- Speaker #0
Moi, ce que j'aimerais qu'on réussisse à faire de plus en plus, c'est qu'on arrive en tant qu'organisation, et en particulier en tant qu'entreprise, à mettre le vivant avant l'argent. Pourquoi s'engager ? Parce que c'est hyper excitant.
- Speaker #1
Bonjour à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Pourquoi c'est cool la RSE. Aujourd'hui, j'ai la chance de recevoir Thomas Brozard de Nord6, qui nous reçoit d'ailleurs dans ses locaux. Bonjour Thomas, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
- Speaker #0
Avec plaisir.
- Speaker #1
Est-ce que tu... tu peux nous présenter rapidement Norcis pour ceux qui ne connaissent pas votre groupe ?
- Speaker #0
Norcis, c'est une entreprise dont on dit de taille intermédiaire, de 750 salariés environ. C'est une entreprise familiale qu'a créée mon père il y a 30 ans. Et notre métier, c'est de développer, de concevoir et d'accompagner des grands donneurs d'ordre, principalement dans la conception de services numériques. Beaucoup d'informatique de gestion, des gros logiciels pour l'assurance maladie, pour la transition écologique, par exemple avec l'ADEME ou l'Office français de la biodiversité. Mais aussi d'accompagner des nouveaux usages digitaux, notamment dans le e-commerce.
- Speaker #1
Ça a toujours été une boîte engagée ou c'est... C'est toi qui as ramené ça plus récemment ?
- Speaker #0
Non, il y avait Intero Fertile, début des années 2000, l'une des premières PME à avoir une fondation par Mieux Partager la Richesse. Autour de 2005, la première PME de France à faire le CV anonyme. pour lutter contre les discriminations. En 2007, un premier bilan carbone, là où encore beaucoup d'entreprises ne le font toujours pas. Donc tu vois là par l'exemple comment l'entreprise s'est assez tôt saisie de questions structurantes qui aujourd'hui d'ailleurs sont quand même évoquées comme étant le cœur de ce que doivent faire les entreprises pour revendiquer un engagement sincère.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qui t'a amené toi à ton engagement ?
- Speaker #0
On a tous des points de bascule. J'en ai un que j'ai envie de citer en particulier là, c'est qu'en fait je suis en école de commerce. On est tu vois en 2007-2008. et survient un truc que je ne comprends pas encore totalement, qui s'appelle la crise des subprimes. Par contre, ce que je comprends, c'est qu'elle est en train de foutre à la rue des gens aux US et pas qu'eux. J'ai eu une dissonance énorme à ce moment-là, parce que sur les bancs de l'école en parallèle, nous, on nous enseigne le business as usual, y compris en finance, y compris en marketing. Et là, je me dis, je n'ai pas envie de mettre mon énergie et ma carrière au service de systèmes qui provoquent autant de casses humaines et au niveau du vivant, au niveau environnemental. Et donc je me mets à dire beaucoup de choses et à me dire en fait tout ce que j'apprends là, je le mettrai au service d'un autre projet, d'un autre modèle, et c'est ce que j'essaie de faire ensuite depuis dans ma carrière.
- Speaker #1
Récemment il s'est passé quelque chose d'historique chez Narcis, l'entrée au sein de votre conseil d'administration d'un siège. et d'un droit de vote pour la nature. Comment vous est venue cette idée ? Comment ça s'est passé ?
- Speaker #0
Alors cette idée elle nous est venue parce que depuis 4 ans on a entrepris de revoir le modèle de l'entreprise, ça s'appelle la permantreprise, je crois qu'on y vient juste après. L'idée c'est quoi ? C'est qu'en tant qu'entreprise, encore plus dans le service, on est quand même très déconnecté du vivant. On ne dépend pas directement d'une ressource naturelle, d'ailleurs peut-être que le mot ressource devrait être changé. pour faire notre activité. On ne transforme pas des éléments pour faire de l'alimentation, on dépend plutôt de minerais de terre rare, non renouvelables au demeurant, mais on n'est pas en prise directe avec le viande. Donc, dans la façon de faire évoluer le modèle de l'entreprise, dans la façon de davantage considérer les impacts et les dépendances que Nord6 a vis-à-vis des ressources naturelles et du vivant au sens large, on avait besoin de revoir les modalités de décision et de réflexion dans l'entreprise. C'est là que vient l'idée, qui n'est pas totalement nouvelle, d'autres acteurs s'en sont saisis très peu en France, mais dans dans d'autres pays, pour qu'on mette à la table des discussions, voire des décisions, quelqu'un qui va représenter la nature. Et donc, la première brique de ce nouveau dispositif, peut-être la plus marquante, c'est d'avoir créé les conditions pour que la nature puisse être actionnaire de l'entreprise. Et donc, à ce titre, elle est un siège au sein du conseil d'administration, avec donc Franz Gohl, qui est la personne qui va représenter la nature, qui depuis quatre ans travaille sur ce sujet de la gouvernance du vivant dans les entreprises, et qui va nous confronter, nous demander... d'instruire des sujets qu'on n'instruisait peut-être pas suffisamment. Et ça, ça nous garantit qu'à l'avenir, les discussions stratégiques qu'il peut y avoir dans le conseil d'administration considéreront les impacts que ça peut avoir sur le vivant, pour le meilleur, j'espère, au niveau des décisions qu'on prendra.
- Speaker #1
Comment ça se passe concrètement ? Quelle est sa voie réelle dans ce conseil d'administration ?
- Speaker #0
Alors, il a un truc qui est unique à ce jour, qui s'appelle un droit de veto. Il a évidemment le droit de nous dire, je pense que les décisions que vous êtes... peut-être sur le point de prendre, ne sont pas les bonnes. Et donc j'y mets un veto, ou en tout cas je vous demande de reconsidérer la façon dont vous prendrez la décision. On est au tout début, donc en réalité les conséquences de cela sont encore difficiles à partager. Ce qui est certain, c'est que par exemple si demain on se disait, tiens dans le numérique, on peut aller se gaver économiquement sur les IA génératives, parce que c'est là que l'argent va en ce moment. Alors que les conséquences environnementales sont déjà connues et sont catastrophiques, Je pense que vous pourriez nous dire, je refuse que vous preniez la décision. d'investir massivement ou par exemple de faire une croissance externe sur un acteur de l'IA pour vous gaver économiquement, sauf à dire que ça viendrait servir quasi exclusivement des dynamiques environnementales, c'est-à-dire les IA génératifs pour mieux préserver la nature, pour mieux servir la transition écologique, pour accélérer la bascule vers des nouveaux modèles de consommation. Tu vois, c'est ce genre de choses qu'on va aller chercher avec Franz. Et alors, on l'a choisi parce que depuis 4 ans, Franz, de par le monde, étudie ce qui se fait en matière de place de la nature dans la gouvernance des entreprises. Donc pour nous, c'était la personne parfaite. Par contre, Franz, il a l'humilité de dire qu'à lui tout seul, il ne peut pas représenter la diversité du vivant. C'est impossible. Et donc, ça, c'est quelque chose qu'on n'a pas encore trop communiqué. Donc, je vous le donne un peu en exclu, mais on le repartagera bientôt. On a décidé, et ça, c'est le deuxième étage de notre dispositif, et je pense que c'est celui qui est le plus réplicable ailleurs. Par exemple, chez nous, dans le comité de mission, dans notre CSE, tu peux aussi créer un siège sans forcément devoir donner du capital à la nature, sans forcément aller aussi loin que ce qu'on a fait avec un droit de veto. Et ça, pour moi, c'est hyper réplicable partout dans toutes les entreprises. Et donc, ce qu'on a fait, c'est qu'on est allé chercher des personnes qui vont elles aussi représenter la nature dans ces autres instances que je viens de citer, avec leur singularité, avec leur appétence propre, d'entrepreneuses, de militantes. On a une personne qui travaille au GIEC quand même, ce n'est pas rien pour venir nous confronter sur la façon dont on est en train de faire évoluer Nord6, sur nos modèles d'affaires. Ce que je vous dévoile, c'est le fait qu'on va avoir un Haut Conseil pour la nature, ça, ça va être une nouvelle instance, on va réunir d'autres représentants et représentantes, qu'on va coordonner pour être sûr que ce ne soit pas qu'un sujet d'un conseil d'administration qui pensent à très long terme et qui se voient assez peu fréquemment, mais que ce soit aussi le sujet et que la nature puisse influencer les réflexions partout dans l'entreprise, au niveau des salariés, au niveau des instances de décision quelle qu'elle soit et au niveau de l'instance qui pense à long terme et décide au final, ça s'appelle un conseil d'administration.
- Speaker #1
Comment ça a été accueilli par vos collaborateurs, vos clients, par vos partenaires ?
- Speaker #0
On ne savait pas trop ce que ça allait donner, ça c'est évident. Il est clair qu'il y a un effet presque de surprise, d'étonnement, mais en même temps de fierté que ça suscite. En interne, chez nos salariés, on est en train en plus de mener des interviews auprès de salariés de toutes nos agences, de façon systématique, à gouvernance et à la table des discussions, notamment au sein du conseil d'administration, c'est remarquant. C'est une source de fierté. Par ailleurs, on a commencé à le faire savoir, jusqu'à se retrouver au JT de TF1, il y a quelques jours seulement, à une heure de grande écoute, un samedi midi, avec 44% de parts de marché qui étaient devant le JT de TF1 et qui a entendu parler de cette initiative très singulière de la rentrée de la nature dans un conseil d'administration, du droit de veto. Mais j'espère que tout ça va nous donner une audience pour parler notamment de ce deuxième volet du dispositif, de la nature dans les autres instances. Parce que celle-là, moi, j'ai envie de la pousser à fond. Je crois que c'est là qu'on peut vraiment aller embarquer des dizaines, des centaines, peut-être des milliers d'entreprises qui ont tout à gagner à le faire, selon des modalités qui peuvent être assez légères à mettre en œuvre.
- Speaker #1
Est-ce que vous avez rencontré des résistances, pas en interne, mais... peut-être à l'externe ?
- Speaker #0
Aujourd'hui, assez peu, mais en réalité, ce dispositif nous engage quand même fortement. Il est évident qu'au sein de l'entreprise, on a des personnes qui peuvent s'inquiéter de savoir que, par exemple, dans un conseil d'administration, nos directions d'agence ne sont pas forcément présentes. Il y a une personne qui puisse avoir une influence forte sur des décisions en tant que représentant de la nature. C'est pour ça que je te disais, le droit de veto est un acte symbolique très fort et il pourra l'activer, mais j'ose espérer surtout que ça nous créera les conditions pour que... ensemble on trouve les meilleurs consensus possibles et qu'on n'aille pas créer des points de rupture avec ce que vivent les équipes sur le terrain. Si ça arrive, on a quand même un risque de décrochage. C'est pour ça d'ailleurs que France, on veut vraiment que sa culture, qu'il comprenne l'histoire de l'entreprise, ce vers quoi elle doit aller, lui nous met face à des impacts et à des dépendances très fortes qu'on n'avait pas forcément dans le radar. Derrière, en ayant des représentants dans d'autres instances, en les coordonnant dans le Haut Conseil Nature et en acculturant progressivement l'ensemble de l'entreprise, je suis convaincu qu'on créera les conditions pour que tout le monde aille dans le même sens et que ce sens ce soit une entreprise de services numériques qui rentre dans le cadre des limites planétaires et qui créent les conditions pour accélérer la transition écologique c'est ça qu'on cherche à faire au final là on est à un stade où vraiment on veut créer une dynamique et une culture d'entreprise qui considère ça de façon systématique c'est pour ça aussi que par exemple au sein de notre cse il y aura un représentant la nature aussi qui est un membre du cse qui est donc un salarié qui s'appelle christophe qui va devoir jouer ce rôle. Et donc, il est évident que de façon rapide, il va y avoir des décisions sur, par exemple, le type d'avantages que propose le CSE sur les voyages d'entreprise. Moi, je pense aussi beaucoup, du coup, à une autre échelle, sur l'innovation. Ce n'est peut-être pas par hasard si Norcis a inventé un modèle tout nouveau, enfin, même si maintenant, ça fait quelques années qu'on le déploie. qui s'appelle la Permentreprise, c'est peut-être pas par hasard, s'il y a quelques semaines, on est la première entreprise à avoir rendu librement accessible, donc gratuitement accessible, une plateforme qui est la première plateforme de mesure des analyses de cycle de vie de services numériques. Ça n'existait pas. Le secteur du numérique... qui prend des orientations qui ne sont pas forcément celles que nous préférerions. Nous, on joue notre carte à fond et on contribue à un numérique qui soit plus soutenable, plus juste, plus inclusif.
- Speaker #1
Est-ce que vous n'avez pas peur que ça vous crée des freins au niveau business ?
- Speaker #0
Il est clair, Johan, que si on n'avait pas fait tout ça, Norcisse aujourd'hui pourrait être deux fois plus gros. C'est évident. On a d'ores et déjà renoncé à un certain nombre de potentiels commerciaux parce qu'ils n'étaient pas alignés avec ce que je suis en train de te raconter. C'est aussi pour ça qu'on a créé ce modèle de paiement d'entreprise parce qu'il y a quelques années, on crée un conseil éthique. On a dit aux équipes, à tous les salariés, si vous le souhaitez, vous pouvez être un lanceur d'alerte, une lanceuse d'alerte. Vous pouvez saisir le conseil d'éthique pour dire là, il y a une trop forte dissonance entre la raison d'être, parce qu'on est société à mission aussi, le modèle de paiement d'entreprise, qu'on va peut-être détailler ensuite un tout petit peu, et ce que je vis dans mon quotidien. Et la première saisine du salarié, c'était justement... sur un client, en particulier un projet qui était de nature à contribuer à l'émission de beaucoup de gaz à effet de serre. Et qu'elle a dit, est-ce que c'est vraiment cohérent au regard de tout ce qu'on est en train de déployer comme projet d'entreprise ? Et ça, ça a fait date. Et depuis, on a structuré toute une démarche. Nos commerciants ont des outils d'aide à la décision. Et en fait, on a renoncé depuis à d'autres marchés. Donc oui, il y a un risque. Mais pour moi, ce n'est pas un risque.
- Speaker #1
Alors, on en vient à la paiement entreprise. Qu'est-ce que c'est et quel est votre modèle de paiement entreprise ?
- Speaker #0
En fait, Norse East a un engagement qui n'est pas nouveau. A cocher les cases des labels et certifications en 2013, ISO 26000 niveau exemplaire, c'est la norme RSE, et puis Bicorp, et puis Société à la mission. Mais en réalité... pour qu'on puisse vraiment revendiquer un engagement fort et sincère et que ça devienne une culture d'entreprise qui aille aussi progressivement faire changer la relation qu'on a aux clients, le type de projet qu'on fait avec eux. Et on n'y est pas encore suffisamment. Il fallait créer les conditions et un modèle d'entreprise qui devienne une culture partagée par tout le monde. Et il se trouve qu'en 2019, on découvre la permaculture qui dit, en gros, on doit prendre soin des humains, on doit préserver la planète et on doit fixer des limites pour mieux partager la richesse. La permaculture, voilà, c'est ça. Tu n'es pas vraiment ce que font les gens. les entreprises au sens global du terme et donc on se dit en fait c'est avec ça qu'on va réinventer la boîte et ça va être ça notre nouveau logiciel ça deviendra ça notre culture partagée avec toutes les équipes dit autrement notamment pour des entrepreneurs des dirigeantes et dirigeants qui nous écouteraient ce qu'on cherche à faire c'est à créer de la valeur mais pas n'importe quel prix alors des limites au niveau business on l'a déjà évoqué mais ça peut être des limites dans la façon dont on utilise les ressources qu'elles soient humaines ou naturelles ça peut être des limites en matière de pratique managériale ça peut être des limites dans le degré d'ambition qu'on fixe sur des stratégies dits RSE pour ne pas complètement décrocher par rapport à la soutenabilité, à la pérennité de la boîte en matière économique. Donc, on a su faire des renoncements, mais ça ne veut pas dire qu'on renonce à tout. Parce que si demain, on renonçait à tout ce qu'on fait aujourd'hui et qu'on devait du coup dire, ah merde, on doit virer 150 personnes parce qu'en fait, notre modèle économique, il se casse la gueule, on a un petit souci. Donc, on crée aussi les conditions de transition.
- Speaker #1
Qu'est-ce qui permet à Norseys de résister au contexte ? assez compliqué pour les entreprises en ce moment ?
- Speaker #0
Je pense que Norcis aujourd'hui a une véritable robustesse dans son modèle, notamment parce que, et la PERMA nous a aidé à le structurer, on a créé des conditions pour avoir des sources de revenus. qui soit diversifiée, pour avoir des individus dans l'entreprise qui peuvent s'épanouir, et pas que par les missions ou le cœur de leur expertise, parce qu'on essaie d'avoir des modes de travail qui soient flexibles et potentiellement propres à chaque individu. Parce que dans la diversification de nos sources de revenus, il y a les types de métiers, il y a les types de clients, on est à 50% public et privé. Et puis peut-être parce qu'un dernier truc, et ça c'est très lié au modèle de la robustesse, c'est un truc qu'on appelle la sous-optimalité. C'est pas trop connu. Par exemple, dans la nature, la photosynthèse des plantes, le rendement est de moins de 1%. C'est nul. D'un point de vue humain, c'est nul. Mais en fait, ce qui fait que c'est utile, c'est que dès lors que tu as des pics de chaleur et de soleil, grâce à ça, les plantes peuvent bien mieux résister. pas brûlée tout de suite. Si elle faisait de la synthèse à 100%, au moindre cul de chaleur, c'est fini. Chez nous, par exemple, on vend du temps humain. On a gardé depuis toujours une partie du temps humain pour ne pas le vendre dans des projets d'émissions pour les clients. C'est aussi là qu'on renonce peut-être à une forme de croissance. Pour le mettre au service de projets d'intérêt général, pour que les salariés puissent vivre dans l'entreprise entre eux, etc. Et je vais donner un exemple hyper intéressant. Au moment du Covid, tout notre secteur se retrouve saturé, sans pouvoir faire des projets en plus pour répondre aux besoins immédiats des clients. qui voulaient mettre en place des modes de travail différents et travailler sur les projets numériques de façon différente. Nous, on a récupéré 2500 jours équivalents humains qu'on a pu réallouer sur nos clients parce qu'on ne les avait pas staffés à 100%. Et l'année du Covid, notre secteur fait une décroissance de 2% et nous, on fait une croissance de 2-3%. Donc en fait, grâce au modèle PERMA, grâce à cette approche de la robustesse, y compris dans des moments de crise, on a été capable d'être hyper résilient et d'avoir un modèle d'affaires pérenne. parce qu'on avait créé des conditions pour ne pas, à mon avis, avoir les modes habituels qui font que dès qu'il y a un petit grain de sable dans la machine, ça peut vite s'effondrer. La perma-entreprise a une grande vertu. L'éthique qui est au cœur du modèle perma, c'est l'inverse du dogme. L'éthique, c'est trouver la meilleure solution dans un contexte donné. C'est ça qui fait qu'aujourd'hui, Nord6, par exemple, continue à être pérenne, continue à être performant, y compris au niveau économique, en ayant fait parfois des renoncements qui peuvent être perçus comme radicaux, mais en n'allant pas trop loin. C'est tout ça qui fait le cœur de la permaculture et donc de la perma-entreprise. C'est pour ça qu'on croit très fort que c'est le bon modèle pour demain. Donc voilà le bouquin, je vous le montre. Je ne sais pas à quelle caméra je dois le faire, mais voilà, coucou, il est là. Ce qu'on a fait. Pour partager la richesse, c'est de dire, n'en faisons pas un business, on aurait pu faire une activité de conseil RSE, moi j'en viens d'ailleurs. Mais on s'est dit, on va en faire un commun pour que n'importe quelle organisation demain s'en saisisse. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des centaines d'organisations qui s'en sont saisies. Moi j'ai fait des séminaires pour des très grands groupes à propos de la perma-entreprise, pour essayer de voir comment par exemple dans leur Codire ou leur Comex, ils pouvaient faire évoluer leurs décisions. On a accueilli ici plusieurs centaines de personnes sur de la formation, sur des acculturations. et puis voilà 15000 bouquins qui se baladent dans la nature dont des personnes se sont saisies pour essayer de repenser leur façon d'évoluer en tant qu'organisation etc quel regard tu portes sur la responsabilité des entreprises face aux défis environnementaux et sociaux aujourd'hui tout le monde est responsable de là on en est aujourd'hui les états bien sûr parce qu'ils n'ont pas été assez vite mais les entreprises et d'ailleurs elles ont pour eux Certaines, et notamment les plus grosses, une influence considérable sur les décisions qui sont prises par les États, par l'Europe. On l'a vu récemment avec la CSRD. Les entreprises, déjà, ont joué un rôle considérable dans l'état actuel de la situation, dans le fait de pousser les humains à consommer toujours plus de choses qui ne sont pas toujours utiles, dans la dégradation des écosystèmes vivants, dans le dépassement des limites planétaires. Par contre, elles sont peut-être celles qui ont la meilleure carte à jouer pour réussir à résoudre ce problème. Pourquoi ? Parce que les entreprises, elles concentrent les talents, elles ont des ressources pour innover, et elles savent décider très vite. Ce n'est pas le cas des États. Je pense qu'il faudrait surtout que les actionnaires et ceux qui détiennent le pouvoir et le capital arrêtent de jouer l'unique jeu de la rentabilité, de l'argent à la fin de l'année. D'autant que de plus en plus, je pense que ces gens-là vont se rendre compte qu'en fait, c'est un mauvais pari, y compris à moyen terme. Dans les 5 à 10 ans, il y a beaucoup de modèles d'affaires qui vont devenir tellement tendus que la rentabilité ne sera plus là. On a déjà le cas de chaînes de valeur qui sont en train de s'effondrer. je pense sincèrement que ceux qui comprennent vraiment maintenant qu'investir sur la préservation des ressources naturelles, sur le respect du vivant, sur le non-dépassement des limites planétaires, à moyen terme, et même à 5-10 ans, ils vont s'y retrouver. Moi, quand j'étais en école de commerce, il y a un film qui m'avait frappé qui s'appelait Le jour d'après, qui était basé sur des scénarios scientifiques pour expliquer de façon sensace à l'américaine, dans un blockbuster, ce que ça pouvait vouloir dire en 2050. La réalité de ce qui se passe en ce moment, c'est que ce qui est mis dans le film, en fait, est en train d'arriver partout dans le monde, tous les jours. Donc, en fait, c'est pas demain. Ce n'est même pas en 2030, c'est là maintenant. Shifter un modèle d'affaires, et c'est vrai chez nous aussi, ça prend 10-15 ans. Donc si tu ne commences pas maintenant, c'est mort.
- Speaker #1
Quelle est ta vision du futur de l'entreprise en 2030 ? Et quelles prochaines étapes tu aimerais franchir avec Narcis ?
- Speaker #0
Moi, ce que j'aimerais qu'on réussisse à faire de plus en plus, c'est qu'on arrive en tant qu'organisation, et en particulier en tant qu'entreprise, à mettre le vivant avant l'argent. Ça, c'est peut-être une façon de formuler l'enjeu de façon essentielle. Pour ça, il faut que tout le monde dans l'entreprise s'y mette. Moi, Moi, je vois trop d'entreprises qui arrivent à faire des choses extraordinaires au niveau de la RSE, mais qui malheureusement sont complètement annihilées par ce que fait le marketing. Et je ne blâme personne dans l'affaire, parce que chacun son métier, chacun est rémunéré, et c'est pour ça que c'est les actionnaires qui au final ont quand même les clés. Mais il y a trop de déconnexions entre les deux. À ChangeNow, très récemment, à la tribune du Parlement des Jeunes, j'expliquais notamment un truc qui est que quand tu mènes des actions de réduction des impacts négatifs, et c'est ce que fait très bien la RSE depuis 30 ans, mais que dans le même temps, tu as un modèle d'affaires qui pousse à toujours plus de croissance, notamment en volume, tu peux réduire les impacts négatifs d'une unité de produit ou de service, sauf que si tu crois, au final, tu n'as rien réduit du tout. C'est bien pour ça que la RSE a une grosse limite et qu'aujourd'hui, avec d'autres, on pousse fort pour l'économie à visée régénérative. Ça veut dire quoi ? C'est-à-dire que j'arrête de me satisfaire de réduire les impacts négatifs, parce qu'il y en a toujours, et si je continue de croître, au final, il y aura... en global encore plus d'impact négatif qu'il y en avait avant, mais jetant vers un modèle d'affaires qui crée des conditions de renouvellement, de régénération des ressources que j'utilise, des ressources qu'elles soient humaines ou naturelles. C'est à ce prix-là que les entreprises pourront éventuellement continuer à vouloir croître. C'est la seule façon d'y arriver. C'est ça ma vision pour 2030, c'est qu'en 2030, si la très grande majorité des entreprises ne se sont pas mises là-dessus, à mon avis, on n'y sera jamais. Pourquoi c'est cool la RSE ? Moi, j'aimerais bien que vous le renommiez ce podcast et que ce serait peut-être bien de dire pourquoi c'est cool le Regen. ou quelque chose comme ça, parce qu'en fait, la régénération, ça doit devenir la nouvelle RSE, c'est-à-dire des politiques d'engagement sociétal des entreprises qui ne se satisfont plus de la réduction des impacts négatifs, qui cherchent systématiquement à régénérer quand c'est possible. Ce n'est pas toujours faisable. Nous, on utilise des PC pour faire notre métier, ça ne pousse pas dans les arbres, donc on n'est pas prêt de pouvoir les régénérer. Par contre, on peut tout faire pour essayer de restaurer les ressources et surtout les territoires où sont extraits des minerais, des terres rares qui malheureusement souvent détruisent le vivant qui est autour.
- Speaker #1
Quand tu vois la situation actuelle, est-ce que tu as de l'espoir pour le futur, sur le changement ? Et qu'est-ce qui te donne le plus d'énergie au quotidien dans ton engagement ?
- Speaker #0
Ce qui me donne de l'espoir, c'est que toutes les solutions existent. Il y a déjà des gens qui font des choses extraordinaires pour le prouver. Le problème, c'est qu'on a encore trop peu d'exemples de grandes entreprises qui sont en train de faire cette bascule. Mais parce que c'est compliqué, parce qu'il y a les actionnaires qui attendent des rendements financiers. Ce qui me donne de l'enthousiasme, c'est que de plus en plus de collectifs se constituent pour porter... une voix commune sur ce que je te raconte. C'est vrai au niveau du mouvement Bicorp, c'est vrai sur la régénération avec le Region Ecosystem qu'on a co-fondé avec d'autres acteurs comme Éric Duverger de la Convention des entreprises pour le climat, avec des gens d'Axa Climate qui créent des contenus sur ce sujet-là, ou avec l'émergence d'une nouvelle asso qui s'appelle Genact, qui est l'asso sœur du Collège des directeurs du développement durable que pousse fort Fabrice Bonifay, qui elle vise à créer la bulle la plus large possible de praticiens de la RSE pour les nourrir sur des contenus autour de la régénération. ça ça me donne l'espoir et de l'enthousiasme Mais si je suis sincère, moi en tant qu'individu, je suis franchement en dépression du monde qui m'entoure. Ça me rend fou de voir ce que je vois. Donc déjà j'ai de la chance, c'est que je suis au bon endroit pour œuvrer avec énormément d'énergie, peut-être parfois un peu à des raisons, mais au service de tout ce qu'on se raconte depuis tout à l'heure. Ce dont je suis à peu près certain, c'est que pour que le monde économique dans son ensemble bascule, j'ai bien peur qu'il faille deux choses. C'est un des citoyens qui se mettent à dire stop. alors ils peuvent dire stop de différentes façons mais je pense que tant qu'il y aura pas par exemple certaines marques qui se voient boycotter parce qu'elles déconnent elles bougeront pas assez vite tant qu'il y aura pas suffisamment de risques sur le modèle économique actuel je pense qu'elles bougeront pas assez vite mais donc l'autre truc dont j'ai bien peur c'est que pour un certain nombre de grands groupes notamment et de boîtes qui ne bougent pas assez fort, il va falloir que leur modèle d'affaires commence à se casser la gueule, y compris pour des raisons, par exemple, de difficulté d'accès à la matière première dont elles ont besoin, parce que conséquence du dérèglement climatique. Donc malheureusement, des phénomènes qui seront des phénomènes assez graves, qui les obligeront et qui les contraindront pour de bon, pour des questions économiques, à faire la bascule. Et alors,
- Speaker #1
à quand un représentant de la nature, au sein du conseil d'administration, d'une marque de fast fashion ou d'un groupe pétrolier ?
- Speaker #0
Eh bien, tendons leur la perche. Moi, je suis prêt à jouer ce rôle chez n'importe qui, si c'est fait pour les bonnes raisons, on les attend, qui viennent nous chercher. Je pense qu'il y a au moins des discussions à faire évoluer dans leur nature en ayant ce siège et cette représentation-là. Il y a des gens qui ont... développer des contenus aussi pour comprendre comment ça peut se faire de la bonne façon, des fiches de mission, des outils d'aide à la décision qui viennent nous demander. Nous ou d'autres le feront avec plaisir je pense.
- Speaker #1
Et pour finir Thomas, pourquoi c'est cool la RSE et pourquoi c'est cool la régénération ?
- Speaker #0
Pourquoi c'est cool la RSE ? Parce que depuis 30 ans ça a structuré des stratégies d'engagement sociétal. Toutes les boîtes ont fait des trucs hyper intéressants voire géniaux en matière d'impact grâce à la RSE. Par contre je pense que que l'RSE a fait son temps et que maintenant, il faut passer à autre chose. chose. J'espère que l'économie à visée régénérative sera cette autre chose. Avec d'autres, on pense que c'est le cas. C'est pour ça qu'on y met des moyens et du temps et de l'énergie pour que ça émerge. Donc, on se verra si dans un an, vous avez changé le nom du podcast, le gens seraient heureux.
- Speaker #1
Merci beaucoup Thomas. Tant pis,
- Speaker #0
merci de m'avoir accueilli dans votre podcast.