- #Enora Teyssendier
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode. Aujourd'hui, je fais un épisode un peu particulier parce qu'en fait, c'est avec un ami et je suis super contente de l'enregistrer avec lui. L'invité, donc mon ami, c'est Frédéric Barbe et cet épisode sera vraiment en mode conversation. On va parler de l'intimité et de la sexualité dans les institutions du médico-social. Voilà.
- #Fréderic Barbe
Bonjour.
- #Enora Teyssendier
En fait, pour présenter un petit peu le contexte avec Fredo, moi je suis désolée, je vais l'appeler comme ça. On s'est rencontrés dans un boulot il y a 9 ans. Donc c'était dans un foyer occupationnel, c'est-à-dire où on accompagnait des personnes qui ont un handicap. Et voilà, je sais que... on a toujours eu des conversations autour de la sexualité, qu'il est engagé aussi pour que ça bouge aussi à ce niveau-là. Et donc, j'avais vraiment envie d'avoir cette conversation enregistrée finalement avec lui pour qu'il nous partage comment ça se passe finalement dans les structures où il a pu aller. Donc voilà, comme à mon habitude, j'aime bien présenter quand même mes invités, même si aujourd'hui c'est en mode conversation. Donc, je vais un peu présenter Fredo. Alors, tu me diras après s'il y a des choses à modifier, si...
- #Fréderic Barbe
Ça marche, pas de souci.
- #Enora Teyssendier
Si, voilà, ou des choses à rajouter. Donc, en fait, t'as eu... d'autres professions avant, mais tu as commencé quand même dans l'accompagnement, on va dire, en tant qu'éducateur sportif, dans la prévention, avec une base d'éducation populaire.
- #Fréderic Barbe
Oui.
- #Enora Teyssendier
Et puis, maintenant, tu es éduque. Alors, pour préciser, à la base, tu étais AMT. Et puis, au final, tu as monté les échelons quand même. Et donc… Dans le handicap, tu as bossé en MRS, donc en femme, foyer d'accueil médicalisé, et en MRS, maison de retraite spécialisée.
- #Fréderic Barbe
En fait, j'ai commencé en remplacement sur du foyer occupationnel, dans une maison où on accueillait 20 personnes, je crois, au départ. Et après, cette association a voulu ouvrir trois unités de foyer occupationnel. une unité de maison de retraite spécialisée, la première en région Poitou-Charentes, et un foyer d'accueil médicalisé.
- #Enora Teyssendier
Yes. Et donc, nous, c'est dans le foyer occupationnel qu'on s'est rencontrés. Et puis depuis, ensuite, tu as quitté cette association et tu as été dans un service expérimental.
- #Fréderic Barbe
Je suis resté dans la même association qui a répondu à un appel de projet d'aide sociale à l'enfance. Donc, c'était un service expérimental où on travaillait les week-ends et les vacances pour accueillir des jeunes de l'aide sociale à l'enfance avec une orientation MDPH qui avait des troubles spécifiques.
- #Enora Teyssendier
Oui, puis les accueils, c'était avec notamment des enfants où il y avait de la violence ou des enfants que les structures ne voulaient pas. ou alors c'était pour du répit pour eux ?
- #Fréderic Barbe
Alors il y avait du répit pour les familles d'accueil, parce qu'on avait des familles d'accueil qui avaient besoin de souffler, des structures où les jeunes étaient placés les week-ends, qui avaient aussi besoin de souffler, et des familles, il y avait aussi des familles qui avaient besoin de souffler. C'était vraiment donner la possibilité de laisser du temps aux accompagnants, qu'accompagnaient ces jeunes. pour qu'ils soufflent, les prendre pendant les vacances pour leur proposer autre chose que de rester toutes leurs vacances, par exemple, dans une famille d'accueil. Et oui, c'était un lieu où on avait des protocoles de contention avec des si-besoins.
- #Enora Teyssendier
Des si-besoins, est-ce que tu veux préciser ?
- #Fréderic Barbe
Alors un cibesan, le cibesan, je vais le déterminer, en fait, il est décidé et donné par le médecin. Et en fait, on va l'utiliser avant la crise de violence physique. On va essayer de repérer quand l'agitation arrive. Ça dépend de chaque personne et de chaque jeune, en fait. Un traitement,
- #Enora Teyssendier
quoi.
- #Fréderic Barbe
Oui, un traitement, voilà, un traitement médicamenteux qu'on va donner pour donner la possibilité aux jeunes de pouvoir s'apaiser et de ne pas rentrer dans une violence contre lui ou contre quelqu'un d'autre.
- #Enora Teyssendier
Merci pour tes explications. Donc, comme c'est en mode conversation, j'aurais peut-être pu présenter aussi, moi, là où j'ai bossé, dans la protection, enfin, protection de l'enfance handicap. en fait j'ai fait beaucoup de remplacements donc on n'en aurait pas fini mais je préciserai si jamais dans la conversation je rebondis sur quelque chose que j'ai pu voir observer pour pour que vous ayez le contexte alors pour introduire le sujet est ce qu'il y avait des règles particulières concernant la vie affective et sexuelle dans ces structures dans lesquelles tu as travaillé ?
- #Fréderic Barbe
Alors, en fait, je vais déterminer. Les règles étaient exactement les mêmes que pour nous dans notre monde, si je peux dire entre guillemets. Le consentement, c'était une obligation. Il n'y avait pas de regard négatif. Et c'était possible d'avoir une relation. homosexuels, enfin voilà, c'était pas quelque chose qu'on allait interdire et tout. En fait, les mêmes lois qu'on peut avoir dans la vie de nous tous les jours, de personnes non handicapées en fait.
- #Enora Teyssendier
Même dans la structure où c'était des mineurs ?
- #Fréderic Barbe
Non, dans la structure où c'était des mineurs, là par contre, on travaillait sur la vie affective et sexuelle. Donc, par des jeux, des choses comme ça et tout, pour amener de la... On était plus sur de la prévention, en fait, mais la sexualité n'était pas autorisée, puisqu'ils n'étaient pas margeurs. C'est la majorité qui donnait le droit, en fait, à la sexualité. Quand on a ouvert le foyer avec les trois unités, le foyer occupationnel et tout, on a reçu des jeunes adultes qui arrivaient d'IME, d'IMPro. et où on les a tout le temps interdits de parler de sexualité. On a très peu échangé sur la sexualité et la vie affective.
- #Enora Teyssendier
Interdits ?
- #Fréderic Barbe
Oui, il ne fallait pas trop en parler. Je pense qu'au niveau des structures, il y a des structures où on évite d'en parler parce qu'on va penser que le fait d'en parler donne l'autorisation de le faire. Ce n'est que mon avis personnel.
- #Enora Teyssendier
C'est ce que tu as ressenti des autres professionnels, tu veux dire ?
- #Fréderic Barbe
Oui, de certains professionnels et de certaines institutions.
- #Enora Teyssendier
Ok.
- #Fréderic Barbe
Voilà. Et on l'a très bien vu parce que ces jeunes adultes, donc, sont arrivés et rentraient justement dans une… On leur disait « vous avez le droit d'avoir une sexualité » . mais on ne leur avait pas amené de connaissances autour de la vie affective et sexuelle. Et tout de suite, c'était on se met en couple, on a une relation, et on arrivait sur des choses qui étaient un peu hardcore, en fait, où il n'y avait pas de respect, les garçons étaient, comment je pourrais dire, avaient des représentations de la sexualité par des films pornographiques et tout, qu'ils remettaient en place. pour leur sexualité.
- #Enora Teyssendier
Ça, c'était un foyer ou… ?
- #Fréderic Barbe
Foyer occupationnel.
- #Enora Teyssendier
Oui. Et oui, parce que… Enfin, et en femme, c'était commun, donc foyer d'accueil médicalisé, puisque là, il y a… Comme les femmes, si je ne me trompe pas, il n'y a plus un handicap possiblement… Il y a moins d'autonomie, quoi.
- #Fréderic Barbe
Exactement, il y a besoin d'un… C'est une partie soins. C'est ce qu'on appelait dans le temps les foyers à double tarification. en fait, parce qu'il y a deux tarifications. Il y a une tarification soins, donc on a une équipe éducative et une équipe soins, infirmières et soignants.
- #Enora Teyssendier
Et donc là, quand il y a du polyhandicap ?
- #Fréderic Barbe
Là, point de vue de la sexualité, on était vraiment… Alors, on ne rencontrait pas du tout de personnes qui se mettaient en couple. Mais on pouvait, je pense à un jeune homme qui était en fauteuil et du coup le soir on lui mettait un péniflo, alors c'est un extensif qui permet de pouvoir uriner dans une poche. sans qu'il ait besoin de se lever, parce qu'il ne pouvait pas se lever la nuit et tout, donc de ne pas avoir une intervention d'un soignant, et du coup, s'interdisait à se masturber parce qu'il avait ce péniflo. Donc, on a mis un petit contrat en place avec lui, un contrat moral, où on lui disait, c'est vrai qu'on rentre dans une intimité, il n'y a plus tellement d'intimité pour lui, mais il était capable de... en capacité de nous dire, mon péniflo, vous me le mettrez juste avant que vous partiez. On quittait à 22h30, donc c'est le dernier acte qu'on allait faire, parce que le veilleur ne pouvait pas le faire. Et du coup, ça lui permettait d'avoir un temps, s'il voulait avoir un plaisir solitaire, de pouvoir l'avoir.
- #Enora Teyssendier
Il n'y a pas eu... J'ai souvenir d'une conversation, il n'y avait pas eu des personnes qui voulaient dormir ensemble ?
- #Fréderic Barbe
Alors ça, c'était sur le foyer occupationnel. En fait, ce qui leur était demandé, par exemple, alors autant on ne parle pas de sexualité, on parle de dormir ensemble, c'était la plupart du temps, 80%, c'était dormir ensemble avec un côté affectif. On pouvait avoir deux hommes, deux femmes, un homme, enfin, un truc... typique hétéro ou homo, mais que les deux viennent nous voir et nous disent « Voilà, on est consentants tous les deux et on aimerait dormir ensemble. » Donc là, c'était carrément autorisé. On avait juste à dire au veilleur « Les deux personnes sont ensemble, tu n'as pas à passer dans l'autre chambre, ils sont ensemble. » Moi, personnellement, j'ai eu une expérience où le veilleur était sur ses valeurs à lui et à la semaine prochaine. c'était deux jeunes femmes qui voulaient dormir ensemble, et ne l'acceptaient pas, il a fallu en changer ensemble avec lui, pour qu'il accepte, parce que c'était leur droit, et qu'il devait être dans le respect de leur droit, et pas dans le respect de ses droits lui, enfin de sa vision en fait.
- #Enora Teyssendier
Oui, et puis là, le foyer occupationnel où on a bossé ensemble, il y avait un couple qui a pu s'achamber ensemble.
- #Fréderic Barbe
Oui, le foyer était... construit avec une unité. C'est sur une unité où on accueillait plus des gens qui arrivaient de psychiatrie, autonomes avec des parcours importants en psychiatrie. Et il a été, dès le départ, proposé une chambre couple pour pouvoir proposer à un couple d'être ensemble. En fait, c'est deux chambres qu'on a remis ensemble avec une salle de bain commune. Mais ils avaient la possibilité si... ils étaient en conflit tous les deux de pouvoir retourner chacun dans leur chambre qui était séparée par rapport à la salle de bain et je me rappelais pas de ça en fait c'est deux chambres avec une salle de bain commune et du coup mais ça s'est jamais arrivé mais dans l'idée que ça a été conçu ça a été pensé et je trouve que c'est bien ça obligeait pas la personne parce que Ces deux personnes-là, à un moment, pouvaient se séparer et on ne pouvait pas obliger quelqu'un à dormir avec la personne si elle était séparée. Donc, la chose a été faite pour que les deux chambres restent et que la personne, si elle voulait se séparer, puisse retrouver une chambre seule sans être obligée de continuer à dormir avec son conjoint.
- #Enora Teyssendier
Oui, oui. Bon, et moi, j'aimerais bien qu'on aille un petit peu plus dans les détails. Dans cette structure, il disait, parce que moi, quand j'ai été embauchée, j'étais en formation en sexo, et on m'a dit « Ah ouais, c'est génial que vous soyez en formation en sexo. » Nous, justement, on a une structure qui est ouverte à ce niveau-là. On a même un couple qui vit ensemble, dort ensemble. OK ? Bon, une fois sur le terrain. On est d'accord, Frédo, qu'il n'y avait pas toujours la même ouverture d'esprit.
- #Fréderic Barbe
Non, je pense qu'après, c'est les équipes. Pour avoir fait une formation sur la vie affective et la sexualité, comme on nous a dit, il ne faut pas retransmettre nos vies affectives et nos vies sexuelles. Et je pense que pour les équipes, c'est des choses qui sont compliquées. Donc du coup, quand il faut rentrer dans le vif du sujet, où est le cadre ? Jusqu'à où on va dans l'accompagnement ? Jusqu'à où, qu'est-ce qu'on propose ? Donc il y avait un atelier. vie affective, mais pour moi personnellement, je pense qu'on rentrait pas assez dans le vif du sujet, dans l'accompagnement, autant sur la prévention des maladies transmissibles, même si on peut dire, mais c'est pas possible qu'il y ait de contamination, on n'en sait rien, et ils avaient aussi, je pense à un exemple où c'était un... un jeune couple, en fait, un jour, il vient dans le bureau en me disant, « Ouais, Fredo, en fait, j'ai un problème. On a des relations, mais c'est compliqué. Des fois, je n'arrive pas à avoir de relation avec ma partenaire parce que je ne sais pas mettre les préservatifs. Et dès que je le mets, vu mon traitement, j'ai une perte d'érection. » Donc, je lui ai dit, on va déjà apprendre à mettre un préservatif. Moi, j'en étais là. Je pense que tous mes collègues n'étaient pas dans cette démarche, n'étaient pas prêts à aller dans ce truc-là. Donc, il a été chercher des préservatifs. On en avait dans le bureau aussi. On a pris un balai. On s'est mis tous les deux dans le bureau. Et voilà, j'ai montré un petit peu comment on pouvait mettre un préservatif et tout. Là, se pose la question… Sur le balai. Sur le balai, oui, bien sûr. Là se pose la question, est-ce que c'est dans nos fonctions ? J'étais AMP à ce moment-là, donc est-ce que c'est dans nos fonctions d'AMP ou pas ? Pour moi, ça rentrait dans mes valeurs, donc je ne voyais pas ce qu'il y a qui pouvait déranger. Et c'est quelqu'un, après on a pu bien discuter, qui a demandé justement, ouais mais on pourrait… en fait il était dans l'optique d'avoir des relations avec cette jeune fille, qui était d'accord aussi d'en parler. Donc du coup on faisait un entretien à trois où ils auraient voulu avoir des relations non protégées. Moi du coup je leur ai dit, je leur ai proposé, allez voir votre médecin dans le village et prenez un rendez-vous, demandez des tests de dépistage pour savoir où vous en êtes sur ça. Une fois que vous aurez fait vos tests tous les deux, vu que vous êtes fidèles dans votre relation, vous allez pouvoir avoir des relations sans préservatifs, sans... problème puisqu'elle avait un implant de contraception donc ça posait aucun problème de ce côté là. Bon après en discontant dans la profondeur et tout il s'est avéré que c'était une personne qui avait été abusée par sa famille et du coup qui ne vivait pas super bien les relations. Donc je pense que là on en a parlé avec la psychologue qui était sur place à ce moment là et tout, faut les coups. Il fallait que ça passe par des entretiens privés, bien personnels avec la psychologue, que là, ça n'appartenait plus à l'équipe éducative de pouvoir échanger sur ça. Parce qu'on n'a pas les outils et que, voilà. Et du coup, il y aurait eu une sexothérapeute, ça aurait été encore mieux, ou une psychologue formée sur la sexothérapie, ça aurait été le top, quoi. C'est vraiment là quelque chose où on aurait pu mettre beaucoup de choses, de plus de choses en place. et avoir des groupes de parole où on rentre, comme je dis, dans le dur, mais dans la réalité qu'eux vivent et que nous, on n'a pas la vision, en fait.
- #Enora Teyssendier
Oui, mais totalement. Et puis, tu vois, moi, je me rappelle, justement, j'avais été choquée parce que le premier jour où j'arrive sur la structure, une éduc... AMP me dit direct tu vois, elle, c'est une salope. Donc là, j'étais scotché, la bouche grande ouverte, genre mais comment c'est possible que direct, c'est une salope ? Enfin, je ne sais pas, de juger comme ça, bref. Donc, au fur et à mesure, est-ce que tu ne vas te quicher pas ? Bon, au fur et à mesure, je découvre un peu plus cette résidence, les interactions au sein du foyer.
- #Fréderic Barbe
Tu parles de la résidente, si je voyais qui c'était la résidente ? Oui. Oui, mais je te laisse finir, mais est-ce que c'est la résidente qui était en couple, qui n'avait pas de relation et qui allait chercher des relations avec d'autres résidents pour s'épanouir sexuellement ?
- #Enora Teyssendier
C'est exact.
- #Fréderic Barbe
Ok.
- #Enora Teyssendier
Donc effectivement, peut-être que ça jouait sur le fait de ne pas comprendre qu'elle avait un mec, qu'est-ce qu'elle allait faire avec d'autres. Et en fait, effectivement, elle couchait avec différents hommes, mais son amoureux était le même. Et donc j'en avais aussi échangé avec la psychologue. Et a priori, c'était quelque chose d'accepté dans le couple. Et puis, oui.
- #Fréderic Barbe
Oui, je te coupe. Ça a été accepté après, en fait. Quand t'es arrivé et tout, t'en as parlé à la psychologue et tout, qui a mis des entretiens en place. Et en fait, de là, ça a donné un entretien avec les deux personnes où ça lui a été expliqué pourquoi cette jeune fille allait avoir des relations avec deux autres adultes parce que lui et elle n'avaient pas de relation, alors qu'ils avaient des sentiments amoureux pour tous les deux. Et que maintenant, c'était où il était OK dans ça, parce que cette jeune fille ne voulait pas arrêter d'avoir des relations sexuelles avec d'autres personnes, mais voulait rester avec ce jeune homme en couple, puisqu'elle avait des sentiments d'amour. Donc là, on était vraiment sur quelque chose d'affectif et sexuel. Donc c'était vraiment le... Comment je pourrais dire ? Quel mot je pourrais utiliser ? Le truc typique qu'on peut retrouver. Donc une partie de l'équipe qui allait dire, oui voilà, c'est une salope, et une autre partie de l'équipe qui pouvait dire, ben attends, c'est son droit, nous dans notre vie, on peut être en couple, ou avoir échangé, ou enfin avoir un échangisme, des choses comme ça et tout, donc pourquoi elle ne le ferait pas ? Et du coup ça a été posé, lui a accepté en fait, donc ça a été compris, lui a compris pourquoi elle fonctionnait comme ça. Donc, il ne le vivait plus comme quelque chose où il avait l'impression d'être trompé, mis à l'écart et tout. Il comprenait que c'était juste pour un acte sexuel et que cette jeune fille était bien en couple avec lui et l'aimait. Donc, ça a été acté par lui et par elle. Et du coup, tout est rentré dans l'ordre. Elle avait passé ses nuits avec lui et tout. Il n'y avait pas de relation. Et des fois, elle avait sa chambre, donc qu'elle gardait. Et des fois, avant les activités, elle allait avoir un rapport avec un autre résident, où on le savait, mais qui était complètement acté, où on était OK. Mais personnellement, j'ai vu dans l'équipe des personnes où ça choquait un peu, quoi, en fait. Et j'avais du mal à comprendre pourquoi on ne peut pas... Alors après, on va rentrer sur les valeurs qu'on a personnellement, mais en tant qu'accompagnant, peu importe ce qu'on est, comme MP, éduc, AS, bref, on ne doit pas mettre ce que nous on pense, ça doit être les valeurs de l'institution, et si on est OK avec ça, en fait.
- #Enora Teyssendier
En tout cas, ce que j'ai souvenir aussi, c'est que lui, il avait… voir la psychologue et elle me l'avait raconté quand j'étais là il avait la voix il m'a fait l'amour et puis en fait c'était faire un bisou sur la bouche c'est vrai qu'ils n'étaient pas au même niveau et il n'était pas capable d'aller parce que c'était des choses qu'il pouvait parler avec la psychologue et lui il n'était pas en capacité d'aller plus loin en tout cas pour l'instant et par contre là où j'avais été choquée en réunion Mais j'aurais dû commencer dans l'autre sens. Un jour, j'étais dans la chambre avec elle, dans sa chambre à elle, et elle m'explique qu'un tel, peut-être un homme, peut-être le plus baraque de la structure, était venu dans sa chambre, que voilà, pour elle, c'était un ami. Mais sauf qu'il avait essayé de lui toucher les seins et qu'elle avait dit que c'était hors de question et qu'elle l'avait mis dehors. Donc, elle m'explique ça. ce qui montre qu'elle choisissait avec qui elle avait des relations, qu'elle était en capacité aussi de dire non, et même au mec le plus barraque de la structure. Barraque, je ne sais pas s'il avait beaucoup de muscles, mais il était grand et large.
- #Fréderic Barbe
On va dire en poids, oui. Je vois.
- #Enora Teyssendier
Et donc, en réunion, le directeur avait dit, ah non, mais... et il faut la protéger, elle a un handicap, donc c'est une personne vulnérable, donc il faut vraiment la protéger, et je ne sais plus quoi d'autre. Et moi qui n'ose pas trop me mettre en opposition avec ma hiérarchie sur ce genre de sujet, je m'étais mise en opposition et j'avais expliqué que le fait qu'elle soit en capacité de dire non à ce moment-là, ça veut dire qu'elle choisit vraiment. elle ne va pas avec une première venue et qu'en plus, elle est en capacité de le mettre dehors et de dire non, en fait.
- #Fréderic Barbe
Et j'irais même plus loin. C'était une personne qui était en capacité d'en parler avec sa mère, donc qui venait la chercher pour les week-ends et tout. Donc, elle était, même s'il y avait ce handicap, mais avant tout, comme je dis souvent, c'est une personne avant tout, elle avait toutes les capacités intellectuelles pour pouvoir dire non, comme tu dis. Et de savoir ce qu'elle faisait, ce n'était pas du n'importe quoi, c'était vraiment des choses posées et claires. Donc, il n'y avait pas de raison de dire, ben non, ouais, très clair. Et moi, pour moi, je trouvais ça assez formidable justement, parce que toutes les personnes qu'on accompagnait n'étaient pas dans cette capacité de pouvoir dire oui ou dire non.
- #Enora Teyssendier
Ouais, c'est clair et c'est en ça que... C'est important que l'équipe, à mon sens, c'est important que l'équipe soit ouverte, parce que si je suis quasiment sûre que ça, elle n'en aurait pas parlé à la personne qui disait que c'était une salope.
- #Fréderic Barbe
Ah, du tout.
- #Enora Teyssendier
Et donc, le fait que nous, on soit dans cette ouverture, ça permet que les choses puissent être dites. Tout ce que tu viens d'expliquer là, c'est parce qu'il y a des professionnels qui ont été à l'écoute, qui ont cherché à comprendre ce qui se jouait pour elles, ce qui se jouait pour son partenaire, pour pouvoir... Que les choses soient le plus sereines possibles, en fait.
- #Fréderic Barbe
Tout à fait. Parce qu'à la différence, on avait aussi des jeunes femmes et des jeunes hommes, un peu plus âgés, qui pouvaient jouer. J'ai des bonbons dans ma chambre, viens chercher les bonbons. La jeune femme avec une grosse déficience, et pour avoir des bonbons, demander des faveurs sexuelles. Donc là, c'est un autre travail éducatif à mettre en place, avec une sécurité et une protection pour la personne. Donc, il faut faire hyper attention. On peut avoir des personnes avec un handicap, mais qui sont en capacité de se positionner et de dire stop. Et d'autres, parce que l'âge mental est très bas, et qui ne sont pas… Ils vont le faire en plus, ils vont faire l'acte et tout. et du moment qu'ils ont leur bonbon, et pour eux, alors ça ne va pas être un trauma ou un fait marquant, parce que ça leur paraît presque, c'est dur ce que je dis quand même, mais bon, c'est une réalité de terrain, c'est presque une normalité en fait, la sexualité, je te fais ça, j'ai le droit à un bonbon, donc je ne sais pas si on peut parler de normalité, tu peux peut-être me reprendre sur ce mot-là, je ne sais pas. Mais là, on doit vraiment protéger la personne et lui expliquer que ce n'est pas comme ça que ça marche. Mais c'est difficile parce que la personne que je pense, on avait beau lui expliquer que c'était quelque chose de grave, que l'autre personne faisait et tout, et qu'après, elle pouvait déposer plainte et tout, mais vu la déficience et tout, le dépôt de plainte, il passait à côté et tout, et elle était capable. qu'on ait une grande discussion avec elle, de dire oui, oui, oui, et le lendemain, de retourner aller chercher des bonbons.
- #Enora Teyssendier
Oui, mais c'est sur la construction sur laquelle on est, en fonction de l'âge ou du coup de l'âge mental, et c'est en ça que dans le handicap, c'est difficile de donner une norme, j'ai envie de dire, comment... On m'a déjà demandé, par exemple, d'intervenir, d'expliquer comment ça se passe, sexualité et handicap. Mais en fait, c'est super compliqué parce que pour moi, c'est du cas par cas.
- #Fréderic Barbe
En fait, je dirais que c'est du cas par cas parce que c'est des personnes, hélas, ils ont un handicap et aucun n'a le même handicap. Alors même si on peut mettre les mêmes noms derrière certains handicaps ou certains troubles, mais les fonctionnements... les fonctionnements ne sont pas les mêmes et il y a des troubles associés, il y a leur histoire de vie, l'histoire de famille, et que chaque cas est un cas, en fait, et qu'on ne l'accompagnera pas de la même façon, mais pas que pour la vie affective et sexuelle, aussi dans son quotidien.
- #Enora Teyssendier
Oui, totalement. Et puis, il n'y a pas de normes. On ne peut pas généraliser. C'est très, très, très variable. Est-ce que tu as d'autres... expériences, histoires à ce sujet-là ?
- #Fréderic Barbe
Alors, ouais, je pense à une autre expérience qui est un peu différente. Sur le foyer d'accueil médicalisé, on a accueilli...
- #Enora Teyssendier
Une femme qui avait eu une vie auparavant complètement normale, avec six enfants, je crois, des petits-enfants et tout, qui avait été mariée deux fois, deux ou trois fois, je ne sais plus exactement, mais qui avait vécu une histoire d'amour très, très, très forte avec un homme et tout, et qui était là en rapprochement familial. Pour rentrer un petit peu dans le détail, c'est une personne qui avait fait des ruptures d'anévrisme à la suite. Donc, qui était en fauteuil, très paralysé, qui ne parlait plus, qui ne communiquait pas, qui criait et tout. Et qui a réussi à faire la demande d'un sextoy, en fait. Donc, la démarche, elle était sous tutelle. La démarche a été de voir avec... La tutelle était quelqu'un de sa famille, sans rentrer dans les détails. Donc, on a vu avec lui. Lui, il nous a dit, moi, c'est... problème de la personne accueillie, je suis là pour payer la chose mais je ne veux pas savoir après comment ça se passe et tout. Donc il était ok dans le principe et tout, donc on l'a accompagné, donc il m'a éduqué avec une aide-soignante dans un sex shop pour qu'elle choisisse son vibromasseur et comme ça pouvait l'utiliser et la seule chose qu'il nous était demandé en fait c'était de de pouvoir le nettoyer et tout, pour qu'elle puisse l'utiliser après proprement et que... que... voilà. Parce que c'est quelqu'un qui avait eu une sexualité auparavant et tout, et qui ne voulait pas s'interdire de continuer cette sexualité avec un jouet.
- #Fréderic Barbe
Et qui n'aurait pas pu, elle, avec ses mains ?
- #Enora Teyssendier
Non, elle était trop handicapée avec ses mains. Avec le jouet à l'arrivée... C'est quelqu'un qui voulait re-rencontrer quelqu'un, donc on a essayé aussi, j'avais une activité informatique et tout, donc assez inscrite sur un site de rencontre. Voilà, c'est quelqu'un qui portait encore beaucoup d'espoir dans sa vie affective et tout. Mais l'handicap était tellement lourd que c'était presque pas possible, mais il faut les capaces par ces choses-là. pour qu'elle s'en rende compte d'elle-même. On ne pouvait pas lui dire, non, madame, ce n'est pas possible. Alors que si elle faisait les démarches et tout, elle s'apercevait qu'il n'y avait pas de retour, donc ce n'était pas possible. Mais c'était quelqu'un qui avait eu une sexualité, une vie affective auparavant. Et quand on parle d'empathie et choses, je me disais, je vais me mettre à sa place. Je ne vois pas pourquoi on lui aurait refusé de pouvoir l'emmener acheter. Comme une tablette de chocolat dans un magasin spécialisé.
- #Fréderic Barbe
Et pour avoir échangé avec d'autres éducs, il y a des structures qui refusent catégoriquement ne serait-ce que de laver le jouet.
- #Enora Teyssendier
Oui, alors là, je ne comprends pas en fait. Parce que pour avoir vécu des choses sans rentrer dans les détails, où les murs sont... arrosé d'excréments et tout, là, je peux entendre que c'est difficile et tout, mais là, ça fait partie de la vie, on porte des gants, il n'y a rien de... Pour moi, il n'y a rien de sale derrière ça, alors que de laisser des excréments partout sur les murs et tout, il n'y a que des choses de sales. Donc j'ai un peu de mal de comprendre que certaines personnes de l'équipe peuvent refuser. Je ne comprends pas du tout, même. Mais je ne suis pas à la place de direction et de ce qu'on est obligé de faire ou pas. Et je pense que c'est aussi bien que je ne sois pas directeur de quelque chose. Parce que moi, je dirais, si, vous prenez des gants, vous le lavez, c'est un objet, et voilà.
- #Fréderic Barbe
Et là, toute l'équipe acceptée ? Ou il fallait choisir une équipe aussi ?
- #Enora Teyssendier
Non, sur le foyer d'accueil médicalisé... Alors, je pense qu'il y avait la partie soins qui était là aussi et on en a beaucoup échangé et tout. Et toute l'équipe était OK. OK,
- #Fréderic Barbe
waouh !
- #Enora Teyssendier
Donc là, c'était plus petite équipe aussi, moins de résidents accompagnés que 8. Donc, plus d'échanges d'équipes et tout. Donc, même s'il y avait des accords, on pouvait en débattre et tout. Et les personnes étaient en capacité de se remettre en question et tout. Ou de dire, ben non, moi, je ne le ferai pas et tout. Bon, ok, on le savait et du coup, la personne n'allait pas le demander. La personne accueillie n'allait pas demander à la personne qui ne voulait pas le faire. Là, il n'y avait qu'une personne qui le faisait, mais qui le faisait à contre-cœur, mais elle le faisait quand même.
- #Fréderic Barbe
Ok. Et dans la structure où tu as été après, qui était pour les ados qui avaient un handicap, j'ai souvenir que tu m'as parlé de sujet, même je crois que tu aurais bien voulu que j'intervienne dans la structure, mais je ne sais plus pourquoi.
- #Enora Teyssendier
Alors, c'était déjà nos besoins de rupture. J'ai fait acheter un jeu sur la vie affective et sexuelle. Je créais pendant les repas, on déterminait un thème, un sujet de discussion, d'échange. Et pendant le repas, on échangeait tous, donc on était toujours à deux éducs pour discuter autour de la table d'un sujet. peu importe le sujet, ça pouvait être de tout et rien. Et bien sûr, on est passé par la vie affective et sexuelle puisqu'on avait acheté ce jeu-là et tout. Et on a eu une jeune qui, pour elle, les bébés, ça se faisait avec de la poudre de lait.
- #Fréderic Barbe
La poudre de lait ?
- #Enora Teyssendier
Oui, un peu de la poudre de perlimpinpin.
- #Fréderic Barbe
Ah !
- #Enora Teyssendier
Mais en sachant que cette personne-là avait déjà vécu un abus. au sein de son institution. Donc, c'est là où on voit le décalage, en fait. Son abus, elle ne le vivait pas du tout comme quelque chose de traumatique parce que ça a été fait simplement, voilà, et que c'était son pseudo soi-disant chéri sur une fellation et tout. Donc, pour elle, ça a été normal. Mais pour elle, on faisait les bébés avec de la poudre de lait. qu'il y avait quelque chose qui avait dû lui être dit, ou je ne sais pas ce qu'elle imaginait, mais on lui a expliqué que non, ce n'était pas comme ça que ça se passait et tout. La conception d'un enfant, ça ne se passe pas comme ça et tout. Mais elle a eu du mal à intégrer la chose, parce qu'il y avait une petite déficience, et pourtant c'est quelqu'un qui cherchait absolument à se mettre en couple. Parce qu'elle avait la représentation, être en couple, c'est être heureux.
- #Fréderic Barbe
Donc, vous avez expliqué comment on fait les bébés ?
- #Enora Teyssendier
Oui, alors on avait des bouquins, on avait ce jeu-là qui était très ciblé sur la vie affective et tout, donc sans trop rentrer dans les détails, mais voilà, que le garçon, en fait, dans sa conception, il a du sperme. que la maman ou la jeune fille qui a la relation va ovuler, enfin tout comme ça. Mais je pense que pour elle, vu sa déficience, c'était trop technique. Donc, après, elle a compris un peu comment ça se passait, mais je ne sais pas si elle a vraiment compris tout le système d'ovulation, en fait le sperme, machin et tout. Mais elle savait que ça ne se faisait plus avec de la poudre de lait, qu'il y avait quand même… un acte sexuel à faire et qu'il fallait être amoureux aussi pour faire ça et tout, que ce n'est pas parce qu'on lui demandait qu'il fallait qu'elle le fasse, donc avec de la prévention derrière ajoutée et tout, pour qu'elle soit aussi en capacité à un moment de dire non, stop, je ne suis pas d'accord parce que ça, on m'a dit, on m'a expliqué que ce n'est pas parce qu'on me demande que tu es mon chéri que je dois le faire.
- #Fréderic Barbe
Et du coup, là, par rapport à cette fellation, par exemple, quand tu dis que c'est un abus et qu'elle, elle ne l'a pas vécu comme ça, c'est quoi qui fait dire que c'est un abus ? Quelles infos vous avez eues ?
- #Enora Teyssendier
Alors en fait, c'est un autre jeune qui était accompagné, ils étaient plusieurs jeunes en fait, c'était du style, si tu veux être notre copain, notre copine et tout, tu fais une fellation à l'autre. Donc ça, ça a été repris avec la direction et tout, des entretiens et tout, ça n'a pas été posé comme ça, on oublie et tout. Mais on s'est aperçu que pour cette jeune fille, en fait, comme c'était son chéri, alors il se disait qu'ils allaient avoir une maison, qu'ils allaient avoir des enfants, comme des ados qui imaginent ce que c'est la vie d'adulte et la vie de couple, eh bien, elle a fait la chose en pensant que ce n'était pas quelque chose d'interdit et de traumatique, en fait.
- #Fréderic Barbe
Et devant tout le monde ?
- #Enora Teyssendier
Non, alors ils l'ont fait en cachette. C'était à l'extérieur, ils ont été bien se cacher. Mais devant, oui, devant les trois autres personnes.
- #Fréderic Barbe
Oui, c'était ça que je voulais dire.
- #Enora Teyssendier
Oui, oui, oui. Faites devant les trois autres personnes.
- #Fréderic Barbe
Ah oui, quand même.
- #Enora Teyssendier
Donc c'est là où il faut reprendre les choses et retravailler sur ça. C'est, comme je dis, la base de la vie sexuelle, l'affectivité sexuelle, c'est quand même d'être d'accord. Donc si déjà vous pouvez, dans toute institution, que chaque résident soit en capacité de dire « c'est dans mes valeurs, je suis OK » ou « c'est pas dans mes valeurs, je suis pas OK » . ou c'est interdit par la loi, ou tu n'as pas le droit de me toucher, je n'ai pas envie que tu me touches, même le toucher, ça serait déjà énorme qu'on soit déjà juste sur de l'affectif et que la personne soit en capacité de dire, oui, je suis OK, non, je ne suis pas OK.
- #Fréderic Barbe
Et là, ce sujet, il me semble quand même important aussi, dans le sens où je me questionne sur les pourcentages de personnes qui ont un handicap. et qui ont vécu des violences sexuelles. Je ne sais pas si ça existe, mais à mon avis, en fait, il y en a beaucoup plus que dans la population.
- #Enora Teyssendier
Moi, je vois, vu qu'on était spécialisé quand même dans les psys et tout, moi, je sais que de mon propre regard, je me suis aperçu que le temps où ces personnes étaient placées en psychiatrie et tout, il y avait quand même une sexualité débridée ou abusée. qui s'exerçait au sein des services psychiatriques.
- #Fréderic Barbe
Et même sans qu'il se passe quoi que ce soit au sein du service, nombre de personnes où je n'avais pas pensé à ça, mais plus tard, en étant formée au psychotrauma, je me suis dit, oh punaise, là, c'est probablement un symptôme de stress post-traumatique. Il y avait une personne... notamment au foyer, qui avaient des problématiques au niveau de la douche, de se mettre des choses dans l'anus. Je ne me rappelle plus exactement, mais en fait, du coup, plus tard, je me suis dit, ouais, mais en fait, là, il y avait probablement... Et un très, très, très gros mal-être.
- #Enora Teyssendier
Alors, est-ce que c'était... Tu parles de la résidente qui allait chercher des selles à l'intérieur de son anus et tout ? Oui.
- #Fréderic Barbe
Bon,
- #Enora Teyssendier
alors... Là, je vais pouvoir te répondre, en fait. C'est une personne qui a été abusée au sein de l'institution.
- #Fréderic Barbe
Génial.
- #Enora Teyssendier
Par un professionnel.
- #Fréderic Barbe
Encore mieux.
- #Enora Teyssendier
On ne peut pas s'en cacher, ça arrive, hélas. Mais la personne a été condamnée et tout, parce qu'elle a réussi à pouvoir l'exprimer et tout.
- #Fréderic Barbe
OK. Et il y en a eu d'autres en psychiatrie, où j'ai travaillé dans un hôpital psychiatrique avec des personnes qui ont un handicap et qui étaient en séjour de rupture, où dans le discours de la personne, ça questionnait sur ce qu'elle avait pu vivre. Et en même temps, là, on a des personnes qui, en face de nous, ne peuvent pas toujours parler ou ne s'expriment pas toujours très bien. J'ai... Pour donner un exemple, on a parlé tous les deux de la fille qui avait un amoureux et plusieurs partenaires. Sa manière de s'exprimer, elle n'était pas comme nous, on l'a dit. Donc, il fallait aussi un peu lire entre les lignes, comprendre ce qui était dit. Et donc, comme ça, quand on en parle là, ça peut paraître peut-être facile parce qu'on dit « elle a expliqué ça, ça, ça » . Mais en fait, il y a aussi... la partie, peut-être interprétation aussi du professionnel, parce que la personne ne veut pas toujours s'exprimer super bien. Et la dernière personne dont je parlais en psychiatrie adulte, je ne sais plus ce qu'elle nous racontait, mais déjà, c'était des phrases en boucle qu'elle disait, elle ne s'exprimait pas très bien, et c'était un truc du genre... Ah ! Je ne veux pas mettre un body string. Et là, moi, à cette époque-là, j'étais là, attends, un body string, à ce moment-là, je ne savais même pas. Aujourd'hui, c'est plus à nouveau la mode des body. Mais à ce moment-là, body string, ce n'était pas le mot qui faisait partie de mon vocabulaire. Donc, je me disais, si elle, elle dit, elle parle de body string, c'est qu'il y a dû y avoir quelque chose avec un body string quand même. Et ouais, ouais, je pense qu'il y a beaucoup de violence notamment sexuelle, sur les personnes qui ont un handicap, handicap psychique ou mental ou physique, ou les trois.
- #Enora Teyssendier
Ça me fait un peu rebondir dans ce que tu dis, et nous, professionnels, il faut qu'on fasse très attention. Parce que quand on tombe sur des personnes qui ont été abusées, il y a quand même un handicap qui est là, et ça peut se retourner aussi contre nous, parce que la personne peut tomber amoureuse de l'accompagnant, et s'imaginer se faire des films et tout. On a eu le cas sur le foyer occupationnel, où la jeune fille était tombée amoureuse de la personne qui l'accompagnait. Elle a été inventer des choses comme quoi il a regardé, il était presque à la toucher et tout. Elle a été prise en entretien avec la direction et tout, où là, elle a réussi à dire, on l'a vu que ça montait crescendo et tout. En fait, non, non, c'est pas vrai, c'est parce que je suis amoureux de lui. Et je pense que, ouais, c'est la complexité de l'accompagnement dans la vie affective et sexuelle, c'est qu'il faut aussi faire très attention et se protéger de... le fait qu'il pourrait se retourner contre nous.
- #Fréderic Barbe
Oui, puis dans certaines de ces structures, on doit nettoyer la personne et nettoyer ses parties intimes. Et donc, il y a toujours ce sujet-là derrière. Effectivement, je me rappelle la première fois. Là, c'est en masse, maison d'accueil spécialisée. Donc, il y a du polyhandicap. C'était avant que je sois éduque. J'ai fait des remplacements. Et donc, il fallait faire des toilettes. Et tu laves des sexes, des parties génitales, des parties... Il ne faut pas laver n'importe comment non plus. Ce n'est pas juste... Je fais un geste de la main. Ce n'est pas juste en superficie parce que c'est important de laver entre les lèvres et tout ça. Et c'est peut-être aussi tout ça qui vient se jouer avec le fait qu'ils aient une vie intime et tout parce qu'il peut y avoir cette peur de ce qui va se passer derrière. Et donc moi, la première fois qu'on m'a dit « Est-ce que tu as bien décaloté ? » « Oups ! » Alors, je n'y avais pas pensé. J'appréhendais aussi. Et notamment, un des résidents qui avait un sexe très petit et je galérais des fois pour décaloter, pour faire la toilette. J'appréhendais vraiment que si je galérais, qu'à un moment donné, il commence à être en érection. Et c'est des choses pas évidentes non plus pour les accompagnants soignants.
- #Enora Teyssendier
Après, ça me fait penser que, par exemple, dans ma formation, on a eu, il n'y en a pas en France, mais des accompagnants sexuels et des accompagnants sexuels. Ça se fait beaucoup en Suisse, je crois, et en Belgique, quelque chose comme ça. ça serait si ça arrive c'était possible en france je pense que pour les institutions ça permettrait à des hommes et des femmes de pas être obligatoirement en couple mais d'avoir alors ça passe pas obligatoirement par on pense tout de suite pénétration machin et tout mais ça peut être juste avoir une atmosphère avec des bougies avec quelqu'un même sexe du sexe opposé enfin bref c'est pas important et avec des huiles de massage mais être dans quelque chose de très affectif. Si je m'en rappelle bien, dans un film avec Omar Sy, je ne me rappelle plus du nom, où le gars est tétraplégique et où sa zone érogène, c'est le bout de l'oreille. Intouchable. Et le bout de l'oreille. Voilà, c'était juste une petite aparté pour dire qu'on n'était pas obligé d'entrer dans des pénétrations, des trucs comme ça.
- #Fréderic Barbe
Oui, c'est en ça aussi que ça pourrait être intéressant, une personne qui n'est pas, enfin, qui est, dont c'est le métier, les accompagnants sexuels, parce que l'approche serait aussi peut-être différente. Oui,
- #Enora Teyssendier
carrément, c'est carrément ça. En formation, dès qu'on m'a parlé de ça, j'ai fait le lien tout de suite prostitution, mais pas du tout, mais ce n'est pas du tout ça. Justement, c'est, voilà. vous avez fait voir une vidéo où la personne, c'était juste le fait d'être allongé à côté de lui dans le lit, d'avoir une atmosphère très cocooning, des bougies de l'encens et se faire caresser la tête. Mais il y a aussi le côté où il y a aussi des prestations, enfin, je ne sais pas si on peut parler de prestations, en plus des accompagnements avec des pénétrations. pénétration avec objet, sans objet, je ne sais pas trop, mais voilà. Mais je trouve que ça serait donner une possibilité aux personnes accueillies d'avoir même une sexualité solitaire, souvent. On n'en parle pas assez, quoi. Donc, les personnes accueillies se l'interdisent. Mais ça, je l'ai vécu. Donc, pourquoi tu ne t'autorises pas ? Ah ben non, ce n'est pas bien. Mais comment ça, ce n'est pas bien ? Qu'est-ce que tu mets derrière tout ça ? On m'a dit que ce n'était pas bien, qu'il ne fallait pas le faire. Ben si, tu as le droit. Tu as le droit de le faire. Et s'il faut qu'on te donne des choses pour que tu nettoies après, on te... C'est à nous aussi de mettre les choses en place pour que ça soit fait correctement et le plus possible dans l'hygiène et tout.
- #Fréderic Barbe
Oui, oui.
- #Enora Teyssendier
Changer notre regard, surtout.
- #Fréderic Barbe
Et puis des fois, en fait, il y a des personnes qui se caressent n'importe où et c'est de leur apprendre.
- #Enora Teyssendier
Oui, oui. J'ai un petit souvenir, par exemple, comme ça, où on a accueilli quelqu'un en urgence qui venait avec son éduc, en fait, parce qu'il avait... Je ne vais pas entrer dans les détails, mais il avait été violent et tout. Et on trouvait un délire qu'il faisait kiffer, c'est qu'à côté de la structure, on avait une maison de retraite et tout. Donc il prenait sa serviette, il allait s'allonger le long du grillage, il attendait et dès qu'il voyait des gens qui sortaient de la maison de retraite pour aller sur les bancs et tout, en fait, il se masturbait avec le grillage, donc il passait son sexe dans... dans le trou du grillage et tout, et pour lui, c'était son gros kiff, quoi. Donc, on est venu nous dire, mais vous avez quelqu'un qui, avec le grillage, machin, et tout. Bon, d'accord, OK. Bon, on va remédier à tout ça et tout, mais bon, voilà, c'est vrai que ça peut paraître un autre monde et tout, mais je pense que là, alors OK, ça peut paraître, mais qu'est-ce qu'il a fait ? C'est super, voilà, il faut condamner tout ça et tout. Je pense qu'il faut se poser la question autrement, c'est qu'est-ce qu'on a oublié de faire comme boulot pour que ça ne se produise pas en fait ?
- #Fréderic Barbe
Comment ça ?
- #Enora Teyssendier
Qu'est-ce qu'on a oublié de mettre en place pour qu'ils comprennent que c'est hors-la-loi ce qu'il a fait et qu'on ne peut pas accepter des choses comme ça.
- #Fréderic Barbe
Eh oui, il est éducatif quoi.
- #Enora Teyssendier
Voilà, exactement.
- #Fréderic Barbe
Dans l'éducation spécialisée. Il manque un peu de l'éducatif dans le côté vie affective et sexuelle.
- #Enora Teyssendier
On en parle, on en parle beaucoup et tout, mais je pense qu'on survole les choses. C'est quelque chose, c'est un peu tabou, même à travailler, en discuter entre collègues et tout, tout de suite, attention, qu'est-ce que tu vas découvrir sur moi ? Tout de suite, les gens pensent... Moi, je suis quelqu'un qui peut parler de sexualité et de vie affective très facilement. C'est peut-être pour ça aussi que je m'y suis toujours un peu plus intéressé peut-être que certaines personnes dans d'autres équipes. Après, j'ai rencontré des gens qui disaient, moi, il est hors de question que je parle de ça, que j'accompagne dans ça et tout. Mais j'estime que ça fait partie de notre travail.
- #Fréderic Barbe
Oui. Bon, je suis vraiment désolée, le temps passe vraiment très vite. Donc, on va aller sur la fin de cet épisode. Mais... J'ai réussi à convaincre Fredo de poursuivre. On partira donc, il y aura une partie 2 de cet épisode, enfin un deuxième épisode du coup. Donc, on se retrouve prochainement pour avoir la suite de notre conversation. Merci beaucoup Fredo.
- #Enora Teyssendier
Merci à toi et à bientôt à tout le monde.
- #Fréderic Barbe
Merci du coup d'avoir accepté cet échange.
- #Enora Teyssendier
C'était avec grand plaisir. Première pour moi pour un podcast.
- #Fréderic Barbe
J'avais un autre message à transmettre, mais du coup, on se retrouve sur le prochain pour avoir la suite de ce message. À bientôt, bonne soirée ou bonne nuit ou bonne journée en fonction de là où vous nous écoutez. Et puis, on se retrouve la semaine prochaine pour un prochain épisode.