- Speaker #0
Les responsables RSE, pour moi c'est un peu des super héros franchement. Je suis vraiment admirative de la résilience de ces personnes. Ça me donne beaucoup d'espoir.
- Speaker #1
Pourquoi s'engager ? Parce que c'est hyper excitant.
- Speaker #0
Merci. Bonjour.
- Speaker #1
Merci d'avoir accepté notre invitation. Première question pour commencer, est-ce que tu peux nous dire quel est ton rôle exactement chez Bicorp et à quoi ressemblent tes journées ?
- Speaker #0
Donc moi, je suis responsable du développement pour la France. Donc Bilab France, c'est la branche française de l'ONG internationale Bilab qui porte le mouvement Bicorp partout dans le monde. Et donc en France, on a une action locale sur la relation avec les entreprises et plus largement tout l'écosystème économique français qui peut avoir besoin soit d'être... aiguillée dans un processus de certification pour les entreprises qui veulent aller vers la certification Bicorp, soit d'être sensibilisée ou formée sur le référentiel Bicorp, parce que Bicorp, c'est certainement une certification, mais c'est aussi un ensemble de standards qui peuvent intéresser les entreprises, les acteurs économiques, même s'ils ne vont pas jusqu'au processus de certification.
- Speaker #1
Et alors, dans combien de pays vous êtes présents ?
- Speaker #0
Je crois que c'est plus de 75 pays, mais mais je ne sais pas si le chiffre est exact. à jour, ça c'est mes souvenirs. Quand on dit qu'on est présent dans quasiment tous les pays, c'est qu'on a au moins une entreprise certifiée. En France, c'est déjà plus de 500 entreprises certifiées. Donc il y a des niveaux de maturité différents selon les marchés.
- Speaker #1
Les standards sont les mêmes selon les pays ?
- Speaker #0
Les standards sont les mêmes partout dans le monde. Donc c'est vraiment des standards qui sont créés à l'échelle internationale. Néanmoins, ils vont être adaptés au contexte des différents pays pour plein de raisons contextuelles une entreprise va pas forcément avoir les mêmes questions d'un pays à l'autre.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux me parler un peu de ton parcours ? Tu travailles depuis longtemps sur les sujets d'impact et de transformation des entreprises. Et qu'est-ce qui t'a amené à t'engager là-dedans ?
- Speaker #0
Je pense que c'est arrivé assez tôt pour moi, dès les études. Je pense que c'était d'abord une sensation de désalignement entre les théories économiques. Moi, j'ai fait l'école de commerce, qu'on m'apprenait. Et j'avais l'impression que devait être le rôle de l'entreprise. dans la société. Une sensation de désalignement avec aussi la vision qu'on m'apprenait de ce rôle de l'entreprise qui questionnait pas vraiment la raison d'être, puisqu'on le dit maintenant comme ça, on a formalisé des mots. C'était cet inconfort-là je pense au départ et puis j'ai eu la chance de pouvoir trouver des clés de réponse dès mes études parce que je me suis spécialisée en mesures d'impact et ça m'a passionnée, mais littéralement, j'ai pris de passion pour la mesure d'impact Merci. parce que je voyais bien des entreprises qui commençaient à avoir différents discours sur leur engagement. Et je me disais, mais comment on sait en fait ? Comment on mesure ? Et donc, j'ai fait de la mesure d'impact social, environnemental. Et c'est comme ça que j'ai atterri chez Bicorp, parce que c'est un standard. Donc, les indicateurs, ça nous connaît.
- Speaker #1
Concrètement, c'est quoi le label Bicorp ? Et en quoi il est différent des autres labels ?
- Speaker #0
Le label Bicorp, c'est un label qu'on décerne aux organisations. Ça, c'est la première grande distinction qu'il faut faire. on est sur un label qu'on donne à des des entités juridiques, des entités juridiques à but lucratif, donc des entreprises. Et ce n'est pas un label produit, contrairement à d'autres labels. Nous, on regarde l'ensemble des activités de l'entreprise. On va regarder l'impact de l'entreprise à 360 degrés sur les collaborateurs, la gouvernance, sur le lien avec le territoire, l'ancrage local, le lien avec les fournisseurs, le trou de les engagements environnementaux, évidemment, mais aussi le lien avec les clients, comment l'entreprise s'approprie des questions parfois de plaidoyer, de lobbying. positif. Donc on va regarder l'ensemble des activités de l'entreprise. On a des standards sur lesquels les entreprises doivent se mettre en conformité et ensuite passer à un audit. Et peut-être la spécificité du label Bicorp par rapport aux autres labels RSE, je dirais généralistes. Ça va être sur le caractère international. Je pense qu'on a également une distinction sur le fait que le référentiel Bicorp est disponible en ligne. Gratuitement pour tous, ça c'est un point fort de Bicorps depuis le début. On est une ONG pour pouvoir transformer les comportements des entreprises, pour pouvoir apporter la connaissance des experts qui construisent ces standards auprès des entreprises pour les aider à s'emparer des enjeux. Avant toute chose, l'idée c'est de faire connaître nos standards et... Aussi de certifier les entreprises. Je fais des ateliers avec plein d'entreprises sur différents territoires, dans différents réseaux d'entreprises qui n'ont pas forcément vocation à aller jusqu'au label, mais qui peuvent quand même utiliser ce référentiel.
- Speaker #1
C'est quoi les galères que vivent les entreprises pour se faire labelliser ? Est-ce que certaines reculent ? Est-ce que ça coûte cher ?
- Speaker #0
À chaque entreprise, c'est galère, on va dire. Il y a différents profils, selon, je dirais, à la fois la taille de l'entreprise et à la fois le niveau de maturité. on ne va pas forcément avoir les mêmes galères, tu dis. Les plus petites vont toujours avoir un peu plus de difficultés à formaliser. On est quand même sur une démarche de labellisation. Et donc, parfois, elles font plein de choses super, mais il n'y a pas forcément les preuves déjà créées. Bicor va toujours essayer de s'adapter aux tailles d'entreprise dans la quantité de preuves demandées, mais ça reste une démarche de labellisation, donc il faut des preuves. et Et donc, il y a parfois cette barrière à la fin pour les plus petites entreprises en termes de formalisation. Pour les plus grandes, ça va être une rigidité à la transformation, c'est-à-dire que le temps de se mettre en conformité avec les demandes de Bicor peut prendre plusieurs mois, plusieurs années. C'est plutôt plusieurs années en réalité pour les plus grandes entreprises. Est-ce que certaines reculent dans ce processus-là ? Oui, pour plein de raisons différentes. Changement de stratégie, des questions. Bon, en fait, c'est... trop difficile ou parfois des moments où c'est nous qui les stoppons parce qu'on va dire en fait là vous opérez dans telle industrie controversée on n'est pas forcément serein d'avancer avec vous donc on va parfois mettre en pause des processus de certification tant qu'on n'est pas sûr de pouvoir faire avancer l'entreprise sereinement vis-à-vis de certains risques liés à son activité. Il y a plein de choses qui peuvent entraver un processus.
- Speaker #1
Comment vous arrivez à éviter que le label soit obtenu par des entreprises qui souhaiteraient Ok. faire du greenwashing, est-ce que les critères sont suffisamment bien faits pour éviter ça ?
- Speaker #0
Alors moi je le pense. Comment on y arrive ? Alors avec plein de mécanismes. Déjà les standards.
- Speaker #1
Il y a beaucoup de standards.
- Speaker #0
Il y a beaucoup de standards, ça c'est charge à chaque auditeur de se faire un avis et pour le coup j'encourage vraiment ça. Effectivement il y a des grands PDF assez longs à lire mais il y a aussi des versions un peu plus succinctes et si on se connecte sur la plateforme c'est un petit peu plus facile à lire. Les standards traitent de beaucoup de sujets et notamment dans le cadre de la recherche, dans la nouvelle version des standards qui est sortie il y a quelques semaines, ça va être également de communication responsable. C'est un idée qui a été renforcée dans cette nouvelle version des standards pour les raisons que tu as incitées de mettre les entreprises dans une démarche de sincérité, de transparence sur leur communication. Donc moi, je dirais qu'on évite le greenwashing par la robustesse intrinsèque des standards, mais aussi en posant des questions précises sur ces questions de communication responsable. Et puis après, on a des mécanismes. important de le préciser, où tout un chacun peut porter une plainte à l'attention de Bilab sur le site de Bilab en disant, cette entreprise là, pour telle et telle raison voici mes preuves, je considère qu'elle ne devrait pas être certifiée Bicorps. Et ensuite on revoit ses plaintes, on a toute une équipe qui fait quasiment que ça.
- Speaker #1
Il y a eu des évolutions dernièrement sur les standards, est-ce que tu peux nous en parler ?
- Speaker #0
Jusqu'ici, jusqu'à il y a quelques semaines, Amen. Le label B Corp reposait sur plusieurs exigences, dont une exigence d'obtenir plus de 80 points sur le questionnaire B Corp pour obtenir la certification. Donc l'exigence de performance en termes d'impact se traduisait par une note qui devait être supérieure à 80 points. Aujourd'hui, on sort de ce système de points pour un système d'exigence minimale sur un certain nombre de sujets. La raison pour laquelle on fait ça, c'est pour apporter plus de classe. sur ce que ça veut dire qu'être une entreprise certifiée Bicorp. Parce qu'avant, le système de points faisait qu'il y avait autant de façons d'arriver aux 80 points que d'entreprises certifiées Bicorp. Donc ça ne permettait pas forcément d'apporter de la clarté sur une entreprise certifiée Bicorp, elle répond à telle et telle exigence. Et donc aujourd'hui, on a décidé de resserrer ces exigences. Donc des entreprises qui pouvaient faire l'impasse sur certains sujets maintenant ne peuvent plus le faire. Et pour nous, ça, c'est fort en termes d'embête. et en termes de clarté pour le grand public, parce que ça ne nous aura pas échappé que aujourd'hui il y a beaucoup de labels, beaucoup d'indicateurs, beaucoup d'entreprises qui disent beaucoup de choses. Et donc c'était aussi important pour nous d'apporter notre pierre. C'était difficile d'apporter plus de clarté dans le monde des labels, dans le monde de la RSE, sur ce qu'est une entreprise engagée. Et ça a été aussi pour nous l'occasion, et ça c'est hyper important, d'améliorer ce qu'on appelle l'interopérabilité de nos standards. C'est-à-dire qu'aujourd'hui dans le monde, les démarches RSE se structurent. On a des directives, notamment à l'échelle européenne, qui arrivent. Alors on va voir comment elles vont se transcrire. Mais la CSRD, etc., c'est des directives qui sont... importante dans le monde des entreprises et dans le monde de l'ARC aujourd'hui, et qu'il fallait mettre en miroir des standards bicorps. Donc la façon dont on a regardé ça, c'est qu'on a écrit des standards en ayant la CSRD en tête, en ayant d'autres... référentiels internationaux comme le GRI, etc. en tête pour favoriser l'interopérabilité et éviter que les entreprises aient à refaire deux fois le même travail pour deux reportings différents.
- Speaker #1
En 15 ans, Bicorp est devenu, comme on disait, un vrai mouvement mondial. Toi, quelles sont les plus grandes évolutions que tu as vues dans l'écosystème ?
- Speaker #0
La première qui me vient en tête, je dirais, c'est l'arrivée des plus grandes entreprises. On a souvent l'impression que Bicorp, c'est un mouvement de grandes entreprises. C'est en tout cas une des perceptions que je reçois du grand public. Mais en réalité, depuis le tout, début c'est un mouvement de petites moyennes entreprises pionnières. C'est un mouvement qui a été impulsé par des entreprises des Patagonia, des Ben & Jerry's, des pionniers aux Etats-Unis puis un peu partout dans le monde. En France, moi je suis arrivée il y a quatre ans et c'était que des petites et moyennes entreprises et là depuis un certain nombre d'années on commence à voir l'arrivée de plus grandes entreprises qui s'intéressent au sujet. Ça pose des questions mais c'est passionnant pour nous parce que ça... Ça nous permet aussi d'atteindre l'objectif qu'on recherche à savoir, donc d'écupler l'impact en allant chercher des grandes entreprises, même si on a vraiment envie de garder cet équilibre entre des pionniers et des grandes entreprises, parce qu'une fois les entreprises labellisées, elles appartiennent à une communauté et on aime ces interactions entre les petits pionniers et les grandes entreprises. On aime cette diversité dans la communauté qui permet de l'échange, de l'émulation et de se pousser vers l'avant les unes les autres.
- Speaker #1
Avec ton poste, tu es aux premières loges pour voir les tensions entre... les entreprises qui évoluent et les entreprises qui n'évoluent pas. Qu'est-ce qui bloque encore pour les entreprises ?
- Speaker #0
Eh bien, il y a encore pas mal de contraintes, je dirais, structurelles. La première contrainte structurelle pour les entreprises, je pense que c'est le fait que les marchés financiers, en tout cas la finance, ne valorisent pas, en termes d'indicateurs, encore suffisamment bien, les questions d'impact. et le fait que les modèles de gouvernance des entreprises, qui sont quand même tournés vers les actions... ne permettent pas de mettre ces sujets structurellement au centre des discussions dans les comités de direction, dans les comités exécutifs. Il y a aussi un sujet de demande. Aujourd'hui, les entreprises parlent du fait que la demande responsable n'est pas à la hauteur vis-à-vis des investissements qu'ils voudraient mettre dedans. Donc tout ça, c'est un peu un serpent qui se met en la queue. Qu'il y a des contraintes structurelles, ce n'est pas assez valorisé, même par les marchés publics. Je dirais que c'est ça qui bloque le plus les entreprises parce qu'il y a tellement de, en réalité, de mon point de vue, il y a tellement d'émulation dans les entreprises, de volonté de changement. Voilà, on va faire des changements à toutes les échelles.
- Speaker #1
Et à l'inverse, qu'est-ce qui te donne le plus d'espoir ?
- Speaker #0
Les responsables RSE. Moi, ce n'est pas mon rôle. C'est-à-dire que mon rôle, c'est un soutien aux responsables RSE. Selon les tailles d'entreprise, ce n'est pas forcément des personnes qui ont cette fonction-là. Il y a des personnes même qui ont d'autres fonctions et qui endossent. cette cape-là, je dis cape parce que pour moi, c'est un peu des super-héros, franchement. Je parle beaucoup avec des responsables RSE, c'est une grande partie de mon quotidien. Et je suis vraiment admirative de la résilience de ces personnes, de toutes ces équipes qui sont dans des entreprises qui sont plus ou moins motivées, plus ou moins engagées, et qui portent ça dans leur trip. Ça me donne beaucoup d'espoir, honnêtement.
- Speaker #1
Je suis d'accord avec toi. Si on devait résumer en une phrase de Bicorp pour les années à venir, ce serait quoi ?
- Speaker #0
La grande vision de Bicorp, c'est de participer à la transformation de l'économie pour qu'elle soit plus équitable, inclusive et régénératrice. Donc nous, notre mission, c'est amener nos standards au plus grand nombre d'entreprises possible pour qu'elles se certifient dans la mesure du possible, puisque ça veut dire prouver qu'elles atteignent un certain niveau. C'est ça qu'on recherche mais surtout continuer continuer de de promouvoir cette vision là de promouvoir nos standards et aussi de promouvoir... des histoires d'entreprises qui font partie de la communauté Bicor.
- Speaker #1
Comment vous faites ça ? Vous mettez en lumière les bonnes actions des entreprises labellisées ?
- Speaker #0
Déjà, on anime cette communauté. C'est-à-dire qu'on essaye de créer un sentiment d'appartenance en ayant des événements, des rendez-vous réguliers, des newsletters dans lesquels on peut partager telle ou telle actualité de telle ou telle entreprise. Bonne pratique ou initiative qui nous paraît vraiment inspirante, vous en aurez un exemple avec Norcis. Et voilà, ça passe par plein de vecteurs. On a créé une série, par exemple, sur les dernières années de vidéos sur YouTube qui s'appelle les vidéos Bonnes Pratiques, où c'est des big or qui prennent la parole sur une bonne pratique précise. On a essayé de rendre ça vraiment concret. Et voilà, nous, on passe notre temps à fouiller, on passe notre temps à parler avec les entreprises pour ensuite pouvoir parler. de ces exemples-là pour montrer concrètement comment ça se traduit, nos standards dans les entreprises.
- Speaker #1
Et inspirer les autres.
- Speaker #0
Et inspirer les autres.
- Speaker #1
Et alors, si vous pouviez glisser une idée dans la tête de toutes les personnes qui nous écoutent, ça serait laquelle ?
- Speaker #0
L'idée, c'est la gouvernance des parties prenantes. Ça, c'est le grand principe fondateur des standards B Corp. Et c'est un des principes fondateurs qui, moi, me touche. Alors, dit comme ça, ça ne peut pas forcément paraître touchant, mais je vais m'expliquer. J'ai l'impression que les entreprises que je connais gagnent énormément. à entrer dans un dialogue sincère avec l'ensemble de leurs parties prenantes. Et c'est un des fondamentaux des standards Bicorps, dans la toute première partie des standards, qui s'appelle Mission et gouvernance des parties prenantes. On interroge les Bicorps, les entreprises, sur les mécaniques qu'elles ont en place pour vraiment prendre en compte l'avis, l'opinion, les remontées, les feedbacks de l'ensemble des parties prenantes dans toutes leurs décisions ça peut être les collaborateurs les fournisseurs mais ça peut être aussi telle ou telle association locale, telle collectivité territoriale, parce que les entreprises pensent souvent aux clients, mais il y a aussi tout un tas d'autres parties prenantes qui gravitent autour d'elles. Et oui, moi je suis extrêmement inspirée par les entreprises qui arrivent à maintenir ce dialogue avec toutes ces parties prenantes-là. J'inviterais juste les personnes à se poser la question de comment elles nourrissent ce dialogue, parce que je trouve ça évidemment fastidieux, mais également source de plein de petits insights. d'enseignement intéressants.
- Speaker #1
Pour finir, Mathilde, notre question préférée, pourquoi c'est cool la RSE ?
- Speaker #0
C'est cool la RSE parce que c'est une source infinie de créativité dans les entreprises, selon moi. C'est faire le choix, en tant qu'entreprise, d'opérer dans un nouveau paradigme avec plus de contraintes, mais la contrainte est créative. Et en ça, c'est passionnant. C'est hyper excitant de se dire, je m'ajoute des contraintes, mais en fait, ça m'apprend apporte des nouveaux éléments de réflexion pour pouvoir penser de la complexité, pour pouvoir transformer les business models. Passionnant.
- Speaker #1
Merci beaucoup Mathilde, à bientôt.