Speaker #0Dans cette série d'épisodes, les éditions Quae et le groupe Sciences en Questions vous proposent de découvrir la conférence "Expertise, Débat Public. Quels enjeux pour la démocratie ?" animée par Michel Badré. Il nous explique dans ce deuxième épisode la conduite des débats dans le cadre du projet de Notre-Dame-des-Landes et de celui du Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs.
Ça c'est juste une carte pour situer le sujet pour ceux qui n'auraient jamais entendu parler de Notre-Dame-des-Landes. Pour les plus jeunes en particulier, ça peut arriver puisque maintenant le projet est enterré depuis 4 ans. Donc vous avez au milieu l'agglomération nantaise, vous avez au sud la tâche noire qui est en bas, c'est l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique qui est un peu dans la position d'Orly par rapport à Paris, pour faire simple, donc il est dans la banlieue sud de la ville dans une zone qui est assez urbanisée, elle n'est pas complètement urbanisée comme le centre-ville de Nantes, mais elle l'est quand même pas mal. Et vous distinguez en plus, tout à fait en bas à gauche, en dessous de cet aéroport, du bleu qui correspond aux limites du lac de Grand-Lieu, qui est un site ornithologique de grande qualité, sur lequel je reviendrai dans un instant. Et puis vous avez tout à fait en haut à gauche de la carte, le projet d'aéroport tel qu'il était conçu de Notre-Dame-des-Landes, donc Notre-Dame-des-Landes est le nom d'une petite commune qui est tout en haut, à 30 km de Nantes à peu près, et donc le projet était à cet endroit-là. Donc ce projet, il a vécu pendant 50 ans. Les premières occurrences du projet, c'est la fin des années 60 et le tout début des années 70, ou dans le cadre des grandes réflexions sur l'aménagement du territoire. Il avait été dit que ce serait une bonne idée de faire un grand aéroport, un aéroport du Grand Ouest, comme on disait à l'époque, qui était censé desservir tout l'Ouest de la France, et pas seulement l'agglomération nantaise, tout ça pour assurer l'avenir économique de ce secteur. Pendant une trentaine d'années, donc jusqu'à la fin du XXe siècle, il y a eu des hauts et des bas. Il y a eu un haut pendant lequel on a dit que c'était vraiment un aéroport plein d'avenir, parce que c'est de là qu'on ferait décoller le Concorde et que c'était une bien meilleure idée de le faire décoller de là, parce que comme ça, il passait le mur du son au-dessus de l'océan Atlantique, alors que s'il décollait de Roissy, il passait le mur du son au-dessus de la banlieue parisienne, et ça, c'était nettement moins bien. Donc ça a été l'idée pendant un temps, et puis peu à peu, le truc est retombé, on a quasiment arrêté d'en parler. Pendant les années 90, le projet était mort, plus personne n'en parlait. Il est ressuscité d'entre les morts au début des années 2000 à l'initiative du maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, et pour des raisons d'urbanisme principalement. C'est lui qui nous l'a dit quand on l'a auditionné. Vous voyez sur la carte, bien qu'elle ne soit pas très nette, ce que c'est que l'île de Nantes, qui est une île qui se trouve au milieu de la Loire, en plein cœur de l'agglomération, et dans laquelle la ville avait des projets d'urbanisme très importants, et pour lequel le fait qu'il y ait un aéroport, qui en plus est orienté en plein dans l'axe de l'île, avec un trafic en augmentation, risquait de condamner tous les projets d'urbanisation de l'île de Nantes. Et c'est surtout ça qui intéressait Jean-Marc Ayraul. qui nous a dit en audition, dans une audition absolument passionnante d'ailleurs, parce qu'il nous a déroulé toute l'histoire telle qu'il l'avait vue lui, il nous a dit, moi ce n'était pas du tout un projet aéroportuaire, moi l'aéroport je n'en avais rien à faire, enfin il ne nous l'a pas dit exactement comme ça, mais c'était à peu près ça. En revanche, notre problème à nous, c'était l'urbanisation, c'était sortir cet aéroport actuel de là où il est, pour le mettre n'importe où, mais pas là, pour qu'on puisse faire nos projets de développement urbain. Et à partir de là, le débat s'est mal embarqué dès le début parce que cette motivation présentée par la ville de Nantes n'a pas été la motivation mise dans le public. Il y a eu un débat public en 2002, nous en 2017, quand on est arrivé là-dessus, j'ai lu tous les comptes rendus du débat, personne ne parlait jamais d'urbanisme, on ne parlait que d'un sujet qui était faire un grand aéroport de l'Ouest. Et dans le débat, il y a une bonne partie de la population spécialisée dans les questions aéronautiques qui ont dit dès le début « mais on ne comprend rien à votre projet, il ne sert à rien, l'aéroport de Nantes il va très bien, pourquoi vous voulez faire un nouvel aéroport ? » Et donc il y a eu dès le début ce clivage entre des gens qui disaient « il faut absolument faire un nouvel aéroport » et d'autres qui disaient « il ne sert à rien », alors on ne savait plus quelle était la motivation réelle du projet. Tout ça, ça a fermenté pendant un bout de temps. Il y a eu une déclaration d'utilité publique qui a été prise en 2008. Ça aussi, ça fait réfléchir. La déclaration d'utilité publique a été prise au vu d'un avis de la section des travaux publics du Conseil d'État auquel on a eu accès et on a eu le rapport du rapporteur devant la section des travaux publics qui disait le projet de Notre-Dame-des-Landes, le nouveau, il n'est pas très clair, il a des défauts comme tous les projets, disait les questions environnementales n'ont pas été très bien étudiées. Donc on lui disait à dire si l'autorité environnementale avait existé, j'aurais probablement été très critique, mais elle n'existait pas donc on n'a pas rendu d'avis. Mais cet avis se concluait. Le rapporteur de la section DTP disait qu'il y a une chose qui est vraiment convaincante dans le projet de nouvel aéroport, c'est que le trafic actuel de Nantes-Atlantique, c'est 2,5 millions de passagers. Le porteur de projet, la direction de l'aviation civile, nous explique que l'aéroport sera saturé à 3,5 millions de passagers et que pour aller jusqu'à 4 millions, il faudrait faire 80 millions d'euros de travaux. Ça, c'est un argument convaincant pour dire qu'avec des prévisions de trafic à 7 ou 8 millions, il faut faire un nouvel aéroport. Et donc, le Conseil d'État a approuvé, le décret a été pris, le DUP a été pris. Je signale juste que nous, notre mission, on est arrivé en 2017. On a regardé, première question, le trafic actuel de Nantes-Atlantique, c'est combien ? C'est 6 millions de passagers. Les dépenses faites pour passer à ce niveau, c'est combien ? Réponse de Vinci, gestionnaire, c'est 8 millions d'euros. Donc la base même du raisonnement était complètement à côté de la plaque. Alors ensuite, quand on creuse un peu, on dit que c'était complètement à côté de la plaque. C'est facile de critiquer après, mais c'est quoi la saturation d'un aéroport ? C'est le fait qu'il y a 20 jours par an des files d'attente au comptoir qui durent plus d'une demi-heure quand les gens enregistrent leurs bagages ? Ou bien c'est le fait que les parkings où on gare les avions, j'ai découvert que faire des parkings pour garer les avions, c'est une question compliquée, plus que de faire des parkings pour garer les bagnoles, parce que les avions, ça tient plus de place. Est-ce que les parkings ne sont pas suffisants ? Est-ce que la piste ne sera pas assez solide pour supporter des avions en grand nombre ? Et si ça crée des ornières derrière les roues des avions, ça va être ennuyeux. C'est quoi la saturation d'un aéroport ? On ne savait pas très bien répondre à la question. Tout ça pour dire que la DUP a été prise sur des bases fragiles. Dès la DUP, 2008, il y a eu la ZAD, zone à défendre. Il y avait une zone d'aménagement différé qui avait été constituée 30 ans avant et qui existait toujours. Mais donc il y a des gens qui sont venus s'installer à demeure sur le site. Il y a eu une tentative pour les évacuer. En 2012, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, et ancien maire de Nantes avait décidé que ça commençait à bien faire et qu'il fallait les évacuer. Je précise qu'il avait succédé comme président du conseil régional à François Fillon, premier ministre de l'autre bord avant lui, qui était aussi favorable que lui au projet. Ils étaient exactement sur la même ligne. Il n'y avait pas du tout d'opposition droite-gauche sur ce projet. Donc il y a eu une tentative d'évacuation de la ZAD qui a été abandonnée au bout d'un mois. Donc les forces de l'ordre ont été envoyées. On n'est pas arrivé, bien qu'on ait interrogé tout le monde, les gendarmes, les élus, la population, on n'est pas arrivé à savoir si l'arrêt de cette évacuation était dû au fait que ça ne marchait pas et qu'on n'arrivait pas à évacuer les gens, ou bien si c'était parce que le gouvernement estimait que si on avait des morts et des blessés, ça serait vraiment très ennuyeux et qu'il allait mieux éviter. Donc le fait est que ça a été arrêté. Il y a eu après une mission dite du dialogue, constituée de trois personnes, dont on a lu la lettre de mission qui disait, c'était en 2013, et la lettre de mission disait, signée par le premier ministre de l'époque, toujours Jean-Marc Ayrault, disait dites-nous comment il faut faire pour faire aboutir ce projet. Ça fait des années ou des décennies qu'on pédage dans la semoule, il faut en sortir, dites-nous comment faire aboutir ce projet. C'était ça la lettre de mission. Donc ensuite, il y a eu des propositions de fait, ça a continué, ça a continué à mal se passer pendant assez longtemps, il y a des études qui n'ont pas été suivies, il y a eu un tas de trucs. Le pire du pire, c'est qu'en 2016, le président de la République de l'époque, François Hollande, constatant qu'il y avait au sein de son gouvernement deux points de vue complètement opposés, celui du Premier ministre Manuel Valls qui disait « il faut absolument réaliser ce projet » , celui de la ministre de l'Environnement de l'époque, Ségolène Royal, qui disait « il ne faut absolument pas réaliser ce projet » , les deux s'étaient exprimés en public, disant ça. Et donc le président de la République a dit, moi j'ai trouvé la solution, on va faire un référendum. Et puis on fera ce que dit le référendum. On a fait le référendum, il y a eu un taux de participation très élevé pour une opération de ce genre, plus de 50%. Quand on compare au taux de participation actuel, c'était assez remarquable. Il y a eu 55% de votes favorables à la réalisation du projet. Tout ça, c'était à la fin du printemps 2016, donc un peu moins d'un an avant les élections de 2017. Et donc ceux qui étaient pour le projet ont dit « ça y est, on a gagné, on va y aller » . Si vous allez lire le livre de mémoire de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur à l'époque, C'est très intéressant, il y a deux pages sur cet épisode dans lesquelles il dit qu'il est allé voir le président de la République et le Premier ministre et qu'il leur a dit que lui, ministre de l'Intérieur, se sentait dans l'incapacité totale d'évacuer le site tel qu'il était pour réaliser le chantier et donc faire ce qui était le résultat du référendum sans provoquer des dégâts extrêmement lourds, ça veut dire des morts et des blessés en grand nombre qu'ils ne savaient pas faire. Le résultat c'est qu'ils ne s'est rien fait et qu'on s'est retrouvé en 2017, tout de suite après les élections, quand je dis tout de suite après, notre lettre de mission, la mission de médiation, on était trois, on a pris notre lettre de mission, nous faisait commencer notre travail au 1er juin 2017. Les élections, le gouvernement Édouard Philippe était en place depuis le 15 mai, donc vraiment ça n'a pas traîné. Notre lettre de mission ne disait pas « dites-nous comment faire aboutir le projet » , elle disait « dites-nous quelles sont les différentes décisions possibles avec leurs avantages et leurs inconvénients » . Et c'est tout. Tout de suite, je passe sur quelques épisodes. On a été deux des trois membres de la mission attaqués pour cause de liens d'intérêts avec le projet. Moi, je l'ai été. parce que Raphaël disait que j'étais membre du conseil d'administration de l'association Humanité et Biodiversité. Et un élu local de haut rang a dit dans une interview à Ouest France qu'il était inadmissible que je sois dans la mission parce que cette association Humanité et Biodiversité avait un président d'honneur qui était Hubert Reeves, ça je le savais, qui avait fait trois ans avant une déclaration contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, ce que je dois dire. J'ignorais complètement. Moi, j'ai simplement répondu que, de toute façon, ce que j'ai dit tout à l'heure, des experts qui n'aient aucun lien d'aucune sorte sur aucun projet, ça n'existe pas. En revanche, nous, tout ce qu'on pouvait essayer de faire, c'est d'avoir une procédure d'expertise qui soit aussi rigoureuse que possible. Et c'est ça qu'on a essayé de faire. Donc le sujet de notre médiation, c'était, j'ai écrit TINA, je pense que vous reconnaissez le sigle favori de Margaret Thatcher « There is no alternative » . Moi, je n'ai jamais vu à l'autorité environnementale le projet sur lequel il n'y ait pas d'alternative. Il y en a toujours. Pas seulement l'alternative ne rien faire. Il y a à peu près toujours des alternatives consistant à faire autre chose que le projet présenté. Et là, la question qui nous était posée était « Y a-t-il des alternatives et qu'est-ce qu'elles donnent ? » Alors, ce qu'on a fait sur la méthode... On a commencé par se mettre à deux avec un jeune ingénieur qui avait été mis à notre disposition. On a chacun passé séparément un week-end à lire toute la doc qu'on nous avait donnée. C'était sur une clé USB, mais il y en avait des milliers de pages, entre les comptes rendus du débat public, les documents préparatoires de la DUP, les dossiers loi sur l'eau, tout ce qui avait été produit depuis 15 ans, et à dire là-dedans qu'est-ce qu'il y a comme sujet de controverse. Un sujet de controverse, c'est un sujet sur lequel il y a des gens qui peuvent se prétendre experts, alors qu'est-ce qu'un expert, on pourrait en discuter pendant 107 ans, mais des gens qui argumentent sur des positions différentes pour répondre à la même question. Ici, sur une même question, il y a des gens qui disent noir avec une argumentation à l'appui, d'autres qui disent blanc avec une argumentation à l'appui. Ça mérite d'aller creuser plus loin et de regarder. Donc on va essayer d'identifier ces points de controverse. On s'est retrouvés au début de la semaine suivante et on a constaté avec satisfaction d'abord que notre liste était la même et qu'elle n'était pas très longue, qu'il y avait très peu de questions. Et je les ai citées là-dessus. Il y en avait principalement quatre. Une qui concernait le projet de Notre-Dame-des-Landes et trois qui concernaient l'aménagement de Nantes-Atlantique, dont on avait très vite compris, et ça c'était pas difficile, et c'était contesté par personne, que les options alternatives, il y en avait une et une seule, qui était d'aménager l'aéroport actuel. Et il y avait d'autres options, d'autres sites qui avaient été étudiés avant, mais qui avaient été classés comme sans intérêt. Il n'y avait plus de débat là-dessus au moment où on est arrivé, et personne ne les a fait ressurgir pendant qu'on y était. Donc la question sur Notre-Dame-des-Landes, c'était le dossier. et d'application de la loi sur l'eau, sachant que le site, l'emprise du projet, c'était 1 500 hectares, donc c'est pas tout à fait rien, et que sur ces 1 500 hectares, à partir des dossiers loi sur l'eau, il fallait faire des mesures compensatoires impliquant l'agriculture locale sur environ 2 500 à 3 000 hectares. Il y avait un dossier compliqué, il y avait eu un rapport, un collège d'experts là-dessus, enfin je passe sur les détails, mais il fallait trouver 2500 ou 3000 hectares sur lesquels les agriculteurs locaux acceptent, locaux hors site d'emprise, puisque sur le site d'emprise, il n'y aurait plus d'agriculteurs, il fallait trouver ces terrains pour faire, pour appliquer toutes ces mesures, sachant qu'on était dans un climat coupé au couteau et même un peu plus que ça, puisque sur le terrain d'emprise lui-même, il y avait des agriculteurs historiques qui disaient « Mais nous, de toute façon, on ne veut pas partir. » Ils étaient expropriés, ils n'avaient pas été expulsés parce que le gouvernement n'avait pas pensé opportun de le faire, mais ils n'étaient plus dans leur droit au sens juridique du mot en restant sur place. Donc on disait là-dessus, c'est vraiment pas clair du tout. Et si on fait ce projet, en dehors du fait qu'il faudra évacuer, que ce sera très difficile, très compliqué et tout, Quand on dit qu'on va respecter toutes les règles environnementales, il y a une forte interrogation sur le fait de savoir si c'est possible ou non. Certains disaient non, c'est impossible. Pour telle et telle raison, d'autres disaient oui, c'est possible. Et puis, il y avait trois questions sur l'aménagement de Nantes-Atlantique. Le premier, c'était la question du bruit. Je l'ai évoqué à propos de l'aménagement urbain de l'île de Nantes. Est-ce qu'on peut, avec des augmentations de trafic prévues, est-ce que l'urbanisation de l'île de Nantes et accessoirement de ce qui est autour sera possible ou non ? Deuxièmement, est-ce que l'aéroport tel qu'il est, en particulier la piste, a besoin d'être refaite ou non ? Et là-dessus, on avait des avis complètement contradictoires. Il y avait un avis de la direction de l'aviation civile disant oui, c'est possible, mais il faut refaire la piste et la facture c'est environ 300 millions d'euros, sachant que le projet de Notre-Dame-des-Landes, la facture présentée c'était 600 millions d'euros. Donc la DGAC disait oui on peut refaire la piste de Nantes-Atlantique mais voilà il suffit de payer 300 millions d'euros et un groupe d'opposants qui s'était réuni sous le nom de l'atelier citoyen et qui réunissait en fait un certain nombre d'experts de différents sujets ou de retraités ou de gens intéressés par le dossier avait produit un dossier dans lequel il disait mais pas du tout. Effectivement, il faut refaire la piste et nous, on a fait une évaluation. Le coût, c'est environ 30 millions d'euros et pas 300 000. Ce n'est pas tout à fait pareil et ça ne pose pas de problème dans les mêmes termes. Et puis, dernière question, je vous ai parlé du lac de Grand-Lieu. Est-ce que si on refait l'aéroport pour qu'il puisse accueillir des trafics plus importants, est-ce que ça va mettre en cause le fait que sur le lac de Grand-Lieu, il y a un site Natura 2000, une réserve naturelle, tout ce qu'il faut, un site Ramsar, et je ne sais plus quoi d'autre. Donc est-ce que tout ça est mort ? Est-ce qu'il faut dire d'avance que le site est sacrifié parce qu'on a préféré faire un aéroport ? Oui ou non ? Donc on s'est dit, on a ces questions, comment est-ce qu'on peut y répondre ? On a cherché sur chacune quel type de méthode on pouvait avoir. Là aussi, c'est vraiment de l'empirisme au niveau le plus bas. On n'a pas été chercher dans les livres. Comment on faisait pour mettre les gens d'accord ? Il y a eu un seul point commun aux quatre questions, c'est qu'on s'est dit, on va réunir les experts, les gens qui ont argumenté. Là aussi, on a repris nos lectures. On a dit, qu'est-ce qui a argumenté en disant que sur le lac de Grand-Lieu, il était mort si on augmentait l'aéroport ? Et qui a dit qu'il n'y avait pas de problème ? C'est assez facile d'identifier ceux qui ont produit de l'argumentation solide là-dessus. Ça nous a valu quelques critiques, parce que sur chacun des points, on a fait une réunion de travail en invitant les gens qui avaient argumenté. Ça nous a valu une mise en cause dans Ouest-France par les élus porteurs du projet qui ont dit « mais c'est scandaleux, ces gens qui se prétendent médiateurs, ils ne nous ont même pas invités à leur réunion à laquelle ils ont parlé des sujets pris un par un. » Sur le coup, nous, on a répondu « bah oui, écoute. » écoutez, on est désolé, on a peut-être oublié de vous inviter, mais c'est parce qu'en regardant le dossier, on n'avait rien trouvé comme document écrit donnant votre avis là-dessus. Mais si vous en avez produit, on vous invite très volontiers à la prochaine réunion. Ce n'est plus jamais rien passé, donc on a pu continuer. Mais ensuite, je reviens aux quatre questions. Et je commence par celle où ça a été le plus simple, c'est le lac de Grand-Lieu. On est arrivé très vite avec les partisans et les opposants à dire, ben là on va faire une vraie tierce expertise et le tiers expert qu'on a proposé, il a été accepté tout de suite. On a dit il y a le Muséum National d'Histoire Naturelle, c'est son métier. En plus c'est son métier aussi d'aller dire à Bruxelles si le réseau Natura 2000 est bien conçu ou non. Donc ils sont engagés par ce qu'ils disent là-dessus. A priori, leur avis sera crédible. Donc on a pris contact avec le muséum, qui a un peu tordu le nez au début, parce qu'évidemment, on a pris contact le 15 juillet en disant que si on avait leur avis pour le 10 septembre, ça serait bien, parce qu'après, on continuait. Ils ont dit bon, mais ils ont été très bien parce qu'ils ont accepté et ils ont fait, donc ils ont envoyé sur place Jean-Philippe Siblet, que certains d'entre vous connaissent probablement, qui a fait un avis hyper argumenté avec tout ce qu'il fallait autour, et qui concluait qu'il n'y avait pas de sujet, et que même avec les augmentations de trafic prévues, qu'il y avait des tas de cas constatés partout dans le monde, où il y avait des situations bien pires que celles-là, que d'ailleurs ici avec les augmentations de trafic constatées depuis 20 ans sur le site il y avait un graphique qui montrait la hausse des populations d'oiseaux et la hausse du trafic, c'était rigoureusement parallèle. Alors il n'en concluait pas que plus on augmentait le trafic, plus on avait d'oiseaux, mais il en concluait qu'il n'y avait pas de contradictions évidentes. Donc ça a classé le sujet, on n'en a plus parlé jusqu'à la fin, ça a été réglé de façon simple. En revanche, pour les trois autres, ça a été plus dur. Je commence par la piste. On a essayé de faire pareil. On a dit, mais qu'est-ce qui pourrait nous donner un avis objectif et non suspect sur cette question de travaux de réflexion d'une piste ? Moi, je n'ai jamais fait de piste d'aéroport dans ma vie, et mes collègues non plus. Donc, on a cherché. La première idée qu'on avait eue, c'était de s'adresser à l'aéroport de Paris en disant, eux, ils doivent savoir ce que c'est que d'entretenir des pistes. Et puis, ils doivent avoir des services d'ingénierie et tout ça. On a pris contact, ils nous ont dit oui, on a, mais on n'a pas très envie d'aller à Notre-Dame-des-Landes. Et en grattant un peu, on a vite compris que c'est parce que c'était au début des discussions qu'il y avait sur la privatisation d'ADP. Il y avait Vinci, concessionnaire de l'aéroport de Nantes-Atlantique, qui était dans le coup. Et donc, il ne voulait absolument pas aller se fourrer dans ce panier de crabes. Donc, on n'a pas insisté, on a cherché autre chose. Et on a trouvé qu'il y avait deux organismes en France qui pouvaient répondre bien. C'était l'IFSTAR, ancien laboratoire central des ponts et chaussées en termes de jargon, et le CEREMA, organisme qui regroupait les anciens centres d'études technique de l'équipement. Là-dedans, il y avait des tas de gens qui avaient travaillé sur ce genre de sujet. Donc, a priori, techniquement, c'était bon. Politiquement, ça posait un problème, c'est que ces deux organismes sont sous tutelle du ministère de la Transition écologique et de l'équipement et des transports, dans lesquels la direction de l'aviation civile est aussi. Et donc, ils pouvaient être suspectés d'être instrumentalisés par la direction de l'aviation civile. On a discuté de ça avec tous les acteurs locaux et les opposants au projet nous ont dit mais nous on a des experts, on en a même un qui est très bon, qui est un belge, qui est un spécialiste de ce genre de travaux et si vous voulez on vous le fournit. Donc on a regardé le CV de cet expert belge qui s'appelait Boll, le CV avait l'air solide. Moi, j'ai pris contact avec la direction du CRMA et de l'IFSTAR, et c'est la direction du CRMA qui m'a répondu, mais oui, on le connaît très bien, ce gars-là. Effectivement, c'est quelqu'un de sérieux. Donc, on a dit, on va essayer de faire, j'ai utilisé le terme d'expertise collective, il y a sans doute parmi vous des gens qui ont participé à des expertises scientifiques collectives. Donc, pour moi, c'est un abus de langage ici, mais j'ai simplement voulu dire... On a mis ensemble Cerema et Ifstar et cet expert belge. On a fait une réunion de travail. On a dit les questions posées, c'est quoi ? À quoi veut-on avoir des réponses ? On a vu que ça se passait assez bien. On leur a donné un délai, un cahier des charges. Ils nous ont remis un rapport à la fin, très solide. On a regardé un peu comment ils travaillaient. Ils nous ont dit eux-mêmes qu'ils étaient tous d'accord sur ce qu'ils avaient fait. Ça s'est bien passé. résultat avec un plan avec un programme de travaux et tout, montant des travaux prévus environ 100 millions d'euros, c'était ni 300 ni 30, c'était pas tout à fait la moyenne entre les deux, mais ça résultait d'un truc qui nous a paru solide. Pour le bruit, on a encore procédé différemment parce que là on n'avait pas d'organisme d'expertise reconnu et là on a vraiment fait du travail direct en commun avec la direction de l'aviation civile qui est la structure dans laquelle il y avait les meilleurs experts en matière d'évaluation du bruit. Et puis les opposants. dans lesquels il y avait quelques personnes qui avaient vraiment travaillé de façon intéressante là-dessus. Et on a passé 4 ou 5 réunions de travail à refaire les plans d'exposition au bruit. Moi je ne savais pas ce que c'était qu'un plan d'exposition au bruit, mais je l'ai appris à cette occasion. Je ne savais pas non plus qu'il y avait un logiciel direct unique qu'utilisaient tous les experts du sujet partout dans le monde et qui disait à partir de données d'entrée qui sont les trafics en nombre d'avions, en catégorie d'avion en signal sonore, qui n'est pas le même selon que l'avion est petit ou gros, récent ou vieux, etc. Par quoi ça se traduit en zone géographique d'exposition au bruit pour pouvoir faire un classement en quatre zones ? A, B, C, D. A, c'est les pires où on ne peut rien faire. D, c'est celle où on peut construire ce qu'on veut sous réserve de prescrire aux gens de mettre des doubles vitrages, et puis vous avez des catégories intermédiaires. Donc tout ça se fabrique. La question, c'est de savoir quelles données d'entrée on met dedans, de façon à sortir les cartes de plans d'exposition au bruit qui ont conduit à dire que finalement, en tenant compte de toutes les prévisions faites en nombre d'avions et en catégorie d'avions, que les menaces sur l'urbanisation de l'île de Nantes n'étaient pas réelles. Donc là, ça s'est réglé assez bien. En revanche, on ne s'est complètement planté sur le quatrième sujet qui était le dossier loi sur l'eau de Notre-Dame-des-Landes. Quand je dis qu'on s'est complètement planté, je crois que c'est la seule fois dans ma vie de fonctionnaire puis de retraité actif sur quelques sujets où il m'est arrivé d'interrompre une réunion au bout d'une heure, parce que je pensais que si je ne l'avais pas interrompu, les gens seraient venus aux mains dans la réunion. Et quand je dis les gens, c'était d'un côté les associations de protection de la nature et de l'autre côté la DREAL et les maîtres d'ouvrage, Vinci et la direction de l'aviation civile. Il y avait un tel climat de haine dans la réunion qu'il était impossible de discuter de quoi que ce soit de censé. Et c'est là où on se dit que dans un pays civilisé comme le nôtre, il y a quand même des moments où tout le monde dérape et on ne comprend plus bien pourquoi, mais c'était assez frappant. Donc qu'est-ce qu'on a fait du coup ? On s'est pelé nous-mêmes les dossiers tels qu'ils étaient et on a essayé de produire nous-mêmes un avis sur le sujet, ce qui était évidemment beaucoup plus faible que ce qu'on avait pu faire sur les trois autres questions.
Le premier réflexe consistant à dire, quand on est sur un sujet compliqué et controversé, il suffit de faire une tierce expertise et tout va bien. Quelquefois ça marche, mais d'autres fois c'est plus compliqué, parce que le tiers expert, il faut l'avoir, il faut qu'on puisse lui poser une question, il faut qu'il soit en mesure de répondre, et tout ça, il y a des coups où ça ne marche pas. Donc le débat public sur le PNGMDR, Raphaël a rappelé tout à l'heure ce que cachait ce sigle barbare. Rien que d'avoir retenu un sigle pareil pour faire un débat public auquel on invite les gens à venir, il y a quand même un problème de communication. Je rappelle que PNGMDR, ça veut dire Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs. C'est un document qui était révisé tous les trois ans, qui est maintenant révisé tous les cinq ans. Ça existe depuis 2006, donc une loi sur le traitement des déchets nucléaires qui date de cette époque-là. Et donc on en est actuellement à la cinquième édition de ce plan. Et pour des raisons juridico-administratives sur lesquelles je ne reviens pas, ce plan a dû faire pour la première fois l'objet d'un débat public en 2019. La première question qu'on s'est posée, donc ce plan couvre toutes les catégories de déchets, et dans les catégories de déchets, il y a vraiment de tout. Il y a les déchets dits à haute activité, activités ou haute activité, moyenne activité, vie longue, H-A-M-A-V-L en jargon. C'est ceux qui restent radioactifs pendant des milliers d'années et dont on ne sait pas faire grand-chose d'autre que de les enfouir le plus loin possible et de les oublier. Et puis il y en a l'autre extrémité, les déchets de très faible activité. C'est des trucs qui sont embêtants, mais qu'en les stockant dans un coin, en mettant de la terre dessus, en surveillant bien et en attendant 20 ou 30 ans, on a résolu une bonne partie du problème. Et puis, il y a tous les stades intermédiaires, il y a un peu de tout là-dedans. Et donc, le plan vise à dire pour chacune de ces catégories ce qui est prévu et ce qu'on va faire, en sachant qu'on le révise tous les cinq ans, parce que d'abord, les quantités changent, ensuite, les techniques peuvent changer aussi, et c'est peut-être ça qu'on discute. Et vous avez là-dessus un certain nombre de gens, j'ai mis des guillemets comme il est d'usage de le faire quand on fait une citation, et ceci est une citation que j'ai entendue moi-même de la part d'un sénateur de la République, faisant partie de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, l'OPEX, et qui m'a dit, à provenance au cours d'une audition qu'il portait sur ce plan, que de toute façon, ils ne comprenaient pas pourquoi on perdait tellement de temps à se concerter sur des sujets pareils, qui étaient de toute façon trop compliqués, pour que les gens puissent comprendre de quoi on parlait, que ça faisait perdre beaucoup de temps et que ça ne servait à rien. C'est intéressant, on n'est pas obligé de partager cet avis, et pour ma part, je ne le partageais pas. Donc, qu'est-ce qu'on a fait ? Quand je dis « on » cette fois-ci, c'est que chaque fois qu'il y a un débat public de ce genre, il y a une commission particulière qui est chargée de le faire, on était je ne sais plus combien, sept ou huit, parmi lesquelles Catherine Larrère, épouse de Raphaël Larèrre ici présent, plus quelques autres. Et donc on s'est demandé comment il fallait aborder ce sujet. Une des premières choses qu'on s'est dites, c'est très différent de Notre-Dame-des-Landes, où on était en pleine bagarre et où on cherchait à sortir d'un climat complètement conflictuel. Là, on s'est dit notre problème numéro un, c'est de répondre à cette objection sénatoriale en disant, certes, si on considère que de toute façon les sujets sont trop compliqués pour être débattus, on va réunir quatre experts et le problème sera réglé. Nous, ce qu'on veut, c'est que le public puisse comprendre de quoi il retourne et pourquoi il y a des sujets controversés, pourquoi, par exemple, certains experts disent que les combustibles usés sortant de réacteurs, il faut les entreposer dans des piscines, et que d'autres disent non, non, les entreposer à sec c'est bien mieux. Quels sont les arguments qui conduisent à une position plutôt qu'à une autre, sachant que derrière il y a une autre question, qui est, il y a une piscine centralisée à La Hague, elle est presque pleine, est-ce qu'il faut en faire une nouvelle ou non ? Et si oui, c'est quand ? Donc il y a des questions très coûteuses qui sont juste derrière. Donc c'est ce genre de questions auxquelles on souhaitait répondre. Là aussi, on a identifié sept questions en tout. Là, c'était aussi le travail entre nous au départ. Même chose que pour Notre-Dame-des-Landes, les questions controversées, c'est quoi ? Et ensuite, même chose aussi, on a réuni les experts des deux bords. Donc d'un côté, il y avait le CEA, Orano, EDF. De l'autre côté, Négawatt, Greenpeace, France Nature Environnement, on les a tous mis dans la même salle. On a dit d'abord, voilà les questions qu'on a identifiées, est-ce que c'est les bonnes ? On a ajusté à la marge, on en a changé quelques-unes, on en a rajouté une qu'on n'avait pas mis nous et qui nous ont fait rajouter. On est assez vite tombé d'accord. Et puis ensuite, on s'est mis d'accord sur une méthode complètement scolaire qu'ils ont acceptée et sur laquelle ils ont très bien joué le jeu, je crois, parce que tout le monde avait compris que, contrairement à Notre-Dame-des-Landes, le but n'était pas de faire changer d'avis aux gens. Le but était qu'ils expriment clairement leur argumentation. Et que quand quelqu'un disait, moi je trouve que l'entreposage à sec c'est mieux, on lui fasse dire, pourquoi vous dites que c'est mieux ? Et celui qui disait les piscines c'est mieux, on lui fait dire, pourquoi vous dites que les piscines c'est mieux ? Et donc on a fait un truc en aller-retour. On a un premier cycle la semaine prochaine. Voilà nos sept questions. Ceux qui ont des réponses, vous nous envoyez une fiche avec votre réponse et votre argument. Je trouve que l'entreposage en piscine, c'est mieux pour les raisons qui suivent. Vous nous envoyez tout ça sous huit jours. On vous prévient qu'ensuite, on échangera les copies. Donc, toutes les fiches qu'on aura reçues, on les remet en discussion. Et ceux qui ne sont pas d'accord, ils répondent en disant « Non, je ne suis pas d'accord avec ce qui est écrit là » pour telle raison. Et puis ensuite, encore, on fera un troisième circuit où il y aura les réponses à la réponse. Et puis on ramasse tout ça et on regarde ce que ça donne. Au début, on menait cette partie du débat à deux, avec un jeune ingénieur qui était dans la commission particulière, qui était beaucoup plus pointu que moi, ce qui n'est pas difficile, sur les questions de physique fondamentale. Au début, on était un peu inquiets en disant... on ne sait pas trop si ça va marcher ou pas, et puis on leur impose une méthode vachement scolaire, ils ne vont peut-être pas aimer. En réalité, ça a très très bien marché, en ce sens d'abord que les gens ont beaucoup réagi, et en tout, avec ces trois cycles, on s'est trouvé avec une centaine de fiches, avec les réponses, l'argument, le contre-argument, la réponse au contre-argument. Une fois qu'on a eu tout ça, donc au bout de trois semaines ou un mois, on a refait une réunion avec tout le monde, en disant, qu'est-ce qu'on fait avec ça ? Ils nous ont tous dit, c'est tout simple, ce qu'on fait avec ça. La question, c'est qu'est-ce que vous faites avec ça, vous deux ? Parce que la synthèse, c'est évidemment pas nous, Orano, ni nous, Negawatt, qui allons la faire. Ça peut être que vous, les organisateurs du dispositif. On a dit, oui, le raisonnement, il se tient, on va essayer. Mais on leur a fait tout valider, ligne par ligne, dans cette synthèse. Et ça, ça a été un travail assez ardu. On y a passé deux mois, pratiquement, en aller-retour, à tout faire valider, mot par mot. On a eu de la chance, parce que dans le même temps, notre débat avait pris beaucoup de retard pour d'autres raisons, ce qui nous a bien aidés. Mais on a sorti une synthèse qui a été validée unanimement depuis Négawatt jusqu'à Orano, il n'y a pas un mot qui n'est pas validé. Mais ça a pris du temps. Et ensuite, ça a été utilisé pendant tout le débat. Très souvent, les gens le citaient en disant « mais ça, on s'en est déjà servi » . Donc ça a été une opération beaucoup plus confortable pour nous que le truc de Notre-Dame-des-Landes où vous voyez que de temps en temps, du seul fait qu'on était sous pression et dans un climat pourri. on n'avait pas le même résultat. Ici, au contraire, d'abord les gens s'étaient pris au jeu, au bout d'un certain temps, ils étaient contents, et le résultat marchait bien. Après tout ça, le débat a eu lieu, et dans la décision qui fait suite à tous les débats publics, c'est une obligation légale, il y a eu une partie de la décision prise par le porteur du plan, c'est-à-dire l'État, dans le cas particulier. qui disait maintenant il y a eu un débat public, maintenant il n'y a plus qu'à rédiger le plan. Rédiger ce plan, c'est le boulot de l'État, direction générale de l'énergie et du climat, du ministère de la Transition écologique. Comment on va faire ? Quelqu'un a eu l'idée de dire, l'expérience de clarification des controverses, comme on avait appelé ça, elle a pas mal marché, donc on va continuer sur le même mode, on va créer un truc, un machin qui s'appelait la... commission orientation du PNGMDR, dans laquelle on remet les mêmes personnes, les mêmes opposants et les partisans du nucléaire. Et puis, on va leur faire produire des avis sur ce qu'il faut faire. Donc là, on n'est plus simplement sur faire de l'argumentation, on est sur produire des avis. Je pense qu'un certain nombre de gens, à ce stade-là, pensaient que de toute façon, les avis allaient se neutraliser. Et moi-même, je n'étais pas très loin de le penser aussi, pour être tout à fait franc. Que quand on en serait à dire, bon maintenant qu'on a vu les arguments sur l'entreposage à sec ou en piscine, quand on va mettre ensemble Orano et Negawatt et qu'on va leur demander ce qu'il faut faire, on va constater qu'il y en a qui disent qu'il faut les mettre en piscine et d'autres qui disent qu'il faut les entreposer à sec. Une fois qu'on aura ça, on ne sera pas beaucoup plus avancé et l'État fera ce qu'il voudra. Mais bon, on m'a demandé de présider cette commission orientation, je me suis dit on peut y aller, on verra bien. Ce qu'on risque de pire, c'est ça, c'est d'avoir des avis dont on sortira pas grand-chose, parce que tout sera tellement balancé qu'on ne pourra rien en déduire. Et en réalité, ça ne s'est pas produit. Curieusement, peut-être aussi parce que sur la méthode, là aussi, je vous ai dit au départ que moi, je n'avais pas du tout une approche conceptuelle sur ce genre de sujet, j'ai plutôt une approche expérimentale. Ce qui a bien marché, et c'était une initiative du ministère et pas de nous, c'est qu'au lieu de dire « vous avez une feuille blanche et vous nous écrivez ce qu'il faut faire à propos de l'entreposage des combustibles usés » , et là je pense qu'on serait inévitablement arrivé à ce que je disais tout à l'heure, on aurait eu les deux points de vue et puis on leur aurait dit « débrouillez-vous avec ça » . Ils ont fait autre chose, ils ont eux-mêmes dit « ben voilà ce que nous on a envie de mettre dans notre plan, qu'est-ce que vous en pensez ? » Comment vous réagissez dessus ? Qu'est-ce que vous avez envie de changer ? » Donc on a fonctionné en réaction sur des propositions du ministère, moyennant quoi on a fonctionné pendant six mois sous un rythme très soutenu, mais qui a bien marché. On a produit en tout neuf avis, à chaque fois c'est des avis de 30 ou 40 pages, donc des trucs assez costauds, sur ce qu'il fallait faire, sur chaque catégorie de déchets. Il y a très peu de cas sur lesquels on a été amené, il y en a quelques-uns mais très peu, sur lesquels on a été amené à dire, là la commission s'est scindée en deux, il y en a la moitié qui en dit ça et l'autre moitié qui en dit autre chose, faites ce que vous voulez avec ça. Donc ça a été très rare et du coup on a demandé fortement et on a obtenu assez facilement que le ministère nous fasse un retour et qu'il nous dise à la fin ce qu'il prenait et ce qu'il ne prenait pas. Dans tous nos avis, on a passé une pleine séance à repasser en détail tous nos avis, à ce qu'ils nous disent, ça on prend, ça on ne prend pas pour telle raison. Donc on a vraiment poussé l'exercice jusqu'au bout, ce qui était plutôt satisfaisant et les membres étaient plutôt contents. Vous venez d'écouter un extrait de la conférence de Michel Badré sur les pratiques d'expertise et de dialogue avec le public. Retrouvez-la en vidéo dans son intégralité sur le site de Sciences en Questions et au format livre sous le titre « La démocratie environnementale face à la réalité » aux éditions Quae.