- # Enora
Bienvenue sur Psycho-Sexo, le podcast de l'Eipsho. Je suis Enora Tessandier, psychopraticienne spécialisée en sexologie et psychotrauma et fondatrice de l'Eipsho, l'école internationale de psychosexologie holistique. Dans ce podcast, je vous partage des ressources, des témoignages et des approches concrètes en psychosexologie pour approfondir vos compétences et enrichir votre pratique. Bonjour à tous et bienvenue sur ce podcast. Bienvenue à toi Margaux. Donc aujourd'hui on accueille Margaux Laulan pour parler de notre rapport au corps dans une société qui est constituée de normes et de traditions. Et on verra donc aussi notre rapport au corps dans notre propre construction identitaire. C'est le sujet que va aborder Margaux. te présenter un petit peu. Donc, tu as été éducatrice spécialisée pendant pas mal d'années et si je ne me trompe pas, tu as bossé dix ans dans des structures qui accompagnent des victimes de traites humaines à des fins d'exploitation sexuelles et notamment, peut-être que ça parlera plus aux auditeurs, tu as accompagné des prostituées.
- #Margaux
C'est ça.
- # Enora
Actuellement, tu es coach de vie et nomade. Et donc dans tes accompagnements, tu proposes notamment un programme ou un accompagnement qui s'appelle Boussole Globe Trotteuse qui est plus à destination des... Globe Trotteuse ou Globe Trotteur qui est plus à destination des nomades. Et puis un autre qui s'appelle Traverser la Tempête. Donc là, c'est traverser les moments compliqués. Tu pourras même me dire si tu veux en rajouter plus, si je me trompe. En tout cas, ce que j'ai cru comprendre, c'est que... Tu accompagnes à l'émancipation et des normes qui nous limitent de façon globale. Et c'est quelque chose qui t'a un peu toujours suivi en fonction de tes boulots. Est-ce que tu veux en rajouter plus déjà par rapport à ça ?
- #Margaux Laulan
Non, merci déjà pour cette présentation. Carrément, effectivement, c'est... En tout cas, dans les sujets qui m'ont toujours tenu à cœur, que ce soit en tant qu'éducspé ou aujourd'hui en tant que coach de vie, c'est de pouvoir accompagner les personnes à redevenir actrices de leur vie. Et donc, redevenir actrices de leur vie, c'est aussi prendre conscience de leurs besoins et de leurs désirs profonds, hors des normes et des conditionnements qui peuvent parfois nous limiter. c'est-à-dire hors de ce qu'on attend de nous, que ce soit notre famille, que ce soit nos amis, que ce soit la société, de pouvoir s'émanciper de ça pour être pleinement soi. Et donc, je le fais au travers, effectivement, là aujourd'hui, en tant que coach de vie, au travers de cet accompagnement qui est très spécialisé pour les, effectivement, nomades, expatriés, voyageurs, voyageuses, notamment parce que je le suis moi-même et que du coup... J'ai aussi traversé mon lot d'épreuves là-dedans, dans tout ce que ça peut venir bousculer pour les autres, pour l'entourage et puis pour soi. Mais je ne le fais pas que sur ce biais-là et notamment j'accompagne aussi dans la traversée des périodes de tempête. Donc ces périodes où on a vraiment ces grosses remises en question, ces gros moments de bouleversement et où on a besoin de sortir un peu la tête de l'eau. Et où parfois, un petit coup de pouce, c'est bien nécessaire. Voilà. C'est sûr. Et donc aujourd'hui, là, j'avais envie de parler... En fait, c'est un peu reprendre les bases de qui on est. Et du coup, c'est pour ça que je proposais ce sujet du corps et en fait de l'identité au travers du corps.
- # Enora
Ok, super. Et avant d'aller sur ce contenu, justement... j'ai hâte d'y aller pour la dernière chose de présentation c'est que tu es aussi intervenante dans l'école internationale en psychosexologie holistique et tu vas intervenir sur le système prostitutionnel et la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle et peut-être aussi sur d'autres sujets, en tout cas celui-ci c'est celui qui est plus sûr c'est sûr Voilà, je propose qu'on commence à parler justement de ce sujet que tu souhaites aborder, le corps, la société. La parole est à toi.
- #Margaux Laulan
Merci. La première question que j'ai envie en tout cas de poser... Pour poser un peu le décor, j'ai envie d'inviter les gens à se demander est-ce que j'ai un corps ou est-ce que je suis un corps ? En tout cas, comment on se définit déjà de base ? Pourquoi je pose cette question ? Parce que c'est vrai qu'on a tendance à être soumis à beaucoup d'injonctions en règle générale. notamment dans les choses qu'on voit beaucoup circuler. On nous dit qu'il faut absolument faire du sport, manger correctement, être en bonne santé. Et effectivement, même si ça paraît important pour notre santé, on en vient à se mettre à culpabiliser parce qu'on n'a pas fait assez de sport ou parce qu'on n'a pas assez bien mangé. Et donc, dans quelle mesure la société aujourd'hui ne nous pousse pas aussi d'une certaine façon ? à objectiser notre corps et donc à nous dire qu'on a un corps duquel on doit prendre soin, auquel on doit faire attention. Or, notre corps et notre personnalité ne sont pas dissociables. On est un être humain avec tout ce que ça peut composer. Et donc, effectivement, tu vois, quand... Dès l'origine, dès la base, c'est nos pieds qui nous servent à marcher, c'est nos mains qui nous servent à toucher, c'est nos yeux qui nous servent à regarder. Tout ce qui constitue notre corps nous permet d'être au monde, de vivre au monde. Et puis après, il y a tout le versant individu qui se dessine avec aussi tout ce qu'on a envie de montrer au monde extérieur. Donc, tu vois, avec les tatouages, les piercings, les vêtements qu'on décide d'avoir, le maquillage. qu'on décide de porter. Et donc, comment ça vient construire aussi notre identité, et pour nous, et dans ce qu'on donne à voir à l'autre. Parce que finalement, le premier lieu où on existe, c'est dans le regard de l'autre, dans le regard de nos parents, puis dans le regard des gens autour de nous.
- #Margaux
Enfin voilà,
- #Margaux Laulan
c'est le premier lieu où on vient exister, en fait, c'est au travers du regard de l'autre. Et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on vient se différencier ou venir chercher à appartenir à un groupe social. en venant s'habiller d'une certaine façon, en venant se tatouer, en venant se comporter d'une certaine façon. Tout, ça va être nos gestes, nos mimiques, tout vient parler de quelque chose de nous.
- #Margaux
Et effectivement,
- #Margaux Laulan
il y a plein de notions qui viennent. Alors, je pose vraiment les bases. de tout ce qui est venu me questionner en fait tout au long de ma carrière, que ce soit comme éduc-spé ou comme coach de vie, et puis dans nos rapports humains en règle générale, mais je pose les bases là un peu de mes questionnements. Mais on a aussi ce gros versant sociétal au travers des médias, avec le corps. qui est mis en valeur, qui est photoshopé parfois, et donc le moment où on commence à se comparer aussi, à se sentir peut-être plus dévalorisé, où le corps, finalement, quelque part, objet de désir, et notamment pareil dans... ce qu'on peut retrouver dans les relations telles qu'elles sont aussi aujourd'hui, avec par exemple l'émergence des réseaux type Tinder, Mythique, tous les réseaux de rencontres où finalement on se juge sur une première image très rapidement. Et donc en fait très vite, on n'est plus que sur ce qui est de l'ordre du visuel et donc du corps. Donc avec cette injonction qui revient de devoir être beau, de devoir bien présenter, de devoir être en bonne santé, en tout cas dans un certain type de normes, puisqu'on sait très bien que la beauté c'est très subjectif.
- # Enora
Oui, et en fonction des sociétés, des modes, être beau c'est d'une certaine manière ou d'une autre.
- #Margaux Laulan
Clairement.
- # Enora
Comme par exemple la... La dé... Actuellement ce serait d'être bronzée et il fut une époque c'était d'avoir la peau très très très blanche
- #Margaux Laulan
Oui, ou par exemple, moi j'ai beaucoup travaillé avec des femmes nigerianes. Les femmes nigerianes, être belle et être en bonne santé, c'est justement avoir des formes. Une femme mince, c'est une femme qui est en mauvaise santé, qui est sous-alimentée, ou qui a un problème d'une certaine manière. Alors qu'ici, dès qu'on commence à avoir des formes, en tout cas en Europe, c'est vrai que dès qu'on commence à avoir des formes, c'est l'inverse. C'est que... on mange trop ou qu'on ne fait pas assez de sport ou qu'on n'est pas en bonne santé. Voilà, tout ça, c'est des normes culturelles. Alors, heureusement qu'ils sont en train d'évoluer et d'être en tout cas plus ouvertes. Enfin, voilà, on sent que la société a laissé de se mettre en mouvement là-dessus parce que de plus en plus, ça vient mettre en souffrance, en fait. Ça vient mettre en souffrance de nombreuses personnes de ne pas rentrer dans un modèle normatif. Donc on sent que la société commence à essayer d'évoluer et d'ouvrir cette notion de norme. Néanmoins, on a encore ça qui est très ancré, même dans nos inconscients. Et donc ça conditionne aussi nos façons de se regarder et d'être regardé par l'autre. Et en fait, dans mon parcours, c'est vrai que j'ai beaucoup travaillé avec des personnes victimes de violences. Alors, victimes de violences au sens large, voilà, les violences conjugales, violences de la prostitution, violences de la traite des êtres humains, violences de la drogue, de la rue, de la précarité, voilà, violences au sens large. Mais c'est vrai que je me suis vraiment rendue compte qu'en fait, ces violences viennent nous impacter. qu'elles soient physiques, psychologiques, verbales, sexuelles, en fait, elles ont une incidence de fait sur nous et sur notre corps. Puisque, en fait, je suis un corps. Alors, je n'ai pas que un corps, j'ai aussi un esprit, mais je suis un corps. Mon corps et mon esprit sont intimement liés. C'est comme, bon, je ne vais pas très bien en ce moment, j'ai le moral. Enfin voilà, je suis très préoccupée, je suis très stressée, etc. Bon ben mon corps peut somatiser, je vais tomber malade. Les deux sont vraiment directement interconnectés. Et effectivement, toutes ces violences impactent énormément le corps en créant des insécurités, des troubles du sommeil, de l'alimentation, du rejet de l'auto-jugement. Enfin voilà, ça va venir de toute façon impacter notre corps. Et donc, c'est comment, en ayant vécu des violences, on peut se reconstruire. Et donc, avec toute cette question aussi de, moi, en tant que professionnelle, comment je peux accompagner des personnes qui ont vécu des violences, qui se sentent complètement enfermées dans les normes, ou qui se sentent en souffrance dans leur corps, ou qui se sentent... très à l'inverse coupés de leur corps de leurs sensations comment je peux les accompagner à se réunifier d'une certaine manière est-ce que c'est toujours clair jusqu'ici ?
- # Enora
oui et comment est-ce que tu les accompagnes à se réunifier justement ?
- #Margaux Laulan
alors En fait, je crois que le plus important, en tout cas dans mes accompagnements, je travaille toujours de cette manière, je repose les bases en premier avec les personnes que j'accompagne. Qu'est-ce que c'est que reposer les bases ? Reposer les bases, c'est vraiment pouvoir dire ok qui est en tout cas accompagner la personne à pouvoir prendre conscience de qui elle est. Bon ben c'est qui je suis en règle générale, je suis un individu déjà avec des valeurs, des valeurs qui sont les miennes, donc dans la vie par exemple on a un tas de valeurs, on a des valeurs qu'on appelle un peu plus fluctuantes, mais on a aussi des valeurs socles. En moyenne, on en a 3-4 qui sont vraiment des valeurs-socle qui nous construisent de notre naissance à notre mort, où vraiment c'est les valeurs sur lesquelles, c'est les endroits où quand quelqu'un vient taper dessus, ça fait mal, on se met en colère, vraiment ça nous met hors de nous. Celles-ci, elles sont intouchables. Et donc déjà de prendre conscience de ce qui me compose dans mes valeurs, de pouvoir comprendre qu'il y a des endroits où en fait c'est non négociable quelque part pour moi, ça vient trop toucher à des choses profondément ancrées, pour que je puisse faire des compromis sur ces sujets-là. De comprendre du coup ce qui est finalement mon moteur de vie, ce qui va m'animer, c'est ce qui fait aussi qu'on choisit de faire tel métier ou tel métier. C'est ce qui fait qu'on va devenir amie avec telle personne et se sentir à l'inverse très mal à l'aise avec celle-ci. Ce qui fait qu'on va se sentir peut-être très mal à l'aise à un repas de famille avec tel membre de la famille et puis très à l'aise avec tel autre membre. C'est vraiment ce qui vient me constituer en tant qu'individu dans ma singularité aussi. Donc déjà devenir amie. prendre conscience de ces valeurs qui sont mes fondations. Et puis après, de venir prendre conscience aussi de tout ce qui me compose, de mes qualités, de mes compétences, de mes forces, parce que tout ça, c'est ce qui va me permettre de pouvoir ensuite aller voir quels sont mes besoins et mes désirs. Et une fois que j'ai pu définir mes besoins et mes désirs, je peux aussi poser mes limites parce que je sais les endroits où là ça vient trop à l'inverse de qui je suis, de ce que je veux et apprendre à poser ses limites c'est quelque chose qui n'est pas simple,
- # Enora
pardon tu allais dire quelque chose j'allais questionner apprendre à positionner ses limites Je pense, par exemple, tu as donné l'exemple de la violence conjugale. C'est un domaine que je connais mieux. Dans la prostitution, je connais beaucoup moins. J'ai pu voir un documentaire que tu m'as conseillé. Je n'ai plus le nom. Tu te rappelles ?
- #Margaux Laulan
Joy, sur la traite des êtres humains. Joy,
- # Enora
voilà. Comment tu peux te connecter à tes valeurs dans ces moments-là ? Mais peut-être que c'est des propres projections. Donc justement, j'aimerais bien avoir ton retour de comment on peut, quand on est, donc pour expliquer pour les personnes extérieures, Joy, c'est des personnes qui ont en gros, qui ont pu quitter leur pays d'Afrique, je ne sais plus quel.
- #Margaux Laulan
Nigeria.
- # Enora
Nigeria, elles arrivent en France, mais pour payer leur dette d'avoir fait le voyage depuis Nigeria jusqu'à la France. France ? Non, c'était pas la France. Allemagne ou je sais plus, pays d'Europe ?
- #Margaux Laulan
Oui, pays d'Europe, parce qu'en fait, la traite nigériane, elle se fait dans plusieurs pays d'Europe et c'est à peu près la même situation, oui.
- # Enora
Et donc, pour payer ce voyage-là, elles doivent se prostituer jusqu'à récolter une certaine somme d'argent. Et donc, dans ces conditions-là, où finalement, elles n'ont pas leur mot à dire dans leurs conditions de vie et tout ça, comment tu peux te connecter à tes valeurs, à les droits que tu as envie de faire valoir ou quoi que ce soit ?
- #Margaux Laulan
En fait, par exemple, typique dans ce genre de situation, c'est des personnes qui ont vécu des très grosses violences et... qu'on a maintenues dans un climat de peur. Et donc, on les maintient dans un climat de peur en leur expliquant qu'en fait, on leur... Alors déjà, la personne souvent se positionne dans un truc de sauveur. En fait, je te permets de quitter ton pays, de reconstruire une vie différente. Donc, tu m'es redevable de ça. Mais en plus, il y a toute une partie magie qui est utilisée avec des rituels vaudous qui sont utilisés et qui permettent de créer un lien entre les deux personnes et qui fait que la femme qui est donc victime de ce système est liée quelque part, ou en tout cas se sent liée.
- # Enora
Quand tu dis elle est liée Tu entends quoi par là, pour être sûre qu'on comprenne bien ?
- #Margaux Laulan
Le rituel consiste vraiment à pouvoir justement prendre des poils de la personne, du sang de règle, des bouts d'ongles, des parties du corps de la personne, de la femme qui est victime de cette situation, et avec de constituer une petite... une petite effigie qui permet en fait de les lier symboliquement. Et donc, tant qu'elle n'a pas payé sa dette, elle est engagée auprès de cette personne. Le truc, c'est que, par exemple, de base, en fait, ça a été détourné, si tu veux. Et de base, ce type de rituel est utilisé pour de toutes autres raisons. À la base, ce genre de rituel, c'était justement des rituels où tu t'engageais à protéger la personne. aucune sorte de protection, en fait. C'est de la mise en danger et c'est de l'exploitation. Donc, dès cet instant, en fait, les termes de l'accord sont caducs. Et donc, il y a Oba, qui est le président nigérien qui était là-bas à l'époque, qui a pu ensuite refaire ce qu'on appelle le Oba Speech et qui a pu notamment dire qu'effectivement, ce n'était pas valable. Après, il y a toute une partie d'inconscient qui reste hyper forte avec, si tu veux, le problème c'est qu'on se base sur des rituels qui sont connus des femmes depuis des milliers d'années. Et donc, par exemple, quand il leur arrive quelque chose, si elles tombent malades au moment où elles commencent à se dire là j'aimerais m'émanciper, j'aimerais en parler, j'aimerais retrouver ma liberté Si elles tombent malades, elles vont se dire, bon bah là c'est un avertissement en fait, le joujou va me rattraper et donc je ne peux pas parler. Ou si elles ont envie d'avoir, pardon, le joujou c'est le nom du rituel.
- # Enora
J'avais même pas entendu, c'était ça que je voulais te faire répéter,le joujou ?
- #Margaux Laulan
Ouais, et donc le joujou va me rattraper ou... Il y a aussi, par exemple, des femmes qui m'ont déjà raconté qu'en fait, elles ont fait des fausses couches au moment où elles devaient... Enfin voilà, elles étaient enceintes, elles avaient un désir d'enfant qui était présent. Et tout d'un coup, elles faisaient une fausse couche. Et elles se rappelaient que le mec ou la nana leur avait dit tu ne pourras pas avoir d'enfant si tu ne m'as pas payé la dette Et du coup, il y a tout ça qui vient les rattraper, où elles se disent du coup, je ne peux pas en parler Et c'est là où on revient sur ta question de départ, de comment on peut faire pour se recentrer sur ses valeurs, est-ce que c'est suffisant ? En fait, on vient jouer, peu importe le procès, que ce soit dans les violences conjugales ou dans les violences de la traite des êtres humains, de la prostitution, on vient fragiliser la personne. dans son identité, dans son estime d'elle-même.
- #Margaux
Et si tu veux, tout ce travail de reposer les bases, d'aller voir ses valeurs, d'aller prendre conscience de ses qualités, de ses forces, de ses compétences, tout ça, c'est un travail qui vient renforcer l'estime de soi, qui vient renarcissiser. Et tant qu'on n'est pas passé par cette étape-là, de toute façon, le reste... est trop compliqué parce qu'on ne se sent pas suffisamment solide pour affronter le reste. Et donc c'est toutes ces petites pierres qui vont permettre de construire le chemin. Et donc effectivement, dans les bases, c'est déjà de se rencontrer, de prendre le temps de se rencontrer, d'instaurer un climat de confiance. Et donc comment on instaure un climat de confiance ? Déjà en étant dans l'échange. en étant dans le non-jugement, clairement. On parlait aussi tout à l'heure de comment on regarde l'autre, comment on se construit au travers du regard de l'autre. C'est rien que dans la façon de regarder l'autre, dans le regard qu'on porte sur lui et dans ce qu'il voit, de comment on le regarde, de comment on lui parle. Déjà, ça vient jouer sur la considération et donc ça vient jouer sur comment on se sent être une personne unique. qui peut être entendue et qui peut être soutenue. Moi, parfois, j'ai eu des récits de vie qui étaient juste terribles. Et une fois, ça m'est arrivé de me mettre à pleurer avec une femme. Mais vraiment, je pense que ça n'a même pas d'intérêt de raconter tellement c'était atrocité sur atrocité, avec un parcours de fuite des pays. sa fille qui est morte sur le trajet. C'était vraiment très dur. J'ai pleuré avec cette femme. Après, je me suis beaucoup questionnée en me disant que ce n'était pas facile. C'était la première fois que ça m'arrivait de pleurer pendant un accompagnement. Après, je me suis beaucoup remise en question en me disant Et en même temps, est-ce que je n'ai pas été trop affectée ? Est-ce que je vais être en capacité de l'accompagner, du coup, cette femme ? Et puis en fait, après, j'en parlais, en tant qu'éducspé, j'avais, en tant que coach aussi, j'ai de l'analyse des pratiques. Et j'en ai parlé ensuite en analyse des pratiques. Et le psychologue qui nous accompagnait à l'époque en analyse des pratiques, il m'a dit, mais en fait, tout ce qu'elle t'a décrit... c'est de l'ordre de l'atrocité et c'est de l'ordre de l'intolérable. Que tu lui aies montré que même pour toi c'était intolérable, que c'était de l'ordre de l'insupportable, en fait ça remet de l'humain à l'endroit où il n'y en avait plus.
- # Enora
Totalement.
- #Margaux Laulan
Et donc, c'est comment on accueille l'autre dans qui il est pleinement. Et finalement, j'ai envie de dire avec amour inconditionnel.
- # Enora
Oui, et j'imagine, je ne sais pas quel est ton point de vue, toi, justement quel regard on va porter sur la personne. Ce n'est pas non plus un regard infantilisant, ma pauvre. J'imagine que ce regard n'est pas mieux non plus.
- #Margaux Laulan
Je pense que c'est important parfois de pouvoir poser des mots. Et donc, notamment dans les violences conjugales, je trouve que c'est important de pouvoir poser que la personne est victime, qu'elle a été victime, qu'elle n'est pas coupable de cette situation. Dans la traite des êtres humains, c'est pareil, c'est quelque chose qui est hyper important. pouvoir poser que la personne n'est pas responsable de la situation. Néanmoins, je ne suis pas sûre que dire Oh ma pauvre, ça n'a pas dû être facile quand même soit forcément toujours bénéfique. Ça peut parfois dire... Enfin voilà, je pense que c'est toujours important aussi de reconnaître la souffrance des gens. Mais... De ne pas les mettre dans une situation où les choses ne vont pas changer. Parce qu'en fait, tout peut bouger. Il n'y a rien qui est figé dans la vie. Et du coup, il y a ce moment T où la personne a été dans une situation dont elle ne voulait pas, dont elle ne voulait plus. Il y a ce moment où elle décide de changer des choses. Et il y a ce qui va venir après. Et c'est un chemin. Je veux dire, ce n'est pas toujours tout simple. mais en tout cas il n'y a rien qui est jamais figé et de rester sur un homme à pauvre c'est vraiment pas facile ça va pas forcément faire avancer le schmilblick donc reconnaître évidemment prendre le temps de reconnaître toutes les émotions aussi qui émergent pour nous, pour la personne évidemment que c'est hyper important mais de pas rester juste là dessus quoi C'est en fait prendre ce temps quelque part d'accueillir... Par exemple, j'ai une femme que j'accompagnais, qui était en prostitution depuis des années, et qui disait clairement que sa situation telle qu'elle lui convenait bien. L'association dans laquelle je travaillais avait un... un positionnement abolitionniste. Dans la prostitution, en France, il y a deux positionnements et deux types d'associations. Il y a des associations qui sont abolitionnistes et d'autres qui sont réglementaristes.
Quelle est la différence ?
Une association qui est réglementariste, c'est une association qui a envie de réglementer la prostitution, donc que ça puisse être reconnu et que du coup, les personnes puissent être reconnues. Protégée aussi avec une sécurité sociale, avec un statut, et donc qu'elle puisse être reconnue comme travailleuse du sexe, ayant fait un choix indépendante.
et l'association dans laquelle je travaillais était plutôt sur un positionnement abolitionniste. Donc considérer que la prostitution et la traite des êtres humains sont des violences et que de fait, en étant des violences, elles ont un impact sur la personne et qu'il est important de pouvoir accompagner la personne dans tous les impacts que cette violence peut avoir sur elle. Et donc cette femme, elle avait vraiment envie d'être reconnue travailleuse du sexe, ça faisait des années qu'elle était en prostitution, et vraiment elle disait moi ça me convient très bien comme ça Et donc je l'accompagnais principalement sur ses démarches administratives, et puis avoir un espace de parole. Et puis un jour sort un nouveau site, et du coup elle vient me questionner sur ce site, pour me demander légalement, fiscalement, etc., à quoi elle serait soumise si elle se... s'inscrivait sur ce site pour travailler. Et puis en parallèle, on parlait de la question du soin avec elle. Et il s'avérait que pendant cette période-là, elle avait pas mal de soucis de santé, notamment des règles hémorragiques. Et donc ce jour-là, je lui ai dit, donc je m'étais renseignée un petit peu, et puis je me retrouve avec toutes les infos qu'elle m'a demandées. Et puis donc on parle à la fois de sa santé, mais à la fois aussi de ce nouveau site sur lequel elle veut s'inscrire. Et je lui ai dit, bon... Quand même, je tiens à vous dire, là, je vois qu'au niveau santé, vous avez pas mal de soucis et qu'en ce moment, du coup, c'est compliqué pour vous de vous prostituer. En parallèle, vous me parlez d'un site où on ne passe que par visio, donc où vous n'êtes plus du tout en contact physique avec des personnes. Du coup, j'aimerais savoir comment vous vous sentez en ce moment. dans la prostitution, comment ça se passe pour vous ? Et elle m'a dit Mais en fait, je ne peux pas penser à ça, parce que si je pense à ça, là, je n'ai plus de statut. Enfin, aujourd'hui, c'est le seul truc qui me permet de vivre. Et aujourd'hui, en France, en fait, je n'ai pas de statut administratif. Donc, je n'aurai pas de ressources, je n'ai pas de formation, je n'ai pas de diplôme qui vont me permettre de pouvoir travailler. Donc, en fait, je ne peux pas m'autoriser à admettre qu'en ce moment, la prostitution, c'est compliqué. Donc si tu veux, juste rien que dans le cheminement qu'on avait fait avant sur la mise en confiance, tout ce moment où on avait partagé plein de choses et où on avait parlé un peu de tout, de rien, ça avait permis qu'elle se sente suffisamment à l'aise pour un jour dire, ben en fait, ouais là c'est compliqué. Et du coup ça nous a permis d'embrayer sur autre chose. Mais effectivement c'est pas de lui dire, ben ma pauvre, c'est de lui dire, ok, bon ben de quoi vous avez envie ? là tout est possible, de quoi vous avez envie bon bah allons-y on va y aller par étapes et puis on va construire quelque chose en fait c'est aussi considérer quelque part en tant que professionnel on ne sait rien et je crois que c'est hyper important de se souvenir qu'on ne sait rien on ne sait pas à la place de la personne et donc c'est toujours de poser des questions, il n'y a personne d'autre que la personne elle-même qui va pouvoir savoir ce qui est le mieux pour elle. Toi et moi, on va avoir exactement la même situation avec nos filtres, avec notre éducation, avec nos croyances, avec nos valeurs, avec tout ce qui fait de nous un individu. On ne va pas du tout interpréter exactement la même situation de la même façon et on ne va pas réagir de la même façon.
- # Enora
Oui, totalement. J'appelle ça ma carte du monde. Moi, j'ai ma... ma carte du monde, tu as ta carte du monde. On voit chacun les choses d'une façon différente.
- #Margaux
J'aime bien la carte du monde. Mais clairement. Et donc, c'est, je pense, en tout cas, la plus grande clé pour accompagner. Je crois que c'est ce souvenir qu'on ne sait rien et que le plus important, c'est d'accompagner la personne à trouver ses réponses. Et donc après, c'est comment on l'accompagne à trouver ses réponses. C'est en tout cas en créant, je pense, un espace qui soit bienveillant et sécure, dans lequel la personne, elle peut sentir qu'il n'y a pas de tabou, qu'il n'y a pas de jugement. Parce que c'est pareil, là on parle prostitution, sexualité, rapport au corps. C'est des sujets qui sont hyper tabous en réalité.
- # Enora
Totalement.
- #Margaux
C'est des sujets qui sont hyper tabous. et dans, je pense, presque toutes les cultures, en fait. Ça reste de l'ordre de ce qu'on appelle l'intime, mais avec pour autant, en tout cas dans nos sociétés européennes, avec de plus en plus cette injonction au plaisir aussi. Si tu ne prends pas plaisir, c'est que tu n'es pas normale. Et en fait, ça devient hyper compliqué parce que comment prendre plaisir quand on n'arrive pas à être dans notre corps, qu'on n'arrive pas à aimer notre corps et à l'accepter ? C'est aussi tout ce process de pouvoir prendre le temps de s'accepter, de s'aimer pour pouvoir ensuite s'ouvrir au monde. plus facilement.
- # Enora
Tout à l'heure, tu parlais, tu as dit quelque chose que j'avais envie de questionner, sauf que je ne sais plus exactement comment tu disais les choses. En tout cas, je vais le formuler à ma manière. une personne je reviens sur le sujet spécifique de la prostitution et de la prostitution imposée pour rembourser une dette par exemple et bien j'ai tendance à imaginer que le rapport au corps est compliqué mais ce n'est que ma projection et Ce que je voyais dans ce documentaire, ce film documentaire, c'est que ces femmes avaient des moments où elles pouvaient danser, garder le sourire, s'amuser. Je crois que c'est quelque chose que tu me disais qui était une de leurs forces, que c'était quelque chose de régulier que ça se passe comme ça. Et donc, j'ai envie de t'interroger, quel est le rapport au corps ? quel rapport à leur corps elles peuvent avoir je sais que c'est des généralités bien évidemment aussi et que c'est indépendamment de chacune mais est-ce que tu as en tout cas un regard là-dessus je ne sais pas si c'est clair non plus ce que j'ai voulu dire ouais
- #Margaux
ouais bien sûr c'est clair après je pense que j'aurais pas de réponse précise dans le sens où effectivement chaque personne est différente Après, c'est vrai que le rapport à la sexualité n'est pas simple pour ces femmes, pour plein de raisons. Déjà, il y en a... Moi, j'ai principalement, pour remettre le contexte, j'ai principalement travaillé avec des femmes nigérianes victimes de traite des êtres humains. Et au Nigeria, l'excision se pratique encore beaucoup.
- # Enora
La victime de traite des êtres humains, pour être sûre que tout le monde sache bien ce que c'est, tu as déjà utilisé ce terme plusieurs fois, qu'est-ce que c'est ?
- #Margaux
C'est des femmes qui sont victimes d'exploitation, là en l'occurrence à des fins d'exploitation sexuelle. Donc c'est des femmes, là vraiment sur ce public dont je parle. c'est des femmes qui quittent le Nigeria, qui ont promis qu'elles vont pouvoir venir en Europe, changer leur vie, changer leur situation, contre la somme de, par exemple, 20 000. Sauf qu'il s'avère que 20 000 dans la monnaie nigériane, c'est rien, et qu'elles ne se rendent pas compte que 20 000 euros, pour le coup, parce qu'en fait c'est 20 000 euros qu'on leur dit de rembourser, que 20 000 euros, pour le coup, c'est des sommes énormes. Donc quand elles arrivent en Europe, elles se retrouvent finalement à devoir se prostituer de force, en n'ayant pas eu cette donnée en amont qu'elles allaient devoir se prostituer, et en se retrouvant à rembourser des sommes qui sont astronomiques, parce qu'elles ne se rendaient pas compte qu'on ne parlait pas de la monnaie locale, mais d'euros. Avec en plus cette possibilité entre deux, enfin moi j'ai beaucoup de femmes qui m'ont raconté qu'en plus elles devaient payer leur logement, leur nourriture, et que tout ça, c'était ajouté à la dette. C'est-à-dire que tu as le proxénète qui, par exemple, souvent, ils sont dans des lieux type squat, donc ils ne sont pas payés, dans lesquels ils mettent toutes les femmes ensemble. Et donc, elles doivent payer une participation sur ce logement, sur la nourriture. Et donc, c'est des dettes qui sont interminables, en fait. C'est des dettes qui sont interminables à rembourser. Et donc, ça répond à ta question ?
- # Enora
Oui, à la deuxième, ce qui a fait une aparté, excuse-moi.
- #Margaux
Non, non, je t'en prie. Et donc, pour revenir sur la première,
- # Enora
le fait qu'elle puisse garder le sourire, qu'elle puisse passer des temps de fête et tout ça, et... En parallèle, en sachant qu'elles vivent tout ce qu'elles vivent, ma question c'est quel est leur rapport au corps qui fait qu'elles puissent garder cette énergie-là ?
- #Margaux
Alors effectivement, ce que je disais sur le rapport à la sexualité, c'est vraiment compliqué parce qu'en fait, déjà effectivement l'excision a toujours lieu au Nigeria et donc nombreuses d'entre elles sont excisées. Donc déjà dans le rapport au plaisir, en fait il y en a énormément d'entre elles qui n'ont jamais pris de plaisir, et même au-delà de n'avoir pas pris de plaisir, qui ont mal en fait à chaque rapport sexuel. Donc effectivement le rapport à la sexualité est très compliqué. Et ça, c'est un vrai travail de fond qui se fait au fur et à mesure. Aujourd'hui, on a aussi cette possibilité en France de pouvoir accéder à des reconstructions suite à des excisions. Donc, c'est aussi des choses qu'on peut travailler sur un plus ou moins long terme, mais qui se font sur vraiment un plus ou moins long terme, même un plus long terme que moins. Parce qu'en fait, ça vient toucher encore à des sujets qui sont tellement tabous. aussi dans leur culture, c'est-à-dire qu'une femme qui prend plaisir, c'est aussi dans l'imaginaire une femme qui potentiellement va pouvoir être une salope ou qui va potentiellement pouvoir être une femme qui trompe son mari. Enfin, voilà, il y a toute cette représentation de la femme impure un peu quelque part dans la femme qui prend plaisir, culturellement en tout cas. Donc sur le versant de la sexualité c'est très compliqué, par contre sur le rapport au corps elles ont vraiment ce truc assez magique où nombreuses d'entre elles, et vraiment il y en a une qui m'a dit une fois cette phrase que je garde vraiment en tête, elle m'a dit vraiment Dieu nous a créés vraiment à son image. Donc en fait peu importe le corps que tu as, il est parfait. Alors il t'a vraiment créé à la perfection. Donc ton corps est magnifique. Et je trouve ça beau de se dire, en fait, peu importe le type de corps que tu as, tu es créé juste à la perfection. Et après, qu'on mette le mot Dieu ou pas, en fait, juste on est né avec ce corps. Et donc, pourquoi on ne l'accepte pas ? Qu'est-ce qui fait qu'on n'arrive pas juste à se dire, eh bien mon corps, en fait, il est juste parfait tel qu'il est. Et elles, elles ont vraiment ce truc-là. Et c'est clair qu'elles ont une joie de vivre, une soif de vie, en fait, qui est dingue. Enfin, moi, je vois... Je voyais quand elles étaient... Alors, j'ai vu pas mal de ces femmes s'émanciper aussi au fur et à mesure de leur parcours. Mais j'en ai vu qui étaient encore vraiment à fond d'exploitation. qui rentraient chez elles après nos rendez-vous dans des conditions vraiment nulles, vraiment dramatiques en fait, mais qui avaient des forces de caractère, qui se marraient, qui dansaient, et qui avaient vraiment cette soif de vie de fou. Et je trouve que c'est beau, et que ça donne envie en tout cas de prendre exemple aussi sur comment même en fait... quand notre situation est hyper dure, hyper compliquée, comment finalement on peut toujours trouver des petits moments de plaisir aussi au milieu de ça, et des petits moments de joie. Et en fait, elles avaient vraiment ce talent pour trouver les plus petits moments où elles pouvaient lâcher, et danser, et rire, partager.
- # Enora
Ouais, c'est beau. C'est pas tout le monde qui a cette force-là aussi.
- #Margaux
Non, non, c'est clair que c'est pas évident. Et en même temps... parfois, ça m'est arrivé de poser la question, de leur dire, en tout cas certaines d'entre elles, en France, moi je les accompagnais aussi sur le versant administratif, à pouvoir régulariser leur situation, parce qu'en fait, de fait, tant qu'elles n'ont pas régularisé leur situation, ça limite bien des choses pour elles, et donc... S'émanciper, ça passe aussi par là, en fait. Ça passe aussi par avoir une situation administrative régulière. Et parfois, il y a des très longues périodes pendant lesquelles elles ont une situation administrative irrégulière, et donc avec tout ce que ça impose, parfois pas d'endroit où dormir, et donc dormir à la rue avec parfois des enfants. devoir essayer de trouver des solutions pour se nourrir, aller dans les associations, etc. Et ça m'est arrivé de leur demander, si tu savais que ça avait été si compliqué, est-ce que tu serais venue ? Est-ce que tu serais venue en France ? Ou est-ce que des fois, tu n'as pas envie de rentrer chez toi ? Est-ce que c'est toujours OK pour toi d'être là ? Ça m'est arrivé de poser ces questions-là. Et en fait, il n'y en a pas une. Il y en a zéro. vraiment qui m'a répondu qu'elles aimeraient rentrer ou qu'elles ne seraient pas venues. Zéro. Elles m'ont toutes dit, mais en fait, même la pire des situations ici, elle est mieux que ce que je vivais chez moi. Et ce n'est pas rien. Et bon, là, ça me fait ouvrir sur encore d'autres choses.
- # Enora
Même celles qui étaient dans la prostitution forcées ?
- #Margaux
Oui. Waouh ! Et là, ça me fait ouvrir sur un sujet plus large, mais du coup, ça vient vachement m'impacter quand je me retrouve confrontée à des gens qui me disent en fait, les étrangers ne devraient pas être là etc. Quand tu entends des discours comme ça, de femmes qui ont traversé l'horreur, mais vraiment la plus terrible, avec des viols en masse, quoi, en fait, n'ayons pas peur des mots. et qui te disent je préfère quand même être là plutôt que ce que je vivais au pays tu te dis moi j'ai envie qu'on les accueille ces personnes Donc non, ces forces, elles ont clairement des forces de vie, elles ont traversé l'océan et bien des horreurs pour arriver jusqu'ici. Et c'est clair qu'en fait, elles arrivent à trouver une énergie en elles pour rebondir et saisir de tous les petits moments, pour danser, pour rire, pour juste prendre plaisir à la vie.
- # Enora
Quelle force ! Oui, c'est clair. C'est aussi en ça que je me dis, tu vois, on a dans nos sociétés énormément de... En fait, peu importe la société, mais on a dans chacune de nos sociétés tout un ensemble de normes aussi qui composent nos sociétés. Et en fait, parfois, on ne se rend pas compte... les normes des autres pays, elles sont si différentes. Et je pense qu'on développe vraiment des comportements, de toute façon, on développe des comportements qui nous permettent d'être adaptés dans notre société. Et quand tu vis dans un pays dans lequel c'est pas simple, bon... En fait, c'est comment je développe des comportements qui me permettent de m'adapter à ça et de continuer de vivre. Parce qu'en fait, l'être humain a une soif de vie en règle générale. Je veux dire, quand on se retrouve piégé dans une situation ou une autre, ou qu'on se retrouve en danger, on a des réflexes de vie qui sont énormes. Je veux dire, tu traverses la route, tout d'un coup tu te rends compte qu'en fait il y a un camion qui arrive sur toi, tu n'as même pas eu le temps de penser que tu as déjà réagi. ton instinct de survie l'a pris le dessus. On a vraiment une soif de vie en règle générale et des instincts de survie qui sont quand même hyper développés. et chacun de nous s'adapte en fait dans la société dans laquelle il est, dans les normes dans lesquelles il est. Et après, c'est comment on peut faire pour ne pas nous projeter en tant qu'accompagnant, en tant que thérapeute, en tant que coach. en tant qu'accompagnant, comment on peut éviter de projeter nos propres désirs et nos propres normes aussi dans l'accompagnement de l'autre. Parce qu'en fait, c'est difficile de prévoir. Moi, je n'avais pas imaginé que ces femmes, par exemple, elles allaient avoir une telle force de vie. telle énergie ou même tu vois me dire bah non mais en fait j'aurais pour rien au monde changé ma situation finalement je serais quand même venue même en sachant tout ça je l'aurais pas imaginé et donc j'aurais pu projeter moi mes propres normes mes propres désirs pour elle pour essayer de l'aider et donc c'est bien de se rappeler aussi que en fait chacun de nous en fonction de plein de critères est très différent et que c'est pas parce que je désire très fort quelque chose pour toi que c'est ce que toi tu désires ça en tant que thérapeute je pense que c'est quelque chose dont on doit toujours se rappeler en
- #Margaux
tant que thérapeute, en tant qu'accompagnant je sens qu'on va arriver sur la fin de cet épisode et je me rends compte qu'en fait j'ai bien fait dévier le sujet autour de la traite des êtres humains et la prostitution. Donc, pour expliquer, pour la petite anecdote, en fait, à la base, j'aurais voulu que cet épisode soit sur ce sujet-là. Et Margot avait envie d'aborder de façon plus globale le corps et la société. Et bon, ben, je vois que mon inconscient a pris le dessus et nous a déviés sur ce que je voulais. Est-ce que, pour conclure, il y a quelque chose que... qui te semblent importants à transmettre pour conclure cet épisode ?
- # Enora
En fait, dans tous les cas, tes questions, elles étaient hyper intéressantes parce que du coup, ça ouvrait à la question du corps victime de violences, la question aussi du corps au travers des différentes cultures, au travers des différentes sociétés. En tout cas, s'il y a quelque chose que j'ai envie de redire, dans les choses qui me paraissent hyper importantes, c'est vraiment cette idée de toujours se souvenir que dans l'accompagnement, parce qu'en fait le corps c'est vraiment notre façon de nous construire au monde, c'est un des fondateurs de notre identité. propre, et donc un corps impacté vient impacter notre identité. Et donc dans l'accompagnement qu'on peut proposer, peu importe la casquette qu'on a d'ailleurs, que ce soit thérapeute, coach, sexothérapeute, peu importe la casquette qu'on a, je pense qu'il est vraiment important de se rappeler qu'on n'a pas toutes les réponses et qu'on a toujours... J'aime bien ton idée de carte du monde. On a notre carte du monde qui nous fait voir les choses d'une certaine façon, qui est composée effectivement d'un ensemble de normes, de codes qu'on a intégrés et de valeurs qui sont vraiment le reflet de notre identité propre à nous. Et de bien se souvenir que quand on accompagne, on ne sait pas et que l'important pour accompagner quelqu'un à redevenir acteur de sa vie à reprendre confiance en soi c'est de l'accompagner à trouver ses réponses je crois que vraiment ça dans mes valeurs c'est hyper important c'est comment on peut accompagner la personne à s'émanciper de ce que les autres attendent d'elle en fait en permanence on a du monde autour de nous qui attend des choses de nous que ce soit nos parents, que ce soit nos amis, que ce soit la société, que ce soit même des fois juste des collègues de travail. En fait, on a toujours autour de nous du monde qui attend quelque chose de nous, dans une façon de répondre, de se positionner. Et donc, c'est comment on peut accompagner les personnes à s'émanciper de ça, au moins au travers des accompagnements qu'on leur propose, de pouvoir apprendre à cibler, comprendre et poser leurs réels besoins, désirs, leurs limites, et qu'ils sont vraiment redevenus acteurs de sa vie. Je crois qu'en fait, c'est vraiment ça. C'est vraiment... prendre conscience de qui on est, de ce qu'on souhaite profondément, pour pouvoir ensuite le mettre en action.
- #Margaux
Merci pour ces mots qui sont très beaux, en plus c'est très bien dit.
- # Enora
Merci à toi pour cette occasion d'émission.
- #Margaux
Merci d'être venue, de nous avoir partagé toutes tes... enfin une partie un bout de tes connaissances j'imagine qu'il y en a bien d'autres et avant de se dire au revoir est-ce que tu veux nous partager un petit peu les accompagnements que tu proposes ?
- # Enora
avec plaisir ouais en fait les formats d'accompagnement que je propose c'est des formats d'accompagnement sur 3 mois après qui peuvent évidemment s'adapter plus ou moins en fonction de la personne et de son projet aussi, des objectifs qu'elle a envie d'atteindre. Mais que ce soit, tu vois on en parlait un petit peu au début là quand on a démarré ce podcast, mais que ce soit l'accompagnement pour les globetrotters, globetroteuses ou dans les périodes de tempête. J'ai vraiment cette volonté d'accompagner les personnes à pouvoir s'émanciper des normes et des conditionnements qui les limitent et qui les desservent aujourd'hui plus qu'autre chose. Et du coup de pouvoir accompagner les personnes vraiment à prendre conscience de là où elles en sont aujourd'hui et de ce qu'elles ont envie de construire dans leur vie. Donc l'accompagnement pour les nomades, avec cette idée de mouvement, que ce soit... par l'expatriation, le voyage ou le nomadisme. Et c'est autant en amont quand on a le projet que quand on le vit ou qu'à un retour aussi, quand on décide de devenir plus sédentaire ou de revenir d'une expatriation, parce que pareil, émotionnellement, ça peut remuer bien des choses. Et en parallèle, l'accompagnement, traverser la tempête. il est vraiment pour toutes ces périodes de crise qu'on peut traverser parce que finalement une période de crise c'est un moment où on est invité à venir faire un état des lieux et à se dire ok il y a des choses dans ma vie là qui vont plus aujourd'hui et donc je vais faire cet état des lieux donc c'est prendre le temps de faire cet état des lieux pour ensuite reposer des fondations qui me correspondent plus aujourd'hui alors ça peut être sur le plan pro, sur le plan perso amical, amoureux, familial, enfin peu importe en fait, souvent ces moments de tempête viennent parler d'un endroit où on est plus confortable. Donc c'est l'occasion de reposer des nouvelles bases qui nous correspondent plus et donc de pouvoir s'émanciper des attentes qu'ont les autres pour reconnecter avec les nôtres propres. Ok,
- #Margaux
super. Et où est-ce qu'on peut te retrouver ?
- # Enora
Eh bien, ouais, si tu veux, j'allais te dire, je peux te passer mon Instagram que tu pourras mettre peut-être dans la légende de ce podcast.
- #Margaux
Ok, ça marche tous. Tous les liens seront dans la présentation, dans la description de ce podcast.
- # Enora
Génial.
- #Margaux
Encore merci, Margot, d'avoir pris le temps avec nous. Et puis, je vous dis à tout bientôt pour un prochain épisode. Dites-moi en commentaire ou sur les réseaux sociaux ce qui vous intéresserait pour les prochains épisodes. En attendant, prenez soin de vous et je vous dis à mercredi prochain !