- Speaker #0
A quoi ressemblerait ta crèche si tu pouvais t'entourer des meilleurs ? Moi, c'est ce que j'ai fait. Pendant les 15 dernières années, de la crèche collective associative à la micro-crèche privée, j'ai tout expérimenté. La petite enfance est un métier à forte contrainte, mais aussi à forte valeur ajoutée. Avec les meilleurs psys, pédiatres, directeurs pédagogiques et les meilleures formations, j'ai pu développer la qualité d'accueil et la qualité de vie au travail. Alors si toi aussi tu es motivé par la qualité, Bienvenue dans Références Petite Enfance, bienvenue dans ton podcast. Grégoire Borst est professeur de psychologie de l'enfant et spécialiste en neurosciences. Avec ses équipes, il travaille beaucoup auprès de l'éducation nationale, à partir de 3 ans, et un peu moins auprès de la petite enfance pour l'instant, il le déplore lui-même. Parce que les avancées des neurosciences permettent de mieux comprendre les enjeux de la petite enfance. Ces enjeux dont on a la responsabilité quand on travaille auprès des jeunes enfants. Et c'est une grande responsabilité, parce que notre comportement, nos gestes, notre disponibilité ont un impact énorme sur le développement du cerveau de l'enfant dont on s'occupe, et sur son avenir, sa vie future. Alors est-ce que la crèche c'est bien pour les enfants ? Comment les aider à réguler leurs émotions ? Comment réduire les différences de milieu social de l'enfant ? Ou encore comment s'appuyer sur les règles et limites dans l'éducation de l'enfant ? Voici les questions auxquelles nous allons répondre dans cet épisode. Bonne écoute. Bonjour à tous et bienvenue dans Références Petite Enfance. J'ai le plaisir d'accueillir Grégoire Borst. Bonjour Grégoire.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Vous êtes assez connu dans le monde de l'enfance, pas que de la petite enfance, puisque vous êtes psychologue du neurodéveloppement, je crois, c'est comme ça qu'on dit ?
- Speaker #1
Oui, on est psychologue de l'enfant et de l'adolescent et la particularité c'est que je fais aussi des neurosciences.
- Speaker #0
Et vous faites aussi des neurosciences, voilà. Alors moi je vous ai entendu pour la première fois... Au Giraffe Awards cette année, vous avez beaucoup parlé de votre spécialité, je crois c'est comment apprendre à apprendre, c'est quoi qu'on peut mettre en place nous en tant qu'adultes pour favoriser le développement des enfants. Il y a eu beaucoup de débats un peu idéologiques autour des crèches. Si on vulgarise un petit peu, je peux vous donner les questions que j'ai en tête. C'est est-ce qu'en crèche on fait de l'éducation ? Est-ce qu'on fait de l'accueil ? Est-ce qu'on fait de la garde ? Est-ce que la crèche c'est bien pour les enfants ou est-ce que c'est plutôt pas bien du tout et en fait c'est un truc d'adulte un peu barbare qu'on a développé et qu'on leur a imposé? Est-ce qu'on doit apprendre des choses aux enfants ? Est-ce qu'on doit leur inculquer des règles ? Est-ce qu'on doit plutôt leur proposer un monde un peu idéal de douceur et de plaisir ? Ou bien plutôt une sorte de plongée précoce dans la jungle de la société humaine ? Donc voilà, c'est un peu toutes ces questions-là auxquelles vous avez répondu dans vos recherches. Voilà, je vous pose déjà la question un peu comme ça, de façon générale, puis après on rentre dans le détail.
- Speaker #1
Peut-être de prendre par le commencement, est-ce que la crèche, c'est plutôt bon pour les enfants ? La réponse est très claire, c'est que oui, c'est plutôt bon pour les enfants. C'est-à-dire qu'il y a un certain nombre de préconisations, en tout cas de modes d'accueil, qui sont des modes d'accueil de garde collectif, parce qu'effectivement, c'est plutôt bénéfique pour le développement de certaines compétences chez l'enfant, notamment des compétences dites socio-émotionnelles. C'est-à-dire que le fait d'interagir avec les autres, d'être en collectivité, ça nous permet de développer des compétences qui sont importantes justement pour notre vie en société. Donc c'est plutôt effectivement positif. On sait qu'on a un problème sur les crèches parce qu'il y a une surreprésentation de certaines catégories socio-professionnelles dans les crèches. C'est-à-dire que la mixité sociale est importante aussi pour apprendre à vivre ensemble.
- Speaker #0
C'est-à-dire pour être plus clair pour les auditeurs ?
- Speaker #1
Pour être plus clair, il y a une surreprésentation par rapport à ce qu'on pourrait attendre. Encore une fois, ce n'est pas en soi qu'il y a une surreprésentation des classes sociales les plus favorisées. Il y a une surreprésentation des classes sociales favorisées dans les crèches, alors même qu'elles étaient destinées en partie pour des milieux sociaux moins favorisés. Et que ça, ça pose question, parce qu'effectivement, les classes sociales moins favorisées privilégient parfois d'autres modes de garde, qui sont des modes de garde individuels, alors même qu'on pourrait attendre à ce qu'on essaye d'accueillir plus de publics qui viennent de milieux sociaux moins favorisés, parce qu'on sait qu'effectivement la crèche c'est bon pour la socialisation de l'enfant, que c'est bon aussi pour son développement cognitif. et ça me permet de faire le lien avec une autre partie de la question que vous posiez c'est quoi la crèche ? c'est quoi l'enjeu de la crèche ? l'enjeu de la crèche c'est un peu tout ce que vous avez dit mais sans qu'elle s'oppose c'est à dire que bien sûr c'est un mode de garde qui doit relever d'un mode de garde dans lequel on est particulièrement sensible pour répondre aux besoins affectifs de l'enfant parce que le très jeune enfant effectivement Il a, je dirais, plus besoin d'être dans des structures qui sont extrêmement sensibles à ses besoins affectifs et socio-émotionnels, mais que ça n'empêche pas de travailler sur les dimensions cognitives de son développement, parce que d'une part, l'un n'est pas antinomique de l'autre, c'est-à-dire que quand on se sent bien, on apprend mieux, pour dire les choses de façon très directe, et que bien sûr que c'est un moment, et peut-être que c'est une des choses sur lesquelles il faut beaucoup sensibiliser les professionnels de la petite enfance. C'est que c'est un moment dans lequel on apprend plein de choses d'un point de vue cognitif et qu'on n'a pas face à nous des petits enfants qui ont une petite intelligence très simpliste qui relève essentiellement de l'intelligence sensorimotrice. Ce n'est pas vrai en fait, c'est ce que montrent toutes les études qu'on mène dans notre laboratoire et dans d'autres laboratoires et dans tous les laboratoires dans le monde entier qui ont déjà travaillé notamment sur justement ces compétences de ces très jeunes enfants. C'est que c'est des machines à apprendre absolument formidables. et qu'ils ont déjà des compétences absolument incroyables du point de vue langagier, du point de vue de la compréhension du monde qui les entoure, du point de vue, justement, de cette capacité à raisonner même de façon abstraite, et que c'est finalement peut-être une perte de chance si on ne prend pas conscience qu'on a face à nous des enfants avec lesquels on peut déjà, effectivement, créer un environnement cognitif extrêmement riche.
- Speaker #0
C'est vrai que quand on connaît le terrain, moi, ça fait depuis 2007 que je suis sur le terrain dans les crèches et les micro-crèches, à la fois, ça fait... rêver d'écouter vous et vos confrères neuroscientifiques. À la fois, ça fait peur parce qu'on voit aussi le terrain se dégrader, on voit aussi le niveau se dégrader. Et quand on pense à l'impact qu'on peut avoir justement sur ces petits humains qui sont en train de développer énormément de compétences, c'est vrai que parfois sur le terrain, il n'y a pas que des professionnels très outillés et très ajustés. Donc c'est aussi pour ça, je pense, qu'on se pose cette question. de est-ce que la crèche, c'est bien pour les enfants ? Parce qu'on a vu un peu tout ces dernières années, on a entendu parler de projets qui partaient un peu dans toutes les directions. Il y a même eu parfois des projets, par exemple, de réinsertion. Donc, réinsérer des personnes qui sont quand même en marge de la société, qu'on veut réinsérer en le faisant travailler en crèche, ça pose question, par exemple, puisque c'est lui qui est amené à accompagner le développement de l'enfant. Donc, c'est quoi notre impact à nous en tant que professionnels ?
- Speaker #1
Bon, peut-être dire deux choses. D'une part, un, que, évidemment, ça relève de la formation. C'est-à-dire qu'à la rigueur, pourquoi pas utiliser ce type de secteur d'activité comme un secteur d'activité dans lequel il peut y avoir de la réinsertion professionnelle. C'est vrai dans tous les secteurs d'activité, y compris à l'école, où on sait qu'on fait de plus en plus appel à des contractuels qui n'ont pas forcément eu des formations initiales du type MasterMEF et ainsi de suite, qui les préparent à être enseignants. Et que ça peut marcher dans certains cas, ça ne marche pas forcément, mais que la vraie question, c'est la question de la formation. Est-ce qu'on investit suffisamment d'argent pour bien former ces professionnels qui vont devoir intervenir auprès des enfants ? Moi, je pense que la vraie question, elle se pose en termes de formation. Ce que je disais juste, c'est que dans un monde où les professionnels de la petite enfance sont bien formés, le mode d'accueil en crèche est plutôt un mode d'accueil qui est au bénéfice de l'enfant. C'est comme ça que tu peux le comprendre. Et avec l'idée aussi de peut-être ne pas porter trop de poids de... culpabilité par rapport à ce qui peut se passer dans ces structures-là. Il faut être effectivement très vigilant, il faut bien former les professionnels. En même temps, un enfant, c'est le début de son développement, il reste tout le reste du développement cérébral qui va durer pendant plus de 20 ans, voire 25 ans encore, que c'est un moment de la vie dans lequel le cerveau est très plastique, qu'ils ne passent pas non plus tout leur temps éveillés à la crèche, et qu'il y a effectivement tout cet environnement global dans lequel l'enfant apprend, on va répondre à ses besoins affectifs, et que c'est donc juste de trouver dans ce cadre-là le meilleur cadre possible et le cadre le plus épanouissant pour l'enfant, en se disant aussi qu'il n'y a rien qui est déterministe, il n'y a rien qui est, je dirais, absolu, et que ce n'est pas parce qu'un enfant n'a pas forcément été, à un moment, face à un professionnel de la petite enfance qui était parfaitement formé, que globalement on l'a mis sur la mauvaise trajectoire pour le reste de sa vie. Il faut relativiser,
- Speaker #0
en fait.
- Speaker #1
Il faut relativiser. même s'il y a des enjeux qui sont forts, parce qu'effectivement, c'est des périodes de la vie dans lesquelles le cerveau se développe très rapidement. Donc, ça veut dire qu'il est très plastique. Et si on dit qu'il est très plastique, ça offre des opportunités. Ils apprennent très vite. Mais c'est aussi des facteurs de vulnérabilité. Ça veut dire que des environnements qui ne sont pas très propices au développement de l'enfant vont avoir plus d'impact dans ces moments du développement cognitif et socio-émotionnel qu'à d'autres moments de la vie. Donc, il faut être vigilant.
- Speaker #0
Est-ce qu'on peut dire que l'enfant en crèche, donc avant 4 ans, de 0 à 3 ans, c'est un enfant qui est plutôt en développement de ses acquisitions et de ses compétences qu'un enfant à qui on va apprendre des choses.
- Speaker #1
Je pense qu'effectivement, c'est un enfant auquel on va apprendre des choses. D'accord. Il faut sortir de cette idée un peu naïve que l'intelligence se construit hors sol, à travers l'absence d'interaction, et que c'est un petit taboula rasa qui, globalement, va découvrir le monde par lui-même et qui va développer son intelligence. C'est des bébés qui, avant même l'entrée à la crèche, sont déjà dotés de systèmes cognitifs, c'est-à-dire d'un cerveau qui est capable de choses absolument extraordinaires. C'est déjà un petit scientifique dans le berceau. C'est un petit psychologue. Il peut reconnaître les gens qui ont des comportements pro-sociaux ou moins pro-sociaux dans son environnement. Il est capable de faire du raisonnement inférentiel. Il a déjà des attentes sur l'addition et la soustraction, même très très jeune.
- Speaker #0
Ça, c'est très impressionnant. On ne peut pas le montrer dans le podcast, mais vous avez des visuels où on voit effectivement des enfants. On a l'impression qu'ils ont déjà une calculatrice. Ils arrivent à anticiper des chiffres.
- Speaker #1
Exactement. C'est des petits mathématiciens dès le début. Encore une fois, ça serait un peu une perte de chance de considérer qu'il faudrait leur laisser... développer ses compétences sans être dans une situation d'apprentissage. D'une part, toute situation est une situation d'apprentissage, prenons conscience de ça, c'est-à-dire qu'il passe son temps, lui, à apprendre, mais que ça veut donc dire qu'en tant que professionnel de la petite enfance, on peut l'accompagner dans ses apprentissages. C'est-à-dire que ça ne veut pas dire qu'effectivement, on crée quelque chose ou un cadre qui soit similaire à celui de l'école, ce n'est pas du tout ce que je suis en train de dire. Au contraire, c'est un cadre particulier, mais dans lequel on peut travailler aussi sur des dimensions qui sont des dimensions cognitives des apprentissages. Mais c'est ce qui est déjà fait en crèche, quand on raconte des histoires aux enfants, quand on leur pose des questions sur une histoire, on est bien dans une situation d'apprentissage, on est dans une interaction de tutelle. Il ne faut pas croire qu'à ce moment-là, on n'est pas très explicitement en train de transmettre des connaissances à ces enfants. De la même manière, quand vous créez des routines dans les crèches, c'est aussi une situation d'apprentissage pour l'enfant. C'est apprendre l'autorégulation, puisque c'est ça que vous développez aussi dans une crèche. C'est apprendre à l'enfant à réguler ses émotions, à se... conformer d'une certaine manière ou en tout cas de s'adapter à un cadre et tout ça, ça fait partie de l'apprentissage. Et donc, ce n'est pas juste l'enfant qui se développe par lui-même, ce n'est pas du tout vrai. Vous êtes dans une structure d'apprentissage.
- Speaker #0
C'est plutôt dans notre vocabulaire on va dire qu'on favorise son développement, qu'on l'accompagne dans ses acquisitions tandis qu'à l'école, on n'a pas le même vocabulaire. C'est vraiment, voilà, il arrive, il doit apprendre un programme et puis à la fin il a appris quelque chose. Enfin, ce n'est pas tout à fait le même vocabulaire mais je pense que oui, les professionnels de la petite enfance, souvent, ils ont plus l'impression... d'être dans l'accompagnement que dans l'éducation, l'instruction.
- Speaker #1
Je vois ce que vous voulez dire. Je pense que la grosse différence, elle est plutôt là. C'est-à-dire qu'on ne fait moins à la crèche, c'est la transmission des outils culturels. C'est ça qui différencie l'école et la crèche. C'est-à-dire qu'à l'école, c'est le lieu où on fait la transmission des outils culturels d'une génération à une autre. C'est là où on apprend à lire, c'est là où on apprend à faire des mathématiques formelles, c'est là où on apprend toutes les grandes matières. Et donc là, on est dans une situation, effectivement, d'éducation, avec un cadre qui est un cadre défini par un programme, et qu'à la crèche, on a peut-être effectivement, c'est le lieu, mais ça devrait être aussi, en fait, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que c'est l'école qui, d'une certaine manière, se trompe de ce point de vue-là. C'est-à-dire que dans ces missions, qui sont des missions de transmission des outils culturels, ce que l'école ne voit pas forcément, c'est qu'elle doit aussi accompagner, par ailleurs, les processus très transversaux, qui sont ceux qui sont... concrètement que vous accompagnez dans les premiers apprentissages à la crèche. C'est-à-dire que, en fait, l'autorégulation, c'est important de 0 à 3 ans, mais c'est aussi très important de 3 à 6 ans, de 6 à 12, et de 12 à 25 ans. C'est-à-dire qu'avoir la capacité d'autoréguler ses comportements, c'est en fait critique pour tous nos apprentissages tout au long de la vie. De la même manière, bien savoir parler, c'est un enjeu tout au long de la vie. Et en fait, c'est ce que vous travaillez à la crèche. Le paradoxe, c'est que quand on passe à l'école, on oublie un peu ces briques de base qui sont fondamentaux pour... tout le reste de nos apprentissages tout au long de notre vie. Donc ça ne s'oppose pas, c'est ça que je veux dire. C'est peut-être un autre vocabulaire, mais en fait, vous travaillez sur des dimensions qui sont des dimensions dont on a aussi besoin à l'école.
- Speaker #0
C'est un peu un prérequis pour l'école en fait. Et c'est pour ça que les parents ont très envie que leurs enfants passent par la crèche parce qu'ils se disent que grâce à ça, l'enfant va arriver en sachant un petit peu mieux se contenir, comme vous dites, s'autoréguler, réussir à s'intégrer dans ses apprentissages à l'école. Ça me fait beaucoup penser à Maria Montessori quand vous... vous parler de tout ça, parce que moi, j'avais fait une formation à l'Institut Maria Montessori pendant trois mois avec mon équipe, où on se rendait compte que Maria Montessori, elle avait beaucoup développé le cadre autour de l'enfant, donc dans quelque chose de très repérable, très ordonné. Et elle parlait beaucoup aussi des périodes sensibles. Et vous aussi, vous parlez de ces périodes où on est très sensible à certains apprentissages, justement. Donc, vous parlez aussi de l'importance de l'environnement qu'on met en place. Et c'est vrai que nous... Quand on ouvre des crèches, on se penche énormément sur l'aménagement de l'espace et aussi bien sûr sur les pratiques. Ça va de pair. Comment vous pensez qu'on peut, en tant que professionnel, avoir un impact justement ? Est-ce que c'est en ayant des espaces ergonomiques ? Est-ce que c'est plus sur notre projet pédagogique ? Est-ce que vous, de votre point de vue, il y a des points clés en fait qu'on doit vraiment travailler quand on ouvre une crèche ?
- Speaker #1
Le risque souvent, quand j'interagis avec des équipes pédagogiques, alors je parle plutôt de la maternelle ici, plutôt que les crèches, puisque naturellement on a travaillé jusqu'à maintenant avec la maternelle, puisqu'on a plutôt l'habitude de travailler avec l'éducation nationale. C'est que je vois des équipes raisonner à l'envers. C'est-à-dire qu'ils disent, il faut que j'achète du matériel pour créer par exemple des environnements flexibles dans ma classe. On dit ok, très bien, mais pourquoi ? Là, la question, elle est évidemment celle du pourquoi. C'est, vous voulez obtenir quoi ? C'est-à-dire que c'est quoi votre projet pédagogique derrière ? Il n'y a pas de problème, c'est effectivement très pertinent de faire des classes flexibles par exemple, ou de créer des espaces agronomiques, ou d'acheter du matériel qui pourrait être du matériel qui est utilisé dans le cadre finalement d'une éducation à ces mécanismes qu'avait déjà bien identifié Maria Montessori qui étaient apprendre à se maîtriser, apprendre finalement à être attentif, puisque Maria Montessori parlait d'éducation à l'attention et dans cela elle pensait effectivement apprendre à des très jeunes enfants à réguler ses comportements, à être attentif, à pouvoir se concentrer. Et tout ce qu'a produit finalement Montessori, c'est ça. C'est-à-dire qu'ils ont réfléchi à du matériel qui permettait de développer ça. Mais on voit bien qu'au préalable, il y a une réflexion sur quelles sont les compétences et qu'est-ce que je veux transmettre à ces enfants ? Quelles sont les briques de base, justement, que j'aimerais pouvoir développer chez ces enfants de telle manière à ce qu'ils puissent ensuite rentrer dans ces apprentissages formels ? Et en fait, ce que Maria Montessori, ce dont elle parlait, c'est... apprendre à apprendre, ce qu'on dit un peu nous aussi, alors peut-être on le dit avec des angles différents, mais en fait ce qu'on fait aussi dans une crèche, c'est précisément ça, c'est construire toutes les compétences dont va avoir besoin l'enfant, ensuite pour se retrouver dans une situation d'apprentissage et d'avoir finalement toutes les compétences qui permettent de rentrer de façon sereine dans cette situation d'apprentissage, que ce soit des compétences socio-émotionnelles ou des compétences cognitives. Donc je dis simplement à quelqu'un qui serait en train de réfléchir à ouvrir une crèche, de ne pas partir par l'objet, mais par le... cadre et l'environnement, mais de partir de ce qu'elle veut essayer de développer chez l'enfant. Et à partir de là, très naturellement, elle va se dire « pour pouvoir faire ça, je ne peux pas penser mes espaces comme ça, il faut que je les pense différemment, il faut que je puisse penser des espaces qui soient modulables, il faut que je puisse penser des espaces dans lesquels les enfants vont pouvoir avoir des activités différenciées en fonction des différents espaces. » Et donc très naturellement, ça va amener à penser l'espace différemment. Il ne faut pas le faire à l'envers, il ne faut pas se dire « ah tiens, J'ai gardé le catalogue, tiens, je vais acheter ça, ça et ça. Et puis après, pourquoi je l'ai fait ? Je ne sais pas très bien parce qu'en fait, je n'ai pas réfléchi en amont à ce que je voulais essayer de développer chez ces enfants.
- Speaker #0
C'est ça, c'est un peu ce que nous, on dit à nos porteurs de projets qui font appel à nous chez Références Petites Enfances. On leur dit toujours de partir déjà de leur projet initial, le projet d'accueil. Alors, on part du projet d'établissement et après, on va le décliner dans tous les autres aspects, même par exemple, les fiches de poste des professionnels. Et si je prends par exemple le matériel, un matériel concret pour... Pour les auditeurs, je vais vous parler d'un exemple. J'achète un petit camion bleu pour les enfants et puis ils se disputent tous le camion. Donc on dit qu'il faut dupliquer. Il y en a qui vont acheter quatre autres camions, mais ce n'est pas les mêmes. Donc ça va générer encore plus de disputes. Donc le psychologue va dire qu'il faudrait avoir six camions bleus et de la même marque. Et puis ensuite, il y a Maria Montessori qui dit qu'il vaut mieux avoir un camion parce qu'il faut apprendre aussi que c'est chacun son tour. Donc en fait, on a une multitude. de comportement et de principe selon ce qu'on veut développer. Est-ce qu'on veut plutôt développer le tour de rôle ou plutôt éviter les disputes ? Et ça dépend aussi de nos moyens. Si on est avec beaucoup de personnel et qu'on va pouvoir beaucoup cultiver justement la patience, le tour de rôle, ou bien on n'a pas ces moyens-là, on est plutôt sous pression, donc on va plutôt favoriser un certain nombre de camions bleus. Comme ça, il y aura moins de problématiques à gérer. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que ça traduit un petit peu votre... propos de... Oui,
- Speaker #1
mais c'est de dire que de toute façon, il n'y a pas d'environnement nécessairement idéal, parce qu'il est très contextuel. C'est-à-dire que est-ce que j'ai un espace, effectivement, par exemple extérieur ? Oui ou non. Ça va évidemment orienter le type de matériel que je vais pouvoir essayer d'obtenir. La question, effectivement, de la pénurie potentielle de ce matériel qui peut devenir, effectivement, un objet éducatif, je trouve que c'est vraiment intéressant. Vous l'avez très bien dit. c'est-à-dire que je ne vais pas évidemment, quand j'ai toutes les ressources disponibles, ce n'est pas exactement le même type de compétences que je vais donc développer chez mes enfants, parce qu'à ce moment-là, chez les enfants, il va y avoir une question de partager les ressources. C'est peut-être intéressant d'apprendre aux enfants à partager les ressources. Et ça devient donc un objet pédagogique, c'est-à-dire qu'il y a une réflexion pédagogique derrière. Et je trouve souvent que ce qui est difficile dans un certain nombre d'équipes, c'est de prendre ce temps de la problématisation. C'est quoi la problématique pédagogique qui se pose derrière ? Au regard soit. de ressources que je pourrais acquérir, soit mis devant le fait accompli, je n'ai que ces ressources-là. Comment je peux penser une pédagogie de ce point de vue-là ? En se posant quand même la question toujours que la question doit rester une question sur les apprentissages des enfants. C'est-à-dire, quel type d'apprentissage je vais pouvoir finalement potentialiser du fait du matériel que j'ai à disposition ? Et tout est possible, je veux dire, même dans les deux exemples que vous preniez, même si j'ai autant de camions que d'enfants, que la même couleur et ainsi de suite, je peux quand même penser une pédagogie qui va favoriser l'altruisme, le partage, le tour de rôle. On peut le faire dans d'autres dispositifs et ça n'empêche pas de le développer différemment. Différemment, mais pour obtenir les mêmes apprentissages chez les enfants.
- Speaker #0
Alors, vous parliez du temps et c'est vrai que vous disiez, j'interviens quand même plus auprès de l'éducation nationale. Donc, je ne sais pas en fait à quel point, à quel niveau de connaissance vous avez de notre organisation en crèche et du temps qu'on a. C'est vrai qu'aujourd'hui, le temps, il est quand même très, très limité en crèche. La crèche, c'est un secteur qui est financé. par les fonds publics, d'une manière ou d'une autre. Il y a plusieurs systèmes, mais beaucoup de ce qu'on fait en crèche dépend de ce qui a été financé ou pas. Et c'est vrai que le temps de réflexion, il a disparu des financements ou en tout cas, il est très peu présent. On va parler de quelques heures par an de réflexion, alors qu'en réalité, on a besoin d'avoir du temps toutes les semaines, etc. Moi, c'est vrai que dans mes pratiques, je recommande de faire au moins des petites réunions de quelques minutes, parfois 15 minutes. mais d'avoir un vrai temps où on a une parole qui peut être entendue quand on est professionnel. On peut, ne serait-ce qu'un quart d'heure par semaine, pouvoir dire quelque chose, pouvoir au moins désamorcer des petites situations. Mais c'est vrai que le temps qu'on imagine, voire devoir en tout cas prendre pour faire des réunions où on va parler du projet, etc., il est quand même extrêmement réduit. Donc c'est vrai que je propose beaucoup aux gestionnaires de crèche de faciliter la tâche des professionnels de terrain. en « mâchant » le travail, c'est-à-dire vraiment beaucoup le penser, beaucoup penser les espaces, beaucoup penser la façon dont on va travailler sur le terrain, parce qu'elles n'ont pas le temps, en fait, elles ont très peu de temps.
- Speaker #1
Mais c'est vrai aussi à l'éducation nationale, il faut être très clair. Le temps de la réflexion pédagogique, il est de plus en plus limité, parce qu'il y a des contraintes qui sont de plus en plus fortes, notamment sur la formation continue, sur la formation financière, évidemment, avec effectivement... de trouver qui peut avoir du temps et qui peut débloquer du temps. Donc c'est vrai qu'à l'éducation nationale, il y a un peu la même réflexion, c'est de dire que les directeurs, les personnels de direction, les conseillers pédagogiques doivent être effectivement des gens qui réfléchissent sur ces dimensions pédagogiques et qui puissent accompagner les équipes pour qu'elles ne s'essoufflent pas dans ce type de réflexion avec les problématiques de la pression du quotidien. Tout en ayant en tête que... Avoir cette réflexion, c'est un enjeu. C'est un enjeu pour l'enfant, parce que pour bien accompagner les enfants, il faut se poser des questions pédagogiques, il faut finalement avoir une certaine forme d'autoréflexivité par rapport à ses pratiques professionnelles, et que ça, c'est aussi faisable quand on a des temps d'échange, parce que c'est là où, finalement, on peut aussi confronter la façon dont on peut avoir des pratiques et des gestes professionnels différenciés, qu'est-ce que ça apporte pour les enfants, quelles sont les difficultés qu'on peut rencontrer quand on essaye de le mettre en place, avec, effectivement, un enjeu aussi d'identifier. Je pense que ça, c'est... aussi quelque chose sur lequel on essaye de travailler de plus en plus, c'est d'identifier dans les équipes professionnelles ce qui a l'air de fonctionner. C'est-à-dire, au-delà même de ce qu'on a essayé de mettre en place, c'est-à-dire quels sont les gestes professionnels qui ont l'air de bien fonctionner, avec quels enfants, pourquoi ça fonctionne bien, et de voir, d'essayer justement de diffuser ces bonnes pratiques d'une certaine manière. Qu'est-ce qui a l'air de bien fonctionner dans une équipe professionnelle ?
- Speaker #0
C'est vrai qu'intuitivement, souvent, elles le font, les équipes. Le problème, c'est que ça manque de concertation, généralement, parce qu'on n'a pas assez de temps de réunion. Et que de ce fait, on va avoir une personne qui va se dire, tiens, si moi j'emmaillotais Paul à 18h, et puis l'autre qui se dit, tiens, si je changeais Maria de lit, et puis chacun en fait va partir dans des trucs. Et au lieu d'être une itération, une progression empirique, ça devient un peu du n'importe quoi, parce qu'on n'a pas le temps de se parler, de se concerter et de se dire, est-ce que ce que j'ai pu observer... C'est pertinent ? Est-ce que ça vaut le coup qu'on aille dans cette pratique-là ? Pour moi, ce que je trouve important, c'est vraiment qu'on ait du temps de concertation et qu'on puisse formaliser nos projets, qu'on puisse dire, voilà, moi j'ai envie qu'on fasse telle chose, tiens, comment on va le faire ? Dans quel temps ? Et puis le présenter aussi aux autres membres de l'équipe, aux parents. C'est vraiment tout ce temps-là, en fait, dont on manque. Est-ce que vous, vous intervenez auprès de... de nos politiques sur les projets de réforme de la petite enfance. Est-ce que vous avez lu le prêt référentiel qualité ? Est-ce que vous avez été consulté ?
- Speaker #1
Alors, je n'ai pas été consulté sur le prêt référentiel qualité. J'ai lu un certain nombre de choses. Il y a des choses sur lesquelles je n'étais pas forcément complètement aligné avec la question du référentiel. Une chose sur laquelle on m'avait notamment alerté, c'était la question de qu'est-ce qu'on devait dire aux parents, par exemple, de famille allophone. Moi, j'ai été très choqué de voir qu'il y avait comme préconisation qu'ils disent des mots en français à leurs enfants, alors qu'on sait que c'est complètement contraire à ce qu'on sait de la problématique du développement du vocabulaire dans les familles allophones. En fait, ce qu'il faut, c'est qu'ils parlent à leurs enfants. dans leur langue maternelle, surtout pas qu'ils leur parlent en français, parce qu'en fait, ce qui est prédictif de bien développer le langage oral, c'est simplement qu'on nous parle, quelle que soit la langue qu'on nous parle, et que le bilinguisme ou le multilinguisme est plutôt positif pour l'enfant, et que l'enjeu, ce n'est pas forcément qu'on leur parle en français à ses enfants. En tout cas, que leurs parents leur parlent en français s'ils ne sont pas de langue maternelle française. Donc, on voit bien qu'il y a des décalages aussi sur des choses qu'on peut avoir, nous, comme connaissances scientifiques, la difficulté de diffuser auprès des décideurs publics. Mais ça, c'est notre responsabilité. C'est-à-dire que nous, en tant que chercheurs, il faut qu'on soit bien meilleurs pour engager finalement les décideurs publics et pour leur transmettre ce type de connaissances pour qu'ensuite, ils puissent effectivement être sensibilisés sur ces domaines-là. On est quand même sollicités, on n'est pas complètement hors sol. Sauf qu'on a une difficulté en France, c'est qu'on a des décideurs publics qui considèrent que globalement, il n'y a pas nécessairement de consensus. C'est-à-dire qu'en gros, ils considèrent que... Ils peuvent consulter dix experts et ensuite aller piocher ce qui les intéresse au sein de ces dix experts pour prendre une décision politique. Alors ça, c'est vraiment problématique. Mais ça, c'est aussi de notre faute en tant que chercheurs. C'est-à-dire qu'au lieu d'essayer de trouver les 90% des choses sur lesquelles on est d'accord et de porter un message commun et dire en fait, vous ne pouvez pas aller piocher entre les dix d'entre nous parce qu'en fait, on est globalement tous d'accord sur un socle, on va plutôt mettre en avant nos différences et nos spécificités et ce sur quoi on n'est pas d'accord. Et donc évidemment, c'est du pain béni pour les décideurs publics qui ensuite... peuvent suivre en gros à peu près la ligne qu'ils veulent parce qu'il suffit d'aller interroger 10 chercheurs qui vont avoir 10 positions différentes et ensuite, il suffit que j'aille piocher ce qui va le plus avec ce que je pensais déjà.
- Speaker #0
C'est vrai qu'on le ressent.
- Speaker #1
C'est ça le problème. Mais là, je pense qu'on ne peut pas... Bien sûr qu'il y a une question de sensibiliser les décideurs publics sur la notion de consensus scientifique et tout ça, mais il y a aussi un travail à faire, nous, de notre côté, en tant que scientifiques, d'être beaucoup plus stratégiques dans la façon dont on communique, de telle manière à ce que les 90% des choses sur lesquelles on est d'accord, on puisse les porter comme un discours de sensibilisation des décideurs publics sur ces dimensions-là. Mais ça se met en place, moi je vois beaucoup plus de projets de recherche qui se mettent en place avec la petite enfance, et notamment avec les crèches, on est de plus en plus sollicités, nous aussi, parce que c'est un enjeu aussi de faire rentrer la recherche dans ces environnements, parce que c'est aussi une façon progressivement de sensibiliser et les professionnels de terrain, mais aussi les décideurs publics, parce qu'à partir du moment où on a des données probantes, c'est aussi une façon de pouvoir orienter les politiques publiques.
- Speaker #0
Globalement, le référentiel pour vous, il est plutôt un progrès, où vous pensez qu'on est quand même très loin d'avancer dans le bon sens, on n'est pas encore assez, comme vous dites, dans le consensus par rapport à la science. Moi, je l'ai trouvé plutôt intéressant, mais c'est vrai qu'on sent que c'est quand même orienté sur des idéologies. On sait que dans notre secteur, il y a un tel qui pense qu'il faut faire comme ci, l'autre qui pense qu'il faut faire comme ça. Donc si j'ai été consultée et que j'ai pu me mettre en avant, il y aura peut-être mes idées à moi, etc. C'est vrai que c'est un petit secteur, mais il y a quand même quelques idéologies qui s'affrontent.
- Speaker #1
Je trouve que c'est quand même une avancée. En tout cas, ça va dans le bon sens. Il y a des choses qui sont manquantes, mais c'est toujours le cas. Dans un référentiel, il ne peut pas y avoir tout. Il y a des choses sur lesquelles, à mon avis, on aurait pu plus sensibiliser pour que le référentiel soit plus en phase avec un certain nombre d'avancées scientifiques dans ce domaine-là. Il y a la même chose, je trouve, de limité et de limitant que dans d'autres référentiels qu'on peut avoir, mais je parle encore une fois plutôt sur la période. Je parle beaucoup de la période 3-6, mais aussi pour une chose, c'est qu'on est quand même dans un pays très particulier, dans lequel, je rappelle que la petite enfance, c'est 0-6 ans, et que nous, on a simplement créé deux grandes périodes au sein de ces 0-6 ans, 0-3 et 3-6, ce qui est un peu paradoxal. Il y a plein de systèmes éducatifs dans lesquels c'est beaucoup plus intégré. Et d'ailleurs, ils fonctionnent beaucoup mieux que le nôtre, parce que précisément, c'est plus intégré. Ça, c'est une vraie réflexion qu'on doit avoir dans notre société française, de dire peut-être que notre structuration n'est pas la meilleure.
- Speaker #0
C'est vrai qu'il y a une vraie rupture entre le 0-3 et le 3-6. Et on a du mal à faire le lien, et je pense que c'est quand même assez brusque pour les enfants, le passage entre les deux systèmes, et même pour les parents un petit peu.
- Speaker #1
Complètement, et d'ailleurs, on voit bien la difficulté que ça a été, depuis que finalement l'école est obligatoire à partir de 3 ans, sa nécessité de réadapter le cadre de la maternelle en disant qu'on ne peut pas attendre nécessairement que tous les enfants soient propres quand ils arrivent à la maternelle, qu'ils sont effectivement encore en développement de leur capacité de régulation émotionnelle, et ainsi de suite, et que... ça appelle à une intégration beaucoup plus forte finalement de la crèche et de la maternelle. Dans pas mal de systèmes éducatifs, vous avez quelque chose qui est beaucoup plus progressif, c'est-à-dire qu'en fait, c'est un lieu qui est parfois identique sur la période de la crèche et de la maternelle, qui permet une entrée beaucoup plus progressive justement de quelque chose qui relève dans un premier temps de développer les compétences socio-émotionnelles, le bien-être de l'enfant, dans lequel on va être beaucoup plus attentif sur la dimension du lien d'attachement et ainsi de suite, et sur lequel progressivement on va rentrer. avec des trajectoires qui sont extrêmement différenciées d'un enfant à un autre, plus ou moins rapidement sur des enseignements plus formels, avec une préparation progressive à être dans des structures qui ressemblent plus à la structure de l'école élémentaire. Et ça, je pense que c'est une vraie réflexion qu'on devrait avoir en France, parce qu'aujourd'hui, notre système globalement ne fonctionne pas. Donc quand quelque chose ne fonctionne pas, on peut mettre des rustines partout, ça on a essayé, ça ne marche pas. Peut-être qu'il est temps de repenser de fond en comble notre système éducatif.
- Speaker #0
Le problème, c'est que c'est deux ministères, deux ministres de réglementation. C'est complètement scindé. Donc là, il n'y a pas du tout d'unicité. C'est vraiment là, c'est complètement... C'est la révolution, quoi, c'est dont vous parlez.
- Speaker #1
Oui, mais parfois, quand on est face au mur, et on est quand même beaucoup à penser qu'on est face au mur, il faut peut-être repenser de fond en comble en essayant de réfléchir un peu autrement et de sortir de la boîte qui est la boîte actuelle. Peut-être de prendre conscience que c'est aussi un enjeu de façon globale et pour l'éducation nationale et pour la petite enfance, ces enjeux-là, parce que quand on voit le rapport de la Cour des comptes, c'est vrai qu'il y a des enjeux.
- Speaker #0
Et le résultat n'est pas à la hauteur de l'investissement, c'est ça ?
- Speaker #1
Il y a ça, il y a une lecture, à mon avis, qui est complètement erronée de la Cour des comptes. C'est-à-dire que je ne sais pas qui a pondu ce rapport à la Cour des comptes, mais il y a quand même beaucoup, beaucoup de travaux qui montrent qu'investir beaucoup sur la petite enfance, en fait, ça a un retour sur investissement qui est extrêmement intéressant.
- Speaker #0
Quand on investit un euro sur un enfant, je ne sais plus combien ça rapporte, mais toute sa vie, il va avoir moins de problèmes de santé, être plus intégré, gagner mieux sa vie, mieux éduquer ses enfants, et ainsi de suite. Et ça va être un cercle vertueux inouï.
- Speaker #1
C'est un prix Nobel d'économie qui a montré ça, ce n'est pas toujours des neuroscientifiques.
- Speaker #0
Oui, d'ailleurs, je l'ai entendu à l'UNESCO, ce monsieur.
- Speaker #1
Et effectivement, ce qu'il montre, c'est qu'investir beaucoup sur la petite enfance, c'est un investissement qui rapporte beaucoup. Alors, sans que... tout soit question de coûts et d'investissements et de ce que ça rapporte, parce qu'il y a des politiques publiques aussi dans lesquelles on accepte finalement simplement la dépense. Je pense par exemple aux politiques culturelles en France qui sont très fortement soutenues et c'est une très bonne chose parce qu'effectivement on considère que ça participe finalement à l'éducation populaire. Je pense que la question de la petite enfance, elle doit se poser de la même manière. Il ne faut pas avoir qu'une vision comptable de cette problématique-là, mais même sur une vision comptable, c'est de toute façon une très bonne idée d'investir beaucoup d'argent. Et donc, si on décide d'investir beaucoup d'argent, on peut peut-être aussi réfléchir en dehors du cadre et se dire aujourd'hui on est dans un système qui est très fragmenté, 0-3 ans, avec une problématique de liaison crèche maternelle qui va se poser ensuite sur maternelle élémentaire qui se posera ensuite entre élémentaire et collège peut-être qu'effectivement réfléchir à des cadres dans lesquels on minimise ces temps de rupture pour l'enfant, qui sont quand même des temps de difficulté d'adaptation pour les enfants c'est pas rien de passer à la crèche à la maternelle c'est très brutal, et je pense que c'est quelque chose sur lequel il faut qu'on... On réfléchit en n'oubliant pas, parce que c'est souvent le problème des politiques publiques qui relèvent soit de la petite enfance, soit de l'éducation, c'est-à-dire de ne pas oublier de former les professionnels de la petite enfance et de façon générale des enseignants. C'est-à-dire qu'on peut penser tout changement de cadre qu'on veut, si on ne fait pas de l'accompagnement ensuite des gestes professionnels associés, finalement on n'obtient pas les effets espérés.
- Speaker #0
Là, en fait, on a un vrai problème. Là, aujourd'hui, en 2025, on est début 2025, mais bon, ça fait un moment qu'on en parle. On a un vrai problème, on a une pénurie de professionnels qui est énorme et alors de professionnels qualifiés encore plus. Bon, moi, depuis 2007, j'ai vu l'évolution quand même du secteur, une vraie dégradation des compétences professionnelles. Alors, il y a de moins en moins de professionnels qui veulent bosser dans le secteur. Et puis, les niveaux baissent. Alors, comme on n'arrive pas à en former plus, je n'ai pas d'opinion sur pourquoi. Mais voilà. En tout cas, on fait baisser les niveaux d'exigence des diplômes et de la qualification. Et en fait, on ne sait pas quoi faire. J'ai l'impression quand même, à chaque fois qu'on va au ministère pour des réunions, on entend la formation, ça ne va pas, la formation, ça ne va pas. Mais c'est quoi la solution ? Est-ce que vous auriez une recommandation sur la formation des professionnels ? À part dire qu'il faut bien les former.
- Speaker #1
Malheureusement, ce n'est pas la baguette magique. C'est une question beaucoup plus générale dans nos sociétés. Il y a des questions qui ont trait à la représentation des métiers. Je pense qu'il y a aussi un gros travail à faire sur la représentation des métiers. Donc ça veut dire commencer très tôt. Chez les collégiens, les lycéens, au moment des réflexions sur l'orientation, au moment de la réflexion aussi des étudiants sur leur orientation future, comment on peut effectivement créer des représentations de ces métiers dans lesquels parfois il y a des représentations négatives, comment on fait pour les déconstruire ces représentations, pour susciter des vocations. Et puis la deuxième chose c'est... Il faut être très clair. C'est-à-dire que si on a des pénuries dans certaines branches, il faut payer plus les professionnels. C'est-à-dire qu'il n'y a que ça qui fonctionne aussi.
- Speaker #0
Et que ce qui marche au final, c'est le nerf de la guerre, c'est l'argent.
- Speaker #1
Soyons très clairs. Effectivement, quand vous avez une mauvaise représentation de la société pour ces professionnels, ou pas suffisante par rapport à leur enjeu, parce que c'est quand même un enjeu de s'occuper des petits-enfants, deux, qu'on est assez mal payé et qu'on est mal formé, il faut aussi se poser collectivement la question si c'est un enjeu, et c'est un enjeu. Je rappelle qu'il y a eu une commission sur les 1000 premiers jours de l'enfant. qui ont très clairement dit qu'il y avait un enjeu de cette période du développement de l'enfant et que c'était un enjeu pour le reste, je trouve qu'on est un peu en contradiction avec un rapport de la Cour des comptes qui nous explique qu'il faudrait favoriser les modes de garde où les enfants restent dans les familles. Il y a un moment où il faut être cohérent. Donc en fait, je pense qu'effectivement, il faut investir encore plus dans la petite enfance, qu'il faut mieux former les professionnels et qu'il faut mieux les payer. Et c'est vrai aussi, on dit ça pour la petite enfance, il va falloir dire ça pour les enseignants aussi parce qu'on a les mêmes problématiques et les mêmes crises de vocation. chez les enseignants. Donc, on voit bien qu'en fait, ce n'est pas deux domaines qui sont fractionnés que ceux-là. C'est-à-dire qu'en fait, ils sont très intégrés avec les mêmes problématiques qui peuvent se poser.
- Speaker #0
Mais on a besoin de plus de monde dans les crèches à cause du taux d'encadrement.
- Speaker #1
Je suis d'accord avec vous.
- Speaker #0
Alors qu'à l'école, il faut être moins nombreux. D'après vous, qu'est-ce qui a motivé ce rapport de la Cour des comptes ? Pourquoi ils se sont trompés à ce point ?
- Speaker #1
Clairement, ça démontre une méconnaissance. de la problématique de la petite enfance et des enjeux qu'elle peut recouvrir.
- Speaker #0
Des enjeux surtout, oui.
- Speaker #1
C'est ça qui me surprend le plus, c'est-à-dire que finalement la Cour des comptes fait son analyse économique et des problématiques d'utilisation des ressources publiques, mais pour autant ce que je trouve très surprenant c'est qu'il n'y ait pas en balance l'idée justement des enjeux que représente la petite enfance, notamment dans des sociétés dans lesquelles cet enjeu des premières années de la vie sont aussi des enjeux pour la République de façon globale parce que c'est un enjeu. de réduction des inégalités. C'est-à-dire qu'on sait bien que si on arrive à proposer dans les premières années de la vie des contextes qui vont permettre à l'enfant de développer des compétences qui vont être ensuite importantes pour le reste de sa vie, vous le disiez très bien, quand on investit beaucoup dans la petite enfance, c'est parce que dans cet investissement, on va pouvoir développer des compétences qui sont importantes ensuite pour le reste des apprentissages de l'enfant. Globalement, on se dit qu'ils n'ont peut-être pas saisi tout l'enjeu qu'il y a de ces premières années de la vie. Mais aussi parce que, très honnêtement, c'est quand même... des domaines dans lesquels les connaissances du grand public, y compris des décideurs publics, sont très très faibles.
- Speaker #0
Et vous pensez qu'ils n'ont pas eu vent des travaux du professeur James Eichmann, dont on parlait tout à l'heure, ou des vôtres ? Ils sont très éloignés en fait des recherches et des résultats actuels.
- Speaker #1
Je pense qu'ils ont une lecture économique de ces problématiques-là, et que le problème c'est que ça n'aura...
- Speaker #0
C'est un peu court-termiste.
- Speaker #1
Exactement, c'est que c'est très court-termiste. Mais je trouve qu'on ne se rend pas compte à quel point... C'est précisément les domaines, mais je vais les mettre ensemble, petite enfance et éducation, dans lesquels on a besoin de lois organiques avec des réformes à très long terme sur lesquelles on a besoin ensuite de laisser les professionnels pouvoir s'organiser au regard des réformes qui sont pensées sur ces domaines que sont la petite enfance et l'éducation. Et moi, je trouve que c'est surtout ça qui est très surprenant en France, c'est qu'on a un rythme de réforme, paradoxalement, alors qu'on dit qu'on est dans un pays dans lequel on ne réforme jamais. Ce n'est pas tout à fait vrai, ça. Dans ces domaines, on passe notre temps à réformer.
- Speaker #0
Mais c'est n'importe quoi.
- Speaker #1
Alors, soit c'est n'importe quoi, première chose, ça je suis d'accord, sur un certain nombre de politiques, notamment des politiques éducatives, mais surtout, on ne laisse pas le temps, d'une certaine manière, au système, aux professionnels sur le terrain et au terrain, de s'adapter à ces réformes et de trouver... par eux-mêmes des solutions finalement qui sont au bénéfice de l'enfant, de sa famille et globalement donc de la société. Parce que je rappelle que les enfants d'aujourd'hui, c'est les adultes de demain et donc il y a un enjeu.
- Speaker #0
Ça me fait penser aussi à la menace climatique. En fait, c'est des choses qui vont être à très long terme. Nous, ça fait 15 ans qu'on le sait qu'il va y avoir une crise à un moment, qu'il va y avoir une pénurie de professionnels. On aurait pu l'anticiper en fait. Et puis, on ne fait que des projets à court terme alors que l'enfant, c'est du long terme, c'est notre avenir. Ça va durer longtemps, l'enfant d'aujourd'hui, il est là pour un petit bout de temps. Donc il y a vraiment cette question de voir à plus long terme. J'ai envie de vous poser une question un peu plus terre-à-terre avant de terminer notre interview. Il y a une problématique qu'on a, qui est très terre-à-terre en fait en crèche, c'est la problématique des règles, des limites qu'on doit mettre aux enfants. Comment vous pensez que les enfants intègrent les règles et arrivent justement, on parlait tout à l'heure de l'ordre, de comment se contenir, comment... Maîtriser, réguler ses émotions, réussir à avoir des interactions sociales harmonieuses et agréables. Il y a beaucoup de débats idéologiques dans la petite enfance et dans l'enfance, de gens qui essayent de mettre en avant leur bienveillance, peut-être en s'appropriant un petit peu cette notion de bienveillance. D'autres qui disent « moi aussi je suis bienveillant mais je ne suis pas comme vous » . C'est quoi d'après vous la façon dont on peut donner ce cadre aux enfants structurants pour qu'ils puissent s'appuyer dessus tout en étant bienveillants ?
- Speaker #1
Simplement, je veux dire qu'il faut offrir un cadre, ne s'oppose pas à dire qu'on est dans des pédagogies positives ou de la parentalité positive. Les deux ne sont pas antinomiques du tout. C'est-à-dire la caricature de la parentalité positive, ça serait soi-disant une parentalité ou un mode de désenchargement des enfants dans lequel il n'y aurait pas de règles. Ce n'est pas du tout le cas. C'est effectivement des règles, des règles qui sont au bénéfice de l'enfant, de son développement, qui... permettent de sécuriser l'enfant, parce que le fait d'avoir, par exemple, un cadre dans lequel on a des règles, on a des choses qui se répètent dans le temps, c'est extrêmement sécurisant pour l'enfant. L'enfant, il n'aime pas, je dirais, des situations dans lesquelles c'est ambigu, dans lesquelles c'est changeant. Ce ne sont pas des choses qui sont faciles pour lui à gérer. Il est beaucoup plus à même de se réguler s'il a un cadre dans lequel, précisément, il peut s'autoréguler parce qu'il connaît, d'une certaine manière, l'enchaînement des différents moments de la journée. Donc, avoir des cadres comme ça, ce n'est pas du tout, je dirais, quelque chose qui est... à la défaveur de l'enfant, c'est contraire à la faveur de l'enfant. Pour autant, ces règles, elles doivent être expliquées à l'enfant. Et c'est là où la parentalité positive finalement incite beaucoup et c'est là où elle a raison. Je rappelle qu'il y a un cadre qui est la Convention internationale des droits de l'enfant. Même avec le très jeune enfant, il faut discuter des règles auxquelles nous lui demandons de se conformer ou d'adhérer. Donc ça veut dire qu'effectivement, on parle avec l'enfant en lui expliquant pourquoi ces règles sont mises en place. Ça ne veut pas dire qu'on va changer les règles, absolument pas. Mais ça veut dire juste que le cadre est un cadre explicité à l'enfant. Même chez le très jeune enfant, c'est tout à fait possible.
- Speaker #0
L'enfant de 3 mois, on ne va pas trop lui imposer de règles.
- Speaker #1
On ne va pas lui imposer de règles. La question, c'est effectivement de créer des situations et des gestes professionnels qui soient extrêmement sécurisants pour l'enfant. C'est ça le véritable enjeu.
- Speaker #0
Après, quand ils sont un peu plus grands, parfois les professionnels sont un peu désemparés. Elles disent « je ne fais que dire non » , etc. Moi, je pense que c'est beaucoup... souvent liées à l'organisation et à l'aménagement de l'espace. Si je passe ma journée à dire non, peut-être que j'ai un problème dans la façon dont je suis organisée.
- Speaker #1
Peut-être que c'est ça. Peut-être que c'est aussi pas avoir suffisamment explicité l'enjeu des règles aux enfants, parce que l'enjeu de la compréhension de l'enfant, de l'environnement dans lequel il se trouve et des enjeux qu'il y a à respecter la règle, c'est quand même une façon de pouvoir adhérer à la règle qu'on nous impose. Parce que souvent, c'est une règle qui n'est pas forcément ce qu'il a forcément envie de faire à ce moment-là. Et puis, il y a plein de... situation ludique qu'on peut mettre en place justement pour illustrer à l'enfant l'enjeu de respecter des règles. Ils apprennent quand même à respecter des règles, par exemple dans une diade, quand ils jouent ensemble, très rapidement en fait, ils mettent en place des règles d'autorégulation. Il y en a un qui parle, il y en a un qui écoute, il y en a un qui va jouer, puis l'autre va jouer ensuite. Et donc le jeu peut être aussi un dispositif d'apprentissage, de respect des règles. C'est ça aussi qu'il faut expliquer à l'enfant, lui dire mais regarde, quand tu es en train de jouer avec ton petit copain, il n'y a pas de problème, t'attends. t'attends ton tour pour jouer parce que tu sais que si t'attends pas ton tour ton petit copain il va pas jouer avec toi parce qu'en fait si aucun des deux ne respecte le tour de jeu bah en fait en gros ils arrêtent de jouer ensemble et ça revenait à ce que je disais au début de notre conversation de ne pas s'empêcher parce qu'on pourrait penser que l'enfant ne comprendrait pas d'aborder des choses qui peuvent paraître complexes avec un enfant c'est à dire qu'on peut être très explicite et plus on est explicite plus on est constant dans la façon dont on va expliquer les choses plus finalement ça va être un moyen pour l'enfant d'adhérer au cadre et de respecter le cadre. Plus on va être finalement négligent de ces temps d'explication à l'enfant, plus effectivement on va rencontrer des enfants qui vont être frustrés parce qu'ils ne comprennent pas les enjeux du respect du cadre qu'on est en train de fixer et qui effectivement vont être des enfants dont les comportements vont être plus difficiles à gérer. Et puis l'autre chose, c'est de faire attention... à ne pas se focaliser que sur les comportements négatifs de l'enfant. Ce sur quoi il faut se focaliser, c'est les comportements positifs de l'enfant. C'est-à-dire que quand il a bien fait, il faut vraiment prendre du temps pour le conforter dans ce qu'il fait bien. Et ce qu'on sait chez l'enfant, c'est que ce qui marche bien pour les apprentissages, c'est le retour positif. Les retours négatifs, ça marche très mal en fait pour les apprentissages.
- Speaker #0
Pour la règle, est-ce que vous diriez aussi que l'éducation, c'est la répétition, donc on répète la règle jusqu'à ce qu'elle soit un peu retenue ?
- Speaker #1
On répète la règle, mais on fait prendre conscience de l'enjeu de cette règle. C'est-à-dire que ce qui fonctionne mal, c'est l'arbitraire de la règle. L'arbitraire de la règle, mais même pour nous, c'est très désagréable.
- Speaker #0
Il faut que l'enfant comprenne pourquoi, à quoi ça s'affiche.
- Speaker #1
Il faut qu'il comprenne pourquoi. Ça ne veut pas dire que la règle reste la règle. Il doit s'y conformer, parce que surtout, il vit en société. Et dans une vie en société, on a besoin d'adhérer à un certain nombre de règles. On passe notre temps à adhérer à des règles, parfois qui ne sont pas forcément totalement alignées avec notre plaisir personnel. Et on accepte de le faire pour vivre en société. C'est exactement la même chose avec un enfant. Mais encore une fois, l'idée, ce n'est pas simplement de lui répéter la règle, c'est de lui faire prendre conscience de pourquoi cette règle existe, à quoi ça va lui servir.
- Speaker #0
Bon, si je comprends bien, on peut résumer comme ça. En crèche, on doit effectivement mettre en place des règles et des limites pour la vie en collectivité. Ça va aider l'enfant de toute façon dans son développement futur. Et on va lui faire adhérer à la règle en lui expliquant la règle, à quoi elle sert et en lui faisant des retours. positif, est-ce que parfois, vous, en tant que papa, vous vous fâchez quand même ?
- Speaker #1
Bien entendu. Et il faut accepter aussi parfois de se tromper et de ne pas y arriver. On n'est pas parfait. Ça va nous arriver une fois dans notre vie ou plusieurs fois dans notre vie, au selton. Seulement, il faut quand même avoir conscience qu'on est quand même un peu paradoxaux d'une certaine manière. C'est-à-dire que quand les enfants sont très jeunes, ça ne nous vient pas trop à l'esprit de faire des retours négatifs sur leurs erreurs quand ils se trompent. Et plus ils grandissent, plus on fait des retours négatifs à nos enfants. Et je crois que là, il faut qu'on soit un peu sensibilisés sur cette question-là. C'est-à-dire que parfois, on ne se rend pas compte, mais c'est difficile pour un enfant d'entendre un adulte lui crier dessus. C'est une situation très compliquée émotionnellement.
- Speaker #0
Comme pour un adulte, quand son patron lui dit qu'il est nul, mais en même temps, si on passe son temps à dire... Moi, je prends le cas du manager, mais c'est un peu la même chose. Mais si je passe mon temps à dire à mon salarié qu'il est formidable... Il ne va pas forcément non plus évoluer, donc il faut faire des retours positifs, oui, mais il faut aussi que la personne en face, l'enfant, l'adulte, qu'il sache aussi qu'il n'est pas encore arrivé au bout du chemin.
- Speaker #1
Mais ça, ce n'est pas un problème. La parentalité positive et l'éducation positive, elles ne présupposent pas qu'on ne dise que des choses positives à l'enfant. Elles présupposent de dire des choses, effectivement, parfois de dire « tu n'y es pas encore, tu peux y arriver, tu vas y arriver » , mais là, pour l'instant, tu ne mets pas forcément tout ce qu'il faut et tout ce que tu mets en œuvre n'est pas forcément ce qu'il faudrait mettre en œuvre. pour y arriver. Donc on a tout à fait le droit de dire à un enfant, même si on est dans une démarche de parenté positive, de dire qu'il fait pas bien les choses, c'est pas un problème. La question c'est la façon dont on le dit, et c'est aussi d'accueillir la réaction de l'enfant. C'est-à-dire qu'un enfant très jeune, c'est normal qu'il ait des difficultés à gérer ses émotions, c'est normal qu'il se mette en colère de temps en temps, c'est normal qu'à des moments, il puisse avoir un comportement qui soit pas exactement le comportement qui soit attendu dans un contexte là. On lui dit que c'est pas le comportement qu'on attend, ça c'est pas un problème, on a le droit de lui dire. La question, ce n'est pas de sur-réagir à ce comportement-là, parce qu'en fait, pour apprendre à un enfant, il a besoin de faire des erreurs. Et il fait aussi des erreurs en termes de comportement. Et donc ça, il faut l'accepter. Je rappelle que quand un enfant apprend à marcher, il se lève, il tombe, il se lève, il tombe, et tu traverses l'idée de personne de l'engueuler parce qu'il est tombé quand il a appris à marcher. Dans les autres domaines, c'est exactement la même chose. L'idée, c'est de ne pas l'engueuler.
- Speaker #0
Il y a peut-être des parents qui le font quand même. C'est possible.
- Speaker #1
Je n'espère pas, en tout cas.
- Speaker #0
Je trouve que ce qui est intéressant, surtout dans votre approche, c'est qu'il faut être disponible pour l'enfant. Il faut être là, il faut être vraiment en lien pour avoir cet échange qui est très construit et structuré. Ce n'est pas juste des paroles un peu répétées, comme ça. On essaye vraiment de se faire comprendre. En fait, il faut que l'enfant comprenne ce qu'on dit, pourquoi on fait ça, à quoi ça va lui servir. Donc, c'est surtout une question d'attention, finalement, qui a changé, peut-être par rapport aux générations précédentes. Aujourd'hui, on sait qu'il faut être attentif, qu'il faut être présent. Je sais que vous parlez aussi beaucoup du temps d'écran, c'est un petit peu lié à ça, comment on fait à notre époque pour être vraiment disponible. Même en crèche, on n'a pas encore résolu, je pense, la question définitivement des écrans, même dans les crèches, bon, il n'y en a pas beaucoup. Mais ça peut arriver qu'on ait un professionnel, finalement, on se rend compte qu'il a son téléphone dans la poche, quand même regarder ses messages, etc. C'est quand même pas la majorité, mais voilà, ça reste un sujet. Et pour les parents et pour les professionnels. Est-ce que finalement, ce n'est pas cette question d'attention qui se pose aujourd'hui ?
- Speaker #1
Oui, mais je pense que vous avez très bien résumé les choses. Je veux dire, le véritable enjeu, c'est d'être attentif à l'enfant en évitant des réponses un peu trop stéréotypées aussi de notre point de vue. C'est-à-dire que je reviens à cette question d'apprendre à se réguler. Apprendre à se réguler, c'est difficile pour un enfant parce qu'en fait, les structures de son cerveau qui lui permettent de se réguler sont en train de se développer. En plus, vont continuer à se développer pendant plus de 20 à 25 ans. Donc, c'est très difficile pour un enfant de se réguler. Ça veut dire que c'est impossible, mais c'est un apprentissage comme un autre. Et donc, toute situation... d'attention conjointe dans lequel on va pouvoir justement l'étayer sur cette dimension-là est une dimension importante. De la même manière, lui montrer qu'il a un de ses camarades qui est capable de faire quelque chose qu'il n'arrive pas encore à faire et lui dire, tu vois, c'est ça en fait que j'aimerais que tu arrives à faire. Je sais que c'est difficile pour toi, mais tu vas y arriver, il n'y a pas de problème. Si tu fais attention, si tu fais des efforts, tu vas pouvoir toi aussi y arriver, peut-être pas tout de suite, mais d'ici quelques temps. Ça, c'est une façon de pouvoir effectivement accompagner l'enfant. Et donc, ça précise une pause aussi. de ne pas penser que les enfants ne nous comprennent pas. Les enfants nous comprennent très bien. Après, il y a la question de comment on s'adresse à eux si on est suffisamment attentif. Parce que ce qu'ils perçoivent aussi, c'est quand on n'est pas attentif. Et là, vous avez tout à fait raison, il y a un véritable enjeu de ce point de vue-là. C'est-à-dire l'attention qu'on porte à l'enfant, notamment dans la communication. La communication, ça nécessite une certaine temporalité et une certaine fréquence des interactions, par exemple, langagières. Si je suis sur un téléphone, en fait, le principal problème, c'est ça, c'est que je vais couper la communication. Et l'enfant va très vite comprendre qu'on n'est pas attentif à lui. Et à partir du moment où on n'est pas attentif à lui, en gros, il va essayer d'attirer notre attention et sans doute avoir des comportements qui ne sont pas forcément les comportements qu'on attendait.
- Speaker #0
Et après, on va s'énerver.
- Speaker #1
Après, on s'énerve et ainsi de suite.
- Speaker #0
Moi, j'ai trouvé cette interview vraiment très passionnante. Moins scientifique peut-être que quand je vous ai écouté la dernière fois. Mais c'est vrai que quand on est sur un podcast, ce n'est pas la même chose. Il n'y a pas les visuels, il n'y a pas les petites démonstrations. Donc, j'ai abordé les choses sous un autre angle. Je suis ravie de vous avoir entendu. Est-ce que vous avez un mot à adresser aux professionnels de la petite enfance pour 2025 ? Qu'est-ce qu'on peut souhaiter, à votre avis, pour le 0-3 ans, on va dire ?
- Speaker #1
Continuer à essayer d'innover. Je pense que c'est un enjeu, c'est-à-dire de réfléchir à qu'est-ce qu'on peut mettre en place au bénéfice des enfants. Toute innovation est bonne à prendre, c'est-à-dire d'éviter de rester trop fixé sur des choses qu'on faisait si on voit qu'elles ne fonctionnent pas forcément. Et puis de rappeler, mais je sais que c'est le cas des professionnels de la petite enfance, de rappeler cette notion de bienveillance vis-à-vis des enfants. C'est quand même des petits êtres, mais qui ont tellement de capacités, ils sont capables de tellement de choses, ils comprennent tellement bien la façon dont on interagit avec eux et le monde dans lequel ils vivent qu'il faut respecter leur incroyable capacité et leur incroyable intelligence.
- Speaker #0
Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup Grégoire Bors d'être venu sur le podcast Références Petites Enfances. Est-ce que vous reviendrez si je vous invite à nouveau ?
- Speaker #1
Avec plaisir.
- Speaker #0
C'est vraiment une bonne nouvelle. Je suis ravie. Je vous souhaite une très bonne année 2025 et je vous dis à très bientôt. Merci d'avoir écouté cet épisode jusqu'au bout. J'espère qu'il t'a plu et que tu en ressors inspiré. Si c'est le cas, abonne-toi pour ne rater aucun épisode. Parles-en autour de toi et surtout laisse-moi une note 5 étoiles et un avis sur Apple Podcasts ou Spotify. À la semaine prochaine.