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Raison d'être by Leaders for Health

Pr. Gérard FRIEDLANDER, une vie à faire grandir les hommes et la médecine

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45min |10/04/2025
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Description

Dans ce nouvel épisode de notre podcast "Raison d’être", nous avons l'honneur d’accueillir le Pr. Gérard FRIEDLANDER, ancien doyen de la faculté de médecine de Paris et figure incontournable du monde hospitalo-universitaire.


À travers un échange sincère et inspirant, découvrez :

🧭 Son parcours guidé par la vocation, de la néphrologie à la direction de faculté.
🤝 Sa vision du leadership médical, fondée sur la confiance et la transmission.
🔬 Comment il a fait progresser la science tout en accompagnant les soignants de demain.


Que vous soyez professionnel de santé, étudiant, ou passionné par les transformations du système de santé, cet épisode vous offrira des clés précieuses et humaines.


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Site Web : leadersforhealth.com

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Un podcast créé par Félix Mamoudy et Charles Amaudruz
Interview : Félix Mamoudy
Montage / mixage : Mégane Grandin – César Mamoudy
Miniature : Léo Portal


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça c'est un désastre C'est un désastre

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Félix Mamoudi, fondateur de Leader for Health. Bienvenue dans Raison d'être, le podcast qui réunit les leaders du monde de la santé d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Dans cet épisode, nous accueillons le professeur Gérard Friedlander, ancien doyen à la faculté de médecine à l'université Paris-Decas. Bonjour Gérard.

  • Speaker #0

    Bonjour Félix.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer par nous raconter ton parcours professionnel

  • Speaker #0

    Oui, je suis médecin. J'ai passé, il y a quelques années, l'internat de Paris, au temps où c'était un concours sélectif. J'ai fait une carrière hospitalo-universitaire tout le long, pendant 44 ans, où j'ai franchi les différentes étapes de cette carrière, en étant chef de clinique, puis maître de conférence des universités, praticien hospitalier, puis PUPH, comme on dit. J'ai dirigé des services hospitaliers, d'abord à Bichat, où j'ai passé 24 ans de ma vie professionnelle, puis à Necker et à l'hôpital européen Georges Pompidou, où j'ai passé pas loin d'une vingtaine d'années. Et j'ai eu l'occasion, dans ces années, de monter des structures de recherche, ce qu'on appelait des unités de recherche, et puis des centres de recherche plus gros, puis un institut de recherche. que j'ai dirigé. Et puis, j'ai arrêté tout cela au moment où je suis devenu doyen de ma faculté de médecine, qui s'appelait à l'époque Paris Descartes, ce qui nous a conduits à 2020. Et puis après, j'ai fait d'autres choses dans le secteur privé.

  • Speaker #1

    Le plus gros tournant de votre carrière Ma carrière,

  • Speaker #0

    pour moi, c'est... Il ne faut pas commencer par la carrière. Je pense que mon histoire professionnelle ne commence pas par une carrière, elle commence par une vocation. Familialement, mon grand-père aurait aimé être médecin, il n'a pas été médecin. La guerre, l'immigration, le besoin de gagner sa vie, une frustration qui reste. Mon père, qui n'était pas son fils, qui était de l'autre branche, aurait aimé être médecin. Il ne l'a pas été pour, là encore, des raisons... douloureuse professionnelle, il a été orphelin très tôt, il a vu son père mourir à l'âge de 15 ans de miliaire tuberculeuse, de septicémie tuberculeuse comme ça existait à l'époque, on était en 1933, et il s'est dit je ne peux pas faire ça parce qu'il n'y avait pas de médicaments à l'époque et un médecin, ça faisait aussi beaucoup tenir la main de celui qui allait mourir et il a été pharmacien Je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'allais être médecin. Et ce qui a changé, le premier événement qui a vraiment changé ma vie, est que, pour plein de raisons, il n'y avait pas beaucoup de place ni de confort pour travailler chez moi, et donc j'avais squatté en deuxième année de médecine la bibliothèque d'un service hospitalier à l'hôpital Tenon. Et c'était... Le service de quelqu'un qui s'appelle Gabriel Richet, qui a été le premier élève de Jean Hamburger, qui a inventé la néphrologie en France. Et j'ai trouvé que ces gens-là étaient d'une intelligence, d'une passion, d'une attractivité telle que... Ça m'a rappelé le film Quand Harry rencontre Sally où il y a une dame qui a des émois et où l'autre à côté dit je veux ça en désignant le gâteau qui évidemment n'y était pour rien. Et je me suis dit je veux être comme ça, c'est ça que je veux faire Et c'est ça que j'ai fait. Et la deuxième étape importante est que... En grandissant un peu, l'un des élèves de ce Gabriel Richet dont je parlais à l'instant... était parti à l'hôpital Bichat pour fonder son propre service et sa propre structure de recherche. Et on m'a dit, tu vas le voir. Je suis allé le voir. Ça n'engageait à rien. On ne sait bien plus. On ne sait bien plus, ça veut dire que le premier entretien, je te le raconte parce que je trouve que c'est exactement ce qui manque un peu aujourd'hui. Il m'a dit, oh là là, vous venez me voir parce que vous voudriez un poste de chef de clinique ou d'assistant. Vous savez, ce n'est pas facile. et alors après il y a des postes de maître de conférence la probabilité est quasi nulle et pour le reste ce n'est même pas la peine d'y penser et certes on est vers moi en se fouillant est-ce que ça vous convient et je dis bien sûr que ça me convient et 15 ans plus tard je vais fermer les yeux au sens propre Donc, voilà ce que c'est pour moi. Alors, ce n'est pas un modèle de carrière. Il y a 50 modèles. Mais ce que je veux dire, c'est que ça résume assez bien les ingrédients de base. C'est-à-dire une passion, des rencontres. Des rencontres et des rencontres et des rencontres et des rencontres. Je veux dire, ça se fait sur des hommes qui se plaisent et qui décident de faire des choses ensemble. Et puis... Une vision commune, partagée, et l'envie de réaliser quelque chose. Et ce sont des images qui ne me quittent pas.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé un peu de ton papa. Est-ce que tu peux nous parler de l'environnement dans lequel tu as grandi Oui,

  • Speaker #0

    c'était un environnement, on dirait maintenant petit bourgeois. Mon père était pharmacien dans le 20e arrondissement, entre la Nation et la Porte de Montreuil. C'est une petite pharmacie, mais c'était le seul à travailler. Ma mère ne travaillait pas. travailler un peu avec lui. Comme on dit, on a manqué de rien. Ça veut dire qu'on a manqué en réalité de beaucoup de choses, mais pas nécessairement de manger le matin, le midi et le soir. Et je suis allé dans un lycée à côté de chez moi, Place de la Nation, qui s'appelait Lycée Arago, ou qui s'appelle toujours Lycée Arago. Et quand j'étais au lycée, je me souviens très bien de ça, les gens parlaient des bons lycées, des pas bons lycées, ça c'est un bon lycée, ça c'est un mauvais lycée, et je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Parce que je trouvais que mes potes étaient intelligents, je trouvais que mes profs étaient, il y en avait des bons, il y en avait des moins bons, mais globalement ça allait. Et puis il y a eu les résultats du bac. Et là, j'ai compris ce que c'était un bon lycée et un moins bon lycée. J'avais des potes qui étaient dans les bons lycées, Louis le Grand, Janson, Henri IV, etc. Eux, ils passaient le bac parce qu'on leur avait dit de passer le bac. Ce n'était pas un sujet. 99,8% de la classe avait le bac. Nous, on a été... deux élèves de ma classe à avoir le bac sans oral. Et je me suis dit, ça doit être ça la différence entre un bon lycée et un pas bon lycée.

  • Speaker #1

    Tu nous as dit que ton arrivée dans le milieu hospitalier n'avait pas forcément été simple, avec une place qui n'était pas toute faite. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu comment tu es devenu PUPH

  • Speaker #0

    Là encore, c'est la rencontre. Cet homme que j'ai rencontré, qui est devenu mon patron et mon mentor, qui s'appelait Claude Amiel, je dis qu'il s'appelait parce qu'il est décédé en 1996. Au fond, à partir du moment où j'ai posé mes valises chez lui, avec un niveau d'exigence intellectuelle que je n'ai plus jamais retrouvé ailleurs, on était capable d'écrire et de réécrire et de réécrire et de réécrire un papier dix fois, douze fois, parce que c'était pas exact. Exactement comme il avait envie que ça soit. Et voilà. Et donc, ça a été énormément de travail. Mais au fond, je n'ai pas eu peur de ne pas être PUPH. Puis PUPH, ça ne voulait pas... Ce n'était pas un Graal, en fait. Le Graal, à l'époque, c'était de pouvoir soigner des patients. Ça, on y arrivait. Et d'aller publier dans... Ça, c'était le Graal. dans les grandes revues. Lui, enfin, quand il a commencé, je parle de Claude Amiel, ce qui était mon patron, c'était un exploit d'aller publier dans le premier journal de la spécialité. Et ensemble, on a commencé à gravir pour aller dans le groupe Nature, pour aller dans le groupe Cell. Et ça, ça, c'était la face nord de l'égare. Ça, c'était difficile. C'était en plus difficile parce qu'on n'était pas connus dans le milieu. Et donc... Voilà, ça, ça demande une énergie, ça demande une énergie. Et ce que j'essaye de dire là, c'est que si tu interroges certains médecins, ils vont te dire, moi, ce qui me stressait beaucoup, c'est le contact avec le patient, surtout des patients graves, la réanimation. J'ai fait beaucoup de réanimation quand j'étais interne, moi. Et oui, bien sûr, oui, mais le degré de... Le degré de stress que j'avais en face d'un patient, et je me rends compte en le disant que ça peut être choquant, et le degré de stress que j'avais quand j'attendais les résultats d'une manip faite sur des cellules en culture ou sur des animaux d'expérience, ce degré de stress était identique, c'était le même. Parce que quand un patient ne va pas bien et que malheureusement l'issue n'est pas celle qu'on voudrait, C'est la faute à pas de chance, ah mais oui mais il était très malade et puis ci et puis ça. La manip. Comme on dit, la manip qui foire, c'est de ta faute et seulement de ta faute. Et donc c'est un engagement total. Alors évidemment, tu touches les étoiles quand ça marche. Et puis quand ça ne marche pas, tu es au fond du trou.

  • Speaker #1

    Avoir eu les patients à tes côtés, travailler pour eux finalement, ça a été quelque chose qui a été motivant.

  • Speaker #0

    Ça a été très motivant de deux manières différentes. J'ai adoré les soins aigus tels que je les ai connus en réanimation, au point que le fait que j'étais un réanimateur pas trop mauvais m'a collé au pied, parce qu'au fond, quand j'allais dans un service, on disait Ah mais, oui, je sais que vous prenez les gardes en premier, que vous vous débrouillez très bien, machin, donc on ne se posait pas la question de savoir est-ce que j'allais... pouvoir faire autre chose que de la réanimation, mais donc j'avais cette étiquette de réanimateur, et c'est une forme d'engagement, bien sûr. Et puis, j'ai... adoré faire de ce qu'on appelle aujourd'hui de l'exploration fonctionnelle et du bilan diagnostique et de la prévention. Ça ne s'appelait pas encore la prévention, mais c'était déjà de la prévention. Et là, je me suis dit là, on fait quelque chose qui sert à quelque chose. Alors, c'était dans le domaine essentiellement des maladies rénales. Mais oui, quand on a monté les premiers centres d'exploration à Bichat, puis à Pompidou, on a l'impression de faire quelque chose qui sert.

  • Speaker #1

    Tu peux nous expliquer un peu un peu ta spécialité

  • Speaker #0

    J'ai été, comme on dit, formé en néphrologie et il y a deux choses qui m'ont vraiment intéressé, suffisamment pour y passer beaucoup d'heures pendant beaucoup d'années, qui sont d'une part la progression de la maladie rénale chronique, c'est-à-dire 10% de la population est malade d'airain dans tous les pays industrialisés. C'est très très bien réparti. Ça ne veut pas dire que tous sont très graves et que tous ont besoin de dialyse ou de transplantation, bien entendu. Mais ça veut dire que plus on les prendra tôt et plus on mettra en œuvre des mesures de protection des reins, plus on a des chances de ralentir ce qu'on appelle la progression de la suffisance rénale chronique, c'est-à-dire cette perte inéluctable. de tissu rénal sain qui va aboutir finalement à la perte fonctionnelle des reins. Et l'obsession des néphrologues, c'est-à-dire ces malades, ces docteurs qui s'occupent des reins, c'est au fond de détecter très tôt la petite proportion de malades. qui vont progresser très rapidement et qui vont devenir très rapidement très malades. Et puis il y en a d'autres qui, au bout de 25 ans, continuent à se porter comme des charmes. C'est très difficile de savoir avant lequel va aller mal vite et lequel ne va pas aller mal vite. Ça, c'est un sujet majeur en néphrologie. On y a passé beaucoup de temps à travers des modèles animaux, à travers des recherches cliniques. Et puis ce qui m'a intéressé beaucoup, c'est une autre maladie qui est très fréquente dans la population, qui est la lithiase. C'est des gens qui font des calculs, qui ont des coliques néphritiques. On dit que c'est 20% de la population. C'est super fréquent. Et en particulier, ce qu'on appelle des calculs de phosphate de calcium. Et je me suis intéressé aux mécanismes dans le rein qui transportent le phosphate. Pourquoi il y en a qui l'accumulent, pourquoi il y en a qui ne l'accumulent pas. D'un point de vue génétique, d'un point de vue fonctionnel. Donc ça, ça a été le deuxième grand dada de... de ma vie professionnelle.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous partager ce qui a le plus changé durant toute ton expérience

  • Speaker #0

    Je pense que, pour prendre deux exemples, la lourdeur, l'encadrement et la rigueur aussi des essais cliniques s'est alourdie de manière absolument considérable. Ça, c'est... Enfin, je veux dire, on faisait un essai clinique... Je n'allais pas dire à la one again, mais enfin, voilà, on avait une idée, on se disait qu'on allait faire ça, on soumettait quand même un comité de protection des personnes, ça existait déjà à l'époque, et puis on faisait, on pouvait conserver des échantillons de sang, de plasma, éventuellement de tissu. Et l'encadrement et la rigueur qu'on est obligé de mettre, et donc le coût, des essais cliniques a changé et a alourdi de manière absolument considérable au point que Les gens commencent à se dire aujourd'hui, mais on ne va pas pouvoir continuer comme ça, faire des essais aussi lourds, aussi chers, aussi lents, qui nécessitent autant d'énergie. Et donc, il y a tout un mouvement sur les nouvelles méthodologies d'essais cliniques, en faisant intervenir de l'intelligence artificielle, pour faire ce qu'on appelle aujourd'hui des patients artificiels. C'est-à-dire, pour qu'un essai soit utile, il faut des populations de patients, des cohortes de patients, extraordinairement. grandes, et comment est-ce qu'on peut avoir des grandes cordes de patients pour des maladies très rares On voit bien qu'il y a une incongruité. Donc, comment est-ce qu'on est capable d'avoir des résultats significatifs, malgré tout, en utilisant des astuces et de l'intelligence numérique Donc ça, c'est une vraie évolution. Ça, c'est une évolution qui est récente, mais qui est formidable. Il y a un livre blanc qui vient de sortir là-dessus. Et donc, je pense que ça, dans les quelques années qui viennent, on va beaucoup en parler. Et puis, là encore, l'informatique et la manière de manipuler les choses et de manipuler les images en biologie a été un tournant radical. Parce qu'on montrait un résultat, on montrait des moyennes et des écarts-types d'une situation A qu'on comparait à une situation B. Il y a 40 ans, la plupart des gens vous croyaient. Quand on montrait un résultat, on était cru. Bon, il y a eu toujours des fraudeurs. Des fraudeurs, il y en a eu depuis des siècles, donc ce n'est pas le sujet, bien sûr. Mais quand on a commencé, je me souviens très bien, les débuts de Photoshop, où on montrait des gels de migration, des blottes, comme on dit, et on disait, mais avec Photoshop, moi, je vais faire apparaître des bandes qui n'existent pas, et je peux édulcorer une bande qui existe. Autrement dit, la manipulation d'images a été... un sujet de préoccupation majeur dans l'authenticité et la preuve de la véracité des résultats expérimentaux. Et ça n'a fait que croître, parce qu'au fond, aujourd'hui, on est capable de manipuler à peu près n'importe quel résultat. Donc, comment on fait pour établir un lien de confiance entre un chercheur et un journal auprès duquel il veut être publié C'est un vrai sujet de réflexion qui touche à la fois au bricolage numérique et à l'éthique. Ça, c'est des évolutions caricaturales, mais il y en a bien d'autres.

  • Speaker #1

    Tu as eu des postes avec des gros challenges répétés. J'imagine bien qu'on t'a demandé des résultats rapides. Comment tu as fait pour trouver le juste équilibre entre le travail de fond qui est nécessaire pour réaliser les grands changements et ces résultats rapides, effectifs, qui te permettent de continuer ta mission

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas ressenti dans le domaine clinique. Je l'ai ressenti au quotidien dans le domaine de la recherche. Parce qu'il y a d'un côté, je ne peux pas me contenter de faire du MeToo, c'est-à-dire de faire la xième étude qui va ressembler à l'étude précédente et qui ne fera pas avancer le sujet. Et d'un autre côté, la loi... publish or perish, elle existe depuis très longtemps. Et oui, il y a une course à l'échalote, et oui, il faut du résultat. Et ça, c'est compliqué, et à nouveau, comme d'autres paradoxes apparents, ça ne se résout pas à l'échelle individuelle. Ça ne peut se trouver de solution satisfaisante qu'à l'échelle d'une équipe, en protégeant. Le coureur de fond dans le peloton, en lui permettant de continuer à courir, mais sans nécessairement être le premier au col, sans nécessairement attirer les lumières, mais c'est lui qui demain sera dans la lumière. Mais si on ne le protège pas, et si on ne lui permet pas de continuer à engranger sur une route pas toujours simple, un peu périlleuse, en mettant en avant d'autres qui là sont déjà sur des filons qui... qui commence à bien donner. Donc, il y a des dynamiques. Là, c'est un vrai management d'équipe. Parce qu'il faut, en même temps, maintenir, j'allais dire, tout le monde au taquet. Il faut éviter les frustrations, qui, de toute façon, sont consubstantielles au métier de chercheur, déjà. Et il faut essayer de faire qu'au bout du compte, tout le monde y trouve à peu près son compte.

  • Speaker #1

    Tu es finalement en train de me parler de leadership, j'ai bien l'impression. Est-ce que tu peux nous donner, pour toi... Qu'est-ce que c'est qu'un leader

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a deux ou trois mots qui, me semble-t-il, le caractérisent. C'est très compliqué d'être un leader si on n'a pas de vision. Donc il faut une vision. Ça peut être en organisation des soins, ça peut être en organisation de la recherche, ça peut être sur une thématique de recherche. Je parle du domaine de la santé, qui est un domaine que je connais un peu, encore que ça, c'est sûrement applicable à d'autres. Ça, c'est le premier point. Et le deuxième, qui me paraît très important, c'est... de susciter de la confiance. Alors, on peut diriger par la terreur. J'en ai connu, tu en as connu. Ça ne dure jamais très longtemps et les dégâts sont catastrophiques. Je le vois, et encore aujourd'hui, je le vois... Bon, j'ai eu la chance de... de diriger une grosse fac, des gros services hospitaliers, un centre de recherche, c'est toujours la même chose. Il faut qu'à un moment, les gens viennent te voir parce qu'ils ont confiance et qu'ils pensent que ce que tu vas les aider à faire, tu vas le faire pour eux, pour la communauté, mais aussi pour eux. Il y a toujours dans la demande de l'interaction, une demande de bénéfice individuel direct, qui n'est pas antinomique du bénéfice. communautaire ou du bénéfice collectif, pas du tout. Mais de dire je fais tout pour la communauté, mais je vais faire que des malheureux au titre individuel, ça ne tient pas, ça ne tient pas. Et surtout, on ne fait pas grandir les gens. Et au fond, la satisfaction, c'est de faire des petits quand même.

  • Speaker #1

    Ta position de leader que tu as eue dans tous tes postes, elle a été très différente quand tu as été chef de service ou quand tu as été doyen de la faculté ou... patron de la recherche, il y a eu des éléments très différents à développer selon les postes que tu as eus Il y a des éléments différenciants.

  • Speaker #0

    Quand tu diriges un groupe de recherche, ou plus gros, mais en recherche, au fond, tu essayes de... J'allais dire, tu fais la courte échelle et tu essayes d'envoyer en l'air un, deux, trois, cinq plus jeunes aux étoiles, le plus haut possible. Le plus haut possible. Moi, quand je vois... J'en ai encore des exemples, quand je vais traîner ce qui m'arrive à Necker, c'est formidable. Il y en a quelques-uns que j'ai vraiment beaucoup incubés qui ont fait beaucoup mieux que moi. C'est juste formidable. Dans la position d'un doyen, d'une certaine manière, les gens mettent leur carrière dans tes mains. Pour d'autres raisons, pour des raisons administratives, pour des raisons de stratégie hospitalo-universitaire. C'est une fichue responsabilité. Mais finalement, le lien que tu tisses, qui est un lien vraiment de confiance individuelle, dans mon expérience plus récente à l'hôpital américain, dont je n'ai pas parlé, mais dont on peut parler si tu le souhaites, le poste de directeur médical, c'est pareil. Tu as tous les droits dans ton dialogue avec un médecin, sauf un. Tu n'as pas le droit de casser le fil. Jamais. C'est comme la pêche au gros, tu ne casses pas le fil. Tu mets le temps qu'il faut pour rétablir une relation, tu ne casses pas le fil. C'est capital. Et l'autre le sent. Toujours. Après, il y a une diversité de personnages en face de toi et tu ne te comportes pas exactement de la même manière avec chacun, bien entendu, mais de la confiance.

  • Speaker #1

    Cette confiance dont tu nous parles, elle a servi à fédérer en pluriprofessionnel dans un secteur où parfois les docteurs, les paramédicaux,

  • Speaker #0

    les administratifs ont du mal à communiquer ensemble La réponse est oui et j'étais en train de me dire en t'écoutant que... Ça vaut aussi bien, j'ai eu la chance de diriger un pôle hospitalier quand j'étais à Pompidou, qui était un pôle d'imagerie, donc c'était en même temps beaucoup de moyens, et puis des docteurs, des manips, des infirmières et des infirmiers, des aides-soignants. Au fond, on ne parle pas différemment, les sujets sont différents, mais on ne donne pas de soi de manière si différente. à un collègue médecin, à un aide-soignant, à un brancardier. Je pense que c'est vraiment... Tu sais, dans l'opéra, il y a ce qu'on appelle le sing-spiel C'est-à-dire, tu parles et puis tout d'un coup, ça devient de la musique. Et tu n'as pas vu où était la transition. Et au fond, ça, c'est très important. C'est-à-dire que ton comportement, ton intonation ne change pas tant que ça selon que tu parles, que tu chantes et que tu t'adresses à un chef de service ou que tu t'adresses à un personnel non médical parce qu'évidemment ils sont dans la même barque. Et c'est vrai aussi dans un laboratoire de recherche. J'ai gardé des relations amicales et ça ne dépend pas du statut du tout. Pas du tout. Il y a des gens qui se donnent. Après, je comprends tout, les contingences, les difficultés personnelles. Enfin, évidemment, je n'ai pas un discours bisounours, mais le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça, c'est un désastre. C'est un désastre. Mais dans le milieu qu'on connaît un peu jusque récemment, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Tu as été... Presque constamment dans ta carrière, dans l'obligation d'innover, finalement, comment on arrive à vraiment innover et à être réellement le premier Tu nous as parlé un peu de la course à l'échalote, à sortir l'idée pour sortir l'idée. Mais la vraie innovation,

  • Speaker #0

    elle vient comment Ce n'est pas de l'intelligence. Je pense que ça a à voir avec une forme de capacité à regarder. Et quand on ne sait plus comment l'appeler, on appelle ça l'intuition. Deux anecdotes. parce qu'elles sont différentes, mais elles résument bien ça. Avant que j'arrive à l'hôpital européen Georges Pompidou, on m'a expliqué que dans les secteurs de ce qu'on n'appelait pas encore beaucoup la médecine ambulatoire, à ce moment-là, on ne pouvait pas faire d'hôpital de jour. Donc on pouvait faire, tu connais ça par cœur, de la consultation, puis de demander un premier examen, puis on revenait à l'examen, puis on a demandé un deuxième examen, puis on faisait le deuxième examen. Puis on faisait une prise de sang, puis on revenait à la prise de sang. N'importe quoi. Et donc, on s'est dit, mais il faut faire des hôpitaux de jour. Et il faut multiplier les hôpitaux de jour. Et je faisais de la médecine, je ne faisais pas de chirurgie. Et j'ai eu cette discussion avec un administratif qui a eu cette réponse géniale. Il m'a dit, mais ça ne va pas être possible, monsieur le professeur. Je dis, pourquoi ça ne serait pas possible Parce qu'un hôpital de jour, c'est une alternative à l'hospitalisation traditionnelle. Vous n'avez pas d'hospitalisation traditionnelle, donc vous ne pouvez pas avoir d'hôpital de jour. Caramba J'avais pas vu... Voilà. Et donc, on a monté les hôpitaux de jour. Et après, c'était amusant, parce que le jour où on a fait des hôpitaux de jour d'exploration, j'avais tous mes potes qui étaient dans d'autres services d'exploration à travers la paix qui venaient me voir pour voir comment on avait fait les montages, machin. C'est un tout petit exemple, c'est une rognure d'ombre, mais c'est... Voilà, c'est de l'innovation organisationnelle. qui a un petit peu rendu service. Après, il y a de l'innovation en recherche, bien sûr, et il y a de l'innovation en formation. J'ai eu la chance, quand j'étais doyen, je me suis dit un jour, mais tout le monde parle d'intelligence artificielle, et je pense qu'il n'y a pas grand monde qui comprend quelque chose. Donc on va faire une chaire d'intelligence artificielle en santé, une chaire de formation. On a fait un diplôme d'université, puis on a fait des masterclass autour, et on a eu la chance d'être assez... Enfin, d'être les premiers à le faire, quoi. Et donc, ça a eu deux conséquences. La première, c'est que ça a pris de la notoriété, ce qui était sympa. Mais la deuxième, surtout, c'est que ça a été très bien sponsorisé par des mécènes qui n'avaient pas eu l'occasion de mécéner ce genre de produit, pour parler marketing. Et donc, ça a permis d'accélérer et de faire des choses très amusantes. Aujourd'hui, c'est d'une très grande banalité. Et de toute façon, un produit, au bout de cinq ans... Si on ne le relook pas et si on ne fait pas un effort de mise à jour, il se périme.

  • Speaker #1

    Innover, c'est donc aussi mettre des moyens.

  • Speaker #0

    Indispensable. Ce qui ne coûte pas cher, c'est les idées. Mais le nombre d'idées qui se transforment en réalisation, le rendement est bien moins bon que celui de la machine à vapeur. Il y a un déchet atroce. Et c'est pour ça que quand on me dit qu'on manque de moyens, quand les médecins disent qu'il nous faut quelqu'un qui nous aide à écrire les articles, non, mais non Ils ont besoin de moyens, surtout quand ils ont des tâches cliniques lourdes, entre le moment où ils disent j'ai une idée et au moment où cette idée devient un vrai protocole de recherche clinique, c'est un chemin critique qui est long. qui est exigeant, qui nécessite des compétences multiples. Et si on ne les aide pas à faire ça, et donc des moyens, si on ne les aide pas à faire ça, l'idée restera une idée. Et ce qui leur permettra de dire, parce qu'il y a toujours des bénéfices secondaires à la frustration, Ah, si on m'avait aidé, c'est atroce. C'est comme dans la chanson de Cabrel, Si j'avais pu, si j'avais su, si j'avais eu moins peur Et donc, voilà, et cette frustration-là, c'est celle-là qu'il faut éviter. Vraiment, c'est celle-là qu'il faut éviter. Une idée, si on y croit et si celui qui l'a n'est pas le seul à y croire, s'il arrive à en convaincre deux ou trois autres, alors ça vaut la peine d'organiser les choses pour que ça devienne autre chose qu'une idée.

  • Speaker #1

    Quand on parle d'innovation, forcément, on peut parler d'échec, puisque être un innovateur, c'est accepter un pourcentage d'échecs important. Est-ce que tu peux nous partager le plus gros échec que tu as vécu dans ta carrière

  • Speaker #0

    Instantanément, les images qui me viennent sont des images de recherche. J'ai cherché pendant très longtemps des récepteurs sur un type de cellule particulier, des récepteurs d'une hormone particulière, peu importe, et je ne les ai pas trouvés. Mais c'était avant l'ère de la biologie moléculaire, et ça a été une frustration de ne pas les trouver. Et un jour, j'ai lu un papier où on m'a dit qu'on a fait la preuve qu'il n'y avait pas de... pas ces récepteurs sur ces cellules. Donc, tu ne pouvais pas les trouver. Alors, a posteriori, j'ai... Mais sur le moment, oui, une grande frustration. Et si je twist, si je tords un tout petit peu ta question, les craintes, en recherche, il y a un moment qui est terrible, c'est le moment où tu trouves quelque chose et où tu es sur le fil du rasoir. entre d'un côté, il faut que je me dépêche parce que quelqu'un d'autre va le trouver avant moi, ou va le publier avant moi, et de l'autre côté, j'espère que je ne suis pas allé dans un cul-de-sac, et ce que je vais dire, c'est vrai. Et donc, cette espèce de soulagement qu'on a quand, quelques mois ou années plus tard, quelqu'un d'autre répète les mêmes résultats et retrouve ce que tu as publié, Je ne m'étais pas complètement trompé. Donc ça, c'est un vrai... Et je reprends l'exemple de l'hôpital pour finir ça. Quand je suis arrivé à l'hôpital européen Georges Pompidou, je connaissais bien le directeur, qui était un homme très intelligent, que j'aimais bien, et je lui ai dit, il faut faire un check-up center. Au sens où nous connaissons les check-up centers. Avec un entrepôt de données. Bon, c'était déjà dans 2002, 2003, on commençait à savoir que la data, ça allait être important. Et il m'a dit, Gérard, bien sûr qu'il faudrait le faire. Et maintenant, je vais t'expliquer pourquoi on ne va pas le faire. Et pour des raisons qui étaient tout sauf raisonnables et ambitieuses. mais qui était qu'on était à la paix, on ne pouvait pas se le permettre. Ça, c'est un échec, parce que j'arrivais, je me suis dit, ça va être une pépite. Bon, j'ai découvert quelques années plus tard que c'était une pépite ailleurs. Mais voilà, ça, c'est un échec. Ce n'est pas un échec de réalisation, c'est un échec d'essai de convaincre quelqu'un que je n'y suis pas arrivé. Je ne suis pas arrivé. Voilà.

  • Speaker #1

    Tu t'es senti seul par moments Oui,

  • Speaker #0

    dans le métier de doyen, tu es seul. Tu es seul, ça veut dire, il y a une équipe, j'avais des amis avec moi, dont un qui était vice-doyen, avec qui je me suis formidablement entendu. Mais tu sais, il y a un moment, parce que c'est oui, mais je ne prends pas les décisions tout seul, j'ai un conseil qui m'aide. Bon, c'est de la blague. Il y a un moment... Tu mets le pouce en haut ou tu mets le pouce en bas. Et c'est en face la carrière de quelqu'un. C'est mieux de ne pas trop se tromper.

  • Speaker #1

    Et ta plus grosse fierté

  • Speaker #0

    C'est mes enfants. J'ai trois enfants. Ma fille aînée a fait sa trace. Elle est dentiste, elle a fait des études d'odontologie. Elle a été nommée prof d'odonto cette année. Et elle a été d'une intelligence et d'une persévérance, d'une intelligence intellectuelle, je veux dire. Elle a cherché, tu sais, c'est comme en escalade. Il y a un moment, tu ne sais pas par où tu vas passer. Et puis tu mets une main, puis tu mets un pied, puis tout d'un coup, parce que tu t'élèves de 20 centimètres, tu vois ce que tu ne voyais pas 20 centimètres en dessous. Et tout d'un coup, tu vois où mettre la main suivante. Et elle a fait ça, de manière vraiment intelligente, et elle a croisé des aspects de santé publique et de qualité de vie avec des aspects maladies rares de la sphère orale. Et c'est une trace. C'est une trace, c'est-à-dire qu'avant, c'était de la poudreuse. Ça, c'est formidable. Et puis, j'ai un fils qui est biologiste et une fille qui fait de la communication et du lobbying avec une maestria formidable. Voilà, je suis... Quand je dis que je suis fier de mes enfants, ça ne veut pas dire que je suis en total accord avec eux tous les jours. Ça veut dire que ce sont des personnes... Ils sont devenus des personnes adultes pour qui j'ai de l'estime, du respect. paix et de l'amour, bien sûr. Mais ce sont des belles personnes.

  • Speaker #1

    Et ta carrière a contribué à ton bien-être personnel et à leur transmettre un message, une façon d'être,

  • Speaker #0

    une façon de vivre Ils ont la faiblesse de le dire. Oui, je... Même en n'étant pas trop lucide, je crois que je suis un peu lucide, je pense que j'occupe un peu de place. Et ils me l'ont dit. Alors après... Il y a des moments où tu occupes un peu de place, il y a des moments où tu occupes un peu trop de place. Et ils l'ont dit, et ils l'ont dit. Mais en même temps, aujourd'hui, je fais des projets professionnels avec eux. C'est-à-dire qu'on cherche des moyens de se retrouver dans des nouveaux projets. Donc il ne s'agit pas de reprendre l'entreprise familiale, tu vois ce que je veux dire. Il n'y a pas d'entreprise familiale, il n'y en a pas. Mais de monter des projets avec... Avec des gens que j'aime et avec mes enfants,

  • Speaker #1

    ça me plaît bien. On arrive à avoir ta carrière, ton engagement, et à être présent et à réussir à transmettre tout ce que tu as transmis

  • Speaker #0

    Je ne sais pas répondre à ça. Je suis capable de reconnaître une dizaine de personnes avec qui j'ai des liens et dont je pense qu'ils sont devenus ce qu'ils sont aussi parce qu'on a fait un bout de chemin ensemble. C'est des médecins, pas que des médecins, mais beaucoup de médecins. Mais encore, la magie des rencontres, c'est quand même... Dans n'importe quel milieu professionnel, il y a cette magie-là. Et il faut pas... Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se donner à ces relations interhumaines avec la même passion qu'on fait de la recherche. Enfin, pourquoi on donnerait pas sa chance à une relation Ça, ça continue à être ma grande... Si je me lève le matin, c'est aussi pour ça. Oui, on finit par occuper de la place. Et puis, j'ai eu beaucoup de chance parce que parmi les rencontres, il y a la personne avec qui je vis et que les discussions commencent le matin au petit déjeuner devant le thé. C'est d'une richesse folle. Je ne dis pas que c'est... tout facile, tout simple, tout rose, et que de temps en temps on frotte pas la peinture. Mais est-ce qu'aujourd'hui je suis apaisé sur mon pas, heureux de me lever toujours Tu sais, dans la religion juive, il y a le Shabbat à la fin de la semaine, le jour où on ne travaille pas, le jour où Dieu s'est reposé, après avoir beaucoup bossé pendant la semaine, et il est dit... tu accueilleras le Shabbat comme une fiancée. Et moi j'ai toujours dit à mes enfants, parce que je le sens profondément, c'est chaque jour qu'il faut accueillir comme une fiancée. C'est pas une fois par semaine. Je te dis pas que tous les matins, quand le réveil sonne à 6h, je suis content que le réveil sonne. Mais il faut accueillir chaque nouvelle journée comme une bénédiction. Et ça, ça continue.

  • Speaker #1

    Comment tu penses que le monde de la santé va évoluer

  • Speaker #0

    Ce qui me paraît clair, c'est que l'hospitalisme, l'hôpital prédominant, voire unique, comme objet de santé, est derrière nous. Et que de la même manière qu'il y a aujourd'hui du télétravail qui peut être productif, tout le télétravail n'est pas productif, mais il peut y avoir du télétravail productif, de la même manière... Il y aura du soin ambulatoire, il y aura du parcours de patients intelligents avec, de temps en temps, ma voiture aujourd'hui, j'ai quand même conduit chez le garagiste parce qu'il a besoin de sa révision. Donc on peut passer par la case hôpital de temps en temps, mais je pense que vraiment l'évolution, je ne sais pas si c'est une révolution, mais l'évolution marquante, c'est de faire pour de vrai. des parcours patients. Parce qu'on l'a beaucoup dit, mais je trouve qu'il faut le faire maintenant. Et du coup, le leitmotiv des déserts médicaux, que je ne nie pas, je préfère dire qu'il y a des zones plus favorisées que d'autres, des zones où il y a une densité d'expertise qui est plus importante que dans d'autres, mais on fait comme si les nouveaux outils, au fond, ne facilitait pas les choses. Or, il facilite les choses. Ça ne veut pas dire qu'il remplace la relation médecin-patient, la relation humaine entre un soignant et un malade, qui aujourd'hui me paraît devoir rester aussi indispensable qu'elle l'était, et elle s'est dévalorisée au cours des dernières années, mais on fait comme si... On était content des nouveaux outils, mais qu'on répugnait à s'en servir. On dit... Moi je pense que tout ce qui est de nature à faciliter, moi ce qui me rend dingue, c'est de me retrouver devant un ordinateur, devant des applications qui sont tellement mal faites qu'on tourne en boucle et qu'on n'arrive pas à trouver la sortie. Et donc ça, ça rend dingue, parce que... Pourquoi ça rend... Parce que non seulement c'est une perte de temps, mais parce que ça instille de la défiance. Comment veux-tu avoir confiance dans un système qui te fait faire la course du rat dans le labyrinthe C'est atroce. Donc, d'avoir, grâce aux outils qu'on est capable de développer, un téléphone aujourd'hui, on ne se prend pas le chou, il fonctionne. Un iPad, il fonctionne. Quand on sera capable de faire des parcours patients aussi fluides qu'on est capable de commander, le repas thaï pour le soir sur une application sur son téléphone, ça va marcher. Ça va marcher. Parce que les gens auront confiance. Ils commandent un repas, ils ont confiance, ils attendent sur le pas de la porte parce qu'ils savent que le repas va arriver. Et qu'il va arriver comme ils l'auront commandé. Et donc je pense que ce même degré de fluidité et de fiabilité... On ne le mettrait pas à disposition pour la santé des patients. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu attends de la jeune génération Qu'ils aient faim,

  • Speaker #0

    qu'ils soient curieux et qu'ils aient envie de se défoncer. Je vais le dire autrement, c'est en tout cas ce que j'ai moi essayé de transmettre. Je ne dis pas que ce sont des bonnes valeurs ou une bonne recette, mais l'idée baroque auquel certains pourraient adhérer que ça va arriver sans se donner de mal... J'ai un petit doute. J'ai un petit doute. Mais je vois des jeunes professionnels ou des étudiants qui ont envie, qui ouvrent grand les yeux parce que ça les intéresse. Et puis à nous aussi de souffler sur les braises et d'allumer le feu.

  • Speaker #1

    Et le statut presque sacré de PUPH, il doit évoluer

  • Speaker #0

    Deux. Moi, je pense qu'il va évoluer pour deux raisons. La première est que, à nouveau, un PUPH tout seul, ça n'a pas de sens. Les carrières hospitalo-universitaires où on dit il y a une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche et avec tes petits bras musclés, mon gars, tu vas faire ça tout seul pendant 30 ans non seulement c'est un mensonge, mais c'est une gageure, ça n'est pas possible. qu'en revanche, à l'échelle d'une équipe, il y en ait certains qui fassent davantage de soins, d'autres qui se consacrent davantage à la recherche, et puis que certains fassent la formation, ou qu'on se mette à plusieurs pour faire la formation, et que cela ne soit pas gravé dans le marbre pour 30 ans, mais qu'on change de rôle au bout d'un moment, parce qu'on est sec, que le soin, au bout d'un moment... On n'en peut plus et qu'il faut faire une pause, mais que par contre on voudrait bien pousser une ou deux idées d'encherche clinique et que d'un autre côté, la recherche, on a un passage à vide, mais ça fait du bien d'aller faire du soin. Donc, redéfinir les missions de chacun au sein d'une équipe, ça c'est indispensable. Et puis qu'il y ait des statuts hospitalo-universitaires qui ne soient pas des statuts à vie, que ce soit pour une période définie de cinq ans ou plus si ça se passe bien. Ça, je pense que c'est une évolution qu'on va voir également. Et c'est quoi la prochaine porte pour Gérard Frey de l'Enfant Ça va être compliqué de ne pas refaire de projet, mais je voudrais qu'on pousse des... Des projets en famille, professionnels. Et puis apprendre peut-être à mes petits-enfants à grimper sur un rocher.

  • Speaker #1

    Merci Gérard pour ta participation au podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Et autant de partages sur toutes tes expériences.

  • Speaker #0

    Je n'étais pas parti avec l'idée de partager tout ça. Tu fais bien tout ce que tu fais.

  • Speaker #1

    Merci Gérard.

Description

Dans ce nouvel épisode de notre podcast "Raison d’être", nous avons l'honneur d’accueillir le Pr. Gérard FRIEDLANDER, ancien doyen de la faculté de médecine de Paris et figure incontournable du monde hospitalo-universitaire.


À travers un échange sincère et inspirant, découvrez :

🧭 Son parcours guidé par la vocation, de la néphrologie à la direction de faculté.
🤝 Sa vision du leadership médical, fondée sur la confiance et la transmission.
🔬 Comment il a fait progresser la science tout en accompagnant les soignants de demain.


Que vous soyez professionnel de santé, étudiant, ou passionné par les transformations du système de santé, cet épisode vous offrira des clés précieuses et humaines.


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Un podcast créé par Félix Mamoudy et Charles Amaudruz
Interview : Félix Mamoudy
Montage / mixage : Mégane Grandin – César Mamoudy
Miniature : Léo Portal


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça c'est un désastre C'est un désastre

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Félix Mamoudi, fondateur de Leader for Health. Bienvenue dans Raison d'être, le podcast qui réunit les leaders du monde de la santé d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Dans cet épisode, nous accueillons le professeur Gérard Friedlander, ancien doyen à la faculté de médecine à l'université Paris-Decas. Bonjour Gérard.

  • Speaker #0

    Bonjour Félix.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer par nous raconter ton parcours professionnel

  • Speaker #0

    Oui, je suis médecin. J'ai passé, il y a quelques années, l'internat de Paris, au temps où c'était un concours sélectif. J'ai fait une carrière hospitalo-universitaire tout le long, pendant 44 ans, où j'ai franchi les différentes étapes de cette carrière, en étant chef de clinique, puis maître de conférence des universités, praticien hospitalier, puis PUPH, comme on dit. J'ai dirigé des services hospitaliers, d'abord à Bichat, où j'ai passé 24 ans de ma vie professionnelle, puis à Necker et à l'hôpital européen Georges Pompidou, où j'ai passé pas loin d'une vingtaine d'années. Et j'ai eu l'occasion, dans ces années, de monter des structures de recherche, ce qu'on appelait des unités de recherche, et puis des centres de recherche plus gros, puis un institut de recherche. que j'ai dirigé. Et puis, j'ai arrêté tout cela au moment où je suis devenu doyen de ma faculté de médecine, qui s'appelait à l'époque Paris Descartes, ce qui nous a conduits à 2020. Et puis après, j'ai fait d'autres choses dans le secteur privé.

  • Speaker #1

    Le plus gros tournant de votre carrière Ma carrière,

  • Speaker #0

    pour moi, c'est... Il ne faut pas commencer par la carrière. Je pense que mon histoire professionnelle ne commence pas par une carrière, elle commence par une vocation. Familialement, mon grand-père aurait aimé être médecin, il n'a pas été médecin. La guerre, l'immigration, le besoin de gagner sa vie, une frustration qui reste. Mon père, qui n'était pas son fils, qui était de l'autre branche, aurait aimé être médecin. Il ne l'a pas été pour, là encore, des raisons... douloureuse professionnelle, il a été orphelin très tôt, il a vu son père mourir à l'âge de 15 ans de miliaire tuberculeuse, de septicémie tuberculeuse comme ça existait à l'époque, on était en 1933, et il s'est dit je ne peux pas faire ça parce qu'il n'y avait pas de médicaments à l'époque et un médecin, ça faisait aussi beaucoup tenir la main de celui qui allait mourir et il a été pharmacien Je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'allais être médecin. Et ce qui a changé, le premier événement qui a vraiment changé ma vie, est que, pour plein de raisons, il n'y avait pas beaucoup de place ni de confort pour travailler chez moi, et donc j'avais squatté en deuxième année de médecine la bibliothèque d'un service hospitalier à l'hôpital Tenon. Et c'était... Le service de quelqu'un qui s'appelle Gabriel Richet, qui a été le premier élève de Jean Hamburger, qui a inventé la néphrologie en France. Et j'ai trouvé que ces gens-là étaient d'une intelligence, d'une passion, d'une attractivité telle que... Ça m'a rappelé le film Quand Harry rencontre Sally où il y a une dame qui a des émois et où l'autre à côté dit je veux ça en désignant le gâteau qui évidemment n'y était pour rien. Et je me suis dit je veux être comme ça, c'est ça que je veux faire Et c'est ça que j'ai fait. Et la deuxième étape importante est que... En grandissant un peu, l'un des élèves de ce Gabriel Richet dont je parlais à l'instant... était parti à l'hôpital Bichat pour fonder son propre service et sa propre structure de recherche. Et on m'a dit, tu vas le voir. Je suis allé le voir. Ça n'engageait à rien. On ne sait bien plus. On ne sait bien plus, ça veut dire que le premier entretien, je te le raconte parce que je trouve que c'est exactement ce qui manque un peu aujourd'hui. Il m'a dit, oh là là, vous venez me voir parce que vous voudriez un poste de chef de clinique ou d'assistant. Vous savez, ce n'est pas facile. et alors après il y a des postes de maître de conférence la probabilité est quasi nulle et pour le reste ce n'est même pas la peine d'y penser et certes on est vers moi en se fouillant est-ce que ça vous convient et je dis bien sûr que ça me convient et 15 ans plus tard je vais fermer les yeux au sens propre Donc, voilà ce que c'est pour moi. Alors, ce n'est pas un modèle de carrière. Il y a 50 modèles. Mais ce que je veux dire, c'est que ça résume assez bien les ingrédients de base. C'est-à-dire une passion, des rencontres. Des rencontres et des rencontres et des rencontres et des rencontres. Je veux dire, ça se fait sur des hommes qui se plaisent et qui décident de faire des choses ensemble. Et puis... Une vision commune, partagée, et l'envie de réaliser quelque chose. Et ce sont des images qui ne me quittent pas.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé un peu de ton papa. Est-ce que tu peux nous parler de l'environnement dans lequel tu as grandi Oui,

  • Speaker #0

    c'était un environnement, on dirait maintenant petit bourgeois. Mon père était pharmacien dans le 20e arrondissement, entre la Nation et la Porte de Montreuil. C'est une petite pharmacie, mais c'était le seul à travailler. Ma mère ne travaillait pas. travailler un peu avec lui. Comme on dit, on a manqué de rien. Ça veut dire qu'on a manqué en réalité de beaucoup de choses, mais pas nécessairement de manger le matin, le midi et le soir. Et je suis allé dans un lycée à côté de chez moi, Place de la Nation, qui s'appelait Lycée Arago, ou qui s'appelle toujours Lycée Arago. Et quand j'étais au lycée, je me souviens très bien de ça, les gens parlaient des bons lycées, des pas bons lycées, ça c'est un bon lycée, ça c'est un mauvais lycée, et je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Parce que je trouvais que mes potes étaient intelligents, je trouvais que mes profs étaient, il y en avait des bons, il y en avait des moins bons, mais globalement ça allait. Et puis il y a eu les résultats du bac. Et là, j'ai compris ce que c'était un bon lycée et un moins bon lycée. J'avais des potes qui étaient dans les bons lycées, Louis le Grand, Janson, Henri IV, etc. Eux, ils passaient le bac parce qu'on leur avait dit de passer le bac. Ce n'était pas un sujet. 99,8% de la classe avait le bac. Nous, on a été... deux élèves de ma classe à avoir le bac sans oral. Et je me suis dit, ça doit être ça la différence entre un bon lycée et un pas bon lycée.

  • Speaker #1

    Tu nous as dit que ton arrivée dans le milieu hospitalier n'avait pas forcément été simple, avec une place qui n'était pas toute faite. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu comment tu es devenu PUPH

  • Speaker #0

    Là encore, c'est la rencontre. Cet homme que j'ai rencontré, qui est devenu mon patron et mon mentor, qui s'appelait Claude Amiel, je dis qu'il s'appelait parce qu'il est décédé en 1996. Au fond, à partir du moment où j'ai posé mes valises chez lui, avec un niveau d'exigence intellectuelle que je n'ai plus jamais retrouvé ailleurs, on était capable d'écrire et de réécrire et de réécrire et de réécrire un papier dix fois, douze fois, parce que c'était pas exact. Exactement comme il avait envie que ça soit. Et voilà. Et donc, ça a été énormément de travail. Mais au fond, je n'ai pas eu peur de ne pas être PUPH. Puis PUPH, ça ne voulait pas... Ce n'était pas un Graal, en fait. Le Graal, à l'époque, c'était de pouvoir soigner des patients. Ça, on y arrivait. Et d'aller publier dans... Ça, c'était le Graal. dans les grandes revues. Lui, enfin, quand il a commencé, je parle de Claude Amiel, ce qui était mon patron, c'était un exploit d'aller publier dans le premier journal de la spécialité. Et ensemble, on a commencé à gravir pour aller dans le groupe Nature, pour aller dans le groupe Cell. Et ça, ça, c'était la face nord de l'égare. Ça, c'était difficile. C'était en plus difficile parce qu'on n'était pas connus dans le milieu. Et donc... Voilà, ça, ça demande une énergie, ça demande une énergie. Et ce que j'essaye de dire là, c'est que si tu interroges certains médecins, ils vont te dire, moi, ce qui me stressait beaucoup, c'est le contact avec le patient, surtout des patients graves, la réanimation. J'ai fait beaucoup de réanimation quand j'étais interne, moi. Et oui, bien sûr, oui, mais le degré de... Le degré de stress que j'avais en face d'un patient, et je me rends compte en le disant que ça peut être choquant, et le degré de stress que j'avais quand j'attendais les résultats d'une manip faite sur des cellules en culture ou sur des animaux d'expérience, ce degré de stress était identique, c'était le même. Parce que quand un patient ne va pas bien et que malheureusement l'issue n'est pas celle qu'on voudrait, C'est la faute à pas de chance, ah mais oui mais il était très malade et puis ci et puis ça. La manip. Comme on dit, la manip qui foire, c'est de ta faute et seulement de ta faute. Et donc c'est un engagement total. Alors évidemment, tu touches les étoiles quand ça marche. Et puis quand ça ne marche pas, tu es au fond du trou.

  • Speaker #1

    Avoir eu les patients à tes côtés, travailler pour eux finalement, ça a été quelque chose qui a été motivant.

  • Speaker #0

    Ça a été très motivant de deux manières différentes. J'ai adoré les soins aigus tels que je les ai connus en réanimation, au point que le fait que j'étais un réanimateur pas trop mauvais m'a collé au pied, parce qu'au fond, quand j'allais dans un service, on disait Ah mais, oui, je sais que vous prenez les gardes en premier, que vous vous débrouillez très bien, machin, donc on ne se posait pas la question de savoir est-ce que j'allais... pouvoir faire autre chose que de la réanimation, mais donc j'avais cette étiquette de réanimateur, et c'est une forme d'engagement, bien sûr. Et puis, j'ai... adoré faire de ce qu'on appelle aujourd'hui de l'exploration fonctionnelle et du bilan diagnostique et de la prévention. Ça ne s'appelait pas encore la prévention, mais c'était déjà de la prévention. Et là, je me suis dit là, on fait quelque chose qui sert à quelque chose. Alors, c'était dans le domaine essentiellement des maladies rénales. Mais oui, quand on a monté les premiers centres d'exploration à Bichat, puis à Pompidou, on a l'impression de faire quelque chose qui sert.

  • Speaker #1

    Tu peux nous expliquer un peu un peu ta spécialité

  • Speaker #0

    J'ai été, comme on dit, formé en néphrologie et il y a deux choses qui m'ont vraiment intéressé, suffisamment pour y passer beaucoup d'heures pendant beaucoup d'années, qui sont d'une part la progression de la maladie rénale chronique, c'est-à-dire 10% de la population est malade d'airain dans tous les pays industrialisés. C'est très très bien réparti. Ça ne veut pas dire que tous sont très graves et que tous ont besoin de dialyse ou de transplantation, bien entendu. Mais ça veut dire que plus on les prendra tôt et plus on mettra en œuvre des mesures de protection des reins, plus on a des chances de ralentir ce qu'on appelle la progression de la suffisance rénale chronique, c'est-à-dire cette perte inéluctable. de tissu rénal sain qui va aboutir finalement à la perte fonctionnelle des reins. Et l'obsession des néphrologues, c'est-à-dire ces malades, ces docteurs qui s'occupent des reins, c'est au fond de détecter très tôt la petite proportion de malades. qui vont progresser très rapidement et qui vont devenir très rapidement très malades. Et puis il y en a d'autres qui, au bout de 25 ans, continuent à se porter comme des charmes. C'est très difficile de savoir avant lequel va aller mal vite et lequel ne va pas aller mal vite. Ça, c'est un sujet majeur en néphrologie. On y a passé beaucoup de temps à travers des modèles animaux, à travers des recherches cliniques. Et puis ce qui m'a intéressé beaucoup, c'est une autre maladie qui est très fréquente dans la population, qui est la lithiase. C'est des gens qui font des calculs, qui ont des coliques néphritiques. On dit que c'est 20% de la population. C'est super fréquent. Et en particulier, ce qu'on appelle des calculs de phosphate de calcium. Et je me suis intéressé aux mécanismes dans le rein qui transportent le phosphate. Pourquoi il y en a qui l'accumulent, pourquoi il y en a qui ne l'accumulent pas. D'un point de vue génétique, d'un point de vue fonctionnel. Donc ça, ça a été le deuxième grand dada de... de ma vie professionnelle.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous partager ce qui a le plus changé durant toute ton expérience

  • Speaker #0

    Je pense que, pour prendre deux exemples, la lourdeur, l'encadrement et la rigueur aussi des essais cliniques s'est alourdie de manière absolument considérable. Ça, c'est... Enfin, je veux dire, on faisait un essai clinique... Je n'allais pas dire à la one again, mais enfin, voilà, on avait une idée, on se disait qu'on allait faire ça, on soumettait quand même un comité de protection des personnes, ça existait déjà à l'époque, et puis on faisait, on pouvait conserver des échantillons de sang, de plasma, éventuellement de tissu. Et l'encadrement et la rigueur qu'on est obligé de mettre, et donc le coût, des essais cliniques a changé et a alourdi de manière absolument considérable au point que Les gens commencent à se dire aujourd'hui, mais on ne va pas pouvoir continuer comme ça, faire des essais aussi lourds, aussi chers, aussi lents, qui nécessitent autant d'énergie. Et donc, il y a tout un mouvement sur les nouvelles méthodologies d'essais cliniques, en faisant intervenir de l'intelligence artificielle, pour faire ce qu'on appelle aujourd'hui des patients artificiels. C'est-à-dire, pour qu'un essai soit utile, il faut des populations de patients, des cohortes de patients, extraordinairement. grandes, et comment est-ce qu'on peut avoir des grandes cordes de patients pour des maladies très rares On voit bien qu'il y a une incongruité. Donc, comment est-ce qu'on est capable d'avoir des résultats significatifs, malgré tout, en utilisant des astuces et de l'intelligence numérique Donc ça, c'est une vraie évolution. Ça, c'est une évolution qui est récente, mais qui est formidable. Il y a un livre blanc qui vient de sortir là-dessus. Et donc, je pense que ça, dans les quelques années qui viennent, on va beaucoup en parler. Et puis, là encore, l'informatique et la manière de manipuler les choses et de manipuler les images en biologie a été un tournant radical. Parce qu'on montrait un résultat, on montrait des moyennes et des écarts-types d'une situation A qu'on comparait à une situation B. Il y a 40 ans, la plupart des gens vous croyaient. Quand on montrait un résultat, on était cru. Bon, il y a eu toujours des fraudeurs. Des fraudeurs, il y en a eu depuis des siècles, donc ce n'est pas le sujet, bien sûr. Mais quand on a commencé, je me souviens très bien, les débuts de Photoshop, où on montrait des gels de migration, des blottes, comme on dit, et on disait, mais avec Photoshop, moi, je vais faire apparaître des bandes qui n'existent pas, et je peux édulcorer une bande qui existe. Autrement dit, la manipulation d'images a été... un sujet de préoccupation majeur dans l'authenticité et la preuve de la véracité des résultats expérimentaux. Et ça n'a fait que croître, parce qu'au fond, aujourd'hui, on est capable de manipuler à peu près n'importe quel résultat. Donc, comment on fait pour établir un lien de confiance entre un chercheur et un journal auprès duquel il veut être publié C'est un vrai sujet de réflexion qui touche à la fois au bricolage numérique et à l'éthique. Ça, c'est des évolutions caricaturales, mais il y en a bien d'autres.

  • Speaker #1

    Tu as eu des postes avec des gros challenges répétés. J'imagine bien qu'on t'a demandé des résultats rapides. Comment tu as fait pour trouver le juste équilibre entre le travail de fond qui est nécessaire pour réaliser les grands changements et ces résultats rapides, effectifs, qui te permettent de continuer ta mission

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas ressenti dans le domaine clinique. Je l'ai ressenti au quotidien dans le domaine de la recherche. Parce qu'il y a d'un côté, je ne peux pas me contenter de faire du MeToo, c'est-à-dire de faire la xième étude qui va ressembler à l'étude précédente et qui ne fera pas avancer le sujet. Et d'un autre côté, la loi... publish or perish, elle existe depuis très longtemps. Et oui, il y a une course à l'échalote, et oui, il faut du résultat. Et ça, c'est compliqué, et à nouveau, comme d'autres paradoxes apparents, ça ne se résout pas à l'échelle individuelle. Ça ne peut se trouver de solution satisfaisante qu'à l'échelle d'une équipe, en protégeant. Le coureur de fond dans le peloton, en lui permettant de continuer à courir, mais sans nécessairement être le premier au col, sans nécessairement attirer les lumières, mais c'est lui qui demain sera dans la lumière. Mais si on ne le protège pas, et si on ne lui permet pas de continuer à engranger sur une route pas toujours simple, un peu périlleuse, en mettant en avant d'autres qui là sont déjà sur des filons qui... qui commence à bien donner. Donc, il y a des dynamiques. Là, c'est un vrai management d'équipe. Parce qu'il faut, en même temps, maintenir, j'allais dire, tout le monde au taquet. Il faut éviter les frustrations, qui, de toute façon, sont consubstantielles au métier de chercheur, déjà. Et il faut essayer de faire qu'au bout du compte, tout le monde y trouve à peu près son compte.

  • Speaker #1

    Tu es finalement en train de me parler de leadership, j'ai bien l'impression. Est-ce que tu peux nous donner, pour toi... Qu'est-ce que c'est qu'un leader

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a deux ou trois mots qui, me semble-t-il, le caractérisent. C'est très compliqué d'être un leader si on n'a pas de vision. Donc il faut une vision. Ça peut être en organisation des soins, ça peut être en organisation de la recherche, ça peut être sur une thématique de recherche. Je parle du domaine de la santé, qui est un domaine que je connais un peu, encore que ça, c'est sûrement applicable à d'autres. Ça, c'est le premier point. Et le deuxième, qui me paraît très important, c'est... de susciter de la confiance. Alors, on peut diriger par la terreur. J'en ai connu, tu en as connu. Ça ne dure jamais très longtemps et les dégâts sont catastrophiques. Je le vois, et encore aujourd'hui, je le vois... Bon, j'ai eu la chance de... de diriger une grosse fac, des gros services hospitaliers, un centre de recherche, c'est toujours la même chose. Il faut qu'à un moment, les gens viennent te voir parce qu'ils ont confiance et qu'ils pensent que ce que tu vas les aider à faire, tu vas le faire pour eux, pour la communauté, mais aussi pour eux. Il y a toujours dans la demande de l'interaction, une demande de bénéfice individuel direct, qui n'est pas antinomique du bénéfice. communautaire ou du bénéfice collectif, pas du tout. Mais de dire je fais tout pour la communauté, mais je vais faire que des malheureux au titre individuel, ça ne tient pas, ça ne tient pas. Et surtout, on ne fait pas grandir les gens. Et au fond, la satisfaction, c'est de faire des petits quand même.

  • Speaker #1

    Ta position de leader que tu as eue dans tous tes postes, elle a été très différente quand tu as été chef de service ou quand tu as été doyen de la faculté ou... patron de la recherche, il y a eu des éléments très différents à développer selon les postes que tu as eus Il y a des éléments différenciants.

  • Speaker #0

    Quand tu diriges un groupe de recherche, ou plus gros, mais en recherche, au fond, tu essayes de... J'allais dire, tu fais la courte échelle et tu essayes d'envoyer en l'air un, deux, trois, cinq plus jeunes aux étoiles, le plus haut possible. Le plus haut possible. Moi, quand je vois... J'en ai encore des exemples, quand je vais traîner ce qui m'arrive à Necker, c'est formidable. Il y en a quelques-uns que j'ai vraiment beaucoup incubés qui ont fait beaucoup mieux que moi. C'est juste formidable. Dans la position d'un doyen, d'une certaine manière, les gens mettent leur carrière dans tes mains. Pour d'autres raisons, pour des raisons administratives, pour des raisons de stratégie hospitalo-universitaire. C'est une fichue responsabilité. Mais finalement, le lien que tu tisses, qui est un lien vraiment de confiance individuelle, dans mon expérience plus récente à l'hôpital américain, dont je n'ai pas parlé, mais dont on peut parler si tu le souhaites, le poste de directeur médical, c'est pareil. Tu as tous les droits dans ton dialogue avec un médecin, sauf un. Tu n'as pas le droit de casser le fil. Jamais. C'est comme la pêche au gros, tu ne casses pas le fil. Tu mets le temps qu'il faut pour rétablir une relation, tu ne casses pas le fil. C'est capital. Et l'autre le sent. Toujours. Après, il y a une diversité de personnages en face de toi et tu ne te comportes pas exactement de la même manière avec chacun, bien entendu, mais de la confiance.

  • Speaker #1

    Cette confiance dont tu nous parles, elle a servi à fédérer en pluriprofessionnel dans un secteur où parfois les docteurs, les paramédicaux,

  • Speaker #0

    les administratifs ont du mal à communiquer ensemble La réponse est oui et j'étais en train de me dire en t'écoutant que... Ça vaut aussi bien, j'ai eu la chance de diriger un pôle hospitalier quand j'étais à Pompidou, qui était un pôle d'imagerie, donc c'était en même temps beaucoup de moyens, et puis des docteurs, des manips, des infirmières et des infirmiers, des aides-soignants. Au fond, on ne parle pas différemment, les sujets sont différents, mais on ne donne pas de soi de manière si différente. à un collègue médecin, à un aide-soignant, à un brancardier. Je pense que c'est vraiment... Tu sais, dans l'opéra, il y a ce qu'on appelle le sing-spiel C'est-à-dire, tu parles et puis tout d'un coup, ça devient de la musique. Et tu n'as pas vu où était la transition. Et au fond, ça, c'est très important. C'est-à-dire que ton comportement, ton intonation ne change pas tant que ça selon que tu parles, que tu chantes et que tu t'adresses à un chef de service ou que tu t'adresses à un personnel non médical parce qu'évidemment ils sont dans la même barque. Et c'est vrai aussi dans un laboratoire de recherche. J'ai gardé des relations amicales et ça ne dépend pas du statut du tout. Pas du tout. Il y a des gens qui se donnent. Après, je comprends tout, les contingences, les difficultés personnelles. Enfin, évidemment, je n'ai pas un discours bisounours, mais le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça, c'est un désastre. C'est un désastre. Mais dans le milieu qu'on connaît un peu jusque récemment, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Tu as été... Presque constamment dans ta carrière, dans l'obligation d'innover, finalement, comment on arrive à vraiment innover et à être réellement le premier Tu nous as parlé un peu de la course à l'échalote, à sortir l'idée pour sortir l'idée. Mais la vraie innovation,

  • Speaker #0

    elle vient comment Ce n'est pas de l'intelligence. Je pense que ça a à voir avec une forme de capacité à regarder. Et quand on ne sait plus comment l'appeler, on appelle ça l'intuition. Deux anecdotes. parce qu'elles sont différentes, mais elles résument bien ça. Avant que j'arrive à l'hôpital européen Georges Pompidou, on m'a expliqué que dans les secteurs de ce qu'on n'appelait pas encore beaucoup la médecine ambulatoire, à ce moment-là, on ne pouvait pas faire d'hôpital de jour. Donc on pouvait faire, tu connais ça par cœur, de la consultation, puis de demander un premier examen, puis on revenait à l'examen, puis on a demandé un deuxième examen, puis on faisait le deuxième examen. Puis on faisait une prise de sang, puis on revenait à la prise de sang. N'importe quoi. Et donc, on s'est dit, mais il faut faire des hôpitaux de jour. Et il faut multiplier les hôpitaux de jour. Et je faisais de la médecine, je ne faisais pas de chirurgie. Et j'ai eu cette discussion avec un administratif qui a eu cette réponse géniale. Il m'a dit, mais ça ne va pas être possible, monsieur le professeur. Je dis, pourquoi ça ne serait pas possible Parce qu'un hôpital de jour, c'est une alternative à l'hospitalisation traditionnelle. Vous n'avez pas d'hospitalisation traditionnelle, donc vous ne pouvez pas avoir d'hôpital de jour. Caramba J'avais pas vu... Voilà. Et donc, on a monté les hôpitaux de jour. Et après, c'était amusant, parce que le jour où on a fait des hôpitaux de jour d'exploration, j'avais tous mes potes qui étaient dans d'autres services d'exploration à travers la paix qui venaient me voir pour voir comment on avait fait les montages, machin. C'est un tout petit exemple, c'est une rognure d'ombre, mais c'est... Voilà, c'est de l'innovation organisationnelle. qui a un petit peu rendu service. Après, il y a de l'innovation en recherche, bien sûr, et il y a de l'innovation en formation. J'ai eu la chance, quand j'étais doyen, je me suis dit un jour, mais tout le monde parle d'intelligence artificielle, et je pense qu'il n'y a pas grand monde qui comprend quelque chose. Donc on va faire une chaire d'intelligence artificielle en santé, une chaire de formation. On a fait un diplôme d'université, puis on a fait des masterclass autour, et on a eu la chance d'être assez... Enfin, d'être les premiers à le faire, quoi. Et donc, ça a eu deux conséquences. La première, c'est que ça a pris de la notoriété, ce qui était sympa. Mais la deuxième, surtout, c'est que ça a été très bien sponsorisé par des mécènes qui n'avaient pas eu l'occasion de mécéner ce genre de produit, pour parler marketing. Et donc, ça a permis d'accélérer et de faire des choses très amusantes. Aujourd'hui, c'est d'une très grande banalité. Et de toute façon, un produit, au bout de cinq ans... Si on ne le relook pas et si on ne fait pas un effort de mise à jour, il se périme.

  • Speaker #1

    Innover, c'est donc aussi mettre des moyens.

  • Speaker #0

    Indispensable. Ce qui ne coûte pas cher, c'est les idées. Mais le nombre d'idées qui se transforment en réalisation, le rendement est bien moins bon que celui de la machine à vapeur. Il y a un déchet atroce. Et c'est pour ça que quand on me dit qu'on manque de moyens, quand les médecins disent qu'il nous faut quelqu'un qui nous aide à écrire les articles, non, mais non Ils ont besoin de moyens, surtout quand ils ont des tâches cliniques lourdes, entre le moment où ils disent j'ai une idée et au moment où cette idée devient un vrai protocole de recherche clinique, c'est un chemin critique qui est long. qui est exigeant, qui nécessite des compétences multiples. Et si on ne les aide pas à faire ça, et donc des moyens, si on ne les aide pas à faire ça, l'idée restera une idée. Et ce qui leur permettra de dire, parce qu'il y a toujours des bénéfices secondaires à la frustration, Ah, si on m'avait aidé, c'est atroce. C'est comme dans la chanson de Cabrel, Si j'avais pu, si j'avais su, si j'avais eu moins peur Et donc, voilà, et cette frustration-là, c'est celle-là qu'il faut éviter. Vraiment, c'est celle-là qu'il faut éviter. Une idée, si on y croit et si celui qui l'a n'est pas le seul à y croire, s'il arrive à en convaincre deux ou trois autres, alors ça vaut la peine d'organiser les choses pour que ça devienne autre chose qu'une idée.

  • Speaker #1

    Quand on parle d'innovation, forcément, on peut parler d'échec, puisque être un innovateur, c'est accepter un pourcentage d'échecs important. Est-ce que tu peux nous partager le plus gros échec que tu as vécu dans ta carrière

  • Speaker #0

    Instantanément, les images qui me viennent sont des images de recherche. J'ai cherché pendant très longtemps des récepteurs sur un type de cellule particulier, des récepteurs d'une hormone particulière, peu importe, et je ne les ai pas trouvés. Mais c'était avant l'ère de la biologie moléculaire, et ça a été une frustration de ne pas les trouver. Et un jour, j'ai lu un papier où on m'a dit qu'on a fait la preuve qu'il n'y avait pas de... pas ces récepteurs sur ces cellules. Donc, tu ne pouvais pas les trouver. Alors, a posteriori, j'ai... Mais sur le moment, oui, une grande frustration. Et si je twist, si je tords un tout petit peu ta question, les craintes, en recherche, il y a un moment qui est terrible, c'est le moment où tu trouves quelque chose et où tu es sur le fil du rasoir. entre d'un côté, il faut que je me dépêche parce que quelqu'un d'autre va le trouver avant moi, ou va le publier avant moi, et de l'autre côté, j'espère que je ne suis pas allé dans un cul-de-sac, et ce que je vais dire, c'est vrai. Et donc, cette espèce de soulagement qu'on a quand, quelques mois ou années plus tard, quelqu'un d'autre répète les mêmes résultats et retrouve ce que tu as publié, Je ne m'étais pas complètement trompé. Donc ça, c'est un vrai... Et je reprends l'exemple de l'hôpital pour finir ça. Quand je suis arrivé à l'hôpital européen Georges Pompidou, je connaissais bien le directeur, qui était un homme très intelligent, que j'aimais bien, et je lui ai dit, il faut faire un check-up center. Au sens où nous connaissons les check-up centers. Avec un entrepôt de données. Bon, c'était déjà dans 2002, 2003, on commençait à savoir que la data, ça allait être important. Et il m'a dit, Gérard, bien sûr qu'il faudrait le faire. Et maintenant, je vais t'expliquer pourquoi on ne va pas le faire. Et pour des raisons qui étaient tout sauf raisonnables et ambitieuses. mais qui était qu'on était à la paix, on ne pouvait pas se le permettre. Ça, c'est un échec, parce que j'arrivais, je me suis dit, ça va être une pépite. Bon, j'ai découvert quelques années plus tard que c'était une pépite ailleurs. Mais voilà, ça, c'est un échec. Ce n'est pas un échec de réalisation, c'est un échec d'essai de convaincre quelqu'un que je n'y suis pas arrivé. Je ne suis pas arrivé. Voilà.

  • Speaker #1

    Tu t'es senti seul par moments Oui,

  • Speaker #0

    dans le métier de doyen, tu es seul. Tu es seul, ça veut dire, il y a une équipe, j'avais des amis avec moi, dont un qui était vice-doyen, avec qui je me suis formidablement entendu. Mais tu sais, il y a un moment, parce que c'est oui, mais je ne prends pas les décisions tout seul, j'ai un conseil qui m'aide. Bon, c'est de la blague. Il y a un moment... Tu mets le pouce en haut ou tu mets le pouce en bas. Et c'est en face la carrière de quelqu'un. C'est mieux de ne pas trop se tromper.

  • Speaker #1

    Et ta plus grosse fierté

  • Speaker #0

    C'est mes enfants. J'ai trois enfants. Ma fille aînée a fait sa trace. Elle est dentiste, elle a fait des études d'odontologie. Elle a été nommée prof d'odonto cette année. Et elle a été d'une intelligence et d'une persévérance, d'une intelligence intellectuelle, je veux dire. Elle a cherché, tu sais, c'est comme en escalade. Il y a un moment, tu ne sais pas par où tu vas passer. Et puis tu mets une main, puis tu mets un pied, puis tout d'un coup, parce que tu t'élèves de 20 centimètres, tu vois ce que tu ne voyais pas 20 centimètres en dessous. Et tout d'un coup, tu vois où mettre la main suivante. Et elle a fait ça, de manière vraiment intelligente, et elle a croisé des aspects de santé publique et de qualité de vie avec des aspects maladies rares de la sphère orale. Et c'est une trace. C'est une trace, c'est-à-dire qu'avant, c'était de la poudreuse. Ça, c'est formidable. Et puis, j'ai un fils qui est biologiste et une fille qui fait de la communication et du lobbying avec une maestria formidable. Voilà, je suis... Quand je dis que je suis fier de mes enfants, ça ne veut pas dire que je suis en total accord avec eux tous les jours. Ça veut dire que ce sont des personnes... Ils sont devenus des personnes adultes pour qui j'ai de l'estime, du respect. paix et de l'amour, bien sûr. Mais ce sont des belles personnes.

  • Speaker #1

    Et ta carrière a contribué à ton bien-être personnel et à leur transmettre un message, une façon d'être,

  • Speaker #0

    une façon de vivre Ils ont la faiblesse de le dire. Oui, je... Même en n'étant pas trop lucide, je crois que je suis un peu lucide, je pense que j'occupe un peu de place. Et ils me l'ont dit. Alors après... Il y a des moments où tu occupes un peu de place, il y a des moments où tu occupes un peu trop de place. Et ils l'ont dit, et ils l'ont dit. Mais en même temps, aujourd'hui, je fais des projets professionnels avec eux. C'est-à-dire qu'on cherche des moyens de se retrouver dans des nouveaux projets. Donc il ne s'agit pas de reprendre l'entreprise familiale, tu vois ce que je veux dire. Il n'y a pas d'entreprise familiale, il n'y en a pas. Mais de monter des projets avec... Avec des gens que j'aime et avec mes enfants,

  • Speaker #1

    ça me plaît bien. On arrive à avoir ta carrière, ton engagement, et à être présent et à réussir à transmettre tout ce que tu as transmis

  • Speaker #0

    Je ne sais pas répondre à ça. Je suis capable de reconnaître une dizaine de personnes avec qui j'ai des liens et dont je pense qu'ils sont devenus ce qu'ils sont aussi parce qu'on a fait un bout de chemin ensemble. C'est des médecins, pas que des médecins, mais beaucoup de médecins. Mais encore, la magie des rencontres, c'est quand même... Dans n'importe quel milieu professionnel, il y a cette magie-là. Et il faut pas... Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se donner à ces relations interhumaines avec la même passion qu'on fait de la recherche. Enfin, pourquoi on donnerait pas sa chance à une relation Ça, ça continue à être ma grande... Si je me lève le matin, c'est aussi pour ça. Oui, on finit par occuper de la place. Et puis, j'ai eu beaucoup de chance parce que parmi les rencontres, il y a la personne avec qui je vis et que les discussions commencent le matin au petit déjeuner devant le thé. C'est d'une richesse folle. Je ne dis pas que c'est... tout facile, tout simple, tout rose, et que de temps en temps on frotte pas la peinture. Mais est-ce qu'aujourd'hui je suis apaisé sur mon pas, heureux de me lever toujours Tu sais, dans la religion juive, il y a le Shabbat à la fin de la semaine, le jour où on ne travaille pas, le jour où Dieu s'est reposé, après avoir beaucoup bossé pendant la semaine, et il est dit... tu accueilleras le Shabbat comme une fiancée. Et moi j'ai toujours dit à mes enfants, parce que je le sens profondément, c'est chaque jour qu'il faut accueillir comme une fiancée. C'est pas une fois par semaine. Je te dis pas que tous les matins, quand le réveil sonne à 6h, je suis content que le réveil sonne. Mais il faut accueillir chaque nouvelle journée comme une bénédiction. Et ça, ça continue.

  • Speaker #1

    Comment tu penses que le monde de la santé va évoluer

  • Speaker #0

    Ce qui me paraît clair, c'est que l'hospitalisme, l'hôpital prédominant, voire unique, comme objet de santé, est derrière nous. Et que de la même manière qu'il y a aujourd'hui du télétravail qui peut être productif, tout le télétravail n'est pas productif, mais il peut y avoir du télétravail productif, de la même manière... Il y aura du soin ambulatoire, il y aura du parcours de patients intelligents avec, de temps en temps, ma voiture aujourd'hui, j'ai quand même conduit chez le garagiste parce qu'il a besoin de sa révision. Donc on peut passer par la case hôpital de temps en temps, mais je pense que vraiment l'évolution, je ne sais pas si c'est une révolution, mais l'évolution marquante, c'est de faire pour de vrai. des parcours patients. Parce qu'on l'a beaucoup dit, mais je trouve qu'il faut le faire maintenant. Et du coup, le leitmotiv des déserts médicaux, que je ne nie pas, je préfère dire qu'il y a des zones plus favorisées que d'autres, des zones où il y a une densité d'expertise qui est plus importante que dans d'autres, mais on fait comme si les nouveaux outils, au fond, ne facilitait pas les choses. Or, il facilite les choses. Ça ne veut pas dire qu'il remplace la relation médecin-patient, la relation humaine entre un soignant et un malade, qui aujourd'hui me paraît devoir rester aussi indispensable qu'elle l'était, et elle s'est dévalorisée au cours des dernières années, mais on fait comme si... On était content des nouveaux outils, mais qu'on répugnait à s'en servir. On dit... Moi je pense que tout ce qui est de nature à faciliter, moi ce qui me rend dingue, c'est de me retrouver devant un ordinateur, devant des applications qui sont tellement mal faites qu'on tourne en boucle et qu'on n'arrive pas à trouver la sortie. Et donc ça, ça rend dingue, parce que... Pourquoi ça rend... Parce que non seulement c'est une perte de temps, mais parce que ça instille de la défiance. Comment veux-tu avoir confiance dans un système qui te fait faire la course du rat dans le labyrinthe C'est atroce. Donc, d'avoir, grâce aux outils qu'on est capable de développer, un téléphone aujourd'hui, on ne se prend pas le chou, il fonctionne. Un iPad, il fonctionne. Quand on sera capable de faire des parcours patients aussi fluides qu'on est capable de commander, le repas thaï pour le soir sur une application sur son téléphone, ça va marcher. Ça va marcher. Parce que les gens auront confiance. Ils commandent un repas, ils ont confiance, ils attendent sur le pas de la porte parce qu'ils savent que le repas va arriver. Et qu'il va arriver comme ils l'auront commandé. Et donc je pense que ce même degré de fluidité et de fiabilité... On ne le mettrait pas à disposition pour la santé des patients. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu attends de la jeune génération Qu'ils aient faim,

  • Speaker #0

    qu'ils soient curieux et qu'ils aient envie de se défoncer. Je vais le dire autrement, c'est en tout cas ce que j'ai moi essayé de transmettre. Je ne dis pas que ce sont des bonnes valeurs ou une bonne recette, mais l'idée baroque auquel certains pourraient adhérer que ça va arriver sans se donner de mal... J'ai un petit doute. J'ai un petit doute. Mais je vois des jeunes professionnels ou des étudiants qui ont envie, qui ouvrent grand les yeux parce que ça les intéresse. Et puis à nous aussi de souffler sur les braises et d'allumer le feu.

  • Speaker #1

    Et le statut presque sacré de PUPH, il doit évoluer

  • Speaker #0

    Deux. Moi, je pense qu'il va évoluer pour deux raisons. La première est que, à nouveau, un PUPH tout seul, ça n'a pas de sens. Les carrières hospitalo-universitaires où on dit il y a une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche et avec tes petits bras musclés, mon gars, tu vas faire ça tout seul pendant 30 ans non seulement c'est un mensonge, mais c'est une gageure, ça n'est pas possible. qu'en revanche, à l'échelle d'une équipe, il y en ait certains qui fassent davantage de soins, d'autres qui se consacrent davantage à la recherche, et puis que certains fassent la formation, ou qu'on se mette à plusieurs pour faire la formation, et que cela ne soit pas gravé dans le marbre pour 30 ans, mais qu'on change de rôle au bout d'un moment, parce qu'on est sec, que le soin, au bout d'un moment... On n'en peut plus et qu'il faut faire une pause, mais que par contre on voudrait bien pousser une ou deux idées d'encherche clinique et que d'un autre côté, la recherche, on a un passage à vide, mais ça fait du bien d'aller faire du soin. Donc, redéfinir les missions de chacun au sein d'une équipe, ça c'est indispensable. Et puis qu'il y ait des statuts hospitalo-universitaires qui ne soient pas des statuts à vie, que ce soit pour une période définie de cinq ans ou plus si ça se passe bien. Ça, je pense que c'est une évolution qu'on va voir également. Et c'est quoi la prochaine porte pour Gérard Frey de l'Enfant Ça va être compliqué de ne pas refaire de projet, mais je voudrais qu'on pousse des... Des projets en famille, professionnels. Et puis apprendre peut-être à mes petits-enfants à grimper sur un rocher.

  • Speaker #1

    Merci Gérard pour ta participation au podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Et autant de partages sur toutes tes expériences.

  • Speaker #0

    Je n'étais pas parti avec l'idée de partager tout ça. Tu fais bien tout ce que tu fais.

  • Speaker #1

    Merci Gérard.

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Description

Dans ce nouvel épisode de notre podcast "Raison d’être", nous avons l'honneur d’accueillir le Pr. Gérard FRIEDLANDER, ancien doyen de la faculté de médecine de Paris et figure incontournable du monde hospitalo-universitaire.


À travers un échange sincère et inspirant, découvrez :

🧭 Son parcours guidé par la vocation, de la néphrologie à la direction de faculté.
🤝 Sa vision du leadership médical, fondée sur la confiance et la transmission.
🔬 Comment il a fait progresser la science tout en accompagnant les soignants de demain.


Que vous soyez professionnel de santé, étudiant, ou passionné par les transformations du système de santé, cet épisode vous offrira des clés précieuses et humaines.


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Un podcast créé par Félix Mamoudy et Charles Amaudruz
Interview : Félix Mamoudy
Montage / mixage : Mégane Grandin – César Mamoudy
Miniature : Léo Portal


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça c'est un désastre C'est un désastre

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Félix Mamoudi, fondateur de Leader for Health. Bienvenue dans Raison d'être, le podcast qui réunit les leaders du monde de la santé d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Dans cet épisode, nous accueillons le professeur Gérard Friedlander, ancien doyen à la faculté de médecine à l'université Paris-Decas. Bonjour Gérard.

  • Speaker #0

    Bonjour Félix.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer par nous raconter ton parcours professionnel

  • Speaker #0

    Oui, je suis médecin. J'ai passé, il y a quelques années, l'internat de Paris, au temps où c'était un concours sélectif. J'ai fait une carrière hospitalo-universitaire tout le long, pendant 44 ans, où j'ai franchi les différentes étapes de cette carrière, en étant chef de clinique, puis maître de conférence des universités, praticien hospitalier, puis PUPH, comme on dit. J'ai dirigé des services hospitaliers, d'abord à Bichat, où j'ai passé 24 ans de ma vie professionnelle, puis à Necker et à l'hôpital européen Georges Pompidou, où j'ai passé pas loin d'une vingtaine d'années. Et j'ai eu l'occasion, dans ces années, de monter des structures de recherche, ce qu'on appelait des unités de recherche, et puis des centres de recherche plus gros, puis un institut de recherche. que j'ai dirigé. Et puis, j'ai arrêté tout cela au moment où je suis devenu doyen de ma faculté de médecine, qui s'appelait à l'époque Paris Descartes, ce qui nous a conduits à 2020. Et puis après, j'ai fait d'autres choses dans le secteur privé.

  • Speaker #1

    Le plus gros tournant de votre carrière Ma carrière,

  • Speaker #0

    pour moi, c'est... Il ne faut pas commencer par la carrière. Je pense que mon histoire professionnelle ne commence pas par une carrière, elle commence par une vocation. Familialement, mon grand-père aurait aimé être médecin, il n'a pas été médecin. La guerre, l'immigration, le besoin de gagner sa vie, une frustration qui reste. Mon père, qui n'était pas son fils, qui était de l'autre branche, aurait aimé être médecin. Il ne l'a pas été pour, là encore, des raisons... douloureuse professionnelle, il a été orphelin très tôt, il a vu son père mourir à l'âge de 15 ans de miliaire tuberculeuse, de septicémie tuberculeuse comme ça existait à l'époque, on était en 1933, et il s'est dit je ne peux pas faire ça parce qu'il n'y avait pas de médicaments à l'époque et un médecin, ça faisait aussi beaucoup tenir la main de celui qui allait mourir et il a été pharmacien Je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'allais être médecin. Et ce qui a changé, le premier événement qui a vraiment changé ma vie, est que, pour plein de raisons, il n'y avait pas beaucoup de place ni de confort pour travailler chez moi, et donc j'avais squatté en deuxième année de médecine la bibliothèque d'un service hospitalier à l'hôpital Tenon. Et c'était... Le service de quelqu'un qui s'appelle Gabriel Richet, qui a été le premier élève de Jean Hamburger, qui a inventé la néphrologie en France. Et j'ai trouvé que ces gens-là étaient d'une intelligence, d'une passion, d'une attractivité telle que... Ça m'a rappelé le film Quand Harry rencontre Sally où il y a une dame qui a des émois et où l'autre à côté dit je veux ça en désignant le gâteau qui évidemment n'y était pour rien. Et je me suis dit je veux être comme ça, c'est ça que je veux faire Et c'est ça que j'ai fait. Et la deuxième étape importante est que... En grandissant un peu, l'un des élèves de ce Gabriel Richet dont je parlais à l'instant... était parti à l'hôpital Bichat pour fonder son propre service et sa propre structure de recherche. Et on m'a dit, tu vas le voir. Je suis allé le voir. Ça n'engageait à rien. On ne sait bien plus. On ne sait bien plus, ça veut dire que le premier entretien, je te le raconte parce que je trouve que c'est exactement ce qui manque un peu aujourd'hui. Il m'a dit, oh là là, vous venez me voir parce que vous voudriez un poste de chef de clinique ou d'assistant. Vous savez, ce n'est pas facile. et alors après il y a des postes de maître de conférence la probabilité est quasi nulle et pour le reste ce n'est même pas la peine d'y penser et certes on est vers moi en se fouillant est-ce que ça vous convient et je dis bien sûr que ça me convient et 15 ans plus tard je vais fermer les yeux au sens propre Donc, voilà ce que c'est pour moi. Alors, ce n'est pas un modèle de carrière. Il y a 50 modèles. Mais ce que je veux dire, c'est que ça résume assez bien les ingrédients de base. C'est-à-dire une passion, des rencontres. Des rencontres et des rencontres et des rencontres et des rencontres. Je veux dire, ça se fait sur des hommes qui se plaisent et qui décident de faire des choses ensemble. Et puis... Une vision commune, partagée, et l'envie de réaliser quelque chose. Et ce sont des images qui ne me quittent pas.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé un peu de ton papa. Est-ce que tu peux nous parler de l'environnement dans lequel tu as grandi Oui,

  • Speaker #0

    c'était un environnement, on dirait maintenant petit bourgeois. Mon père était pharmacien dans le 20e arrondissement, entre la Nation et la Porte de Montreuil. C'est une petite pharmacie, mais c'était le seul à travailler. Ma mère ne travaillait pas. travailler un peu avec lui. Comme on dit, on a manqué de rien. Ça veut dire qu'on a manqué en réalité de beaucoup de choses, mais pas nécessairement de manger le matin, le midi et le soir. Et je suis allé dans un lycée à côté de chez moi, Place de la Nation, qui s'appelait Lycée Arago, ou qui s'appelle toujours Lycée Arago. Et quand j'étais au lycée, je me souviens très bien de ça, les gens parlaient des bons lycées, des pas bons lycées, ça c'est un bon lycée, ça c'est un mauvais lycée, et je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Parce que je trouvais que mes potes étaient intelligents, je trouvais que mes profs étaient, il y en avait des bons, il y en avait des moins bons, mais globalement ça allait. Et puis il y a eu les résultats du bac. Et là, j'ai compris ce que c'était un bon lycée et un moins bon lycée. J'avais des potes qui étaient dans les bons lycées, Louis le Grand, Janson, Henri IV, etc. Eux, ils passaient le bac parce qu'on leur avait dit de passer le bac. Ce n'était pas un sujet. 99,8% de la classe avait le bac. Nous, on a été... deux élèves de ma classe à avoir le bac sans oral. Et je me suis dit, ça doit être ça la différence entre un bon lycée et un pas bon lycée.

  • Speaker #1

    Tu nous as dit que ton arrivée dans le milieu hospitalier n'avait pas forcément été simple, avec une place qui n'était pas toute faite. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu comment tu es devenu PUPH

  • Speaker #0

    Là encore, c'est la rencontre. Cet homme que j'ai rencontré, qui est devenu mon patron et mon mentor, qui s'appelait Claude Amiel, je dis qu'il s'appelait parce qu'il est décédé en 1996. Au fond, à partir du moment où j'ai posé mes valises chez lui, avec un niveau d'exigence intellectuelle que je n'ai plus jamais retrouvé ailleurs, on était capable d'écrire et de réécrire et de réécrire et de réécrire un papier dix fois, douze fois, parce que c'était pas exact. Exactement comme il avait envie que ça soit. Et voilà. Et donc, ça a été énormément de travail. Mais au fond, je n'ai pas eu peur de ne pas être PUPH. Puis PUPH, ça ne voulait pas... Ce n'était pas un Graal, en fait. Le Graal, à l'époque, c'était de pouvoir soigner des patients. Ça, on y arrivait. Et d'aller publier dans... Ça, c'était le Graal. dans les grandes revues. Lui, enfin, quand il a commencé, je parle de Claude Amiel, ce qui était mon patron, c'était un exploit d'aller publier dans le premier journal de la spécialité. Et ensemble, on a commencé à gravir pour aller dans le groupe Nature, pour aller dans le groupe Cell. Et ça, ça, c'était la face nord de l'égare. Ça, c'était difficile. C'était en plus difficile parce qu'on n'était pas connus dans le milieu. Et donc... Voilà, ça, ça demande une énergie, ça demande une énergie. Et ce que j'essaye de dire là, c'est que si tu interroges certains médecins, ils vont te dire, moi, ce qui me stressait beaucoup, c'est le contact avec le patient, surtout des patients graves, la réanimation. J'ai fait beaucoup de réanimation quand j'étais interne, moi. Et oui, bien sûr, oui, mais le degré de... Le degré de stress que j'avais en face d'un patient, et je me rends compte en le disant que ça peut être choquant, et le degré de stress que j'avais quand j'attendais les résultats d'une manip faite sur des cellules en culture ou sur des animaux d'expérience, ce degré de stress était identique, c'était le même. Parce que quand un patient ne va pas bien et que malheureusement l'issue n'est pas celle qu'on voudrait, C'est la faute à pas de chance, ah mais oui mais il était très malade et puis ci et puis ça. La manip. Comme on dit, la manip qui foire, c'est de ta faute et seulement de ta faute. Et donc c'est un engagement total. Alors évidemment, tu touches les étoiles quand ça marche. Et puis quand ça ne marche pas, tu es au fond du trou.

  • Speaker #1

    Avoir eu les patients à tes côtés, travailler pour eux finalement, ça a été quelque chose qui a été motivant.

  • Speaker #0

    Ça a été très motivant de deux manières différentes. J'ai adoré les soins aigus tels que je les ai connus en réanimation, au point que le fait que j'étais un réanimateur pas trop mauvais m'a collé au pied, parce qu'au fond, quand j'allais dans un service, on disait Ah mais, oui, je sais que vous prenez les gardes en premier, que vous vous débrouillez très bien, machin, donc on ne se posait pas la question de savoir est-ce que j'allais... pouvoir faire autre chose que de la réanimation, mais donc j'avais cette étiquette de réanimateur, et c'est une forme d'engagement, bien sûr. Et puis, j'ai... adoré faire de ce qu'on appelle aujourd'hui de l'exploration fonctionnelle et du bilan diagnostique et de la prévention. Ça ne s'appelait pas encore la prévention, mais c'était déjà de la prévention. Et là, je me suis dit là, on fait quelque chose qui sert à quelque chose. Alors, c'était dans le domaine essentiellement des maladies rénales. Mais oui, quand on a monté les premiers centres d'exploration à Bichat, puis à Pompidou, on a l'impression de faire quelque chose qui sert.

  • Speaker #1

    Tu peux nous expliquer un peu un peu ta spécialité

  • Speaker #0

    J'ai été, comme on dit, formé en néphrologie et il y a deux choses qui m'ont vraiment intéressé, suffisamment pour y passer beaucoup d'heures pendant beaucoup d'années, qui sont d'une part la progression de la maladie rénale chronique, c'est-à-dire 10% de la population est malade d'airain dans tous les pays industrialisés. C'est très très bien réparti. Ça ne veut pas dire que tous sont très graves et que tous ont besoin de dialyse ou de transplantation, bien entendu. Mais ça veut dire que plus on les prendra tôt et plus on mettra en œuvre des mesures de protection des reins, plus on a des chances de ralentir ce qu'on appelle la progression de la suffisance rénale chronique, c'est-à-dire cette perte inéluctable. de tissu rénal sain qui va aboutir finalement à la perte fonctionnelle des reins. Et l'obsession des néphrologues, c'est-à-dire ces malades, ces docteurs qui s'occupent des reins, c'est au fond de détecter très tôt la petite proportion de malades. qui vont progresser très rapidement et qui vont devenir très rapidement très malades. Et puis il y en a d'autres qui, au bout de 25 ans, continuent à se porter comme des charmes. C'est très difficile de savoir avant lequel va aller mal vite et lequel ne va pas aller mal vite. Ça, c'est un sujet majeur en néphrologie. On y a passé beaucoup de temps à travers des modèles animaux, à travers des recherches cliniques. Et puis ce qui m'a intéressé beaucoup, c'est une autre maladie qui est très fréquente dans la population, qui est la lithiase. C'est des gens qui font des calculs, qui ont des coliques néphritiques. On dit que c'est 20% de la population. C'est super fréquent. Et en particulier, ce qu'on appelle des calculs de phosphate de calcium. Et je me suis intéressé aux mécanismes dans le rein qui transportent le phosphate. Pourquoi il y en a qui l'accumulent, pourquoi il y en a qui ne l'accumulent pas. D'un point de vue génétique, d'un point de vue fonctionnel. Donc ça, ça a été le deuxième grand dada de... de ma vie professionnelle.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous partager ce qui a le plus changé durant toute ton expérience

  • Speaker #0

    Je pense que, pour prendre deux exemples, la lourdeur, l'encadrement et la rigueur aussi des essais cliniques s'est alourdie de manière absolument considérable. Ça, c'est... Enfin, je veux dire, on faisait un essai clinique... Je n'allais pas dire à la one again, mais enfin, voilà, on avait une idée, on se disait qu'on allait faire ça, on soumettait quand même un comité de protection des personnes, ça existait déjà à l'époque, et puis on faisait, on pouvait conserver des échantillons de sang, de plasma, éventuellement de tissu. Et l'encadrement et la rigueur qu'on est obligé de mettre, et donc le coût, des essais cliniques a changé et a alourdi de manière absolument considérable au point que Les gens commencent à se dire aujourd'hui, mais on ne va pas pouvoir continuer comme ça, faire des essais aussi lourds, aussi chers, aussi lents, qui nécessitent autant d'énergie. Et donc, il y a tout un mouvement sur les nouvelles méthodologies d'essais cliniques, en faisant intervenir de l'intelligence artificielle, pour faire ce qu'on appelle aujourd'hui des patients artificiels. C'est-à-dire, pour qu'un essai soit utile, il faut des populations de patients, des cohortes de patients, extraordinairement. grandes, et comment est-ce qu'on peut avoir des grandes cordes de patients pour des maladies très rares On voit bien qu'il y a une incongruité. Donc, comment est-ce qu'on est capable d'avoir des résultats significatifs, malgré tout, en utilisant des astuces et de l'intelligence numérique Donc ça, c'est une vraie évolution. Ça, c'est une évolution qui est récente, mais qui est formidable. Il y a un livre blanc qui vient de sortir là-dessus. Et donc, je pense que ça, dans les quelques années qui viennent, on va beaucoup en parler. Et puis, là encore, l'informatique et la manière de manipuler les choses et de manipuler les images en biologie a été un tournant radical. Parce qu'on montrait un résultat, on montrait des moyennes et des écarts-types d'une situation A qu'on comparait à une situation B. Il y a 40 ans, la plupart des gens vous croyaient. Quand on montrait un résultat, on était cru. Bon, il y a eu toujours des fraudeurs. Des fraudeurs, il y en a eu depuis des siècles, donc ce n'est pas le sujet, bien sûr. Mais quand on a commencé, je me souviens très bien, les débuts de Photoshop, où on montrait des gels de migration, des blottes, comme on dit, et on disait, mais avec Photoshop, moi, je vais faire apparaître des bandes qui n'existent pas, et je peux édulcorer une bande qui existe. Autrement dit, la manipulation d'images a été... un sujet de préoccupation majeur dans l'authenticité et la preuve de la véracité des résultats expérimentaux. Et ça n'a fait que croître, parce qu'au fond, aujourd'hui, on est capable de manipuler à peu près n'importe quel résultat. Donc, comment on fait pour établir un lien de confiance entre un chercheur et un journal auprès duquel il veut être publié C'est un vrai sujet de réflexion qui touche à la fois au bricolage numérique et à l'éthique. Ça, c'est des évolutions caricaturales, mais il y en a bien d'autres.

  • Speaker #1

    Tu as eu des postes avec des gros challenges répétés. J'imagine bien qu'on t'a demandé des résultats rapides. Comment tu as fait pour trouver le juste équilibre entre le travail de fond qui est nécessaire pour réaliser les grands changements et ces résultats rapides, effectifs, qui te permettent de continuer ta mission

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas ressenti dans le domaine clinique. Je l'ai ressenti au quotidien dans le domaine de la recherche. Parce qu'il y a d'un côté, je ne peux pas me contenter de faire du MeToo, c'est-à-dire de faire la xième étude qui va ressembler à l'étude précédente et qui ne fera pas avancer le sujet. Et d'un autre côté, la loi... publish or perish, elle existe depuis très longtemps. Et oui, il y a une course à l'échalote, et oui, il faut du résultat. Et ça, c'est compliqué, et à nouveau, comme d'autres paradoxes apparents, ça ne se résout pas à l'échelle individuelle. Ça ne peut se trouver de solution satisfaisante qu'à l'échelle d'une équipe, en protégeant. Le coureur de fond dans le peloton, en lui permettant de continuer à courir, mais sans nécessairement être le premier au col, sans nécessairement attirer les lumières, mais c'est lui qui demain sera dans la lumière. Mais si on ne le protège pas, et si on ne lui permet pas de continuer à engranger sur une route pas toujours simple, un peu périlleuse, en mettant en avant d'autres qui là sont déjà sur des filons qui... qui commence à bien donner. Donc, il y a des dynamiques. Là, c'est un vrai management d'équipe. Parce qu'il faut, en même temps, maintenir, j'allais dire, tout le monde au taquet. Il faut éviter les frustrations, qui, de toute façon, sont consubstantielles au métier de chercheur, déjà. Et il faut essayer de faire qu'au bout du compte, tout le monde y trouve à peu près son compte.

  • Speaker #1

    Tu es finalement en train de me parler de leadership, j'ai bien l'impression. Est-ce que tu peux nous donner, pour toi... Qu'est-ce que c'est qu'un leader

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a deux ou trois mots qui, me semble-t-il, le caractérisent. C'est très compliqué d'être un leader si on n'a pas de vision. Donc il faut une vision. Ça peut être en organisation des soins, ça peut être en organisation de la recherche, ça peut être sur une thématique de recherche. Je parle du domaine de la santé, qui est un domaine que je connais un peu, encore que ça, c'est sûrement applicable à d'autres. Ça, c'est le premier point. Et le deuxième, qui me paraît très important, c'est... de susciter de la confiance. Alors, on peut diriger par la terreur. J'en ai connu, tu en as connu. Ça ne dure jamais très longtemps et les dégâts sont catastrophiques. Je le vois, et encore aujourd'hui, je le vois... Bon, j'ai eu la chance de... de diriger une grosse fac, des gros services hospitaliers, un centre de recherche, c'est toujours la même chose. Il faut qu'à un moment, les gens viennent te voir parce qu'ils ont confiance et qu'ils pensent que ce que tu vas les aider à faire, tu vas le faire pour eux, pour la communauté, mais aussi pour eux. Il y a toujours dans la demande de l'interaction, une demande de bénéfice individuel direct, qui n'est pas antinomique du bénéfice. communautaire ou du bénéfice collectif, pas du tout. Mais de dire je fais tout pour la communauté, mais je vais faire que des malheureux au titre individuel, ça ne tient pas, ça ne tient pas. Et surtout, on ne fait pas grandir les gens. Et au fond, la satisfaction, c'est de faire des petits quand même.

  • Speaker #1

    Ta position de leader que tu as eue dans tous tes postes, elle a été très différente quand tu as été chef de service ou quand tu as été doyen de la faculté ou... patron de la recherche, il y a eu des éléments très différents à développer selon les postes que tu as eus Il y a des éléments différenciants.

  • Speaker #0

    Quand tu diriges un groupe de recherche, ou plus gros, mais en recherche, au fond, tu essayes de... J'allais dire, tu fais la courte échelle et tu essayes d'envoyer en l'air un, deux, trois, cinq plus jeunes aux étoiles, le plus haut possible. Le plus haut possible. Moi, quand je vois... J'en ai encore des exemples, quand je vais traîner ce qui m'arrive à Necker, c'est formidable. Il y en a quelques-uns que j'ai vraiment beaucoup incubés qui ont fait beaucoup mieux que moi. C'est juste formidable. Dans la position d'un doyen, d'une certaine manière, les gens mettent leur carrière dans tes mains. Pour d'autres raisons, pour des raisons administratives, pour des raisons de stratégie hospitalo-universitaire. C'est une fichue responsabilité. Mais finalement, le lien que tu tisses, qui est un lien vraiment de confiance individuelle, dans mon expérience plus récente à l'hôpital américain, dont je n'ai pas parlé, mais dont on peut parler si tu le souhaites, le poste de directeur médical, c'est pareil. Tu as tous les droits dans ton dialogue avec un médecin, sauf un. Tu n'as pas le droit de casser le fil. Jamais. C'est comme la pêche au gros, tu ne casses pas le fil. Tu mets le temps qu'il faut pour rétablir une relation, tu ne casses pas le fil. C'est capital. Et l'autre le sent. Toujours. Après, il y a une diversité de personnages en face de toi et tu ne te comportes pas exactement de la même manière avec chacun, bien entendu, mais de la confiance.

  • Speaker #1

    Cette confiance dont tu nous parles, elle a servi à fédérer en pluriprofessionnel dans un secteur où parfois les docteurs, les paramédicaux,

  • Speaker #0

    les administratifs ont du mal à communiquer ensemble La réponse est oui et j'étais en train de me dire en t'écoutant que... Ça vaut aussi bien, j'ai eu la chance de diriger un pôle hospitalier quand j'étais à Pompidou, qui était un pôle d'imagerie, donc c'était en même temps beaucoup de moyens, et puis des docteurs, des manips, des infirmières et des infirmiers, des aides-soignants. Au fond, on ne parle pas différemment, les sujets sont différents, mais on ne donne pas de soi de manière si différente. à un collègue médecin, à un aide-soignant, à un brancardier. Je pense que c'est vraiment... Tu sais, dans l'opéra, il y a ce qu'on appelle le sing-spiel C'est-à-dire, tu parles et puis tout d'un coup, ça devient de la musique. Et tu n'as pas vu où était la transition. Et au fond, ça, c'est très important. C'est-à-dire que ton comportement, ton intonation ne change pas tant que ça selon que tu parles, que tu chantes et que tu t'adresses à un chef de service ou que tu t'adresses à un personnel non médical parce qu'évidemment ils sont dans la même barque. Et c'est vrai aussi dans un laboratoire de recherche. J'ai gardé des relations amicales et ça ne dépend pas du statut du tout. Pas du tout. Il y a des gens qui se donnent. Après, je comprends tout, les contingences, les difficultés personnelles. Enfin, évidemment, je n'ai pas un discours bisounours, mais le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça, c'est un désastre. C'est un désastre. Mais dans le milieu qu'on connaît un peu jusque récemment, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Tu as été... Presque constamment dans ta carrière, dans l'obligation d'innover, finalement, comment on arrive à vraiment innover et à être réellement le premier Tu nous as parlé un peu de la course à l'échalote, à sortir l'idée pour sortir l'idée. Mais la vraie innovation,

  • Speaker #0

    elle vient comment Ce n'est pas de l'intelligence. Je pense que ça a à voir avec une forme de capacité à regarder. Et quand on ne sait plus comment l'appeler, on appelle ça l'intuition. Deux anecdotes. parce qu'elles sont différentes, mais elles résument bien ça. Avant que j'arrive à l'hôpital européen Georges Pompidou, on m'a expliqué que dans les secteurs de ce qu'on n'appelait pas encore beaucoup la médecine ambulatoire, à ce moment-là, on ne pouvait pas faire d'hôpital de jour. Donc on pouvait faire, tu connais ça par cœur, de la consultation, puis de demander un premier examen, puis on revenait à l'examen, puis on a demandé un deuxième examen, puis on faisait le deuxième examen. Puis on faisait une prise de sang, puis on revenait à la prise de sang. N'importe quoi. Et donc, on s'est dit, mais il faut faire des hôpitaux de jour. Et il faut multiplier les hôpitaux de jour. Et je faisais de la médecine, je ne faisais pas de chirurgie. Et j'ai eu cette discussion avec un administratif qui a eu cette réponse géniale. Il m'a dit, mais ça ne va pas être possible, monsieur le professeur. Je dis, pourquoi ça ne serait pas possible Parce qu'un hôpital de jour, c'est une alternative à l'hospitalisation traditionnelle. Vous n'avez pas d'hospitalisation traditionnelle, donc vous ne pouvez pas avoir d'hôpital de jour. Caramba J'avais pas vu... Voilà. Et donc, on a monté les hôpitaux de jour. Et après, c'était amusant, parce que le jour où on a fait des hôpitaux de jour d'exploration, j'avais tous mes potes qui étaient dans d'autres services d'exploration à travers la paix qui venaient me voir pour voir comment on avait fait les montages, machin. C'est un tout petit exemple, c'est une rognure d'ombre, mais c'est... Voilà, c'est de l'innovation organisationnelle. qui a un petit peu rendu service. Après, il y a de l'innovation en recherche, bien sûr, et il y a de l'innovation en formation. J'ai eu la chance, quand j'étais doyen, je me suis dit un jour, mais tout le monde parle d'intelligence artificielle, et je pense qu'il n'y a pas grand monde qui comprend quelque chose. Donc on va faire une chaire d'intelligence artificielle en santé, une chaire de formation. On a fait un diplôme d'université, puis on a fait des masterclass autour, et on a eu la chance d'être assez... Enfin, d'être les premiers à le faire, quoi. Et donc, ça a eu deux conséquences. La première, c'est que ça a pris de la notoriété, ce qui était sympa. Mais la deuxième, surtout, c'est que ça a été très bien sponsorisé par des mécènes qui n'avaient pas eu l'occasion de mécéner ce genre de produit, pour parler marketing. Et donc, ça a permis d'accélérer et de faire des choses très amusantes. Aujourd'hui, c'est d'une très grande banalité. Et de toute façon, un produit, au bout de cinq ans... Si on ne le relook pas et si on ne fait pas un effort de mise à jour, il se périme.

  • Speaker #1

    Innover, c'est donc aussi mettre des moyens.

  • Speaker #0

    Indispensable. Ce qui ne coûte pas cher, c'est les idées. Mais le nombre d'idées qui se transforment en réalisation, le rendement est bien moins bon que celui de la machine à vapeur. Il y a un déchet atroce. Et c'est pour ça que quand on me dit qu'on manque de moyens, quand les médecins disent qu'il nous faut quelqu'un qui nous aide à écrire les articles, non, mais non Ils ont besoin de moyens, surtout quand ils ont des tâches cliniques lourdes, entre le moment où ils disent j'ai une idée et au moment où cette idée devient un vrai protocole de recherche clinique, c'est un chemin critique qui est long. qui est exigeant, qui nécessite des compétences multiples. Et si on ne les aide pas à faire ça, et donc des moyens, si on ne les aide pas à faire ça, l'idée restera une idée. Et ce qui leur permettra de dire, parce qu'il y a toujours des bénéfices secondaires à la frustration, Ah, si on m'avait aidé, c'est atroce. C'est comme dans la chanson de Cabrel, Si j'avais pu, si j'avais su, si j'avais eu moins peur Et donc, voilà, et cette frustration-là, c'est celle-là qu'il faut éviter. Vraiment, c'est celle-là qu'il faut éviter. Une idée, si on y croit et si celui qui l'a n'est pas le seul à y croire, s'il arrive à en convaincre deux ou trois autres, alors ça vaut la peine d'organiser les choses pour que ça devienne autre chose qu'une idée.

  • Speaker #1

    Quand on parle d'innovation, forcément, on peut parler d'échec, puisque être un innovateur, c'est accepter un pourcentage d'échecs important. Est-ce que tu peux nous partager le plus gros échec que tu as vécu dans ta carrière

  • Speaker #0

    Instantanément, les images qui me viennent sont des images de recherche. J'ai cherché pendant très longtemps des récepteurs sur un type de cellule particulier, des récepteurs d'une hormone particulière, peu importe, et je ne les ai pas trouvés. Mais c'était avant l'ère de la biologie moléculaire, et ça a été une frustration de ne pas les trouver. Et un jour, j'ai lu un papier où on m'a dit qu'on a fait la preuve qu'il n'y avait pas de... pas ces récepteurs sur ces cellules. Donc, tu ne pouvais pas les trouver. Alors, a posteriori, j'ai... Mais sur le moment, oui, une grande frustration. Et si je twist, si je tords un tout petit peu ta question, les craintes, en recherche, il y a un moment qui est terrible, c'est le moment où tu trouves quelque chose et où tu es sur le fil du rasoir. entre d'un côté, il faut que je me dépêche parce que quelqu'un d'autre va le trouver avant moi, ou va le publier avant moi, et de l'autre côté, j'espère que je ne suis pas allé dans un cul-de-sac, et ce que je vais dire, c'est vrai. Et donc, cette espèce de soulagement qu'on a quand, quelques mois ou années plus tard, quelqu'un d'autre répète les mêmes résultats et retrouve ce que tu as publié, Je ne m'étais pas complètement trompé. Donc ça, c'est un vrai... Et je reprends l'exemple de l'hôpital pour finir ça. Quand je suis arrivé à l'hôpital européen Georges Pompidou, je connaissais bien le directeur, qui était un homme très intelligent, que j'aimais bien, et je lui ai dit, il faut faire un check-up center. Au sens où nous connaissons les check-up centers. Avec un entrepôt de données. Bon, c'était déjà dans 2002, 2003, on commençait à savoir que la data, ça allait être important. Et il m'a dit, Gérard, bien sûr qu'il faudrait le faire. Et maintenant, je vais t'expliquer pourquoi on ne va pas le faire. Et pour des raisons qui étaient tout sauf raisonnables et ambitieuses. mais qui était qu'on était à la paix, on ne pouvait pas se le permettre. Ça, c'est un échec, parce que j'arrivais, je me suis dit, ça va être une pépite. Bon, j'ai découvert quelques années plus tard que c'était une pépite ailleurs. Mais voilà, ça, c'est un échec. Ce n'est pas un échec de réalisation, c'est un échec d'essai de convaincre quelqu'un que je n'y suis pas arrivé. Je ne suis pas arrivé. Voilà.

  • Speaker #1

    Tu t'es senti seul par moments Oui,

  • Speaker #0

    dans le métier de doyen, tu es seul. Tu es seul, ça veut dire, il y a une équipe, j'avais des amis avec moi, dont un qui était vice-doyen, avec qui je me suis formidablement entendu. Mais tu sais, il y a un moment, parce que c'est oui, mais je ne prends pas les décisions tout seul, j'ai un conseil qui m'aide. Bon, c'est de la blague. Il y a un moment... Tu mets le pouce en haut ou tu mets le pouce en bas. Et c'est en face la carrière de quelqu'un. C'est mieux de ne pas trop se tromper.

  • Speaker #1

    Et ta plus grosse fierté

  • Speaker #0

    C'est mes enfants. J'ai trois enfants. Ma fille aînée a fait sa trace. Elle est dentiste, elle a fait des études d'odontologie. Elle a été nommée prof d'odonto cette année. Et elle a été d'une intelligence et d'une persévérance, d'une intelligence intellectuelle, je veux dire. Elle a cherché, tu sais, c'est comme en escalade. Il y a un moment, tu ne sais pas par où tu vas passer. Et puis tu mets une main, puis tu mets un pied, puis tout d'un coup, parce que tu t'élèves de 20 centimètres, tu vois ce que tu ne voyais pas 20 centimètres en dessous. Et tout d'un coup, tu vois où mettre la main suivante. Et elle a fait ça, de manière vraiment intelligente, et elle a croisé des aspects de santé publique et de qualité de vie avec des aspects maladies rares de la sphère orale. Et c'est une trace. C'est une trace, c'est-à-dire qu'avant, c'était de la poudreuse. Ça, c'est formidable. Et puis, j'ai un fils qui est biologiste et une fille qui fait de la communication et du lobbying avec une maestria formidable. Voilà, je suis... Quand je dis que je suis fier de mes enfants, ça ne veut pas dire que je suis en total accord avec eux tous les jours. Ça veut dire que ce sont des personnes... Ils sont devenus des personnes adultes pour qui j'ai de l'estime, du respect. paix et de l'amour, bien sûr. Mais ce sont des belles personnes.

  • Speaker #1

    Et ta carrière a contribué à ton bien-être personnel et à leur transmettre un message, une façon d'être,

  • Speaker #0

    une façon de vivre Ils ont la faiblesse de le dire. Oui, je... Même en n'étant pas trop lucide, je crois que je suis un peu lucide, je pense que j'occupe un peu de place. Et ils me l'ont dit. Alors après... Il y a des moments où tu occupes un peu de place, il y a des moments où tu occupes un peu trop de place. Et ils l'ont dit, et ils l'ont dit. Mais en même temps, aujourd'hui, je fais des projets professionnels avec eux. C'est-à-dire qu'on cherche des moyens de se retrouver dans des nouveaux projets. Donc il ne s'agit pas de reprendre l'entreprise familiale, tu vois ce que je veux dire. Il n'y a pas d'entreprise familiale, il n'y en a pas. Mais de monter des projets avec... Avec des gens que j'aime et avec mes enfants,

  • Speaker #1

    ça me plaît bien. On arrive à avoir ta carrière, ton engagement, et à être présent et à réussir à transmettre tout ce que tu as transmis

  • Speaker #0

    Je ne sais pas répondre à ça. Je suis capable de reconnaître une dizaine de personnes avec qui j'ai des liens et dont je pense qu'ils sont devenus ce qu'ils sont aussi parce qu'on a fait un bout de chemin ensemble. C'est des médecins, pas que des médecins, mais beaucoup de médecins. Mais encore, la magie des rencontres, c'est quand même... Dans n'importe quel milieu professionnel, il y a cette magie-là. Et il faut pas... Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se donner à ces relations interhumaines avec la même passion qu'on fait de la recherche. Enfin, pourquoi on donnerait pas sa chance à une relation Ça, ça continue à être ma grande... Si je me lève le matin, c'est aussi pour ça. Oui, on finit par occuper de la place. Et puis, j'ai eu beaucoup de chance parce que parmi les rencontres, il y a la personne avec qui je vis et que les discussions commencent le matin au petit déjeuner devant le thé. C'est d'une richesse folle. Je ne dis pas que c'est... tout facile, tout simple, tout rose, et que de temps en temps on frotte pas la peinture. Mais est-ce qu'aujourd'hui je suis apaisé sur mon pas, heureux de me lever toujours Tu sais, dans la religion juive, il y a le Shabbat à la fin de la semaine, le jour où on ne travaille pas, le jour où Dieu s'est reposé, après avoir beaucoup bossé pendant la semaine, et il est dit... tu accueilleras le Shabbat comme une fiancée. Et moi j'ai toujours dit à mes enfants, parce que je le sens profondément, c'est chaque jour qu'il faut accueillir comme une fiancée. C'est pas une fois par semaine. Je te dis pas que tous les matins, quand le réveil sonne à 6h, je suis content que le réveil sonne. Mais il faut accueillir chaque nouvelle journée comme une bénédiction. Et ça, ça continue.

  • Speaker #1

    Comment tu penses que le monde de la santé va évoluer

  • Speaker #0

    Ce qui me paraît clair, c'est que l'hospitalisme, l'hôpital prédominant, voire unique, comme objet de santé, est derrière nous. Et que de la même manière qu'il y a aujourd'hui du télétravail qui peut être productif, tout le télétravail n'est pas productif, mais il peut y avoir du télétravail productif, de la même manière... Il y aura du soin ambulatoire, il y aura du parcours de patients intelligents avec, de temps en temps, ma voiture aujourd'hui, j'ai quand même conduit chez le garagiste parce qu'il a besoin de sa révision. Donc on peut passer par la case hôpital de temps en temps, mais je pense que vraiment l'évolution, je ne sais pas si c'est une révolution, mais l'évolution marquante, c'est de faire pour de vrai. des parcours patients. Parce qu'on l'a beaucoup dit, mais je trouve qu'il faut le faire maintenant. Et du coup, le leitmotiv des déserts médicaux, que je ne nie pas, je préfère dire qu'il y a des zones plus favorisées que d'autres, des zones où il y a une densité d'expertise qui est plus importante que dans d'autres, mais on fait comme si les nouveaux outils, au fond, ne facilitait pas les choses. Or, il facilite les choses. Ça ne veut pas dire qu'il remplace la relation médecin-patient, la relation humaine entre un soignant et un malade, qui aujourd'hui me paraît devoir rester aussi indispensable qu'elle l'était, et elle s'est dévalorisée au cours des dernières années, mais on fait comme si... On était content des nouveaux outils, mais qu'on répugnait à s'en servir. On dit... Moi je pense que tout ce qui est de nature à faciliter, moi ce qui me rend dingue, c'est de me retrouver devant un ordinateur, devant des applications qui sont tellement mal faites qu'on tourne en boucle et qu'on n'arrive pas à trouver la sortie. Et donc ça, ça rend dingue, parce que... Pourquoi ça rend... Parce que non seulement c'est une perte de temps, mais parce que ça instille de la défiance. Comment veux-tu avoir confiance dans un système qui te fait faire la course du rat dans le labyrinthe C'est atroce. Donc, d'avoir, grâce aux outils qu'on est capable de développer, un téléphone aujourd'hui, on ne se prend pas le chou, il fonctionne. Un iPad, il fonctionne. Quand on sera capable de faire des parcours patients aussi fluides qu'on est capable de commander, le repas thaï pour le soir sur une application sur son téléphone, ça va marcher. Ça va marcher. Parce que les gens auront confiance. Ils commandent un repas, ils ont confiance, ils attendent sur le pas de la porte parce qu'ils savent que le repas va arriver. Et qu'il va arriver comme ils l'auront commandé. Et donc je pense que ce même degré de fluidité et de fiabilité... On ne le mettrait pas à disposition pour la santé des patients. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu attends de la jeune génération Qu'ils aient faim,

  • Speaker #0

    qu'ils soient curieux et qu'ils aient envie de se défoncer. Je vais le dire autrement, c'est en tout cas ce que j'ai moi essayé de transmettre. Je ne dis pas que ce sont des bonnes valeurs ou une bonne recette, mais l'idée baroque auquel certains pourraient adhérer que ça va arriver sans se donner de mal... J'ai un petit doute. J'ai un petit doute. Mais je vois des jeunes professionnels ou des étudiants qui ont envie, qui ouvrent grand les yeux parce que ça les intéresse. Et puis à nous aussi de souffler sur les braises et d'allumer le feu.

  • Speaker #1

    Et le statut presque sacré de PUPH, il doit évoluer

  • Speaker #0

    Deux. Moi, je pense qu'il va évoluer pour deux raisons. La première est que, à nouveau, un PUPH tout seul, ça n'a pas de sens. Les carrières hospitalo-universitaires où on dit il y a une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche et avec tes petits bras musclés, mon gars, tu vas faire ça tout seul pendant 30 ans non seulement c'est un mensonge, mais c'est une gageure, ça n'est pas possible. qu'en revanche, à l'échelle d'une équipe, il y en ait certains qui fassent davantage de soins, d'autres qui se consacrent davantage à la recherche, et puis que certains fassent la formation, ou qu'on se mette à plusieurs pour faire la formation, et que cela ne soit pas gravé dans le marbre pour 30 ans, mais qu'on change de rôle au bout d'un moment, parce qu'on est sec, que le soin, au bout d'un moment... On n'en peut plus et qu'il faut faire une pause, mais que par contre on voudrait bien pousser une ou deux idées d'encherche clinique et que d'un autre côté, la recherche, on a un passage à vide, mais ça fait du bien d'aller faire du soin. Donc, redéfinir les missions de chacun au sein d'une équipe, ça c'est indispensable. Et puis qu'il y ait des statuts hospitalo-universitaires qui ne soient pas des statuts à vie, que ce soit pour une période définie de cinq ans ou plus si ça se passe bien. Ça, je pense que c'est une évolution qu'on va voir également. Et c'est quoi la prochaine porte pour Gérard Frey de l'Enfant Ça va être compliqué de ne pas refaire de projet, mais je voudrais qu'on pousse des... Des projets en famille, professionnels. Et puis apprendre peut-être à mes petits-enfants à grimper sur un rocher.

  • Speaker #1

    Merci Gérard pour ta participation au podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Et autant de partages sur toutes tes expériences.

  • Speaker #0

    Je n'étais pas parti avec l'idée de partager tout ça. Tu fais bien tout ce que tu fais.

  • Speaker #1

    Merci Gérard.

Description

Dans ce nouvel épisode de notre podcast "Raison d’être", nous avons l'honneur d’accueillir le Pr. Gérard FRIEDLANDER, ancien doyen de la faculté de médecine de Paris et figure incontournable du monde hospitalo-universitaire.


À travers un échange sincère et inspirant, découvrez :

🧭 Son parcours guidé par la vocation, de la néphrologie à la direction de faculté.
🤝 Sa vision du leadership médical, fondée sur la confiance et la transmission.
🔬 Comment il a fait progresser la science tout en accompagnant les soignants de demain.


Que vous soyez professionnel de santé, étudiant, ou passionné par les transformations du système de santé, cet épisode vous offrira des clés précieuses et humaines.


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Un podcast créé par Félix Mamoudy et Charles Amaudruz
Interview : Félix Mamoudy
Montage / mixage : Mégane Grandin – César Mamoudy
Miniature : Léo Portal


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça c'est un désastre C'est un désastre

  • Speaker #1

    Bonjour, je suis Félix Mamoudi, fondateur de Leader for Health. Bienvenue dans Raison d'être, le podcast qui réunit les leaders du monde de la santé d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Dans cet épisode, nous accueillons le professeur Gérard Friedlander, ancien doyen à la faculté de médecine à l'université Paris-Decas. Bonjour Gérard.

  • Speaker #0

    Bonjour Félix.

  • Speaker #1

    Bienvenue dans le podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux commencer par nous raconter ton parcours professionnel

  • Speaker #0

    Oui, je suis médecin. J'ai passé, il y a quelques années, l'internat de Paris, au temps où c'était un concours sélectif. J'ai fait une carrière hospitalo-universitaire tout le long, pendant 44 ans, où j'ai franchi les différentes étapes de cette carrière, en étant chef de clinique, puis maître de conférence des universités, praticien hospitalier, puis PUPH, comme on dit. J'ai dirigé des services hospitaliers, d'abord à Bichat, où j'ai passé 24 ans de ma vie professionnelle, puis à Necker et à l'hôpital européen Georges Pompidou, où j'ai passé pas loin d'une vingtaine d'années. Et j'ai eu l'occasion, dans ces années, de monter des structures de recherche, ce qu'on appelait des unités de recherche, et puis des centres de recherche plus gros, puis un institut de recherche. que j'ai dirigé. Et puis, j'ai arrêté tout cela au moment où je suis devenu doyen de ma faculté de médecine, qui s'appelait à l'époque Paris Descartes, ce qui nous a conduits à 2020. Et puis après, j'ai fait d'autres choses dans le secteur privé.

  • Speaker #1

    Le plus gros tournant de votre carrière Ma carrière,

  • Speaker #0

    pour moi, c'est... Il ne faut pas commencer par la carrière. Je pense que mon histoire professionnelle ne commence pas par une carrière, elle commence par une vocation. Familialement, mon grand-père aurait aimé être médecin, il n'a pas été médecin. La guerre, l'immigration, le besoin de gagner sa vie, une frustration qui reste. Mon père, qui n'était pas son fils, qui était de l'autre branche, aurait aimé être médecin. Il ne l'a pas été pour, là encore, des raisons... douloureuse professionnelle, il a été orphelin très tôt, il a vu son père mourir à l'âge de 15 ans de miliaire tuberculeuse, de septicémie tuberculeuse comme ça existait à l'époque, on était en 1933, et il s'est dit je ne peux pas faire ça parce qu'il n'y avait pas de médicaments à l'époque et un médecin, ça faisait aussi beaucoup tenir la main de celui qui allait mourir et il a été pharmacien Je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'allais être médecin. Et ce qui a changé, le premier événement qui a vraiment changé ma vie, est que, pour plein de raisons, il n'y avait pas beaucoup de place ni de confort pour travailler chez moi, et donc j'avais squatté en deuxième année de médecine la bibliothèque d'un service hospitalier à l'hôpital Tenon. Et c'était... Le service de quelqu'un qui s'appelle Gabriel Richet, qui a été le premier élève de Jean Hamburger, qui a inventé la néphrologie en France. Et j'ai trouvé que ces gens-là étaient d'une intelligence, d'une passion, d'une attractivité telle que... Ça m'a rappelé le film Quand Harry rencontre Sally où il y a une dame qui a des émois et où l'autre à côté dit je veux ça en désignant le gâteau qui évidemment n'y était pour rien. Et je me suis dit je veux être comme ça, c'est ça que je veux faire Et c'est ça que j'ai fait. Et la deuxième étape importante est que... En grandissant un peu, l'un des élèves de ce Gabriel Richet dont je parlais à l'instant... était parti à l'hôpital Bichat pour fonder son propre service et sa propre structure de recherche. Et on m'a dit, tu vas le voir. Je suis allé le voir. Ça n'engageait à rien. On ne sait bien plus. On ne sait bien plus, ça veut dire que le premier entretien, je te le raconte parce que je trouve que c'est exactement ce qui manque un peu aujourd'hui. Il m'a dit, oh là là, vous venez me voir parce que vous voudriez un poste de chef de clinique ou d'assistant. Vous savez, ce n'est pas facile. et alors après il y a des postes de maître de conférence la probabilité est quasi nulle et pour le reste ce n'est même pas la peine d'y penser et certes on est vers moi en se fouillant est-ce que ça vous convient et je dis bien sûr que ça me convient et 15 ans plus tard je vais fermer les yeux au sens propre Donc, voilà ce que c'est pour moi. Alors, ce n'est pas un modèle de carrière. Il y a 50 modèles. Mais ce que je veux dire, c'est que ça résume assez bien les ingrédients de base. C'est-à-dire une passion, des rencontres. Des rencontres et des rencontres et des rencontres et des rencontres. Je veux dire, ça se fait sur des hommes qui se plaisent et qui décident de faire des choses ensemble. Et puis... Une vision commune, partagée, et l'envie de réaliser quelque chose. Et ce sont des images qui ne me quittent pas.

  • Speaker #1

    Tu nous as parlé un peu de ton papa. Est-ce que tu peux nous parler de l'environnement dans lequel tu as grandi Oui,

  • Speaker #0

    c'était un environnement, on dirait maintenant petit bourgeois. Mon père était pharmacien dans le 20e arrondissement, entre la Nation et la Porte de Montreuil. C'est une petite pharmacie, mais c'était le seul à travailler. Ma mère ne travaillait pas. travailler un peu avec lui. Comme on dit, on a manqué de rien. Ça veut dire qu'on a manqué en réalité de beaucoup de choses, mais pas nécessairement de manger le matin, le midi et le soir. Et je suis allé dans un lycée à côté de chez moi, Place de la Nation, qui s'appelait Lycée Arago, ou qui s'appelle toujours Lycée Arago. Et quand j'étais au lycée, je me souviens très bien de ça, les gens parlaient des bons lycées, des pas bons lycées, ça c'est un bon lycée, ça c'est un mauvais lycée, et je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Parce que je trouvais que mes potes étaient intelligents, je trouvais que mes profs étaient, il y en avait des bons, il y en avait des moins bons, mais globalement ça allait. Et puis il y a eu les résultats du bac. Et là, j'ai compris ce que c'était un bon lycée et un moins bon lycée. J'avais des potes qui étaient dans les bons lycées, Louis le Grand, Janson, Henri IV, etc. Eux, ils passaient le bac parce qu'on leur avait dit de passer le bac. Ce n'était pas un sujet. 99,8% de la classe avait le bac. Nous, on a été... deux élèves de ma classe à avoir le bac sans oral. Et je me suis dit, ça doit être ça la différence entre un bon lycée et un pas bon lycée.

  • Speaker #1

    Tu nous as dit que ton arrivée dans le milieu hospitalier n'avait pas forcément été simple, avec une place qui n'était pas toute faite. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu comment tu es devenu PUPH

  • Speaker #0

    Là encore, c'est la rencontre. Cet homme que j'ai rencontré, qui est devenu mon patron et mon mentor, qui s'appelait Claude Amiel, je dis qu'il s'appelait parce qu'il est décédé en 1996. Au fond, à partir du moment où j'ai posé mes valises chez lui, avec un niveau d'exigence intellectuelle que je n'ai plus jamais retrouvé ailleurs, on était capable d'écrire et de réécrire et de réécrire et de réécrire un papier dix fois, douze fois, parce que c'était pas exact. Exactement comme il avait envie que ça soit. Et voilà. Et donc, ça a été énormément de travail. Mais au fond, je n'ai pas eu peur de ne pas être PUPH. Puis PUPH, ça ne voulait pas... Ce n'était pas un Graal, en fait. Le Graal, à l'époque, c'était de pouvoir soigner des patients. Ça, on y arrivait. Et d'aller publier dans... Ça, c'était le Graal. dans les grandes revues. Lui, enfin, quand il a commencé, je parle de Claude Amiel, ce qui était mon patron, c'était un exploit d'aller publier dans le premier journal de la spécialité. Et ensemble, on a commencé à gravir pour aller dans le groupe Nature, pour aller dans le groupe Cell. Et ça, ça, c'était la face nord de l'égare. Ça, c'était difficile. C'était en plus difficile parce qu'on n'était pas connus dans le milieu. Et donc... Voilà, ça, ça demande une énergie, ça demande une énergie. Et ce que j'essaye de dire là, c'est que si tu interroges certains médecins, ils vont te dire, moi, ce qui me stressait beaucoup, c'est le contact avec le patient, surtout des patients graves, la réanimation. J'ai fait beaucoup de réanimation quand j'étais interne, moi. Et oui, bien sûr, oui, mais le degré de... Le degré de stress que j'avais en face d'un patient, et je me rends compte en le disant que ça peut être choquant, et le degré de stress que j'avais quand j'attendais les résultats d'une manip faite sur des cellules en culture ou sur des animaux d'expérience, ce degré de stress était identique, c'était le même. Parce que quand un patient ne va pas bien et que malheureusement l'issue n'est pas celle qu'on voudrait, C'est la faute à pas de chance, ah mais oui mais il était très malade et puis ci et puis ça. La manip. Comme on dit, la manip qui foire, c'est de ta faute et seulement de ta faute. Et donc c'est un engagement total. Alors évidemment, tu touches les étoiles quand ça marche. Et puis quand ça ne marche pas, tu es au fond du trou.

  • Speaker #1

    Avoir eu les patients à tes côtés, travailler pour eux finalement, ça a été quelque chose qui a été motivant.

  • Speaker #0

    Ça a été très motivant de deux manières différentes. J'ai adoré les soins aigus tels que je les ai connus en réanimation, au point que le fait que j'étais un réanimateur pas trop mauvais m'a collé au pied, parce qu'au fond, quand j'allais dans un service, on disait Ah mais, oui, je sais que vous prenez les gardes en premier, que vous vous débrouillez très bien, machin, donc on ne se posait pas la question de savoir est-ce que j'allais... pouvoir faire autre chose que de la réanimation, mais donc j'avais cette étiquette de réanimateur, et c'est une forme d'engagement, bien sûr. Et puis, j'ai... adoré faire de ce qu'on appelle aujourd'hui de l'exploration fonctionnelle et du bilan diagnostique et de la prévention. Ça ne s'appelait pas encore la prévention, mais c'était déjà de la prévention. Et là, je me suis dit là, on fait quelque chose qui sert à quelque chose. Alors, c'était dans le domaine essentiellement des maladies rénales. Mais oui, quand on a monté les premiers centres d'exploration à Bichat, puis à Pompidou, on a l'impression de faire quelque chose qui sert.

  • Speaker #1

    Tu peux nous expliquer un peu un peu ta spécialité

  • Speaker #0

    J'ai été, comme on dit, formé en néphrologie et il y a deux choses qui m'ont vraiment intéressé, suffisamment pour y passer beaucoup d'heures pendant beaucoup d'années, qui sont d'une part la progression de la maladie rénale chronique, c'est-à-dire 10% de la population est malade d'airain dans tous les pays industrialisés. C'est très très bien réparti. Ça ne veut pas dire que tous sont très graves et que tous ont besoin de dialyse ou de transplantation, bien entendu. Mais ça veut dire que plus on les prendra tôt et plus on mettra en œuvre des mesures de protection des reins, plus on a des chances de ralentir ce qu'on appelle la progression de la suffisance rénale chronique, c'est-à-dire cette perte inéluctable. de tissu rénal sain qui va aboutir finalement à la perte fonctionnelle des reins. Et l'obsession des néphrologues, c'est-à-dire ces malades, ces docteurs qui s'occupent des reins, c'est au fond de détecter très tôt la petite proportion de malades. qui vont progresser très rapidement et qui vont devenir très rapidement très malades. Et puis il y en a d'autres qui, au bout de 25 ans, continuent à se porter comme des charmes. C'est très difficile de savoir avant lequel va aller mal vite et lequel ne va pas aller mal vite. Ça, c'est un sujet majeur en néphrologie. On y a passé beaucoup de temps à travers des modèles animaux, à travers des recherches cliniques. Et puis ce qui m'a intéressé beaucoup, c'est une autre maladie qui est très fréquente dans la population, qui est la lithiase. C'est des gens qui font des calculs, qui ont des coliques néphritiques. On dit que c'est 20% de la population. C'est super fréquent. Et en particulier, ce qu'on appelle des calculs de phosphate de calcium. Et je me suis intéressé aux mécanismes dans le rein qui transportent le phosphate. Pourquoi il y en a qui l'accumulent, pourquoi il y en a qui ne l'accumulent pas. D'un point de vue génétique, d'un point de vue fonctionnel. Donc ça, ça a été le deuxième grand dada de... de ma vie professionnelle.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu peux nous partager ce qui a le plus changé durant toute ton expérience

  • Speaker #0

    Je pense que, pour prendre deux exemples, la lourdeur, l'encadrement et la rigueur aussi des essais cliniques s'est alourdie de manière absolument considérable. Ça, c'est... Enfin, je veux dire, on faisait un essai clinique... Je n'allais pas dire à la one again, mais enfin, voilà, on avait une idée, on se disait qu'on allait faire ça, on soumettait quand même un comité de protection des personnes, ça existait déjà à l'époque, et puis on faisait, on pouvait conserver des échantillons de sang, de plasma, éventuellement de tissu. Et l'encadrement et la rigueur qu'on est obligé de mettre, et donc le coût, des essais cliniques a changé et a alourdi de manière absolument considérable au point que Les gens commencent à se dire aujourd'hui, mais on ne va pas pouvoir continuer comme ça, faire des essais aussi lourds, aussi chers, aussi lents, qui nécessitent autant d'énergie. Et donc, il y a tout un mouvement sur les nouvelles méthodologies d'essais cliniques, en faisant intervenir de l'intelligence artificielle, pour faire ce qu'on appelle aujourd'hui des patients artificiels. C'est-à-dire, pour qu'un essai soit utile, il faut des populations de patients, des cohortes de patients, extraordinairement. grandes, et comment est-ce qu'on peut avoir des grandes cordes de patients pour des maladies très rares On voit bien qu'il y a une incongruité. Donc, comment est-ce qu'on est capable d'avoir des résultats significatifs, malgré tout, en utilisant des astuces et de l'intelligence numérique Donc ça, c'est une vraie évolution. Ça, c'est une évolution qui est récente, mais qui est formidable. Il y a un livre blanc qui vient de sortir là-dessus. Et donc, je pense que ça, dans les quelques années qui viennent, on va beaucoup en parler. Et puis, là encore, l'informatique et la manière de manipuler les choses et de manipuler les images en biologie a été un tournant radical. Parce qu'on montrait un résultat, on montrait des moyennes et des écarts-types d'une situation A qu'on comparait à une situation B. Il y a 40 ans, la plupart des gens vous croyaient. Quand on montrait un résultat, on était cru. Bon, il y a eu toujours des fraudeurs. Des fraudeurs, il y en a eu depuis des siècles, donc ce n'est pas le sujet, bien sûr. Mais quand on a commencé, je me souviens très bien, les débuts de Photoshop, où on montrait des gels de migration, des blottes, comme on dit, et on disait, mais avec Photoshop, moi, je vais faire apparaître des bandes qui n'existent pas, et je peux édulcorer une bande qui existe. Autrement dit, la manipulation d'images a été... un sujet de préoccupation majeur dans l'authenticité et la preuve de la véracité des résultats expérimentaux. Et ça n'a fait que croître, parce qu'au fond, aujourd'hui, on est capable de manipuler à peu près n'importe quel résultat. Donc, comment on fait pour établir un lien de confiance entre un chercheur et un journal auprès duquel il veut être publié C'est un vrai sujet de réflexion qui touche à la fois au bricolage numérique et à l'éthique. Ça, c'est des évolutions caricaturales, mais il y en a bien d'autres.

  • Speaker #1

    Tu as eu des postes avec des gros challenges répétés. J'imagine bien qu'on t'a demandé des résultats rapides. Comment tu as fait pour trouver le juste équilibre entre le travail de fond qui est nécessaire pour réaliser les grands changements et ces résultats rapides, effectifs, qui te permettent de continuer ta mission

  • Speaker #0

    Je ne l'ai pas ressenti dans le domaine clinique. Je l'ai ressenti au quotidien dans le domaine de la recherche. Parce qu'il y a d'un côté, je ne peux pas me contenter de faire du MeToo, c'est-à-dire de faire la xième étude qui va ressembler à l'étude précédente et qui ne fera pas avancer le sujet. Et d'un autre côté, la loi... publish or perish, elle existe depuis très longtemps. Et oui, il y a une course à l'échalote, et oui, il faut du résultat. Et ça, c'est compliqué, et à nouveau, comme d'autres paradoxes apparents, ça ne se résout pas à l'échelle individuelle. Ça ne peut se trouver de solution satisfaisante qu'à l'échelle d'une équipe, en protégeant. Le coureur de fond dans le peloton, en lui permettant de continuer à courir, mais sans nécessairement être le premier au col, sans nécessairement attirer les lumières, mais c'est lui qui demain sera dans la lumière. Mais si on ne le protège pas, et si on ne lui permet pas de continuer à engranger sur une route pas toujours simple, un peu périlleuse, en mettant en avant d'autres qui là sont déjà sur des filons qui... qui commence à bien donner. Donc, il y a des dynamiques. Là, c'est un vrai management d'équipe. Parce qu'il faut, en même temps, maintenir, j'allais dire, tout le monde au taquet. Il faut éviter les frustrations, qui, de toute façon, sont consubstantielles au métier de chercheur, déjà. Et il faut essayer de faire qu'au bout du compte, tout le monde y trouve à peu près son compte.

  • Speaker #1

    Tu es finalement en train de me parler de leadership, j'ai bien l'impression. Est-ce que tu peux nous donner, pour toi... Qu'est-ce que c'est qu'un leader

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a deux ou trois mots qui, me semble-t-il, le caractérisent. C'est très compliqué d'être un leader si on n'a pas de vision. Donc il faut une vision. Ça peut être en organisation des soins, ça peut être en organisation de la recherche, ça peut être sur une thématique de recherche. Je parle du domaine de la santé, qui est un domaine que je connais un peu, encore que ça, c'est sûrement applicable à d'autres. Ça, c'est le premier point. Et le deuxième, qui me paraît très important, c'est... de susciter de la confiance. Alors, on peut diriger par la terreur. J'en ai connu, tu en as connu. Ça ne dure jamais très longtemps et les dégâts sont catastrophiques. Je le vois, et encore aujourd'hui, je le vois... Bon, j'ai eu la chance de... de diriger une grosse fac, des gros services hospitaliers, un centre de recherche, c'est toujours la même chose. Il faut qu'à un moment, les gens viennent te voir parce qu'ils ont confiance et qu'ils pensent que ce que tu vas les aider à faire, tu vas le faire pour eux, pour la communauté, mais aussi pour eux. Il y a toujours dans la demande de l'interaction, une demande de bénéfice individuel direct, qui n'est pas antinomique du bénéfice. communautaire ou du bénéfice collectif, pas du tout. Mais de dire je fais tout pour la communauté, mais je vais faire que des malheureux au titre individuel, ça ne tient pas, ça ne tient pas. Et surtout, on ne fait pas grandir les gens. Et au fond, la satisfaction, c'est de faire des petits quand même.

  • Speaker #1

    Ta position de leader que tu as eue dans tous tes postes, elle a été très différente quand tu as été chef de service ou quand tu as été doyen de la faculté ou... patron de la recherche, il y a eu des éléments très différents à développer selon les postes que tu as eus Il y a des éléments différenciants.

  • Speaker #0

    Quand tu diriges un groupe de recherche, ou plus gros, mais en recherche, au fond, tu essayes de... J'allais dire, tu fais la courte échelle et tu essayes d'envoyer en l'air un, deux, trois, cinq plus jeunes aux étoiles, le plus haut possible. Le plus haut possible. Moi, quand je vois... J'en ai encore des exemples, quand je vais traîner ce qui m'arrive à Necker, c'est formidable. Il y en a quelques-uns que j'ai vraiment beaucoup incubés qui ont fait beaucoup mieux que moi. C'est juste formidable. Dans la position d'un doyen, d'une certaine manière, les gens mettent leur carrière dans tes mains. Pour d'autres raisons, pour des raisons administratives, pour des raisons de stratégie hospitalo-universitaire. C'est une fichue responsabilité. Mais finalement, le lien que tu tisses, qui est un lien vraiment de confiance individuelle, dans mon expérience plus récente à l'hôpital américain, dont je n'ai pas parlé, mais dont on peut parler si tu le souhaites, le poste de directeur médical, c'est pareil. Tu as tous les droits dans ton dialogue avec un médecin, sauf un. Tu n'as pas le droit de casser le fil. Jamais. C'est comme la pêche au gros, tu ne casses pas le fil. Tu mets le temps qu'il faut pour rétablir une relation, tu ne casses pas le fil. C'est capital. Et l'autre le sent. Toujours. Après, il y a une diversité de personnages en face de toi et tu ne te comportes pas exactement de la même manière avec chacun, bien entendu, mais de la confiance.

  • Speaker #1

    Cette confiance dont tu nous parles, elle a servi à fédérer en pluriprofessionnel dans un secteur où parfois les docteurs, les paramédicaux,

  • Speaker #0

    les administratifs ont du mal à communiquer ensemble La réponse est oui et j'étais en train de me dire en t'écoutant que... Ça vaut aussi bien, j'ai eu la chance de diriger un pôle hospitalier quand j'étais à Pompidou, qui était un pôle d'imagerie, donc c'était en même temps beaucoup de moyens, et puis des docteurs, des manips, des infirmières et des infirmiers, des aides-soignants. Au fond, on ne parle pas différemment, les sujets sont différents, mais on ne donne pas de soi de manière si différente. à un collègue médecin, à un aide-soignant, à un brancardier. Je pense que c'est vraiment... Tu sais, dans l'opéra, il y a ce qu'on appelle le sing-spiel C'est-à-dire, tu parles et puis tout d'un coup, ça devient de la musique. Et tu n'as pas vu où était la transition. Et au fond, ça, c'est très important. C'est-à-dire que ton comportement, ton intonation ne change pas tant que ça selon que tu parles, que tu chantes et que tu t'adresses à un chef de service ou que tu t'adresses à un personnel non médical parce qu'évidemment ils sont dans la même barque. Et c'est vrai aussi dans un laboratoire de recherche. J'ai gardé des relations amicales et ça ne dépend pas du statut du tout. Pas du tout. Il y a des gens qui se donnent. Après, je comprends tout, les contingences, les difficultés personnelles. Enfin, évidemment, je n'ai pas un discours bisounours, mais le leadership ne peut pas être exercé vis-à-vis d'une catégorie de personnel et pas vis-à-vis d'une autre. Ah ça, c'est un désastre. C'est un désastre. Mais dans le milieu qu'on connaît un peu jusque récemment, c'est pareil.

  • Speaker #1

    Tu as été... Presque constamment dans ta carrière, dans l'obligation d'innover, finalement, comment on arrive à vraiment innover et à être réellement le premier Tu nous as parlé un peu de la course à l'échalote, à sortir l'idée pour sortir l'idée. Mais la vraie innovation,

  • Speaker #0

    elle vient comment Ce n'est pas de l'intelligence. Je pense que ça a à voir avec une forme de capacité à regarder. Et quand on ne sait plus comment l'appeler, on appelle ça l'intuition. Deux anecdotes. parce qu'elles sont différentes, mais elles résument bien ça. Avant que j'arrive à l'hôpital européen Georges Pompidou, on m'a expliqué que dans les secteurs de ce qu'on n'appelait pas encore beaucoup la médecine ambulatoire, à ce moment-là, on ne pouvait pas faire d'hôpital de jour. Donc on pouvait faire, tu connais ça par cœur, de la consultation, puis de demander un premier examen, puis on revenait à l'examen, puis on a demandé un deuxième examen, puis on faisait le deuxième examen. Puis on faisait une prise de sang, puis on revenait à la prise de sang. N'importe quoi. Et donc, on s'est dit, mais il faut faire des hôpitaux de jour. Et il faut multiplier les hôpitaux de jour. Et je faisais de la médecine, je ne faisais pas de chirurgie. Et j'ai eu cette discussion avec un administratif qui a eu cette réponse géniale. Il m'a dit, mais ça ne va pas être possible, monsieur le professeur. Je dis, pourquoi ça ne serait pas possible Parce qu'un hôpital de jour, c'est une alternative à l'hospitalisation traditionnelle. Vous n'avez pas d'hospitalisation traditionnelle, donc vous ne pouvez pas avoir d'hôpital de jour. Caramba J'avais pas vu... Voilà. Et donc, on a monté les hôpitaux de jour. Et après, c'était amusant, parce que le jour où on a fait des hôpitaux de jour d'exploration, j'avais tous mes potes qui étaient dans d'autres services d'exploration à travers la paix qui venaient me voir pour voir comment on avait fait les montages, machin. C'est un tout petit exemple, c'est une rognure d'ombre, mais c'est... Voilà, c'est de l'innovation organisationnelle. qui a un petit peu rendu service. Après, il y a de l'innovation en recherche, bien sûr, et il y a de l'innovation en formation. J'ai eu la chance, quand j'étais doyen, je me suis dit un jour, mais tout le monde parle d'intelligence artificielle, et je pense qu'il n'y a pas grand monde qui comprend quelque chose. Donc on va faire une chaire d'intelligence artificielle en santé, une chaire de formation. On a fait un diplôme d'université, puis on a fait des masterclass autour, et on a eu la chance d'être assez... Enfin, d'être les premiers à le faire, quoi. Et donc, ça a eu deux conséquences. La première, c'est que ça a pris de la notoriété, ce qui était sympa. Mais la deuxième, surtout, c'est que ça a été très bien sponsorisé par des mécènes qui n'avaient pas eu l'occasion de mécéner ce genre de produit, pour parler marketing. Et donc, ça a permis d'accélérer et de faire des choses très amusantes. Aujourd'hui, c'est d'une très grande banalité. Et de toute façon, un produit, au bout de cinq ans... Si on ne le relook pas et si on ne fait pas un effort de mise à jour, il se périme.

  • Speaker #1

    Innover, c'est donc aussi mettre des moyens.

  • Speaker #0

    Indispensable. Ce qui ne coûte pas cher, c'est les idées. Mais le nombre d'idées qui se transforment en réalisation, le rendement est bien moins bon que celui de la machine à vapeur. Il y a un déchet atroce. Et c'est pour ça que quand on me dit qu'on manque de moyens, quand les médecins disent qu'il nous faut quelqu'un qui nous aide à écrire les articles, non, mais non Ils ont besoin de moyens, surtout quand ils ont des tâches cliniques lourdes, entre le moment où ils disent j'ai une idée et au moment où cette idée devient un vrai protocole de recherche clinique, c'est un chemin critique qui est long. qui est exigeant, qui nécessite des compétences multiples. Et si on ne les aide pas à faire ça, et donc des moyens, si on ne les aide pas à faire ça, l'idée restera une idée. Et ce qui leur permettra de dire, parce qu'il y a toujours des bénéfices secondaires à la frustration, Ah, si on m'avait aidé, c'est atroce. C'est comme dans la chanson de Cabrel, Si j'avais pu, si j'avais su, si j'avais eu moins peur Et donc, voilà, et cette frustration-là, c'est celle-là qu'il faut éviter. Vraiment, c'est celle-là qu'il faut éviter. Une idée, si on y croit et si celui qui l'a n'est pas le seul à y croire, s'il arrive à en convaincre deux ou trois autres, alors ça vaut la peine d'organiser les choses pour que ça devienne autre chose qu'une idée.

  • Speaker #1

    Quand on parle d'innovation, forcément, on peut parler d'échec, puisque être un innovateur, c'est accepter un pourcentage d'échecs important. Est-ce que tu peux nous partager le plus gros échec que tu as vécu dans ta carrière

  • Speaker #0

    Instantanément, les images qui me viennent sont des images de recherche. J'ai cherché pendant très longtemps des récepteurs sur un type de cellule particulier, des récepteurs d'une hormone particulière, peu importe, et je ne les ai pas trouvés. Mais c'était avant l'ère de la biologie moléculaire, et ça a été une frustration de ne pas les trouver. Et un jour, j'ai lu un papier où on m'a dit qu'on a fait la preuve qu'il n'y avait pas de... pas ces récepteurs sur ces cellules. Donc, tu ne pouvais pas les trouver. Alors, a posteriori, j'ai... Mais sur le moment, oui, une grande frustration. Et si je twist, si je tords un tout petit peu ta question, les craintes, en recherche, il y a un moment qui est terrible, c'est le moment où tu trouves quelque chose et où tu es sur le fil du rasoir. entre d'un côté, il faut que je me dépêche parce que quelqu'un d'autre va le trouver avant moi, ou va le publier avant moi, et de l'autre côté, j'espère que je ne suis pas allé dans un cul-de-sac, et ce que je vais dire, c'est vrai. Et donc, cette espèce de soulagement qu'on a quand, quelques mois ou années plus tard, quelqu'un d'autre répète les mêmes résultats et retrouve ce que tu as publié, Je ne m'étais pas complètement trompé. Donc ça, c'est un vrai... Et je reprends l'exemple de l'hôpital pour finir ça. Quand je suis arrivé à l'hôpital européen Georges Pompidou, je connaissais bien le directeur, qui était un homme très intelligent, que j'aimais bien, et je lui ai dit, il faut faire un check-up center. Au sens où nous connaissons les check-up centers. Avec un entrepôt de données. Bon, c'était déjà dans 2002, 2003, on commençait à savoir que la data, ça allait être important. Et il m'a dit, Gérard, bien sûr qu'il faudrait le faire. Et maintenant, je vais t'expliquer pourquoi on ne va pas le faire. Et pour des raisons qui étaient tout sauf raisonnables et ambitieuses. mais qui était qu'on était à la paix, on ne pouvait pas se le permettre. Ça, c'est un échec, parce que j'arrivais, je me suis dit, ça va être une pépite. Bon, j'ai découvert quelques années plus tard que c'était une pépite ailleurs. Mais voilà, ça, c'est un échec. Ce n'est pas un échec de réalisation, c'est un échec d'essai de convaincre quelqu'un que je n'y suis pas arrivé. Je ne suis pas arrivé. Voilà.

  • Speaker #1

    Tu t'es senti seul par moments Oui,

  • Speaker #0

    dans le métier de doyen, tu es seul. Tu es seul, ça veut dire, il y a une équipe, j'avais des amis avec moi, dont un qui était vice-doyen, avec qui je me suis formidablement entendu. Mais tu sais, il y a un moment, parce que c'est oui, mais je ne prends pas les décisions tout seul, j'ai un conseil qui m'aide. Bon, c'est de la blague. Il y a un moment... Tu mets le pouce en haut ou tu mets le pouce en bas. Et c'est en face la carrière de quelqu'un. C'est mieux de ne pas trop se tromper.

  • Speaker #1

    Et ta plus grosse fierté

  • Speaker #0

    C'est mes enfants. J'ai trois enfants. Ma fille aînée a fait sa trace. Elle est dentiste, elle a fait des études d'odontologie. Elle a été nommée prof d'odonto cette année. Et elle a été d'une intelligence et d'une persévérance, d'une intelligence intellectuelle, je veux dire. Elle a cherché, tu sais, c'est comme en escalade. Il y a un moment, tu ne sais pas par où tu vas passer. Et puis tu mets une main, puis tu mets un pied, puis tout d'un coup, parce que tu t'élèves de 20 centimètres, tu vois ce que tu ne voyais pas 20 centimètres en dessous. Et tout d'un coup, tu vois où mettre la main suivante. Et elle a fait ça, de manière vraiment intelligente, et elle a croisé des aspects de santé publique et de qualité de vie avec des aspects maladies rares de la sphère orale. Et c'est une trace. C'est une trace, c'est-à-dire qu'avant, c'était de la poudreuse. Ça, c'est formidable. Et puis, j'ai un fils qui est biologiste et une fille qui fait de la communication et du lobbying avec une maestria formidable. Voilà, je suis... Quand je dis que je suis fier de mes enfants, ça ne veut pas dire que je suis en total accord avec eux tous les jours. Ça veut dire que ce sont des personnes... Ils sont devenus des personnes adultes pour qui j'ai de l'estime, du respect. paix et de l'amour, bien sûr. Mais ce sont des belles personnes.

  • Speaker #1

    Et ta carrière a contribué à ton bien-être personnel et à leur transmettre un message, une façon d'être,

  • Speaker #0

    une façon de vivre Ils ont la faiblesse de le dire. Oui, je... Même en n'étant pas trop lucide, je crois que je suis un peu lucide, je pense que j'occupe un peu de place. Et ils me l'ont dit. Alors après... Il y a des moments où tu occupes un peu de place, il y a des moments où tu occupes un peu trop de place. Et ils l'ont dit, et ils l'ont dit. Mais en même temps, aujourd'hui, je fais des projets professionnels avec eux. C'est-à-dire qu'on cherche des moyens de se retrouver dans des nouveaux projets. Donc il ne s'agit pas de reprendre l'entreprise familiale, tu vois ce que je veux dire. Il n'y a pas d'entreprise familiale, il n'y en a pas. Mais de monter des projets avec... Avec des gens que j'aime et avec mes enfants,

  • Speaker #1

    ça me plaît bien. On arrive à avoir ta carrière, ton engagement, et à être présent et à réussir à transmettre tout ce que tu as transmis

  • Speaker #0

    Je ne sais pas répondre à ça. Je suis capable de reconnaître une dizaine de personnes avec qui j'ai des liens et dont je pense qu'ils sont devenus ce qu'ils sont aussi parce qu'on a fait un bout de chemin ensemble. C'est des médecins, pas que des médecins, mais beaucoup de médecins. Mais encore, la magie des rencontres, c'est quand même... Dans n'importe quel milieu professionnel, il y a cette magie-là. Et il faut pas... Ce que je veux dire, c'est qu'il faut se donner à ces relations interhumaines avec la même passion qu'on fait de la recherche. Enfin, pourquoi on donnerait pas sa chance à une relation Ça, ça continue à être ma grande... Si je me lève le matin, c'est aussi pour ça. Oui, on finit par occuper de la place. Et puis, j'ai eu beaucoup de chance parce que parmi les rencontres, il y a la personne avec qui je vis et que les discussions commencent le matin au petit déjeuner devant le thé. C'est d'une richesse folle. Je ne dis pas que c'est... tout facile, tout simple, tout rose, et que de temps en temps on frotte pas la peinture. Mais est-ce qu'aujourd'hui je suis apaisé sur mon pas, heureux de me lever toujours Tu sais, dans la religion juive, il y a le Shabbat à la fin de la semaine, le jour où on ne travaille pas, le jour où Dieu s'est reposé, après avoir beaucoup bossé pendant la semaine, et il est dit... tu accueilleras le Shabbat comme une fiancée. Et moi j'ai toujours dit à mes enfants, parce que je le sens profondément, c'est chaque jour qu'il faut accueillir comme une fiancée. C'est pas une fois par semaine. Je te dis pas que tous les matins, quand le réveil sonne à 6h, je suis content que le réveil sonne. Mais il faut accueillir chaque nouvelle journée comme une bénédiction. Et ça, ça continue.

  • Speaker #1

    Comment tu penses que le monde de la santé va évoluer

  • Speaker #0

    Ce qui me paraît clair, c'est que l'hospitalisme, l'hôpital prédominant, voire unique, comme objet de santé, est derrière nous. Et que de la même manière qu'il y a aujourd'hui du télétravail qui peut être productif, tout le télétravail n'est pas productif, mais il peut y avoir du télétravail productif, de la même manière... Il y aura du soin ambulatoire, il y aura du parcours de patients intelligents avec, de temps en temps, ma voiture aujourd'hui, j'ai quand même conduit chez le garagiste parce qu'il a besoin de sa révision. Donc on peut passer par la case hôpital de temps en temps, mais je pense que vraiment l'évolution, je ne sais pas si c'est une révolution, mais l'évolution marquante, c'est de faire pour de vrai. des parcours patients. Parce qu'on l'a beaucoup dit, mais je trouve qu'il faut le faire maintenant. Et du coup, le leitmotiv des déserts médicaux, que je ne nie pas, je préfère dire qu'il y a des zones plus favorisées que d'autres, des zones où il y a une densité d'expertise qui est plus importante que dans d'autres, mais on fait comme si les nouveaux outils, au fond, ne facilitait pas les choses. Or, il facilite les choses. Ça ne veut pas dire qu'il remplace la relation médecin-patient, la relation humaine entre un soignant et un malade, qui aujourd'hui me paraît devoir rester aussi indispensable qu'elle l'était, et elle s'est dévalorisée au cours des dernières années, mais on fait comme si... On était content des nouveaux outils, mais qu'on répugnait à s'en servir. On dit... Moi je pense que tout ce qui est de nature à faciliter, moi ce qui me rend dingue, c'est de me retrouver devant un ordinateur, devant des applications qui sont tellement mal faites qu'on tourne en boucle et qu'on n'arrive pas à trouver la sortie. Et donc ça, ça rend dingue, parce que... Pourquoi ça rend... Parce que non seulement c'est une perte de temps, mais parce que ça instille de la défiance. Comment veux-tu avoir confiance dans un système qui te fait faire la course du rat dans le labyrinthe C'est atroce. Donc, d'avoir, grâce aux outils qu'on est capable de développer, un téléphone aujourd'hui, on ne se prend pas le chou, il fonctionne. Un iPad, il fonctionne. Quand on sera capable de faire des parcours patients aussi fluides qu'on est capable de commander, le repas thaï pour le soir sur une application sur son téléphone, ça va marcher. Ça va marcher. Parce que les gens auront confiance. Ils commandent un repas, ils ont confiance, ils attendent sur le pas de la porte parce qu'ils savent que le repas va arriver. Et qu'il va arriver comme ils l'auront commandé. Et donc je pense que ce même degré de fluidité et de fiabilité... On ne le mettrait pas à disposition pour la santé des patients. Ce n'est pas possible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que tu attends de la jeune génération Qu'ils aient faim,

  • Speaker #0

    qu'ils soient curieux et qu'ils aient envie de se défoncer. Je vais le dire autrement, c'est en tout cas ce que j'ai moi essayé de transmettre. Je ne dis pas que ce sont des bonnes valeurs ou une bonne recette, mais l'idée baroque auquel certains pourraient adhérer que ça va arriver sans se donner de mal... J'ai un petit doute. J'ai un petit doute. Mais je vois des jeunes professionnels ou des étudiants qui ont envie, qui ouvrent grand les yeux parce que ça les intéresse. Et puis à nous aussi de souffler sur les braises et d'allumer le feu.

  • Speaker #1

    Et le statut presque sacré de PUPH, il doit évoluer

  • Speaker #0

    Deux. Moi, je pense qu'il va évoluer pour deux raisons. La première est que, à nouveau, un PUPH tout seul, ça n'a pas de sens. Les carrières hospitalo-universitaires où on dit il y a une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche et avec tes petits bras musclés, mon gars, tu vas faire ça tout seul pendant 30 ans non seulement c'est un mensonge, mais c'est une gageure, ça n'est pas possible. qu'en revanche, à l'échelle d'une équipe, il y en ait certains qui fassent davantage de soins, d'autres qui se consacrent davantage à la recherche, et puis que certains fassent la formation, ou qu'on se mette à plusieurs pour faire la formation, et que cela ne soit pas gravé dans le marbre pour 30 ans, mais qu'on change de rôle au bout d'un moment, parce qu'on est sec, que le soin, au bout d'un moment... On n'en peut plus et qu'il faut faire une pause, mais que par contre on voudrait bien pousser une ou deux idées d'encherche clinique et que d'un autre côté, la recherche, on a un passage à vide, mais ça fait du bien d'aller faire du soin. Donc, redéfinir les missions de chacun au sein d'une équipe, ça c'est indispensable. Et puis qu'il y ait des statuts hospitalo-universitaires qui ne soient pas des statuts à vie, que ce soit pour une période définie de cinq ans ou plus si ça se passe bien. Ça, je pense que c'est une évolution qu'on va voir également. Et c'est quoi la prochaine porte pour Gérard Frey de l'Enfant Ça va être compliqué de ne pas refaire de projet, mais je voudrais qu'on pousse des... Des projets en famille, professionnels. Et puis apprendre peut-être à mes petits-enfants à grimper sur un rocher.

  • Speaker #1

    Merci Gérard pour ta participation au podcast Raison d'être.

  • Speaker #0

    Merci à toi.

  • Speaker #1

    Et autant de partages sur toutes tes expériences.

  • Speaker #0

    Je n'étais pas parti avec l'idée de partager tout ça. Tu fais bien tout ce que tu fais.

  • Speaker #1

    Merci Gérard.

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