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#38 (1): Le chemin du désamour avec la philosophe Fabienne Brugère cover
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Quelque chose à vous dire- le podcast des parents séparés

#38 (1): Le chemin du désamour avec la philosophe Fabienne Brugère

#38 (1): Le chemin du désamour avec la philosophe Fabienne Brugère

40min |08/07/2024|

596

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Quelque chose à vous dire- le podcast des parents séparés

#38 (1): Le chemin du désamour avec la philosophe Fabienne Brugère

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40min |08/07/2024|

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Description

🎙️Comment survient le désamour et quelles leçons peut-on en tirer pour nos futures relations?

Aujourd'hui j'accueille la philosophe Fabienne Brugère dans le podcast. Elle vient de publier le livre Désamour, Manuel d’un retour à la vie chez Flammarion, et ce livre est une pépite.


👉Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu’un, et étaye sa réflexion d’une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui apportent au livre toute une saveur culturelle.


👉Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire, et c’est en celà que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast.


👉Dans cette première partie de l’épisode, on aborde les signes avant-coureur du désamour, tels que la dispute ou l’ennui, la distance qui s’installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation, et l’on parle aussi de l’injonction à l’amour qui régit nos sociétés et comment s’en prémunir.


👉Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d’un désamour et sur les enseignements que l’on peut tirer d’une séparation.


C'est le dernier épisode de la saison, je vous prépare ensuite un SUMMER PODCASTS. Je vous en dis plus dans cet épisode.


🎧Bonne écoute!


✍️Notes de l'épisode


📚Ouvrages de Fabienne Brugère

Désaimer, Manuel d'un retour à la vie, Flammarion, 2024

La Vraie Histoire de l'impressionnisme, Vrin, 2024

l'Ethique du "care", PUF, 2021


🎙️Podcasts

#36: Pamela- Pourquoi j'ai décidé de partie en vacances solo

#22: Juliette- Bilan vacances: Revoir ses exigences à la baisse quand on part à plusieurs

#15: Marianne: "Le voyage est ma deuxième priorité, après mon fils"


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple, généralement hétérosexuel, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr. Il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord, et puis je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, et que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Comment dire à ces enfants qu'on se sépare ? Et après, comment on s'en sort financièrement ? Et pour les vacances, on fait quoi ? La décision de se séparer et ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle chamboulent inévitablement notre quotidien. Mais on s'en sort. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez la saison 2 de Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés, qui s'en sort. Tous les 15 jours, j'interview des parents séparés, mais aussi des professionnels qui œuvrent autour du divorce et de la séparation pour apporter un point de vue d'experts sur une situation compliquée qui touche presque un couple sur deux et que l'on a tendance à analyser. alors que ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle sont titanesques. J'espère que ce podcast vous aidera à mieux vivre votre séparation en préservant vos enfants. Bonne écoute. salut les parents j'espère que vous allez bien j'imagine que pour la plupart d'entre vous les vacances ont commencé je vous les souhaite donc joyeuses apaisantes avec du temps pour vous et des moments magiques avec vos enfants Sur la thématique des vacances, n'hésitez pas à aller écouter l'épisode de Marianne qui voyage dans le monde entier avec son fils, celui de Juliette qui part en vacances avec des amis, ou le mien sur les vacances en mode solo sans enfant. Je vous mets les liens dans les notes de cet épisode. Le podcast va lui aussi se mettre au vert et vous allez entendre aujourd'hui le dernier épisode de la saison. C'est un épisode passionnant que j'ai dû de nouveau diviser en deux pour vous en faciliter l'écoute. La deuxième partie sera donc diffusée dans 15 jours. Je prendrai ensuite des vacances, mais je vous ai préparé une petite surprise en vous diffusant des épisodes d'autres podcasteuses en Belgique que je trouve particulièrement inspirants et enrichissants. Les thématiques seront parfois différentes, mais vous le savez, j'aime beaucoup vous faire découvrir de nouveaux podcasts et je vais donc en profiter pendant cette pause estivale. Quant à nous, nous nous retrouvons en septembre en pleine forme pour une troisième saison du podcast. Je vous laisse avec l'épisode du jour. Le monde, un idéal. Aujourd'hui, j'accueille Fabienne Brugère dans le podcast. Philosophe, professeure des arts modernes et contemporains à l'université de Paris VIII et membre du comité de rédaction de la revue Esprit, elle vient de publier le livre Des amours, manuel d'un retour à la vie chez Flammarion et ce livre est une pépite. Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu'un et étaye sa réflexion d'une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui donnent au livre toute une saveur culturelle. Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire et c'est en cela que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast. Dans cette première partie de l'épisode, on aborde les signes avant-coureurs du désamour, tels que la dispute ou l'ennui, la distance qui s'installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation. Et l'on parle aussi de l'injonction à l'amour qui régit nos sociétés et comment s'en prémunir. Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d'un désamour et sur les enseignements que l'on peut tirer d'une séparation. Les mots de Fabienne Brugère sonnent justes, sa réflexion est posée, intelligente. J'ai adoré notre échange et je suis vraiment heureuse de pouvoir clôturer la saison avec une telle réflexion sur la séparation. J'espère qu'il vous plaira. Bonne écoute.

  • Speaker #0

    Je m'appelle Fabienne Brugère, je suis philosophe. professeure à l'université de Paris 8 de Vincennes-Sany. J'ai été présidente du regroupement d'universités Paris Lumière qui réunit Paris 8, Paris Nanterre, le CNRS, puis un certain nombre d'institutions culturelles comme Beaubourg, comme Le Loup, la Bibliothèque nationale de France. J'ai écrit... à la fois sur l'art et j'ai écrit beaucoup sur ce qu'on appelle les éthiques du care en anglais, c'est-à-dire toutes ces questions de prendre soin, prendre soin des autres, dans la société, les métiers de soins, avec aussi toute la question de l'assignation des femmes aux soins. Et puis, je me suis beaucoup intéressée d'un côté à tout ce qui est théorie féministe, et puis de l'autre à toutes ces questions d'intelligence émotionnelle, d'attachement, attachement, détachement, tout ce qui fait la puissance ou la faiblesse de nos liens.

  • Speaker #1

    Alors, je suis ravie de vous recevoir aujourd'hui, Fabienne. Vous venez aujourd'hui nous parler de ce livre Désaimé, manuel d'un retour à la vie qui est sorti chez Flammarion. Il vient de sortir il y a quelques mois. Une question toute simple pour commencer. Quelle est la différence entre désaimé et ne pas aimé

  • Speaker #0

    Dans désaimé je pense que beaucoup plus que dans ne pas aimé on entend aimer et on n'entend pas bien le des on ne sait pas bien ce que c'est. Et donc, ça veut dire que dans désaimer il y a aussi aimer, que le fait de désaimer ne se pense que par rapport au fait d'avoir aimé et peut-être d'ailleurs ensuite de continuer à aimer, alors que dans ne pas aimer il y a quelque chose de beaucoup plus radical qui tend peut-être à vraiment dire qu'on peut très bien n'avoir jamais connu l'amour et ne jamais le connaître. On peut d'une certaine manière mettre totalement de côté ce verbe aimer, alors que dans des aimer, il y a l'idée d'une activité. ou en tout cas d'une expérience, ou en tout cas d'une épreuve, par laquelle on passe du fait d'aimer à la nécessité de désaimer. Donc, on est dans le registre, j'ai envie de dire, d'un passage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

  • Speaker #0

    J'ai écrit ce livre parce que, comme beaucoup de monde, je pense, j'ai fait l'épreuve de la séparation. Et je crois que, suite à cette épreuve, j'ai voulu voir ce que c'était que la traversée par une écriture. Écriture qui permet elle-même d'ailleurs de traverser l'épreuve. L'écriture, c'est un exercice dans lequel on peut s'interroger sur ce qui nous arrive. Je me suis interrogée sur ce qui m'arrivait, j'ai essayé de le décrire, de l'analyser. Et comme je suis philosophe, j'ai un peu cette idée qu'en m'interrogeant sur ce qui m'arrive, je m'interroge aussi sur ce qui arrive à d'autres, c'est-à-dire que j'essaye mais sans... sans prétention, et j'essaye aussi de voir si ma parole, elle n'est pas conforme aussi à d'autres paroles, étant donné que dans le livre, j'ai aussi utilisé la parole des autres, ce que les autres m'ont raconté de leur désamour, c'est-à-dire de leur séparation, de leur rupture, et puis ce que aussi la littérature raconte, ce que les films... nous raconte ce que la psychanalyse nous raconte, la psychologie également, la philosophie très peu, parce que justement, c'était aussi l'un des propos, et ce qui s'est passé aussi, c'est que quand cette expérience de la séparation, mais d'une certaine manière… tomber dessus, parce que ça nous tombe toujours un peu dessus, c'est quand même un vrai moment, au départ, d'effondrement de quelque chose, de quelque chose qu'on a construit. Dans ces moments-là, je me suis retournée vers la philosophie pour essayer de voir ce qui pouvait bien m'aider. Et en fait, je me suis rendue compte, au départ, qu'il n'y avait pas beaucoup d'analyse. Il y a beaucoup d'analyses en philosophie de l'amour, de ce que c'est qu'aimer, mais ce que c'est que désaimer, ce n'est vraiment pas là que les philosophes sont très bons. Donc j'ai quand même essayé de trouver des textes, j'en ai trouvé quelques-uns, mais que j'ai pris un peu de biais, mais l'idée c'était vraiment du coup d'écrire un texte de philosophie, mais en même temps accessible au plus grand nombre, sur ce que c'est que cette expérience. du désamour, qui est une expérience qu'on traverse, qui est de mon point de vue, c'est important, une épreuve et non un échec. C'est une épreuve de vie. D'où l'idée du sous-titre manuel d'un retour à la vie. C'est une épreuve, bien sûr, qu'on peut caractériser au départ comme une expérience négative, comme quelque chose qui désorganise, comme quelque chose qui crée du chaos, comme au départ un moment... souvent de grandes tristesses, où on se sent dessaisi de soi-même, et comment finalement, à partir de ce dessaisissement, on se ressaisit, d'où le sous-titre manuel d'un retour à la vie.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'effectivement, le titre interpelle un peu, parce qu'on s'imagine que quand désaimer, ça évoque forcément la rupture, on sait que ce n'est pas une période facile, et effectivement, ce retour à la vie, intrigue quand on voit la couverture de votre livre, qui est magnifique d'ailleurs. Personnellement, j'ai beaucoup aimé votre livre, je dois le dire. Je trouve que c'est un livre qui est à la fois reposant, pas facile à lire d'une traite. On prend le temps de le lire, on revient sur certains passages, mais je trouve qu'il fait vraiment du bien. Je trouve qu'il apaise énormément. Quand on désaime, on est deux. Est-ce que l'acte de désamour concerne une personne plus que l'autre ? C'est un peu la question que je me suis posée tout au long de ce livre. Est-ce que ça concerne la personne qui s'en va, la personne qui est désaimée, qui est laissée sur le côté ? Est-ce que ça concerne les deux personnes ? Comment vous l'expliquez ?

  • Speaker #0

    C'est bien la question de la relation, on pourrait dire d'intimité, d'une relation d'intimité qui se défait. Et donc ça concerne forcément les deux parties. Après, l'une des thèses du livre, c'est que bien évidemment, il y a des positions différentes. C'est-à-dire que la position dans une séparation, ce n'est pas toujours le cas, mais s'il y a la position... d'une personne qui subit, c'est-à-dire qui ne s'attend pas du tout à une séparation ou qui en tout cas n'est pas dans la logique de cette séparation, il y a là un phénomène subi qui fait que le désamour est beaucoup plus dur. Parce qu'il faut tout d'un coup l'initier, il faut l'initier face à quelque chose de subi, dans l'urgence, alors que tout est en train de se défaire. et on peut imaginer que dans ces cas-là l'autre personne elle s'en va parce qu'elle veut changer de vie parce qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre parce que ceci parce que cela donc elle elle a quand même une logique de futur alors que précisément la personne qui subit sur le moment elle est privée de futur je dirais même qu'elle est privée de présent elle n'est plus rien en quelque sorte et ça il y a quand même là-dedans au départ quelque chose d'extrêmement tragique et on sait bien ce que ça donne. Ça peut donner l'envie de rester complètement chez soi, sans bouger. Ça peut donner l'envie de ne plus manger. C'est vraiment quelque chose d'extrêmement dur. Mais l'idée du texte, c'est aussi que dans ces phénomènes-là, tout est instable. C'est-à-dire que les relations ne sont pas fixées une fois pour toutes. Et là-dessus, j'ai pensé et j'ai utilisé une série, j'ai utilisé deux choses. D'une part, une série qui est aussi un film que j'aime beaucoup, qui est assez ancienne, en fait de Bergman, scène de la vie conjugale. Et Bergman, justement... Il initie cette question de la séparation subie, en particulier pour la femme, jouée par Livulman, puisque son mari, au bout d'un certain nombre de vies communes, lui annonce brusquement qu'il la quitte. pour une femme plus jeune avec laquelle il va aller vivre. Et donc, Lee Hulman, finalement, du jour au lendemain, se retrouve seul. Il y a bien sûr des scènes, il se revoit, il se dit un certain nombre de choses. Et ce qui est très intéressant dans le film de Bergman, c'est qu'en fait, il donne une temporalité au désamour. Et finalement, au bout du compte, celle qui d'une certaine manière va le plus réapproprier son existence, c'est justement Liv Hulman. Parce que Liv Hulman, elle va faire tout un travail sur elle-même, sur sa vie, sur l'histoire de son couple, et elle va donc initier un futur qui sera vraiment un futur de son rapport à elle-même. Une sorte de, on pourrait dire, de souci de soi. Alors que précisément, son mari, devenu après-ex-mari, va finalement finir par se séparer de sa nouvelle compagne, ne va pas arriver à vivre seule, ne va pas arriver à initier ce rapport à soi-même. Il y a quelque chose de très intéressant dans la manière dont Bergman montre comment cette femme se constitue un rapport, je dirais, réflexif. à sa vie. Et c'est ça aussi désaimer. Désaimer en particulier quand on subit une séparation, c'est cette épreuve dans laquelle on va pouvoir initier, on va essayer d'initier justement un souci de soi.

  • Speaker #1

    Alors vous parlez dans la première partie de votre livre des signes avant-coureurs du désamour. Quels sont ces signes ?

  • Speaker #0

    Les signes avant-coureurs du désamour, j'en ai identifié trois. La dispute, l'ennui et le silence. La dispute parce que bien évidemment, ce livre c'est aussi au début, c'est en quelque sorte un précide des compositions amoureuses, on pourrait le dire comme ça. En général, on décrit... comment on se compose dans une relation amoureuse, mais on n'aime pas parler de la manière dont une relation amoureuse, elle se décompose.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi vous dites ça justement ? Ça m'a interpellé ça dans le livre. On va revenir après sur les signes avant-coureurs, mais pourquoi vous dites ça, qu'on n'aime pas parler du désamour ? On n'aime pas raconter comment s'est passée notre séparation, on n'aime pas en parler à son entourage ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on va en parler, on va en parler si on a un psy, on va en parler à son psy, Si on a des amis très proches ou une famille avec laquelle on est en affinité, on va leur en parler. on va en parler uniquement à des personnes extrêmement choisies, parce que c'est quand même l'objet souvent soit d'une honte, soit d'une humiliation, soit d'une culpabilisation. Enfin, je veux dire, on est quand même sur des expériences qui sont souvent appréhendées à tort comme des échecs. On n'aime pas beaucoup parler de ce qu'on appréhende généralement. comme un échec. En revanche, on aime beaucoup plus parler, bien évidemment, parce que c'est joyeux. On aime beaucoup plus parler de la personne qu'on vient de rencontrer, avec qui se noue quelque chose, dont on est amoureuse. Voilà. Et puis, les autres ont beaucoup plus envie d'entendre ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il n'y a pas une différence, justement, entre la période pendant laquelle ça ne va pas dans le couple et on sent qu'effectivement on va se séparer. Et là, on s'en rend compte, on le sait autour de nous. On le voit aussi autour de nous, nos amis, les personnes qui se séparent autour de nous. Souvent, on l'apprend, ils sont déjà séparés. On ne s'est pas rendu compte du tout que ça n'allait pas dans ce couple-là parce qu'ils n'en parlaient pas. Effectivement, peut-être parce que c'est un échec. Mais une fois que la séparation est actée, le désamour… Oui. Il a commencé bien avant, j'ose imaginer. Là, on en parle plus facilement quand même, non ?

  • Speaker #0

    Non, on n'en parle pas tant que ça. Ce n'est quand même pas quelque chose qui crée du rayonnement, de l'irradiation, il ne faut pas oublier. qu'on est quand même, alors peut-être je me permets une incise, on est quand même dans une société dont on peut dire qu'elle est quand même néolibérale, qui a quand même tendance à fabriquer des gagnants et des perdants, et il faut être un gagnant, il faut être quelqu'un de performant. particulièrement souvent dans son travail. Alors bien sûr, toutes les structures de travail ne sont pas comme ça, mais il y a quand même cette règle-là. Et donc on a quand même dans notre société, je pense, une vraie difficulté. à parler de ce qui ne fait pas de nous un gagnant ou une gagnante. Ça ne veut pas dire qu'on ne va pas y arriver, mais ça veut dire que la société n'est pas faite pour ça. La société n'est pas faite pour écouter ces moments de nos vies où précisément on est face à une épreuve. Donc je crois qu'il y a quand même bien éminemment une difficulté, alors bien sûr qui est redoublée par le fait, comme vous le dites, qu'il y a en même temps des moments différents. C'est-à-dire que, pour revenir à votre question sur les signes avant-coureurs du désamour, c'est vrai qu'au moment d'une séparation, tout le monde se dit, comment on en est arrivé là ? Comment deux personnes en arrivent-elles là ? Et puis, parfois, très fréquemment, personne n'a rien vu. Personne n'a rien vu parce que personne n'a rien dit. Et donc, effectivement, au moment de la séparation elle-même, on va forcément réfléchir aux signes avant-coureurs. Qu'est-ce qu'on n'avait pas vu ? et qui témoignait bien quand même de quelque chose qui ne tournait plus bien vous. Et donc c'est à ce titre que j'ai fait une analyse vraiment de la dispute, de l'ennui et du silence, dans la perspective qu'effectivement parler du désamour, parler de ce qui nous arrive, c'est déjà faire nous-mêmes cet exercice de parole, c'est déjà aussi dialoguer avec soi-même. Mais pour dialoguer avec soi-même, comme vous le dites, il y a aussi un moment où il faut pouvoir en parler à d'autres, parce que c'est aussi en en parlant à d'autres qu'on va pouvoir nouer ce dialogue avec soi-même et se rendre compte aussi de ce qui déjà constituait des signes annonciateurs. Et c'est vrai que... la dispute, les disputes en particulier répétées, quand elles sont des moments où on veut imposer sa vérité à l'autre, c'est-à-dire on n'est plus dans la conversation, mais précisément on est dans, je dirais, dans l'exercice d'une parole violente qui consiste à dire moi ce que je dis est vrai contre tout ce que toi tu peux dire. C'est quand même ça la dispute. La dispute c'est un combat.

  • Speaker #1

    Les disputes sont parfois… inévitable dans un couple, ça fait aussi partie d'un quotidien.

  • Speaker #0

    La dispute, elle n'est pas quelque chose qui ne doit pas se produire, mais ce que j'ai voulu dire, c'est que quand on commence à analyser une séparation et qu'on revient sur les disputes, on peut se rendre compte de ces moments où la dispute, elle n'est plus une dispute on pourrait dire banale, mais elle est une dispute qui pousse l'autre du côté de la non-considération du fait qu'il est un sujet. qui pousse l'autre vers la volonté de l'humilier, vers la volonté de le nier, et cela de manière répétée. Et quand, dans une relation de manière répétée, on nie la parole de l'autre, l'existence de l'autre, on n'est plus capable de l'écouter et de converser avec lui, et cela de manière répétée. À partir de ce moment-là, il y a quand même quelque chose qui se met en place.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, parmi les signes avant-coureurs, il y a aussi l'ennui. L'ennui, pourtant, c'est bon de s'ennuyer un peu de temps en temps.

  • Speaker #0

    De toute façon, dans tout couple, il y a des moments où… où on s'ennuie. Et dans la vie, il y a des moments où on s'ennuie, effectivement.

  • Speaker #1

    Quand est-ce que ça devient un problème ?

  • Speaker #0

    Quand il devient constant.

  • Speaker #1

    Oui, quand il devient constant.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que l'ennui, il a un intérêt s'il arrive par intermittence. Si le mode de vie d'un couple, ça devient l'ennui... À ce moment-là, on doit s'interroger sur ce qu'il reste d'amour. Et il y a un très beau film là-dessus que j'ai utilisé dans le livre. C'est un vieux film, c'est Le chat de Pierre Granier-Deferre, où justement Simone Signoret et Jean Gabin s'ennuient constamment l'un avec l'autre, à tel point que lui, justement, prend un chat, qu'il va s'occuper de son chat, qu'elle lui reproche justement que le chat est plus important qu'elle, mais toute cette discussion sur le chat, elle montre bien… que ces deux personnes qui n'arrivent plus à faire quoi que ce soit ensemble et qui fondamentalement tous les jours, en plus dans le quotidien d'un petit pavillon de banlieue dans les années 50, où justement la vie se répète chaque fois de la même manière, on voit bien comment ce qui fait uniquement tenir ce couple, c'est le poids de l'habitude. et un poids de l'habitude qui signale en même temps, on pourrait dire, l'habitude de l'ennui.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi du silence et vous utilisez cette phrase que je trouve vraiment très parlante. Le silence intervient au bout d'un processus où la parole a perdu toute légitimité, tant le trauma a pris toute la place.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est ce moment où précisément… on ne sait plus dialoguer. C'est ce moment où on n'arrive plus à se dire quoi que ce soit, tellement quelque chose est en train d'advenir, tellement d'une certaine manière quelque chose est en train de se défaire. Et précisément, ce qui fait la différence entre une expérience dans laquelle on se ressaisit et on peut continuer une vie de couple et justement… ce moment où tout devient inévitable et on va vers la séparation, c'est cette présence ou non de la parole et de la capacité à dire ou à ne pas dire à l'autre. Dans l'imminence de la séparation, il y a vraiment un trauma de la séparation. Et ce trauma de la séparation, il empêche tout partage de la parole. Il empêche toute... toute capacité à faire un diagnostic sur la vérité du couple et sur ce que chacun aimerait pourtant pouvoir dire. Ce moment du trauma, il crée du silence, mais un silence... Un silence extrêmement lourd et un silence qui est en même temps sans doute nécessaire, parce que sinon ce serait une explosion qui serait en quelque sorte presque impossible à vivre pour l'autre.

  • Speaker #1

    On imagine bien cette atmosphère très plombante avec le silence auquel on doit faire face de la part du partenaire. Ça me fait penser un petit peu aussi à tout ce que vous dites sur la distance, la distance qui s'installe dans les couples. Et vous faites justement une référence intéressante à la distance. Vous parlez des vieux couples, entre guillemets, parce que je pense que ce n'est pas forcément les plus âgés, mais les couples qui commencent à faire chambre à part.

  • Speaker #0

    Ah bah oui, parce que forcément la distance a quand même à voir en règle générale avec la question de la durée, avec la question de la durée d'un couple. C'est sûr que quand on rencontre quelqu'un, en règle générale, si la rencontre amoureuse est vraiment forte, justement on n'expérimente pas cette distance. En tout cas... Je pense qu'on projette aussi une forme d'illusion sur la rencontre amoureuse qui fait que s'il y a des formes de distance, on ne les voit pas. Parce que l'une des thèses du livre, c'est aussi que ce qui fait aussi la séparation, c'est aussi le fait que finalement on projette des attentes sur une expérience amoureuse qui sont forcément déçues un jour ou l'autre. Mais cette question de la chambre à part, je la trouve très intéressante. Parce qu'il y a toujours beaucoup de jugement sur le fait de faire chambre à part. Et en particulier, quand il s'agit d'une famille, il y a souvent beaucoup de jugement de la part des enfants. des enfants, si les parents commencent à faire chambre à part, les enfants se demandent qu'est-ce qui se passe, pourquoi ? Parce que l'image de la société, l'image du couple, c'est vraiment quand même largement l'image de la chambre conjugale.

  • Speaker #1

    Mais ce que faire chambre à part, ça veut vraiment dire qu'il y a une distance qui s'est installée justement ?

  • Speaker #0

    Oui, mais pourquoi pas ? Je veux dire par là que je n'ai pas de jugement moral sur la question de la chambre à part. Tout dépend comment elle est pensée. Tout dépend si elle est pensée sur le mode d'une distance dont on prend acte, mais qui fait qu'on va pouvoir se retrouver encore à certains moments, c'est-à-dire d'une distance qui peut être réparatrice. où tout dépend si on est sur le mode d'une distance qui est justement séparatrice. Distance réparatrice et distance séparatrice, ce n'est pas du tout la même chose. C'est-à-dire que soit la chambre à part, elle inaugure le fait que chacun ait son lieu à soi. et qu'on puisse continuer à vivre ensemble avec cette distance, parce que pourquoi pas, soit la chambre à part, elle est précisément le symptôme de ce qui est en train de se passer, de l'imminence d'une séparation et précisément d'un désamour, on pourrait dire, profond.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, vous venez justement de le mentionner, les attentes qu'on projette sur l'amour. Vous dites que l'amour, c'est une obligation sociale. Vous pensez vraiment que c'est une obligation sociale ?

  • Speaker #0

    Vous ne pensez pas qu'on peut aimer comme ça ? Mais c'est une attente de la société. Quand vous avez 20 ans, 25 ans, 30 ans, mais même plus, si vous êtes célibataire, on va toujours vous dire, mais voilà, quand vas-tu rencontrer, il y a même cette expression, ton âme sœur. Ça, ça existe encore. Quand vas-tu rencontrer la personne ? avec qui tu veux vivre, fonder une société, justement, quelque chose comme une société, enfin, fonder une société qui s'appelle famille, fonder finalement quelque chose de social. Donc, je pense que oui, il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple. généralement hétérosexuels, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr, il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord. Et puis, je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse. C'est-à-dire que très fréquemment, on aime à travers un idéal. celui de notre histoire culturelle, de l'amour-passion, de l'amour-fusion, vraiment de ce discours dans le banquet de Platon, ça date quand même où on nous dit que chacun cherche sa moitié. Cette idée que chacun ou chacune cherche sa moitié, ça reste quelque chose de très présent, même si, me semble-t-il, Ça c'est aussi une thèse du livre, les séparations de plus en plus fréquentes, la présence de plus en plus grande d'enfants dont les parents sont séparés ou divorcés, crée à mon avis la possibilité d'appréhender l'amour de manière je dirais moins idéologique. de davantage se méfier des illusions amoureuses, de davantage se méfier aussi des injonctions sociales, et d'arriver à concevoir l'amour de manière, je dirais, beaucoup plus réaliste.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est intéressant, je suis tout à fait d'accord avec vous en fait sur cette question de la banalisation de la séparation qui fait que peut-être qu'on peut l'accepter plus facilement, ça ne veut pas dire que c'est plus facile quand on le vit, mais ça veut dire qu'en tout cas dans la société, on accepte plus facilement maintenant qu'il y a par exemple 30 ans, la séparation des couples, le fait que des parents élèvent leurs enfants en alternance et ce genre de choses. Par contre, il y a une autre question qui revient souvent, c'est… As-tu refait ta vie ? Est-ce que tu vas refaire ta vie ? Donc, il y a quand même encore cette injonction, Ok, tu t'es séparée, mais maintenant, est-ce que tu as refait ta vie ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est-à-dire que je pense que là-dessus, il y a plusieurs niveaux d'analyse à faire. D'abord, il y a quand même le fait, pour chacun, et ça c'est difficile, qu'on est dans une société paradoxale. C'est-à-dire que, à la fois, je pense que nous sommes de plus en plus une société d'individus. Ça fait longtemps que ça dure, cette société d'individus, mais je crois qu'on va toujours de plus en plus loin dans la possibilité d'appréhender les humains comme des individus qui font des choix. Et donc, de ce point de vue-là, les sites de rencontres, toutes les applications, les réseaux sociaux, c'est le fait aussi de pouvoir affiner ses choix amoureux. Et donc, c'est encore devenir plus individu. Donc, il y a vraiment un devenir individu de nos sociétés qui va toujours plus loin. Mais de l'autre côté… Et qu'est-ce que ça change,

  • Speaker #1

    justement, cette société d'individus ?

  • Speaker #0

    Ça change que… la relation amoureuse et qu'après le fait de faire famille, qui est encore autre chose mais qui est souvent ce que chacun a en ligne de mire comme injonction sociale va être de plus en plus difficile de plus en plus paradoxal parce qu'à partir du moment où de plus en plus on vous incite à vous constituer comme individu avec vos propres affinités, vos propres orientations vos propres choix comment vous faites pour construire quelque chose à deux ? Comment vous faites pour construire une famille ? Comment vous faites pour dessiner un antre précisément ? C'est beaucoup plus difficile. C'est beaucoup plus difficile qu'à un moment dans l'histoire de l'Europe, par exemple, où précisément on ne se mariait pas sur le mode de l'affinité, où de toute façon les femmes n'avaient pas vraiment le choix, où précisément la question du lien conjugal et du lien familial, ce n'était pas forcément une affaire de choix. Ce n'était même pas du tout une affaire de choix. Quand ça devient une affaire de choix, la question du lien, elle est plus compliquée. En tout cas, elle doit être pensée autrement. Donc, il y a cette question de notre devenir paradoxal, entre d'un côté le fait que nous sommes de plus en plus des individus, et de l'autre le fait que notre vie, ce serait d'être en couple, d'être en famille, cette idée comme vous le dites, que quand on se quitte, quand on quitte quelqu'un, ou quand on est quitté, tout de suite ce qui vient dans notre entourage, alors tu refais ta vie quand ? Et même maintenant, on pense les périodicités, c'est-à-dire on nous dit, écoute, le mieux, je veux dire, on a des recettes toutes faites, alors que je pense qu'en revanche, il n'y a pas de recettes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    C'est souvent de dire maintenant, tu prends un ou deux ans pour te reconstruire toi-même, d'abord toi, et puis ensuite, il faut que tu trouves quelqu'un. Vous voyez ? Il y a cette idée-là. Mais très souvent, c'est là qu'il y a... C'est peuplé d'injonctions sociales, vraiment. Très souvent, si vous rencontrez... Si, par exemple, vous êtes quitté et que vous rencontrez quelqu'un très vite, on va vous dire Ah ben non, ça, c'est pas possible. Ça, ça va pas. Vous voyez ? Il y a quand même... Il y a quand même toujours, dans toutes les situations... des modèles sociaux. Alors que moi, ce que j'ai envie de dire là-dessus, c'est que on devrait sortir des modèles sociaux, c'est-à-dire que on doit, dans ces situations-là, écouter ce qu'on a en soi, déployer une intériorité qui, en même temps, se constitue dans la relationnalité, c'est-à-dire précisément dans le rapport aux autres. dans la possibilité de justement être toujours en lien. Mais je crois que précisément cette idée, alors quand tu refais ta vie, c'est terrible. C'est terrible parce que d'abord les sociétés changent et aujourd'hui il y a des tas d'hommes et de femmes qui ont aussi envie… de vivre de manière célibataire à un moment ou à un autre de leur vie, ou peut-être tout le temps d'ailleurs. Je veux dire, ça crée des souffrances, ces injonctions sociales. Il y a quand même dans nos sociétés une injonction à la vie à deux.

  • Speaker #2

    Merci pour votre écoute. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et à lui mettre 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute Spotify et Apple Podcast, ainsi que des commentaires positifs pour aider le podcast à remonter dans les classements et devenir plus visible. Si vous souhaitez me contacter ou me suggérer des invités ou de nouveaux thèmes à explorer dans le podcast, laissez-moi un message sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook Quelque chose à vous dire podcast ou envoyez-moi un email quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com Je vous lis et je vous réponds. Rendez-vous dans 15 jours pour un prochain épisode et d'ici là, portez-vous bien. Ciao !

Description

🎙️Comment survient le désamour et quelles leçons peut-on en tirer pour nos futures relations?

Aujourd'hui j'accueille la philosophe Fabienne Brugère dans le podcast. Elle vient de publier le livre Désamour, Manuel d’un retour à la vie chez Flammarion, et ce livre est une pépite.


👉Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu’un, et étaye sa réflexion d’une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui apportent au livre toute une saveur culturelle.


👉Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire, et c’est en celà que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast.


👉Dans cette première partie de l’épisode, on aborde les signes avant-coureur du désamour, tels que la dispute ou l’ennui, la distance qui s’installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation, et l’on parle aussi de l’injonction à l’amour qui régit nos sociétés et comment s’en prémunir.


👉Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d’un désamour et sur les enseignements que l’on peut tirer d’une séparation.


C'est le dernier épisode de la saison, je vous prépare ensuite un SUMMER PODCASTS. Je vous en dis plus dans cet épisode.


🎧Bonne écoute!


✍️Notes de l'épisode


📚Ouvrages de Fabienne Brugère

Désaimer, Manuel d'un retour à la vie, Flammarion, 2024

La Vraie Histoire de l'impressionnisme, Vrin, 2024

l'Ethique du "care", PUF, 2021


🎙️Podcasts

#36: Pamela- Pourquoi j'ai décidé de partie en vacances solo

#22: Juliette- Bilan vacances: Revoir ses exigences à la baisse quand on part à plusieurs

#15: Marianne: "Le voyage est ma deuxième priorité, après mon fils"


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Transcription

  • Speaker #0

    Il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple, généralement hétérosexuel, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr. Il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord, et puis je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, et que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Comment dire à ces enfants qu'on se sépare ? Et après, comment on s'en sort financièrement ? Et pour les vacances, on fait quoi ? La décision de se séparer et ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle chamboulent inévitablement notre quotidien. Mais on s'en sort. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez la saison 2 de Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés, qui s'en sort. Tous les 15 jours, j'interview des parents séparés, mais aussi des professionnels qui œuvrent autour du divorce et de la séparation pour apporter un point de vue d'experts sur une situation compliquée qui touche presque un couple sur deux et que l'on a tendance à analyser. alors que ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle sont titanesques. J'espère que ce podcast vous aidera à mieux vivre votre séparation en préservant vos enfants. Bonne écoute. salut les parents j'espère que vous allez bien j'imagine que pour la plupart d'entre vous les vacances ont commencé je vous les souhaite donc joyeuses apaisantes avec du temps pour vous et des moments magiques avec vos enfants Sur la thématique des vacances, n'hésitez pas à aller écouter l'épisode de Marianne qui voyage dans le monde entier avec son fils, celui de Juliette qui part en vacances avec des amis, ou le mien sur les vacances en mode solo sans enfant. Je vous mets les liens dans les notes de cet épisode. Le podcast va lui aussi se mettre au vert et vous allez entendre aujourd'hui le dernier épisode de la saison. C'est un épisode passionnant que j'ai dû de nouveau diviser en deux pour vous en faciliter l'écoute. La deuxième partie sera donc diffusée dans 15 jours. Je prendrai ensuite des vacances, mais je vous ai préparé une petite surprise en vous diffusant des épisodes d'autres podcasteuses en Belgique que je trouve particulièrement inspirants et enrichissants. Les thématiques seront parfois différentes, mais vous le savez, j'aime beaucoup vous faire découvrir de nouveaux podcasts et je vais donc en profiter pendant cette pause estivale. Quant à nous, nous nous retrouvons en septembre en pleine forme pour une troisième saison du podcast. Je vous laisse avec l'épisode du jour. Le monde, un idéal. Aujourd'hui, j'accueille Fabienne Brugère dans le podcast. Philosophe, professeure des arts modernes et contemporains à l'université de Paris VIII et membre du comité de rédaction de la revue Esprit, elle vient de publier le livre Des amours, manuel d'un retour à la vie chez Flammarion et ce livre est une pépite. Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu'un et étaye sa réflexion d'une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui donnent au livre toute une saveur culturelle. Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire et c'est en cela que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast. Dans cette première partie de l'épisode, on aborde les signes avant-coureurs du désamour, tels que la dispute ou l'ennui, la distance qui s'installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation. Et l'on parle aussi de l'injonction à l'amour qui régit nos sociétés et comment s'en prémunir. Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d'un désamour et sur les enseignements que l'on peut tirer d'une séparation. Les mots de Fabienne Brugère sonnent justes, sa réflexion est posée, intelligente. J'ai adoré notre échange et je suis vraiment heureuse de pouvoir clôturer la saison avec une telle réflexion sur la séparation. J'espère qu'il vous plaira. Bonne écoute.

  • Speaker #0

    Je m'appelle Fabienne Brugère, je suis philosophe. professeure à l'université de Paris 8 de Vincennes-Sany. J'ai été présidente du regroupement d'universités Paris Lumière qui réunit Paris 8, Paris Nanterre, le CNRS, puis un certain nombre d'institutions culturelles comme Beaubourg, comme Le Loup, la Bibliothèque nationale de France. J'ai écrit... à la fois sur l'art et j'ai écrit beaucoup sur ce qu'on appelle les éthiques du care en anglais, c'est-à-dire toutes ces questions de prendre soin, prendre soin des autres, dans la société, les métiers de soins, avec aussi toute la question de l'assignation des femmes aux soins. Et puis, je me suis beaucoup intéressée d'un côté à tout ce qui est théorie féministe, et puis de l'autre à toutes ces questions d'intelligence émotionnelle, d'attachement, attachement, détachement, tout ce qui fait la puissance ou la faiblesse de nos liens.

  • Speaker #1

    Alors, je suis ravie de vous recevoir aujourd'hui, Fabienne. Vous venez aujourd'hui nous parler de ce livre Désaimé, manuel d'un retour à la vie qui est sorti chez Flammarion. Il vient de sortir il y a quelques mois. Une question toute simple pour commencer. Quelle est la différence entre désaimé et ne pas aimé

  • Speaker #0

    Dans désaimé je pense que beaucoup plus que dans ne pas aimé on entend aimer et on n'entend pas bien le des on ne sait pas bien ce que c'est. Et donc, ça veut dire que dans désaimer il y a aussi aimer, que le fait de désaimer ne se pense que par rapport au fait d'avoir aimé et peut-être d'ailleurs ensuite de continuer à aimer, alors que dans ne pas aimer il y a quelque chose de beaucoup plus radical qui tend peut-être à vraiment dire qu'on peut très bien n'avoir jamais connu l'amour et ne jamais le connaître. On peut d'une certaine manière mettre totalement de côté ce verbe aimer, alors que dans des aimer, il y a l'idée d'une activité. ou en tout cas d'une expérience, ou en tout cas d'une épreuve, par laquelle on passe du fait d'aimer à la nécessité de désaimer. Donc, on est dans le registre, j'ai envie de dire, d'un passage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

  • Speaker #0

    J'ai écrit ce livre parce que, comme beaucoup de monde, je pense, j'ai fait l'épreuve de la séparation. Et je crois que, suite à cette épreuve, j'ai voulu voir ce que c'était que la traversée par une écriture. Écriture qui permet elle-même d'ailleurs de traverser l'épreuve. L'écriture, c'est un exercice dans lequel on peut s'interroger sur ce qui nous arrive. Je me suis interrogée sur ce qui m'arrivait, j'ai essayé de le décrire, de l'analyser. Et comme je suis philosophe, j'ai un peu cette idée qu'en m'interrogeant sur ce qui m'arrive, je m'interroge aussi sur ce qui arrive à d'autres, c'est-à-dire que j'essaye mais sans... sans prétention, et j'essaye aussi de voir si ma parole, elle n'est pas conforme aussi à d'autres paroles, étant donné que dans le livre, j'ai aussi utilisé la parole des autres, ce que les autres m'ont raconté de leur désamour, c'est-à-dire de leur séparation, de leur rupture, et puis ce que aussi la littérature raconte, ce que les films... nous raconte ce que la psychanalyse nous raconte, la psychologie également, la philosophie très peu, parce que justement, c'était aussi l'un des propos, et ce qui s'est passé aussi, c'est que quand cette expérience de la séparation, mais d'une certaine manière… tomber dessus, parce que ça nous tombe toujours un peu dessus, c'est quand même un vrai moment, au départ, d'effondrement de quelque chose, de quelque chose qu'on a construit. Dans ces moments-là, je me suis retournée vers la philosophie pour essayer de voir ce qui pouvait bien m'aider. Et en fait, je me suis rendue compte, au départ, qu'il n'y avait pas beaucoup d'analyse. Il y a beaucoup d'analyses en philosophie de l'amour, de ce que c'est qu'aimer, mais ce que c'est que désaimer, ce n'est vraiment pas là que les philosophes sont très bons. Donc j'ai quand même essayé de trouver des textes, j'en ai trouvé quelques-uns, mais que j'ai pris un peu de biais, mais l'idée c'était vraiment du coup d'écrire un texte de philosophie, mais en même temps accessible au plus grand nombre, sur ce que c'est que cette expérience. du désamour, qui est une expérience qu'on traverse, qui est de mon point de vue, c'est important, une épreuve et non un échec. C'est une épreuve de vie. D'où l'idée du sous-titre manuel d'un retour à la vie. C'est une épreuve, bien sûr, qu'on peut caractériser au départ comme une expérience négative, comme quelque chose qui désorganise, comme quelque chose qui crée du chaos, comme au départ un moment... souvent de grandes tristesses, où on se sent dessaisi de soi-même, et comment finalement, à partir de ce dessaisissement, on se ressaisit, d'où le sous-titre manuel d'un retour à la vie.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'effectivement, le titre interpelle un peu, parce qu'on s'imagine que quand désaimer, ça évoque forcément la rupture, on sait que ce n'est pas une période facile, et effectivement, ce retour à la vie, intrigue quand on voit la couverture de votre livre, qui est magnifique d'ailleurs. Personnellement, j'ai beaucoup aimé votre livre, je dois le dire. Je trouve que c'est un livre qui est à la fois reposant, pas facile à lire d'une traite. On prend le temps de le lire, on revient sur certains passages, mais je trouve qu'il fait vraiment du bien. Je trouve qu'il apaise énormément. Quand on désaime, on est deux. Est-ce que l'acte de désamour concerne une personne plus que l'autre ? C'est un peu la question que je me suis posée tout au long de ce livre. Est-ce que ça concerne la personne qui s'en va, la personne qui est désaimée, qui est laissée sur le côté ? Est-ce que ça concerne les deux personnes ? Comment vous l'expliquez ?

  • Speaker #0

    C'est bien la question de la relation, on pourrait dire d'intimité, d'une relation d'intimité qui se défait. Et donc ça concerne forcément les deux parties. Après, l'une des thèses du livre, c'est que bien évidemment, il y a des positions différentes. C'est-à-dire que la position dans une séparation, ce n'est pas toujours le cas, mais s'il y a la position... d'une personne qui subit, c'est-à-dire qui ne s'attend pas du tout à une séparation ou qui en tout cas n'est pas dans la logique de cette séparation, il y a là un phénomène subi qui fait que le désamour est beaucoup plus dur. Parce qu'il faut tout d'un coup l'initier, il faut l'initier face à quelque chose de subi, dans l'urgence, alors que tout est en train de se défaire. et on peut imaginer que dans ces cas-là l'autre personne elle s'en va parce qu'elle veut changer de vie parce qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre parce que ceci parce que cela donc elle elle a quand même une logique de futur alors que précisément la personne qui subit sur le moment elle est privée de futur je dirais même qu'elle est privée de présent elle n'est plus rien en quelque sorte et ça il y a quand même là-dedans au départ quelque chose d'extrêmement tragique et on sait bien ce que ça donne. Ça peut donner l'envie de rester complètement chez soi, sans bouger. Ça peut donner l'envie de ne plus manger. C'est vraiment quelque chose d'extrêmement dur. Mais l'idée du texte, c'est aussi que dans ces phénomènes-là, tout est instable. C'est-à-dire que les relations ne sont pas fixées une fois pour toutes. Et là-dessus, j'ai pensé et j'ai utilisé une série, j'ai utilisé deux choses. D'une part, une série qui est aussi un film que j'aime beaucoup, qui est assez ancienne, en fait de Bergman, scène de la vie conjugale. Et Bergman, justement... Il initie cette question de la séparation subie, en particulier pour la femme, jouée par Livulman, puisque son mari, au bout d'un certain nombre de vies communes, lui annonce brusquement qu'il la quitte. pour une femme plus jeune avec laquelle il va aller vivre. Et donc, Lee Hulman, finalement, du jour au lendemain, se retrouve seul. Il y a bien sûr des scènes, il se revoit, il se dit un certain nombre de choses. Et ce qui est très intéressant dans le film de Bergman, c'est qu'en fait, il donne une temporalité au désamour. Et finalement, au bout du compte, celle qui d'une certaine manière va le plus réapproprier son existence, c'est justement Liv Hulman. Parce que Liv Hulman, elle va faire tout un travail sur elle-même, sur sa vie, sur l'histoire de son couple, et elle va donc initier un futur qui sera vraiment un futur de son rapport à elle-même. Une sorte de, on pourrait dire, de souci de soi. Alors que précisément, son mari, devenu après-ex-mari, va finalement finir par se séparer de sa nouvelle compagne, ne va pas arriver à vivre seule, ne va pas arriver à initier ce rapport à soi-même. Il y a quelque chose de très intéressant dans la manière dont Bergman montre comment cette femme se constitue un rapport, je dirais, réflexif. à sa vie. Et c'est ça aussi désaimer. Désaimer en particulier quand on subit une séparation, c'est cette épreuve dans laquelle on va pouvoir initier, on va essayer d'initier justement un souci de soi.

  • Speaker #1

    Alors vous parlez dans la première partie de votre livre des signes avant-coureurs du désamour. Quels sont ces signes ?

  • Speaker #0

    Les signes avant-coureurs du désamour, j'en ai identifié trois. La dispute, l'ennui et le silence. La dispute parce que bien évidemment, ce livre c'est aussi au début, c'est en quelque sorte un précide des compositions amoureuses, on pourrait le dire comme ça. En général, on décrit... comment on se compose dans une relation amoureuse, mais on n'aime pas parler de la manière dont une relation amoureuse, elle se décompose.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi vous dites ça justement ? Ça m'a interpellé ça dans le livre. On va revenir après sur les signes avant-coureurs, mais pourquoi vous dites ça, qu'on n'aime pas parler du désamour ? On n'aime pas raconter comment s'est passée notre séparation, on n'aime pas en parler à son entourage ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on va en parler, on va en parler si on a un psy, on va en parler à son psy, Si on a des amis très proches ou une famille avec laquelle on est en affinité, on va leur en parler. on va en parler uniquement à des personnes extrêmement choisies, parce que c'est quand même l'objet souvent soit d'une honte, soit d'une humiliation, soit d'une culpabilisation. Enfin, je veux dire, on est quand même sur des expériences qui sont souvent appréhendées à tort comme des échecs. On n'aime pas beaucoup parler de ce qu'on appréhende généralement. comme un échec. En revanche, on aime beaucoup plus parler, bien évidemment, parce que c'est joyeux. On aime beaucoup plus parler de la personne qu'on vient de rencontrer, avec qui se noue quelque chose, dont on est amoureuse. Voilà. Et puis, les autres ont beaucoup plus envie d'entendre ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il n'y a pas une différence, justement, entre la période pendant laquelle ça ne va pas dans le couple et on sent qu'effectivement on va se séparer. Et là, on s'en rend compte, on le sait autour de nous. On le voit aussi autour de nous, nos amis, les personnes qui se séparent autour de nous. Souvent, on l'apprend, ils sont déjà séparés. On ne s'est pas rendu compte du tout que ça n'allait pas dans ce couple-là parce qu'ils n'en parlaient pas. Effectivement, peut-être parce que c'est un échec. Mais une fois que la séparation est actée, le désamour… Oui. Il a commencé bien avant, j'ose imaginer. Là, on en parle plus facilement quand même, non ?

  • Speaker #0

    Non, on n'en parle pas tant que ça. Ce n'est quand même pas quelque chose qui crée du rayonnement, de l'irradiation, il ne faut pas oublier. qu'on est quand même, alors peut-être je me permets une incise, on est quand même dans une société dont on peut dire qu'elle est quand même néolibérale, qui a quand même tendance à fabriquer des gagnants et des perdants, et il faut être un gagnant, il faut être quelqu'un de performant. particulièrement souvent dans son travail. Alors bien sûr, toutes les structures de travail ne sont pas comme ça, mais il y a quand même cette règle-là. Et donc on a quand même dans notre société, je pense, une vraie difficulté. à parler de ce qui ne fait pas de nous un gagnant ou une gagnante. Ça ne veut pas dire qu'on ne va pas y arriver, mais ça veut dire que la société n'est pas faite pour ça. La société n'est pas faite pour écouter ces moments de nos vies où précisément on est face à une épreuve. Donc je crois qu'il y a quand même bien éminemment une difficulté, alors bien sûr qui est redoublée par le fait, comme vous le dites, qu'il y a en même temps des moments différents. C'est-à-dire que, pour revenir à votre question sur les signes avant-coureurs du désamour, c'est vrai qu'au moment d'une séparation, tout le monde se dit, comment on en est arrivé là ? Comment deux personnes en arrivent-elles là ? Et puis, parfois, très fréquemment, personne n'a rien vu. Personne n'a rien vu parce que personne n'a rien dit. Et donc, effectivement, au moment de la séparation elle-même, on va forcément réfléchir aux signes avant-coureurs. Qu'est-ce qu'on n'avait pas vu ? et qui témoignait bien quand même de quelque chose qui ne tournait plus bien vous. Et donc c'est à ce titre que j'ai fait une analyse vraiment de la dispute, de l'ennui et du silence, dans la perspective qu'effectivement parler du désamour, parler de ce qui nous arrive, c'est déjà faire nous-mêmes cet exercice de parole, c'est déjà aussi dialoguer avec soi-même. Mais pour dialoguer avec soi-même, comme vous le dites, il y a aussi un moment où il faut pouvoir en parler à d'autres, parce que c'est aussi en en parlant à d'autres qu'on va pouvoir nouer ce dialogue avec soi-même et se rendre compte aussi de ce qui déjà constituait des signes annonciateurs. Et c'est vrai que... la dispute, les disputes en particulier répétées, quand elles sont des moments où on veut imposer sa vérité à l'autre, c'est-à-dire on n'est plus dans la conversation, mais précisément on est dans, je dirais, dans l'exercice d'une parole violente qui consiste à dire moi ce que je dis est vrai contre tout ce que toi tu peux dire. C'est quand même ça la dispute. La dispute c'est un combat.

  • Speaker #1

    Les disputes sont parfois… inévitable dans un couple, ça fait aussi partie d'un quotidien.

  • Speaker #0

    La dispute, elle n'est pas quelque chose qui ne doit pas se produire, mais ce que j'ai voulu dire, c'est que quand on commence à analyser une séparation et qu'on revient sur les disputes, on peut se rendre compte de ces moments où la dispute, elle n'est plus une dispute on pourrait dire banale, mais elle est une dispute qui pousse l'autre du côté de la non-considération du fait qu'il est un sujet. qui pousse l'autre vers la volonté de l'humilier, vers la volonté de le nier, et cela de manière répétée. Et quand, dans une relation de manière répétée, on nie la parole de l'autre, l'existence de l'autre, on n'est plus capable de l'écouter et de converser avec lui, et cela de manière répétée. À partir de ce moment-là, il y a quand même quelque chose qui se met en place.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, parmi les signes avant-coureurs, il y a aussi l'ennui. L'ennui, pourtant, c'est bon de s'ennuyer un peu de temps en temps.

  • Speaker #0

    De toute façon, dans tout couple, il y a des moments où… où on s'ennuie. Et dans la vie, il y a des moments où on s'ennuie, effectivement.

  • Speaker #1

    Quand est-ce que ça devient un problème ?

  • Speaker #0

    Quand il devient constant.

  • Speaker #1

    Oui, quand il devient constant.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que l'ennui, il a un intérêt s'il arrive par intermittence. Si le mode de vie d'un couple, ça devient l'ennui... À ce moment-là, on doit s'interroger sur ce qu'il reste d'amour. Et il y a un très beau film là-dessus que j'ai utilisé dans le livre. C'est un vieux film, c'est Le chat de Pierre Granier-Deferre, où justement Simone Signoret et Jean Gabin s'ennuient constamment l'un avec l'autre, à tel point que lui, justement, prend un chat, qu'il va s'occuper de son chat, qu'elle lui reproche justement que le chat est plus important qu'elle, mais toute cette discussion sur le chat, elle montre bien… que ces deux personnes qui n'arrivent plus à faire quoi que ce soit ensemble et qui fondamentalement tous les jours, en plus dans le quotidien d'un petit pavillon de banlieue dans les années 50, où justement la vie se répète chaque fois de la même manière, on voit bien comment ce qui fait uniquement tenir ce couple, c'est le poids de l'habitude. et un poids de l'habitude qui signale en même temps, on pourrait dire, l'habitude de l'ennui.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi du silence et vous utilisez cette phrase que je trouve vraiment très parlante. Le silence intervient au bout d'un processus où la parole a perdu toute légitimité, tant le trauma a pris toute la place.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est ce moment où précisément… on ne sait plus dialoguer. C'est ce moment où on n'arrive plus à se dire quoi que ce soit, tellement quelque chose est en train d'advenir, tellement d'une certaine manière quelque chose est en train de se défaire. Et précisément, ce qui fait la différence entre une expérience dans laquelle on se ressaisit et on peut continuer une vie de couple et justement… ce moment où tout devient inévitable et on va vers la séparation, c'est cette présence ou non de la parole et de la capacité à dire ou à ne pas dire à l'autre. Dans l'imminence de la séparation, il y a vraiment un trauma de la séparation. Et ce trauma de la séparation, il empêche tout partage de la parole. Il empêche toute... toute capacité à faire un diagnostic sur la vérité du couple et sur ce que chacun aimerait pourtant pouvoir dire. Ce moment du trauma, il crée du silence, mais un silence... Un silence extrêmement lourd et un silence qui est en même temps sans doute nécessaire, parce que sinon ce serait une explosion qui serait en quelque sorte presque impossible à vivre pour l'autre.

  • Speaker #1

    On imagine bien cette atmosphère très plombante avec le silence auquel on doit faire face de la part du partenaire. Ça me fait penser un petit peu aussi à tout ce que vous dites sur la distance, la distance qui s'installe dans les couples. Et vous faites justement une référence intéressante à la distance. Vous parlez des vieux couples, entre guillemets, parce que je pense que ce n'est pas forcément les plus âgés, mais les couples qui commencent à faire chambre à part.

  • Speaker #0

    Ah bah oui, parce que forcément la distance a quand même à voir en règle générale avec la question de la durée, avec la question de la durée d'un couple. C'est sûr que quand on rencontre quelqu'un, en règle générale, si la rencontre amoureuse est vraiment forte, justement on n'expérimente pas cette distance. En tout cas... Je pense qu'on projette aussi une forme d'illusion sur la rencontre amoureuse qui fait que s'il y a des formes de distance, on ne les voit pas. Parce que l'une des thèses du livre, c'est aussi que ce qui fait aussi la séparation, c'est aussi le fait que finalement on projette des attentes sur une expérience amoureuse qui sont forcément déçues un jour ou l'autre. Mais cette question de la chambre à part, je la trouve très intéressante. Parce qu'il y a toujours beaucoup de jugement sur le fait de faire chambre à part. Et en particulier, quand il s'agit d'une famille, il y a souvent beaucoup de jugement de la part des enfants. des enfants, si les parents commencent à faire chambre à part, les enfants se demandent qu'est-ce qui se passe, pourquoi ? Parce que l'image de la société, l'image du couple, c'est vraiment quand même largement l'image de la chambre conjugale.

  • Speaker #1

    Mais ce que faire chambre à part, ça veut vraiment dire qu'il y a une distance qui s'est installée justement ?

  • Speaker #0

    Oui, mais pourquoi pas ? Je veux dire par là que je n'ai pas de jugement moral sur la question de la chambre à part. Tout dépend comment elle est pensée. Tout dépend si elle est pensée sur le mode d'une distance dont on prend acte, mais qui fait qu'on va pouvoir se retrouver encore à certains moments, c'est-à-dire d'une distance qui peut être réparatrice. où tout dépend si on est sur le mode d'une distance qui est justement séparatrice. Distance réparatrice et distance séparatrice, ce n'est pas du tout la même chose. C'est-à-dire que soit la chambre à part, elle inaugure le fait que chacun ait son lieu à soi. et qu'on puisse continuer à vivre ensemble avec cette distance, parce que pourquoi pas, soit la chambre à part, elle est précisément le symptôme de ce qui est en train de se passer, de l'imminence d'une séparation et précisément d'un désamour, on pourrait dire, profond.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, vous venez justement de le mentionner, les attentes qu'on projette sur l'amour. Vous dites que l'amour, c'est une obligation sociale. Vous pensez vraiment que c'est une obligation sociale ?

  • Speaker #0

    Vous ne pensez pas qu'on peut aimer comme ça ? Mais c'est une attente de la société. Quand vous avez 20 ans, 25 ans, 30 ans, mais même plus, si vous êtes célibataire, on va toujours vous dire, mais voilà, quand vas-tu rencontrer, il y a même cette expression, ton âme sœur. Ça, ça existe encore. Quand vas-tu rencontrer la personne ? avec qui tu veux vivre, fonder une société, justement, quelque chose comme une société, enfin, fonder une société qui s'appelle famille, fonder finalement quelque chose de social. Donc, je pense que oui, il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple. généralement hétérosexuels, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr, il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord. Et puis, je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse. C'est-à-dire que très fréquemment, on aime à travers un idéal. celui de notre histoire culturelle, de l'amour-passion, de l'amour-fusion, vraiment de ce discours dans le banquet de Platon, ça date quand même où on nous dit que chacun cherche sa moitié. Cette idée que chacun ou chacune cherche sa moitié, ça reste quelque chose de très présent, même si, me semble-t-il, Ça c'est aussi une thèse du livre, les séparations de plus en plus fréquentes, la présence de plus en plus grande d'enfants dont les parents sont séparés ou divorcés, crée à mon avis la possibilité d'appréhender l'amour de manière je dirais moins idéologique. de davantage se méfier des illusions amoureuses, de davantage se méfier aussi des injonctions sociales, et d'arriver à concevoir l'amour de manière, je dirais, beaucoup plus réaliste.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est intéressant, je suis tout à fait d'accord avec vous en fait sur cette question de la banalisation de la séparation qui fait que peut-être qu'on peut l'accepter plus facilement, ça ne veut pas dire que c'est plus facile quand on le vit, mais ça veut dire qu'en tout cas dans la société, on accepte plus facilement maintenant qu'il y a par exemple 30 ans, la séparation des couples, le fait que des parents élèvent leurs enfants en alternance et ce genre de choses. Par contre, il y a une autre question qui revient souvent, c'est… As-tu refait ta vie ? Est-ce que tu vas refaire ta vie ? Donc, il y a quand même encore cette injonction, Ok, tu t'es séparée, mais maintenant, est-ce que tu as refait ta vie ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est-à-dire que je pense que là-dessus, il y a plusieurs niveaux d'analyse à faire. D'abord, il y a quand même le fait, pour chacun, et ça c'est difficile, qu'on est dans une société paradoxale. C'est-à-dire que, à la fois, je pense que nous sommes de plus en plus une société d'individus. Ça fait longtemps que ça dure, cette société d'individus, mais je crois qu'on va toujours de plus en plus loin dans la possibilité d'appréhender les humains comme des individus qui font des choix. Et donc, de ce point de vue-là, les sites de rencontres, toutes les applications, les réseaux sociaux, c'est le fait aussi de pouvoir affiner ses choix amoureux. Et donc, c'est encore devenir plus individu. Donc, il y a vraiment un devenir individu de nos sociétés qui va toujours plus loin. Mais de l'autre côté… Et qu'est-ce que ça change,

  • Speaker #1

    justement, cette société d'individus ?

  • Speaker #0

    Ça change que… la relation amoureuse et qu'après le fait de faire famille, qui est encore autre chose mais qui est souvent ce que chacun a en ligne de mire comme injonction sociale va être de plus en plus difficile de plus en plus paradoxal parce qu'à partir du moment où de plus en plus on vous incite à vous constituer comme individu avec vos propres affinités, vos propres orientations vos propres choix comment vous faites pour construire quelque chose à deux ? Comment vous faites pour construire une famille ? Comment vous faites pour dessiner un antre précisément ? C'est beaucoup plus difficile. C'est beaucoup plus difficile qu'à un moment dans l'histoire de l'Europe, par exemple, où précisément on ne se mariait pas sur le mode de l'affinité, où de toute façon les femmes n'avaient pas vraiment le choix, où précisément la question du lien conjugal et du lien familial, ce n'était pas forcément une affaire de choix. Ce n'était même pas du tout une affaire de choix. Quand ça devient une affaire de choix, la question du lien, elle est plus compliquée. En tout cas, elle doit être pensée autrement. Donc, il y a cette question de notre devenir paradoxal, entre d'un côté le fait que nous sommes de plus en plus des individus, et de l'autre le fait que notre vie, ce serait d'être en couple, d'être en famille, cette idée comme vous le dites, que quand on se quitte, quand on quitte quelqu'un, ou quand on est quitté, tout de suite ce qui vient dans notre entourage, alors tu refais ta vie quand ? Et même maintenant, on pense les périodicités, c'est-à-dire on nous dit, écoute, le mieux, je veux dire, on a des recettes toutes faites, alors que je pense qu'en revanche, il n'y a pas de recettes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    C'est souvent de dire maintenant, tu prends un ou deux ans pour te reconstruire toi-même, d'abord toi, et puis ensuite, il faut que tu trouves quelqu'un. Vous voyez ? Il y a cette idée-là. Mais très souvent, c'est là qu'il y a... C'est peuplé d'injonctions sociales, vraiment. Très souvent, si vous rencontrez... Si, par exemple, vous êtes quitté et que vous rencontrez quelqu'un très vite, on va vous dire Ah ben non, ça, c'est pas possible. Ça, ça va pas. Vous voyez ? Il y a quand même... Il y a quand même toujours, dans toutes les situations... des modèles sociaux. Alors que moi, ce que j'ai envie de dire là-dessus, c'est que on devrait sortir des modèles sociaux, c'est-à-dire que on doit, dans ces situations-là, écouter ce qu'on a en soi, déployer une intériorité qui, en même temps, se constitue dans la relationnalité, c'est-à-dire précisément dans le rapport aux autres. dans la possibilité de justement être toujours en lien. Mais je crois que précisément cette idée, alors quand tu refais ta vie, c'est terrible. C'est terrible parce que d'abord les sociétés changent et aujourd'hui il y a des tas d'hommes et de femmes qui ont aussi envie… de vivre de manière célibataire à un moment ou à un autre de leur vie, ou peut-être tout le temps d'ailleurs. Je veux dire, ça crée des souffrances, ces injonctions sociales. Il y a quand même dans nos sociétés une injonction à la vie à deux.

  • Speaker #2

    Merci pour votre écoute. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et à lui mettre 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute Spotify et Apple Podcast, ainsi que des commentaires positifs pour aider le podcast à remonter dans les classements et devenir plus visible. Si vous souhaitez me contacter ou me suggérer des invités ou de nouveaux thèmes à explorer dans le podcast, laissez-moi un message sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook Quelque chose à vous dire podcast ou envoyez-moi un email quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com Je vous lis et je vous réponds. Rendez-vous dans 15 jours pour un prochain épisode et d'ici là, portez-vous bien. Ciao !

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🎙️Comment survient le désamour et quelles leçons peut-on en tirer pour nos futures relations?

Aujourd'hui j'accueille la philosophe Fabienne Brugère dans le podcast. Elle vient de publier le livre Désamour, Manuel d’un retour à la vie chez Flammarion, et ce livre est une pépite.


👉Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu’un, et étaye sa réflexion d’une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui apportent au livre toute une saveur culturelle.


👉Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire, et c’est en celà que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast.


👉Dans cette première partie de l’épisode, on aborde les signes avant-coureur du désamour, tels que la dispute ou l’ennui, la distance qui s’installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation, et l’on parle aussi de l’injonction à l’amour qui régit nos sociétés et comment s’en prémunir.


👉Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d’un désamour et sur les enseignements que l’on peut tirer d’une séparation.


C'est le dernier épisode de la saison, je vous prépare ensuite un SUMMER PODCASTS. Je vous en dis plus dans cet épisode.


🎧Bonne écoute!


✍️Notes de l'épisode


📚Ouvrages de Fabienne Brugère

Désaimer, Manuel d'un retour à la vie, Flammarion, 2024

La Vraie Histoire de l'impressionnisme, Vrin, 2024

l'Ethique du "care", PUF, 2021


🎙️Podcasts

#36: Pamela- Pourquoi j'ai décidé de partie en vacances solo

#22: Juliette- Bilan vacances: Revoir ses exigences à la baisse quand on part à plusieurs

#15: Marianne: "Le voyage est ma deuxième priorité, après mon fils"


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Transcription

  • Speaker #0

    Il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple, généralement hétérosexuel, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr. Il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord, et puis je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, et que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Comment dire à ces enfants qu'on se sépare ? Et après, comment on s'en sort financièrement ? Et pour les vacances, on fait quoi ? La décision de se séparer et ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle chamboulent inévitablement notre quotidien. Mais on s'en sort. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez la saison 2 de Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés, qui s'en sort. Tous les 15 jours, j'interview des parents séparés, mais aussi des professionnels qui œuvrent autour du divorce et de la séparation pour apporter un point de vue d'experts sur une situation compliquée qui touche presque un couple sur deux et que l'on a tendance à analyser. alors que ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle sont titanesques. J'espère que ce podcast vous aidera à mieux vivre votre séparation en préservant vos enfants. Bonne écoute. salut les parents j'espère que vous allez bien j'imagine que pour la plupart d'entre vous les vacances ont commencé je vous les souhaite donc joyeuses apaisantes avec du temps pour vous et des moments magiques avec vos enfants Sur la thématique des vacances, n'hésitez pas à aller écouter l'épisode de Marianne qui voyage dans le monde entier avec son fils, celui de Juliette qui part en vacances avec des amis, ou le mien sur les vacances en mode solo sans enfant. Je vous mets les liens dans les notes de cet épisode. Le podcast va lui aussi se mettre au vert et vous allez entendre aujourd'hui le dernier épisode de la saison. C'est un épisode passionnant que j'ai dû de nouveau diviser en deux pour vous en faciliter l'écoute. La deuxième partie sera donc diffusée dans 15 jours. Je prendrai ensuite des vacances, mais je vous ai préparé une petite surprise en vous diffusant des épisodes d'autres podcasteuses en Belgique que je trouve particulièrement inspirants et enrichissants. Les thématiques seront parfois différentes, mais vous le savez, j'aime beaucoup vous faire découvrir de nouveaux podcasts et je vais donc en profiter pendant cette pause estivale. Quant à nous, nous nous retrouvons en septembre en pleine forme pour une troisième saison du podcast. Je vous laisse avec l'épisode du jour. Le monde, un idéal. Aujourd'hui, j'accueille Fabienne Brugère dans le podcast. Philosophe, professeure des arts modernes et contemporains à l'université de Paris VIII et membre du comité de rédaction de la revue Esprit, elle vient de publier le livre Des amours, manuel d'un retour à la vie chez Flammarion et ce livre est une pépite. Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu'un et étaye sa réflexion d'une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui donnent au livre toute une saveur culturelle. Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire et c'est en cela que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast. Dans cette première partie de l'épisode, on aborde les signes avant-coureurs du désamour, tels que la dispute ou l'ennui, la distance qui s'installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation. Et l'on parle aussi de l'injonction à l'amour qui régit nos sociétés et comment s'en prémunir. Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d'un désamour et sur les enseignements que l'on peut tirer d'une séparation. Les mots de Fabienne Brugère sonnent justes, sa réflexion est posée, intelligente. J'ai adoré notre échange et je suis vraiment heureuse de pouvoir clôturer la saison avec une telle réflexion sur la séparation. J'espère qu'il vous plaira. Bonne écoute.

  • Speaker #0

    Je m'appelle Fabienne Brugère, je suis philosophe. professeure à l'université de Paris 8 de Vincennes-Sany. J'ai été présidente du regroupement d'universités Paris Lumière qui réunit Paris 8, Paris Nanterre, le CNRS, puis un certain nombre d'institutions culturelles comme Beaubourg, comme Le Loup, la Bibliothèque nationale de France. J'ai écrit... à la fois sur l'art et j'ai écrit beaucoup sur ce qu'on appelle les éthiques du care en anglais, c'est-à-dire toutes ces questions de prendre soin, prendre soin des autres, dans la société, les métiers de soins, avec aussi toute la question de l'assignation des femmes aux soins. Et puis, je me suis beaucoup intéressée d'un côté à tout ce qui est théorie féministe, et puis de l'autre à toutes ces questions d'intelligence émotionnelle, d'attachement, attachement, détachement, tout ce qui fait la puissance ou la faiblesse de nos liens.

  • Speaker #1

    Alors, je suis ravie de vous recevoir aujourd'hui, Fabienne. Vous venez aujourd'hui nous parler de ce livre Désaimé, manuel d'un retour à la vie qui est sorti chez Flammarion. Il vient de sortir il y a quelques mois. Une question toute simple pour commencer. Quelle est la différence entre désaimé et ne pas aimé

  • Speaker #0

    Dans désaimé je pense que beaucoup plus que dans ne pas aimé on entend aimer et on n'entend pas bien le des on ne sait pas bien ce que c'est. Et donc, ça veut dire que dans désaimer il y a aussi aimer, que le fait de désaimer ne se pense que par rapport au fait d'avoir aimé et peut-être d'ailleurs ensuite de continuer à aimer, alors que dans ne pas aimer il y a quelque chose de beaucoup plus radical qui tend peut-être à vraiment dire qu'on peut très bien n'avoir jamais connu l'amour et ne jamais le connaître. On peut d'une certaine manière mettre totalement de côté ce verbe aimer, alors que dans des aimer, il y a l'idée d'une activité. ou en tout cas d'une expérience, ou en tout cas d'une épreuve, par laquelle on passe du fait d'aimer à la nécessité de désaimer. Donc, on est dans le registre, j'ai envie de dire, d'un passage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

  • Speaker #0

    J'ai écrit ce livre parce que, comme beaucoup de monde, je pense, j'ai fait l'épreuve de la séparation. Et je crois que, suite à cette épreuve, j'ai voulu voir ce que c'était que la traversée par une écriture. Écriture qui permet elle-même d'ailleurs de traverser l'épreuve. L'écriture, c'est un exercice dans lequel on peut s'interroger sur ce qui nous arrive. Je me suis interrogée sur ce qui m'arrivait, j'ai essayé de le décrire, de l'analyser. Et comme je suis philosophe, j'ai un peu cette idée qu'en m'interrogeant sur ce qui m'arrive, je m'interroge aussi sur ce qui arrive à d'autres, c'est-à-dire que j'essaye mais sans... sans prétention, et j'essaye aussi de voir si ma parole, elle n'est pas conforme aussi à d'autres paroles, étant donné que dans le livre, j'ai aussi utilisé la parole des autres, ce que les autres m'ont raconté de leur désamour, c'est-à-dire de leur séparation, de leur rupture, et puis ce que aussi la littérature raconte, ce que les films... nous raconte ce que la psychanalyse nous raconte, la psychologie également, la philosophie très peu, parce que justement, c'était aussi l'un des propos, et ce qui s'est passé aussi, c'est que quand cette expérience de la séparation, mais d'une certaine manière… tomber dessus, parce que ça nous tombe toujours un peu dessus, c'est quand même un vrai moment, au départ, d'effondrement de quelque chose, de quelque chose qu'on a construit. Dans ces moments-là, je me suis retournée vers la philosophie pour essayer de voir ce qui pouvait bien m'aider. Et en fait, je me suis rendue compte, au départ, qu'il n'y avait pas beaucoup d'analyse. Il y a beaucoup d'analyses en philosophie de l'amour, de ce que c'est qu'aimer, mais ce que c'est que désaimer, ce n'est vraiment pas là que les philosophes sont très bons. Donc j'ai quand même essayé de trouver des textes, j'en ai trouvé quelques-uns, mais que j'ai pris un peu de biais, mais l'idée c'était vraiment du coup d'écrire un texte de philosophie, mais en même temps accessible au plus grand nombre, sur ce que c'est que cette expérience. du désamour, qui est une expérience qu'on traverse, qui est de mon point de vue, c'est important, une épreuve et non un échec. C'est une épreuve de vie. D'où l'idée du sous-titre manuel d'un retour à la vie. C'est une épreuve, bien sûr, qu'on peut caractériser au départ comme une expérience négative, comme quelque chose qui désorganise, comme quelque chose qui crée du chaos, comme au départ un moment... souvent de grandes tristesses, où on se sent dessaisi de soi-même, et comment finalement, à partir de ce dessaisissement, on se ressaisit, d'où le sous-titre manuel d'un retour à la vie.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'effectivement, le titre interpelle un peu, parce qu'on s'imagine que quand désaimer, ça évoque forcément la rupture, on sait que ce n'est pas une période facile, et effectivement, ce retour à la vie, intrigue quand on voit la couverture de votre livre, qui est magnifique d'ailleurs. Personnellement, j'ai beaucoup aimé votre livre, je dois le dire. Je trouve que c'est un livre qui est à la fois reposant, pas facile à lire d'une traite. On prend le temps de le lire, on revient sur certains passages, mais je trouve qu'il fait vraiment du bien. Je trouve qu'il apaise énormément. Quand on désaime, on est deux. Est-ce que l'acte de désamour concerne une personne plus que l'autre ? C'est un peu la question que je me suis posée tout au long de ce livre. Est-ce que ça concerne la personne qui s'en va, la personne qui est désaimée, qui est laissée sur le côté ? Est-ce que ça concerne les deux personnes ? Comment vous l'expliquez ?

  • Speaker #0

    C'est bien la question de la relation, on pourrait dire d'intimité, d'une relation d'intimité qui se défait. Et donc ça concerne forcément les deux parties. Après, l'une des thèses du livre, c'est que bien évidemment, il y a des positions différentes. C'est-à-dire que la position dans une séparation, ce n'est pas toujours le cas, mais s'il y a la position... d'une personne qui subit, c'est-à-dire qui ne s'attend pas du tout à une séparation ou qui en tout cas n'est pas dans la logique de cette séparation, il y a là un phénomène subi qui fait que le désamour est beaucoup plus dur. Parce qu'il faut tout d'un coup l'initier, il faut l'initier face à quelque chose de subi, dans l'urgence, alors que tout est en train de se défaire. et on peut imaginer que dans ces cas-là l'autre personne elle s'en va parce qu'elle veut changer de vie parce qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre parce que ceci parce que cela donc elle elle a quand même une logique de futur alors que précisément la personne qui subit sur le moment elle est privée de futur je dirais même qu'elle est privée de présent elle n'est plus rien en quelque sorte et ça il y a quand même là-dedans au départ quelque chose d'extrêmement tragique et on sait bien ce que ça donne. Ça peut donner l'envie de rester complètement chez soi, sans bouger. Ça peut donner l'envie de ne plus manger. C'est vraiment quelque chose d'extrêmement dur. Mais l'idée du texte, c'est aussi que dans ces phénomènes-là, tout est instable. C'est-à-dire que les relations ne sont pas fixées une fois pour toutes. Et là-dessus, j'ai pensé et j'ai utilisé une série, j'ai utilisé deux choses. D'une part, une série qui est aussi un film que j'aime beaucoup, qui est assez ancienne, en fait de Bergman, scène de la vie conjugale. Et Bergman, justement... Il initie cette question de la séparation subie, en particulier pour la femme, jouée par Livulman, puisque son mari, au bout d'un certain nombre de vies communes, lui annonce brusquement qu'il la quitte. pour une femme plus jeune avec laquelle il va aller vivre. Et donc, Lee Hulman, finalement, du jour au lendemain, se retrouve seul. Il y a bien sûr des scènes, il se revoit, il se dit un certain nombre de choses. Et ce qui est très intéressant dans le film de Bergman, c'est qu'en fait, il donne une temporalité au désamour. Et finalement, au bout du compte, celle qui d'une certaine manière va le plus réapproprier son existence, c'est justement Liv Hulman. Parce que Liv Hulman, elle va faire tout un travail sur elle-même, sur sa vie, sur l'histoire de son couple, et elle va donc initier un futur qui sera vraiment un futur de son rapport à elle-même. Une sorte de, on pourrait dire, de souci de soi. Alors que précisément, son mari, devenu après-ex-mari, va finalement finir par se séparer de sa nouvelle compagne, ne va pas arriver à vivre seule, ne va pas arriver à initier ce rapport à soi-même. Il y a quelque chose de très intéressant dans la manière dont Bergman montre comment cette femme se constitue un rapport, je dirais, réflexif. à sa vie. Et c'est ça aussi désaimer. Désaimer en particulier quand on subit une séparation, c'est cette épreuve dans laquelle on va pouvoir initier, on va essayer d'initier justement un souci de soi.

  • Speaker #1

    Alors vous parlez dans la première partie de votre livre des signes avant-coureurs du désamour. Quels sont ces signes ?

  • Speaker #0

    Les signes avant-coureurs du désamour, j'en ai identifié trois. La dispute, l'ennui et le silence. La dispute parce que bien évidemment, ce livre c'est aussi au début, c'est en quelque sorte un précide des compositions amoureuses, on pourrait le dire comme ça. En général, on décrit... comment on se compose dans une relation amoureuse, mais on n'aime pas parler de la manière dont une relation amoureuse, elle se décompose.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi vous dites ça justement ? Ça m'a interpellé ça dans le livre. On va revenir après sur les signes avant-coureurs, mais pourquoi vous dites ça, qu'on n'aime pas parler du désamour ? On n'aime pas raconter comment s'est passée notre séparation, on n'aime pas en parler à son entourage ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on va en parler, on va en parler si on a un psy, on va en parler à son psy, Si on a des amis très proches ou une famille avec laquelle on est en affinité, on va leur en parler. on va en parler uniquement à des personnes extrêmement choisies, parce que c'est quand même l'objet souvent soit d'une honte, soit d'une humiliation, soit d'une culpabilisation. Enfin, je veux dire, on est quand même sur des expériences qui sont souvent appréhendées à tort comme des échecs. On n'aime pas beaucoup parler de ce qu'on appréhende généralement. comme un échec. En revanche, on aime beaucoup plus parler, bien évidemment, parce que c'est joyeux. On aime beaucoup plus parler de la personne qu'on vient de rencontrer, avec qui se noue quelque chose, dont on est amoureuse. Voilà. Et puis, les autres ont beaucoup plus envie d'entendre ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il n'y a pas une différence, justement, entre la période pendant laquelle ça ne va pas dans le couple et on sent qu'effectivement on va se séparer. Et là, on s'en rend compte, on le sait autour de nous. On le voit aussi autour de nous, nos amis, les personnes qui se séparent autour de nous. Souvent, on l'apprend, ils sont déjà séparés. On ne s'est pas rendu compte du tout que ça n'allait pas dans ce couple-là parce qu'ils n'en parlaient pas. Effectivement, peut-être parce que c'est un échec. Mais une fois que la séparation est actée, le désamour… Oui. Il a commencé bien avant, j'ose imaginer. Là, on en parle plus facilement quand même, non ?

  • Speaker #0

    Non, on n'en parle pas tant que ça. Ce n'est quand même pas quelque chose qui crée du rayonnement, de l'irradiation, il ne faut pas oublier. qu'on est quand même, alors peut-être je me permets une incise, on est quand même dans une société dont on peut dire qu'elle est quand même néolibérale, qui a quand même tendance à fabriquer des gagnants et des perdants, et il faut être un gagnant, il faut être quelqu'un de performant. particulièrement souvent dans son travail. Alors bien sûr, toutes les structures de travail ne sont pas comme ça, mais il y a quand même cette règle-là. Et donc on a quand même dans notre société, je pense, une vraie difficulté. à parler de ce qui ne fait pas de nous un gagnant ou une gagnante. Ça ne veut pas dire qu'on ne va pas y arriver, mais ça veut dire que la société n'est pas faite pour ça. La société n'est pas faite pour écouter ces moments de nos vies où précisément on est face à une épreuve. Donc je crois qu'il y a quand même bien éminemment une difficulté, alors bien sûr qui est redoublée par le fait, comme vous le dites, qu'il y a en même temps des moments différents. C'est-à-dire que, pour revenir à votre question sur les signes avant-coureurs du désamour, c'est vrai qu'au moment d'une séparation, tout le monde se dit, comment on en est arrivé là ? Comment deux personnes en arrivent-elles là ? Et puis, parfois, très fréquemment, personne n'a rien vu. Personne n'a rien vu parce que personne n'a rien dit. Et donc, effectivement, au moment de la séparation elle-même, on va forcément réfléchir aux signes avant-coureurs. Qu'est-ce qu'on n'avait pas vu ? et qui témoignait bien quand même de quelque chose qui ne tournait plus bien vous. Et donc c'est à ce titre que j'ai fait une analyse vraiment de la dispute, de l'ennui et du silence, dans la perspective qu'effectivement parler du désamour, parler de ce qui nous arrive, c'est déjà faire nous-mêmes cet exercice de parole, c'est déjà aussi dialoguer avec soi-même. Mais pour dialoguer avec soi-même, comme vous le dites, il y a aussi un moment où il faut pouvoir en parler à d'autres, parce que c'est aussi en en parlant à d'autres qu'on va pouvoir nouer ce dialogue avec soi-même et se rendre compte aussi de ce qui déjà constituait des signes annonciateurs. Et c'est vrai que... la dispute, les disputes en particulier répétées, quand elles sont des moments où on veut imposer sa vérité à l'autre, c'est-à-dire on n'est plus dans la conversation, mais précisément on est dans, je dirais, dans l'exercice d'une parole violente qui consiste à dire moi ce que je dis est vrai contre tout ce que toi tu peux dire. C'est quand même ça la dispute. La dispute c'est un combat.

  • Speaker #1

    Les disputes sont parfois… inévitable dans un couple, ça fait aussi partie d'un quotidien.

  • Speaker #0

    La dispute, elle n'est pas quelque chose qui ne doit pas se produire, mais ce que j'ai voulu dire, c'est que quand on commence à analyser une séparation et qu'on revient sur les disputes, on peut se rendre compte de ces moments où la dispute, elle n'est plus une dispute on pourrait dire banale, mais elle est une dispute qui pousse l'autre du côté de la non-considération du fait qu'il est un sujet. qui pousse l'autre vers la volonté de l'humilier, vers la volonté de le nier, et cela de manière répétée. Et quand, dans une relation de manière répétée, on nie la parole de l'autre, l'existence de l'autre, on n'est plus capable de l'écouter et de converser avec lui, et cela de manière répétée. À partir de ce moment-là, il y a quand même quelque chose qui se met en place.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, parmi les signes avant-coureurs, il y a aussi l'ennui. L'ennui, pourtant, c'est bon de s'ennuyer un peu de temps en temps.

  • Speaker #0

    De toute façon, dans tout couple, il y a des moments où… où on s'ennuie. Et dans la vie, il y a des moments où on s'ennuie, effectivement.

  • Speaker #1

    Quand est-ce que ça devient un problème ?

  • Speaker #0

    Quand il devient constant.

  • Speaker #1

    Oui, quand il devient constant.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que l'ennui, il a un intérêt s'il arrive par intermittence. Si le mode de vie d'un couple, ça devient l'ennui... À ce moment-là, on doit s'interroger sur ce qu'il reste d'amour. Et il y a un très beau film là-dessus que j'ai utilisé dans le livre. C'est un vieux film, c'est Le chat de Pierre Granier-Deferre, où justement Simone Signoret et Jean Gabin s'ennuient constamment l'un avec l'autre, à tel point que lui, justement, prend un chat, qu'il va s'occuper de son chat, qu'elle lui reproche justement que le chat est plus important qu'elle, mais toute cette discussion sur le chat, elle montre bien… que ces deux personnes qui n'arrivent plus à faire quoi que ce soit ensemble et qui fondamentalement tous les jours, en plus dans le quotidien d'un petit pavillon de banlieue dans les années 50, où justement la vie se répète chaque fois de la même manière, on voit bien comment ce qui fait uniquement tenir ce couple, c'est le poids de l'habitude. et un poids de l'habitude qui signale en même temps, on pourrait dire, l'habitude de l'ennui.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi du silence et vous utilisez cette phrase que je trouve vraiment très parlante. Le silence intervient au bout d'un processus où la parole a perdu toute légitimité, tant le trauma a pris toute la place.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est ce moment où précisément… on ne sait plus dialoguer. C'est ce moment où on n'arrive plus à se dire quoi que ce soit, tellement quelque chose est en train d'advenir, tellement d'une certaine manière quelque chose est en train de se défaire. Et précisément, ce qui fait la différence entre une expérience dans laquelle on se ressaisit et on peut continuer une vie de couple et justement… ce moment où tout devient inévitable et on va vers la séparation, c'est cette présence ou non de la parole et de la capacité à dire ou à ne pas dire à l'autre. Dans l'imminence de la séparation, il y a vraiment un trauma de la séparation. Et ce trauma de la séparation, il empêche tout partage de la parole. Il empêche toute... toute capacité à faire un diagnostic sur la vérité du couple et sur ce que chacun aimerait pourtant pouvoir dire. Ce moment du trauma, il crée du silence, mais un silence... Un silence extrêmement lourd et un silence qui est en même temps sans doute nécessaire, parce que sinon ce serait une explosion qui serait en quelque sorte presque impossible à vivre pour l'autre.

  • Speaker #1

    On imagine bien cette atmosphère très plombante avec le silence auquel on doit faire face de la part du partenaire. Ça me fait penser un petit peu aussi à tout ce que vous dites sur la distance, la distance qui s'installe dans les couples. Et vous faites justement une référence intéressante à la distance. Vous parlez des vieux couples, entre guillemets, parce que je pense que ce n'est pas forcément les plus âgés, mais les couples qui commencent à faire chambre à part.

  • Speaker #0

    Ah bah oui, parce que forcément la distance a quand même à voir en règle générale avec la question de la durée, avec la question de la durée d'un couple. C'est sûr que quand on rencontre quelqu'un, en règle générale, si la rencontre amoureuse est vraiment forte, justement on n'expérimente pas cette distance. En tout cas... Je pense qu'on projette aussi une forme d'illusion sur la rencontre amoureuse qui fait que s'il y a des formes de distance, on ne les voit pas. Parce que l'une des thèses du livre, c'est aussi que ce qui fait aussi la séparation, c'est aussi le fait que finalement on projette des attentes sur une expérience amoureuse qui sont forcément déçues un jour ou l'autre. Mais cette question de la chambre à part, je la trouve très intéressante. Parce qu'il y a toujours beaucoup de jugement sur le fait de faire chambre à part. Et en particulier, quand il s'agit d'une famille, il y a souvent beaucoup de jugement de la part des enfants. des enfants, si les parents commencent à faire chambre à part, les enfants se demandent qu'est-ce qui se passe, pourquoi ? Parce que l'image de la société, l'image du couple, c'est vraiment quand même largement l'image de la chambre conjugale.

  • Speaker #1

    Mais ce que faire chambre à part, ça veut vraiment dire qu'il y a une distance qui s'est installée justement ?

  • Speaker #0

    Oui, mais pourquoi pas ? Je veux dire par là que je n'ai pas de jugement moral sur la question de la chambre à part. Tout dépend comment elle est pensée. Tout dépend si elle est pensée sur le mode d'une distance dont on prend acte, mais qui fait qu'on va pouvoir se retrouver encore à certains moments, c'est-à-dire d'une distance qui peut être réparatrice. où tout dépend si on est sur le mode d'une distance qui est justement séparatrice. Distance réparatrice et distance séparatrice, ce n'est pas du tout la même chose. C'est-à-dire que soit la chambre à part, elle inaugure le fait que chacun ait son lieu à soi. et qu'on puisse continuer à vivre ensemble avec cette distance, parce que pourquoi pas, soit la chambre à part, elle est précisément le symptôme de ce qui est en train de se passer, de l'imminence d'une séparation et précisément d'un désamour, on pourrait dire, profond.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, vous venez justement de le mentionner, les attentes qu'on projette sur l'amour. Vous dites que l'amour, c'est une obligation sociale. Vous pensez vraiment que c'est une obligation sociale ?

  • Speaker #0

    Vous ne pensez pas qu'on peut aimer comme ça ? Mais c'est une attente de la société. Quand vous avez 20 ans, 25 ans, 30 ans, mais même plus, si vous êtes célibataire, on va toujours vous dire, mais voilà, quand vas-tu rencontrer, il y a même cette expression, ton âme sœur. Ça, ça existe encore. Quand vas-tu rencontrer la personne ? avec qui tu veux vivre, fonder une société, justement, quelque chose comme une société, enfin, fonder une société qui s'appelle famille, fonder finalement quelque chose de social. Donc, je pense que oui, il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple. généralement hétérosexuels, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr, il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord. Et puis, je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse. C'est-à-dire que très fréquemment, on aime à travers un idéal. celui de notre histoire culturelle, de l'amour-passion, de l'amour-fusion, vraiment de ce discours dans le banquet de Platon, ça date quand même où on nous dit que chacun cherche sa moitié. Cette idée que chacun ou chacune cherche sa moitié, ça reste quelque chose de très présent, même si, me semble-t-il, Ça c'est aussi une thèse du livre, les séparations de plus en plus fréquentes, la présence de plus en plus grande d'enfants dont les parents sont séparés ou divorcés, crée à mon avis la possibilité d'appréhender l'amour de manière je dirais moins idéologique. de davantage se méfier des illusions amoureuses, de davantage se méfier aussi des injonctions sociales, et d'arriver à concevoir l'amour de manière, je dirais, beaucoup plus réaliste.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est intéressant, je suis tout à fait d'accord avec vous en fait sur cette question de la banalisation de la séparation qui fait que peut-être qu'on peut l'accepter plus facilement, ça ne veut pas dire que c'est plus facile quand on le vit, mais ça veut dire qu'en tout cas dans la société, on accepte plus facilement maintenant qu'il y a par exemple 30 ans, la séparation des couples, le fait que des parents élèvent leurs enfants en alternance et ce genre de choses. Par contre, il y a une autre question qui revient souvent, c'est… As-tu refait ta vie ? Est-ce que tu vas refaire ta vie ? Donc, il y a quand même encore cette injonction, Ok, tu t'es séparée, mais maintenant, est-ce que tu as refait ta vie ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est-à-dire que je pense que là-dessus, il y a plusieurs niveaux d'analyse à faire. D'abord, il y a quand même le fait, pour chacun, et ça c'est difficile, qu'on est dans une société paradoxale. C'est-à-dire que, à la fois, je pense que nous sommes de plus en plus une société d'individus. Ça fait longtemps que ça dure, cette société d'individus, mais je crois qu'on va toujours de plus en plus loin dans la possibilité d'appréhender les humains comme des individus qui font des choix. Et donc, de ce point de vue-là, les sites de rencontres, toutes les applications, les réseaux sociaux, c'est le fait aussi de pouvoir affiner ses choix amoureux. Et donc, c'est encore devenir plus individu. Donc, il y a vraiment un devenir individu de nos sociétés qui va toujours plus loin. Mais de l'autre côté… Et qu'est-ce que ça change,

  • Speaker #1

    justement, cette société d'individus ?

  • Speaker #0

    Ça change que… la relation amoureuse et qu'après le fait de faire famille, qui est encore autre chose mais qui est souvent ce que chacun a en ligne de mire comme injonction sociale va être de plus en plus difficile de plus en plus paradoxal parce qu'à partir du moment où de plus en plus on vous incite à vous constituer comme individu avec vos propres affinités, vos propres orientations vos propres choix comment vous faites pour construire quelque chose à deux ? Comment vous faites pour construire une famille ? Comment vous faites pour dessiner un antre précisément ? C'est beaucoup plus difficile. C'est beaucoup plus difficile qu'à un moment dans l'histoire de l'Europe, par exemple, où précisément on ne se mariait pas sur le mode de l'affinité, où de toute façon les femmes n'avaient pas vraiment le choix, où précisément la question du lien conjugal et du lien familial, ce n'était pas forcément une affaire de choix. Ce n'était même pas du tout une affaire de choix. Quand ça devient une affaire de choix, la question du lien, elle est plus compliquée. En tout cas, elle doit être pensée autrement. Donc, il y a cette question de notre devenir paradoxal, entre d'un côté le fait que nous sommes de plus en plus des individus, et de l'autre le fait que notre vie, ce serait d'être en couple, d'être en famille, cette idée comme vous le dites, que quand on se quitte, quand on quitte quelqu'un, ou quand on est quitté, tout de suite ce qui vient dans notre entourage, alors tu refais ta vie quand ? Et même maintenant, on pense les périodicités, c'est-à-dire on nous dit, écoute, le mieux, je veux dire, on a des recettes toutes faites, alors que je pense qu'en revanche, il n'y a pas de recettes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    C'est souvent de dire maintenant, tu prends un ou deux ans pour te reconstruire toi-même, d'abord toi, et puis ensuite, il faut que tu trouves quelqu'un. Vous voyez ? Il y a cette idée-là. Mais très souvent, c'est là qu'il y a... C'est peuplé d'injonctions sociales, vraiment. Très souvent, si vous rencontrez... Si, par exemple, vous êtes quitté et que vous rencontrez quelqu'un très vite, on va vous dire Ah ben non, ça, c'est pas possible. Ça, ça va pas. Vous voyez ? Il y a quand même... Il y a quand même toujours, dans toutes les situations... des modèles sociaux. Alors que moi, ce que j'ai envie de dire là-dessus, c'est que on devrait sortir des modèles sociaux, c'est-à-dire que on doit, dans ces situations-là, écouter ce qu'on a en soi, déployer une intériorité qui, en même temps, se constitue dans la relationnalité, c'est-à-dire précisément dans le rapport aux autres. dans la possibilité de justement être toujours en lien. Mais je crois que précisément cette idée, alors quand tu refais ta vie, c'est terrible. C'est terrible parce que d'abord les sociétés changent et aujourd'hui il y a des tas d'hommes et de femmes qui ont aussi envie… de vivre de manière célibataire à un moment ou à un autre de leur vie, ou peut-être tout le temps d'ailleurs. Je veux dire, ça crée des souffrances, ces injonctions sociales. Il y a quand même dans nos sociétés une injonction à la vie à deux.

  • Speaker #2

    Merci pour votre écoute. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et à lui mettre 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute Spotify et Apple Podcast, ainsi que des commentaires positifs pour aider le podcast à remonter dans les classements et devenir plus visible. Si vous souhaitez me contacter ou me suggérer des invités ou de nouveaux thèmes à explorer dans le podcast, laissez-moi un message sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook Quelque chose à vous dire podcast ou envoyez-moi un email quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com Je vous lis et je vous réponds. Rendez-vous dans 15 jours pour un prochain épisode et d'ici là, portez-vous bien. Ciao !

Description

🎙️Comment survient le désamour et quelles leçons peut-on en tirer pour nos futures relations?

Aujourd'hui j'accueille la philosophe Fabienne Brugère dans le podcast. Elle vient de publier le livre Désamour, Manuel d’un retour à la vie chez Flammarion, et ce livre est une pépite.


👉Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu’un, et étaye sa réflexion d’une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui apportent au livre toute une saveur culturelle.


👉Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire, et c’est en celà que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast.


👉Dans cette première partie de l’épisode, on aborde les signes avant-coureur du désamour, tels que la dispute ou l’ennui, la distance qui s’installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation, et l’on parle aussi de l’injonction à l’amour qui régit nos sociétés et comment s’en prémunir.


👉Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d’un désamour et sur les enseignements que l’on peut tirer d’une séparation.


C'est le dernier épisode de la saison, je vous prépare ensuite un SUMMER PODCASTS. Je vous en dis plus dans cet épisode.


🎧Bonne écoute!


✍️Notes de l'épisode


📚Ouvrages de Fabienne Brugère

Désaimer, Manuel d'un retour à la vie, Flammarion, 2024

La Vraie Histoire de l'impressionnisme, Vrin, 2024

l'Ethique du "care", PUF, 2021


🎙️Podcasts

#36: Pamela- Pourquoi j'ai décidé de partie en vacances solo

#22: Juliette- Bilan vacances: Revoir ses exigences à la baisse quand on part à plusieurs

#15: Marianne: "Le voyage est ma deuxième priorité, après mon fils"


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Transcription

  • Speaker #0

    Il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple, généralement hétérosexuel, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr. Il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord, et puis je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, et que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Comment dire à ces enfants qu'on se sépare ? Et après, comment on s'en sort financièrement ? Et pour les vacances, on fait quoi ? La décision de se séparer et ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle chamboulent inévitablement notre quotidien. Mais on s'en sort. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez la saison 2 de Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés, qui s'en sort. Tous les 15 jours, j'interview des parents séparés, mais aussi des professionnels qui œuvrent autour du divorce et de la séparation pour apporter un point de vue d'experts sur une situation compliquée qui touche presque un couple sur deux et que l'on a tendance à analyser. alors que ses conséquences sur notre vie familiale et personnelle sont titanesques. J'espère que ce podcast vous aidera à mieux vivre votre séparation en préservant vos enfants. Bonne écoute. salut les parents j'espère que vous allez bien j'imagine que pour la plupart d'entre vous les vacances ont commencé je vous les souhaite donc joyeuses apaisantes avec du temps pour vous et des moments magiques avec vos enfants Sur la thématique des vacances, n'hésitez pas à aller écouter l'épisode de Marianne qui voyage dans le monde entier avec son fils, celui de Juliette qui part en vacances avec des amis, ou le mien sur les vacances en mode solo sans enfant. Je vous mets les liens dans les notes de cet épisode. Le podcast va lui aussi se mettre au vert et vous allez entendre aujourd'hui le dernier épisode de la saison. C'est un épisode passionnant que j'ai dû de nouveau diviser en deux pour vous en faciliter l'écoute. La deuxième partie sera donc diffusée dans 15 jours. Je prendrai ensuite des vacances, mais je vous ai préparé une petite surprise en vous diffusant des épisodes d'autres podcasteuses en Belgique que je trouve particulièrement inspirants et enrichissants. Les thématiques seront parfois différentes, mais vous le savez, j'aime beaucoup vous faire découvrir de nouveaux podcasts et je vais donc en profiter pendant cette pause estivale. Quant à nous, nous nous retrouvons en septembre en pleine forme pour une troisième saison du podcast. Je vous laisse avec l'épisode du jour. Le monde, un idéal. Aujourd'hui, j'accueille Fabienne Brugère dans le podcast. Philosophe, professeure des arts modernes et contemporains à l'université de Paris VIII et membre du comité de rédaction de la revue Esprit, elle vient de publier le livre Des amours, manuel d'un retour à la vie chez Flammarion et ce livre est une pépite. Dans son livre, Fabienne Brugère décrit le cheminement qui nous amène à désaimer quelqu'un et étaye sa réflexion d'une foule de références littéraires, philosophiques, cinématographiques qui donnent au livre toute une saveur culturelle. Ce livre fait du bien et participe à lui seul au travail de désamour que les lecteurs et lectrices qui vivent une séparation ont justement besoin de faire et c'est en cela que je le trouve particulièrement précieux pour le podcast. Dans cette première partie de l'épisode, on aborde les signes avant-coureurs du désamour, tels que la dispute ou l'ennui, la distance qui s'installe dans un couple, le silence qui entoure souvent une séparation. Et l'on parle aussi de l'injonction à l'amour qui régit nos sociétés et comment s'en prémunir. Dans la deuxième partie, nous reviendrons plus largement sur les moyens de se remettre d'un désamour et sur les enseignements que l'on peut tirer d'une séparation. Les mots de Fabienne Brugère sonnent justes, sa réflexion est posée, intelligente. J'ai adoré notre échange et je suis vraiment heureuse de pouvoir clôturer la saison avec une telle réflexion sur la séparation. J'espère qu'il vous plaira. Bonne écoute.

  • Speaker #0

    Je m'appelle Fabienne Brugère, je suis philosophe. professeure à l'université de Paris 8 de Vincennes-Sany. J'ai été présidente du regroupement d'universités Paris Lumière qui réunit Paris 8, Paris Nanterre, le CNRS, puis un certain nombre d'institutions culturelles comme Beaubourg, comme Le Loup, la Bibliothèque nationale de France. J'ai écrit... à la fois sur l'art et j'ai écrit beaucoup sur ce qu'on appelle les éthiques du care en anglais, c'est-à-dire toutes ces questions de prendre soin, prendre soin des autres, dans la société, les métiers de soins, avec aussi toute la question de l'assignation des femmes aux soins. Et puis, je me suis beaucoup intéressée d'un côté à tout ce qui est théorie féministe, et puis de l'autre à toutes ces questions d'intelligence émotionnelle, d'attachement, attachement, détachement, tout ce qui fait la puissance ou la faiblesse de nos liens.

  • Speaker #1

    Alors, je suis ravie de vous recevoir aujourd'hui, Fabienne. Vous venez aujourd'hui nous parler de ce livre Désaimé, manuel d'un retour à la vie qui est sorti chez Flammarion. Il vient de sortir il y a quelques mois. Une question toute simple pour commencer. Quelle est la différence entre désaimé et ne pas aimé

  • Speaker #0

    Dans désaimé je pense que beaucoup plus que dans ne pas aimé on entend aimer et on n'entend pas bien le des on ne sait pas bien ce que c'est. Et donc, ça veut dire que dans désaimer il y a aussi aimer, que le fait de désaimer ne se pense que par rapport au fait d'avoir aimé et peut-être d'ailleurs ensuite de continuer à aimer, alors que dans ne pas aimer il y a quelque chose de beaucoup plus radical qui tend peut-être à vraiment dire qu'on peut très bien n'avoir jamais connu l'amour et ne jamais le connaître. On peut d'une certaine manière mettre totalement de côté ce verbe aimer, alors que dans des aimer, il y a l'idée d'une activité. ou en tout cas d'une expérience, ou en tout cas d'une épreuve, par laquelle on passe du fait d'aimer à la nécessité de désaimer. Donc, on est dans le registre, j'ai envie de dire, d'un passage.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

  • Speaker #0

    J'ai écrit ce livre parce que, comme beaucoup de monde, je pense, j'ai fait l'épreuve de la séparation. Et je crois que, suite à cette épreuve, j'ai voulu voir ce que c'était que la traversée par une écriture. Écriture qui permet elle-même d'ailleurs de traverser l'épreuve. L'écriture, c'est un exercice dans lequel on peut s'interroger sur ce qui nous arrive. Je me suis interrogée sur ce qui m'arrivait, j'ai essayé de le décrire, de l'analyser. Et comme je suis philosophe, j'ai un peu cette idée qu'en m'interrogeant sur ce qui m'arrive, je m'interroge aussi sur ce qui arrive à d'autres, c'est-à-dire que j'essaye mais sans... sans prétention, et j'essaye aussi de voir si ma parole, elle n'est pas conforme aussi à d'autres paroles, étant donné que dans le livre, j'ai aussi utilisé la parole des autres, ce que les autres m'ont raconté de leur désamour, c'est-à-dire de leur séparation, de leur rupture, et puis ce que aussi la littérature raconte, ce que les films... nous raconte ce que la psychanalyse nous raconte, la psychologie également, la philosophie très peu, parce que justement, c'était aussi l'un des propos, et ce qui s'est passé aussi, c'est que quand cette expérience de la séparation, mais d'une certaine manière… tomber dessus, parce que ça nous tombe toujours un peu dessus, c'est quand même un vrai moment, au départ, d'effondrement de quelque chose, de quelque chose qu'on a construit. Dans ces moments-là, je me suis retournée vers la philosophie pour essayer de voir ce qui pouvait bien m'aider. Et en fait, je me suis rendue compte, au départ, qu'il n'y avait pas beaucoup d'analyse. Il y a beaucoup d'analyses en philosophie de l'amour, de ce que c'est qu'aimer, mais ce que c'est que désaimer, ce n'est vraiment pas là que les philosophes sont très bons. Donc j'ai quand même essayé de trouver des textes, j'en ai trouvé quelques-uns, mais que j'ai pris un peu de biais, mais l'idée c'était vraiment du coup d'écrire un texte de philosophie, mais en même temps accessible au plus grand nombre, sur ce que c'est que cette expérience. du désamour, qui est une expérience qu'on traverse, qui est de mon point de vue, c'est important, une épreuve et non un échec. C'est une épreuve de vie. D'où l'idée du sous-titre manuel d'un retour à la vie. C'est une épreuve, bien sûr, qu'on peut caractériser au départ comme une expérience négative, comme quelque chose qui désorganise, comme quelque chose qui crée du chaos, comme au départ un moment... souvent de grandes tristesses, où on se sent dessaisi de soi-même, et comment finalement, à partir de ce dessaisissement, on se ressaisit, d'où le sous-titre manuel d'un retour à la vie.

  • Speaker #1

    C'est vrai qu'effectivement, le titre interpelle un peu, parce qu'on s'imagine que quand désaimer, ça évoque forcément la rupture, on sait que ce n'est pas une période facile, et effectivement, ce retour à la vie, intrigue quand on voit la couverture de votre livre, qui est magnifique d'ailleurs. Personnellement, j'ai beaucoup aimé votre livre, je dois le dire. Je trouve que c'est un livre qui est à la fois reposant, pas facile à lire d'une traite. On prend le temps de le lire, on revient sur certains passages, mais je trouve qu'il fait vraiment du bien. Je trouve qu'il apaise énormément. Quand on désaime, on est deux. Est-ce que l'acte de désamour concerne une personne plus que l'autre ? C'est un peu la question que je me suis posée tout au long de ce livre. Est-ce que ça concerne la personne qui s'en va, la personne qui est désaimée, qui est laissée sur le côté ? Est-ce que ça concerne les deux personnes ? Comment vous l'expliquez ?

  • Speaker #0

    C'est bien la question de la relation, on pourrait dire d'intimité, d'une relation d'intimité qui se défait. Et donc ça concerne forcément les deux parties. Après, l'une des thèses du livre, c'est que bien évidemment, il y a des positions différentes. C'est-à-dire que la position dans une séparation, ce n'est pas toujours le cas, mais s'il y a la position... d'une personne qui subit, c'est-à-dire qui ne s'attend pas du tout à une séparation ou qui en tout cas n'est pas dans la logique de cette séparation, il y a là un phénomène subi qui fait que le désamour est beaucoup plus dur. Parce qu'il faut tout d'un coup l'initier, il faut l'initier face à quelque chose de subi, dans l'urgence, alors que tout est en train de se défaire. et on peut imaginer que dans ces cas-là l'autre personne elle s'en va parce qu'elle veut changer de vie parce qu'elle a rencontré quelqu'un d'autre parce que ceci parce que cela donc elle elle a quand même une logique de futur alors que précisément la personne qui subit sur le moment elle est privée de futur je dirais même qu'elle est privée de présent elle n'est plus rien en quelque sorte et ça il y a quand même là-dedans au départ quelque chose d'extrêmement tragique et on sait bien ce que ça donne. Ça peut donner l'envie de rester complètement chez soi, sans bouger. Ça peut donner l'envie de ne plus manger. C'est vraiment quelque chose d'extrêmement dur. Mais l'idée du texte, c'est aussi que dans ces phénomènes-là, tout est instable. C'est-à-dire que les relations ne sont pas fixées une fois pour toutes. Et là-dessus, j'ai pensé et j'ai utilisé une série, j'ai utilisé deux choses. D'une part, une série qui est aussi un film que j'aime beaucoup, qui est assez ancienne, en fait de Bergman, scène de la vie conjugale. Et Bergman, justement... Il initie cette question de la séparation subie, en particulier pour la femme, jouée par Livulman, puisque son mari, au bout d'un certain nombre de vies communes, lui annonce brusquement qu'il la quitte. pour une femme plus jeune avec laquelle il va aller vivre. Et donc, Lee Hulman, finalement, du jour au lendemain, se retrouve seul. Il y a bien sûr des scènes, il se revoit, il se dit un certain nombre de choses. Et ce qui est très intéressant dans le film de Bergman, c'est qu'en fait, il donne une temporalité au désamour. Et finalement, au bout du compte, celle qui d'une certaine manière va le plus réapproprier son existence, c'est justement Liv Hulman. Parce que Liv Hulman, elle va faire tout un travail sur elle-même, sur sa vie, sur l'histoire de son couple, et elle va donc initier un futur qui sera vraiment un futur de son rapport à elle-même. Une sorte de, on pourrait dire, de souci de soi. Alors que précisément, son mari, devenu après-ex-mari, va finalement finir par se séparer de sa nouvelle compagne, ne va pas arriver à vivre seule, ne va pas arriver à initier ce rapport à soi-même. Il y a quelque chose de très intéressant dans la manière dont Bergman montre comment cette femme se constitue un rapport, je dirais, réflexif. à sa vie. Et c'est ça aussi désaimer. Désaimer en particulier quand on subit une séparation, c'est cette épreuve dans laquelle on va pouvoir initier, on va essayer d'initier justement un souci de soi.

  • Speaker #1

    Alors vous parlez dans la première partie de votre livre des signes avant-coureurs du désamour. Quels sont ces signes ?

  • Speaker #0

    Les signes avant-coureurs du désamour, j'en ai identifié trois. La dispute, l'ennui et le silence. La dispute parce que bien évidemment, ce livre c'est aussi au début, c'est en quelque sorte un précide des compositions amoureuses, on pourrait le dire comme ça. En général, on décrit... comment on se compose dans une relation amoureuse, mais on n'aime pas parler de la manière dont une relation amoureuse, elle se décompose.

  • Speaker #1

    Mais pourquoi vous dites ça justement ? Ça m'a interpellé ça dans le livre. On va revenir après sur les signes avant-coureurs, mais pourquoi vous dites ça, qu'on n'aime pas parler du désamour ? On n'aime pas raconter comment s'est passée notre séparation, on n'aime pas en parler à son entourage ?

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on va en parler, on va en parler si on a un psy, on va en parler à son psy, Si on a des amis très proches ou une famille avec laquelle on est en affinité, on va leur en parler. on va en parler uniquement à des personnes extrêmement choisies, parce que c'est quand même l'objet souvent soit d'une honte, soit d'une humiliation, soit d'une culpabilisation. Enfin, je veux dire, on est quand même sur des expériences qui sont souvent appréhendées à tort comme des échecs. On n'aime pas beaucoup parler de ce qu'on appréhende généralement. comme un échec. En revanche, on aime beaucoup plus parler, bien évidemment, parce que c'est joyeux. On aime beaucoup plus parler de la personne qu'on vient de rencontrer, avec qui se noue quelque chose, dont on est amoureuse. Voilà. Et puis, les autres ont beaucoup plus envie d'entendre ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il n'y a pas une différence, justement, entre la période pendant laquelle ça ne va pas dans le couple et on sent qu'effectivement on va se séparer. Et là, on s'en rend compte, on le sait autour de nous. On le voit aussi autour de nous, nos amis, les personnes qui se séparent autour de nous. Souvent, on l'apprend, ils sont déjà séparés. On ne s'est pas rendu compte du tout que ça n'allait pas dans ce couple-là parce qu'ils n'en parlaient pas. Effectivement, peut-être parce que c'est un échec. Mais une fois que la séparation est actée, le désamour… Oui. Il a commencé bien avant, j'ose imaginer. Là, on en parle plus facilement quand même, non ?

  • Speaker #0

    Non, on n'en parle pas tant que ça. Ce n'est quand même pas quelque chose qui crée du rayonnement, de l'irradiation, il ne faut pas oublier. qu'on est quand même, alors peut-être je me permets une incise, on est quand même dans une société dont on peut dire qu'elle est quand même néolibérale, qui a quand même tendance à fabriquer des gagnants et des perdants, et il faut être un gagnant, il faut être quelqu'un de performant. particulièrement souvent dans son travail. Alors bien sûr, toutes les structures de travail ne sont pas comme ça, mais il y a quand même cette règle-là. Et donc on a quand même dans notre société, je pense, une vraie difficulté. à parler de ce qui ne fait pas de nous un gagnant ou une gagnante. Ça ne veut pas dire qu'on ne va pas y arriver, mais ça veut dire que la société n'est pas faite pour ça. La société n'est pas faite pour écouter ces moments de nos vies où précisément on est face à une épreuve. Donc je crois qu'il y a quand même bien éminemment une difficulté, alors bien sûr qui est redoublée par le fait, comme vous le dites, qu'il y a en même temps des moments différents. C'est-à-dire que, pour revenir à votre question sur les signes avant-coureurs du désamour, c'est vrai qu'au moment d'une séparation, tout le monde se dit, comment on en est arrivé là ? Comment deux personnes en arrivent-elles là ? Et puis, parfois, très fréquemment, personne n'a rien vu. Personne n'a rien vu parce que personne n'a rien dit. Et donc, effectivement, au moment de la séparation elle-même, on va forcément réfléchir aux signes avant-coureurs. Qu'est-ce qu'on n'avait pas vu ? et qui témoignait bien quand même de quelque chose qui ne tournait plus bien vous. Et donc c'est à ce titre que j'ai fait une analyse vraiment de la dispute, de l'ennui et du silence, dans la perspective qu'effectivement parler du désamour, parler de ce qui nous arrive, c'est déjà faire nous-mêmes cet exercice de parole, c'est déjà aussi dialoguer avec soi-même. Mais pour dialoguer avec soi-même, comme vous le dites, il y a aussi un moment où il faut pouvoir en parler à d'autres, parce que c'est aussi en en parlant à d'autres qu'on va pouvoir nouer ce dialogue avec soi-même et se rendre compte aussi de ce qui déjà constituait des signes annonciateurs. Et c'est vrai que... la dispute, les disputes en particulier répétées, quand elles sont des moments où on veut imposer sa vérité à l'autre, c'est-à-dire on n'est plus dans la conversation, mais précisément on est dans, je dirais, dans l'exercice d'une parole violente qui consiste à dire moi ce que je dis est vrai contre tout ce que toi tu peux dire. C'est quand même ça la dispute. La dispute c'est un combat.

  • Speaker #1

    Les disputes sont parfois… inévitable dans un couple, ça fait aussi partie d'un quotidien.

  • Speaker #0

    La dispute, elle n'est pas quelque chose qui ne doit pas se produire, mais ce que j'ai voulu dire, c'est que quand on commence à analyser une séparation et qu'on revient sur les disputes, on peut se rendre compte de ces moments où la dispute, elle n'est plus une dispute on pourrait dire banale, mais elle est une dispute qui pousse l'autre du côté de la non-considération du fait qu'il est un sujet. qui pousse l'autre vers la volonté de l'humilier, vers la volonté de le nier, et cela de manière répétée. Et quand, dans une relation de manière répétée, on nie la parole de l'autre, l'existence de l'autre, on n'est plus capable de l'écouter et de converser avec lui, et cela de manière répétée. À partir de ce moment-là, il y a quand même quelque chose qui se met en place.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, parmi les signes avant-coureurs, il y a aussi l'ennui. L'ennui, pourtant, c'est bon de s'ennuyer un peu de temps en temps.

  • Speaker #0

    De toute façon, dans tout couple, il y a des moments où… où on s'ennuie. Et dans la vie, il y a des moments où on s'ennuie, effectivement.

  • Speaker #1

    Quand est-ce que ça devient un problème ?

  • Speaker #0

    Quand il devient constant.

  • Speaker #1

    Oui, quand il devient constant.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que l'ennui, il a un intérêt s'il arrive par intermittence. Si le mode de vie d'un couple, ça devient l'ennui... À ce moment-là, on doit s'interroger sur ce qu'il reste d'amour. Et il y a un très beau film là-dessus que j'ai utilisé dans le livre. C'est un vieux film, c'est Le chat de Pierre Granier-Deferre, où justement Simone Signoret et Jean Gabin s'ennuient constamment l'un avec l'autre, à tel point que lui, justement, prend un chat, qu'il va s'occuper de son chat, qu'elle lui reproche justement que le chat est plus important qu'elle, mais toute cette discussion sur le chat, elle montre bien… que ces deux personnes qui n'arrivent plus à faire quoi que ce soit ensemble et qui fondamentalement tous les jours, en plus dans le quotidien d'un petit pavillon de banlieue dans les années 50, où justement la vie se répète chaque fois de la même manière, on voit bien comment ce qui fait uniquement tenir ce couple, c'est le poids de l'habitude. et un poids de l'habitude qui signale en même temps, on pourrait dire, l'habitude de l'ennui.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi du silence et vous utilisez cette phrase que je trouve vraiment très parlante. Le silence intervient au bout d'un processus où la parole a perdu toute légitimité, tant le trauma a pris toute la place.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire que c'est ce moment où précisément… on ne sait plus dialoguer. C'est ce moment où on n'arrive plus à se dire quoi que ce soit, tellement quelque chose est en train d'advenir, tellement d'une certaine manière quelque chose est en train de se défaire. Et précisément, ce qui fait la différence entre une expérience dans laquelle on se ressaisit et on peut continuer une vie de couple et justement… ce moment où tout devient inévitable et on va vers la séparation, c'est cette présence ou non de la parole et de la capacité à dire ou à ne pas dire à l'autre. Dans l'imminence de la séparation, il y a vraiment un trauma de la séparation. Et ce trauma de la séparation, il empêche tout partage de la parole. Il empêche toute... toute capacité à faire un diagnostic sur la vérité du couple et sur ce que chacun aimerait pourtant pouvoir dire. Ce moment du trauma, il crée du silence, mais un silence... Un silence extrêmement lourd et un silence qui est en même temps sans doute nécessaire, parce que sinon ce serait une explosion qui serait en quelque sorte presque impossible à vivre pour l'autre.

  • Speaker #1

    On imagine bien cette atmosphère très plombante avec le silence auquel on doit faire face de la part du partenaire. Ça me fait penser un petit peu aussi à tout ce que vous dites sur la distance, la distance qui s'installe dans les couples. Et vous faites justement une référence intéressante à la distance. Vous parlez des vieux couples, entre guillemets, parce que je pense que ce n'est pas forcément les plus âgés, mais les couples qui commencent à faire chambre à part.

  • Speaker #0

    Ah bah oui, parce que forcément la distance a quand même à voir en règle générale avec la question de la durée, avec la question de la durée d'un couple. C'est sûr que quand on rencontre quelqu'un, en règle générale, si la rencontre amoureuse est vraiment forte, justement on n'expérimente pas cette distance. En tout cas... Je pense qu'on projette aussi une forme d'illusion sur la rencontre amoureuse qui fait que s'il y a des formes de distance, on ne les voit pas. Parce que l'une des thèses du livre, c'est aussi que ce qui fait aussi la séparation, c'est aussi le fait que finalement on projette des attentes sur une expérience amoureuse qui sont forcément déçues un jour ou l'autre. Mais cette question de la chambre à part, je la trouve très intéressante. Parce qu'il y a toujours beaucoup de jugement sur le fait de faire chambre à part. Et en particulier, quand il s'agit d'une famille, il y a souvent beaucoup de jugement de la part des enfants. des enfants, si les parents commencent à faire chambre à part, les enfants se demandent qu'est-ce qui se passe, pourquoi ? Parce que l'image de la société, l'image du couple, c'est vraiment quand même largement l'image de la chambre conjugale.

  • Speaker #1

    Mais ce que faire chambre à part, ça veut vraiment dire qu'il y a une distance qui s'est installée justement ?

  • Speaker #0

    Oui, mais pourquoi pas ? Je veux dire par là que je n'ai pas de jugement moral sur la question de la chambre à part. Tout dépend comment elle est pensée. Tout dépend si elle est pensée sur le mode d'une distance dont on prend acte, mais qui fait qu'on va pouvoir se retrouver encore à certains moments, c'est-à-dire d'une distance qui peut être réparatrice. où tout dépend si on est sur le mode d'une distance qui est justement séparatrice. Distance réparatrice et distance séparatrice, ce n'est pas du tout la même chose. C'est-à-dire que soit la chambre à part, elle inaugure le fait que chacun ait son lieu à soi. et qu'on puisse continuer à vivre ensemble avec cette distance, parce que pourquoi pas, soit la chambre à part, elle est précisément le symptôme de ce qui est en train de se passer, de l'imminence d'une séparation et précisément d'un désamour, on pourrait dire, profond.

  • Speaker #1

    Vous parlez aussi, vous venez justement de le mentionner, les attentes qu'on projette sur l'amour. Vous dites que l'amour, c'est une obligation sociale. Vous pensez vraiment que c'est une obligation sociale ?

  • Speaker #0

    Vous ne pensez pas qu'on peut aimer comme ça ? Mais c'est une attente de la société. Quand vous avez 20 ans, 25 ans, 30 ans, mais même plus, si vous êtes célibataire, on va toujours vous dire, mais voilà, quand vas-tu rencontrer, il y a même cette expression, ton âme sœur. Ça, ça existe encore. Quand vas-tu rencontrer la personne ? avec qui tu veux vivre, fonder une société, justement, quelque chose comme une société, enfin, fonder une société qui s'appelle famille, fonder finalement quelque chose de social. Donc, je pense que oui, il y a une injonction à l'amour, il y a une injonction à une forme de normalité amoureuse qui prendrait le visage du couple. généralement hétérosexuels, de la famille, avec des enfants, de la chambre parentale, du fait de partager le même appartement ou la même maison, etc. Donc bien sûr, il y a d'une part une injonction sociale à certaines formes d'amour, on est bien d'accord. Et puis, je pense qu'il y a fondamentalement aussi quelque chose que j'appellerais, que j'appelle dans le livre, l'illusion amoureuse. C'est-à-dire que très fréquemment, on aime à travers un idéal. celui de notre histoire culturelle, de l'amour-passion, de l'amour-fusion, vraiment de ce discours dans le banquet de Platon, ça date quand même où on nous dit que chacun cherche sa moitié. Cette idée que chacun ou chacune cherche sa moitié, ça reste quelque chose de très présent, même si, me semble-t-il, Ça c'est aussi une thèse du livre, les séparations de plus en plus fréquentes, la présence de plus en plus grande d'enfants dont les parents sont séparés ou divorcés, crée à mon avis la possibilité d'appréhender l'amour de manière je dirais moins idéologique. de davantage se méfier des illusions amoureuses, de davantage se méfier aussi des injonctions sociales, et d'arriver à concevoir l'amour de manière, je dirais, beaucoup plus réaliste.

  • Speaker #1

    Mais alors c'est intéressant, je suis tout à fait d'accord avec vous en fait sur cette question de la banalisation de la séparation qui fait que peut-être qu'on peut l'accepter plus facilement, ça ne veut pas dire que c'est plus facile quand on le vit, mais ça veut dire qu'en tout cas dans la société, on accepte plus facilement maintenant qu'il y a par exemple 30 ans, la séparation des couples, le fait que des parents élèvent leurs enfants en alternance et ce genre de choses. Par contre, il y a une autre question qui revient souvent, c'est… As-tu refait ta vie ? Est-ce que tu vas refaire ta vie ? Donc, il y a quand même encore cette injonction, Ok, tu t'es séparée, mais maintenant, est-ce que tu as refait ta vie ?

  • Speaker #0

    Bien sûr, c'est-à-dire que je pense que là-dessus, il y a plusieurs niveaux d'analyse à faire. D'abord, il y a quand même le fait, pour chacun, et ça c'est difficile, qu'on est dans une société paradoxale. C'est-à-dire que, à la fois, je pense que nous sommes de plus en plus une société d'individus. Ça fait longtemps que ça dure, cette société d'individus, mais je crois qu'on va toujours de plus en plus loin dans la possibilité d'appréhender les humains comme des individus qui font des choix. Et donc, de ce point de vue-là, les sites de rencontres, toutes les applications, les réseaux sociaux, c'est le fait aussi de pouvoir affiner ses choix amoureux. Et donc, c'est encore devenir plus individu. Donc, il y a vraiment un devenir individu de nos sociétés qui va toujours plus loin. Mais de l'autre côté… Et qu'est-ce que ça change,

  • Speaker #1

    justement, cette société d'individus ?

  • Speaker #0

    Ça change que… la relation amoureuse et qu'après le fait de faire famille, qui est encore autre chose mais qui est souvent ce que chacun a en ligne de mire comme injonction sociale va être de plus en plus difficile de plus en plus paradoxal parce qu'à partir du moment où de plus en plus on vous incite à vous constituer comme individu avec vos propres affinités, vos propres orientations vos propres choix comment vous faites pour construire quelque chose à deux ? Comment vous faites pour construire une famille ? Comment vous faites pour dessiner un antre précisément ? C'est beaucoup plus difficile. C'est beaucoup plus difficile qu'à un moment dans l'histoire de l'Europe, par exemple, où précisément on ne se mariait pas sur le mode de l'affinité, où de toute façon les femmes n'avaient pas vraiment le choix, où précisément la question du lien conjugal et du lien familial, ce n'était pas forcément une affaire de choix. Ce n'était même pas du tout une affaire de choix. Quand ça devient une affaire de choix, la question du lien, elle est plus compliquée. En tout cas, elle doit être pensée autrement. Donc, il y a cette question de notre devenir paradoxal, entre d'un côté le fait que nous sommes de plus en plus des individus, et de l'autre le fait que notre vie, ce serait d'être en couple, d'être en famille, cette idée comme vous le dites, que quand on se quitte, quand on quitte quelqu'un, ou quand on est quitté, tout de suite ce qui vient dans notre entourage, alors tu refais ta vie quand ? Et même maintenant, on pense les périodicités, c'est-à-dire on nous dit, écoute, le mieux, je veux dire, on a des recettes toutes faites, alors que je pense qu'en revanche, il n'y a pas de recettes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    C'est souvent de dire maintenant, tu prends un ou deux ans pour te reconstruire toi-même, d'abord toi, et puis ensuite, il faut que tu trouves quelqu'un. Vous voyez ? Il y a cette idée-là. Mais très souvent, c'est là qu'il y a... C'est peuplé d'injonctions sociales, vraiment. Très souvent, si vous rencontrez... Si, par exemple, vous êtes quitté et que vous rencontrez quelqu'un très vite, on va vous dire Ah ben non, ça, c'est pas possible. Ça, ça va pas. Vous voyez ? Il y a quand même... Il y a quand même toujours, dans toutes les situations... des modèles sociaux. Alors que moi, ce que j'ai envie de dire là-dessus, c'est que on devrait sortir des modèles sociaux, c'est-à-dire que on doit, dans ces situations-là, écouter ce qu'on a en soi, déployer une intériorité qui, en même temps, se constitue dans la relationnalité, c'est-à-dire précisément dans le rapport aux autres. dans la possibilité de justement être toujours en lien. Mais je crois que précisément cette idée, alors quand tu refais ta vie, c'est terrible. C'est terrible parce que d'abord les sociétés changent et aujourd'hui il y a des tas d'hommes et de femmes qui ont aussi envie… de vivre de manière célibataire à un moment ou à un autre de leur vie, ou peut-être tout le temps d'ailleurs. Je veux dire, ça crée des souffrances, ces injonctions sociales. Il y a quand même dans nos sociétés une injonction à la vie à deux.

  • Speaker #2

    Merci pour votre écoute. Je suis Pamela Morinière et vous écoutez Quelque chose à vous dire, le podcast des parents séparés. Si le podcast vous plaît, n'hésitez pas à le partager, à en parler autour de vous et à lui mettre 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute Spotify et Apple Podcast, ainsi que des commentaires positifs pour aider le podcast à remonter dans les classements et devenir plus visible. Si vous souhaitez me contacter ou me suggérer des invités ou de nouveaux thèmes à explorer dans le podcast, laissez-moi un message sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook Quelque chose à vous dire podcast ou envoyez-moi un email quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com quelquechoseavoudirepodcast arrobas gmail.com Je vous lis et je vous réponds. Rendez-vous dans 15 jours pour un prochain épisode et d'ici là, portez-vous bien. Ciao !

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