- #Enora Teyssendier
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode. Aujourd'hui, j'ai la joie d'accueillir Marie Lebrun-Cohel qui est kinésithérapeute et on va parler de douleurs pelvipérinéales chroniques. Bonjour Marie.
- #Marie Lebrun Koehl
Bonjour Enora, merci beaucoup pour ton invitation, je suis ravie d'être là.
- #Enora Teyssendier
Merci à toi de venir et de prendre du temps pour nous, pour ce podcast. Donc pour petite introduction, pour préciser un petit peu, on s'était rencontré entre guillemets par échange téléphonique et mail au départ parce que j'étais donc installée en sexo en Charente-Maritime et puis Marie était kiné, donc spécialisée déjà au niveau de la prise en charge autour du périnée. dans une clinique pas trop loin de là où j'étais. Et donc, c'est comme ça qu'on a commencé à échanger.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, absolument.
- #Enora Teyssendier
Il y a quelques années maintenant...
- #Marie Lebrun Koehl
Il y a effectivement quelques années, je t'avais contacté, je cherchais quelqu'un qui puisse prendre en charge une de mes patientes, je crois. Je ne me souviens plus comment j'étais arrivée jusqu'à toi, mais c'est amusant parce que ça remonte à quelques années. Et finalement, même si on se contacte de façon très épisodique, le lien a été maintenu. Je t'avais recontactée à l'époque où j'ai quitté Royan et où je suis venue m'installer sur l'île de Ré parce que je cherchais quelqu'un sur la Rochelle pour une patiente et tu m'avais orientée vers une de tes consœurs.
- #Enora Teyssendier
Ok. Oui, je n'ai pas souvenir de tout. Effectivement, Rochefort, ça date d'il y a à peu près huit ans, je crois.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, je dirais pareil.
- #Enora Teyssendier
Donc, je vais te laisser te présenter un petit peu plus.
- #Marie Lebrun Koehl
Ok, merci. Eh bien, donc, je suis effectivement kiné depuis plusieurs années. Et d'emblée, dès que j'ai fait mon parcours d'étudiante, j'ai été attirée par ce domaine, en fait, qu'on appelait autrefois l'urogynéco et qui maintenant est devenu de façon plus large la périnéologie. et du coup en préparant ce podcast, je me suis un peu interrogée sur ce qui m'avait amenée là, parce qu'au-delà de la périnéologie, il y a un autre domaine aussi vers lequel je me suis orientée, c'est la prise en charge des patientes opérées de cancer du sein, et je crois qu'en fait la santé de la femme m'intéresse. Alors après la périnéologie, c'est… et les douleurs pelviennes, ce n'est pas que la femme. Je traite aussi des hommes, évidemment. Et dans mon propos, parfois, je vais dire les patientes ou les patients, mais c'est les uns ou les autres, parce qu'on traite les deux en douleur également. Mais c'est vrai que la santé de la femme m'a toujours intéressée. Absolument.
- #Enora Teyssendier
Et j'ai souvenir que dans nos échanges, justement, on avait échangé à propos des hommes, notamment.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, c'est possible, parce que Que ce soit en douleur, que ce soit en prise en charge des incontinences, des incontinences urinaires, des pathologies anorectales, je traite aussi des hommes. Alors, dans la partie, on va dire, périnéo, excluant les douleurs, j'ai quand même une prédominance de patientelle féminine. Par contre, dans les douleurs, il y a des hommes et des femmes. Oui, deux façons. Je n'ai pas fait de statistiques, mais de façon à peu près équivalente. Peut-être une petite dominante de femmes, mais il y a des hommes aussi.
- #Enora Teyssendier
Quand tu parles de douleurs, tu parles de douleurs au niveau du périnée ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, je parle de douleurs pelviennes chroniques, qui sont des douleurs qui ne vont pas se situer uniquement au niveau du périnée, mais dans l'ensemble de la sphère pelvienne. ça peut être aussi des douleurs lombaires, lombosacrées, des douleurs fessières, des douleurs périnéales, des douleurs coxygènes, des douleurs au niveau de la symphyse pubienne. En tout cas, ça concerne l'ensemble de la sphère pelvienne.
- #Enora Teyssendier
Ah oui, alors il y a des zones que tu as nommées, je ne m'imaginais pas, je ne pensais pas que c'était dans la sphère pelvienne.
- #Marie Lebrun Koehl
Ah oui,
- #Enora Teyssendier
c'est lombaire.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, les lombaires basses, la zone lombo-sacrée, oui, la charnière lombo-sacrée, elle fait partie du bassin. Oui.
- #Enora Teyssendier
Ok, il y a d'autres choses que tu souhaites préciser dans ta présentation ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, ce que j'aurais aimé préciser en fait, c'est que dans mon parcours après avoir été diplômée, et comme je m'intéressais à ce sujet, j'ai fait pas mal de formations professionnelles qui étaient un peu des formations professionnelles dédiées au kiné. Voilà, j'ai exploré plein de choses et j'ai acquis des compétences un peu spécifiques. Et ensuite, je me suis orientée vers, je pense que ce sera un peu le fil rouge de mon propos, vers des spécialités universitaires. J'ai validé plusieurs diplômes universitaires. Et dans ces formations-là, en fait, on rencontre d'autres professionnels de santé qui s'intéressent au sujet en question. Et ça, ça a vraiment été une première réalité pour moi importante. c'est que La prise en charge en pluridisciplinarité a considérablement enrichi mes compétences, enrichi mon regard et ouvert de nouvelles perspectives sur les prises en charge. Et la deuxième réalité, c'est qu'après avoir exploré des aspects spécifiquement, on va dire, techniques de mes prises en charge, j'ai ensuite… ouvert ma conscience sur le fait qu'il n'y avait pas que ça. Il y avait aussi la nécessité d'avoir des prises en charge qui allaient être beaucoup plus holistiques. Un patient ne se résume pas à sa pathologie, on prend un patient en charge dans sa globalité. Et du coup, j'avais besoin de compétences complémentaires pour ça et donc je me suis formée. à l'hypnose, je me suis formée à l'éducation thérapeutique du patient, j'ai intégré de la PNL, j'ai intégré du yoga. Alors, c'est un peu plus physique, mais pas que. J'ai aussi intégré de la communication non violente. Et tout ça, ça m'a vraiment fait évoluer dans ma prise en charge parce que j'ai compris la nécessité dans la prise en charge de tout patient. assez spécifiquement dans le domaine de la sphère pelvienne où on touche quand même l'intime, on touche le sacré de la nécessité, je vais presque même dire de la primordialité de créer des espaces de sécurité, des espaces d'écoute, de laisser la place à la parole, de recueillir la parole, d'être dans le non-jugement, d'avoir cet espace de liberté c'est de parler. ou non, que tout est OK d'entrouvrir des portes et que le patient sache qu'à un moment, cette porte a été entreouverte et qu'elle peut être ouverte. Et en ça, notre métier de kiné, il a vraiment cet avantage, c'est qu'on voit les patients de façon récurrente. On va les voir une fois par semaine ou deux fois par semaine et du coup... ça permet vraiment d'être dans la dynamique, dans l'énergie, de rebondir d'une séance à l'autre. Si parfois il y a un patient qui commence un propos, mais je sens qu'il ne va pas plus loin, je n'insiste pas, mais si je le sens, la séance d'après, je vais peut-être retendre une perche par rapport à ça. Et ça, ça crée un lien qui est extrêmement précieux.
- #Enora Teyssendier
C'est sûr qu'il y a un certain nombre de personnes qui, pour une question de budget en sexo, vont venir qu'une fois par mois. C'est différent. Et pour moi, je n'ai jamais de toute façon deux fois par semaine. Mais c'est sûr que le travail n'avance pas de la même manière quand c'est une fois par semaine ou ne serait-ce qu'une fois tous les 15 jours qu'une fois par mois.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, oui. Et c'est vrai qu'on a beaucoup de chance. en France, d'avoir l'assurance maladie qui prend en charge ces pathologies-là, en tout cas dans mon domaine de spécificité, qui fait que la question financière n'est pas un frein aux soins, effectivement. C'est très très précieux. Et si je peux rebondir sur mon propos et peut-être... donner un petit, illustrer un peu le propos. C'est quelque chose que j'avais envie de partager. C'est que toute cette bienveillance qu'on va mettre dans la communication, dans le rapport au patient, j'ai vraiment retrouvé ça dans un livre qui m'a été offert l'année dernière, un livre de Martin Winclair qui s'appelle « Le cœur des femmes » . Je ne sais pas si tu connais ce livre.
- #Enora Teyssendier
Cœur CH ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, exactement. Le cœur des femmes comme un cœur de chorale, qui est une œuvre de fiction qui raconte la vie d'un médecin qui prend en charge des patientes en gynéco. Mais c'est extrêmement inspirant pour nos pratiques. C'est un livre qui n'est pas du tout dédié aux professionnels de santé. C'est un livre tout public, mais qui devrait être lu, je trouve, par les professionnels de santé, parce que Ça met aussi le doigt sur parfois les présuppositions qu'on a, les raccourcis qu'on fait. On ne laisse pas les gens parler jusqu'au bout. On est déjà dans nos pensées en disant « Ah ben oui, je sais, elle, elle va me dire ça. Je sais ce qu'elle a. » Et en fait, non, on n'a pas le droit d'avoir ces raccourcis-là. On doit laisser les gens s'exprimer jusqu'au bout parce que tout ce qu'ils nous disent est vraiment important dans les prises en charge.
- #Enora Teyssendier
Je le noterai dans la description, le livre, si les personnes veulent avoir les références.
- #Marie Lebrun Koehl
Et c'est vrai que pour moi, quand je te parle de ces rapports avec les patients, je te parle notamment surtout de ma première séance qui est ma séance de bilan où le climat de confiance va s'installer. et dans cette première séance. Quand on prend en charge la personne dans sa globalité, on parle d'alliances thérapeutiques, on parle aussi de recueillir les attentes. Qu'est-ce que vous attendez ? Qu'est-ce que vous attendez des séances ? On définit des objectifs avec les patients, on définit aussi les moyens qu'on va mettre, on va évaluer ce que les patients sont prêts à investir aussi dans leur prise en charge, parce que l'idée, c'est vraiment de rendre le patient acteur. de sa prise en charge, d'instaurer un cercle vertueux. Et c'est pour ça que je reviens à cette histoire d'alliance thérapeutique. C'est vraiment l'énergie qui tourne. Et ce sont tous les enjeux, en fait, aussi de l'éducation thérapeutique parce que le patient, il est plus dépendant. Alors, évidemment, il a affaire à des professionnels de santé qui sont des accompagnants pour lui, mais il n'est pas uniquement dépendant du professionnel de santé. il est Il est acteur de sa prise en charge. Il sait qu'il va avoir des outils pour, à certains moments, s'il ne voit plus son thérapeute, de commencer à se reprendre en charge tout seul. Et puis, il y a un vrai enjeu aussi, on va dire, de santé publique dans le sens du financement. C'est que si on rend les patients acteurs et autonomes, c'est un cercle plus vertueux du point de vue des dépenses de santé aussi. Ça me semble important de le souligner également.
- #Enora Teyssendier
Moi aussi, j'ai cette vision-là où je transmets aussi des outils qui vont pouvoir remettre en place dans leur vie, même pour gérer au niveau des émotions ou des choses comme ça. Et quand l'accompagnement se finit vraiment par un rendez-vous officiel de fin, J'aime bien faire le point sur tout ce qu'ils ont appris pour qu'ils puissent aussi, par la suite, à un moment donné, se rappeler qu'ils ont ça comme dans leur boîte à outils, on va dire.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui. C'est vrai que c'est une très bonne idée. Je ne le fais pas forcément, mais je trouve ça inspirant de faire un petit bilan à la dernière séance en disant qu'est-ce que vous emmenez avec vous, de quoi vous vous souvenez, qu'est-ce qui a été le plus important pour vous, qu'est-ce qui a été le plus efficace pour vous et que vous vous sentez prêt à remettre en œuvre si besoin.
- #Enora Teyssendier
Le problème, c'est que moi, je n'ai pas toujours des rendez-vous de fin officielle. Je reprendrai rendez-vous plus tard et pas de reprise de rendez-vous.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, je comprends. Pour conclure avec ces aspects-là, je pense que c'est vraisemblablement aussi parce que la sphère pelvienne est un domaine où on touche l'intime. que j'ai eu besoin petit à petit de me former à ces techniques de communication, parce qu'on n'est pas formé vraiment à ça en tant que professionnel de santé, à la communication thérapeutique, au questionnement d'aide. Alors j'imagine que maintenant plus, mais c'est tellement important.
- #Enora Teyssendier
Oui, en tant que kiné, tu veux dire qu'il n'y a pas trop cette formation-là, ou il n'y avait pas trop ?
- #Marie Lebrun Koehl
Alors moi, quand j'ai été formée, pas vraiment. J'espère que les choses ont évolué. Alors j'avais cette discussion, on a parlé en off du congrès où j'étais la semaine dernière à Milan. Et moi j'ai été enseignante pendant quelques années à l'école de kiné de Poitiers. J'ai arrêté en 2018, donc ça fait quelques années que je n'enseigne plus. Mais à Milan, j'ai eu l'occasion de discuter avec une amie et collègue de Paris qui, elle, continue d'enseigner. Et on parlait notamment des abus sexuels, parce que dans les douleurs pelviennes chroniques, il y a quand même un pourcentage de personnes qui ont été abusées dans l'enfance ou à l'adolescence ou plus tard. Et en fait, elle me disait qu'elle essayait d'ouvrir ses étudiants à ça en disant, formez-vous à tout ça parce que le jour où quelqu'un dans votre cabinet va vous déposer, je ne vous ai pas dit, mais dans l'enfance, j'ai été abusée, comment vous accueillez ça ? Il faut que vous soyez prêts à… Il faut y avoir pensé avant, il faut de façon à… avoir une réaction qui va être la plus adéquate possible. Et c'est, oui, oui, je pense que maintenant, les étudiants en profession de santé, c'est plus intégré dans leur cursus, mais sans doute pas de manière suffisante, oui.
- #Enora Teyssendier
Tant mieux que ça commence.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, oui, évidemment. On ne peut pas, si on n'a pas les outils, les outils d'accueil, les bons outils d'accompagnement, on peut... On ne peut pas instaurer ce climat de confiance et de sécurité qui est nécessaire dans ces prises en charge.
- #Enora Teyssendier
Oui, c'est sûr. Est-ce que tu avais fait le tour par rapport à ta vision de l'accompagnement ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, j'ai fait le tour à peu près, oui. Merci.
- #Enora Teyssendier
Est-ce que tu peux nous parler des douleurs pelviennes chroniques ?
- #Marie Lebrun Koehl
Alors, les douleurs pelviennes chroniques, pour revenir un petit peu sur la définition déjà de la douleur chronique, c'est une douleur qui est présente depuis plus de trois mois. C'est une douleur qui est installée et dans la temporalité, à partir de trois mois, on parle de douleur chronique. Après la douleur pelvienne chronique, ce qu'il a défini, c'est sa localisation. C'est sa localisation au niveau du pelvis, du périnée. Et c'est une douleur qui est là présente dans l'absence de pathologies malignes ou de pathologies d'organes. C'est-à-dire qu'on a cette douleur. Ça a été investigué par les médecins compétents au niveau des organes pelviens et on a éliminé la présence d'un cancer ou de pathologies même moins graves qui expliqueraient l'origine de la douleur. Et donc dans les douleurs pelviennes chroniques, on en a parlé il y a quelques minutes, mais ça peut toucher le périnée. bien évidemment, la douleur périnéale et peut-être que mon propos tout à l'heure portera un petit peu plus sur ça mais ça va être aussi des douleurs intravaginales des douleurs du coccyx des douleurs lombosacrées des douleurs de la symphyse pubienne voilà, ça c'est la douleur pelvienne chronique et ce qui la caractérise également C'est que cette douleur chronique au niveau de la sphère pelvienne, elle s'accompagne souvent d'un ou plusieurs troubles associés et à ce moment-là, on parle de facteurs de comorbidité. C'est rare en fait que cette douleur chronique soit isolée et donc dans les facteurs de comorbidité. Pour les plus fréquents, je peux te citer par exemple la fibromyalgie. Je peux te citer le syndrome de l'intestin irritable, les dyspareunies, les cystites interstitielles. Il y a aussi souvent des dysménorrhées et la plupart du temps des syndromes anxio-dépressifs associés.
- #Enora Teyssendier
L'endométriose aussi ?
- #Marie Lebrun Koehl
Voilà, l'endométriose, je mets ça dans les dysménorrhées. effectivement, parce que les dysménorrhées, c'est donc des... des douleurs de règles qui sont de forte intensité, qui sont très invalidantes, qui parfois ont un retentissement sur la vie sociale et professionnelle. Et souvent, effectivement, il y a une problématique de... d'endométriose. Et on a en cabinet de kiné quand même assez fréquemment des patients qui viennent pour des problèmes de douleur liés à l'endométriose. Et est-ce que tu veux que je te parle un petit peu de ces facteurs de comorbidité ? Est-ce que... Oui, est-ce que... Et aussi, il y a aussi souvent, ce qu'on retrouve dans les interrogatoires aussi, des antécédents de migraines, des patients ou des patientes qui sont migraineux. Ça participe à un tableau un petit peu global de patients douloureux, en fait.
- #Enora Teyssendier
Concrètement, quand on parle de douleurs pelviennes chroniques, Concrètement, la personne vient parce qu'elle a une douleur à un endroit. Est-ce que c'est ça ou il y a des choses plus spécifiques ?
- #Marie Lebrun Koehl
Alors, souvent, c'est des patients qui, moi quand je les vois, la douleur pelvienne chronique, elle n'a pas été diagnostiquée en l'espace d'une semaine. C'est souvent des parcours de errance thérapeutique, encore une fois parce que le milieu médical connaît mal. ces problématiques-là. Et puis, la patiente, elle va par exemple arriver en disant, déjà le temps qu'elle en parle à son médecin, j'ai une douleur opérinée, il se passe un peu de temps, le médecin connaît mal, il va renvoyer chez le gynéco. Bref, et souvent... Alors, maintenant, en tout cas, moi, c'est vrai que... Sur le territoire sur lequel je suis implantée, les médecins me connaissent et connaissent ma spécificité d'exercice. Et il arrive maintenant de plus en plus quand même qu'assez rapidement, les médecins généralistes m'adressent les patients. Mais il y a encore quelques années, c'était des patients qui arrivaient plutôt des centres antidouleurs ou en tout cas sur la côte ouest de Nantes. puisque à Nantes, c'est quand même un centre où ils ont été précurseurs dans la recherche sur la douleur pelvienne, la recherche à prise en charge sur la douleur pelvienne chronique. Et donc, quand ils arrivent de centres spécialisés, la douleur, elle a quand même été… Enfin, le diagnostic a été posé de douleur pelvienne chronique, oui. Et c'est… rare pour répondre de façon plus spécifique à ta question, c'est rare qu'il y ait juste un point douloureux. Voilà, les gens vont me dire, effectivement, j'ai mal là, mais quand tu interroges un peu, et sur le plan digestif, vous êtes comment ? Ah ben oui, j'ai des troubles digestifs, et soit ils vont te le dire parce qu'on leur a déjà dit, j'ai un syndrome de l'intestin irritable. soit moi je leur demande est-ce que vous avez des troubles digestifs associés ? Donc le syndrome de l'intestin irritable, si le diagnostic n'a pas été posé, en tout cas ils vont dire oui mais j'ai déjà fait plein d'examens, au niveau des intestins je n'ai rien, mais néanmoins j'ai des troubles du transit, je souffre de constipation, de diarrhée. voire de l'alternance des deux. Et néanmoins, tout ce qui a été investigué sur le plan médical n'a rien montré. Et ça, c'est vraiment un tableau qu'on retrouve très souvent avec la douleur périnéale et qui met en lumière un syndrome de l'intestin irritable. Donc là, moi, je les réoriente pour ça. Il y a aussi souvent des problématiques de douleur de vessie qu'on appelle des cystites interstitielles qui sont qui sont La cystite interstitielle, c'est une pathologie où il y a une douleur de vessie et qui est souvent accompagnée d'un symptôme urinaire. Par exemple, des besoins très fréquents d'aller faire pipi, des besoins urgents d'uriner, la sensation de mal vider sa vessie. Et en fait, ça donne l'impression comme si cette douleur, elle était… irradiante en fait. Elle touche un petit peu tous les organes de proximité.
- #Enora Teyssendier
Donc, c'est des douleurs qui peuvent survenir n'importe quand ?
- #Marie Lebrun Koehl
Alors, c'est des douleurs qui surviennent. Après, il y a des... Et ça, c'est quelque chose qu'on... On définit un peu dans le bilan de leur demander, par exemple, pour te donner un exemple concret, la coxigodinie qui est une douleur du coccyx, c'est une douleur qui va être prédominante en position assise. Le patient, s'il est couché, il aura beaucoup moins mal parce qu'il va soulager la pression, il va soulager les tensions. Mais les gens... évoque les moments de la journée où la douleur est plus importante. Il peut y avoir une temporalité, ils ont moins mal le matin, plus mal le soir. Mais c'est quand même une douleur qui est présente un peu tout le temps, avec des moments où elle est plus importante et des moments où ils sont un peu soulagés.
- #Enora Teyssendier
Et c'est des douleurs... Enfin, voilà, je vais plus dans les détails pour essayer de, moi, me représenter bien aussi ce que c'est. Par exemple, c'est pas une douleur qui va être qu'au moment d'aller à la selle. Ça peut être amplifiée, mais elle sera aussi à d'autres moments.
- #Marie Lebrun Koehl
Absolument, oui, absolument. Et ça, c'est notamment des douleurs qu'on retrouve chez les patientes qui souffrent d'endométriose, parce que du coup... Parfois, les cellules de l'endomètre vont tapisser le rectum et elles évoquent des douleurs permanentes au niveau postérieur, du périnée postérieur, voire du canal anal ou du rectum. La sensation d'avoir dans le rectum un corps étranger, c'est vraiment... elles vont être majorées, à des moments, elles vont être minorées, mais c'est quand même quelque chose, cette douleur chronique de l'ensinant, vraiment d'extrêmement handicapant, d'extrêmement invalidant et d'extrêmement fatigant pour les patients et les patientes. Oui,
- #Enora Teyssendier
du coup, si je fais le lien avec ma pratique par rapport à la sexo, il y a la dyspareunie, ça va être une douleur qui est... uniquement à la pénétration. Par contre, on va parler de chronique, par exemple, pour une vulvodynie qui est une douleur au niveau de la vulve et qui peut apparaître n'importe quand. Une douleur souvent lancinante aussi.
- #Marie Lebrun Koehl
En fait, dans les vulvodynies, tu as à peu près, de façon schématique, tu as deux types. Tu as la vulvodynie qui est spontanée, qui va être une... Une douleur de la vulve, mais qui va rentrer dans un tableau, par exemple le modèle de la névralgie pudendale. Il y a donc une irritation du nerf pudendal, et qui va irradier sur son territoire, notamment périnée et vulve. Et dans ce cas-là, ça va être une douleur qui va être un peu permanente. Et sinon, en fait, tu as la vulvodynie… provoqué qui va être plus une douleur au contact s'il n'y a rien qui touche ça va ça va à peu près et c'est vraiment c'est vraiment le contact sur la zone de la vulve qui va exacerber exacerber cette cette douleur et je fais aussi une différence avec le vaginisme qui là le vaginisme n'est pas douloureux en fait le vaginisme c'est Merci. une hyper contraction des muscles et de la paroi vaginale qui empêche la pénétration. Et typiquement, dans le vaginisme, le rapport sexuel est désiré, mais il est impossible parce que les muscles sont trop contractés, alors que dans la vulvodynie, le rapport sexuel est possible, mais il est hyper douloureux. Et en fait, la vulvodynie provoquée, celle qui n'est pas du tableau de la névralgie bunindale, mais celle qui est liée à la douleur de contact, on l'appelle plutôt vestibulo-vulvodynie, en tout cas moi, dans ma sémantique.
- #Enora Teyssendier
Pour moi, la vestibulo-vulvogini, c'est qu'elle implique aussi le vestibule. Oui,
- #Marie Lebrun Koehl
oui. Mais parce que c'est aussi là qu'il y a de la douleur.
- #Enora Teyssendier
Et quand on parle de contact, en fait, il faudrait vivre à poil ?
- #Marie Lebrun Koehl
Après, ça dépend, on va dire, du niveau de l'intensité douloureuse. et
- #Enora Teyssendier
Ce qu'il y a, c'est que dans ces tableaux de douleurs pelviennes chroniques, quels qu'ils soient, on en arrive à une douleur qui devient dysfonctionnelle. C'est-à-dire qu'à force d'être exposé à la douleur, on fausse nos seuils de sensibilité. C'est un petit peu comme si on déplaçait notre curseur. Et c'est souvent ce que j'explique aux gens. Je leur dis, vous voyez, vous, vous êtes dans un contexte d'exposition permanente à la douleur. Votre curseur s'est faussé. Si je vous donne une petite tape sur la main ou… et que je me mets à moi la table de même intensité, alors que moi, je ne suis pas en permanence exposée à la douleur, vous, vous allez la ressentir beaucoup plus à intensité égale. Donc, ça dépend aussi de combien on a faussé son curseur, si je peux dire. Et c'est tout l'intérêt de prendre en charge ces douleurs chroniques le plus tôt possible, parce que Plus les gens ont été exposés longtemps à la douleur, plus on déplace le curseur et on rentre dans un contexte d'hypersensibilisation pelvienne où il y a tout qui finit par devenir douloureux. Et c'est vrai que dans ces prises en charge, qui sont quand même complexes, parce que c'est vrai que quand on creuse, les gens viennent parce qu'ils ont mal au périnée ou qu'il y a des douleurs au rapport, mais quand tu creuses, ils ont aussi un syndrome d'intestin irritable, il y a aussi une douleur de vessie, ils sont aussi forcément dans un contexte… anxieux, dans un syndrome dépressif. Et ce sont donc des cas qui sont complexes, sans que ce soit péjoratif pour le patient. Et du coup, heureusement qu'on a cette pluridisciplinarité pour prendre en charge les patients à plusieurs. Tout seul, on ne peut pas s'en sortir. Et c'est vrai que dans ce domaine-là, souvent le médecin généraliste, il est un petit peu le coordinateur, mais évidemment, les patients, les patientes sont suivies par un gynéco. On peut aussi solliciter une consultation auprès de l'urologue, le gastro, l'algologue aussi.
- #Marie Lebrun Koehl
Algologue ?
- #Enora Teyssendier
Algologue, c'est un médecin spécialiste de la douleur.
- #Marie Lebrun Koehl
Ah oui.
- #Enora Teyssendier
Et quand on prend en considération que dans la douleur pelvienne chronique, il y a eu beaucoup d'abus sexuels, c'est obligatoire qu'il y ait une prise en charge en sexo, en psy. Pour moi, c'est impossible de fonctionner autrement. Évidemment, aussi les aspects diététiques. Alors, j'en parle parce que pour moi, c'est vraiment important. J'ai la chance sur l'île de Ré. d'orienter mes patients vers une diététicienne nutritionniste de l'Île-de-Ré. Je lui fais un petit clin d'œil parce que c'est vraiment quelqu'un avec qui j'aime beaucoup bosser, Delphine Négreanu, qui bosse au Bois-Plage, et qui est une diététicienne qui s'est spécialisée en prise en charge de la nutrition de la femme. et donc elle accompagne des… des patients et des patientes avec des problématiques de syndrome de l'intestin irritable, d'endométriose, de ménopause aussi. Et c'est vrai que dans la pathologie chronique, il y a aussi tout le côté inflammatoire et l'alimentation a une place tellement importante dans les syndromes inflammatoires que c'est incontournable. Et on travaille aussi avec des sages-femmes et puis avec des soins de support de l'ostéo dans la douleur pelvienne chronique. On oriente souvent les patients vers l'ostéo, l'acupuncteur. Et c'est important de travailler en réseau, c'est important de connaître son réseau. Il y a même des endroits, alors nous on n'a pas ça sur l'île de Ré, mais ça pourrait être quelque chose à développer. mais il y a des endroits où il y a des réseaux. Les amies avec qui j'étais au congrès de Milan la semaine dernière, qui sont parisiennes, elles font partie d'un réseau douleur pelvienne Paris, où ils staffent des cas de patients, ils en discutent ensemble, ils ont des réunions pluriprofessionnelles, et c'est hyper intéressant.
- #Marie Lebrun Koehl
Et donc, par rapport aux douleurs pelviennes, toi, quels outils tu vas utiliser ?
- #Enora Teyssendier
Alors, concrètement, tu veux savoir comment je procède dans ma pratique, c'est ça ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, par exemple.
- #Enora Teyssendier
Alors, la règle d'or dans la prise en charge des douleurs, et notamment la douleur pelvienne, c'est la règle de la non-douleur. C'est-à-dire que... Ce qu'on va faire en cours de séance et ce que les patients vont refaire à la maison, on essaye de, le moins possible, réveiller la douleur. Tout simplement parce que si on réveille la douleur, on la renforce, on renforce les mécanismes d'hypersensibilisation et c'est parce qu'on cherche. Nous, ce qu'on veut, c'est ramener le curseur du bon côté. Et ça, c'est vraiment une règle que je répète à chaque séance. L'intérêt aussi de mon métier, où je vois les gens de façon récurrente, c'est que ma séance, elle démarre toujours par un point. Comment ça va depuis la dernière fois ? Comment vous vous sentez ? Qu'est-ce qui vous a fait du bien ? Est-ce qu'il y a des choses que vous n'avez pas faites ? Et pour quelles raisons ? Et ça permet à chaque fois de réévaluer et d'ajuster. Donc ça, c'est quelque chose de très très précieux parce que ça va nous guider dans nos prises en charge, ça va nous permettre d'ajuster, il n'y a pas de stéréotypes, les patients chacun est différent. Et donc après, est-ce que tu veux que je te détaille un petit peu concrètement mes techniques ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, je veux bien.
- #Enora Teyssendier
Donc souvent, moi, je démarre ma séance, en tout cas pour tout ce qui est douleur, par un peu de respiration. Je trouve que déjà, peut-être, je souris en te le disant, mais un petit peu spirituellement, ça permet d'ouvrir le... cet espace d'ouvrir le temps qu'on va s'accorder mutuellement. Et il y a aussi un bénéfice physique, c'est que la respiration, ça va permettre de faire baisser un peu le stress, de faire baisser la tension et puis de commencer à mobiliser quand on respire. Dans une respiration guidée, il va y avoir le mouvement du diaphragme qui va... avoir un impact sur tout ce qui est dans l'enceinte abdominale et dans la sphère pelvienne. Ça va commencer à faire bouger un peu les muscles, les ligaments, faire bouger les organes les uns par rapport aux autres et apporter de la mobilité. Et ça, c'est quelque chose de très important, c'est de retrouver de la mobilité. Et après, dans les techniques, c'est… Très souvent, de la thérapie manuelle, qui va être du massage en interne, en externe. Ça peut être du massage abdo, au niveau abdominal, de détente et de mobilisation, mais aussi ça peut être du massage à visée digestive. Et ça, c'est des choses qu'on peut apprendre aux patients aussi, parce que On l'abordera après, mais je donne ces outils aux patients. Je leur apprends à se masser. Le massage abdominal, il y a un protocole pour qu'il soit efficace. Il y a aussi évidemment le massage périnéal qu'ils peuvent faire aussi. Et moi, il y a toutes les manœuvres que je vais utiliser de technique au toucher pelvien, intravaginal. pour aller masser des muscles profonds du périnée, des points internes, des ligaments qu'on peut toucher à l'intérieur et qu'on va masser, étirer dans un but de détente. Dans les techniques, Merci. On peut utiliser aussi de l'électrostimulation à visée antalgique. Alors, il y a plusieurs techniques. Il y a la technique intravaginale de passage de courant antalgique. Moi, je l'utilise peu, la stimulation intravaginale dans les douleurs parce que c'est... pas quelque chose qui est agréable pour les patients et je n'ai pas envie de renforcer les mécanismes douloureux. Je te vois sourire.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, je dirais même faire une grimace pour ceux qui écoutent. Alors, déjà sur le piège aurore de ça, je n'ose pas imaginer en interne.
- #Enora Teyssendier
Oui, oui. Alors après, les courants ontalgiques ont vraiment leur place et ont fait preuve de leur efficacité, mais on peut aussi les appliquer en externe avec des électrodes au niveau du bas du dos, de la zone lombo-sacrée, voire au niveau en suspubien, à peu près en regard de la vessie. il y a aussi une autre technique qui est une technique vraiment plus à distance où on va faire une stimulation du nerf tibial postérieur et où on applique les électrodes au niveau de la jambe, en bas de la jambe, au niveau de la maléole interne et au niveau du mollet et qui passe des courants antalgiques. Ça a une indication dans la douleur pelvienne et aussi dans l'hyperactivité vésicale et ça évidemment c'est mieux toléré. Et ces stimulations-là, on prescrit un stimulateur au patient et ils se le font tous les jours, voire deux fois par jour. Et c'est vrai qu'à distance, c'est beaucoup mieux toléré. On peut aussi faire du biofeedback. Est-ce que tu sais ce que c'est du biofeedback ?
- #Marie Lebrun Koehl
On en a parlé, mais je ne connais pas plus que ça.
- #Enora Teyssendier
Alors, le biofeedback, en fait, c'est… un rétro contrôle c'est à dire que tu vas effectuer un mouvement et ça ça n'existe pas que pour le périnée ça peut exister pour plein de choses et tu vas visualiser tu as un rétro contrôle tu visualises que tu fais En rééducation périnéale tu vas mettre soit une sonde endovaginales, soit des électrodes collées sur le périnée, mais c'est vrai qu'avec la sonde endovaginale, on a un meilleur, on capte mieux l'activité musculaire.
- #Marie Lebrun Koehl
Endovaginale, pour les auditeurs, c'est à l'intérieur du vagin.
- #Enora Teyssendier
En interne, exactement. Et tu vas demander, par exemple, dans un cas basique, un très basique en prise en charge kiné-périnéale, c'est les patientes qui viennent pour des problèmes de fuite urinaire. Et s'il a été mis en évidence que leurs fuites urinaires, elles sont liées à une insuffisance sphinctérienne, donc à un mauvais périnée qui n'est pas suffisamment compétent, une des techniques, ça va être de faire du biofeedback périnéal. Donc, tu vas mettre sept sondes. endovaginal ou des capteurs sur le périnée, tu vas demander à la patiente de contracter et elle, elle va visualiser ce qu'elle fait. Alors ça peut être de plusieurs manières, ça peut être un signal auditif, ça peut être sinon de façon visuelle une courbe sur un écran, donc c'est à dire elle va contracter, tu vas avoir la courbe qui va monter progressivement, tu vas lui demander de tenir sa contraction, la courbe va être stable, elle va relâcher, la courbe va se relâcher et en fait... Elle va voir ce qu'elle fait et donc elle va pouvoir adapter. Tu vas pouvoir lui dire, vous avez une cible à viser ou si on fait du travail d'endurance, vous ne montez pas plus haut que ça, mais vous essayez de tenir votre contraction sur 10 secondes. Et ça lui permet non seulement de visualiser ses progrès, mais d'adapter pour avoir une contraction de qualité avec les indications et l'accompagnement que tu vas pouvoir lui proposer. dans le cas des... des douleurs pelviennes où il y a souvent une hypertonie des muscles du périnée, on va faire du biofeedback négatif, c'est-à-dire que ça va être la même technique, mais au lieu de leur demander de monter la courbe, on va leur demander de la faire baisser pour qu'elles visualisent le relâchement de leur périnée. On a aussi…
- #Marie Lebrun Koehl
J'ai une question. Par rapport au visualiser le relâchement, est-ce qu'il n'y a pas, vu que la courbe doit aller dans l'autre sens, il n'y a pas un côté ou une tendance à pousser sur le périnée ?
- #Enora Teyssendier
Il faut être vigilant. Alors, quoi qu'il en soit, tes capteurs, ils sont sur les muscles du périnée. Donc, ils captent l'activité des muscles du périnée. Quand tu pousses, ce n'est pas avec les muscles du périnée que tu pousses. c'est avec tes abdos. Donc, si les capteurs sont bien positionnés sur le périnée, ça ne va pas faire descendre la courbe, puisque ce ne sont pas les bons muscles que tu recrutes. Mais effectivement, ça c'est quelque chose qu'il faut contrôler et bien dissocier le travail abdo du travail périnéal. Absolument, c'est effectivement une bonne remarque. Et sinon, dans les exercices que je propose, il va y avoir plein d'exercices beaucoup plus globaux avec des exercices de mobilité, d'étirement, de lever des spasmes. Alors, moi je m'intéresse, je suis formée au yoga et j'ai beaucoup intégré le yoga dans ma pratique parce que au-delà, là encore, de la spiritualité de la technique, c'est extrêmement pertinent. Et il y a plein de postures de yoga dont je m'inspire pour arriver à de la détente, à de l'étirement. Il y a très souvent, dans les douleurs pelvipérinéales, on retrouve des syndromes myofasciaux. Est-ce que tu sais ce que c'est un syndrome myofascial ?
- #Marie Lebrun Koehl
Absolument pas.
- #Enora Teyssendier
En fait, le syndrome myofascial, c'est une pathologie du muscle et des fascias. Tu pourrais imaginer que c'est comme si tu avais… Tu as une douleur musculaire qui est persistante et c'est comme si ton muscle s'était contracté, comme crampé. et qu'il ne se relâche pas. Et ça, c'est une image que je donne souvent au passé de celle de la crampe parce qu'on a déjà tous eu des crampes au mollet ou des crampes sous les pieds. Et donc, la technique qu'on a pour faire passer la crampe, en fait, c'est le muscle qui se spasme, c'est d'étirer pour relâcher le muscle. Et... Et dans les syndromes myofasciaux, en fait, cette crampe est comme persistante. Et ça, c'est un point sur lequel je suis assez vigilante parce que souvent, les patients ont tendance à aller vite. Ils veulent faire vite et bien. Or, il se trouve que nos muscles ont une propriété qu'on appelle le stretch reflex, c'est-à-dire qu'un muscle, quand on l'étire vite, il va se recontracter. Et là, en fait, si on fait ça dans les douleurs myofaciales, on va être complètement contre-productif parce que si on étire rapidement un muscle, il va se contracter et on va renforcer cette contracture. Donc, ça aussi, c'est un point sur lequel je suis assez insistante, c'est qu'au-delà de la règle de la non-douleur, J'insiste aussi sur la règle de la lenteur. Et la dernière chose que j'utilise, et après je pense que j'ai fait à peu près le tour de mes techniques, particulièrement dans les disparonis, les vestibulodinies, c'est l'utilisation des dilatateurs. Est-ce que tu vois ce que c'est les dilatateurs ?
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, ça fait partie des outils qu'on apprend en sexo, que je n'ai au final pas mis dans ma boîte à outils, on va dire ça comme ça.
- #Enora Teyssendier
Alors, moi, je les utilise quand même régulièrement, surtout quand les patientes viennent avec des plaintes de douleurs au rapport, avec une vraie volonté d'avoir une vie sexuelle normale. Et je trouve que c'est un outil intéressant. Après, il y a différents types de dilatateurs. Je trouve qu'ils ne se valent pas tous au niveau de la qualité. Il y en a qui sont en plastique rigide, assez froid. Il y en a d'autres qui sont en silicone plus cali, avec un toucher qui va être plus agréable. Et donc, en fait, je les utilise un peu dans mes séances et c'est surtout un outil qu'elles utilisent après à la maison.
- #Marie Lebrun Koehl
Je veux bien que tu en dises un peu plus, mais avant ça, j'ai travaillé avec quelqu'un qui en a fait en bois.
- #Enora Teyssendier
Ah, d'accord.
- #Marie Lebrun Koehl
Donc là, il y a le côté naturel, c'est plus chaud, ça peut être plus chaud que le plastique aussi.
- #Enora Teyssendier
Ouais. Après, la question que ça éveille pour moi, le bois, c'est la question de l'hygiène en fait. Tout ce qui va être... outils qu'on utilise au niveau endocavitaire, il faut que ce soit facilement nettoyable.
- #Marie Lebrun Koehl
Du coup, ils sont obligés, ceux qui travaillent, mais il y a des sextoys aussi qui sont faits en bois, ils sont obligés de travailler avec certains types de bois qui ne vont pas avoir de cavité. Et l'autre point, c'est qu'ils vont utiliser beaucoup de couches d'un vernis alimentaire. qui peut donc être utilisé en interne pour qu'il n'y ait pas de cavité un peu interne pour pouvoir bien le nettoyer.
- #Enora Teyssendier
Oui, effectivement, j'imagine qu'il y a des... Mais sans doute que le bois, c'est plus agréable en termes de contact que du plastique un peu dur et basique.
- #Marie Lebrun Koehl
En tout cas, ça laisse une option de plus.
- #Enora Teyssendier
Oui, absolument.
- #Marie Lebrun Koehl
Et alors du coup, comment tu l'utilises toi ? Comment tu procèdes ou quelle est ta vision pour l'utiliser ?
- #Enora Teyssendier
Alors les dilatateurs, en fait, on commence toujours par le petit.
- #Marie Lebrun Koehl
On peut quand même peut-être dire, préciser, s'il y a des personnes qui ne savent pas ce que c'est, déjà qu'est-ce que c'est en fait ?
- #Enora Teyssendier
Alors les dilatateurs, puisque souvent c'est un kit où il y en a plusieurs, ce sont des bâtonnets. ergonomique, anatomique qui se rapproche de l'anatomie d'un sexe d'homme en fait.
- #Marie Lebrun Koehl
Ou d'un tampon.
- #Enora Teyssendier
Oui, c'est plus long quand même.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, c'est ça, mais c'est quand même aussi plus petit qu'un sexe d'homme.
- #Enora Teyssendier
Surtout qu'il y a plusieurs diamètres et que le premier diamètre est quand même assez fin. et donc le dilatateur, moi c'est ce que je fais en fait, je le mouille un peu à l'eau tiède et on va ensemble introduire le dilatateur. Alors soit moi je le fais la première fois si elles ne sont pas à l'aise, soit elles le font sous ma guidance, enfin ça c'est vraiment après. en fonction de ce dont la patiente a envie. Et quand le dilatateur est introduit, qu'elles ont réussi, donc si on commence par le plus petit, je les invite à l'utiliser à la maison. Donc elles introduisent le dilatateur, et une fois que le dilatateur est introduit, elles font des exercices de respiration pour favoriser la décontraction. Et quand c'est un peu confortable, elles peuvent le bouger, le dilatateur, de haut en bas, tout doucement, ou faire des mouvements circulaires avec le dilatateur, dans l'idée de dilater et de détendre les muscles. Et ensuite, à la séance suivante, si elle me dit « ça s'est hyper bien passé avec le dilatateur numéro 1, je l'ai fait trois fois » , Alors... Souvent, je leur recommande de le faire deux à trois fois par semaine. Je l'ai fait trois fois, ça s'est bien passé. On redémarre la séance avec ce dilatateur-là. Si je vois que ça s'est bien passé, on va passer à la taille au-dessus. Et ça, en fait, ça fait partie aussi de tous les outils que je donne à la maison. concernant l'auto-prise en charge, en fait. Et j'en ai plein d'autres.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, après, c'est vrai que c'est intéressant la manière comment tu l'abordes, parce qu'il y a des personnes qui vont avoir tendance à vouloir presque forcer l'entrée pour que ça marche, pour se dire, j'ai pu rentrer tel diamètre. Sauf que... Quand c'est forcé l'entrée, c'est contre-productif.
- #Enora Teyssendier
Oui. On en revient toujours à la non-douleur et à la douceur. C'est notre rôle aussi de bien expliquer que ce sont des problématiques qui se sont installées sur des mois et sur des années souvent, et que pour prendre le contre-pied de tout ça, ça va prendre du temps, et qu'au contraire, vouloir forcer la machine, c'est complètement contre-productif.
- #Marie Lebrun Koehl
C'est sûr.
- #Enora Teyssendier
Sinon, est-ce que... Alors, j'ai fait un peu le tour de ce que j'utilise moi dans mes séances. Voilà, est-ce que tu avais...
- #Marie Lebrun Koehl
Non, et puis en termes de timing, on est bien là.
- #Enora Teyssendier
D'accord, d'accord. Est-ce qu'on a le temps que je te donne deux, trois outils pour la prise en charge à la maison ?
- #Marie Lebrun Koehl
Allez, vas-y.
- #Enora Teyssendier
Donc, en fait, la prise en charge à la maison, ça va reprendre les exercices qu'on a faits durant… durant la séance. Moi, j'utilise aussi ce que j'appelle les outils physio, c'est-à-dire, pour faire assez rapide, le massage, le dilatateur, l'application de chaleur, particulièrement sur les points myofasciaux.
- #Marie Lebrun Koehl
Les points myofasciaux, tu peux en dire un peu plus ?
- #Enora Teyssendier
Par exemple, les douleurs myofaciales dont je t'ai parlé tout à l'heure. Par exemple, il y a souvent des douleurs en plein cœur de la fesse qui sont le signe soit d'une hypercontracture du muscle pyriforme, soit de l'obturateur interne. Et ce sont des douleurs qu'on palpe très bien. Donc, soit elles peuvent se masser. Ce qui marche très bien, c'est le massage à la balle de tennis. Donc, elles prennent une balle de tennis, elles l'appliquent contre la fesse, elles s'appuient contre un mur et elles se roulent de haut en bas, de droite à gauche. Ça marche d'ailleurs pas que sur les points fessiers, mais sur les points douloureux musculaires en général. Dans le cas des douleurs pelviennes, et particulièrement dans les névralgies punindales, on peut recommander l'application de glace, la cryothérapie périnéale. Ça, c'est quelque chose que j'utilise beaucoup parce que le froid a un effet anesthésiant sur les douleurs neuro particulièrement. Et moi, je conseille aux patients, alors après, je n'ai pas de collab particulière, mais en tout cas, je partage ce que j'utilise. Moi, je conseille aux patientes d'acheter les packs chez Sisterfield. On pourra le mettre si c'est possible. C'est plus adapté à l'anatomie féminine. Ça ressemble à un protège-slip. Elles mettent ça au congèle et ensuite, elles le glissent dans un petit étui en tissu. Et ce petit étui se clipse avec une pression à la culotte. Du coup, elles peuvent garder le pack et ça a vraiment un effet bénéfique sur les douleurs névralgiques. C'est vrai que je conseille Sisterfield parce qu'en plus, il y a une éthique à avoir sur leur site. Mais en tout cas, les étuis sont fabriqués par des gens en situation de réinsertion. C'est le côté éthique qui m'a plu. Je conseille aussi, si ça ne majeure pas la douleur, de faire de la marche à pied, d'adapter le cadre de vie. Je passe un peu vite, ça mériterait que je détaille, mais peut-être une autre fois. D'adapter le cadre de vie, de mettre une bouée pour travailler assis, de travailler assis sur un ballon. Si on a une position assise prolongée, d'entrecouper, de faire un peu de marche toutes les deux heures. Et je termine aussi par les outils pour l'esprit. Il y a évidemment un lien douleur-stress, cortisol-stress-douleur, et de briser ce cercle vicieux par ce que je conseille et qui fonctionne bien, c'est de pratiquer de la cohérence cardiaque. Ça, ça marche très bien, avoir de la méditation, du MBSR, de l'auto-hypnose. Et au passage, je suis en train de me dire que j'ai oublié de te dire que quand je fais du massage endovaginal, j'intègre souvent un temps hypnotique parce que l'hypnose permet de moduler la douleur et c'est précieux. Je fais souvent un temps hypnotique en même temps que de la thérapie manuelle, oui.
- #Marie Lebrun Koehl
Ah, c'est chouette. C'est intéressant.
- #Enora Teyssendier
Voilà.
- #Marie Lebrun Koehl
Ben, merci beaucoup pour toutes ces informations.
- #Enora Teyssendier
Merci à toi. Ça a été un plaisir. Tu vois que j'aurais pu encore parler un petit moment.
- #Marie Lebrun Koehl
Ben voilà, comme tu disais, peut-être un autre épisode de podcast.
- #Enora Teyssendier
En tout cas, merci de m'avoir permise de partager tout ça et de partager ma pratique. Et mon intention, c'est vraiment que tout ça se soit vertueux pour la prise en charge de nos patients.
- #Marie Lebrun Koehl
Oui, merci à toi. Ça permet déjà de se dire un petit peu comment potentiellement ça peut se passer dans le cabinet d'une kiné quand on a ce genre de problématiques. Et puis, en tant que professionnelle, ça peut permettre de savoir un petit peu plus qu'est-ce qui peut être fait en partenariat et en réseau. Et puis, tu as donné aussi quelques petits conseils à la fin qui peuvent aussi être intéressants à savoir. Merci beaucoup. Donc, toi, tu es en cabinet, en présentiel.
- #Enora Teyssendier
sur l'île dorée absolument voilà et je crois que t'as pas de site internet et que t'es pas sur les réseaux écoute je suis sur les réseaux mais à titre perso en fait oui voilà pas
- #Marie Lebrun Koehl
professionnel ça marche bon donc voilà c'est si des personnes veulent une prise en charge avec toi c'est donc sur l'île dorée voilà c'est sur Doctolib ok ça marche merci beaucoup à toi avec plaisir et puis donc je vous dis à tous à la semaine prochaine dans un prochain épisode et puis en attendant bonne soirée, bonne nuit ou bonne journée en fonction de quand vous nous écoutez