- Speaker #0
Maintenant que j'ai quitté les patients quand même depuis quelques années, le seul rêve que je fais, c'est que je traite des patients. Donc quand on me dit est-ce que ça te manque ? Je ne me semble pas, mais en fait sûrement.
- Speaker #1
Bonjour, je suis Félix Mamoudi, fondateur de Leader for Health. Bienvenue dans Raison d'être, le podcast qui réunit les leaders du monde de la santé d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Dans cet épisode, nous accueillons le professeur Jean-François Desnault, ancien chef de service de la réanimation, puis président de la commission médicale d'établissement à l'hôpital Cochin. Bonjour Jean-François, bienvenue à toi.
- Speaker #0
Merci Félix, bonjour à toi.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux commencer par nous raconter ton parcours ?
- Speaker #0
Oui, écoute, mon parcours, d'abord mes parents. Mon père était béniste et puis ma mère était secrétaire. Une famille assez modeste. Ma mère avait déjà des problèmes cardiaques. Elle a été l'une des patientes opérées à cœur fermé, une des premières en 1953. Ça a sûrement participé à mon parcours un peu après. Mes études secondaires se sont passées sans trop de soucis. J'étais plutôt un peu foromaté en physique. Et d'ailleurs, quand j'ai passé le bac, Tous mes profs voulaient absolument que je fasse une école d'ingénieur. D'ailleurs, j'ai commencé un peu à faire ma dessus, mais clairement, ce n'est pas ce que je voulais faire. Et clairement, je voulais avoir des rapports sociaux avec les gens. Et la médecine était vraiment une ouverture pour moi qui était extrêmement intéressante. Donc, je me suis engouffré dans la médecine avec beaucoup d'enthousiasme et beaucoup de joie. J'ai commencé à faire beaucoup de remplacements infirmiers parce que j'ai... Je pensais d'emblée que c'était important d'être près des patients et puis de comprendre un petit peu ce milieu. C'est vrai que le fait que j'étais beaucoup à l'hôpital avant avec ma maman a sûrement joué un rôle important pour que je me rapproche très fort. Alors j'ai commencé par être bancardier parce que vous ne pouvez pas être infirmier tout de suite. Et ça m'a passionné autant que tout le reste. Et finalement, c'est quelque chose qui m'a toujours marqué, rester près un petit peu du personnel soignant. Je pense que c'est... parce que j'avais envie, parce que ça me faisait plaisir. Et puis finalement, on va voir que c'est extrêmement important. J'ai été assez vite en réanimation en soins intensifs parce que c'était vraiment une spécialité qui collait avec mon passé d'ingénieur que j'avais aussi envie de faire. Et donc toute cette nouvelle technologie, toute cette nouvelle spécialité qui débordait finalement de monitoring. On a mis en place des circulations extracorporelles pour la première fois au lit du malade, on a fait la première fois des hémodialyses, des hémofiltrations, enfin bon, beaucoup de technologies autour du malade. Mais en même temps, c'était d'emblée, je me suis beaucoup intéressé à tout ce qui concernait les relations avec le malade, et surtout en réanimation, les relations avec la famille, car on sait bien que c'est vraiment toujours des problèmes difficiles que d'avoir un patient un peu en réanimation. Donc je suis resté à la soute, comme je dis, pendant plusieurs années. Et puis j'ai eu un petit parcours parallèle, parce que je me suis intéressé très rapidement à la recherche. Et donc j'ai fait une maîtrise, et puis ensuite j'ai fait ma thèse à Paris-Saclay, dans un laboratoire de physiologie comparée. Et puis ensuite j'étais aux Etats-Unis, je raconterai un petit peu ça peut-être tout à l'heure. Et quand je suis revenu, j'ai eu une carrière hospital-universitaire. Je me suis intéressé toujours beaucoup à la technologie et puis en même temps aussi au management. Je suis resté chef de service 4-5 ans et puis ensuite j'ai pris d'autres activités transversales. J'ai été président de la commission médicale d'établissement à Cochin où j'étais, puis doyen, et puis ensuite président d'une université. Paris Descartes qui maintenant a fusionné pour devenir Paris Cité. Et puis j'ai dirigé l'agence d'évaluation de la recherche et d'enseignement supérieur. Pour revenir finalement après à la maison mère, c'est-à-dire l'assistance publique, où j'ai présidé un groupement au sein de la DRCI, de l'assistance publique, où on faisait essentiellement de l'archège clinique. À 69 ans, il fallait que j'arrête ma carrière à l'hôpital universitaire, on ne pouvait pas continuer. J'ai rencontré à ce moment-là Claude Evin et on a créé ensemble finalement le Lab Santé qui était une petite unité. extrêmement agile qui finalement essayait de mettre ensemble les industriels, les chercheurs, les cliniciens, essayer de construire un certain nombre de choses ensemble. Et ça a très bien marché pendant cinq ans. Au bout de cinq ans, finalement, celui qui a succédé à Claude Evin a voulu mettre dans un groupement d'intérêts publics. Moi, je n'aime pas trop ces grosses administrations. On était une association, je suis en partie dans une autre société qui s'appelle le Liberté Living Lab, qui est une société qui est beaucoup plus multidisciplinaire, qui aide toujours les projets des jeunes, qui aide toujours les industriels, les académiques, mais qui a beaucoup de sens humain, qui a des finances, donc quelque chose de beaucoup plus multidisciplinaire et c'est là où je suis de toute façon actuellement.
- Speaker #1
Le plus gros tournant de ta carrière ?
- Speaker #0
J'ai eu plusieurs tournants. Disons que peut-être que le plus gros tournant, c'est quand j'ai pris vraiment des fonctions importantes du point de vue management. Quand le président de l'université, ça a été vraiment un tournant doyen. On reste très très près finalement, ce n'est pas un job plein temps, on est très près finalement encore de l'hôpital et des malades. Le président de l'université, c'est beaucoup plus prenant. Ensuite, pour évaluer l'enseignement, la recherche, ça prend aussi beaucoup de temps. de temps. Donc ça a été ce tournant-là, un tournant vers le management. Mais en même temps, j'ai retourné le dos en revenant finalement après, un petit peu plus près des patients en faisant de la recherche clinique. Mais il y a aussi un gros tournant pédagogique. Mais c'est plutôt un fil rouge. Ils ont la pédagogie plutôt un fil rouge. J'ai toujours essayé, même maintenant, d'essayer de transmettre un certain nombre de choses.
- Speaker #1
Tu as toujours gardé une activité de recherche clinique en parallèle de tes activités ?
- Speaker #0
J'ai toujours essayé de maintenir une activité de recherche clinique et maintenant c'est vrai que je ne fais pas moi-même de la recherche clinique, mais disons que j'aide les plus jeunes de toute façon à répondre à des appels à projets, qu'ils soient des appels à projets de France 2030 ou que ce soit des appels à projets européens ou éventuellement dans un autre cadre, ou créer une nouvelle structure. Maintenant je suis plus dans la construction de projets, mais plus trop les mains dans le cambouis avec les patients et la recherche clinique.
- Speaker #1
Avoir le patient comme finalité, tu nous en as parlé sur ton rôle de réanimateur, ça a été une source de motivation pour toi ?
- Speaker #0
Je pense que c'est toujours une source de motivation, même si je suis un petit peu plus éloigné. Les patients, c'est vraiment un lieu commun de dire que c'est au centre de la santé. Ça ne l'est pas toujours, mais je pense qu'il faut vraiment être toujours tout près des patients. des patients et de leur famille. Et je pense que la grosse évolution qu'il y a eu un petit peu à la fin de ma carrière, c'est que le patient est plus considéré comme finalement quelqu'un qu'il faut aider, mais qui n'a pas finalement une volonté propre. Et maintenant, c'est vraiment le patient partenaire. On a appris ça beaucoup au niveau des Canadiens. Quand j'étais président d'université, on a beaucoup travaillé avec les Canadiens sur... la participation des patients non seulement à leurs soins, à leurs propres soins, mais aux soins des autres, et aussi à l'enseignement et en même temps à la recherche. Donc le patient partenaire est vraiment quelque chose, une évolution, qui est à mon avis une évolution extrêmement positive. Maintenant il y a des patients experts, il y a une université des patients, un sorbonne d'université, je pense que c'est une très belle évolution, qui marque finalement, certes c'est très important d'être près du patient, c'est très important de l'aider, Mais c'est très important aussi de ne pas le considérer comme quelqu'un d'inactif, mais comme quelqu'un d'actif pour sa propre santé. Et en même temps, après, quand ça va mieux, pour aider un petit peu et l'enseignement et la recherche.
- Speaker #1
Tu as vu ton rôle changer auprès des patients et des aidants et des familles dont tu nous as parlé ?
- Speaker #0
Oui, forcément. Forcément, quand on est interne, chef de clinique, on est extrêmement près des patients. On garde des liens, même en réanimation, finalement assez serrés avec eux. Avec les patients, on les revoit de temps en temps, et c'est vrai qu'on est tout près d'eux, on a toujours fait très attention. D'autre part, on vit des liens très forts avec les familles aussi. Parce que quand une famille arrive avec un patient en réanimation, ils sont extrêmement choqués, ils ne comprennent rien de ce qu'on peut leur raconter. Donc il faut être très prédagogue, il faut recommencer, il faut essayer de faire passer un certain nombre de messages au bout d'un certain nombre de temps qui passent. Mais finalement, ça tisse des liens très forts. Et donc, je pense que c'est à ce moment-là, quand on est très près des patients, c'est très important. Quand on est un petit peu plus éloigné, je pense qu'il y a un problème pédagogique aussi vis-à-vis des jeunes. Leur manière de les aider à comprendre comment ils doivent se comporter vis-à-vis des patients, comment ils doivent se comporter vis-à-vis des familles, ne pas recevoir un exemple, par exemple, dans un couloir, mais vraiment les recevoir dans un bureau en toute confidentialité, et puis passer du temps avec eux, même si on a d'autres choses à faire par ailleurs. Je pense que ça, c'est des points qui sont très importants. Et c'est vrai que le vrai tournant a été, le patient est devenu un véritable acteur de ses soins, de l'enseignement et de la recherche en médecine.
- Speaker #1
Est-ce que tu as d'autres éléments que tu as vu énormément évoluer durant ta carrière ?
- Speaker #0
La technologie, elle a évolué de façon fantastique. Et puis elle est en train d'évoluer encore de façon extrêmement importante. Moins finalement dans l'appareillage qui devient certes de plus en plus sophistiqué, certes pour les chirurgiens de plus en plus robotisés, mais surtout je pense que c'est l'intelligence artificielle qui va changer beaucoup de choses, qui va changer tous les métiers et qui va être non seulement une aide mais... une véritable transformation de la manière dont on va faire les choses. Et je pense qu'il faudra quand même, il faudra, le risque naturellement, c'est de s'éloigner un peu du patient, d'être très technicien. Et donc il faudra faire très attention à ça, parce que le patient, il a autant besoin de relations véritables avec son médecin que de soins et de sa thérapeutique. C'est aussi important. Donc on sait très bien qu'un patient, de façon qui est très déprimé, qu'on arrive... pas, de toute façon il a beaucoup de mal à lutter contre cette maladie alors que quand on le fait vraiment rentrer dans son traitement, quand on lui explique un petit peu bien tout ce qui va se passer, quand on le fait vraiment participer, ça change considérablement les choses.
- Speaker #1
Et le rôle des paramédicaux ?
- Speaker #0
Alors le rôle des paramédicaux est naturellement plus qu'important. Et puis là encore, c'est quelque chose qui a considérablement évolué. Au début, tout le monde travaillait un peu en silo, chacun avait son rôle et puis bon. Certes, en particulier en réanimation, on est tous sur le même malade en même temps. Donc forcément, il y a un travail d'équipe, mais parce qu'il y a plus de soignants, et donc forcément, l'équipe se fait plus facilement. Maintenant, je pense qu'il y a des soignants, et en particulier les paramédicaux, qui jouent un rôle très important, non seulement dans la formation du patient, mais aussi finalement dans la thérapeutique du patient, en particulier pour les maladies chroniques. J'avais un dispositif à aider à implanter pour un laboratoire chez les diabétiques. Et en fait, on a revu complètement la manière dont les soignants voyaient la pédagogie pour les patients. Et ceux qui ont été le plus plastique, ça a été les paramédicaux. Les médecins ont dit, oh là là, mais c'est compliqué, ça va me prendre du temps, j'ai pas le temps, c'est compliqué. Alors que ça prend un peu de temps au début, mais qu'est-ce qu'on en gagne un peu après ? Et puis surtout... Les patients sont beaucoup mieux éduqués et se prennent beaucoup mieux en charge. Finalement, en se prenant beaucoup mieux en charge, ils se font moins appel aux soignants. Donc, c'est un petit peu comme le départ de l'informatique. On dit, oh là là, l'apprentissage, c'est compliqué. Mais une fois que c'est fait, de toute façon, on gagne du temps. Et puis, tout le monde est mieux informé et se prend mieux en charge.
- Speaker #1
Donc, quand tu nous dis et tu nous parles de patients partenaires, le leadership des paramédicaux, finalement, a été éclé aujourd'hui ?
- Speaker #0
Le leadership des appareils médicaux est clé dans plein de choses. D'abord, c'est clé dans la formation d'équipes. Je pense qu'ils sont absolument... On parle de football, un petit peu des leaders de vestiaires. C'est un petit peu ça, quoi. Je pense que c'est ça. Les infirmières, c'est vraiment le cœur du métier de soins. Et c'est eux qui construisent l'équipe, et les médecins, et puis tout. et puis tout le monde doit se retrouver un petit peu autour d'eux. C'est vrai que les cadres ne doivent pas avoir qu'un rôle administratif, mais un rôle non seulement d'encadrement, mais en même temps d'animation. Et d'animer cette équipe, c'est vraiment important. Et on voit que bien que tout le monde a envie de le faire et avance dans ce domaine, c'est difficile parce que le nombre de soignants n'est pas en relation avec eux. Avec finalement l'importance des soins maintenant sur des patients de plus en plus compliqués, de plus en plus chroniques, on voit vraiment des maladies qui étaient des maladies aiguës qui se transforment maintenant avec les traitements maladie chronique comme le cancer, qui nécessitent finalement des soins en long cours et on voit que beaucoup des soins passent de l'hôpital à la ville, mais la ville n'était pas du tout organisée non plus pour faire ce genre de choses. Donc on voit l'apparition de maisons médicales, on voit l'apparition de... finalement de connexion et c'est là que le digital joue un rôle important, connexion beaucoup plus importante entre la ville et l'hôpital.
- Speaker #1
Et alors pour toi un leader c'est quoi ?
- Speaker #0
Un leader je pense que on n'apprend pas à être leader. Je pense que le leader émerge lui-même, comment dirais-je, de l'équipe. Il émerge de l'équipe parce que finalement, d'abord premièrement par son exemple. Je pense que l'exemple est toujours les gens qui disent C'est bien, il travaille bien, etc. Déjà, on voit, il respecte un petit peu les gens tout autour de lui. Donc en fait, un leader émerge progressivement avec le travail qu'il met en place. Et puis ensuite, de toute façon, un leader, c'est quelqu'un qui est capable de motiver une équipe, de l'animer. Quelqu'un qui est capable de la faire progresser. Quelqu'un qui est capable de la valoriser. Et ensuite, quelqu'un qui est capable de la faire progresser. Et puis finalement, se retrouver autour de quelqu'un... C'est toujours extrêmement important. Il y a des capitaines dans les équipes de foot, dans le sport. Et là, c'est pareil. Un leader, ça va être un capitaine, c'est quelqu'un qui mène le bal. C'est quelqu'un vers lequel tout le monde a envie d'aller parce qu'il monte un cap. Donc, c'est important pour un leader. C'est lui qui monte le cap. Mais il émerge par le travail qu'il fait, par la qualité de ce qu'il fait et par les relations qu'il a avec les gens.
- Speaker #1
Et ce rôle, tu l'as occupé ?
- Speaker #0
Ce rôle, j'ai essayé de l'occuper, oui, et je pense y être arrivé, parce que tout le monde me l'a dit, donc je pense que c'est vrai. Et deuxièmement... À partir de ça, finalement, c'est là que j'ai construit, j'ai trouvé que finalement, bon, le travail que je faisais était bien, mais que finalement, j'étais peut-être encore meilleur en essayant de faire travailler les autres. Et finalement, le tournant dont tu parlais tout à l'heure, c'est un petit peu ça. C'est-à-dire que du travail que l'on faisait, finalement, maintenant, je suis parti en étant finalement, comment dirais-je... directeur de la commission médicale de l'hôpital, donc je participais beaucoup à la construction de l'hôpital. On a fait un plan directeur sur une vingtaine d'années, qui a été parfaitement respecté par la suite, même en fonction des problèmes budgétaires qui ont émergé. Et puis en même temps, doyen, c'est un peu la même chose, puis président d'université, tout ça c'est des gens qui, par leur charisme, par la manière dont ils travaillent, arrive façon à promouvoir un certain nombre de projets structurants pour l'hôpital, pour la faculté, pour l'université, pour la recherche ensuite. Et ensuite même maintenant finalement des projets pour les jeunes, les aider à faire. On est toujours dans la structuration d'aider les gens à mieux travailler et leur montrer comment finalement faire mieux et répondre à leurs attentes et à leurs ambitions.
- Speaker #1
Tu as parlé de légitimité par le travail dans le sens où inspiration des équipes envers quelqu'un qui est capable de faire. Les médecins ont la chance, avec leur mission de management, de continuer à avoir une activité clinique. C'est quelque chose de clé pour toi d'avoir continué à t'occuper des patients tout en faisant du management ?
- Speaker #0
À la fin de mon internat, en fait, à ce moment-là, on réservait encore des postes. Et donc j'avais réservé un poste en réanimation. à Créteil chez Maurice Rappin que je considérais comme un être exceptionnel. Et puis finalement en même temps, parallèlement, la cardiologie a changé, il fallait valider un semestre de plus en cardiologie. Je voulais absolument pas, de toute façon je voulais valider la cardio parce que on sait jamais si je pouvais pas rester à l'hôpital, ça me semblait pas mal de faire de la cardiologie en ville donc je voulais absolument valider la cardio et je voulais absolument pas faire un un chef de clinique, enfin un clinica en... En cardiologie, je voulais vraiment faire de la réanimation, mais je trouvais que c'était vraiment, si j'avais un problème, c'était vraiment une sortie qui était acceptable. Et donc, j'ai été voir un pain et je lui ai dit, vraiment, je suis vraiment désolé, mais je suis coincé, quoi. Je ne peux pas. Bon, j'avais déjà parasité un peu son service et il m'a dit, écoute, je peux te donner deux conseils. Le premier, c'est ne quitte jamais les malades. Et puis le deuxième c'était on ne gagne jamais rien à se faire un ennemi. Ce qui est finalement de beaux conseils qu'on n'a pas toujours respectés, mais on a essayé en tout cas de les respecter. Et c'est vrai que les patients ça reste notre motivation, notre motivation la plus importante. Bon maintenant que j'ai quitté les patients quand même depuis quelques années, les seuls rêves que je fais... C'est que je traite des patients. Donc quand on me dit est-ce que ça te manque ? Je ne me semble pas, mais en fait sûrement.
- Speaker #1
Tu as dû vivre des moments où il a fallu fédérer en pluriprofessionnel à l'hôpital avec les médecins, les administratifs, les soignants. Est-ce que tu as eu des clés pour arriver à faire travailler tout ce beau monde ensemble ?
- Speaker #0
La seule manière de faire travailler des gens en pluridisciplinaire, c'est leur donner un projet, leur montrer où on veut aller avec ce projet. et les fédérer autour de ce projet. Je n'ai pas d'autre clé que finalement de celle-là, d'arriver à leur montrer que ce projet est intéressant, de les faire participer, de les faire co-construire ce projet. C'est-à-dire qu'il faut mettre le squelette, et puis eux, comment dirais-je, ils mettent un petit peu tous les briques tout autour de cette maison pour la construire, et puis leur montrer où on veut aller. C'est très important de montrer où on veut aller, parce que si c'est un projet comme ça qui est dans le vide, je pense que ça n'intéresse personne. Mais c'est un projet qui va leur permettre d'aller au-delà. Et je pense que c'est la clé que j'ai toujours employée. Ça marche toujours, ça marche encore. Donc pour l'instant, je continue à ouvrir cette porte avec cette clé.
- Speaker #1
Le fait d'avoir, tu l'as dit, commencé par du brancardage, commencé par des soins, ça t'a donné des leviers pour parler avec tout le monde ?
- Speaker #0
Ça m'a donné plein de choses. D'abord, ça m'a donné un premier point qui a été la sécurité du malade. Parce que quand on est boncardier... La hantise, de toute façon, c'est que la masse tombe, ou alors qu'on n'arrive pas à bien monitorer le patient, que les appareils ne sont pas... Donc c'est très angoissant d'être bancardier. Personnellement, j'ai trouvé ça très angoissant. Et donc ça permet d'être très minutieux dans ce qu'on veut faire, et puis de bien faire attention aux malades, de commencer, parce que finalement, un malade, quand il est sur un bancard, il a... peur. Parce qu'il ne sait pas où il va aller, parce que c'est un hôpital qui était très pavillonnaire, donc on passait son temps à se balader partout, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente. Donc bien faire attention aux patients, je pense que ça m'a appris ça. Et puis que finalement, tous les échelons sont importants et que dans une chaîne, de toute façon, il n'y a pas de échelon qui est plus important que les autres. Tout est important. Donc j'ai remonté les échelons comme ça, tout doucement. D'emblée, je pense que le plus petit échelon, tu apprends plein de choses. Et c'est vrai qu'après, c'est plus facile de leur parler quand on sait ce qu'ils font, quand on connaît leurs problèmes, c'est plus facile de les comprendre et c'est plus facile d'essayer de les résoudre.
- Speaker #1
Dans un secteur avec un certain nombre de corporations, des fois des fermetures entre les différents professionnels de santé, ton message fait plaisir à entendre. Et par ailleurs, est-ce que ça t'a par période bloqué, posé des problèmes ? et mis en face de vrais murs.
- Speaker #0
Le corporatisme, c'est la pire catastrophe qui peut arriver à la médecine. Le corporatisme c'est épouvantable, c'est une plaie de façon, c'est une plaie terrible et qui existe, tout existe et qui existera tout le temps parce que les gens sont toujours en train de se regrouper entre eux, toujours en train de se fermer de façon, et ça c'est la pire des choses qui peut exister. Donc du point de vue pédagogique pour les étudiants... J'essaye de leur montrer qu'il faut toujours travailler en équipe, qu'il faut jamais s'enfermer, qu'il faut, même quand ils vont aller en ville après, qu'il faut essayer de rester un petit peu à l'hôpital, qu'il faut garder des liens avec tout le monde, que la médecine n'est pas une spécialité fermée, mais qu'elle a besoin de toutes les autres spécialités, les sciences humaines, les sciences dures, elles ont besoin de tout. Donc l'ouverture est vraiment quelque chose de très important. Le corporatisme des médecins est bien connu et c'est vraiment une vraie plaie. Il faut lutter contre ça en donnant l'exemple, comme d'habitude, et puis en enseignant les jeunes, en leur disant que c'est important qu'ils s'ouvrent, c'est important qu'ils ne se ferment pas. La fermeture est une catastrophe.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux nous partager ton plus gros échec ?
- Speaker #0
Peut-être la pédagogie, parce que les études médicales sont des études finalement... très ancienne avec des innovations pédagogiques pas très importantes, en apprenant toujours finalement des choses livresques, bibliographiques, avec finalement des professeurs pas très motivés, en disant que finalement ce qui est important pour la médecine, c'est finalement ce compagnonnage au lit du malade, etc. C'est vrai que c'est important, c'est vrai que c'est important et c'est vrai que, on appelait nos maîtres de façon qu'ils nous avaient appris sur le tas, etc. Mais ça ne suffit pas. Et je crois que le plus gros échec, c'est finalement d'avoir pas réussi à imposer qu'il n'y ait pas cette espèce d'épreuve. À la fin de la première année sélective, on sélectionne sur tout sauf finalement sur la médecine, on sélectionne sur les maths et la physique, c'est vachement bien, mais c'est vraiment pas suffisant pour sélectionner des médecins. C'est absolument impossible d'imposer finalement une interview, comme c'est aux Etats-Unis, dans laquelle on dit je veux être médecin parce que ceci, parce que cela Et finalement, on laisse sur le carreau des tas de jeunes qui ne sont pas forcément très forts dans la matière scientifique, mais qui ont une volonté forte de devenir médecin. Et finalement, on leur met sur des espèces de voies de garage, parce que ce n'est vraiment pas évident en plus de les recycler. Parce que c'est des gens qui ont une véritable vocation, donc après ils sont un peu perdus, on ne sait pas très bien quoi en faire. Ils partent dans des écoles d'infirmières, dans des écoles de kiné, dans la biologie, mais ce n'était pas vraiment leur vocation. Et puis pour la suite des études médicales, moi je voulais vraiment les faire bosser par projet. Je crois qu'il fallait vraiment, comme les ingénieurs, les faire bosser par projet et non pas par spécialité. Là encore le corporatisme, bonjour. Donc les cardiologues, surtout on apprend de la cardiologie. On n'apprend pas d'ophtalmologie, pourtant les poumons, c'est quand même pas loin. Et puis la biologie, on fait des matières transversales, mais il n'y a pas vraiment d'unité et puis il n'y a pas un vrai projet. On dit que c'est impossible d'apprendre la médecine, mais c'est remarquablement faux. Donc je crois que c'était une bonne question sur qu'est-ce qui m'a finalement la plus grosse difficulté. C'est celle-là, ça a été finalement de ne pas réussir à... à imposer de façon à l'entrée en médecine une interview. Une sélection qui soit beaucoup plus large que sur finalement les math et la physique. Et puis ensuite après, cet apprentissage qui est toujours, au lieu du malade, certes important, mais qui est ensuite après très théorique avec des enseignants non motivés, avec des étudiants non motivés. Voilà, ça c'est un vrai échec.
- Speaker #1
de porter des changements auprès des facultés de médecine ?
- Speaker #0
J'ai essayé de porter des changements partout, même, je me suis retrouvé très souvent très proche du pouvoir. Mais en fait, globalement, très bizarrement, c'est pas les politiques qui bloquent, c'est les étudiants qui bloquent. Et les étudiants, de façon, aussitôt qu'on les met dehors, les politiques, ils sont sous la table. Donc, on ne peut pas se battre parce que, tout simplement, les étudiants sont... contre toute modification, c'est les pires ringards qui existent. Et surtout, ce n'est pas seulement les étudiants, c'est ceux qui les représentent qui sont ringards. Ils ont peur des innovations, ils ont peur de plein de choses. Et tout de suite, si c'est comme ça, on va dans la rue. Et donc, dans ce cas-là, immédiatement, les politiques lèvent les bras au ciel. Qu'est-ce que vous avez ? Écoutez, c'est très bien comme vous enseignez. Regardez, la médecine est la première en France. Des trucs qui n'existent plus, de toute façon, depuis bien longtemps. Donc voilà. Donc voilà, ça c'est un vrai échec. Si c'était à refaire, je ne sais pas comment je ferais.
- Speaker #1
Tu t'es senti seul par moment ?
- Speaker #0
Non, parce que des gens étaient avec moi, mais une incapacité justement à faire passer un certain nombre de messages. Et puis, il y a des étudiants qui étaient très pour, naturellement, mais globalement, ce n'est pas eux qui sont en discussion, c'est les syndicats étudiants qui sont là. Et ce n'est pas forcément, c'est loin de ceux qui sont les plus innovants, qui ont envie de foncer, qui ont envie d'avancer. Et bon, c'est dommage. Bon, ben... Sûrement quelqu'un va réussir, mais ça ne sera pas du moi.
- Speaker #1
Ta plus grande fierté ?
- Speaker #0
Ma plus grande fierté, c'est ma famille, de très loin. De très loin, c'est ma plus grande fierté parce que j'ai beaucoup travaillé et la balance entre finalement la vie publique et la vie privée, ça a été beaucoup sur la vie professionnelle. Et donc en réanimation on prend beaucoup de garde. Bon, j'ai été, on n'a pas trop parlé, j'étais pas mal aux Etats-Unis, j'ai pas mal voyagé. Donc tout ça, ça n'a pas joué. Et puis finalement, ma fierté c'est que finalement mon épouse a réussi à maintenir une famille très très... Très unis avec des enfants qui sont formidables, qui ont tous très bien réussi et qui ont gardé des vraies valeurs avec lesquelles toute la famille est autour. Donc voilà, ça c'est ma plus grande fierté. Et puis bon, il ne faut pas dire que je ne suis pas fier non plus du parcours que j'ai fait. Mais c'est ma plus grande fierté, ma famille, de loin. Mais de très très loin parce qu'elle est formidable et puis qu'elle n'a pas dépendu que de moi. Disons que j'ai peut-être donné l'exemple du travail bien fait. Donner l'exemple de, malgré tout, j'ai quand même été près d'eux. Et puis, j'ai été peut-être un meilleur grand-père qu'un père.
- Speaker #1
Cette carrière, elle a quand même contribué à ton bien-être personnel ?
- Speaker #0
Oui, mais pas forcément à celle de ma famille. Oui, parce que j'étais tellement enthousiaste, j'avais tellement envie de faire, j'étais tellement enthousiasmé par tout. J'ai toujours été enthousiasmé par tout. J'ai trouvé tout intéressant. J'ai trouvé intéressant d'être près des malades, d'être à l'hôpital, de faire des gardes, d'être près des infirmières, près des soignants, près des malades. J'ai trouvé très intéressant de m'occuper d'un hôpital, très intéressant de m'occuper d'une faculté, bien que c'est là que j'ai eu mon plus gros échec. Et puis l'université, ça m'a aussi intéressé, mais bon, c'était plus compliqué parce qu'il y a plein de spécialités et c'est compliqué de tout connaître. On a l'impression de survoler un peu, alors que quand on est doyen, on est vraiment dans le dur très rapidement. On est une espèce de maire de village, tandis que là, on est plus un espèce de ministre. Quand on est professeur de l'université, on a beaucoup, beaucoup de choses à faire. Par contre, l'évaluation de la recherche chez l'enseignement supérieur sur cette agence a été très intéressante. Parce que j'ai discuté là encore avec tout le monde pour voir comment on pouvait faire, comment on pouvait améliorer les choses. Et le retour après était bien. Et maintenant, je suis très heureux. Et maintenant, je suis très heureux à aider un petit peu les jeunes à mettre leur projet en place, etc. Donc voilà, je suis un homme heureux globalement.
- Speaker #1
C'est cet enthousiasme, cette curiosité qui t'a permis de tenir un rythme si élevé pendant toute ta carrière ?
- Speaker #0
Oui, parce que tout m'intéressait. Et puis j'aime bien comprendre. J'aime bien comprendre donc. Quand je ne comprends pas quelque chose, ce n'est pas possible pour moi. Donc forcément, c'est un aiguillon extraordinaire, parce que quand on comprend globalement, dans une journée, il y a au moins une dizaine de choses qu'on n'arrive pas à comprendre, donc forcément, ça ne nous travaille pas la suite. Donc voilà, moi j'aime bien comprendre, c'est pour ça que j'ai fait de la recherche, c'est pour ça que j'étais aux Etats-Unis, c'est pour ça que j'en suis revenu, que j'ai essayé de créer un certain nombre de choses. Et c'est vrai que mon épisode américain, dont on a peu parlé, m'a permis de rencontrer des gens absolument fantastiques. Et puis, en fait, je m'en suis considérablement aidé par la suite pour construire des structures. Et c'est vrai qu'aux États-Unis, c'est plus simple qu'en France parce qu'il y a moins de barrières administratives et réglementaires. Je pense que ça, c'est des points importants. Et puis bon. Il y a un truc aussi, c'est qu'il y a plein de rapports sur la recherche, etc. Mais le nerf de la recherche, c'est quand même les finances. Et donc, c'est vrai que c'est facile. De toute façon, quand j'étais aux États-Unis, je suis arrivé. Mais écoutez, je n'ai rien. Ce n'est pas grave, on m'a trouvé de l'argent. L'argent n'est jamais un problème. En France, c'est un problème quand même. Donc voilà, on peut faire des choses plus faciles. Mais surtout l'enthousiasme. Moi, j'ai trouvé des gens aux États-Unis extrêmement enthousiastes. Parfois... compliqué, parfois difficile, avec une compétition très forte, mais enthousiaste.
- Speaker #1
Tu as des éléments qui te passionnent dans ce secteur de la santé ?
- Speaker #0
Il y a des éléments qui m'ont passionné, en particulier la technologie, j'y reviens pas. Mais moi, ce qui me passionne actuellement, c'est l'évolution digitale. L'évolution digitale de la médecine est une évolution extraordinaire, une évolution absolument extraordinaire. Et donc ça va tout changer, ça va déjà être en train de tout changer, avec naturellement toujours à chaque fois qu'il y a quelque chose comme ça, des effets pervers, et ces effets pervers sur lesquels il faut naturellement intervenir. En réanimation, on s'intéresse forcément à l'éthique, j'ai fait beaucoup de travaux, d'ailleurs bien publiés dans des bonnes revues américaines, sur la prise en charge des patients, sur la manière de le faire, sur la manière de faire la recherche clinique. Et puis aussi, la manière d'évaluer un petit peu les soins. Je pense que c'est un point qui est très, très important parce qu'en réanimation, on peut faire beaucoup de choses. Beaucoup de choses. Et donc, quand on peut en faire beaucoup, on peut en faire trop. Et savoir quand on fait beaucoup et trop, il y a vraiment des réflexions qui doivent être à voir. Et le médecin ne doit pas être de façon à être éthéré tout seul en train de prendre des décisions. Les décisions doivent être toujours collégiales et puis aussi faire participer les familles. Je ne dis pas que la famille doit prendre la décision, mais participer et la comprendre. Comprendre pourquoi on prend des décisions et puis leur demander. C'est très important parce que le contexte familial est absolument important pour prendre la décision. Mais en même temps, c'est compliqué. Je vais vous donner un exemple pour vous dire que c'est compliqué. On a eu une jeune patiente Elle n'avait pas 20 ans et elle a fait quelque chose de gravissime, qui est une infection à Ménagococ, qui est un germe aménagite, avec des thromboses vasculaires épouvantables, c'est-à-dire que finalement, on a une écrouse des deux mains, des deux pieds, etc., des amputations multiples, avec la même chose au niveau des reins, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de reins, etc. La famille nous a dit qu'on était fous, etc. Qu'on croyait dans quel état on rendait un petit peu leur fille. Et c'est vrai que c'est des choses compliquées. Et elle a été très mal à un moment, très très mal. Et on aurait pu dire, bon ben, on arrête quoi. Parce que vraiment, où on va quoi, où on va ? Et c'est vrai que ça aurait pu aboutir sur cette jeune fille, avec un drame complet, une dépression, etc. Au contraire, ça l'a boostée complètement. Elle a fait des Jeux paralympiques, elle a été greffée, elle a maintenant un métier extraordinaire. Et puis elle a une association pour aider justement les gens qui ont des problèmes de handicap. Donc elle, ça a bouleversé sa vie. Elle est très contente que finalement on l'ait sauvée. Donc les décisions sont parfois extrêmement difficiles. En tout cas, quand les gens sont jeunes, je pense qu'il faut se battre. Quand les gens sont plus âgés, qui ont vécu leur vie, il ne faut pas non plus les faire souffrir inutilement. Mais c'est difficile. C'est pas si facile que ça de prendre des décisions. Donc, toutes les décisions doivent être collégiales. Et puis, des fois, c'est compliqué, on ne peut pas prendre des décisions. Aujourd'hui, on va attendre un peu, puis on va rediscuter, on va essayer de revoir. Il faut tenir compte du contexte. Tout ça, c'est un contexte familial, tout ça, c'est très important. Puis, des désirs du patient qu'il a eus, s'il l'a exprimé avant.
- Speaker #1
Qu'est-ce que tu as appris de tes mentors ?
- Speaker #0
J'ai appris d'abord l'importance de ne pas... de faire que les traiter quoi. L'importance de parler avec eux, l'importance de parler aux infirmières qui sont tout autour parce qu'elles ont des informations que toi tu n'arrives pas à voir. L'importance finalement de... que le malade se sente bien, d'essayer toujours d'augmenter leur confort, de ne pas tenir compte seulement des médicaments etc. mais avoir leur confort, ne pas oublier de leur parler. de toujours les couvrir. Ça paraît un peu bizarre, mais souvent, de toute façon, on ne fait pas attention, etc. On examine le malade et puis, hop, on s'en va comme ça. Puis on laisse le malade, comment dirais-je, pas bien couvert. Donc, bien faire attention à tous ces petits détails. C'est des points qui sont importants. Et puis, qu'est-ce qu'ils m'ont appris encore ? Ils m'ont appris, de toute façon, à examiner correctement les malades. Et ça, j'ai essayé, comment dirais-je, de transmettre aux jeunes générations. En fait, ils sont beaucoup moins intéressés parce qu'ils ont l'impression qu'avec la technologie, tout va bien. Mais la technologie, d'abord, premièrement, ça coûte cher. Deuxièmement, il faut l'utiliser quand on a besoin d'utiliser, pas n'importe quand, parce qu'on n'est pas capable d'examiner le patient, on lui fait des examens. Donc, ils m'ont montré qu'il faut garder un examen clinique, que c'est important, que ça permet finalement d'orienter beaucoup les choses, que ça permet de faire moins d'examens et peut-être de faire... de faire les meilleurs examens. Et puis, ce qu'ils m'ont appris aussi, c'est naturellement de travailler en groupe et puis de bien examiner un petit peu tout ce qu'on nous dit. Quand on nous dit quelque chose, ne pas penser que parce qu'on nous l'a dit, c'est bien ou parce que c'est écrit, c'est bien. Mais d'être extrêmement critique dans tout ça, de bien regarder au fond, de bien voir si les méthodologies qui ont été employées sont les bonnes méthodologies, de voir finalement quand on lit un article, s'il n'y a pas 4-5 autres qui disent l'inverse, et de voir à qui ça s'applique, etc. Donc des méthodologies qui sont finalement très rigoureuses. Je pense que ça c'est la rigueur. Mes maîtres m'ont appris la rigueur. Et puis donc... l'éthique vis-à-vis des patients, la manière de se comporter, je pense que c'est surtout ça que je retiendrai.
- Speaker #1
Comment tu penses que le monde de la santé va évoluer dans les prochaines années ?
- Speaker #0
Je pense qu'il va évoluer beaucoup parce qu'on va rentrer dans des années difficiles. Donc on va rentrer dans des années difficiles, il faudra absolument réformer un certain nombre de choses, en particulier dans l'hôpital public. Je crois que... Il faudra repenser de façon le modèle de l'hôpital public, se rapprocher peut-être un peu plus des ESPIC. Et puis d'autre part, regarder un petit peu qu'est-ce qui se passe du point de vue de l'administration versus les soignants, versus les techniciens qui tournent à l'hôpital. Il y a eu quand même une augmentation. très important du personnel administratif, que j'aime beaucoup, avec lequel je travaille sans aucun souci, mais le nombre est quand même important. Il y a eu la création des agences régionales, il y a eu, donc, au niveau de la science publique, il y a le siège, il y a du personnel administratif dans tous les hôpitaux. Donc, il y a beaucoup d'administrations. Il faudra peut-être réfléchir, finalement, aux ratios entre soignants et administration, de façon à ce que... On puisse, à mon avis, rétablir un nombre de soignants plus important. On manque de soignants, de toute façon, on manque d'argent aussi. Donc, il faudra voir un petit peu comment améliorer les choses. Et puis, c'est vrai que, comme je disais tout à l'heure, le numérique va aussi changer les choses. Il va changer les métiers, mais il ne va pas changer la manière dont on va s'occuper des patients. Ça va changer. Les datas, ça va être plus facile. On va mieux soigner les patients. On va avoir... Des jumeaux numériques qui vont nous permettre de voir un peu comment le patient va évoluer sous traitement. On va avoir beaucoup d'aide avec le numérique, mais il restera quand même à s'occuper des patients et s'occuper de patients tels qu'il est lui-même. Si on a des améliorations ailleurs, il faudra quand même faire ça. Il faudra faire attention de ne pas rester sur son ordinateur, parce qu'il n'y a pas de patients à côté de l'ordinateur.
- Speaker #1
Finalement, tu attends de la jeune génération qu'elle reste très humaine et centrée sur le prendre soin ?
- Speaker #0
Oui, exactement. Exactement, parce que je pense que tout le reste, c'est assez ludique. Et donc, les gens vont toujours vers le ludique. Ce qui est moins ludique, c'est la rigueur, c'est de bien faire attention à ce qu'on fait, de faire le bon traitement et puis de le suivre, de suivre les patients, de ne pas laisser tomber. Je pense que c'est compliqué, la médecine de ville, c'est compliqué. On cherche des médecins traitants un peu partout, on n'en a plus assez. La médecine se fait de façon différente. Nous, on a vécu un enthousiasme monstrueux. On travaillait jusque pas d'heure. Je pense que tout ça, c'était comme ça. Et puis, il ne faut pas le regretter. Moi, je ne le regrette pas d'ailleurs. Mais maintenant, ce n'est plus comme ça. Donc, ça veut dire qu'il faut peut-être mieux s'organiser. Il faut avoir des structures qui soient plus souples et plus agiles. de façon à ce que finalement les soins restent de qualité et en même temps que le patient ne se sente pas perdu dans un monde technologique.
- Speaker #1
L'enseignement de demain, sans les barrières que tu nous as décrites, il ressemble à quoi ?
- Speaker #0
L'enseignement de demain, ça doit être un enseignement qui doit certes être très digital, mais en même temps, de façon, il est fondamental, comme je l'ai dit, d'arriver à essayer de travailler J'espère que des gens vont arriver à essayer de travailler sur projet et d'apprendre la médecine sur projet. Je pense que ça c'est vraiment très important. Et puis qu'on garde quand même des structures qui nous permettent un enseignement de qualité. Et puis finalement des enseignants qui s'intéressent vraiment à la pédagogie. Tout le monde ne peut pas s'intéresser à la pédagogie. Mais dans le service, dans ce que j'avais fait, on a quatre missions finalement. On a une mission de soins, on a une mission d'enseignement, on a une mission de recherche. Et puis maintenant, on est un truc de gestion. Est-ce qu'on peut faire les quatre ? Non. Donc dans le service, j'avais un peu réparti les choses. Disons que moi, je m'occupais de la gestion et puis des patients. Puis j'avais laissé un peu, quand j'étais au service, un petit peu la recherche, un petit peu, bien que je m'y impliquais, mais plus comme un espèce de mentor que vraiment les mains dans le cambouis. Et il y en a qui étaient très intéressés à la pédagogie, donc je mettais plus soin pédagogie. J'essaye que chaque... collaborateur avait finalement deux missions, mais pas quatre parce que je pense que c'est pas possible d'avoir quatre missions et puis se répartir un petit peu plus les soins. Je pense que tout le monde doit faire du soin et donc se répartir le soin, pas forcément faire du soin 24 heures sur 24, mais se répartir un petit peu dans la semaine, deux trois jours de soins. En même temps on peut faire de la recherche ou de la gestion, ce qu'on veut en fonction de la pédagogie, mais que le soin soit finalement le fil rouge qui relie absolument tout le monde.
- Speaker #1
Pour finir, est-ce que tu peux nous raconter une anecdote que tu as vécue durant ta longue carrière ?
- Speaker #0
L'anecdote qui m'a paru peut-être le plus intéressant, c'est aux Etats-Unis. Comme ça, on va parler un peu des Etats-Unis. Aux Etats-Unis, j'étais surtout parti pour faire de la recherche, travailler avec l'industriel, etc. Mais je faisais un petit peu de soins parce que je ne pouvais pas faire autrement. Et donc, je faisais des soins un petit peu. J'étais à Johns Hopkins à Baltimore. Et donc, j'ai pris quelques gardes, etc. Et puis, il y a une infirmière qui a fait vraiment une grosse bêtise. Alors moi, j'ai le tempérament qu'on m'a inculqué, qui est tempérament latin. Donc, en disant... Qu'est-ce que tu es sotte ! Qu'est-ce que tu as fait ce truc invraisemblable quoi ! Regarde le malade dans quel état il est, maintenant on va avoir plusieurs heures pour le récupérer, etc. Et donc on a fait ce que fait globalement les latins, c'est-à-dire quand il y a une bêtise, on engueule la personne. Et donc le lendemain matin, j'ai été convoqué par le directeur de l'hôpital, qui m'a dit Cher monsieur, bon, vous êtes jeune, vous venez d'arriver aux Etats-Unis, Donc je vais vous pardonner, mais je vous pardonnerai une fois. Mon Dieu, qu'est-ce que je fais ? Et donc il m'a dit, vous avez, comment dirais-je, parlé à une infirmière, et vous l'avez réprimandée, vous l'avez quasiment insultée, etc. Comme il était tard, ce n'est pas impossible d'ailleurs. Donc je dis, oui, vous avez vu ce qu'elle a fait, etc. Oui, mais on ne fait pas ça, de toute façon, ici ça n'existe pas, on ne fait pas ce genre de choses. Si quelqu'un qui est sous vos ordres de toute façon fait quelque chose qui n'est pas bien, vous lui dites que premièrement, d'abord qu'elle travaille très bien et que tout le monde est impressionné par la qualité de son travail. Et que cependant, elle peut s'améliorer parce que par exemple, voilà, elle fait ça et donc ça, il ne faut plus qu'elle le refasse et donc elle peut s'améliorer. Mais on ne dit, on n'agresse pas les gens comme ça, ça n'existe pas, il ne faut pas faire ça. Et donc, la prochaine fois, c'est comme ça qu'il faut que vous réussiez. Donc je pense que c'est une anecdote qui m'a tout de suite poursuivi. Je n'ai jamais pu engueuler personne après. Et je pense que c'est vraiment très important. Ça montre que finalement, il faut tous travailler ensemble. Et puis qu'il faut arrêter de façon d'être un peu paternaliste avec les gens, de penser qu'on est Dieu le Père et que finalement, tout le monde fait des erreurs. Et que tout le monde fait des erreurs. Et que pour que les gens se corrigent mieux, ce n'est pas la peine de leur mettre la tête sous l'eau. Le mieux, c'est de les remonter à la surface et de leur expliquer comment faire mieux. C'est l'anecdote qui m'a toujours frappé, que je m'en souviens toujours. Je crois que j'y pense au moins deux ou trois fois par semaine, à chaque fois que j'ai envie d'engueuler quelqu'un. Je pense que ça m'a été vraiment très utile. Il était vraiment très fâché. Quand c'est le genre de choses, je pensais que ce n'était pas grave. Mais lui, il considérait que c'était grave. Donc après, j'ai considéré que c'était grave.
- Speaker #1
Il t'a quand même dit que tu faisais du très bon travail ?
- Speaker #0
Pas du tout. Non, non, là, il n'a pas mis en place ce qu'il avait dit. Il ne m'a pas du tout agressé. Il m'a dit qu'il me pardonnait, mais qu'il me pardonnait une fois.
- Speaker #1
Voilà. C'est quoi la suite pour Jean-François Desnault ?
- Speaker #0
D'abord, comme je suis en pleine forme, j'espère rester encore en pleine forme comme ça très longtemps. Je continue à faire beaucoup de sport. Et j'espère pouvoir continuer parce que quand je ne fais pas de sport, je ne suis pas bien. Donc j'espère pouvoir continuer déjà. Et puis continuer à faire ce que je fais parce que c'est bien peut-être ralentir. Parce que là, depuis deux ans, la structure dans laquelle je suis, quelques problèmes financiers avec le Covid, etc. Donc on a fait des emprunts. Bon, donc il faut les rembourser. Donc il faut bosser un peu plus. Et donc, bon, là on a peut-être bossé un peu beaucoup et maintenant je vais un petit peu me ralentir, mais toujours garder le même esprit, aider les gens et puis leur montrer qu'ils ont des ambitions mais qu'ils peuvent y arriver. Qu'il s'agit simplement qu'ils prennent le bon chemin, qu'ils trouvent les bonnes personnes pour les aider. C'est un petit peu ça, faire du go-between, essayer d'arriver à monter. Je continue à faire ça, je pense que j'espère continuer jusque longtemps. Et puis m'occuper de mes petits-enfants. Je ne me suis pas trop occupé de mes enfants, mais je m'en occuperai. Pas trop mal de mes petits-enfants, ils font plein de choses différentes, donc j'essaye de discuter avec eux, d'essayer de leur montrer un petit peu ce qu'il faut faire, puis ce qu'il ne faut pas faire aussi. Donc voilà, moi j'en ai neuf petits-enfants, donc j'ai du travail. Donc voilà, je voudrais continuer à faire ce que je fais, peut-être pas au rythme que je l'ai fait ces dernières années, mais ralentir un peu, mais garder toujours le même enthousiasme, et puis m'occuper de mes petits-enfants et puis de mon épouse chérie, voilà.
- Speaker #1
Merci Jean-François d'être venu dans le podcast Raison d'être, de nous avoir partagé toute ton expérience et je pense qu'elle pourra inspirer nombre d'entre nous.
- Speaker #0
Merci beaucoup.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté le podcast Raison d'être de Leader4Health. Pour nous soutenir, parlez-en autour de vous et retrouvez tous nos épisodes sur YouTube, Spotify, Deezer et Apple Music.