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Les frasques scandaleuses de noble François Bourdon cover
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Really Calvin, is this an ideal life? A historical podcast.

Les frasques scandaleuses de noble François Bourdon

Les frasques scandaleuses de noble François Bourdon

07min |26/07/2025
Play
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Really Calvin, is this an ideal life? A historical podcast.

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07min |26/07/2025
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Description

Bienvenue sur « Vraiment Calvin, est-ce là une vie idéale ? Un podcast historique ». Aujourd’hui, cap sur Genève au XVIe siècle, où l’on découvre que même les familles les plus distinguées n’étaient pas forcément des modèles de vertu — en témoigne François Bourdon, notable bien en vue… mais catalogué client régulier du Consistoire.

Sous le regard scrutateur de Calvin et de ses alliés, la Réforme œuvre à bâtir une société pieuse, réglée comme du papier à musique. Pourtant, François Bourdon, héritier d’une famille influente et citoyens au bénéfice de riches connexions, accumule les démêlés pour… disons, des aventures sentimentales un peu turbulentes et immorales. Fornications à répétition, adultère, soupçons de sorcellerie, et même accusations de viol, ses frasques auraient pu lui valoir la disgrâce… mais la réalité se montre plus nuancée.

Entre repentances publiques, amendes plutôt clémentes et tolérance intrigante liée à son statut social (sans oublier le fameux la surprenant mention du « célibataire indulgent » des registres), Bourdon illustre la difficile conciliation entre idéaux moraux sévères et poids des privilèges.

Aussi, plongeons ensemble dans les horloges bien réglées du Consistoire, où la justice divine se frotte parfois à la politique, où la rigueur rencontre les failles humaines, et où la sainteté n’exclut pas quelques zones d’ombre. Une leçon d’histoire qui montre que, même dans la Genève la plus puritaine, l’humain reste… humain.

*******

Ce podcast de vulgarisation historique est développé dans le cadre du projet interdisciplinaire intitulé “Une édition sémantique et multilingue en ligne des Registres du Conseil de Genève / 1545-1550” (RCnum) et réalisé par l’Université de Genève (UNIGE), avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Pour plus d’informations : https://www.unige.ch/registresconseilge/en.


Hosted by Ausha. See ausha.co/privacy-policy for more information.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour. Aujourd'hui, on plonge un peu dans les archives de Genève au XVIe siècle. On va regarder comment la société réformée gérait ce qu'on appelait la paillardise.

  • Speaker #1

    Oui, l'inconduite sexuelle en gros.

  • Speaker #0

    C'est ça. On a des extraits d'analyse, des bases de données sur les registres du consistoire. Et on va suivre quelques personnes, surtout François Bourdon, un célibataire assez influent.

  • Speaker #1

    Exact. Et on va comparer son cas avec d'autres, comme Jean-Philippe Ergex et Jean Ayode. pour voir un peu comment la justice morale pouvait varier.

  • Speaker #0

    Voilà, l'idée c'est de décrypter comment le statut social, le fait d'être marié ou non, les réseaux, tout ça pouvait jouer.

  • Speaker #1

    Tout à fait. On est donc à Genève, juste après la réforme. Le consistoire, c'est cet organe qui veille de très près sur la morale publique.

  • Speaker #0

    Et ces archives, elles nous montrent quoi ? Une tension, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Exactement. Une tension entre les idéaux très stricts et puis la réalité sociale. C'est plein de nuances.

  • Speaker #0

    Alors commençons par ce François Bourdon. Qui c'est ce monsieur ?

  • Speaker #1

    Alors Bourdon c'est un citoyen genevois, célibataire et issu d'une famille très très en vue. Ah oui ? Oui, son père Jean Bourdon était un riche marchand drapier, il était aussi conseiller. Sa mère Jacques Mâ, c'était la sœur du premier syndic Claude Savoie, le top du top quoi.

  • Speaker #0

    D'accord. Et lui-même François ?

  • Speaker #1

    Lui-même il était membre du Conseil des 200, donc un organe politique important. Éco-seigneur de Compois, quelqu'un de bien établi.

  • Speaker #0

    Pourtant, une des premières accusations qu'on trouve, c'est qu'il aurait paillardé avec sa servante Jeanne et eu un enfant, baptisé à la papisterie.

  • Speaker #1

    C'est ça, baptisé catholique. Et ça, c'était que le début en fait. Les archives montrent une série d'affaires.

  • Speaker #0

    Racontez un peu.

  • Speaker #1

    En 1545, cette histoire avec Jeanne de Lajoux, la servante, l'enfant baptisé catholique, sanction. Il doit crier merci, payer six écus d'amende et les frais.

  • Speaker #0

    Ok. Et après ?

  • Speaker #1

    1547, Robelotte, avec la même jambe de la joue. Un autre enfant illégitime. Puis, entre 47 et 48, une liaison avec Robel-Recland. Elle, elle était mariée.

  • Speaker #0

    Ah, adultère donc.

  • Speaker #1

    Oui. Ils sont tous les deux brièvement emprisonnés. Amande, cinq florins chacun. Cris de merci, les frais.

  • Speaker #0

    Et ça continue ?

  • Speaker #1

    Oui. 1548, une accusation de viol sur une certaine Jeannette d'Aumange à Compois. Là, c'est plus grave. Il fait un mois de prison, mais il est libéré contre 15 florins d'amende, cri de merci frais.

  • Speaker #0

    15 florins pour une accusation de viol ? Ça paraît léger, non ?

  • Speaker #1

    Ça peut sembler léger, oui. Et puis en 1550, on le soupçonne d'avoir un livre d'enchantement, peut-être avec son beau-frère médecin.

  • Speaker #0

    Un livre d'enchantement ?

  • Speaker #1

    Oui, bon, les détails sont flous, mais ça montre encore un écart par rapport à la norme religieuse. Et enfin, en 1552, une autre liaison avec une servante, encore une Jeanne. un autre enfant illégitime. Il est libéré après sa peine, paie une amende.

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient vraiment intéressant. Malgré toutes ces affaires, dont certaines très graves comme le viol, les sanctions semblent, comme vous disiez, relativement clémentes. Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors, les sources suggèrent deux choses. Sa richesse et ses relations, évidemment. Mais aussi, et c'est peut-être crucial, son célibat.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Pourquoi le célibat ?

  • Speaker #1

    Dans cette société très patriarcale, on pardonnait plus facilement en disant Les pulsions d'un célibataire, même notable, que l'infidélité d'un homme marié qui brisait un sacrement et un ordre familial.

  • Speaker #0

    C'est fou ça.

  • Speaker #1

    Il y a même un témoin qui rapporte l'avoir entendu se vanter en prison disant qu'il voulait « sept bâtards » avant de se marier.

  • Speaker #0

    Sept bâtards, carrément.

  • Speaker #1

    Lui-même aurait dit devant le consistoire par jeu qu'il en voulait trois ou quatre. Bon, par jeu, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donc il était puni, mais différemment.

  • Speaker #1

    Exactement. On le punit pour la fornication, pour le baptême catholique, ça c'est un défi direct à l'ordre réformé, pour l'accusation de viol, pour le livre interdit. Mais la sanction reste mesurée par rapport à ce qu'on pourrait attendre, sans doute à cause de son statut de célibataire influent.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi cette affaire politique en 1560.

  • Speaker #1

    Oui, plus tard, il est impliqué dans une histoire avec Jean Morly. On l'accuse d'avoir rapporté et amplifié des critiques contre les ministres. Ça lui vaut une suspension temporaire du Conseil des 200. Ça montre aussi qu'il naviguait dans les tensions politico-religieuses de l'époque.

  • Speaker #0

    Mettons ça en perspective. Jean-Philippe Hergex, lui aussi célibataire. Liaison avec une femme mariée. Ça peine.

  • Speaker #1

    Alors là, c'est différent. Neuf jours de prison au pain et à l'eau, et surtout une amende très élevée. 25 écus.

  • Speaker #0

    Ah oui, 25 écus, c'est beaucoup plus que les 5 ou 15 florins de Bourdon. Pourquoi cette sévérité ?

  • Speaker #1

    Le contexte politique semble jouer un rôle énorme ici. Gex était le beau-fils d'un opposant politique qui avait été exécuté, Jean-Philippe Desartichaux.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc cet amant très lourde, ça pourrait bien être une façon de le viser lui ou sa famille à travers cette affaire de mœurs. C'est un mélange de morale et de politique. Sa partenaire, Jeanne Rachex, elle a eu la même peine de prison d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et Gex avait d'autres soucis avec le consistoire, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on lui reprochait aussi de manquer les sermons, de s'opposer un peu au consistoire. Donc un profil plus contestataire, disons.

  • Speaker #0

    Et pour finir la comparaison, Jean Ayode.

  • Speaker #1

    Liaison avec sa servante. Lui, c'est le cas de base, si on veut. Puni, juxté les édits, c'est-à-dire selon la loi, probablement la peine standard. 3 jours de prison au pain et à l'eau, 5 florins d'amande.

  • Speaker #0

    Bien moins sévère.

  • Speaker #1

    Voilà, ça montre bien le contraste. Alliode, c'est la fornication simple entre célibataire, maître et servante. Gex, c'est l'adultère aggravée par le contexte politique. Et Bourdon, c'est le notable célibataire récidiviste qui bénéficie d'une certaine mensuétude malgré la gravité et la répétition.

  • Speaker #0

    Donc si on résume un peu tout ça... ces exemples nous montrent une justice morale à Genel qui n'était pas tout à fait la même pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Absolument. Le statut marital, célibataire ou marié, la classe sociale, les connexions politiques, tout ça pesait lourdement dans la balance pour ces affaires de paillardise.

  • Speaker #0

    François Bourdon, malgré des actes répétés, y compris un viol présumé et un défi religieux, s'en tire relativement bien, grâce à son statut de riche célibataire influent.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ça illustre bien les difficultés du consistoire. Vouloir imposer une morale stricte et uniforme, c'était une chose. Le faire en pratique face au réseau de pouvoir, aux mentalités patriarcales dominantes, c'en était une autre.

  • Speaker #0

    Même dans la cité de Calvin, qui cherchait la rigueur ?

  • Speaker #1

    Même là. La clémence envers des gens comme Bourdon, ça montre peut-être les limites de leur autorité ou simplement comment fonctionnait la société de l'époque.

  • Speaker #0

    Et ça nous amène à une dernière pensée. Vous avez mentionné que Bourdon se serait vanté de vouloir des bâtards.

  • Speaker #1

    Oui, cette attitude un peu désinvolte.

  • Speaker #0

    Quand on pense à ce que ça impliquait pour les femmes, la honte, les sanctions, un avenir incertain, que ce soit les servantes, la femme mariée ou la victime de viol, qu'est-ce que ça nous dit cette attitude de bourdon sur les rapports de pouvoir homme-femme à l'époque ? Sur ce qui était acceptable ou du moins toléré pour certains hommes, même sous le regard du consistoire ?

  • Speaker #2

    C'est une excellente question pour réfléchir en effet. Ça révèle sans doute une asymétrie très forte. dans la manière dont la société jugeait et traitait les hommes et les femmes face à la sexualité et à ses conséquences. Matière à réflexion.

Description

Bienvenue sur « Vraiment Calvin, est-ce là une vie idéale ? Un podcast historique ». Aujourd’hui, cap sur Genève au XVIe siècle, où l’on découvre que même les familles les plus distinguées n’étaient pas forcément des modèles de vertu — en témoigne François Bourdon, notable bien en vue… mais catalogué client régulier du Consistoire.

Sous le regard scrutateur de Calvin et de ses alliés, la Réforme œuvre à bâtir une société pieuse, réglée comme du papier à musique. Pourtant, François Bourdon, héritier d’une famille influente et citoyens au bénéfice de riches connexions, accumule les démêlés pour… disons, des aventures sentimentales un peu turbulentes et immorales. Fornications à répétition, adultère, soupçons de sorcellerie, et même accusations de viol, ses frasques auraient pu lui valoir la disgrâce… mais la réalité se montre plus nuancée.

Entre repentances publiques, amendes plutôt clémentes et tolérance intrigante liée à son statut social (sans oublier le fameux la surprenant mention du « célibataire indulgent » des registres), Bourdon illustre la difficile conciliation entre idéaux moraux sévères et poids des privilèges.

Aussi, plongeons ensemble dans les horloges bien réglées du Consistoire, où la justice divine se frotte parfois à la politique, où la rigueur rencontre les failles humaines, et où la sainteté n’exclut pas quelques zones d’ombre. Une leçon d’histoire qui montre que, même dans la Genève la plus puritaine, l’humain reste… humain.

*******

Ce podcast de vulgarisation historique est développé dans le cadre du projet interdisciplinaire intitulé “Une édition sémantique et multilingue en ligne des Registres du Conseil de Genève / 1545-1550” (RCnum) et réalisé par l’Université de Genève (UNIGE), avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Pour plus d’informations : https://www.unige.ch/registresconseilge/en.


Hosted by Ausha. See ausha.co/privacy-policy for more information.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour. Aujourd'hui, on plonge un peu dans les archives de Genève au XVIe siècle. On va regarder comment la société réformée gérait ce qu'on appelait la paillardise.

  • Speaker #1

    Oui, l'inconduite sexuelle en gros.

  • Speaker #0

    C'est ça. On a des extraits d'analyse, des bases de données sur les registres du consistoire. Et on va suivre quelques personnes, surtout François Bourdon, un célibataire assez influent.

  • Speaker #1

    Exact. Et on va comparer son cas avec d'autres, comme Jean-Philippe Ergex et Jean Ayode. pour voir un peu comment la justice morale pouvait varier.

  • Speaker #0

    Voilà, l'idée c'est de décrypter comment le statut social, le fait d'être marié ou non, les réseaux, tout ça pouvait jouer.

  • Speaker #1

    Tout à fait. On est donc à Genève, juste après la réforme. Le consistoire, c'est cet organe qui veille de très près sur la morale publique.

  • Speaker #0

    Et ces archives, elles nous montrent quoi ? Une tension, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Exactement. Une tension entre les idéaux très stricts et puis la réalité sociale. C'est plein de nuances.

  • Speaker #0

    Alors commençons par ce François Bourdon. Qui c'est ce monsieur ?

  • Speaker #1

    Alors Bourdon c'est un citoyen genevois, célibataire et issu d'une famille très très en vue. Ah oui ? Oui, son père Jean Bourdon était un riche marchand drapier, il était aussi conseiller. Sa mère Jacques Mâ, c'était la sœur du premier syndic Claude Savoie, le top du top quoi.

  • Speaker #0

    D'accord. Et lui-même François ?

  • Speaker #1

    Lui-même il était membre du Conseil des 200, donc un organe politique important. Éco-seigneur de Compois, quelqu'un de bien établi.

  • Speaker #0

    Pourtant, une des premières accusations qu'on trouve, c'est qu'il aurait paillardé avec sa servante Jeanne et eu un enfant, baptisé à la papisterie.

  • Speaker #1

    C'est ça, baptisé catholique. Et ça, c'était que le début en fait. Les archives montrent une série d'affaires.

  • Speaker #0

    Racontez un peu.

  • Speaker #1

    En 1545, cette histoire avec Jeanne de Lajoux, la servante, l'enfant baptisé catholique, sanction. Il doit crier merci, payer six écus d'amende et les frais.

  • Speaker #0

    Ok. Et après ?

  • Speaker #1

    1547, Robelotte, avec la même jambe de la joue. Un autre enfant illégitime. Puis, entre 47 et 48, une liaison avec Robel-Recland. Elle, elle était mariée.

  • Speaker #0

    Ah, adultère donc.

  • Speaker #1

    Oui. Ils sont tous les deux brièvement emprisonnés. Amande, cinq florins chacun. Cris de merci, les frais.

  • Speaker #0

    Et ça continue ?

  • Speaker #1

    Oui. 1548, une accusation de viol sur une certaine Jeannette d'Aumange à Compois. Là, c'est plus grave. Il fait un mois de prison, mais il est libéré contre 15 florins d'amende, cri de merci frais.

  • Speaker #0

    15 florins pour une accusation de viol ? Ça paraît léger, non ?

  • Speaker #1

    Ça peut sembler léger, oui. Et puis en 1550, on le soupçonne d'avoir un livre d'enchantement, peut-être avec son beau-frère médecin.

  • Speaker #0

    Un livre d'enchantement ?

  • Speaker #1

    Oui, bon, les détails sont flous, mais ça montre encore un écart par rapport à la norme religieuse. Et enfin, en 1552, une autre liaison avec une servante, encore une Jeanne. un autre enfant illégitime. Il est libéré après sa peine, paie une amende.

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient vraiment intéressant. Malgré toutes ces affaires, dont certaines très graves comme le viol, les sanctions semblent, comme vous disiez, relativement clémentes. Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors, les sources suggèrent deux choses. Sa richesse et ses relations, évidemment. Mais aussi, et c'est peut-être crucial, son célibat.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Pourquoi le célibat ?

  • Speaker #1

    Dans cette société très patriarcale, on pardonnait plus facilement en disant Les pulsions d'un célibataire, même notable, que l'infidélité d'un homme marié qui brisait un sacrement et un ordre familial.

  • Speaker #0

    C'est fou ça.

  • Speaker #1

    Il y a même un témoin qui rapporte l'avoir entendu se vanter en prison disant qu'il voulait « sept bâtards » avant de se marier.

  • Speaker #0

    Sept bâtards, carrément.

  • Speaker #1

    Lui-même aurait dit devant le consistoire par jeu qu'il en voulait trois ou quatre. Bon, par jeu, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donc il était puni, mais différemment.

  • Speaker #1

    Exactement. On le punit pour la fornication, pour le baptême catholique, ça c'est un défi direct à l'ordre réformé, pour l'accusation de viol, pour le livre interdit. Mais la sanction reste mesurée par rapport à ce qu'on pourrait attendre, sans doute à cause de son statut de célibataire influent.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi cette affaire politique en 1560.

  • Speaker #1

    Oui, plus tard, il est impliqué dans une histoire avec Jean Morly. On l'accuse d'avoir rapporté et amplifié des critiques contre les ministres. Ça lui vaut une suspension temporaire du Conseil des 200. Ça montre aussi qu'il naviguait dans les tensions politico-religieuses de l'époque.

  • Speaker #0

    Mettons ça en perspective. Jean-Philippe Hergex, lui aussi célibataire. Liaison avec une femme mariée. Ça peine.

  • Speaker #1

    Alors là, c'est différent. Neuf jours de prison au pain et à l'eau, et surtout une amende très élevée. 25 écus.

  • Speaker #0

    Ah oui, 25 écus, c'est beaucoup plus que les 5 ou 15 florins de Bourdon. Pourquoi cette sévérité ?

  • Speaker #1

    Le contexte politique semble jouer un rôle énorme ici. Gex était le beau-fils d'un opposant politique qui avait été exécuté, Jean-Philippe Desartichaux.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc cet amant très lourde, ça pourrait bien être une façon de le viser lui ou sa famille à travers cette affaire de mœurs. C'est un mélange de morale et de politique. Sa partenaire, Jeanne Rachex, elle a eu la même peine de prison d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et Gex avait d'autres soucis avec le consistoire, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on lui reprochait aussi de manquer les sermons, de s'opposer un peu au consistoire. Donc un profil plus contestataire, disons.

  • Speaker #0

    Et pour finir la comparaison, Jean Ayode.

  • Speaker #1

    Liaison avec sa servante. Lui, c'est le cas de base, si on veut. Puni, juxté les édits, c'est-à-dire selon la loi, probablement la peine standard. 3 jours de prison au pain et à l'eau, 5 florins d'amande.

  • Speaker #0

    Bien moins sévère.

  • Speaker #1

    Voilà, ça montre bien le contraste. Alliode, c'est la fornication simple entre célibataire, maître et servante. Gex, c'est l'adultère aggravée par le contexte politique. Et Bourdon, c'est le notable célibataire récidiviste qui bénéficie d'une certaine mensuétude malgré la gravité et la répétition.

  • Speaker #0

    Donc si on résume un peu tout ça... ces exemples nous montrent une justice morale à Genel qui n'était pas tout à fait la même pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Absolument. Le statut marital, célibataire ou marié, la classe sociale, les connexions politiques, tout ça pesait lourdement dans la balance pour ces affaires de paillardise.

  • Speaker #0

    François Bourdon, malgré des actes répétés, y compris un viol présumé et un défi religieux, s'en tire relativement bien, grâce à son statut de riche célibataire influent.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ça illustre bien les difficultés du consistoire. Vouloir imposer une morale stricte et uniforme, c'était une chose. Le faire en pratique face au réseau de pouvoir, aux mentalités patriarcales dominantes, c'en était une autre.

  • Speaker #0

    Même dans la cité de Calvin, qui cherchait la rigueur ?

  • Speaker #1

    Même là. La clémence envers des gens comme Bourdon, ça montre peut-être les limites de leur autorité ou simplement comment fonctionnait la société de l'époque.

  • Speaker #0

    Et ça nous amène à une dernière pensée. Vous avez mentionné que Bourdon se serait vanté de vouloir des bâtards.

  • Speaker #1

    Oui, cette attitude un peu désinvolte.

  • Speaker #0

    Quand on pense à ce que ça impliquait pour les femmes, la honte, les sanctions, un avenir incertain, que ce soit les servantes, la femme mariée ou la victime de viol, qu'est-ce que ça nous dit cette attitude de bourdon sur les rapports de pouvoir homme-femme à l'époque ? Sur ce qui était acceptable ou du moins toléré pour certains hommes, même sous le regard du consistoire ?

  • Speaker #2

    C'est une excellente question pour réfléchir en effet. Ça révèle sans doute une asymétrie très forte. dans la manière dont la société jugeait et traitait les hommes et les femmes face à la sexualité et à ses conséquences. Matière à réflexion.

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Bienvenue sur « Vraiment Calvin, est-ce là une vie idéale ? Un podcast historique ». Aujourd’hui, cap sur Genève au XVIe siècle, où l’on découvre que même les familles les plus distinguées n’étaient pas forcément des modèles de vertu — en témoigne François Bourdon, notable bien en vue… mais catalogué client régulier du Consistoire.

Sous le regard scrutateur de Calvin et de ses alliés, la Réforme œuvre à bâtir une société pieuse, réglée comme du papier à musique. Pourtant, François Bourdon, héritier d’une famille influente et citoyens au bénéfice de riches connexions, accumule les démêlés pour… disons, des aventures sentimentales un peu turbulentes et immorales. Fornications à répétition, adultère, soupçons de sorcellerie, et même accusations de viol, ses frasques auraient pu lui valoir la disgrâce… mais la réalité se montre plus nuancée.

Entre repentances publiques, amendes plutôt clémentes et tolérance intrigante liée à son statut social (sans oublier le fameux la surprenant mention du « célibataire indulgent » des registres), Bourdon illustre la difficile conciliation entre idéaux moraux sévères et poids des privilèges.

Aussi, plongeons ensemble dans les horloges bien réglées du Consistoire, où la justice divine se frotte parfois à la politique, où la rigueur rencontre les failles humaines, et où la sainteté n’exclut pas quelques zones d’ombre. Une leçon d’histoire qui montre que, même dans la Genève la plus puritaine, l’humain reste… humain.

*******

Ce podcast de vulgarisation historique est développé dans le cadre du projet interdisciplinaire intitulé “Une édition sémantique et multilingue en ligne des Registres du Conseil de Genève / 1545-1550” (RCnum) et réalisé par l’Université de Genève (UNIGE), avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Pour plus d’informations : https://www.unige.ch/registresconseilge/en.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour. Aujourd'hui, on plonge un peu dans les archives de Genève au XVIe siècle. On va regarder comment la société réformée gérait ce qu'on appelait la paillardise.

  • Speaker #1

    Oui, l'inconduite sexuelle en gros.

  • Speaker #0

    C'est ça. On a des extraits d'analyse, des bases de données sur les registres du consistoire. Et on va suivre quelques personnes, surtout François Bourdon, un célibataire assez influent.

  • Speaker #1

    Exact. Et on va comparer son cas avec d'autres, comme Jean-Philippe Ergex et Jean Ayode. pour voir un peu comment la justice morale pouvait varier.

  • Speaker #0

    Voilà, l'idée c'est de décrypter comment le statut social, le fait d'être marié ou non, les réseaux, tout ça pouvait jouer.

  • Speaker #1

    Tout à fait. On est donc à Genève, juste après la réforme. Le consistoire, c'est cet organe qui veille de très près sur la morale publique.

  • Speaker #0

    Et ces archives, elles nous montrent quoi ? Une tension, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Exactement. Une tension entre les idéaux très stricts et puis la réalité sociale. C'est plein de nuances.

  • Speaker #0

    Alors commençons par ce François Bourdon. Qui c'est ce monsieur ?

  • Speaker #1

    Alors Bourdon c'est un citoyen genevois, célibataire et issu d'une famille très très en vue. Ah oui ? Oui, son père Jean Bourdon était un riche marchand drapier, il était aussi conseiller. Sa mère Jacques Mâ, c'était la sœur du premier syndic Claude Savoie, le top du top quoi.

  • Speaker #0

    D'accord. Et lui-même François ?

  • Speaker #1

    Lui-même il était membre du Conseil des 200, donc un organe politique important. Éco-seigneur de Compois, quelqu'un de bien établi.

  • Speaker #0

    Pourtant, une des premières accusations qu'on trouve, c'est qu'il aurait paillardé avec sa servante Jeanne et eu un enfant, baptisé à la papisterie.

  • Speaker #1

    C'est ça, baptisé catholique. Et ça, c'était que le début en fait. Les archives montrent une série d'affaires.

  • Speaker #0

    Racontez un peu.

  • Speaker #1

    En 1545, cette histoire avec Jeanne de Lajoux, la servante, l'enfant baptisé catholique, sanction. Il doit crier merci, payer six écus d'amende et les frais.

  • Speaker #0

    Ok. Et après ?

  • Speaker #1

    1547, Robelotte, avec la même jambe de la joue. Un autre enfant illégitime. Puis, entre 47 et 48, une liaison avec Robel-Recland. Elle, elle était mariée.

  • Speaker #0

    Ah, adultère donc.

  • Speaker #1

    Oui. Ils sont tous les deux brièvement emprisonnés. Amande, cinq florins chacun. Cris de merci, les frais.

  • Speaker #0

    Et ça continue ?

  • Speaker #1

    Oui. 1548, une accusation de viol sur une certaine Jeannette d'Aumange à Compois. Là, c'est plus grave. Il fait un mois de prison, mais il est libéré contre 15 florins d'amende, cri de merci frais.

  • Speaker #0

    15 florins pour une accusation de viol ? Ça paraît léger, non ?

  • Speaker #1

    Ça peut sembler léger, oui. Et puis en 1550, on le soupçonne d'avoir un livre d'enchantement, peut-être avec son beau-frère médecin.

  • Speaker #0

    Un livre d'enchantement ?

  • Speaker #1

    Oui, bon, les détails sont flous, mais ça montre encore un écart par rapport à la norme religieuse. Et enfin, en 1552, une autre liaison avec une servante, encore une Jeanne. un autre enfant illégitime. Il est libéré après sa peine, paie une amende.

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient vraiment intéressant. Malgré toutes ces affaires, dont certaines très graves comme le viol, les sanctions semblent, comme vous disiez, relativement clémentes. Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors, les sources suggèrent deux choses. Sa richesse et ses relations, évidemment. Mais aussi, et c'est peut-être crucial, son célibat.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Pourquoi le célibat ?

  • Speaker #1

    Dans cette société très patriarcale, on pardonnait plus facilement en disant Les pulsions d'un célibataire, même notable, que l'infidélité d'un homme marié qui brisait un sacrement et un ordre familial.

  • Speaker #0

    C'est fou ça.

  • Speaker #1

    Il y a même un témoin qui rapporte l'avoir entendu se vanter en prison disant qu'il voulait « sept bâtards » avant de se marier.

  • Speaker #0

    Sept bâtards, carrément.

  • Speaker #1

    Lui-même aurait dit devant le consistoire par jeu qu'il en voulait trois ou quatre. Bon, par jeu, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donc il était puni, mais différemment.

  • Speaker #1

    Exactement. On le punit pour la fornication, pour le baptême catholique, ça c'est un défi direct à l'ordre réformé, pour l'accusation de viol, pour le livre interdit. Mais la sanction reste mesurée par rapport à ce qu'on pourrait attendre, sans doute à cause de son statut de célibataire influent.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi cette affaire politique en 1560.

  • Speaker #1

    Oui, plus tard, il est impliqué dans une histoire avec Jean Morly. On l'accuse d'avoir rapporté et amplifié des critiques contre les ministres. Ça lui vaut une suspension temporaire du Conseil des 200. Ça montre aussi qu'il naviguait dans les tensions politico-religieuses de l'époque.

  • Speaker #0

    Mettons ça en perspective. Jean-Philippe Hergex, lui aussi célibataire. Liaison avec une femme mariée. Ça peine.

  • Speaker #1

    Alors là, c'est différent. Neuf jours de prison au pain et à l'eau, et surtout une amende très élevée. 25 écus.

  • Speaker #0

    Ah oui, 25 écus, c'est beaucoup plus que les 5 ou 15 florins de Bourdon. Pourquoi cette sévérité ?

  • Speaker #1

    Le contexte politique semble jouer un rôle énorme ici. Gex était le beau-fils d'un opposant politique qui avait été exécuté, Jean-Philippe Desartichaux.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc cet amant très lourde, ça pourrait bien être une façon de le viser lui ou sa famille à travers cette affaire de mœurs. C'est un mélange de morale et de politique. Sa partenaire, Jeanne Rachex, elle a eu la même peine de prison d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et Gex avait d'autres soucis avec le consistoire, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on lui reprochait aussi de manquer les sermons, de s'opposer un peu au consistoire. Donc un profil plus contestataire, disons.

  • Speaker #0

    Et pour finir la comparaison, Jean Ayode.

  • Speaker #1

    Liaison avec sa servante. Lui, c'est le cas de base, si on veut. Puni, juxté les édits, c'est-à-dire selon la loi, probablement la peine standard. 3 jours de prison au pain et à l'eau, 5 florins d'amande.

  • Speaker #0

    Bien moins sévère.

  • Speaker #1

    Voilà, ça montre bien le contraste. Alliode, c'est la fornication simple entre célibataire, maître et servante. Gex, c'est l'adultère aggravée par le contexte politique. Et Bourdon, c'est le notable célibataire récidiviste qui bénéficie d'une certaine mensuétude malgré la gravité et la répétition.

  • Speaker #0

    Donc si on résume un peu tout ça... ces exemples nous montrent une justice morale à Genel qui n'était pas tout à fait la même pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Absolument. Le statut marital, célibataire ou marié, la classe sociale, les connexions politiques, tout ça pesait lourdement dans la balance pour ces affaires de paillardise.

  • Speaker #0

    François Bourdon, malgré des actes répétés, y compris un viol présumé et un défi religieux, s'en tire relativement bien, grâce à son statut de riche célibataire influent.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ça illustre bien les difficultés du consistoire. Vouloir imposer une morale stricte et uniforme, c'était une chose. Le faire en pratique face au réseau de pouvoir, aux mentalités patriarcales dominantes, c'en était une autre.

  • Speaker #0

    Même dans la cité de Calvin, qui cherchait la rigueur ?

  • Speaker #1

    Même là. La clémence envers des gens comme Bourdon, ça montre peut-être les limites de leur autorité ou simplement comment fonctionnait la société de l'époque.

  • Speaker #0

    Et ça nous amène à une dernière pensée. Vous avez mentionné que Bourdon se serait vanté de vouloir des bâtards.

  • Speaker #1

    Oui, cette attitude un peu désinvolte.

  • Speaker #0

    Quand on pense à ce que ça impliquait pour les femmes, la honte, les sanctions, un avenir incertain, que ce soit les servantes, la femme mariée ou la victime de viol, qu'est-ce que ça nous dit cette attitude de bourdon sur les rapports de pouvoir homme-femme à l'époque ? Sur ce qui était acceptable ou du moins toléré pour certains hommes, même sous le regard du consistoire ?

  • Speaker #2

    C'est une excellente question pour réfléchir en effet. Ça révèle sans doute une asymétrie très forte. dans la manière dont la société jugeait et traitait les hommes et les femmes face à la sexualité et à ses conséquences. Matière à réflexion.

Description

Bienvenue sur « Vraiment Calvin, est-ce là une vie idéale ? Un podcast historique ». Aujourd’hui, cap sur Genève au XVIe siècle, où l’on découvre que même les familles les plus distinguées n’étaient pas forcément des modèles de vertu — en témoigne François Bourdon, notable bien en vue… mais catalogué client régulier du Consistoire.

Sous le regard scrutateur de Calvin et de ses alliés, la Réforme œuvre à bâtir une société pieuse, réglée comme du papier à musique. Pourtant, François Bourdon, héritier d’une famille influente et citoyens au bénéfice de riches connexions, accumule les démêlés pour… disons, des aventures sentimentales un peu turbulentes et immorales. Fornications à répétition, adultère, soupçons de sorcellerie, et même accusations de viol, ses frasques auraient pu lui valoir la disgrâce… mais la réalité se montre plus nuancée.

Entre repentances publiques, amendes plutôt clémentes et tolérance intrigante liée à son statut social (sans oublier le fameux la surprenant mention du « célibataire indulgent » des registres), Bourdon illustre la difficile conciliation entre idéaux moraux sévères et poids des privilèges.

Aussi, plongeons ensemble dans les horloges bien réglées du Consistoire, où la justice divine se frotte parfois à la politique, où la rigueur rencontre les failles humaines, et où la sainteté n’exclut pas quelques zones d’ombre. Une leçon d’histoire qui montre que, même dans la Genève la plus puritaine, l’humain reste… humain.

*******

Ce podcast de vulgarisation historique est développé dans le cadre du projet interdisciplinaire intitulé “Une édition sémantique et multilingue en ligne des Registres du Conseil de Genève / 1545-1550” (RCnum) et réalisé par l’Université de Genève (UNIGE), avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS). Pour plus d’informations : https://www.unige.ch/registresconseilge/en.


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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour. Aujourd'hui, on plonge un peu dans les archives de Genève au XVIe siècle. On va regarder comment la société réformée gérait ce qu'on appelait la paillardise.

  • Speaker #1

    Oui, l'inconduite sexuelle en gros.

  • Speaker #0

    C'est ça. On a des extraits d'analyse, des bases de données sur les registres du consistoire. Et on va suivre quelques personnes, surtout François Bourdon, un célibataire assez influent.

  • Speaker #1

    Exact. Et on va comparer son cas avec d'autres, comme Jean-Philippe Ergex et Jean Ayode. pour voir un peu comment la justice morale pouvait varier.

  • Speaker #0

    Voilà, l'idée c'est de décrypter comment le statut social, le fait d'être marié ou non, les réseaux, tout ça pouvait jouer.

  • Speaker #1

    Tout à fait. On est donc à Genève, juste après la réforme. Le consistoire, c'est cet organe qui veille de très près sur la morale publique.

  • Speaker #0

    Et ces archives, elles nous montrent quoi ? Une tension, j'imagine ?

  • Speaker #1

    Exactement. Une tension entre les idéaux très stricts et puis la réalité sociale. C'est plein de nuances.

  • Speaker #0

    Alors commençons par ce François Bourdon. Qui c'est ce monsieur ?

  • Speaker #1

    Alors Bourdon c'est un citoyen genevois, célibataire et issu d'une famille très très en vue. Ah oui ? Oui, son père Jean Bourdon était un riche marchand drapier, il était aussi conseiller. Sa mère Jacques Mâ, c'était la sœur du premier syndic Claude Savoie, le top du top quoi.

  • Speaker #0

    D'accord. Et lui-même François ?

  • Speaker #1

    Lui-même il était membre du Conseil des 200, donc un organe politique important. Éco-seigneur de Compois, quelqu'un de bien établi.

  • Speaker #0

    Pourtant, une des premières accusations qu'on trouve, c'est qu'il aurait paillardé avec sa servante Jeanne et eu un enfant, baptisé à la papisterie.

  • Speaker #1

    C'est ça, baptisé catholique. Et ça, c'était que le début en fait. Les archives montrent une série d'affaires.

  • Speaker #0

    Racontez un peu.

  • Speaker #1

    En 1545, cette histoire avec Jeanne de Lajoux, la servante, l'enfant baptisé catholique, sanction. Il doit crier merci, payer six écus d'amende et les frais.

  • Speaker #0

    Ok. Et après ?

  • Speaker #1

    1547, Robelotte, avec la même jambe de la joue. Un autre enfant illégitime. Puis, entre 47 et 48, une liaison avec Robel-Recland. Elle, elle était mariée.

  • Speaker #0

    Ah, adultère donc.

  • Speaker #1

    Oui. Ils sont tous les deux brièvement emprisonnés. Amande, cinq florins chacun. Cris de merci, les frais.

  • Speaker #0

    Et ça continue ?

  • Speaker #1

    Oui. 1548, une accusation de viol sur une certaine Jeannette d'Aumange à Compois. Là, c'est plus grave. Il fait un mois de prison, mais il est libéré contre 15 florins d'amende, cri de merci frais.

  • Speaker #0

    15 florins pour une accusation de viol ? Ça paraît léger, non ?

  • Speaker #1

    Ça peut sembler léger, oui. Et puis en 1550, on le soupçonne d'avoir un livre d'enchantement, peut-être avec son beau-frère médecin.

  • Speaker #0

    Un livre d'enchantement ?

  • Speaker #1

    Oui, bon, les détails sont flous, mais ça montre encore un écart par rapport à la norme religieuse. Et enfin, en 1552, une autre liaison avec une servante, encore une Jeanne. un autre enfant illégitime. Il est libéré après sa peine, paie une amende.

  • Speaker #0

    C'est là que ça devient vraiment intéressant. Malgré toutes ces affaires, dont certaines très graves comme le viol, les sanctions semblent, comme vous disiez, relativement clémentes. Pourquoi ?

  • Speaker #1

    Alors, les sources suggèrent deux choses. Sa richesse et ses relations, évidemment. Mais aussi, et c'est peut-être crucial, son célibat.

  • Speaker #0

    Ah bon ? Pourquoi le célibat ?

  • Speaker #1

    Dans cette société très patriarcale, on pardonnait plus facilement en disant Les pulsions d'un célibataire, même notable, que l'infidélité d'un homme marié qui brisait un sacrement et un ordre familial.

  • Speaker #0

    C'est fou ça.

  • Speaker #1

    Il y a même un témoin qui rapporte l'avoir entendu se vanter en prison disant qu'il voulait « sept bâtards » avant de se marier.

  • Speaker #0

    Sept bâtards, carrément.

  • Speaker #1

    Lui-même aurait dit devant le consistoire par jeu qu'il en voulait trois ou quatre. Bon, par jeu, mais quand même.

  • Speaker #0

    Donc il était puni, mais différemment.

  • Speaker #1

    Exactement. On le punit pour la fornication, pour le baptême catholique, ça c'est un défi direct à l'ordre réformé, pour l'accusation de viol, pour le livre interdit. Mais la sanction reste mesurée par rapport à ce qu'on pourrait attendre, sans doute à cause de son statut de célibataire influent.

  • Speaker #0

    Et il y a aussi cette affaire politique en 1560.

  • Speaker #1

    Oui, plus tard, il est impliqué dans une histoire avec Jean Morly. On l'accuse d'avoir rapporté et amplifié des critiques contre les ministres. Ça lui vaut une suspension temporaire du Conseil des 200. Ça montre aussi qu'il naviguait dans les tensions politico-religieuses de l'époque.

  • Speaker #0

    Mettons ça en perspective. Jean-Philippe Hergex, lui aussi célibataire. Liaison avec une femme mariée. Ça peine.

  • Speaker #1

    Alors là, c'est différent. Neuf jours de prison au pain et à l'eau, et surtout une amende très élevée. 25 écus.

  • Speaker #0

    Ah oui, 25 écus, c'est beaucoup plus que les 5 ou 15 florins de Bourdon. Pourquoi cette sévérité ?

  • Speaker #1

    Le contexte politique semble jouer un rôle énorme ici. Gex était le beau-fils d'un opposant politique qui avait été exécuté, Jean-Philippe Desartichaux.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Donc cet amant très lourde, ça pourrait bien être une façon de le viser lui ou sa famille à travers cette affaire de mœurs. C'est un mélange de morale et de politique. Sa partenaire, Jeanne Rachex, elle a eu la même peine de prison d'ailleurs.

  • Speaker #0

    Et Gex avait d'autres soucis avec le consistoire, non ?

  • Speaker #1

    Oui, on lui reprochait aussi de manquer les sermons, de s'opposer un peu au consistoire. Donc un profil plus contestataire, disons.

  • Speaker #0

    Et pour finir la comparaison, Jean Ayode.

  • Speaker #1

    Liaison avec sa servante. Lui, c'est le cas de base, si on veut. Puni, juxté les édits, c'est-à-dire selon la loi, probablement la peine standard. 3 jours de prison au pain et à l'eau, 5 florins d'amande.

  • Speaker #0

    Bien moins sévère.

  • Speaker #1

    Voilà, ça montre bien le contraste. Alliode, c'est la fornication simple entre célibataire, maître et servante. Gex, c'est l'adultère aggravée par le contexte politique. Et Bourdon, c'est le notable célibataire récidiviste qui bénéficie d'une certaine mensuétude malgré la gravité et la répétition.

  • Speaker #0

    Donc si on résume un peu tout ça... ces exemples nous montrent une justice morale à Genel qui n'était pas tout à fait la même pour tout le monde.

  • Speaker #1

    Absolument. Le statut marital, célibataire ou marié, la classe sociale, les connexions politiques, tout ça pesait lourdement dans la balance pour ces affaires de paillardise.

  • Speaker #0

    François Bourdon, malgré des actes répétés, y compris un viol présumé et un défi religieux, s'en tire relativement bien, grâce à son statut de riche célibataire influent.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et ça illustre bien les difficultés du consistoire. Vouloir imposer une morale stricte et uniforme, c'était une chose. Le faire en pratique face au réseau de pouvoir, aux mentalités patriarcales dominantes, c'en était une autre.

  • Speaker #0

    Même dans la cité de Calvin, qui cherchait la rigueur ?

  • Speaker #1

    Même là. La clémence envers des gens comme Bourdon, ça montre peut-être les limites de leur autorité ou simplement comment fonctionnait la société de l'époque.

  • Speaker #0

    Et ça nous amène à une dernière pensée. Vous avez mentionné que Bourdon se serait vanté de vouloir des bâtards.

  • Speaker #1

    Oui, cette attitude un peu désinvolte.

  • Speaker #0

    Quand on pense à ce que ça impliquait pour les femmes, la honte, les sanctions, un avenir incertain, que ce soit les servantes, la femme mariée ou la victime de viol, qu'est-ce que ça nous dit cette attitude de bourdon sur les rapports de pouvoir homme-femme à l'époque ? Sur ce qui était acceptable ou du moins toléré pour certains hommes, même sous le regard du consistoire ?

  • Speaker #2

    C'est une excellente question pour réfléchir en effet. Ça révèle sans doute une asymétrie très forte. dans la manière dont la société jugeait et traitait les hommes et les femmes face à la sexualité et à ses conséquences. Matière à réflexion.

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