Speaker #0A quoi ressemblerait ta crèche si tu pouvais t'entourer des meilleurs ? Moi, c'est ce que j'ai fait. Pendant les 15 dernières années, de la crèche collective associative à la micro-crèche privée, j'ai tout expérimenté. La petite enfance est un métier à forte contrainte, mais aussi à forte valeur ajoutée. Avec les meilleurs psys, pédiatres, directeurs pédagogiques et les meilleures formations, j'ai pu développer la qualité d'accueil et la qualité de vie au travail. Alors si toi aussi tu es motivé par la qualité, Bienvenue dans Références Petite Enfance, bienvenue dans ton podcast. Bonjour à tous et bienvenue dans Références Petite Enfance, on en parlait depuis des mois, alors aujourd'hui je fais un épisode spécial sur la réforme de la petite enfance. Et oui, je me lance sur le sujet épineux du décret du 1er avril 2025 qui modifie la réglementation des EAJE, les établissements d'accueil du jeune enfant. Ce décret, il modifie la réglementation sur deux axes. Le premier axe, c'est les autorisations. Donc ce qu'on appelle communément les agréments, la procédure d'agrément, la procédure d'autorisation des crèches. Et le deuxième axe, c'est l'accueil dans les micro-crèches. Ces modifications, tu peux les retrouver dans le Code de la Santé Publique, le CSP, de l'article R23-24-17 à l'article R23-24-49. Et si tu regardes aujourd'hui dans l'Égypte-France, tu verras que le décret a déjà été intégré dans le Code de la Santé Publique, même si tu l'as sans doute entendu. La plupart des dispositions seront applicables en fait en septembre 2026. Je fais une petite aparté sur le CSP, je recommande toujours de lire le code de la santé publique et j'en parle dans l'épisode 36 du podcast. Je te remettrai le lien dans le descriptif de l'épisode pour que tu puisses aller réécouter cet épisode 36 dans lequel on avait beaucoup parlé de ce qu'il faut transmettre à un manager de crèche. Donc sois toi le gestionnaire quand tu démarres. ou soit quand tu recrutes une référente technique ou une coordinatrice, enfin quelqu'un qui va manager ton équipe, de quoi il a besoin ce manager ? Eh bien moi je pense que s'il est capable de lire ses textes, c'est vraiment important qu'il le fasse parce que c'est là qu'on va trouver toutes les règles qui régissent l'accueil en France. Pour parler de ce décret, j'ai décidé de faire une petite série parce que ça va être un petit peu lourd et je préfère faire des petits épisodes courts pour pas que ce soit trop... pénible et indigeste et je tiens à placer un petit avertissement déjà au début de l'épisode pour préciser que mon but n'est pas d'être exhaustive, je ne suis pas forcément une technicienne de la loi mais plutôt une spécialiste du terrain et donc je veux pas me placer comme une autorité ultra précise d'analyse du texte mais plutôt réagir par rapport à mes connaissances, à ma pratique et à mon expérience donc ça vaut ce que ça vaut. Voilà, la parenthèse est fermée. Ce décret, on en a entendu parler dans un projet qui est paru en décembre 2024 et qui avait déjà fait beaucoup de bruit. Donc il y a quatre mois, il y a eu des pétitions, il y a eu des réactions contre ce décret et beaucoup de postes sur les réseaux sociaux. Donc il a fait couler beaucoup d'encre. Pourquoi ? Parce que c'est un décret qui inquiète énormément. Il est extrêmement contraignant, il change complètement la donne et il peut donner l'impression. que les règles sont trop difficiles à appliquer, mais ça, c'est un petit peu toujours le cas. Quand il y a un changement, on a toujours cette peur du changement. Et c'est vrai qu'il est quand même assez contraignant. Moi, mon but, c'est aussi de réfléchir avec toi sur comment on va pouvoir mettre en application ce décret, quelles vont être ses conséquences. Maintenant, il y a beaucoup de dispositions pour lesquelles c'est précisé qu'elles vont s'appliquer en septembre 2026. Donc, les choses peuvent encore évoluer. Il y a encore, je pense... des réflexions qui vont être menées. Aujourd'hui, on va étudier la version actuelle du décret et réfléchir à son application. On va être pragmatique. Déjà, ce que je peux dire, c'est qu'il y a un impact depuis quelques mois, donc depuis la parution de ce projet en décembre 2024. Chez Références Petite Enfance, on voit bien que les personnes qui rêvent de créer leur crèche sont beaucoup plus inquiètes et elles veulent des réponses sur les conséquences de cette réforme. Souvent, une personne qui rêve de créer une crèche Elle n'est pas spécialiste du code de la santé publique et donc elle a peut-être un peu plus de mal à comprendre les enjeux et les impacts de cette réforme. En tout cas, on sent bien qu'il y a un coup de frein sur la création des places de crèche, sur la création de crèche tout simplement. Et ce coup de frein, il est plus important depuis ces quelques mois. Peut-être que c'est temporaire, ça je ne sais pas. Mais en tout cas, il y a un coup de frein en ce moment. Les porteurs de projets, ils ont besoin d'être rassurés. de se sentir capable, sécurisé, donc de bien comprendre les enjeux. Et aujourd'hui, quand on n'est pas gestionnaire de crèche et qu'on a envie de créer sa crèche et qu'on entend les réactions, c'est aussi assez difficile de mesurer ce que ça va avoir comme impact pour les crèches concrètement sur le terrain. Donc c'est l'objectif de cette petite série que je vais faire en plusieurs parties. L'épisode 1 a pour but de parler du contexte. Je pense que c'est important de se rappeler de ce contexte. dans lequel le décret est sorti. Ce décret il est sorti il y a seulement dix jours, donc pour l'instant je vais donner un avis qui est quand même assez frais, mais j'ai quand même pris dix jours pour le lire et réfléchir un petit peu à ce que j'allais dire sur ce sujet. Bien sûr cette crise, je le dis souvent, elle n'est pas née du jour au lendemain, elle couvait depuis très longtemps, mais elle s'est quand même cristallisée le 22 juin 2022 lorsque la petite Lisa qui avait 11 mois a été tuée par une professionnelle de la petite enfance dans une crèche People and Baby, une crèche qui était située à Lyon. On a été extrêmement émus, moi je me souviens très bien du jour où j'ai appris le décès de la petite Lisa, c'était le jour même, et j'ai été vraiment émue, extrêmement choquée et triste. J'ai tout de suite parlé avec mon équipe de cet événement, parce que je voulais en parler avec elle en réunion avant qu'elle ne l'apprenne par des rumeurs et par la presse. Et donc on en a... Tout de suite parlé et c'était vraiment un moment extrêmement difficile, extrêmement violent pour tout le secteur. C'est un moment dont on ne s'est pas encore relevé puisque c'est un acte d'une extrême violence qui a été commis et Myriam a fait boire un détergent volontairement à un bébé. Elle l'a fait boire au goulot pour la faire taire. C'est un acte exceptionnel et ça a déclenché une prise de conscience nationale sur les conditions d'accueil en France aujourd'hui. Hasard du calendrier ou pas ? Le décret paraît le même jour, le 1er avril, c'est le même jour que le début du procès d'assises de Myriam. Donc cette réforme qu'on attend depuis deux ans et demi, eh bien elle voit le jour in extremis au moment où on juge Myriam. Ça peut paraître quand même long, mais finalement quand je vois tout ce qui s'est passé en deux ans, je me dis que c'est pas évident de réformer ce micmac de la petite enfance en France. En fait c'est vrai qu'on a un système qui est... Assez complexe. Et ce qui est très complexe aussi, c'est que la crise, elle date pour moi déjà des années 2000, quand on a créé la PSU et qu'on a commencé à vouloir réduire les coûts et augmenter en parallèle le nombre de places d'accueil. Donc d'un côté, on voulait qu'il y ait plus de places de crèche. Donc on a poussé à la création de places, notamment le secteur privé, en mobilisant des subventions de création de places. Mais en parallèle, on a essayé de faire réduire les coûts. de fonctionnement des crèches. Donc en créant un système PSU qui fonctionnait à l'acte, on finance les crèches en fonction du nombre d'heures de productivité, donc on a généré cette logique de productivisme qui nous a inscrit un petit peu dans une dynamique, je dirais low cost, entre guillemets. Bon, je caricature un peu, mais en tout cas, la dynamique low cost, elle pourrait venir de là. En tout cas, le 22 juin 2022, il y a cette déflagration et tout le monde prend conscience qu'on ne peut pas continuer comme ça, il faut faire quelque chose. Juste après le décès de Lisa, le gouvernement missionne Ligas pour faire une enquête sur ce qui s'est passé et sur la qualité d'accueil dans les crèches. Tout de suite, Ligas se met au travail et c'est le 11 avril 2023, moins d'un an plus tard, que Ligas va sortir son rapport sur la qualité de l'accueil. et la prévention de la maltraitance. Là, les inspecteurs de l'IGAS avaient passé des mois dans les crèches à interroger les professionnels, à lire les textes, à faire des recherches dans tous les sens. Et ils ont sorti 39 recommandations pour améliorer la qualité, la sécurité et l'accompagnement dans les crèches. Et ce rapport, on peut le trouver très facilement sur Internet et de nombreuses publications à son sujet, si ça t'intéresse. Tu as des résumés, des publications, des articles sur les pros de la petite enfance, etc. Mais pourtant, à la suite de la publication de ce rapport, donc en avril 2023, il n'y a pas eu immédiatement de réforme. On est resté dans la recherche et dans la réflexion. En parallèle, il y avait aussi le travail du comité de filière et la réflexion sur la création du service public de la petite enfance. Donc c'est une période où on a beaucoup réfléchi et où on s'est beaucoup demandé ce qu'il fallait faire comme réforme pour résoudre notre problème. En tout cas, on peut résumer en disant que le rapport de Ligas, cette enquête qu'a menée Ligas... a permis de mettre en relief un manque d'homogénéité de la qualité d'accueil. C'est-à-dire que c'est hétérogène et qu'on ne peut pas garantir aux parents et aux professionnels et aux enfants qu'on va avoir la même qualité, le même niveau de qualité, les mêmes garanties d'une crèche à l'autre. Donc ça reste hétérogène. Donc on va chercher à réformer pour avoir une meilleure homogénéité, pour pouvoir se fier en fait à une certaine qualité, à un certain niveau de qualité qu'on va pouvoir retrouver partout. Alors le 1er juin 2023, il y a quelque chose d'assez surprenant, c'est que dans tout ce marasme, on a Elisabeth Borne qui était la première ministre, qui annonce l'objectif qu'a fixé le gouvernement de création de places. Et cet objectif de création de places, tenez-vous bien, il est de 200 000 nouvelles places d'ici 2030. Donc le gouvernement dans tout ça se dit tiens, et si on créait 200 000 nouvelles places d'accueil pour répondre aux besoins des familles ? Oui, parce qu'en fait... Aujourd'hui, le taux de couverture, il n'est toujours pas suffisant. Les familles, elles sont toujours en galère. Donc ça n'a pas encore changé à ce niveau-là. Mais tout le secteur, à ce moment-là, se dit « Ouh là là, mais qu'est-ce qui se passe ? De quoi on parle ? Comment on peut créer 200 000 nouvelles places alors qu'on a une pénurie de professionnels absolument effarante et que c'est la crise de partout ? » Et j'ai peut-être loupé un épisode, mais il me semble que cet objectif n'a pas été démenti à ce jour. Donc on reste... toujours dans cet objectif de création de place, malgré les difficultés du secteur. Et c'est vrai que le besoin, il est bien existant. L'étape suivante, l'aboutissement de toutes ces réflexions sur le service public de la petite enfance, c'est qu'en décembre 2023, la loi pour le plein emploi a institué le service public de la petite enfance. Là, ça y est, on sait qu'il va y avoir ce service public de la petite enfance. Et il y a eu dans cette loi la création des référentiels nationaux. Et ces référentiels nationaux, on a mis beaucoup d'espoir en eux. Il y avait le référentiel qualité, le référentiel aussi sur la formation des professionnels et un référentiel de contrôle des établissements. Pour l'instant, sur ces référentiels, il y en a un qui vient d'être validé en mars 2025. On a eu la version définitive du référentiel qualité. J'en reparlerai dans la chronologie, je vais essayer de rester dans l'ordre chronologique. Donc là, pour l'instant, moi, je viens de faire l'année 2023. En 2024, on a la présentation du rapport de la commission d'enquête parlementaire qui constate que le système est à bout de souffle et qui appelle à une réforme structurelle de la petite enfance. En 2024, il y a un événement très important, c'est en septembre la parution du livre Les Ogres de Victor Castanet. Ça faisait des mois qu'on savait que ce livre allait sortir et qu'on se demandait à quelle sauce il allait manger les crèches. Et il a mené une enquête. très très fouillé sur les dérives qu'on peut avoir dans les crèches et notamment il a épinglé le groupe People and Baby. Ce livre, il a été beaucoup lu, moi je l'ai lu avec attention et il a vraiment alerté l'opinion publique. Maintenant on arrive en 2025 et 2025 c'est l'année de la réforme. Ça commence déjà le 1er janvier avec la création du service public de la petite enfance, donc par application de la loi plein emploi. qui avait été votée en décembre 2023, on en a parlé tout à l'heure, et bien ça y est, le service public de la petite enfance voit le jour le 1er janvier 2025. Et avec ce service public de la petite enfance, il y a des changements, notamment un changement important, c'est que les communes deviennent autorités organisatrices de l'accueil. Et ça, depuis janvier, les communes ne savent pas trop comment s'en dépatouiller, les porteurs de projets non plus, et c'est dans ce décret... qu'on a un peu plus d'informations dans le décret dont on va parler dans une petite série de cette semaine. Ensuite, en mars 2025, est parue la version définitive du référentiel qualité dont on a parlé dans la loi plein emploi. Eh bien, ce référentiel qualité, ça y est, on a sa version définitive. C'est le premier des quatre référentiels prévus pour lequel on a une version définitive. Et voilà comment on arrive au 1er avril 2025 à la parution de la fameuse réforme. qu'on attendait depuis deux ans et demi, le décret qui réforme la petite enfance. Ce qui a eu pour moi un impact important sur toute cette période, c'est aussi le turnover infernal des ministres, puisqu'on est parti avec Adrien Taquet au début de la période, au moment du décès de la petite Lisa, qu'ensuite il y a eu Charlotte Cobell pendant une petite période d'intérim avant l'arrivée de Jean-Christophe Combes. Jean-Christophe Combes, lui, il était là. au moment du rapport de Ligas et au moment de la fixation de l'objectif de création de places, des fameuses 200 000 places qu'on doit créer avant 2030. Ensuite, il y a eu Aurore Berger qui a succédé à Jean-Christophe Combes. Elle, elle était là pendant la loi plein emploi qui a créé le SPPE. Et elle était là aussi lorsqu'il y a eu la parution des premiers livres scandales, le livre « Bébé business » et le livre « Le prix du berceau » qui sont parus aussi en 2023. Je n'en ai pas parlé tout à l'heure. Ils étaient un petit peu moins impactants que les ogres, mais vont dans le même sens globalement. Ensuite, il y a eu Sarah El Haïry, qui était présente à la période du rapport de la commission d'enquête parlementaire, et qui était aussi présente quand les ogres ont été publiés. Et puis on a eu une courte période avec Agnès Canaillé, qui a été présente fin 2024, jusqu'à l'arrivée de Catherine Vautrin, qui elle est en fonction depuis le mois de décembre 2024. Donc c'est elle qui est aux commandes en ce moment même. Moi je trouve que toute cette instabilité politique, ça me donne, en tant qu'administrée en tout cas, une impression d'urgence et de confusion. Il y a beaucoup de va-et-vient, beaucoup... d'incertitudes, beaucoup d'inquiétudes qui sont générées par tout ça. Et tout ça me donne l'impression de voir beaucoup de jeux de pouvoir et de jeux de politique avec des idéologies qui s'affrontent. Et j'ai l'impression que parfois les combats idéologiques peuvent prendre le pas sur l'intérêt pur et simple de l'enfant. Donc je regrette ce manque de permanence qui nous cause du tort. Mon vécu à moi de gestionnaire de crèche depuis les années 2000, c'est que la crise elle couvait déjà, que ça a démarré avec la création de la PSU. Bon bien sûr j'étais pas là avant la création de la PSU, mais pour moi cette création de la PSU elle a représenté une volonté de réduction des coûts, avec une logique productiviste qui a forcément rendu le travail moins intéressant et augmenté la pénurie de professionnels et la pénurie de compétences. Je trouve qu'on a énormément perdu depuis les années 2000. en compétence, en technicité et en qualité de management. On a beaucoup moins de temps d'élaboration, de réflexion. On a augmenté le nombre de crèches sans augmenter le nombre de professionnels. On a une pénurie en nombre de professionnels, mais aussi en qualification. Et cette situation, elle a mené à son paroxysme, à une situation d'une extrême violence en 2022. Maintenant, les micro-crèches sont un peu le bouc émissaire de cette situation, mais c'est tout un système. qui a progressivement réduit la qualité d'accueil en réduisant les financements et surtout le financement des temps de réflexion autour de l'accueil. Cette réduction de qualité, elle n'est pas malheureusement propre aux micro-crèches, on peut la trouver aussi dans les crèches collectives. Maintenant pour se relever de tout ça, il faut se concentrer sur la qualité d'accueil, soyons pragmatiques, regardons le contenu de la réforme et ce que nous on peut faire sur le terrain. Il y a des combats qui sont menés au plus haut niveau par des syndicats professionnels, par des fédérations, par des politiques et ils vont continuer à réfléchir sur cette réforme et peut-être à la faire évoluer. Mais nous, on va essayer de comprendre ce qui va se passer sur le terrain avec cette réforme. On va s'activer et à commencer par le deuxième épisode de cette petite série dans lequel je vais te parler du premier axe du décret. C'est celui qui porte sur les changements dans la procédure d'agrément. Voilà, j'ai essayé d'aborder ce premier épisode sur la réforme avec simplicité et en étant moi-même et en donnant un avis personnel. Donc j'espère que ça t'a plu et que tu vas continuer à écouter la petite série 7 semaines. Je te dis à demain pour l'épisode suivant. Allez, c'est parti !