là, dans ces histoires-là, pour moi, ce n'est pas des secrets, c'est le silence. Donc je sais que je ne vais pas résoudre l'histoire en apprenant des choses, mais briser le silence me permettra de mieux comprendre et de mieux atteindre. les personnes que je filme. Donc, ce n'est pas vraiment enquête, mais c'est plus, comme je disais au départ, construire un puzzle. En fait, c'est qu'il y a plein de morceaux. Et l'idée, c'est de pouvoir reconstituer son histoire, se la réapproprier, comprendre sa place dans la famille, dans l'histoire entre la France et l'Algérie, entre la Palestine et Paris. Donc pour moi, ce n'est pas enquête dans le sens où je ne suis pas en train d'essayer de résoudre et de passer à autre chose, mais je suis en train d'essayer de compléter pour trouver ma place. Donc c'est presque de la survie, pas au sens de vécu, mais de la survie au sens... Dans une famille, dans une histoire, pour exister, c'est presque un besoin d'exister. Et pour ça, il faut savoir d'où on vient. Et pour savoir d'où on vient, il faut briser ces silences-là. Le puzzle et la forme documentaire se rejoignent. Je parle de puzzle aussi parce que c'est comme ça que j'ai constitué mes films. Mais peut-être que si mes sujets avaient été autres, je n'aurais pas fait le même genre de film. Mais c'est vrai que pour moi, dans les deux histoires, que ce soit Leur Algérie ou Bye Bye Tiberiade, comme je disais, il s'agissait de recoller les morceaux, de recréer des liens, d'aller faire émerger une mémoire enfouie, d'essayer de redonner une forme de linéarité à des histoires complètement morcelées. Et pour moi, tout ça, c'est un écho, c'est un miroir à la réalité de l'expérience de l'exil. Et à travers le documentaire, la manière dont on les a construits, c'est vraiment ça, c'est déjà comment mêler l'intime et le collectif. Donc c'est déjà recréer des liens entre des choses qui semblent être séparées. Et c'est donc à chaque fois qu'on regarde des scènes en montage, on les pense et on les écrit à la fois sur le côté intime et le côté collectif. Qu'est-ce que ça raconte de l'intime de cette famille ? Mais en quoi cet intime-là est intéressant pour l'histoire collective ? On ne s'intéresse pas à l'intime en tant que tel, mais c'est vraiment pour constituer une histoire. Et c'est pareil, les photos, les vidéos qui sont intimes. vont se mélanger à des archives qui sont historiques, par exemple. Et c'est une manière de tout le temps re-imbriquer l'intime et le collectif ensemble. Et justement, c'est vrai que les films sont construits comme des puzzles parce qu'ils mélangent différentes sources d'images, des archives des années 90 et des images contemporaines pour l'heure Algérie, mais aussi des archives historiques, puisque dans l'heure Algérie, j'ai utilisé aussi des extraits des années 40 et 50 pendant la colonisation française en Algérie. Et dans Bye Bye Tiberiade, c'est la même chose. J'ai des archives des années 90, des archives historiques allant des années 30 aux années 80 et des images contemporaines. Et en fait, c'est presque comme si ces formes-là étaient nécessaires et essentielles pour raconter notre histoire, qui est faite de bouts de mémoire morcelés et surtout qui est faite de mémoires qui ont été effacées délibérément aussi. Donc les traces, les images sont nécessaires puisqu'elles deviennent la preuve d'une existence qui est niée. qui n'est pas reconnu ou qui est marginalisé. Et dans le cas de la colonisation française en Algérie, il y a plein d'archives auxquelles on n'a pas accès et qui ont été longtemps cachées ou difficiles d'accès. Dans le cas de la Palestine, énormément d'archives ont été détruites. Et de lieux aujourd'hui sont détruits, et des vies sont détruites, et des cultures sont détruites. Donc en fait, chaque image devient précieuse, parce que rare. C'est hyper dur de se dire le film est fini parce que tu as tellement d'étapes. Bon déjà quand je faisais l'heure Algérie, à aucun moment je me disais je vais réussir à faire le film. Je me disais bon je fais ce que je peux. Mais je me disais mais comment je vais faire pour faire un film ? Et c'est vraiment à la toute fin quand il y a un visionnage où tout d'un coup tu regardes et tu te dis ah ouais j'ai un film. Et en même temps tu as l'étape du final cut de l'image. où t'as un film et il manque toute la partie sonore, puis ensuite la musique. Et en fait, c'est ça qui est fascinant aussi, c'est à quel point ça prend forme aussi à chaque étape. Et c'est vrai que My Mighty Bariat, comme j'avais déjà eu l'expérience par rapport à leur Algérie, j'étais un peu plus consciente de ces étapes-là. Mais pour le coup, My Mighty Bariat, comme c'était beaucoup plus morcelé, j'avais du mal à voir le film. Je voyais plein de bouts de choses en me disant, mais... J'arrive pas à trouver cette linéarité et c'est vraiment arrivé à la toute fin du montage puisque la linéarité est arrivée avec l'écriture de ma voix qui en fait c'est en parcimonie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup ma voix mais c'est deux trois phrases au début, deux trois phrases par-ci par-là qui font qu'on arrive à lier les choses entre elles et ça on l'a écrite les trois dernières semaines de montage après trois quatre ans de travail d'aller-retour entre tournage, montage, écriture Et du coup, c'est vraiment... Mais après, la structure était là et le film était là. Je pense que je n'aurais pas pu écrire ma voix. Avant, il fallait que je pose un peu tous ces morceaux-là pour comprendre. Ok, j'ai raconté l'histoire de mon arrière-grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma mère. C'est moi qui ai décidé de raconter ces histoires-là, je suis descendante de ces histoires-là, je les raconte à travers mon point de vue, mes ressentis. C'est moi qui dois faire le lien entre tout ça, puisque quand je regarde le film en l'état, sans ma voix, c'est intéressant, mais c'est quand même morcelé. Et du coup, j'ai posé ma voix dans les endroits où il y avait besoin de me suivre, de suivre mon intention. Et tout d'un coup, ça prenait sens. Donc, on a l'impression que c'est un détail, mais c'est un détail qu'on n'aurait pas pu construire si on n'avait pas fait tout le reste. Donc, en fait, c'est comme du travail à la chaîne. Si tu oublies un tournevis à un moment, tu as l'impression que le truc est là, mais en fait, ça va se péter la gueule. La caméra, pour moi, c'était le meilleur moyen. de capturer et transmettre ces histoires-là. Mais ce n'est pas seulement la caméra, c'est la caméra et l'écriture. C'est-à-dire capturer ces images et comment tu les ficelles entre elles. Parce qu'avec des mêmes images, tu peux faire des choses très différentes. Donc c'est pour ça que pour moi, c'est au-delà de l'image en soi, c'est la forme documentaire qui est une manière de construire un récit avec des images. Parce que j'aurais pu faire de l'art vidéo et sur une photographie de ma grand-mère, capturer sa voix. J'aurais pu dans Bye Bye Tiberia ne faire qu'un film d'archives ou ne pas utiliser d'archives du tout et faire que avec des images contemporaines. Mais en fait, c'est plutôt collecter un maximum de matière pour raconter une histoire à trous. Comme un puzzle, tu réunis toutes les pièces pour pouvoir le former. Donc pour moi, c'est vraiment propre au documentaire qui te permet de faire ça. L'instinct, pour moi, est hyper important. Ce n'est pas du tout une question de talent. C'est un instinct que tu partages avec des gens qui te permettent d'accéder à ce que tu as envie de construire. Parce que des fois, tu ressens des choses, tu les exprimes. Et puis, que je les exprime avec Nadine Aous, ma co-autrice, qui me dit Ah ben du coup, si on devait l'exprimer à l'écrit, ça serait comme ça. Ou Si tu devais tourner la scène pour arriver à ce que tu veux, ça serait comme ça. Et quand je l'exprime avec Gladys Joujou en montage... Elle me dit Ah bah du coup, si c'est vraiment ça ton intention, on pourrait faire ci et ça. Et pareil, quand tu es en post-prod, avec l'étalonnage, avec le son, la monteuse son avec qui j'ai travaillé, c'est dire Voilà, j'ai envie qu'on sente ça, qu'on sente ça. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'ai ce ressenti. Et en fait, oui, tu es obligé de faire confiance à ton instinct parce que tu as une certaine envie artistique, mais sans l'expérience, tu ne sais pas forcément comment le... traduire en termes techniques cinéma. Puis peut-être que tu n'as pas besoin de le traduire en termes techniques cinéma, puisque le cinéma, de toute façon, est un travail collectif dans lequel on œuvre toutes et tous pour le meilleur film possible par rapport à nos envies. Il n'y a pas de critère objectif de meilleur film ou pas meilleur film. Mais du coup, moi, c'est aussi pour ça que je valorise énormément les personnes avec qui je travaille. En fait, je n'aurais pas pu faire ces films sans toutes les personnes qui m'ont accompagnée. dans leur Algérie, que ce soit Gladys, avec qui on a écrit, monté, construit le film, et aussi ceux qui ont travaillé le son avec moi, qui sont un couple de monteurs-mixeurs, Julie Triboud et Rémi Durel d'Obsidienne Studio, qui en fait ont vu débarquer une jeune qui n'a jamais fait de film, qui ne sait pas ce que c'est le montage son, qui fait un film sur ses grands-parents, et qui ont été extraordinaires dans la manière dont ils ont cru dans le projet, étaient hyper touchés. très émue et ont su traduire mes envies, mes émotions dans le travail sonore. Et ça, j'étais fascinée. Et pareil avec l'étalonneur Christophe Bousquet, j'ai retravaillé avec ces personnes-là sur Bye Bye Tiberian. C'était hyper important pour moi. Et en plus de ça, dans Bye Bye Tiberian, j'ai voulu écrire avec quelqu'un en amont parce que, justement, j'avais un peu souffert de la solitude dans leur Algérie, de tout faire toute seule aussi, même si j'avais Gladys qui était mon acolyte. Mais là, j'avais envie d'être encore plus entourée. Et là, comme j'ai envie de faire de la fiction, c'est une envie encore d'être encore plus, plus, plus entourée. J'ai toujours envie de faire à la fois du documentaire, de l'écriture. Je ne suis pas quelqu'un qui, une fois que je fais quelque chose, je me dis je ne vais faire que ça. J'ai toujours été un peu touche-à-tout, sachant qu'avant de faire Leur Algérie et Bye Bye Tiberiade, j'ai fait de la programmation. J'ai écrit sur des projets d'autres personnes. Entre leur Algérie Bye Bye Timariad, j'ai travaillé sur une série de fiction plutôt télé qui s'appelle Oussekine sur l'histoire de Malik Oussekine avec Disney où là j'étais coordinatrice d'écriture et documentaliste et en fait j'ai participé à la room d'auteurs dans l'écriture. Donc là c'était ma première expérience de fiction mais sur un projet qui est tiré du réel donc ça mêlait un petit peu ce que j'aimais faire dans le documentaire et en même temps... mon attirance vers l'écriture de fiction. Et là, j'ai encore des projets documentaires en tête, mais le prochain projet qui vraiment commence un peu à émerger, à se concrétiser, même si je suis au tout, tout, tout, tout, tout, tout début. C'est un projet de fiction sur l'histoire d'une famille qui vit en Espagne, d'une famille franco-algérienne. Pour moi, ça continue de traiter les sujets qui m'intéressent, c'est-à-dire comment tu trouves ta place dans la famille, comment en tant que descendant d'immigrés, descendant d'exilés, tu te construis entre plusieurs territoires, qu'est-ce que signifie le territoire dans sa construction personnelle. C'est axé surtout sur le personnage principal qui est une jeune femme franco-algérienne dans sa trentaine, donc aussi l'histoire de la femme, des femmes. Comment tu te lies aux femmes de ta famille ? Qu'est-ce qu'elles t'ont transmis ? Est-ce que tu te construis contre elles, avec elles ? Quels sont les points communs ? Comment chacune de ces femmes, chacun de ces personnages, porte son héritage historique dans la manière dont ils ou elles naviguent dans le monde et dans la famille ? Et ça passe par la fiction parce que j'ai envie de déplacer un peu les enjeux, j'ai envie de me détacher du poids du réel aussi, qui a été très pesant sur leur Algérie. et surtout sur Bye Bye Tiberiade, avec tout le contexte du génocide à Gaza pendant toute la tournée du film, et de ce que tu portes aussi publiquement dans des moments comme ça, c'est très difficile. Et je ne dis pas que j'ai envie de faire des choses plus légères, parce que j'ai toujours envie d'avoir une portée politique dans ce que je fais, puisque pour moi, de toute façon, tout est politique, et nos existences sont politiques en soi, mais j'ai envie de réinjecter plus d'humour, d'amour. Bon, je ne vais pas faire une comédie, mais j'ai envie d'avoir une liberté de ton. Et voilà, je ne sais pas du tout. Comme d'hab, quand je commence quelque chose, je ne me dis pas, ouais, je vois le film et je sais ce que je veux faire. Mais j'ai des intentions, j'ai des envies, j'ai des gens avec qui j'ai envie de travailler. Et j'ai des rêves qu'on va essayer de construire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez d'ailleurs retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes, que ce soit Spotify, Deezer ou Apple, ainsi que nos actualités sur le site vision.photo ou sur notre Instagram, at vision. Et si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. Donc je vous dis à très vite pour de nouvelles rencontres.

Description

À travers le medium du documentaire, Lina Soualem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans Leur Algérie où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n’a jamais été écrite. Et puis cette année dans Bye Bye Tibériade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. 


Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision(s) lié au cinéma, avec le parcours d’une personne aussi inspirante que Lina Soualem. Bonne écoute.


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Un podcast réalisé et écrit par Louis Lepron, produit par Noyau.studio, monté et mixé par Virgile Loiseau et mis en musique par Charlie Janiaut.


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  • Speaker #0

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  • Speaker #1

    À travers le médium du documentaire, Lina Soalem raconte avec force les itinéraires poignants de ses proches. Que ce soit dans leur Algérie, où elle suit ses grands-parents pour mieux faire émerger une mémoire qui n'a jamais été écrite, et puis cette année dans Bye Bye Tiberiade, sur les traces des histoires dispersées de quatre générations de femmes palestiniennes. Je suis hyper fier de vous présenter ce tout premier épisode de Vision lié au cinéma, avec le parcours d'une personne aussi inspirante que Lina Soalem. Bonne écoute. Salut, c'est Louis. Vous écoutez Vision, le podcast qui donne vie aux images. Cette année, adoptez une approche plus durable pour les fêtes. Avec notre partenaire MPB, vous pouvez offrir ou acheter du matériel photo et vidéo d'occasion qui a été testé et approuvé pour des cadeaux fiables et à bon prix. Un lien pour tester MPB est disponible en description de ce podcast.

  • Speaker #0

    C'est difficile de choisir des scènes parce que pour moi, mes films sont un peu des puzzles et je passe par plein d'étapes pour pouvoir reconstituer une histoire justement. Donc c'est difficile de choisir une scène qui représenterait un peu tout le travail. Mais il y a quand même une scène qui me vient en tête, que j'ai dû tourner plusieurs fois puisque je n'arrivais pas à faire ressortir quelque chose de mon grand-père algérien dans leur Algérie. Et c'est une scène dans laquelle j'utilise des photos pour faire ressurgir la mémoire. Puisque dans leur Algérie, je filme mes grands-parents qui n'ont jamais raconté leur histoire et dont l'histoire est tellement traumatique qu'ils se sont réfugiés dans le silence. Donc en fait, il s'agissait pour moi de briser le silence et plutôt que d'être dans la confrontation et dans le question-réponse que je voyais était limité et limitait les échanges. Puisque quelqu'un qui n'a jamais parlé ne va pas tout d'un coup parler parce que tu lui poses une question ou lui demandes de répondre par oui ou par non. Il fallait trouver des manières de faire ressurgir la mémoire sans être dans la confrontation. Et j'avais beaucoup discuté de ça avec ma monteuse Gladys Joujou qui a monté mes deux films et avec qui on écrit aussi ensemble, puisqu'elle est aussi autrice. Ça fait partie du travail de monteuse. Du coup, elle m'a dit, il faut que tu essayes d'utiliser des objets ou des photos pour que la personne qui est filmée puisse accéder à certaines émotions à travers la photo. et décider de quoi elle va pouvoir parler. Et donc j'avais trouvé des photos de mes arrière-grands-parents, les parents de mon grand-père, puisqu'en fait je m'étais rendu compte que mon grand-père n'avait jamais parlé de ses parents, que je ne savais rien de mes arrière-grands-parents, ni comment ils s'appelaient, ni comment ils vivaient, ni où ils vivaient, ni ce qu'ils avaient fait de leur vie, quand est-ce qu'ils étaient nés et morts. Donc il y avait vraiment dans la lignée des ancêtres, ça s'arrêtait à mes grands-parents. Et c'était primordial pour moi de comprendre qui ils étaient. Je ne comprenais pas comment mon grand-père ne pouvait pas parler de ses parents. Et donc j'ai agrandi, c'était des toutes petites photos d'identité que mon père avait gardées, parce que c'est un peu lui qui garde tous les trésors de la famille. Et je les ai faites agrandir, plastifier. Et puis je suis arrivée avec chez mon grand-père. Et en fait, j'ai tourné ça quatre fois où je lui montrais les photos en lui disant Qu'est-ce que ça te rappelle ces photos ? C'était parents Et en fait, les quatre premières fois, soit il tournait la tête, soit il disait Ah, c'est le passé soit il disait Ah, j'ai pas envie de parler de ça Donc à chaque fois, ça faisait rien ressortir et je me disais Bon, bah, dans le film, ça serait une scène de silence. Ça montrera justement à quel point il y a un silence, il y a un problème de transmission. Et en fait, au fond de moi, je me disais Mais c'est pas possible, il faut que je... J'avais besoin de réessayer. Et en fait, un jour, je suis revenue la cinquième fois, j'ai posé les photos. Et puis là, mon grand-père a commencé à parler. Et il m'a révélé en fait que, je ne vais pas tout révéler pour ceux qui n'auraient pas vu le film, mais qu'en fait pour lui, c'est difficile de voir ses photos parce qu'il a quitté ses parents très jeunes, de force puisqu'il a été emmené en France pour travailler sous la colonisation en tant que sujet de l'Empire français, donc sans avoir accès à ses droits. Et qu'en fait, il a sacrifié toute sa vie au travail aussi pour envoyer de l'argent pour que ses parents puissent... survivre mais qui n'a jamais vraiment pu vivre avec eux et en fait j'ai découvert à travers cette scène non pas mon grand père mais le jeune homme qu'il a été et la blessure en fait de la séparation avec les parents et ça a été hyper impactant parce que je me suis dit c'est fou que à 80 ans et quelques cette blessure de l'enfant soit toujours aussi présente en lui En fait, ce n'est pas les mêmes générations qui valorisent les images. Je pense que c'est la génération de mon père et la mienne qui ont valorisé ces images-là comme des traces de notre histoire face à des parents et des grands-parents ultra silencieux. Alors que je pense que mes grands-parents étaient dans un processus de survie à un traumatisme colonial et à la souffrance du déracinement et en fait se rappeler de ce qu'on a perdu. n'aident pas à avancer. Alors que pour nous, on est nés de l'exil, mais on n'a pas vécu l'exil. Donc en fait, nous, c'est comme si on avait besoin de recréer des ponts dans cette espèce de distance qui s'est créée et de fracture qu'il y a eu du fait de cet exil non choisi. Et du coup, c'est vrai que c'est mon père qui a réuni toutes les photos de la famille et qui m'a transmis aussi cette... Le fait de valoriser autant les traces, et en même temps c'était des photos, et en même temps c'était des vidéos, puisque mon père a filmé énormément dans les années 90 avec un caméscope VHS, tous nos voyages dans ma famille algérienne en Auvergne, et tous nos voyages dans ma famille palestinienne en Galilée. Comme si aussi le fait de descendre d'histoires d'exil et d'effacement et de déracinement ont créé chez mon père ce besoin et cette nécessité de faire trace. pour continuer à exister, de peur de disparaître complètement dans une mémoire collective qui est à trous en fait, et qui est incomplète parce que nos aînés n'ont pas de transmis du fait de la difficulté de ce qu'ils ont vécu. Alors je m'appelle Lina Soalem, je suis réalisatrice, j'ai réalisé deux films documentaires, le premier Leur Algérie et le deuxième Bye Bye Tiberiath. Bon j'ai grandi avec deux parents comédiens donc l'image a toujours été très présente à la maison à travers les films, donc souvent des films dans lesquels mes parents jouaient, donc en plus j'avais toujours cette réalité de mes parents à la maison et mes parents dans les films. Et j'ai jamais trop eu de recul et de distance par rapport à ça. Pour moi, la famille, le cinéma, étaient des mondes liés dès le départ. Là où c'était un peu bizarre, c'était sur les plateaux plutôt, où du coup, je n'arrivais plus à savoir si c'était le parent comédien ou le parent parent. Et de toute façon, je m'emmerdais énormément sur les plateaux de cinéma quand j'étais petite, puisque j'avais besoin d'attention et personne ne m'accordait de l'attention. Mais c'est vrai que je m'étais plus intéressée dans l'adolescence et ensuite quand j'ai fait des études. plutôt aux histoires orales plus qu'à l'image, puisque j'ai fait des études d'histoire, de sciences politiques. Je m'intéressais énormément à l'histoire des civilisations et ça, je pense que c'est vraiment en lien avec mes identités et les histoires de ma famille. Et j'avais l'impression que le monde de l'image, c'était le monde de mes parents et que moi, j'avais quelque chose d'autre à apporter et à explorer qui serait ma propre voix, mais toujours dans l'idée et la volonté de raconter des histoires ou de connaître. l'évolution des peuples, des civilisations, de trouver sa place dans le monde, de comprendre ses identités, son héritage, etc. Et je suis revenue à l'image beaucoup plus tardivement, c'est-à-dire qu'après les études d'histoire de sciences politiques, j'ai voulu faire du journalisme. Donc pareil avec l'idée de transmettre, mais l'exigence de neutralité, d'objectivité, ça m'a rendu dingue, puisque je disais que ce n'était pas possible. Donc j'ai pas tenu longtemps, je me suis pas mal embrouillée. Après j'ai voulu faire de la diplomatie culturelle, parce que pareil c'était faire des liens entre les différentes contrées, etc. Mais pareil, la désillusion est arrivée très vite, en fait parce que j'avais une voix politique que j'avais envie de porter je pense, et que je me suis rendue compte que dans le journalisme, on ne le permettait pas, on faisait semblant que ce n'était pas ça. Puis dans la diplomatie culturelle, encore pire, puisque qui dit diplomatie ne parle pas de tes opinions politiques. Et en fait, moi, j'avais l'impression que j'avais un besoin d'expression, mais je n'arrivais pas à trouver le médium. Et c'est quand j'ai fini mon master, j'étais en Argentine pendant... quelques mois pour faire mon stage justement de fin d'études donc c'est là que je faisais du journalisme et en fait j'ai découvert un festival de cinéma des droits de l'homme donc c'était encore une fois des thématiques qui m'intéressait qui correspondait à mes études mais avec le médium du fin la forme de cinéma et c'est là que j'ai commencé à faire du volontariat et puis qu'on m'a proposé de programmer notamment Ils avaient une section film du Moyen-Orient et ils m'ont proposé de faire un focus cinéma palestinien. Moi j'avais 23 ans à l'époque, j'étais assez jeune et je ne parlais pas encore très très bien l'espagnol, donc c'est des gens qui m'ont fait confiance. Et en fait à ce moment-là j'ai vu énormément de films et j'ai découvert le documentaire comme ça. C'est-à-dire que je ne connaissais pas du tout le documentaire, mes parents sont comédiens de fiction et en plus n'étaient pas du tout dans la réalisation à l'époque, donc même réaliser ce n'était pas quelque chose. qui me semblait accessible. Et en fait, je voyais beaucoup de documentaires faits par des Palestiniens sur la Palestine ou au Moyen-Orient, donc des thématiques qui m'intéressaient d'un point de vue politique, mais que je n'avais jamais vraiment vues sous un prisme artistique. Je me disais, en fait, on peut raconter nos histoires qui sont chargées politiquement et historiquement, mais librement, artistiquement, sous plein de formes. Et on peut provoquer des émotions chez le spectateur. qui font que ça les rapproche de notre histoire qui semble toujours, pour beaucoup de gens, trop complexe, entre guillemets. Et en fait, ça a été une révélation. Il y a un film que j'ai vu à ce moment-là, donc en 2013, qui s'appelle A World Not Ours, de Mahdi Fleifel, qui est un réalisateur palestinien qui a vécu au Danemark, dont le dernier film était à la quinzaine des réalisateurs à Cannes l'année dernière, qui s'appelle To a Land Unknown. Et en fait, son film, c'était un documentaire sur sa famille, qui est une famille palestinienne qui vit dans un camp de réfugiés au Liban. Et lui, il a une voix off où il raconte l'histoire de sa famille, mais avec un ton hyper comique, hyper décalé, hyper cynique. Je me suis dit, mais c'est génial, en fait, tu peux regarder ces histoires-là et rire et pleurer et comprendre le tragique de ce qu'ils ont vécu politiquement, tout en ayant une certaine distance qui permet aussi de replacer les choses dans son contexte. J'ai trouvé ça fascinant et du coup, ça a... planté quelque chose dans ma tête où je me disais un jour j'aimerais bien faire quelque chose sur ma famille mais à ce moment là j'avais aucune idée de ce que j'allais faire et c'est vraiment des années plus tard parce qu'ensuite je suis rentrée en France, il fallait que je travaille je trouvais pas de travail dans le documentaire parce qu'il y a pas de travail enfin je voulais assister des réals, j'envoyais des mails je disais je peux faire assistante et tout ça bon tout le monde me disait il y a pas d'argent, laisse tomber donc ils m'ont bien cassé le moral Et donc j'ai rebossé dans la diplomatie culturelle, j'ai bossé à l'UNESCO pendant quelques mois. Et finalement mes grands-parents algériens se sont séparés et ça a été le déclic pour leur Algérie en fait où j'ai démissionné, j'ai pris une caméra et j'ai commencé à filmer sans vraiment savoir ce que je faisais puisque c'était ma toute première expérience. Donc c'est comme ça que ça a commencé quoi. Je me souviens du bureau dans lequel j'étais à l'UNESCO où j'étais en dépression, parce qu'en fait je me rendais compte que je ne me sentais pas du tout épanouie, que je passais à côté de quelque chose, que j'avais 26 ans, que j'avais un truc un peu de bon, c'est super d'avoir un travail. Mais en fait j'ai toujours rêvé d'avoir un travail, parce qu'on te dit il faut avoir un travail, puis une fois que tu l'as, tu dis bah oui c'est super. Mais en fait, pourquoi je sens que je ne suis pas à ma place ? Enfin bref, j'étais dans des questionnements. Et en fait, je me souviens que j'ai commencé à écrire dans ce bureau. C'est-à-dire à mes pauses-déj, je n'allais pas déjeuner et je commençais à écrire sur l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de mon grand-père et à rêver de faire un film sans savoir quelle forme ça allait prendre. Et je me souviens d'une copine qui m'avait envoyé une résidence au Maroc qui s'appelle Fidadok. Et du coup, vraiment, j'ai... postulé une semaine en retard en me disant bon ils vont jamais me prendre et deux semaines plus tard ils m'ont pris. Donc c'était le premier élan quoi, avec cette page où j'avais raconté l'histoire de ma grand-mère, l'histoire de l'immigration algérienne et comment je voulais raconter à travers une histoire intime, une histoire collective. Mais bon j'avais rien écrit sur l'approche visuelle, je savais pas du tout faire ces choses là mais fin ad hoc c'est une résidence qui aide des personnes qui débutent donc en fait... Ils ont cru au projet, quoi. Du coup, j'y suis allée, je pense, un ou deux mois plus tard. Donc, je suis allée deux semaines, je crois, à Agadir. Dans ce festival de cinéma, on était plein de jeunes réalisatrices, réalisateurs ou même pas, des jeunes porteurs de projets, beaucoup du Maroc, Afrique du Nord et d'autres certains du Moyen-Orient. Et en fait, à ce moment-là, j'ai rencontré plein de gens dans le cinéma, africains et Moyen-Oriental, et tout d'un coup, les gens me regardaient sérieusement. C'est-à-dire, je parlais d'un film et on me posait des questions sur Ah oui, comment tu envisages ça et ça ? Je disais Ah ouais, donc en fait, c'est sérieux Et en fait, ça a été génial parce que du coup, ça m'a permis de croire dans le projet. Et en fait, dès que je suis rentrée d'Agadir, j'ai demandé sur Facebook. J'ai dit, est-ce que quelqu'un peut me prêter une caméra et des micros ? Et en fait, j'ai un ami, Rachid Ami, qui est réalisateur, qui est trop sympa, m'a prêté une caméra. Et d'autres personnes qui m'ont prêté des micros. J'ai un pote de ma mère, un gesson, à qui j'ai eu un appel téléphonique. et qui m'a donné des conseils sur comment tu branches un HF, le zoom, enfin tout ça moi c'était la première fois que je voyais ce matériel. Je me suis exercée un peu toute seule et je suis partie filmer, je suis partie chez ma grand-mère un mois et demi. J'ai fait des images et en revenant j'ai repris l'écriture et j'ai postulé à notre résidence en Algérie à travers le festival de Bejaïa, les rencontres cinématographiques de Bejaïa et j'ai gagné une bourse. et une résidence à Alger pendant un mois. Et ensuite, j'ai postulé à la SCAM, Bruyant d'un rêve, donc j'ai eu mes premiers sous, disons. Et la SCAM, en plus, on avait un tutorat, donc il y a une réalisatrice qui s'appelle Chantal Richard, que j'adore, qui a été ma tutrice. Et après, j'ai commencé avec le dossier que j'avais écrit, pour lequel, d'ailleurs, on nous a aidé, dans les résidences, ils nous aidaient à construire des dossiers. notamment pour la France, puisque en général, même les résidences en Afrique du Nord, souvent il y a des copros avec la France, donc on t'apprend à écrire des dossiers pour correspondre au fond français aussi. Donc la SCAM, CNC à l'écriture, tout ça. Et du coup, à partir de ça, j'ai commencé à envoyer le dossier à des prods, parce qu'on m'a dit, c'est comme ça que ça marche, il faut rencontrer des prods. Puis j'ai trouvé une prod chez Agathe Film qui était intéressée, j'ai commencé à la rencontrer, donc voilà, ça s'est fait un peu de fil en aiguille. Après, j'ai rencontré Gladys Lamonteuse, dont plusieurs personnes m'avaient parlé. Je lui ai montré le dossier que j'avais, les images que j'avais déjà tournées. Et moi, pendant tout ça, je continuais d'aller filmer. À aucun moment, je me suis arrêtée. Puis j'avais déjà toutes les archives de mon père, que j'avais numérisées moi-même. Et voilà, en fait, après, j'ai postulé un autre truc en Tunisie, où j'ai été prise. Et pour la Tunisie, il fallait faire un rough cut, alors que je n'étais même pas encore... pour pitcher le film en post-prod. Alors j'étais encore... Mais bon, des fois dans le doc, t'es entre plein d'étapes en même temps. Et du coup avec la monteuse, on s'est mis... On a fait 5 semaines de montage pour ce truc-là, avec une deadline. Et du coup j'ai montré 40 minutes en Tunisie, on a eu un prix, donc un peu plus d'argent pour continuer. Parce qu'en fait, j'ai pas réussi à avoir des fonds traditionnels avec leur Algérie, étant... Premier film, et puis les gens ne croyaient pas trop au projet, à l'écrit. On me disait qu'ils ne comprenaient pas comment cette histoire intime allait pouvoir raconter quelque chose de collectif. Ils ne comprenaient pas en quoi l'histoire d'immigrés algériens pouvait être universelle. Donc bon, beaucoup de biais racistes aussi. La région Auvergne, par exemple, n'a jamais financé le film alors qu'il est tourné intégralement en Auvergne. Je ne dis pas qu'ils doivent financer tout ce qui se tourne en Auvergne, mais... Mais voilà, il n'y a pas beaucoup de films sur l'immigration algérienne en Auvergne, alors que c'est une immigration hyper importante. Ils n'ont pas défendu le projet. Donc voilà, on ne trouvait pas ça. Donc il fallait faire un peu différemment et passer par toutes ces plateformes, surtout dans le monde arabe en fait, de pitch, où tu postules, tu gagnes 2000, 3000, 4000, 5000. C'est pas les fonds genre Région ou CNC où des fois t'as 20 000 d'un coup ou 30 000 d'un coup qui te permettent de planifier. Là t'as de l'argent, tu fais ce que tu peux avec, tu retournes en tournage. Moi je tournais seule de toute façon et on m'avait prêté des choses. Donc bon pour ce film-là ça a fonctionné comme ça. Et ça m'a permis de le faire de toute façon parce que j'avais pas trop le temps d'attendre non plus parce que mes grands-parents étaient âgés et mon grand-père, j'ai commencé à le filmer, il avait 85 ans et il nous a quittés à 88. Donc je l'ai filmé ces trois dernières années. Si j'avais dû attendre, je n'aurais pas eu ce film-là. Le film narratif, c'est vraiment avec Gladys Joujoux, la monteuse, qui s'est construit en montage. C'est-à-dire que mes intentions étaient très claires avant de tourner. C'est-à-dire que je savais que je filmais cette histoire pour briser le silence, pour la retransmettre parce que c'est une histoire qui est marginalisée, pas présente dans notre mémoire collective, notamment en France. Mais je ne savais pas comment j'allais le faire. Moi, je posais des questions derrière la caméra, je ne savais pas... pas du tout que j'allais garder mes questions, par exemple. Donc moi, j'étais dans une spontanéité en me disant de toute façon, je vais couper ma voix. Quand j'ai compris que j'allais garder ma voix, ça a été un peu compliqué à assumer, mais après ça allait. Donc j'avais quand même cette intention assez claire sur la portée politique de ce que je cherchais, de la parole intime que je filmais. Mais il y a plein de choses dont j'étais pas consciente, et quand on a commencé à monter avec Gladys... Comme je continue à tourner, il y a plein de choses que j'ai fait en tournage grâce à tout ce qu'on construisait ensemble en montage. C'est-à-dire que c'est elle qui me suggérait justement d'utiliser des photos pour réactiver la mémoire. C'est elle qui m'aidait à, si je veux montrer une vidéo à ma grand-mère, comment je filme la scène ? Quel type de questions il faut que je pose ? C'est aussi à l'étape du montage que j'ai réalisé qu'il fallait... que je ramène les personnages, mes grands-parents, dans certains lieux aussi pour réactiver la mémoire et que je ne sois pas toujours dans des set-up chez eux, assis. Donc j'ai amené ma grand-mère dans la vieille maison, j'ai amené mon grand-père dans les vieilles usines et ça a créé des scènes hyper importantes. Et tout ça, ça s'est construit aussi en montage, c'est-à-dire qu'on discutait de ce que j'allais potentiellement pouvoir filmer en imaginant comment ça allait rentrer dans le montage et dans l'écriture. J'allais filmer, je revenais avec les images. Si ça ne marchait pas, je retournais, je filmais différemment. Les images d'archives personnelles, par exemple, on a mis beaucoup de temps à trouver leur place. Et j'ai fait beaucoup de tentatives. Je les ai reprojetées dans le salon de mon grand-père en filmant ma grand-mère et mon père les regardant. Je les ai montrées à ma grand-mère. Je les ai utilisées plein pot comme ça. Il n'y a rien qui marchait. Et c'est en montage qu'à un moment, Gladys me dit Bon, essayons de renverser. Et ce n'est pas toi qui leur poses des questions, mais tu demandes à ton père de... Vous regardez les images ensemble et c'est lui qui va te poser des questions. Voilà, du coup, on a juste enregistré en son. Et j'ai dit à mon père, bon bah, regardons les archives ensemble et juste dis-moi ce qui te passe par la tête et pose-moi des questions si tu en as. Et en fait, on a fait ça de manière hyper spontanée. Et je me rappelle, on était en montage, on n'avait pas d'argent sur le film. Donc tout était en mode, dès qu'on avait une idée, il fallait le faire le soir même. Donc souvent, après le montage, je courais chez mon père avec mon Zoom. En mode, bon, dernière tentative. Et en fait, on l'a fait. Et puis le lendemain matin, je suis arrivée avec les sons, on les a posés sur les archives et tout d'un coup, ça a pris tout son sens. Tout est fait un peu dans l'urgence et la spontanéité. Et en même temps, ça correspond à la parole qui ne peut émerger qu'une seule fois. Donc en fait, tu tentes plein de choses, mais la parole que tu cherches, si tu l'as, tu l'auras qu'une seule fois dans un seul contexte. Et tu ne sais pas en avance lequel ce sera. Donc tu mets en situation, tu crées plein de situations pour essayer de faire émerger cette parole-là. Mais en fait, tu peux la voir d'une seule manière, disons. Les lieux... c'est des lieux de mémoire qui font émerger des choses moi quand j'ai filmé mon grand-père dans les anciennes usines déjà je me suis dit il va pas tenir longtemps parce que il va vouloir rentrer très vite je me suis dit bon je vais essayer de le filmer quelques minutes pour avoir des images de son corps dans cet endroit là au départ je pensais pas qu'il allait forcément parler et s'exprimer et on a passé trois heures et en fait c'était fascinant parce que j'ai rien demandé, j'ai posé aucune question Il se baladait dans les usines et on est allé au musée de la Coutellerie et il commençait à dévoiler le fait que c'était un travail dans lequel il s'est senti exploité. Tout d'un coup, on voyait l'ouvrier, on voyait le jeune homme, on découvrait des choses de lui et de son histoire. Et en même temps, on voyait à quel point dans ce musée, sa mémoire était complètement absente. Donc c'était aussi un geste politique que de ramener mon grand-père dans cet endroit, en tant qu'ouvrier algérien qui, comme des milliers d'autres, a contribué. à cette industrie de la coutellerie, mais qui, dans ce musée de la coutellerie, est complètement absent, invisibilisé, effacé. Donc en fait, même de le filmer à l'intérieur, pour moi, c'était lui rendre sa mémoire. Ils étaient 70% des ouvriers. Pourquoi ils ne sont pas... Il n'y a même pas une pancarte, il n'y a même pas une photo, il n'y a même pas un paragraphe. C'est des gens qui ont été complètement effacés. Non mais ça, c'est les surprises du réel, parce que moi, j'étais allée faire des repérages dans le musée de la coutellerie. Et en fait, le mec du musée, qui est aussi un Algérien, me dit... Il me dit, oui, est-ce que tu veux aller voir la salle son et lumière ? Je dis, c'est quoi ce truc ? Il me dit, c'est une salle dans laquelle il y a une voix et on reconstitue. Donc en fait, c'était comme ça. Et donc, je suis descendue dans ce truc et je me suis dit, mais c'est extraordinaire. Au début, je l'ai filmé vide et seul en me disant, je ne suis pas sûre que mon grand-père accepte de descendre dans cette salle, de s'asseoir. Et en fait, il l'a fait. Et surtout, c'était incroyable parce qu'il interagissait avec la voix qui disait ils sont malins, le son de la forge est insupportable et tu sentais à quel point c'est son expérience. Donc c'était une manière de parler de lui aussi à travers quelque chose. Enfin, ce n'est pas moi qui ai installé les sons et les lumières, c'était vraiment… Non mais c'est fou parce que je n'aurais jamais pensé à ça. En fait, ça te montre aussi qu'il y a tout un travail de mémoire qui est fait, même de reconstitution. On en est complètement exclus en tant qu'Algériens ou descendants d'Algériens. Et du coup, c'était un décor idéal pour remettre mon grand-père à l'intérieur, pour continuer à le faire exister. Comme s'ils avaient fait ce setup aussi pour ça, alors que pas du tout. À la base, c'est pour des touristes qui viennent, qui ne connaissent pas la coutellerie, pour leur montrer un peu les différents postes, le son, le feu, la chaleur, enfin tous ces trucs un peu insupportables. En fait... Je ne me suis jamais directement inspirée d'un film en particulier ou d'une scène en particulier. Mais j'ai vu beaucoup de films avant de rentrer en montage de leur Algérie. Notamment dans les résidences, ils nous faisaient voir pas mal de films. Et souvent, on nous faisait voir des films en lien avec ce qu'on essayait de faire. Donc j'ai vu beaucoup de films sur la famille, les relations familiales, des traumatismes historiques dans les familles, etc. Et en fait, c'est une manière de... Aussi de voir à quel point il y a de multiples façons de raconter des histoires, qu'il y a plein d'émotions qui peuvent ressortir et qu'il faut trouver son propre chemin. Donc c'est plutôt inconscient s'il y a des choses que j'ai voulu tenter. Par contre, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que le fait de parler de certains films qui nous ont plu et touchés, ça nous donne des idées. Par exemple, dans Bye Bye Tiberiat, je sais que je discutais beaucoup avec Gladys du film de Sarah Pauly qui s'appelle Stories We Tell. C'est une Canadienne qui a fait un film sur sa famille et sur un secret de famille. Pour le coup, on n'a pas du tout la même histoire, c'est pas du tout... Mais en fait, elle met son père dans un studio et elle écrit un scénario pour son père et elle le fait lire l'histoire avec elle. Et du coup, en parlant de ce film-là à la monteuse, on s'est dit que c'est un dispositif qui pourrait être intéressant pour nous. On n'a pas fait la même chose, on n'était pas en studio, mais du coup, moi j'avais déjà écrit des textes sur les femmes de ma famille. Et j'ai décidé de les faire lire à ma mère. Mais après, ça partait sur des archives historiques, et c'est complètement différent. Mais du coup, il y a des choses comme ça, des dispositifs, où on se dit Ah ouais, c'est possible ! Donc on peut essayer quelque chose. Ça donne confiance, ça te montre qu'en fait, la forme documentaire est hyper libre et que tu peux tout faire. Je pense pas du tout, quand je fais L'Heure Algérie, que je vais faire un deuxième film, puisque déjà, j'étais même pas sûre d'arriver à faire un premier film. C'est vraiment quand L'Heure Algérie est sortie. que la possibilité de faire un deuxième film est vraiment apparue. Même si en réalité, pendant que je tournais leur Algérie, j'avais déjà commencé à filmer ma grand-mère en Palestine, en parallèle. Mais presque comme un devoir de je filme mes grands-parents algériens Et presque comme si aussi... En fait, c'était presque inconscient. Parce que j'avais déjà rencontré aussi le producteur qui m'avait proposé un autre projet sur l'Anakba. palestinienne, un projet de série. Et en fait, moi je disais, si je devais faire un autre film sur la Palestine, ça serait plus à travers mes histoires personnelles. Mais je ne pensais pas vraiment à un autre film. Mais en même temps, je filmais quand même. Mais le moment où j'ai vraiment dit, ok, là je me lance dans un deuxième film, et ça va être un peu une continuation de ce que j'ai commencé à explorer dans l'oragérie, ce qui est la mémoire familiale dans la mémoire collective, c'est vraiment que l'oragérie... était terminé quoi et que j'ai commencé à le partager avec le public parce que c'est quand j'ai reçu, quand j'ai vécu pour la première fois les réactions du public où je me suis dit ok c'est possible de... enfin ils arrivent à s'identifier avec ces histoires là et c'est possible de transmettre des choses à travers ces formes là et donc ça m'a donné de la force pour entreprendre vraiment le deuxième. Le fait d'avoir fait leur algérie, d'avoir réussi à le faire, d'avoir réussi à le sortir, d'avoir réussi à attirer. aussi l'intérêt du public parce que tu fais un film après tu sais pas si ça va toucher ou pas donc le fait que mes intentions aient été perçues et que j'ai reçu des retours les gens me disaient être touchés par les choses que j'avais voulu transmettre donc je me suis dit bon bah je suis obligé de continuer parce qu'en plus l'histoire palestinienne est d'autant plus essentielle et primordiale qu'elle est encore plus invisibilisée plus effacée que l'histoire algérienne et j'ai accès à cette histoire. Donc c'est mon devoir de continuer. La toute première étape était quand j'ai filmé ma grand-mère en Palestine avec ma mère, de poser une caméra face à ma grand-mère et à cette mémoire de la Nakba qui est hyper chargée, très lourde. Et j'ai déjà à ce moment-là, c'était en 2018, sachant que j'ai commencé à filmer leur Algérie en 2017. Donc en fait c'est très rapide, j'étais allée pour les vacances. voir ma grand-mère avec ma mère et j'ai pris la caméra. Et j'ai déjà, à ce moment-là, amené ma grand-mère à Tiberiade. Comme déjà, dans ce truc de il faut la ramener sur les lieux de sa mémoire il faut à tout prix inscrire sa mémoire dans ces lieux-là et surtout, il faut à tout prix capturer sa mémoire parce que j'avais peur qu'elle parte sans avoir transmis son histoire. Et en fait, je ne savais pas du tout à ce moment-là que ça allait être la dernière fois que j'allais voir ma grand-mère. Parce qu'après, il y a eu Covid, elle est décédée, on n'a pas pu la voir. Et ouais, donc en fait, ces images-là sont devenues les dernières images de ma grand-mère et donc sont devenues des archives pour le film en plus. Convainc ma mère, ça a été à la fois long et difficile et à la fois pas tant que ça parce qu'on n'a jamais été dans la confrontation. Mais ce n'était pas évident parce que je ne voulais pas être dans la confrontation et je voulais qu'elle soit à l'aise. Moi, je m'agacais aussi quand je voyais que ce n'était pas fluide et que ça ne lui allait pas. En me disant, mais pourquoi ? Est-ce que c'est de ma faute ? Est-ce que je présente mal les choses ? Est-ce que je suis mal à l'aise ? Du coup, je ne la mets pas à l'aise. Donc, il a fallu un temps pour trouver aussi l'équilibre entre nous. Je pense qu'au départ, je ne savais pas trop ce que je cherchais. Donc, quand tu es face à quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il cherche, tu ne sais pas ce qu'il faut lui donner non plus. Et aussi, ma mère a l'habitude des caméras sur des plateaux de fiction, donc elle avait tendance à être un peu distante, trop consciente de la caméra, à me répondre comme si j'étais une journaliste. Et moi, je voulais à la fois qu'elle me réponde comme à sa fille, mais en même temps, j'étais aussi réalisatrice et j'essayais de m'adresser à elle de femme à femme. Il y avait plein de choses qui se mélangeaient, qui faisaient qu'en fait, c'était une question de temps, d'être à l'aise, de comprendre les intentions derrière le film, que moi, j'arrive mieux à formuler ce que je cherche. Et quand j'ai réussi à lui expliquer, quand on a réussi à comprendre toutes les deux que c'était pas un film sur elle, c'était pas un portrait d'elle en tant que Yama Abbas, l'actrice, en tant que mère simplement, mais c'était un film sur elle en tant que femme palestinienne dans une lignée de femmes. Donc elle parmi d'autres. Et en quoi son histoire apporte à la grande histoire. Et donc à ce moment-là, ça nous mettait à égalité. Puisqu'on fait toutes les deux partie de cette histoire et toutes les deux on essaye de reconstituer cette histoire collective. Et c'est moins intimidant que si je disais je vais faire un portrait de toi. Il ne s'agissait pas du tout de ça. Et je voulais m'éloigner absolument du portrait de... Dans ces deux histoires, c'est-à-dire que raconter l'histoire d'un immigré algérien ou raconter l'histoire d'un palestinien ou d'une palestinienne a forcément un lien au collectif, puisque c'est des histoires qui ont été marquées par une histoire collective tragique qui a complètement bouleversé les destins individuels. Donc en fait, même si tu racontes une histoire d'amour ou une histoire de déménagement, c'est un déménagement ou un déplacement. ou des liens qui se sont construits dans un contexte d'exil forcé, de guerre, d'effacement de l'identité, d'effacement de son histoire, de négation de son existence. Donc c'est forcément des choses qui affectent ton destin individuel. Et après c'est comment raconter le parcours intime quand même de ces femmes-là, de leur redonner le droit à la complexité, le droit à leur... Leur lutte aussi intime, qui sont propres à leurs conditions de femme, propres à leur histoire aussi, du fait de leur famille spécifique, mais de faire comprendre que c'est une histoire parmi des milliers d'histoires, et qu'en fait, leur histoire intime contribue à enrichir l'histoire collective. L'heure Algérie, ça s'est fait de manière très spontanée, où j'ai d'abord filmé et ensuite écrit. Et bien sûr, ensuite, je notais des questions que je voulais poser, je réfléchissais au lieu. Mais après, une fois que j'avais déjà commencé à regarder les images, à monter et à réfléchir à la structure, Bye Bye Tiberiat, pour le coup, j'ai beaucoup plus préparé en amont et pas seule, puisque j'avais ma co-autrice Nadine Naous avec qui j'écrivais. et Gladys Joujou qui a monté le film, qui était aussi impliquée dès la phase d'écriture et de préparation du tournage. Puisqu'on écrivait sur la base des images d'archives personnelles que j'avais, on les regardait, on réfléchissait, ok, mes tentes, on les a 30 ans plus tôt, si je les filme aujourd'hui, j'aimerais filmer ces tentes-là ensemble dans tel lieu, tel lieu, tel lieu. Dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on parle d'amour, dans ce lieu-là, j'ai envie qu'on raconte l'histoire de la grande tente. Mais après, je n'ai pas tout gardé. J'ai fait plusieurs tentatives. C'est-à-dire que j'ai posé les mêmes questions, parfois dans des lieux différents. Il y a des choses qui ne marchaient pas. Il y a des choses que j'ai ajoutées. Il y a des scènes que je pensais filmer entre ma mère et une de ses sœurs, où finalement, je n'ai gardé que ma mère seule. Il y a des scènes où je pensais avoir des éléments de la part de ma mère seule. Et finalement, c'est parti. Ça s'est transformé et ça a été présent dans ma voix off. Donc voilà la manière dont les histoires ont été racontées dans le film. C'est après plusieurs tentatives aussi, mais il y a eu beaucoup plus de préparation. Je savais que j'avais des scènes dans lesquelles je voulais demander à ma mère de rejouer des moments de son adolescence, de elle plus jeune, se remettre dans la peau de elle plus jeune, pour justement accéder à des émotions auxquelles elle n'aurait pas pu avoir accès par un question-réponse et par la parole. Il s'agissait vraiment de se remettre dans la peau de qui elle a été. Et pour ça, je l'amenais dans le lieu dans lequel elle avait vécu l'événement en question. Et je demandais à une de mes tantes d'être présente, qui était présente avec elle à l'époque. Donc presque de remettre un petit peu... Donc tout ça, c'est des choses que j'ai préparées en amont. Et après, il y a plein de choses que j'ai trouvées tout au long de l'écriture. La voix off est arrivée hyper tardivement. Le fait de faire lire à ma mère les textes sur les femmes de la famille s'est arrivé aussi tardivement. Parce qu'au départ, je pensais que c'était ma grand-mère qui allait me raconter ces histoires-là. Et elle est décédée. Donc j'allais la filmer et deux mois avant le tournage, elle est décédée. Donc en fait, je suis allée filmer quand même, mais je n'ai pas pu capturer cette parole-là. Donc en revenant au montage, il a fallu trouver un autre dispositif et c'est là qu'on a pensé à ce dispositif-là. J'ai tout appris en faisant le Régéry, que ce soit la caméra, le son, le sens du cadre, le montage, l'écriture, comment tu fais surgir l'invisible, l'indicible, comment tu filmes. Des choses qui ne se disent pas, qui ne se voient pas. Comment les corps se déplacent dans des lieux et ce que ça raconte. Comment parfois le silence, ça raconte plus que des mots. Enfin, tout ça, c'est... J'ai tout appris en faisant l'Oralgérie. Et même, c'est bête, mais les étapes de... Écriture, tournage, montage, la post-prod, ce que le son apporte, ce que la musique apporte, ce que le sous-titrage apporte. Enfin, on est sur... Ce que le cadrage apporte. Enfin, plein de choses. Et du coup, c'est avec... tout cet apprentissage-là que dans My Bytes Bariat j'avais accès à cette gamme en fait de plein de choses qui vont déterminer ce que le film sera et en même temps il y a plein de choses mais il y a peu de choses qui vont marcher donc tu essayes plein de choses, tu filmes plein de choses pour à la fin garder peu de choses dans l'Eure Algérie j'ai beaucoup filmé et utiliser peu. Dans Bye Bye Tiberiat, j'ai beaucoup préparé pour filmer plutôt ce que j'allais utiliser, disons. Même s'il y a plein de choses qu'évidemment, je n'ai pas utilisées et que j'ai essayé qui ne marchaient pas. Mais je préparais beaucoup plus. Mais c'est des manières différentes. Ça dépend des histoires. Quand tu filmes dans l'urgence et quand tu filmes des personnes avec qui tu n'as pas le luxe de préparer, tu filmes, tu filmes, tu filmes et après, tu tries en montage et tu construis après. En plus, Leur Algérie, je le tournais en France, donc c'était facile pour moi de faire des allers-retours entre Paris et l'Auvergne, en voiture, en train, je pouvais y aller le week-end. Des fois, je montais la semaine, le week-end, j'allais tourner une scène, je revenais le lundi. Bye Bye Tiberiade, c'était compliqué de préparer le tournage. Puis en plus, c'est une question de personnages. Leur Algérie, j'avais mes deux grands-parents. Bye Bye Tiberiade, j'ai sept tantes, deux oncles, ma mère, ma grand-mère. C'est un set-up qui est beaucoup plus chargé. et je ne peux pas arriver comme ça et leur demander d'être à ma disposition. Parce qu'elles ont toute leur vie, leur travail. Ce n'est pas comme mes grands-parents algériens qui étaient à la maison tout le temps et avec qui je pouvais faire passer des semaines chez eux et ça ne les perturbait pas. Là, avec mes tantes, il fallait s'organiser, demander quand est-ce que vous êtes dispo. Aussi, leur expliquer un peu le projet parce qu'elles n'ont pas l'habitude. Mais après, j'ai eu de la chance dans les deux films. Toute ma famille m'a énormément soutenue et super bien accueillie, plus que ce que j'aurais pu imaginer. C'est très compliqué de filmer en famille puisque justement... T'es obligée d'être à distance, donc des fois, moi j'étais saoulée parce que j'avais envie de profiter de ma famille aussi. Enfin, surtout quand j'étais avec ma famille palestinienne, que je vois pas très souvent. Bah des fois, il y avait des moments où je les filmais pendant les déjeuners, les dîners, et je me disais, en fait, j'ai envie de pouvoir m'asseoir, de profiter. Mais il y avait cet objectif de capturer qui était plus important. C'est compliqué d'être derrière la caméra, de faire le cadre dans leur Algérie, tout en étant... Celle qui pose les questions est en contact, high contact avec ma grand-mère ou mon grand-père. Mais en même temps, j'ai... En fait, sur le moment, c'était toujours assez évident. C'est-à-dire que des fois, oui, j'étais prise d'une certaine émotion et j'allais me mettre à avoir peut-être les larmes aux yeux. Mais je me reprenais aussitôt parce que l'objectif était plus important, c'est-à-dire capturer cette mémoire. C'est essentiel, c'est une mémoire qui peut disparaître. Et le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est que cette mémoire disparaisse et que je n'arrive pas à la capturer à temps. Le plus tragique qui puisse m'arriver, c'est de ne pas redonner cette mémoire aux personnes que je filme. Donc oui, sur le moment, j'aimerais m'arrêter, prendre dans les bras. Mais en fait, ça, je peux le faire après. Mais la mémoire que je capture, c'est qu'à ce moment-là que je peux le faire, en fait. Et c'était le cas avec ma grand-mère palestinienne, en fait. Je l'ai filmée pendant tout ce voyage à Tiberiade, pendant ce moment où elle me racontait la Nakba, où il y a plein de moments où elle était en sanglots. Mais si j'avais arrêté la caméra en disant il faut que je me sois à côté, elle j'apprends dans mes bras, je n'aurais jamais capturé tout ça. Il faut s'effacer, en fait il faut se mettre à distance. Et même dans My By Tiberiade, quand je filme le deuil de ma mère, c'est hyper dur. Je vois ma mère qui est en deuil, je rentre dans la maison de ma grand-mère, avec pour la première fois ma grand-mère qui n'est pas là. Mais en fait c'est un moment... qui racontent énormément dans le film. Et je me suis tenue. Et en fait, ça m'a permis aussi de faire mon deuil. C'est-à-dire que moi, c'est par le fait que j'ai capturé ces mémoires-là que je rends hommage et que je fais mon deuil. C'est pas forcément en arrêtant la caméra et en pleurant. Alors c'est vrai que le mot enquête, je ne l'utilise jamais et je ne m'identifie pas du tout à ce mot parce que j'ai l'impression que quand on parle d'enquête, on parle d'un mystère et on parle de secrets. Alors que là, dans ces histoires-là, pour moi, ce n'est pas des secrets, c'est le silence. Donc je sais que je ne vais pas résoudre l'histoire en apprenant des choses, mais briser le silence me permettra de mieux comprendre et de mieux atteindre. les personnes que je filme. Donc, ce n'est pas vraiment enquête, mais c'est plus, comme je disais au départ, construire un puzzle. En fait, c'est qu'il y a plein de morceaux. Et l'idée, c'est de pouvoir reconstituer son histoire, se la réapproprier, comprendre sa place dans la famille, dans l'histoire entre la France et l'Algérie, entre la Palestine et Paris. Donc pour moi, ce n'est pas enquête dans le sens où je ne suis pas en train d'essayer de résoudre et de passer à autre chose, mais je suis en train d'essayer de compléter pour trouver ma place. Donc c'est presque de la survie, pas au sens de vécu, mais de la survie au sens... Dans une famille, dans une histoire, pour exister, c'est presque un besoin d'exister. Et pour ça, il faut savoir d'où on vient. Et pour savoir d'où on vient, il faut briser ces silences-là. Le puzzle et la forme documentaire se rejoignent. Je parle de puzzle aussi parce que c'est comme ça que j'ai constitué mes films. Mais peut-être que si mes sujets avaient été autres, je n'aurais pas fait le même genre de film. Mais c'est vrai que pour moi, dans les deux histoires, que ce soit Leur Algérie ou Bye Bye Tiberiade, comme je disais, il s'agissait de recoller les morceaux, de recréer des liens, d'aller faire émerger une mémoire enfouie, d'essayer de redonner une forme de linéarité à des histoires complètement morcelées. Et pour moi, tout ça, c'est un écho, c'est un miroir à la réalité de l'expérience de l'exil. Et à travers le documentaire, la manière dont on les a construits, c'est vraiment ça, c'est déjà comment mêler l'intime et le collectif. Donc c'est déjà recréer des liens entre des choses qui semblent être séparées. Et c'est donc à chaque fois qu'on regarde des scènes en montage, on les pense et on les écrit à la fois sur le côté intime et le côté collectif. Qu'est-ce que ça raconte de l'intime de cette famille ? Mais en quoi cet intime-là est intéressant pour l'histoire collective ? On ne s'intéresse pas à l'intime en tant que tel, mais c'est vraiment pour constituer une histoire. Et c'est pareil, les photos, les vidéos qui sont intimes. vont se mélanger à des archives qui sont historiques, par exemple. Et c'est une manière de tout le temps re-imbriquer l'intime et le collectif ensemble. Et justement, c'est vrai que les films sont construits comme des puzzles parce qu'ils mélangent différentes sources d'images, des archives des années 90 et des images contemporaines pour l'heure Algérie, mais aussi des archives historiques, puisque dans l'heure Algérie, j'ai utilisé aussi des extraits des années 40 et 50 pendant la colonisation française en Algérie. Et dans Bye Bye Tiberiade, c'est la même chose. J'ai des archives des années 90, des archives historiques allant des années 30 aux années 80 et des images contemporaines. Et en fait, c'est presque comme si ces formes-là étaient nécessaires et essentielles pour raconter notre histoire, qui est faite de bouts de mémoire morcelés et surtout qui est faite de mémoires qui ont été effacées délibérément aussi. Donc les traces, les images sont nécessaires puisqu'elles deviennent la preuve d'une existence qui est niée. qui n'est pas reconnu ou qui est marginalisé. Et dans le cas de la colonisation française en Algérie, il y a plein d'archives auxquelles on n'a pas accès et qui ont été longtemps cachées ou difficiles d'accès. Dans le cas de la Palestine, énormément d'archives ont été détruites. Et de lieux aujourd'hui sont détruits, et des vies sont détruites, et des cultures sont détruites. Donc en fait, chaque image devient précieuse, parce que rare. C'est hyper dur de se dire le film est fini parce que tu as tellement d'étapes. Bon déjà quand je faisais l'heure Algérie, à aucun moment je me disais je vais réussir à faire le film. Je me disais bon je fais ce que je peux. Mais je me disais mais comment je vais faire pour faire un film ? Et c'est vraiment à la toute fin quand il y a un visionnage où tout d'un coup tu regardes et tu te dis ah ouais j'ai un film. Et en même temps tu as l'étape du final cut de l'image. où t'as un film et il manque toute la partie sonore, puis ensuite la musique. Et en fait, c'est ça qui est fascinant aussi, c'est à quel point ça prend forme aussi à chaque étape. Et c'est vrai que My Mighty Bariat, comme j'avais déjà eu l'expérience par rapport à leur Algérie, j'étais un peu plus consciente de ces étapes-là. Mais pour le coup, My Mighty Bariat, comme c'était beaucoup plus morcelé, j'avais du mal à voir le film. Je voyais plein de bouts de choses en me disant, mais... J'arrive pas à trouver cette linéarité et c'est vraiment arrivé à la toute fin du montage puisque la linéarité est arrivée avec l'écriture de ma voix qui en fait c'est en parcimonie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup ma voix mais c'est deux trois phrases au début, deux trois phrases par-ci par-là qui font qu'on arrive à lier les choses entre elles et ça on l'a écrite les trois dernières semaines de montage après trois quatre ans de travail d'aller-retour entre tournage, montage, écriture Et du coup, c'est vraiment... Mais après, la structure était là et le film était là. Je pense que je n'aurais pas pu écrire ma voix. Avant, il fallait que je pose un peu tous ces morceaux-là pour comprendre. Ok, j'ai raconté l'histoire de mon arrière-grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma grand-mère, j'ai raconté l'histoire de ma mère. C'est moi qui ai décidé de raconter ces histoires-là, je suis descendante de ces histoires-là, je les raconte à travers mon point de vue, mes ressentis. C'est moi qui dois faire le lien entre tout ça, puisque quand je regarde le film en l'état, sans ma voix, c'est intéressant, mais c'est quand même morcelé. Et du coup, j'ai posé ma voix dans les endroits où il y avait besoin de me suivre, de suivre mon intention. Et tout d'un coup, ça prenait sens. Donc, on a l'impression que c'est un détail, mais c'est un détail qu'on n'aurait pas pu construire si on n'avait pas fait tout le reste. Donc, en fait, c'est comme du travail à la chaîne. Si tu oublies un tournevis à un moment, tu as l'impression que le truc est là, mais en fait, ça va se péter la gueule. La caméra, pour moi, c'était le meilleur moyen. de capturer et transmettre ces histoires-là. Mais ce n'est pas seulement la caméra, c'est la caméra et l'écriture. C'est-à-dire capturer ces images et comment tu les ficelles entre elles. Parce qu'avec des mêmes images, tu peux faire des choses très différentes. Donc c'est pour ça que pour moi, c'est au-delà de l'image en soi, c'est la forme documentaire qui est une manière de construire un récit avec des images. Parce que j'aurais pu faire de l'art vidéo et sur une photographie de ma grand-mère, capturer sa voix. J'aurais pu dans Bye Bye Tiberia ne faire qu'un film d'archives ou ne pas utiliser d'archives du tout et faire que avec des images contemporaines. Mais en fait, c'est plutôt collecter un maximum de matière pour raconter une histoire à trous. Comme un puzzle, tu réunis toutes les pièces pour pouvoir le former. Donc pour moi, c'est vraiment propre au documentaire qui te permet de faire ça. L'instinct, pour moi, est hyper important. Ce n'est pas du tout une question de talent. C'est un instinct que tu partages avec des gens qui te permettent d'accéder à ce que tu as envie de construire. Parce que des fois, tu ressens des choses, tu les exprimes. Et puis, que je les exprime avec Nadine Aous, ma co-autrice, qui me dit Ah ben du coup, si on devait l'exprimer à l'écrit, ça serait comme ça. Ou Si tu devais tourner la scène pour arriver à ce que tu veux, ça serait comme ça. Et quand je l'exprime avec Gladys Joujou en montage... Elle me dit Ah bah du coup, si c'est vraiment ça ton intention, on pourrait faire ci et ça. Et pareil, quand tu es en post-prod, avec l'étalonnage, avec le son, la monteuse son avec qui j'ai travaillé, c'est dire Voilà, j'ai envie qu'on sente ça, qu'on sente ça. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'ai ce ressenti. Et en fait, oui, tu es obligé de faire confiance à ton instinct parce que tu as une certaine envie artistique, mais sans l'expérience, tu ne sais pas forcément comment le... traduire en termes techniques cinéma. Puis peut-être que tu n'as pas besoin de le traduire en termes techniques cinéma, puisque le cinéma, de toute façon, est un travail collectif dans lequel on œuvre toutes et tous pour le meilleur film possible par rapport à nos envies. Il n'y a pas de critère objectif de meilleur film ou pas meilleur film. Mais du coup, moi, c'est aussi pour ça que je valorise énormément les personnes avec qui je travaille. En fait, je n'aurais pas pu faire ces films sans toutes les personnes qui m'ont accompagnée. dans leur Algérie, que ce soit Gladys, avec qui on a écrit, monté, construit le film, et aussi ceux qui ont travaillé le son avec moi, qui sont un couple de monteurs-mixeurs, Julie Triboud et Rémi Durel d'Obsidienne Studio, qui en fait ont vu débarquer une jeune qui n'a jamais fait de film, qui ne sait pas ce que c'est le montage son, qui fait un film sur ses grands-parents, et qui ont été extraordinaires dans la manière dont ils ont cru dans le projet, étaient hyper touchés. très émue et ont su traduire mes envies, mes émotions dans le travail sonore. Et ça, j'étais fascinée. Et pareil avec l'étalonneur Christophe Bousquet, j'ai retravaillé avec ces personnes-là sur Bye Bye Tiberian. C'était hyper important pour moi. Et en plus de ça, dans Bye Bye Tiberian, j'ai voulu écrire avec quelqu'un en amont parce que, justement, j'avais un peu souffert de la solitude dans leur Algérie, de tout faire toute seule aussi, même si j'avais Gladys qui était mon acolyte. Mais là, j'avais envie d'être encore plus entourée. Et là, comme j'ai envie de faire de la fiction, c'est une envie encore d'être encore plus, plus, plus entourée. J'ai toujours envie de faire à la fois du documentaire, de l'écriture. Je ne suis pas quelqu'un qui, une fois que je fais quelque chose, je me dis je ne vais faire que ça. J'ai toujours été un peu touche-à-tout, sachant qu'avant de faire Leur Algérie et Bye Bye Tiberiade, j'ai fait de la programmation. J'ai écrit sur des projets d'autres personnes. Entre leur Algérie Bye Bye Timariad, j'ai travaillé sur une série de fiction plutôt télé qui s'appelle Oussekine sur l'histoire de Malik Oussekine avec Disney où là j'étais coordinatrice d'écriture et documentaliste et en fait j'ai participé à la room d'auteurs dans l'écriture. Donc là c'était ma première expérience de fiction mais sur un projet qui est tiré du réel donc ça mêlait un petit peu ce que j'aimais faire dans le documentaire et en même temps... mon attirance vers l'écriture de fiction. Et là, j'ai encore des projets documentaires en tête, mais le prochain projet qui vraiment commence un peu à émerger, à se concrétiser, même si je suis au tout, tout, tout, tout, tout, tout début. C'est un projet de fiction sur l'histoire d'une famille qui vit en Espagne, d'une famille franco-algérienne. Pour moi, ça continue de traiter les sujets qui m'intéressent, c'est-à-dire comment tu trouves ta place dans la famille, comment en tant que descendant d'immigrés, descendant d'exilés, tu te construis entre plusieurs territoires, qu'est-ce que signifie le territoire dans sa construction personnelle. C'est axé surtout sur le personnage principal qui est une jeune femme franco-algérienne dans sa trentaine, donc aussi l'histoire de la femme, des femmes. Comment tu te lies aux femmes de ta famille ? Qu'est-ce qu'elles t'ont transmis ? Est-ce que tu te construis contre elles, avec elles ? Quels sont les points communs ? Comment chacune de ces femmes, chacun de ces personnages, porte son héritage historique dans la manière dont ils ou elles naviguent dans le monde et dans la famille ? Et ça passe par la fiction parce que j'ai envie de déplacer un peu les enjeux, j'ai envie de me détacher du poids du réel aussi, qui a été très pesant sur leur Algérie. et surtout sur Bye Bye Tiberiade, avec tout le contexte du génocide à Gaza pendant toute la tournée du film, et de ce que tu portes aussi publiquement dans des moments comme ça, c'est très difficile. Et je ne dis pas que j'ai envie de faire des choses plus légères, parce que j'ai toujours envie d'avoir une portée politique dans ce que je fais, puisque pour moi, de toute façon, tout est politique, et nos existences sont politiques en soi, mais j'ai envie de réinjecter plus d'humour, d'amour. Bon, je ne vais pas faire une comédie, mais j'ai envie d'avoir une liberté de ton. Et voilà, je ne sais pas du tout. Comme d'hab, quand je commence quelque chose, je ne me dis pas, ouais, je vois le film et je sais ce que je veux faire. Mais j'ai des intentions, j'ai des envies, j'ai des gens avec qui j'ai envie de travailler. Et j'ai des rêves qu'on va essayer de construire. Merci d'avoir écouté ce podcast. Vous pouvez d'ailleurs retrouver tous les épisodes de Vision sur les plateformes, que ce soit Spotify, Deezer ou Apple, ainsi que nos actualités sur le site vision.photo ou sur notre Instagram, at vision. Et si vous avez quelques secondes pour noter et laisser votre avis, ça nous aide aussi beaucoup. Donc je vous dis à très vite pour de nouvelles rencontres.

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