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CHRISTIANISME EN AFRIQUE : L’expérience unique de Gilles Riquet entre Rwanda et Congo #9 cover
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Réformés.ch

CHRISTIANISME EN AFRIQUE : L’expérience unique de Gilles Riquet entre Rwanda et Congo #9

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51min |27/11/2024
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Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Gilles Riquet, pasteur réformé à la retraite et ancien coopérant au Rwanda.

À travers, notamment, ses souvenirs du Zaïre, où il a côtoyé les kimbanguistes au début des années 1990, cet épisode explore la richesse des relations humaines,

ainsi que les défis posés par le colonialisme et les tensions ethniques et religieuses.
Gilles Riquet offre une réflexion profonde sur les liens culturels, spirituels et historiques qui unissent l'Afrique et l'Europe. Un témoignage vibrant mêlant histoire, foi et engagement, où l’expérience personnelle éclaire des enjeux universels.


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Transcription

  • Speaker #0

    La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Mais ça disparaît un peu avec le temps, quand on comprend mieux la mentalité de l'Africaine. Ça n'en est pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place ne le perçoit pas comme ça et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui, à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises. podcast de Michel Cocher pour réformer.ch.

  • Speaker #1

    Avec Gilles Riquet, pasteur à la retraite, je vous propose de revisiter les liens de l'Europe avec l'Afrique. Ça commence pour lui par un travail de coopérant au Rwanda. Quelques années plus tard, après des années de travail en Europe, il retourne en Afrique pour mieux comprendre le christianisme vu par les Africains, organisé par les Africains. Il découvre à Kinshasa les églises africaines indigènes, dont le kimbangisme. Bonjour Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Votre parcours, allons dire comme ça, africain, il commence il y a longtemps dans un pays où vous êtes envoyé comme coopérant français, c'est le Rwanda. Vous avez choisi le Rwanda ou bien on vous a désigné ?

  • Speaker #0

    On m'a désigné parce que je suis parti dans le cadre des missions protestantes de Paris. Et il y avait à l'époque un système où on pouvait, en tant que coopérant technique, être envoyé par une mission. Mais on dépendait quand même du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Armées. Donc j'ai choisi cette voie et on m'a envoyé, la mission de Paris m'a envoyé au Rwanda. Inconnu pour moi. Rwanda, où est-ce que ça se trouve ? Comment ça s'écrit ? Centre de l'Afrique peut-être ? Alors on se précipite sur un atlas pour voir où c'est. Et voilà, ça a commencé comme ça.

  • Speaker #1

    On ne vous a pas préparé. Vous avez débarqué comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une ou deux séances de préparation pour ces coopérants. Et je me souviens d'un mot, le responsable nous a dit surtout, ne vous énervez jamais Et j'ai retenu ce conseil.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez ce pays, qu'est-ce qui vous frappe au premier abord ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est la Terre Rouge, la Latérite. Le vert lumineux, l'absence de voies de communication ou de routes. Ce sont des routes de la Thierry, des routes qui sont entretenues à la main. Il y a entre l'aéroport et la capitale qui y allie quelques kilomètres asphaltés, puis c'est tout.

  • Speaker #1

    Et votre travail, vous êtes enseignant, vous êtes un enseignant français, donc vous avez une certaine... surface, reconnaissance, sur place. Comment ça se passe ? Avec du recul, vous diriez que vous étiez un peu un colon en arrivant là-bas ?

  • Speaker #0

    Non, pas un colon. Mais je dirais que nous étions très idéalistes. Nous voulions aider. Nous voulions apporter quelque chose à des pays qui en étaient dépourvus. dans un cadre qui était précis. Donc moi j'ai été envoyé dans un collège financé par la Suisse, le collège officiel de Kigali. Et il y avait là des coopérants suisses, directeurs suisses aussi, coopérants suisses, belges et français et canadiens. Donc on était une petite communauté enseignante internationale. Ce qui était aussi très sympathique.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a frappé dans le travail que vous exerciez, dans vos rapports avec les gens ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qui m'a frappé dans les rapports avec les Africains, donc les Rwandais, c'était une certaine tenue, c'était une réserve, beaucoup de gentillesse, je le répète. Et pour ce qui concernait les élèves, c'était une attention extraordinaire de ce qu'on disait. Il y avait peu à l'époque, donc quand même 1969, il y a longtemps. Il y avait peu à l'époque de supports livresques. Les élèves en étaient quasiment dépourvus. Donc la tradition orale fonctionnait encore très fort. Il y avait des élèves qui pouvaient répéter une phrase textuellement deux ans après que je l'ai prononcée. Bon, elle avait frappé, certainement, mais quand même, ils étaient très attentifs et retenaient beaucoup par la parole. Ça, ça m'a beaucoup frappé, oui. Autrement, ils étaient très bien formés, ces élèves. C'était probablement un des collèges les plus performants de Rwanda à l'époque. Et beaucoup sont sortis avec de très bonnes notes.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous étiez sensibilisé à la situation politique, aux tensions, au fond, à une forme de fournaise qui était là ? Probablement pas visible, mais déjà en gestation.

  • Speaker #0

    Elle était sous-jacente, elle était... Mais ça, on ne s'en est pas rappelé plus tard. Elle était sous-jacente, elle existait déjà. On savait quand même qu'il y avait eu des massacres au moment de l'indépendance, en 1956. C'est une révolte contre le pouvoir Tutsi, donc qui était la classe dominante, mais minoritaire sur le plan numérique. Et on savait qu'il y a eu des massacres très graves et que des élèves avaient été traumatisés par les spectacles qu'ils avaient dû voir dans leur enfance. Mais dans la vie quotidienne du lycée, du collège, ça n'apparaissait pas. Probablement que ces tensions existaient dans l'internat, mais ça nous ne pouvons pas le savoir. Dans les classes, ça n'apparaissait pas du tout, effectivement. Mais ce qui s'est produit après a été à la fois une surprise, et une demi-surprise plutôt, car ces tensions existaient, même si on ne les connaissait pas vraiment, on savait qu'elles existaient, parce qu'on nous les répétait, on nous les disait. On ne les voyait pas, mais... On savait que c'était dans l'histoire de ce pays, de ce peuple.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous aviez conscience aussi du rôle des puissances coloniales ? La France, la Belgique, vous êtes français, vous étiez aussi, au fond, sans être formellement un colon, vous étiez l'expression d'une forme de domination ? Ou avec du recul, quelque chose que vous avez...

  • Speaker #0

    Oui, on part là-bas, évidemment, avec l'idée qu'il faut les aider, les pauvres petits, etc. Ça c'est inévitable, mais ça disparaît un peu avec le temps quand on comprend mieux la mentalité de l'africaine et l'humanité en fait. La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Par exemple ? Le système de notes, par exemple, est beaucoup trop... sévère, enfin celui que j'ai appliqué en tout cas. C'est quelque chose que je ne referai pas. Il y a des thèmes évidemment qu'il faudrait éviter, les thèmes de tout ce qui est la littérature coloniale bien sûr. Mais il y a quand même une, comme je vous l'ai raconté tout à l'heure, une connaissance de l'être africain qui, peu à peu, par ses élèves, nous interpénètre, nous apercevons que les Africains rougissent aussi, comme nous, pas de la même... Ça se voit comment alors ? Mais on le voit au grain de la peau qui change et aussi la peau devient plus sombre. Et ils sont sensibles exactement au même... au même affect que nous. La joie, c'est l'humanité comme nous, absolument comme nous. Ça, c'était la grande leçon que j'ai tirée de l'Afrique.

  • Speaker #1

    Avec du recul quand même, c'est frappant, parce qu'on peut se dire que ça devrait aller de soi, et au fond, ça n'allait pas de soi en arrivant là-bas.

  • Speaker #0

    Non, ça n'allait pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place, ne le perçoit pas comme ça, et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui. à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises.

  • Speaker #1

    Ces deux années au Rwanda vous donnent le goût d'Afrique, mais ce goût d'Afrique, au fond, vous allez pouvoir le retrouver que des années plus tard, dans un contexte vraiment complètement différent, tout à fait volontaire pour le coup, où vous décidez tout d'un coup, à la faveur d'un congé sabbatique, de dire je pars. Pourquoi aller à Kinshasa ? Où vous allez aller ?

  • Speaker #0

    Alors Kinshasa, ce qui m'intéressait, c'était de savoir... comment les églises africaines, nées des missions, pratiquaient un siècle après, en gros, leur propre mission, si elles la pratiquaient. Alors il fallait trouver un lieu où ce serait commode de mener une enquête. Kinshasa présentait des avantages certains. C'était une ville où on parlait français, langue officielle en tout cas, une ville où il y avait de nombreuses confessions chrétiennes. Une ville où il y avait des églises indépendantes, c'est-à-dire des églises qui n'étaient pas nées des missions, et voir comment elles pratiquaient leurs missions, si c'était de manière différente des autres églises. Donc j'ai choisi Kinshasa, que je ne connaissais absolument pas. Pour moi, c'était l'inconnu. J'avais peu de documentation. J'avais pris contact avec le département missionnaire, qui m'a préparé des contacts sur place, mais en allant... À Kinshasa, je ne savais pas le soir où j'allais dormir.

  • Speaker #1

    Et vous allez à Kinshasa par...

  • Speaker #0

    Aéroflot.

  • Speaker #1

    Aéroflot, ce n'est pas vraiment la compagnie aérienne la plus évidente.

  • Speaker #0

    Non, mais il y avait un avantage, c'était que mon billet d'avion valait une année. Donc je n'avais pas besoin d'acheter le pôle en retour. Alors je suis parti de Francfort-sur-le-Main. J'ai été à Moscou. J'ai attendu je ne sais plus combien d'heures à Moscou, dans un aérogare où il n'y avait rien, sauf une buvette où il n'y avait pas de place parce que c'était bondé. Et de Moscou, parti à Brazzaville. Brazzaville qui était en lien, qui était socialiste, qui était en lien avec Moscou. Ah voilà,

  • Speaker #1

    d'affinité politique.

  • Speaker #0

    Voilà. J'arrive à Brazzaville, il faut passer de l'autre côté du fleuve.

  • Speaker #1

    Le fameux fleuve Zahir. Le fleuve Zahir. Nance, majestueux. Nance,

  • Speaker #0

    majestueux. Alors j'étais seul, blanc, sur ce débarcadère, sur cette aire où on devait embarquer pour aller de l'autre côté. Et là, mon premier contact, comment dire, qui m'a interpellé, c'était les enfants. Là, il y avait des enfants. abandonnés, qui venaient du Niger d'ailleurs, qui ne vivaient de rien, de rapines ou de ce qu'on leur donnait. Leur lieu de vie, c'était ce débarcadère où il n'y avait aucun avenir. Alors, je passe le fleuve sur un bateau et je monte l'escalier parce que le fleuve était au plus bas, c'était la saison sèche. Donc, il y avait un immense escalier, mais très étroit. avec les marches comme ça, pas plus large que ça, et j'avais deux grandes valises. Je monte mon escalier, mais je ne pouvais pas mettre les valises sur l'escalier parce qu'il y avait une immense file. Alors je double tout le monde en tant qu'Européen, personne ne faisait dire quoi que ce soit, et j'arrive en haut, et là, j'entends Brunon, j'entends Brunon crier. Et c'était un... Sorry. qui me reçoit et qui m'attendait. Je ne sais pas comment, toujours pas comment, ils m'attendaient.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez Kinshasa. Qu'est-ce qui vous frappe d'abord dans cette ville à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors, à ce moment-là, ce qui me frappe, c'est la quantité des gens qui marchent le long des routes. Des foules immenses. qui n'ont pas d'autres moyens de locomotion souvent que des bus super bondés ou ce qu'on appelle des foulas-foulas qui sont des petits combis où on masse le plus possible de personnes, même dans les rayons. Mais beaucoup de gens n'ont pas les moyens non plus de payer ces trajets. Et c'était vraiment très frappant de voir ces foules en marche continuellement. Et vous,

  • Speaker #1

    vous aurez la chance pour vous déplacer d'avoir une voiture ?

  • Speaker #0

    Alors Jacques Serré était en contact avec l'armée du salut et a appris qu'une petite voiture, une petite Renault était en vente. Et il me l'a proposé, évidemment, je l'ai acheté tout de suite. Et cette petite voiture de l'armée du salut m'a été extrêmement utile parce qu'il y avait sur le capot une croix rouge et service médical de l'armée du salut.

  • Speaker #1

    Ah ça, c'est le passe-partout, ça, alors ?

  • Speaker #0

    C'était le passe-partout. On m'a pris pour un médecin. Donc, on ne me rançonnait pas en tant que blanc, c'est-à-dire on arrête les voitures. On dit vous avez fait une faute, etc. Vous devez payer. Alors ça, on m'a laissé tranquille de ce côté-là. Et même quand je passais devant la Présidente, au moment de mon mangaliema, une route qui était malfamée parce que les soldats arrêtaient toutes les voitures qui passaient, ou beaucoup de voitures qui passaient, pour les rançonner. Moi, je passais sans autre. Ça, c'était très utile, cette petite voiture. Pourtant,

  • Speaker #1

    vous avez eu peur une fois ou l'autre dans les manifestations qu'on vous la renverse. Ça peut basculer tout d'un coup, vous avez des souvenirs comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Alors les foules qui sont excitées, qui sont extrêmement dangereuses, il suffit que l'un ou deux lance des slogans en disant sale blanc ou bien repars dans ton pays et très vite, toute une foule bascule. C'est pas propre. à l'Afrique, c'est le phénomène des foules. Et une fois, j'ai eu très peur et j'ai dû partir rapidement, le plus rapidement possible, parce que aussi, les Blancs racontent là-bas, enfin, les expatriés racontent des histoires. Par exemple, qu'on lance des pierres dans les pare-brises, et puis qu'on ouvre les voitures, on sent les femmes, etc. Donc, c'était des choses qui existaient, ça. Un missionnaire m'a raconté aussi, bon, ça, c'est une petite histoire, mais... Il avait vu une femme allongée sur la route. Il la prend dans sa voiture pour l'amener à l'hôpital. Elle est malade, etc. La femme l'agresse, déchire ses vêtements et dit à tout le monde qu'il a voulu me violer. Et alors, toute la foule se rassemble. J'ai eu un accident. La foule se rassemble à une vitesse incroyable. Et si vous êtes dans votre tort, si vous avez un mot malheureux, ça peut mal tourner. Mais ceci dit, les Africains sont quand même très gentils.

  • Speaker #1

    Alors, vous allez là-bas, dans un paysage confessionnel qu'il faut quand même brièvement présenter. Le Zahir, le Congo aujourd'hui, est essentiellement chrétien, formé de plusieurs grandes familles. La première, la plus importante, c'est la famille catholique.

  • Speaker #0

    La famille catholique, très soutenue par la hiérarchie belge. et par le pouvoir belge aussi depuis très longtemps, qui a des paroisses énormes, de grandes églises, qui a introduit la messe aéroise depuis peu de temps. Le cardinal Maloula vient de décéder. C'était le seul ecclésiastique de poids, d'envergure, qui s'opposait à Mobutu. Mais il pouvait le faire aussi, il faut le dire, parce qu'il avait derrière la puissante église catholique mondiale. Bon, mais quand même, il l'a fait. Et il était vénéré comme un saint. J'ai vu sa tombe dans la cathédrale, couverte de fleurs. Alors, le catholicisme, ça fait 46-47% à l'époque de la population de Kinshasa. Et donc, une église puissante, bien structurée. très forte sur le plan de l'éducation, très soucieuse des générations montantes, qui a un problème de recrutement des prêtres, parce qu'il y a un discernement des vocations. Beaucoup de candidats ne sont pas pris parce que leur vocation ne semble pas sûre. Donc des paroisses, encore une fois, pléthoriques, où les prêtres sont insuffisants. Alors il y a la mise en place de ministères spécialisés. c'est-à-dire des paroisses, des petites paroisses qui sont conduites par des chefs de paroisses, comme des pasteurs, qui n'ont pas le pouvoir évidemment des sacrements, mais qui conduisent la paroisse et les services de la parole. C'est une église effectivement très forte. Et alors il y a l'église protestante.

  • Speaker #1

    Très fort, donc 40-50% de la population ?

  • Speaker #0

    Oui, plus près de 50% que de 40%.

  • Speaker #1

    D'accord. Et puis, juste encore une question sur le... Est-ce que vous avez pu vivre ce rite zaïrois, dont on dit que c'est une messe au fond catholique, avec un rite spécifique ?

  • Speaker #0

    Oui, le rite spécifique et surtout les couleurs. J'ai assisté à la messe d'intronisation. d'une nouvelle archevêque en 1990. C'était impressionnant cette nouvelle messe, par les couleurs, les habits liturgiques, mais les chants. Et c'était introduit par des danses de jeunes filles, de fillettes, en longue soquette blanche, qui ont dansé pendant tout le service, accompagnant la liturgie, sous la conduite d'une sœur européenne. Mais c'était une perfection. Alors, il y a beaucoup pour les yeux. Il y a beaucoup pour les yeux. La prédication n'est pas aussi fournie que chez les protestants. C'est plutôt dans les appels. Mais là aussi, il y a eu un appel au pouvoir politique à prendre ses responsabilités. Et c'était vraiment un spectacle comme inouï. Voilà, alors... Pour le fondement de la messe, il n'y a rien de changé. C'est simplement l'emballage.

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais quand même faire une petite allusion aux différents objets qu'on a ici. Peut-être évoquer, dit-nous l'hypathie, au fond ce que vous aimez. Dites-nous pourquoi vous avez pris ce CD comme un objet qui vous parle, aussi sur le fond de votre expérience africaine.

  • Speaker #0

    C'est un peu fortuit la découverte d'Inno Lupati parce que j'ai découvert son disque, c'était un disque à micro-sillons à l'époque, justement en rentrant du Rwanda. Je ne connaissais pas du tout ce pianiste et j'ai été subjugué par son jeu extrêmement réfléchi, profond. calme, surtout dans le souverain. Voilà, c'est le mot. Et malheureusement, Dean Blapati est mort rapidement et n'a pas pu donner toute la mesure de son art, mais je tiens à souligner la qualité de cet artiste.

  • Speaker #1

    Et quand vous rentrez d'Afrique, Vous retrouvez une culture occidentale avec plaisir ou vous êtes un peu tendu entre ce que vous avez découvert là-bas et ce que vous retrouvez ici ?

  • Speaker #0

    Non, pas tendu, non, parce que j'étais rentré quand même après une année, j'étais rentré quand même en France. Non, c'est... C'est un autre monde, mais c'était mon monde. Je ne pouvais pas le renier. Je ne suis jamais devenu africain dans la mentalité ni dans la pensée, dans la conduite non plus. J'apprécie l'Afrique, mais je suis quand même européen. C'est indéniable. Alors je suis rentré à Paris, puis là j'étais en Allemagne. C'était un intermède. à laisser des traces, puisque j'ai pensé à l'Afrique beaucoup plus tard, de nouveau.

  • Speaker #1

    Alors, on va parler maintenant des protestants, parce que vous êtes un pasteur protestant, réformé, vous avez une carrière pastorale en Suisse, pour l'essentiel, mais quand vous êtes allé à Kinshasa, vous êtes allé voir aussi les protestants, il y en a des presbytériens, des réformés, ils sont assez nombreux. Qu'est-ce qui vous a frappé à ce moment-là, dans cette constellation protestante ?

  • Speaker #0

    Les protestants sont liés à des ethnies, c'est-à-dire aux missions. Lorsque les protestants sont arrivés aux Haïts, au Congo, les premiers d'ailleurs, après la première évangélisation au 17e, 16e siècle, qui avait complètement disparu pratiquement, les britanniques sont arrivés et ont exploré la possibilité de... d'implanter des missions dans le pays. Alors, puis après sont venus les catholiques, tout de suite après, les catholiques envoyés par la Belgique. Donc, le pouvoir colonial a donné des autorisations d'implantation de missions selon les territoires. Et c'est resté. C'est-à-dire que la mission suédoise, la mission britannique, la mission américaine... Les presbytériens du Kassai, tout ça, c'est lié à des ethnies. Et des ethnies qui, quelquefois, se combattent ou ne s'apprécient pas, ou défendent leur propre fief. Et toutes ces confessions protestantes ont été mises dans le même sac par Mobutu, qui a dit, écoutez, vous les protestants, vous ne formez plus qu'une seule église. Alors, c'est ce qui s'appelait l'Église du Christ aux Haïrs et ses aides. Maintenant, probablement, l'Église du Christ au Congo. Alors, il y a des tensions perpétuelles dans cette fédération d'églises, parce qu'il y a bien un synode national, mais ce synode national est déchiré entre factions. Et alors, c'est le plus fort, le plus malin qui l'emporte, et il emporte les décisions au niveau national. Est-ce qu'on va se plier à ces décisions ? Ce n'est pas dit. Il y a des révoltes. Mais à l'intérieur même des confessions, il y a des conflits de personnes qui, quelquefois, ne sont pas résolus. Ils ne peuvent pas être résolus pour des questions de prestige, de questions de clans, parce qu'à l'intérieur des ethnies, il y a des clans. Alors c'est une situation extrêmement compliquée.

  • Speaker #1

    Vous aviez accès à cette complexité-là, vous, comme expatrié arrivant pour observer le christianisme zaïrois ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, c'était visible. Par exemple, j'ai été très bien accueilli, accueilli presque immédiatement par les baptistes, les baptistes américains. J'avais aussi des contacts avec les baptistes britanniques, mais moins. Les baptistes américains ont une grande mission au bord du fleuve, là où Stanley, à peu près, a débarqué. Ils avaient des bateaux, etc. Ils sont puissants au point de vue financier. Ces baptistes américains, quand je suis arrivé, construisaient à l'intérieur de la mission, il y avait un espace qui vaut, une maison pour le chef africain de l'église baptiste. Mais il y avait un autre chef africain, baptiste aussi, qui combattait ce... Alors, il y a des scissions dans les églises qui sont terribles. Ou bien encore, l'église du Kwango, c'est-à-dire une église d'un territoire qui est plutôt au sud de Kinshasa. Les gens émigrent, les gens viennent s'installer à Kinshasa, forment leurs propres églises, ils ont leur même langue, leur même connaissance, c'est le même clan. Mais au bout d'un certain temps... avec l'Église qui est dans le pays, et les contacts se perdent, et ils fondent eux-mêmes leurs propres églises. Alors c'est un fourmillement dans le cadre de l'Église protestante aux Haïts, un fourmillement d'églises sécessionnistes, etc.

  • Speaker #1

    Un de vos objectifs, quand même, c'est de visiter la troisième famille, si on peut dire. On a évoqué le catholicisme, l'Église protestante. Il faut évoquer ceux que vous allez découvrir qui sont les king-banguistes. Alors, je crois qu'il faut un tout petit peu cadrer tout ça, parce que pour chez nous ici en Suisse ou en Europe, le king-banguisme, ça n'est pas de l'évidence.

  • Speaker #0

    Non. Ça n'était pas non plus pour moi avant de partir, mais je ne sais plus comment je suis tombé sur ce Simon Kibangu et son église. Mais je sais que j'ai préparé, avant mon départ, la rencontre avec le kibandisme par deux livres, dont celui de Suzanne Esch, qui avait été publié quelques années auparavant et qui avait fait du bruit. Simon Kibangu et son église. Et cette église m'intéressait parce qu'elle voulait être indépendante de toute mission, être née indépendante de toute mission, bien que le prophète Simon qui brangou. d'où est sortie cette église, était un baptiste, un catéchiste baptiste. Merci. C'était un catéchiste baptiste et il a bien recommandé à tous ceux qui venaient le voir, parce qu'il a fait des miracles, des guérisons, et il prêchait, et les foules venaient à lui. Enfin, c'est assez impressionnant, cette histoire. C'est un ministère de quelques mois, mais qui a mis en danger le pouvoir politique, le pouvoir colonial. Parce que les gens venaient quitter leur travail dans les plantations ou ailleurs et venaient écouter Kibangu, venaient se faire soigner, etc. Bon, le pouvoir colonial a réagi, l'a fait emprisonner, l'a condamné à mort, ça a été commué en prison à vie et le Simon Kibangu n'a plus eu de... possibilité d'exercer son ministère dans la prison d'Elizabethville où il a été transféré. Alors, ce prophète, qui a eu une importance très grande, je crois, et toujours, même si les quimanguistes gonflent les chiffres, ce prophète m'a interpellé. J'ai eu de la sympathie pour lui, d'alnération, mais aussi de la sympathie, parce que j'ai pensé que... Il a été vraiment inspiré. Je me suis dit, je vais aller voir un petit peu comment vivent les adeptes qui veulent absolument être indépendants de toute mission, être vraiment une église africaine. Je veux voir comment ils vivent leur christianité.

  • Speaker #1

    Et vous vous installez alors dans le cœur du Kimbanguiste.

  • Speaker #0

    À la faculté de théologie quibanguiste, tout près de Kinshasa, en fait toujours dans l'agglomération de Kinshasa, j'ai eu le privilège de pouvoir m'installer dans la maison où une professeure suisse, Marie-Louise Martin, avait vécu, qui avait elle-même fondé la faculté de théologie quibanguiste et qui avait vécu dans cette maison jusque peu avant mon arrivée. Elle était décédée quelques mois avant. Et là, j'étais en contact avec des kibanguistes, sur le campus surtout, mais aussi dans leur culte à Kinshasa, dans les rencontres que j'ai eues aussi ailleurs, au centre d'accueil kibanguiste. Je n'ai pas été dans leur lieu saint, Kamba.

  • Speaker #1

    C'est là où Simon Kimbango est mort ? C'est juste ? Non,

  • Speaker #0

    c'est là où il a eu son ministère de quelques mois. Son ministère de guérison et de résurrection. Il a ressuscité plusieurs personnes, mais il a aussi prêché. C'est là où il est le centre maintenant du kibanguisme. Alors, j'ai eu le privilège de contacter ces kibanguis qui sont impressionnants par la volonté. de respecter les dix commandements, de respecter la loi du Christ. Mais c'est aussi les dix commandements qui dominent chez eux. Cette impression est très forte. Mais comme le disait un kibanguiste, pour vous c'est légaliste, vous les Européens. Ça donne l'impression de légalisme, et c'est vrai. Chaque prédication a pour thème... un des commandements, des dix commandements. À la fin, bon, on pourra. On les connaît. Oui, on peut imaginer. Alors, c'est difficile pour les prédicateurs de trouver des nouvelles images et des choses. Bon, en tout cas, c'est comme ça. C'est vrai que pour nous, c'est l'égalisme. Mais me disait ce qui m'a envie, pour nous, c'est important, parce que la société est tellement dissolue qu'il nous faut retrouver un cadre, et un cadre qui soit divin. Et effectivement, il y a cette volonté chez l'équibanguiste d'être obéissant à la loi de Dieu. Et ça, c'est impressionnant. Mais ça n'enlève pas que, quelquefois, on a l'impression d'une certaine hypocrisie. Quand on entre dans le légalisme, il y a le côté où on n'est pas forcément toujours comme il faut. Alors on le cache, on va le cacher. Alors ça, ça existe aussi. Mais tout de même, cette façade, cet appel constant à être de vrais chrétiens. comme disait Djangenda, ça c'est impressionnant.

  • Speaker #1

    Alors vous citez Djangenda, il faut en dire deux mots, c'est le fils, un des fils de Simon Kimangu, vous l'avez rencontré, en l'occurrence nous l'avons rencontré ensemble, puisque j'étais en reportage, c'est là que j'ai fait votre connaissance d'ailleurs, dans le centre des Kimanguistes à Kinshasa. Quel souvenir vous avez de cet homme ?

  • Speaker #0

    Moi il m'a beaucoup impressionné. Donc Djangenda c'est le fils cadet de Kimangu, du prophète. qui a été élevé comme ses frères, ses deux autres frères plus âgés, dans la religion catholique, qui lui a eu une certaine fonction dans l'administration coloniale, très bien formée, connaissant très bien les Européens et la mentalité européenne, mais qui m'a impressionné justement dans l'interview que vous avez menée, à laquelle j'étais présent. au centre d'accueil kibanguis de Kinshasa. Il m'a impressionné par sa décision. C'est un homme qui certainement, c'est lui qui a fondé l'Église et qui l'a structurée, qui l'a structurée et qui lui a donné le cadre nécessaire pour subsister et se développer. C'est lui aussi qui a gardé et qui a voulu d'abord et qui a gardé les contacts. avec le christianisme européen par l'intermédiaire du Conseil Écuménique des Églises, puisque c'est grâce à lui, en partie, mais en grande partie, que les Kimbrugis sont entrés en 1969 comme église nouvelle. Je crois que c'est la première église nouvelle africaine qui est entrée au Conseil Écuménique des Églises. Alors, c'était un homme que je n'ai plus revu après. où j'ai vu le cadre dans lequel il vivait. Et on m'a fait visiter son bureau alors qu'il était en maladie ici, en soins, soigné ici. On m'a fait visiter son bureau. Et son bureau était chargé de fleurs, de fleurs artificielles. Et puis j'ai dit à mon guide, mais pourquoi est-ce qu'il garde toutes ces fleurs ? Alors il m'a dit... Notre chef spirituel, puisque c'est le nom qu'on lui donne, ne jette pas les fleurs qu'on lui donne. Il les garde. Bon, évidemment, à un certain moment, il faudra bien les mettre à la place. Mais aussi, ça m'a touché de voir avec quelle différence et amour les chrétiens qui banguissent se tournaient vers leur chef, le respectaient. toujours à genoux devant lui, que j'en ai un tendance à bénédiction, qu'il faisait avec le signe de croix, mais par le pouce sur le front de ses fidèles quand il s'agenouillait devant lui. Il y a aussi une femme, justement, dans le centre d'accueil qui m'avait beaucoup interpellé. C'était une aide du prophète Simon de Bangou qui... À l'époque, en 1921, elle avait 14 ans et c'était la seule survivante de tous les adeptes de l'époque de Simon Kibango. Alors j'aurais bien voulu l'interroger. Et une fois, j'ai eu presque l'occasion de le faire, mais elle était occupée avec un jeune couple, parce qu'elle vivait aussi dans le centre d'accueil. Et quand elle a levé les yeux et qu'elle m'a vue, elle les a baissés aussitôt. pensait qu'elle ne souhaitait peut-être pas le parier.

  • Speaker #1

    Vous avez mentionné Gilles Riquet, Suzanne Hache, et le travail d'investigation qu'elle a fait. Il faut quand même qu'on parle aussi de l'hypothèse qu'il y a derrière son travail, à savoir qu'au fond, les Kimbanguistes, pour se faire bien voir de la chrétienté occidentale, ont caché une partie de leur doctrine, qui était, disons, entre guillemets, hétérodoxe, pour le christianisme en général, d'ailleurs. et qu'ils n'ont déployé que plus tard. Expliquez-nous.

  • Speaker #0

    Alors oui, c'était un aspect qui m'a bien interpellé, et c'était un aspect secondaire, disons, de ma recherche, mais qui m'a conduit aussi dans les contacts que j'ai eus, et à l'égard des étudiants en particulier. J'ai posé la question une fois directement aux étudiants et aux pasteurs qui étaient dans la faculté, et il y a eu un partage. C'est-à-dire qu'il y a eu des gens qui ont dit oui, c'est vrai qui, Bangu, est l'incarnation du Saint-Esprit. Et d'autres qui ont dit, non, je ne le vois pas comme ça, ou nous ne le voyons pas comme ça. Il y avait, semble-t-il, une ligne de partage. Cette ligne de partage n'existe pas, je crois, ailleurs. Je pense que les qui-banguistes, depuis toujours, pas seulement dans une évolution de leur théologie, mais dès le départ, On pensait que le Saint-Esprit promis par le Christ dans Jean XIV s'était incarné en Simon Cubango. D'où l'appel constant dans les prières à Simon Cubango. Quand j'étais assisté aux soirées spirituelles du campus, je... Le pasteur responsable corrigeait quelquefois une prédication qui avait été donnée par quelqu'un qui n'était pas formé. Le nom de Simon Kibangu revenait constamment. Mais ça, ça ne m'était pas traduit. C'était dans la langue, le Kikongo. Donc, on savait qu'il fallait être prudent à l'égard des Occidentaux concernant la place de Simon Kibangu dans l'histoire de sa vie. Et puis il y a d'autres éléments qui m'ont mis sur la piste que c'était effectivement ce que le soupçon de Suzanne H. était réel. C'est bien dans la théologie quimanguiste, c'est bien le Saint-Esprit qui s'est incarné en Simon Cubanco. Alors, à l'époque, il y avait ces suspicions, pas seulement de la part de Suzanne H., mais aussi des missionnaires. Et il y a eu tout un dialogue qui s'est fait, mais un dialogue extrêmement lent et qui n'a abouti que cette année, ou l'année dernière, l'année dernière, en 2022, où là, les climatistes ont jeté le voile et ont dit c'est notre théologie Mais il a fait du longtemps.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'entre eux, ils se sont mis d'accord, au fond, pour reconnaître que c'était ça qu'ils croyaient, ou bien ils les croyaient depuis le début, mais ils n'osaient pas le dire.

  • Speaker #0

    À mon avis, ils le croyaient dès le début. Il serait intéressant de lire les rapports que les missionnaires ont envoyés à leurs églises les concernant. Le rapport de l'église baptiste britannique. Les rapports ont été détruits pendant la dernière guerre par un bombardement. Malheureusement, on ne sait pas, donc tous ces documents ont disparu. Mais il y avait d'autres missions. Il y avait des adeptes de Kibangu qui étaient dans d'autres missions. Et là, il serait intéressant de rechercher, ça a peut-être été fait avant la connaissance, ce que disaient les missionnaires, parce que les missionnaires, et les kibanguis s'en plaignent, ils disent c'est vous les protestants qui nous avez rejetés Mais il faut voir pourquoi. Ils ont été rejetés. Les missionnaires n'étaient pas fous. Ils soupçonnaient, eux déjà, à l'époque, qu'il y avait quelque chose, sur le plan doctrinal, qui était différent.

  • Speaker #1

    Problématique.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que ça est arrivé très, très tôt, parce que la femme de Kibango a continué, après son emprisonnement, le mouvement. Elle était très proche évidemment de son mari et du commencement de ce mouvement. Donc c'est par elle aussi qu'est venue cette conviction que Jésus-Christ a aidé les Noirs, a voulu les aider et leur envoyer un messager spécial.

  • Speaker #1

    J'aimerais faire un petit aparté sur les objets qu'il y a ici. Celui qui est à côté de moi, c'est un objet pour un Suisse surtout avec... Le drapeau suisse, ou c'est un objet pour un marcheur qui marche en Suisse, mais aussi ailleurs dans son existence ?

  • Speaker #0

    Oui, je ne sais pas si ça fait de Suisse, c'est acheté en Suisse en tout cas, c'est acheté d'occasion. Donc, la marche, la marche, oui. Je ne suis pas un pèlerin. C'est aujourd'hui beaucoup à la mode de faire le chemin de Compostelle. Ce n'est pas quelque chose qui m'attire, mais marcher... J'ai remarqué que c'est une source de... Sauf pour marcher dans la nature. La nature est une source, très grande source d'apaisement et de... d'inspiration. Donc beaucoup d'idées viennent. Je dis à quelqu'un quand je conduis, je n'ai aucune idée, je suis à la conduite mais les idées ne me viennent pas quand je marche, elles viennent. J'ai écrit dans ma vie des centaines de méditations très courtes pour les journaux paroissiaux etc. Je posais, avant de sortir, je posais quelques idées J'allais faire un tour dehors, je revenais, c'était prêt. Le cerveau, en marchant, travaillait. Et travaillait bien. Il n'y avait plus que quelques détails. Des retouches. Des retouches, voilà. Voilà, donc la marche est pour moi, pas seulement un moyen de garder une forme physique, mais... que de garder aussi une forme spirituelle et intellectuelle.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on termine cet entretien, Gilles Riquet, par Kinshasa. Quand vous êtes parti, ou avant que vous partiez, la ville a quand même subi des manifestations et des déprédations considérables qui ont mis par terre des années de travail, de soutien à ce pays et à cette capitale. Vous avez des souvenirs de ces moments ?

  • Speaker #0

    Non, donc j'étais parti, je n'étais plus là. Mais déjà, quand j'étais, pendant mon séjour, je vous parlais des meutes tout à l'heure, c'était constamment des menaces des meutes. La situation était explosive, déjà à l'époque. Et même sur le campus qui banguiste.

  • Speaker #1

    Même chez les qui banguistes.

  • Speaker #0

    Oui, il y avait une grande tension entre le doyen et les professeurs qui lui étaient affiliés, et toute une partie. des pasteurs qui étaient souvent sans travail. Pourquoi ils étaient sans travail ? C'est un détail aussi important. Je le soupçonne aujourd'hui qu'ils étaient sans travail parce qu'on ne voulait pas leur donner de travail, parce qu'ils étaient trop formés à l'occidental. Et donc peut-être trop critiques à l'idée de cette conviction que Simon Kibangu est le Saint-Esprit, l'incarnation du Saint-Esprit. Mais il y a eu donc des tensions très fortes. Et dans les paroisses, il y a eu des conflits à main nue. On se battait. Et on s'est battus aussi sur le campus de...

  • Speaker #1

    Les gens se tapaient dessus ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah mais pas seulement se taper dessus, ils voulaient s'éliminer. Les gens fuyaient. D'ailleurs, le doyen, lorsqu'il y a eu ces troubles, le doyen est parti se cacher dans la ville de Kilshasa pendant plusieurs jours, en attendant que les troubles... s'apaise.

  • Speaker #1

    C'est un contraste saisissant avec ce que vous nous avez raconté quand même de cette humanité, de cette fraternité, de ce monde de joie et de simplicité.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Il y a de tout. Il y a de tout. Il y avait une énorme pauvreté. Il y avait aussi une énorme injustice. et ça recouvre la joie de vivre souvent. J'ai vu à Kinshasa, pas au Rwanda, mais au Kinshasa, j'ai vu à Kinshasa des visages quand même très tristes, une population accablée. Même au campus Kibandwist, les gens étaient inquiets. Et il y avait ces conflits, donc ces conflits de pouvoirs sous-jacents dans toutes les institutions, mais aussi chez les catholiques. Chez les catholiques aussi, il y a eu des conflits terribles, qui se voyaient peut-être moins, mais quand même.

  • Speaker #1

    Alors, on finit par le dernier objet qu'il y a là, les deux derniers objets à côté de vous. La Bible, les psaumes, le Nouveau Testament, je regarde ça. Oui, le Nouveau Testament et les psaumes, et puis Kierkegaard.

  • Speaker #0

    Alors, le Nouveau Testament et les psaumes, quand je marche, quand je fais une randonnée, je prends ce petit livre-là, c'est le Nouveau Testament. Parce qu'il y a toujours d'être relu. On croit le savoir, le connaître, etc. Mais on change. On est en permanence dans un autre milieu. Et on dérive dans ce milieu. Et il est bon de se retrouver, de se ressourcer dans ce qui fait l'essentiel de la vie, la foi, l'espérance et l'amour. On n'a pas besoin de beaucoup plus de choses, n'est-ce pas ? Dans la liberté. Alors j'admire ce groupe des Gidéons, qui donne gratuitement ces petits livres, tellement pratiques que l'on peut en porter avec soi. et qu'il les place aussi dans les hôtels pour que peut-être des personnes désemparées puissent y trouver le réconfort. Kierkegaard, Kierkegaard, esprit très profond, très croyant, a écrit dans son journal des prières qui sont touchantes, qui sont touchantes de simplicité, de conviction, de foi. Pour moi, c'est le modèle de prière protestante. Julien Cris, un écrivain d'origine protestante qui s'est converti au catholicisme, dit dans un fort journal que les prières protestantes sont peut-être ce qu'il y a de plus important chez les protestants, le plus frappant, le plus beau. Et j'ai retrouvé ça. chez les presbytériens, qui sont aussi des réformés, comme nous, dans les prières spontanées de leur service. Des personnes qui n'étaient pas des théologiens, qui ont fait des prières où on pouvait s'associer totalement à ce qu'ils disaient. On était emportés par ces prières.

  • Speaker #1

    Merci Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonne suite à vous. Merci.

  • Speaker #1

    Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de Mémoire Vive, tous les détails qu'il vous faut. Vous pouvez aussi nous réécouter, écouter les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et informer.ch. Merci de nous suivre, merci de vous abonner, si le cœur vous en dit.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Gilles Riquet

    01:02

  • Son PARCOURS au Rwanda

    01:28

  • Ses ÉLÈVES étaient très attentifs

    04:20

  • Il y avait des élèves TRAUMATISÉS

    05:49

  • Il y a encore du RASCISME à leurs égards

    07:23

  • A travers l’ INCONNUS, il part à Kinshasa

    10:24

  • Ce qui l’a FRAPPÉ

    14:26

  • Sa VOITURE de l’Armée du Salut

    15:17

  • On lui criait : « SALE BLANC »

    16:31

  • Le CATHOLICISME au Kinshasa

    18:05

  • Le CD de Dinu Lipatti

    22:05

  • Son retour à PARIS, après 1 an

    23:13

  • La COMPLEXITÉ du christianisme en Afrique

    24:09

  • A la découverte DU Kimbanguistes

    28:52

  • Kimbangu est l’incarnation du SAINT ESPRIT

    38:59

  • Le MARCHEUR suisse

    44:07

  • Les gens se tapais DESSUS

    46:00

  • Le nouveau testament, il mérite d’être relu

    48:58

  • Mots de FIN

    51:19

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Gilles Riquet, pasteur réformé à la retraite et ancien coopérant au Rwanda.

À travers, notamment, ses souvenirs du Zaïre, où il a côtoyé les kimbanguistes au début des années 1990, cet épisode explore la richesse des relations humaines,

ainsi que les défis posés par le colonialisme et les tensions ethniques et religieuses.
Gilles Riquet offre une réflexion profonde sur les liens culturels, spirituels et historiques qui unissent l'Afrique et l'Europe. Un témoignage vibrant mêlant histoire, foi et engagement, où l’expérience personnelle éclaire des enjeux universels.


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Transcription

  • Speaker #0

    La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Mais ça disparaît un peu avec le temps, quand on comprend mieux la mentalité de l'Africaine. Ça n'en est pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place ne le perçoit pas comme ça et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui, à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises. podcast de Michel Cocher pour réformer.ch.

  • Speaker #1

    Avec Gilles Riquet, pasteur à la retraite, je vous propose de revisiter les liens de l'Europe avec l'Afrique. Ça commence pour lui par un travail de coopérant au Rwanda. Quelques années plus tard, après des années de travail en Europe, il retourne en Afrique pour mieux comprendre le christianisme vu par les Africains, organisé par les Africains. Il découvre à Kinshasa les églises africaines indigènes, dont le kimbangisme. Bonjour Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Votre parcours, allons dire comme ça, africain, il commence il y a longtemps dans un pays où vous êtes envoyé comme coopérant français, c'est le Rwanda. Vous avez choisi le Rwanda ou bien on vous a désigné ?

  • Speaker #0

    On m'a désigné parce que je suis parti dans le cadre des missions protestantes de Paris. Et il y avait à l'époque un système où on pouvait, en tant que coopérant technique, être envoyé par une mission. Mais on dépendait quand même du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Armées. Donc j'ai choisi cette voie et on m'a envoyé, la mission de Paris m'a envoyé au Rwanda. Inconnu pour moi. Rwanda, où est-ce que ça se trouve ? Comment ça s'écrit ? Centre de l'Afrique peut-être ? Alors on se précipite sur un atlas pour voir où c'est. Et voilà, ça a commencé comme ça.

  • Speaker #1

    On ne vous a pas préparé. Vous avez débarqué comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une ou deux séances de préparation pour ces coopérants. Et je me souviens d'un mot, le responsable nous a dit surtout, ne vous énervez jamais Et j'ai retenu ce conseil.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez ce pays, qu'est-ce qui vous frappe au premier abord ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est la Terre Rouge, la Latérite. Le vert lumineux, l'absence de voies de communication ou de routes. Ce sont des routes de la Thierry, des routes qui sont entretenues à la main. Il y a entre l'aéroport et la capitale qui y allie quelques kilomètres asphaltés, puis c'est tout.

  • Speaker #1

    Et votre travail, vous êtes enseignant, vous êtes un enseignant français, donc vous avez une certaine... surface, reconnaissance, sur place. Comment ça se passe ? Avec du recul, vous diriez que vous étiez un peu un colon en arrivant là-bas ?

  • Speaker #0

    Non, pas un colon. Mais je dirais que nous étions très idéalistes. Nous voulions aider. Nous voulions apporter quelque chose à des pays qui en étaient dépourvus. dans un cadre qui était précis. Donc moi j'ai été envoyé dans un collège financé par la Suisse, le collège officiel de Kigali. Et il y avait là des coopérants suisses, directeurs suisses aussi, coopérants suisses, belges et français et canadiens. Donc on était une petite communauté enseignante internationale. Ce qui était aussi très sympathique.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a frappé dans le travail que vous exerciez, dans vos rapports avec les gens ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qui m'a frappé dans les rapports avec les Africains, donc les Rwandais, c'était une certaine tenue, c'était une réserve, beaucoup de gentillesse, je le répète. Et pour ce qui concernait les élèves, c'était une attention extraordinaire de ce qu'on disait. Il y avait peu à l'époque, donc quand même 1969, il y a longtemps. Il y avait peu à l'époque de supports livresques. Les élèves en étaient quasiment dépourvus. Donc la tradition orale fonctionnait encore très fort. Il y avait des élèves qui pouvaient répéter une phrase textuellement deux ans après que je l'ai prononcée. Bon, elle avait frappé, certainement, mais quand même, ils étaient très attentifs et retenaient beaucoup par la parole. Ça, ça m'a beaucoup frappé, oui. Autrement, ils étaient très bien formés, ces élèves. C'était probablement un des collèges les plus performants de Rwanda à l'époque. Et beaucoup sont sortis avec de très bonnes notes.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous étiez sensibilisé à la situation politique, aux tensions, au fond, à une forme de fournaise qui était là ? Probablement pas visible, mais déjà en gestation.

  • Speaker #0

    Elle était sous-jacente, elle était... Mais ça, on ne s'en est pas rappelé plus tard. Elle était sous-jacente, elle existait déjà. On savait quand même qu'il y avait eu des massacres au moment de l'indépendance, en 1956. C'est une révolte contre le pouvoir Tutsi, donc qui était la classe dominante, mais minoritaire sur le plan numérique. Et on savait qu'il y a eu des massacres très graves et que des élèves avaient été traumatisés par les spectacles qu'ils avaient dû voir dans leur enfance. Mais dans la vie quotidienne du lycée, du collège, ça n'apparaissait pas. Probablement que ces tensions existaient dans l'internat, mais ça nous ne pouvons pas le savoir. Dans les classes, ça n'apparaissait pas du tout, effectivement. Mais ce qui s'est produit après a été à la fois une surprise, et une demi-surprise plutôt, car ces tensions existaient, même si on ne les connaissait pas vraiment, on savait qu'elles existaient, parce qu'on nous les répétait, on nous les disait. On ne les voyait pas, mais... On savait que c'était dans l'histoire de ce pays, de ce peuple.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous aviez conscience aussi du rôle des puissances coloniales ? La France, la Belgique, vous êtes français, vous étiez aussi, au fond, sans être formellement un colon, vous étiez l'expression d'une forme de domination ? Ou avec du recul, quelque chose que vous avez...

  • Speaker #0

    Oui, on part là-bas, évidemment, avec l'idée qu'il faut les aider, les pauvres petits, etc. Ça c'est inévitable, mais ça disparaît un peu avec le temps quand on comprend mieux la mentalité de l'africaine et l'humanité en fait. La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Par exemple ? Le système de notes, par exemple, est beaucoup trop... sévère, enfin celui que j'ai appliqué en tout cas. C'est quelque chose que je ne referai pas. Il y a des thèmes évidemment qu'il faudrait éviter, les thèmes de tout ce qui est la littérature coloniale bien sûr. Mais il y a quand même une, comme je vous l'ai raconté tout à l'heure, une connaissance de l'être africain qui, peu à peu, par ses élèves, nous interpénètre, nous apercevons que les Africains rougissent aussi, comme nous, pas de la même... Ça se voit comment alors ? Mais on le voit au grain de la peau qui change et aussi la peau devient plus sombre. Et ils sont sensibles exactement au même... au même affect que nous. La joie, c'est l'humanité comme nous, absolument comme nous. Ça, c'était la grande leçon que j'ai tirée de l'Afrique.

  • Speaker #1

    Avec du recul quand même, c'est frappant, parce qu'on peut se dire que ça devrait aller de soi, et au fond, ça n'allait pas de soi en arrivant là-bas.

  • Speaker #0

    Non, ça n'allait pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place, ne le perçoit pas comme ça, et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui. à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises.

  • Speaker #1

    Ces deux années au Rwanda vous donnent le goût d'Afrique, mais ce goût d'Afrique, au fond, vous allez pouvoir le retrouver que des années plus tard, dans un contexte vraiment complètement différent, tout à fait volontaire pour le coup, où vous décidez tout d'un coup, à la faveur d'un congé sabbatique, de dire je pars. Pourquoi aller à Kinshasa ? Où vous allez aller ?

  • Speaker #0

    Alors Kinshasa, ce qui m'intéressait, c'était de savoir... comment les églises africaines, nées des missions, pratiquaient un siècle après, en gros, leur propre mission, si elles la pratiquaient. Alors il fallait trouver un lieu où ce serait commode de mener une enquête. Kinshasa présentait des avantages certains. C'était une ville où on parlait français, langue officielle en tout cas, une ville où il y avait de nombreuses confessions chrétiennes. Une ville où il y avait des églises indépendantes, c'est-à-dire des églises qui n'étaient pas nées des missions, et voir comment elles pratiquaient leurs missions, si c'était de manière différente des autres églises. Donc j'ai choisi Kinshasa, que je ne connaissais absolument pas. Pour moi, c'était l'inconnu. J'avais peu de documentation. J'avais pris contact avec le département missionnaire, qui m'a préparé des contacts sur place, mais en allant... À Kinshasa, je ne savais pas le soir où j'allais dormir.

  • Speaker #1

    Et vous allez à Kinshasa par...

  • Speaker #0

    Aéroflot.

  • Speaker #1

    Aéroflot, ce n'est pas vraiment la compagnie aérienne la plus évidente.

  • Speaker #0

    Non, mais il y avait un avantage, c'était que mon billet d'avion valait une année. Donc je n'avais pas besoin d'acheter le pôle en retour. Alors je suis parti de Francfort-sur-le-Main. J'ai été à Moscou. J'ai attendu je ne sais plus combien d'heures à Moscou, dans un aérogare où il n'y avait rien, sauf une buvette où il n'y avait pas de place parce que c'était bondé. Et de Moscou, parti à Brazzaville. Brazzaville qui était en lien, qui était socialiste, qui était en lien avec Moscou. Ah voilà,

  • Speaker #1

    d'affinité politique.

  • Speaker #0

    Voilà. J'arrive à Brazzaville, il faut passer de l'autre côté du fleuve.

  • Speaker #1

    Le fameux fleuve Zahir. Le fleuve Zahir. Nance, majestueux. Nance,

  • Speaker #0

    majestueux. Alors j'étais seul, blanc, sur ce débarcadère, sur cette aire où on devait embarquer pour aller de l'autre côté. Et là, mon premier contact, comment dire, qui m'a interpellé, c'était les enfants. Là, il y avait des enfants. abandonnés, qui venaient du Niger d'ailleurs, qui ne vivaient de rien, de rapines ou de ce qu'on leur donnait. Leur lieu de vie, c'était ce débarcadère où il n'y avait aucun avenir. Alors, je passe le fleuve sur un bateau et je monte l'escalier parce que le fleuve était au plus bas, c'était la saison sèche. Donc, il y avait un immense escalier, mais très étroit. avec les marches comme ça, pas plus large que ça, et j'avais deux grandes valises. Je monte mon escalier, mais je ne pouvais pas mettre les valises sur l'escalier parce qu'il y avait une immense file. Alors je double tout le monde en tant qu'Européen, personne ne faisait dire quoi que ce soit, et j'arrive en haut, et là, j'entends Brunon, j'entends Brunon crier. Et c'était un... Sorry. qui me reçoit et qui m'attendait. Je ne sais pas comment, toujours pas comment, ils m'attendaient.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez Kinshasa. Qu'est-ce qui vous frappe d'abord dans cette ville à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors, à ce moment-là, ce qui me frappe, c'est la quantité des gens qui marchent le long des routes. Des foules immenses. qui n'ont pas d'autres moyens de locomotion souvent que des bus super bondés ou ce qu'on appelle des foulas-foulas qui sont des petits combis où on masse le plus possible de personnes, même dans les rayons. Mais beaucoup de gens n'ont pas les moyens non plus de payer ces trajets. Et c'était vraiment très frappant de voir ces foules en marche continuellement. Et vous,

  • Speaker #1

    vous aurez la chance pour vous déplacer d'avoir une voiture ?

  • Speaker #0

    Alors Jacques Serré était en contact avec l'armée du salut et a appris qu'une petite voiture, une petite Renault était en vente. Et il me l'a proposé, évidemment, je l'ai acheté tout de suite. Et cette petite voiture de l'armée du salut m'a été extrêmement utile parce qu'il y avait sur le capot une croix rouge et service médical de l'armée du salut.

  • Speaker #1

    Ah ça, c'est le passe-partout, ça, alors ?

  • Speaker #0

    C'était le passe-partout. On m'a pris pour un médecin. Donc, on ne me rançonnait pas en tant que blanc, c'est-à-dire on arrête les voitures. On dit vous avez fait une faute, etc. Vous devez payer. Alors ça, on m'a laissé tranquille de ce côté-là. Et même quand je passais devant la Présidente, au moment de mon mangaliema, une route qui était malfamée parce que les soldats arrêtaient toutes les voitures qui passaient, ou beaucoup de voitures qui passaient, pour les rançonner. Moi, je passais sans autre. Ça, c'était très utile, cette petite voiture. Pourtant,

  • Speaker #1

    vous avez eu peur une fois ou l'autre dans les manifestations qu'on vous la renverse. Ça peut basculer tout d'un coup, vous avez des souvenirs comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Alors les foules qui sont excitées, qui sont extrêmement dangereuses, il suffit que l'un ou deux lance des slogans en disant sale blanc ou bien repars dans ton pays et très vite, toute une foule bascule. C'est pas propre. à l'Afrique, c'est le phénomène des foules. Et une fois, j'ai eu très peur et j'ai dû partir rapidement, le plus rapidement possible, parce que aussi, les Blancs racontent là-bas, enfin, les expatriés racontent des histoires. Par exemple, qu'on lance des pierres dans les pare-brises, et puis qu'on ouvre les voitures, on sent les femmes, etc. Donc, c'était des choses qui existaient, ça. Un missionnaire m'a raconté aussi, bon, ça, c'est une petite histoire, mais... Il avait vu une femme allongée sur la route. Il la prend dans sa voiture pour l'amener à l'hôpital. Elle est malade, etc. La femme l'agresse, déchire ses vêtements et dit à tout le monde qu'il a voulu me violer. Et alors, toute la foule se rassemble. J'ai eu un accident. La foule se rassemble à une vitesse incroyable. Et si vous êtes dans votre tort, si vous avez un mot malheureux, ça peut mal tourner. Mais ceci dit, les Africains sont quand même très gentils.

  • Speaker #1

    Alors, vous allez là-bas, dans un paysage confessionnel qu'il faut quand même brièvement présenter. Le Zahir, le Congo aujourd'hui, est essentiellement chrétien, formé de plusieurs grandes familles. La première, la plus importante, c'est la famille catholique.

  • Speaker #0

    La famille catholique, très soutenue par la hiérarchie belge. et par le pouvoir belge aussi depuis très longtemps, qui a des paroisses énormes, de grandes églises, qui a introduit la messe aéroise depuis peu de temps. Le cardinal Maloula vient de décéder. C'était le seul ecclésiastique de poids, d'envergure, qui s'opposait à Mobutu. Mais il pouvait le faire aussi, il faut le dire, parce qu'il avait derrière la puissante église catholique mondiale. Bon, mais quand même, il l'a fait. Et il était vénéré comme un saint. J'ai vu sa tombe dans la cathédrale, couverte de fleurs. Alors, le catholicisme, ça fait 46-47% à l'époque de la population de Kinshasa. Et donc, une église puissante, bien structurée. très forte sur le plan de l'éducation, très soucieuse des générations montantes, qui a un problème de recrutement des prêtres, parce qu'il y a un discernement des vocations. Beaucoup de candidats ne sont pas pris parce que leur vocation ne semble pas sûre. Donc des paroisses, encore une fois, pléthoriques, où les prêtres sont insuffisants. Alors il y a la mise en place de ministères spécialisés. c'est-à-dire des paroisses, des petites paroisses qui sont conduites par des chefs de paroisses, comme des pasteurs, qui n'ont pas le pouvoir évidemment des sacrements, mais qui conduisent la paroisse et les services de la parole. C'est une église effectivement très forte. Et alors il y a l'église protestante.

  • Speaker #1

    Très fort, donc 40-50% de la population ?

  • Speaker #0

    Oui, plus près de 50% que de 40%.

  • Speaker #1

    D'accord. Et puis, juste encore une question sur le... Est-ce que vous avez pu vivre ce rite zaïrois, dont on dit que c'est une messe au fond catholique, avec un rite spécifique ?

  • Speaker #0

    Oui, le rite spécifique et surtout les couleurs. J'ai assisté à la messe d'intronisation. d'une nouvelle archevêque en 1990. C'était impressionnant cette nouvelle messe, par les couleurs, les habits liturgiques, mais les chants. Et c'était introduit par des danses de jeunes filles, de fillettes, en longue soquette blanche, qui ont dansé pendant tout le service, accompagnant la liturgie, sous la conduite d'une sœur européenne. Mais c'était une perfection. Alors, il y a beaucoup pour les yeux. Il y a beaucoup pour les yeux. La prédication n'est pas aussi fournie que chez les protestants. C'est plutôt dans les appels. Mais là aussi, il y a eu un appel au pouvoir politique à prendre ses responsabilités. Et c'était vraiment un spectacle comme inouï. Voilà, alors... Pour le fondement de la messe, il n'y a rien de changé. C'est simplement l'emballage.

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais quand même faire une petite allusion aux différents objets qu'on a ici. Peut-être évoquer, dit-nous l'hypathie, au fond ce que vous aimez. Dites-nous pourquoi vous avez pris ce CD comme un objet qui vous parle, aussi sur le fond de votre expérience africaine.

  • Speaker #0

    C'est un peu fortuit la découverte d'Inno Lupati parce que j'ai découvert son disque, c'était un disque à micro-sillons à l'époque, justement en rentrant du Rwanda. Je ne connaissais pas du tout ce pianiste et j'ai été subjugué par son jeu extrêmement réfléchi, profond. calme, surtout dans le souverain. Voilà, c'est le mot. Et malheureusement, Dean Blapati est mort rapidement et n'a pas pu donner toute la mesure de son art, mais je tiens à souligner la qualité de cet artiste.

  • Speaker #1

    Et quand vous rentrez d'Afrique, Vous retrouvez une culture occidentale avec plaisir ou vous êtes un peu tendu entre ce que vous avez découvert là-bas et ce que vous retrouvez ici ?

  • Speaker #0

    Non, pas tendu, non, parce que j'étais rentré quand même après une année, j'étais rentré quand même en France. Non, c'est... C'est un autre monde, mais c'était mon monde. Je ne pouvais pas le renier. Je ne suis jamais devenu africain dans la mentalité ni dans la pensée, dans la conduite non plus. J'apprécie l'Afrique, mais je suis quand même européen. C'est indéniable. Alors je suis rentré à Paris, puis là j'étais en Allemagne. C'était un intermède. à laisser des traces, puisque j'ai pensé à l'Afrique beaucoup plus tard, de nouveau.

  • Speaker #1

    Alors, on va parler maintenant des protestants, parce que vous êtes un pasteur protestant, réformé, vous avez une carrière pastorale en Suisse, pour l'essentiel, mais quand vous êtes allé à Kinshasa, vous êtes allé voir aussi les protestants, il y en a des presbytériens, des réformés, ils sont assez nombreux. Qu'est-ce qui vous a frappé à ce moment-là, dans cette constellation protestante ?

  • Speaker #0

    Les protestants sont liés à des ethnies, c'est-à-dire aux missions. Lorsque les protestants sont arrivés aux Haïts, au Congo, les premiers d'ailleurs, après la première évangélisation au 17e, 16e siècle, qui avait complètement disparu pratiquement, les britanniques sont arrivés et ont exploré la possibilité de... d'implanter des missions dans le pays. Alors, puis après sont venus les catholiques, tout de suite après, les catholiques envoyés par la Belgique. Donc, le pouvoir colonial a donné des autorisations d'implantation de missions selon les territoires. Et c'est resté. C'est-à-dire que la mission suédoise, la mission britannique, la mission américaine... Les presbytériens du Kassai, tout ça, c'est lié à des ethnies. Et des ethnies qui, quelquefois, se combattent ou ne s'apprécient pas, ou défendent leur propre fief. Et toutes ces confessions protestantes ont été mises dans le même sac par Mobutu, qui a dit, écoutez, vous les protestants, vous ne formez plus qu'une seule église. Alors, c'est ce qui s'appelait l'Église du Christ aux Haïrs et ses aides. Maintenant, probablement, l'Église du Christ au Congo. Alors, il y a des tensions perpétuelles dans cette fédération d'églises, parce qu'il y a bien un synode national, mais ce synode national est déchiré entre factions. Et alors, c'est le plus fort, le plus malin qui l'emporte, et il emporte les décisions au niveau national. Est-ce qu'on va se plier à ces décisions ? Ce n'est pas dit. Il y a des révoltes. Mais à l'intérieur même des confessions, il y a des conflits de personnes qui, quelquefois, ne sont pas résolus. Ils ne peuvent pas être résolus pour des questions de prestige, de questions de clans, parce qu'à l'intérieur des ethnies, il y a des clans. Alors c'est une situation extrêmement compliquée.

  • Speaker #1

    Vous aviez accès à cette complexité-là, vous, comme expatrié arrivant pour observer le christianisme zaïrois ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, c'était visible. Par exemple, j'ai été très bien accueilli, accueilli presque immédiatement par les baptistes, les baptistes américains. J'avais aussi des contacts avec les baptistes britanniques, mais moins. Les baptistes américains ont une grande mission au bord du fleuve, là où Stanley, à peu près, a débarqué. Ils avaient des bateaux, etc. Ils sont puissants au point de vue financier. Ces baptistes américains, quand je suis arrivé, construisaient à l'intérieur de la mission, il y avait un espace qui vaut, une maison pour le chef africain de l'église baptiste. Mais il y avait un autre chef africain, baptiste aussi, qui combattait ce... Alors, il y a des scissions dans les églises qui sont terribles. Ou bien encore, l'église du Kwango, c'est-à-dire une église d'un territoire qui est plutôt au sud de Kinshasa. Les gens émigrent, les gens viennent s'installer à Kinshasa, forment leurs propres églises, ils ont leur même langue, leur même connaissance, c'est le même clan. Mais au bout d'un certain temps... avec l'Église qui est dans le pays, et les contacts se perdent, et ils fondent eux-mêmes leurs propres églises. Alors c'est un fourmillement dans le cadre de l'Église protestante aux Haïts, un fourmillement d'églises sécessionnistes, etc.

  • Speaker #1

    Un de vos objectifs, quand même, c'est de visiter la troisième famille, si on peut dire. On a évoqué le catholicisme, l'Église protestante. Il faut évoquer ceux que vous allez découvrir qui sont les king-banguistes. Alors, je crois qu'il faut un tout petit peu cadrer tout ça, parce que pour chez nous ici en Suisse ou en Europe, le king-banguisme, ça n'est pas de l'évidence.

  • Speaker #0

    Non. Ça n'était pas non plus pour moi avant de partir, mais je ne sais plus comment je suis tombé sur ce Simon Kibangu et son église. Mais je sais que j'ai préparé, avant mon départ, la rencontre avec le kibandisme par deux livres, dont celui de Suzanne Esch, qui avait été publié quelques années auparavant et qui avait fait du bruit. Simon Kibangu et son église. Et cette église m'intéressait parce qu'elle voulait être indépendante de toute mission, être née indépendante de toute mission, bien que le prophète Simon qui brangou. d'où est sortie cette église, était un baptiste, un catéchiste baptiste. Merci. C'était un catéchiste baptiste et il a bien recommandé à tous ceux qui venaient le voir, parce qu'il a fait des miracles, des guérisons, et il prêchait, et les foules venaient à lui. Enfin, c'est assez impressionnant, cette histoire. C'est un ministère de quelques mois, mais qui a mis en danger le pouvoir politique, le pouvoir colonial. Parce que les gens venaient quitter leur travail dans les plantations ou ailleurs et venaient écouter Kibangu, venaient se faire soigner, etc. Bon, le pouvoir colonial a réagi, l'a fait emprisonner, l'a condamné à mort, ça a été commué en prison à vie et le Simon Kibangu n'a plus eu de... possibilité d'exercer son ministère dans la prison d'Elizabethville où il a été transféré. Alors, ce prophète, qui a eu une importance très grande, je crois, et toujours, même si les quimanguistes gonflent les chiffres, ce prophète m'a interpellé. J'ai eu de la sympathie pour lui, d'alnération, mais aussi de la sympathie, parce que j'ai pensé que... Il a été vraiment inspiré. Je me suis dit, je vais aller voir un petit peu comment vivent les adeptes qui veulent absolument être indépendants de toute mission, être vraiment une église africaine. Je veux voir comment ils vivent leur christianité.

  • Speaker #1

    Et vous vous installez alors dans le cœur du Kimbanguiste.

  • Speaker #0

    À la faculté de théologie quibanguiste, tout près de Kinshasa, en fait toujours dans l'agglomération de Kinshasa, j'ai eu le privilège de pouvoir m'installer dans la maison où une professeure suisse, Marie-Louise Martin, avait vécu, qui avait elle-même fondé la faculté de théologie quibanguiste et qui avait vécu dans cette maison jusque peu avant mon arrivée. Elle était décédée quelques mois avant. Et là, j'étais en contact avec des kibanguistes, sur le campus surtout, mais aussi dans leur culte à Kinshasa, dans les rencontres que j'ai eues aussi ailleurs, au centre d'accueil kibanguiste. Je n'ai pas été dans leur lieu saint, Kamba.

  • Speaker #1

    C'est là où Simon Kimbango est mort ? C'est juste ? Non,

  • Speaker #0

    c'est là où il a eu son ministère de quelques mois. Son ministère de guérison et de résurrection. Il a ressuscité plusieurs personnes, mais il a aussi prêché. C'est là où il est le centre maintenant du kibanguisme. Alors, j'ai eu le privilège de contacter ces kibanguis qui sont impressionnants par la volonté. de respecter les dix commandements, de respecter la loi du Christ. Mais c'est aussi les dix commandements qui dominent chez eux. Cette impression est très forte. Mais comme le disait un kibanguiste, pour vous c'est légaliste, vous les Européens. Ça donne l'impression de légalisme, et c'est vrai. Chaque prédication a pour thème... un des commandements, des dix commandements. À la fin, bon, on pourra. On les connaît. Oui, on peut imaginer. Alors, c'est difficile pour les prédicateurs de trouver des nouvelles images et des choses. Bon, en tout cas, c'est comme ça. C'est vrai que pour nous, c'est l'égalisme. Mais me disait ce qui m'a envie, pour nous, c'est important, parce que la société est tellement dissolue qu'il nous faut retrouver un cadre, et un cadre qui soit divin. Et effectivement, il y a cette volonté chez l'équibanguiste d'être obéissant à la loi de Dieu. Et ça, c'est impressionnant. Mais ça n'enlève pas que, quelquefois, on a l'impression d'une certaine hypocrisie. Quand on entre dans le légalisme, il y a le côté où on n'est pas forcément toujours comme il faut. Alors on le cache, on va le cacher. Alors ça, ça existe aussi. Mais tout de même, cette façade, cet appel constant à être de vrais chrétiens. comme disait Djangenda, ça c'est impressionnant.

  • Speaker #1

    Alors vous citez Djangenda, il faut en dire deux mots, c'est le fils, un des fils de Simon Kimangu, vous l'avez rencontré, en l'occurrence nous l'avons rencontré ensemble, puisque j'étais en reportage, c'est là que j'ai fait votre connaissance d'ailleurs, dans le centre des Kimanguistes à Kinshasa. Quel souvenir vous avez de cet homme ?

  • Speaker #0

    Moi il m'a beaucoup impressionné. Donc Djangenda c'est le fils cadet de Kimangu, du prophète. qui a été élevé comme ses frères, ses deux autres frères plus âgés, dans la religion catholique, qui lui a eu une certaine fonction dans l'administration coloniale, très bien formée, connaissant très bien les Européens et la mentalité européenne, mais qui m'a impressionné justement dans l'interview que vous avez menée, à laquelle j'étais présent. au centre d'accueil kibanguis de Kinshasa. Il m'a impressionné par sa décision. C'est un homme qui certainement, c'est lui qui a fondé l'Église et qui l'a structurée, qui l'a structurée et qui lui a donné le cadre nécessaire pour subsister et se développer. C'est lui aussi qui a gardé et qui a voulu d'abord et qui a gardé les contacts. avec le christianisme européen par l'intermédiaire du Conseil Écuménique des Églises, puisque c'est grâce à lui, en partie, mais en grande partie, que les Kimbrugis sont entrés en 1969 comme église nouvelle. Je crois que c'est la première église nouvelle africaine qui est entrée au Conseil Écuménique des Églises. Alors, c'était un homme que je n'ai plus revu après. où j'ai vu le cadre dans lequel il vivait. Et on m'a fait visiter son bureau alors qu'il était en maladie ici, en soins, soigné ici. On m'a fait visiter son bureau. Et son bureau était chargé de fleurs, de fleurs artificielles. Et puis j'ai dit à mon guide, mais pourquoi est-ce qu'il garde toutes ces fleurs ? Alors il m'a dit... Notre chef spirituel, puisque c'est le nom qu'on lui donne, ne jette pas les fleurs qu'on lui donne. Il les garde. Bon, évidemment, à un certain moment, il faudra bien les mettre à la place. Mais aussi, ça m'a touché de voir avec quelle différence et amour les chrétiens qui banguissent se tournaient vers leur chef, le respectaient. toujours à genoux devant lui, que j'en ai un tendance à bénédiction, qu'il faisait avec le signe de croix, mais par le pouce sur le front de ses fidèles quand il s'agenouillait devant lui. Il y a aussi une femme, justement, dans le centre d'accueil qui m'avait beaucoup interpellé. C'était une aide du prophète Simon de Bangou qui... À l'époque, en 1921, elle avait 14 ans et c'était la seule survivante de tous les adeptes de l'époque de Simon Kibango. Alors j'aurais bien voulu l'interroger. Et une fois, j'ai eu presque l'occasion de le faire, mais elle était occupée avec un jeune couple, parce qu'elle vivait aussi dans le centre d'accueil. Et quand elle a levé les yeux et qu'elle m'a vue, elle les a baissés aussitôt. pensait qu'elle ne souhaitait peut-être pas le parier.

  • Speaker #1

    Vous avez mentionné Gilles Riquet, Suzanne Hache, et le travail d'investigation qu'elle a fait. Il faut quand même qu'on parle aussi de l'hypothèse qu'il y a derrière son travail, à savoir qu'au fond, les Kimbanguistes, pour se faire bien voir de la chrétienté occidentale, ont caché une partie de leur doctrine, qui était, disons, entre guillemets, hétérodoxe, pour le christianisme en général, d'ailleurs. et qu'ils n'ont déployé que plus tard. Expliquez-nous.

  • Speaker #0

    Alors oui, c'était un aspect qui m'a bien interpellé, et c'était un aspect secondaire, disons, de ma recherche, mais qui m'a conduit aussi dans les contacts que j'ai eus, et à l'égard des étudiants en particulier. J'ai posé la question une fois directement aux étudiants et aux pasteurs qui étaient dans la faculté, et il y a eu un partage. C'est-à-dire qu'il y a eu des gens qui ont dit oui, c'est vrai qui, Bangu, est l'incarnation du Saint-Esprit. Et d'autres qui ont dit, non, je ne le vois pas comme ça, ou nous ne le voyons pas comme ça. Il y avait, semble-t-il, une ligne de partage. Cette ligne de partage n'existe pas, je crois, ailleurs. Je pense que les qui-banguistes, depuis toujours, pas seulement dans une évolution de leur théologie, mais dès le départ, On pensait que le Saint-Esprit promis par le Christ dans Jean XIV s'était incarné en Simon Cubango. D'où l'appel constant dans les prières à Simon Cubango. Quand j'étais assisté aux soirées spirituelles du campus, je... Le pasteur responsable corrigeait quelquefois une prédication qui avait été donnée par quelqu'un qui n'était pas formé. Le nom de Simon Kibangu revenait constamment. Mais ça, ça ne m'était pas traduit. C'était dans la langue, le Kikongo. Donc, on savait qu'il fallait être prudent à l'égard des Occidentaux concernant la place de Simon Kibangu dans l'histoire de sa vie. Et puis il y a d'autres éléments qui m'ont mis sur la piste que c'était effectivement ce que le soupçon de Suzanne H. était réel. C'est bien dans la théologie quimanguiste, c'est bien le Saint-Esprit qui s'est incarné en Simon Cubanco. Alors, à l'époque, il y avait ces suspicions, pas seulement de la part de Suzanne H., mais aussi des missionnaires. Et il y a eu tout un dialogue qui s'est fait, mais un dialogue extrêmement lent et qui n'a abouti que cette année, ou l'année dernière, l'année dernière, en 2022, où là, les climatistes ont jeté le voile et ont dit c'est notre théologie Mais il a fait du longtemps.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'entre eux, ils se sont mis d'accord, au fond, pour reconnaître que c'était ça qu'ils croyaient, ou bien ils les croyaient depuis le début, mais ils n'osaient pas le dire.

  • Speaker #0

    À mon avis, ils le croyaient dès le début. Il serait intéressant de lire les rapports que les missionnaires ont envoyés à leurs églises les concernant. Le rapport de l'église baptiste britannique. Les rapports ont été détruits pendant la dernière guerre par un bombardement. Malheureusement, on ne sait pas, donc tous ces documents ont disparu. Mais il y avait d'autres missions. Il y avait des adeptes de Kibangu qui étaient dans d'autres missions. Et là, il serait intéressant de rechercher, ça a peut-être été fait avant la connaissance, ce que disaient les missionnaires, parce que les missionnaires, et les kibanguis s'en plaignent, ils disent c'est vous les protestants qui nous avez rejetés Mais il faut voir pourquoi. Ils ont été rejetés. Les missionnaires n'étaient pas fous. Ils soupçonnaient, eux déjà, à l'époque, qu'il y avait quelque chose, sur le plan doctrinal, qui était différent.

  • Speaker #1

    Problématique.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que ça est arrivé très, très tôt, parce que la femme de Kibango a continué, après son emprisonnement, le mouvement. Elle était très proche évidemment de son mari et du commencement de ce mouvement. Donc c'est par elle aussi qu'est venue cette conviction que Jésus-Christ a aidé les Noirs, a voulu les aider et leur envoyer un messager spécial.

  • Speaker #1

    J'aimerais faire un petit aparté sur les objets qu'il y a ici. Celui qui est à côté de moi, c'est un objet pour un Suisse surtout avec... Le drapeau suisse, ou c'est un objet pour un marcheur qui marche en Suisse, mais aussi ailleurs dans son existence ?

  • Speaker #0

    Oui, je ne sais pas si ça fait de Suisse, c'est acheté en Suisse en tout cas, c'est acheté d'occasion. Donc, la marche, la marche, oui. Je ne suis pas un pèlerin. C'est aujourd'hui beaucoup à la mode de faire le chemin de Compostelle. Ce n'est pas quelque chose qui m'attire, mais marcher... J'ai remarqué que c'est une source de... Sauf pour marcher dans la nature. La nature est une source, très grande source d'apaisement et de... d'inspiration. Donc beaucoup d'idées viennent. Je dis à quelqu'un quand je conduis, je n'ai aucune idée, je suis à la conduite mais les idées ne me viennent pas quand je marche, elles viennent. J'ai écrit dans ma vie des centaines de méditations très courtes pour les journaux paroissiaux etc. Je posais, avant de sortir, je posais quelques idées J'allais faire un tour dehors, je revenais, c'était prêt. Le cerveau, en marchant, travaillait. Et travaillait bien. Il n'y avait plus que quelques détails. Des retouches. Des retouches, voilà. Voilà, donc la marche est pour moi, pas seulement un moyen de garder une forme physique, mais... que de garder aussi une forme spirituelle et intellectuelle.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on termine cet entretien, Gilles Riquet, par Kinshasa. Quand vous êtes parti, ou avant que vous partiez, la ville a quand même subi des manifestations et des déprédations considérables qui ont mis par terre des années de travail, de soutien à ce pays et à cette capitale. Vous avez des souvenirs de ces moments ?

  • Speaker #0

    Non, donc j'étais parti, je n'étais plus là. Mais déjà, quand j'étais, pendant mon séjour, je vous parlais des meutes tout à l'heure, c'était constamment des menaces des meutes. La situation était explosive, déjà à l'époque. Et même sur le campus qui banguiste.

  • Speaker #1

    Même chez les qui banguistes.

  • Speaker #0

    Oui, il y avait une grande tension entre le doyen et les professeurs qui lui étaient affiliés, et toute une partie. des pasteurs qui étaient souvent sans travail. Pourquoi ils étaient sans travail ? C'est un détail aussi important. Je le soupçonne aujourd'hui qu'ils étaient sans travail parce qu'on ne voulait pas leur donner de travail, parce qu'ils étaient trop formés à l'occidental. Et donc peut-être trop critiques à l'idée de cette conviction que Simon Kibangu est le Saint-Esprit, l'incarnation du Saint-Esprit. Mais il y a eu donc des tensions très fortes. Et dans les paroisses, il y a eu des conflits à main nue. On se battait. Et on s'est battus aussi sur le campus de...

  • Speaker #1

    Les gens se tapaient dessus ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah mais pas seulement se taper dessus, ils voulaient s'éliminer. Les gens fuyaient. D'ailleurs, le doyen, lorsqu'il y a eu ces troubles, le doyen est parti se cacher dans la ville de Kilshasa pendant plusieurs jours, en attendant que les troubles... s'apaise.

  • Speaker #1

    C'est un contraste saisissant avec ce que vous nous avez raconté quand même de cette humanité, de cette fraternité, de ce monde de joie et de simplicité.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Il y a de tout. Il y a de tout. Il y avait une énorme pauvreté. Il y avait aussi une énorme injustice. et ça recouvre la joie de vivre souvent. J'ai vu à Kinshasa, pas au Rwanda, mais au Kinshasa, j'ai vu à Kinshasa des visages quand même très tristes, une population accablée. Même au campus Kibandwist, les gens étaient inquiets. Et il y avait ces conflits, donc ces conflits de pouvoirs sous-jacents dans toutes les institutions, mais aussi chez les catholiques. Chez les catholiques aussi, il y a eu des conflits terribles, qui se voyaient peut-être moins, mais quand même.

  • Speaker #1

    Alors, on finit par le dernier objet qu'il y a là, les deux derniers objets à côté de vous. La Bible, les psaumes, le Nouveau Testament, je regarde ça. Oui, le Nouveau Testament et les psaumes, et puis Kierkegaard.

  • Speaker #0

    Alors, le Nouveau Testament et les psaumes, quand je marche, quand je fais une randonnée, je prends ce petit livre-là, c'est le Nouveau Testament. Parce qu'il y a toujours d'être relu. On croit le savoir, le connaître, etc. Mais on change. On est en permanence dans un autre milieu. Et on dérive dans ce milieu. Et il est bon de se retrouver, de se ressourcer dans ce qui fait l'essentiel de la vie, la foi, l'espérance et l'amour. On n'a pas besoin de beaucoup plus de choses, n'est-ce pas ? Dans la liberté. Alors j'admire ce groupe des Gidéons, qui donne gratuitement ces petits livres, tellement pratiques que l'on peut en porter avec soi. et qu'il les place aussi dans les hôtels pour que peut-être des personnes désemparées puissent y trouver le réconfort. Kierkegaard, Kierkegaard, esprit très profond, très croyant, a écrit dans son journal des prières qui sont touchantes, qui sont touchantes de simplicité, de conviction, de foi. Pour moi, c'est le modèle de prière protestante. Julien Cris, un écrivain d'origine protestante qui s'est converti au catholicisme, dit dans un fort journal que les prières protestantes sont peut-être ce qu'il y a de plus important chez les protestants, le plus frappant, le plus beau. Et j'ai retrouvé ça. chez les presbytériens, qui sont aussi des réformés, comme nous, dans les prières spontanées de leur service. Des personnes qui n'étaient pas des théologiens, qui ont fait des prières où on pouvait s'associer totalement à ce qu'ils disaient. On était emportés par ces prières.

  • Speaker #1

    Merci Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonne suite à vous. Merci.

  • Speaker #1

    Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de Mémoire Vive, tous les détails qu'il vous faut. Vous pouvez aussi nous réécouter, écouter les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et informer.ch. Merci de nous suivre, merci de vous abonner, si le cœur vous en dit.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Gilles Riquet

    01:02

  • Son PARCOURS au Rwanda

    01:28

  • Ses ÉLÈVES étaient très attentifs

    04:20

  • Il y avait des élèves TRAUMATISÉS

    05:49

  • Il y a encore du RASCISME à leurs égards

    07:23

  • A travers l’ INCONNUS, il part à Kinshasa

    10:24

  • Ce qui l’a FRAPPÉ

    14:26

  • Sa VOITURE de l’Armée du Salut

    15:17

  • On lui criait : « SALE BLANC »

    16:31

  • Le CATHOLICISME au Kinshasa

    18:05

  • Le CD de Dinu Lipatti

    22:05

  • Son retour à PARIS, après 1 an

    23:13

  • La COMPLEXITÉ du christianisme en Afrique

    24:09

  • A la découverte DU Kimbanguistes

    28:52

  • Kimbangu est l’incarnation du SAINT ESPRIT

    38:59

  • Le MARCHEUR suisse

    44:07

  • Les gens se tapais DESSUS

    46:00

  • Le nouveau testament, il mérite d’être relu

    48:58

  • Mots de FIN

    51:19

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Gilles Riquet, pasteur réformé à la retraite et ancien coopérant au Rwanda.

À travers, notamment, ses souvenirs du Zaïre, où il a côtoyé les kimbanguistes au début des années 1990, cet épisode explore la richesse des relations humaines,

ainsi que les défis posés par le colonialisme et les tensions ethniques et religieuses.
Gilles Riquet offre une réflexion profonde sur les liens culturels, spirituels et historiques qui unissent l'Afrique et l'Europe. Un témoignage vibrant mêlant histoire, foi et engagement, où l’expérience personnelle éclaire des enjeux universels.


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Transcription

  • Speaker #0

    La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Mais ça disparaît un peu avec le temps, quand on comprend mieux la mentalité de l'Africaine. Ça n'en est pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place ne le perçoit pas comme ça et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui, à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises. podcast de Michel Cocher pour réformer.ch.

  • Speaker #1

    Avec Gilles Riquet, pasteur à la retraite, je vous propose de revisiter les liens de l'Europe avec l'Afrique. Ça commence pour lui par un travail de coopérant au Rwanda. Quelques années plus tard, après des années de travail en Europe, il retourne en Afrique pour mieux comprendre le christianisme vu par les Africains, organisé par les Africains. Il découvre à Kinshasa les églises africaines indigènes, dont le kimbangisme. Bonjour Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Votre parcours, allons dire comme ça, africain, il commence il y a longtemps dans un pays où vous êtes envoyé comme coopérant français, c'est le Rwanda. Vous avez choisi le Rwanda ou bien on vous a désigné ?

  • Speaker #0

    On m'a désigné parce que je suis parti dans le cadre des missions protestantes de Paris. Et il y avait à l'époque un système où on pouvait, en tant que coopérant technique, être envoyé par une mission. Mais on dépendait quand même du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Armées. Donc j'ai choisi cette voie et on m'a envoyé, la mission de Paris m'a envoyé au Rwanda. Inconnu pour moi. Rwanda, où est-ce que ça se trouve ? Comment ça s'écrit ? Centre de l'Afrique peut-être ? Alors on se précipite sur un atlas pour voir où c'est. Et voilà, ça a commencé comme ça.

  • Speaker #1

    On ne vous a pas préparé. Vous avez débarqué comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une ou deux séances de préparation pour ces coopérants. Et je me souviens d'un mot, le responsable nous a dit surtout, ne vous énervez jamais Et j'ai retenu ce conseil.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez ce pays, qu'est-ce qui vous frappe au premier abord ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est la Terre Rouge, la Latérite. Le vert lumineux, l'absence de voies de communication ou de routes. Ce sont des routes de la Thierry, des routes qui sont entretenues à la main. Il y a entre l'aéroport et la capitale qui y allie quelques kilomètres asphaltés, puis c'est tout.

  • Speaker #1

    Et votre travail, vous êtes enseignant, vous êtes un enseignant français, donc vous avez une certaine... surface, reconnaissance, sur place. Comment ça se passe ? Avec du recul, vous diriez que vous étiez un peu un colon en arrivant là-bas ?

  • Speaker #0

    Non, pas un colon. Mais je dirais que nous étions très idéalistes. Nous voulions aider. Nous voulions apporter quelque chose à des pays qui en étaient dépourvus. dans un cadre qui était précis. Donc moi j'ai été envoyé dans un collège financé par la Suisse, le collège officiel de Kigali. Et il y avait là des coopérants suisses, directeurs suisses aussi, coopérants suisses, belges et français et canadiens. Donc on était une petite communauté enseignante internationale. Ce qui était aussi très sympathique.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a frappé dans le travail que vous exerciez, dans vos rapports avec les gens ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qui m'a frappé dans les rapports avec les Africains, donc les Rwandais, c'était une certaine tenue, c'était une réserve, beaucoup de gentillesse, je le répète. Et pour ce qui concernait les élèves, c'était une attention extraordinaire de ce qu'on disait. Il y avait peu à l'époque, donc quand même 1969, il y a longtemps. Il y avait peu à l'époque de supports livresques. Les élèves en étaient quasiment dépourvus. Donc la tradition orale fonctionnait encore très fort. Il y avait des élèves qui pouvaient répéter une phrase textuellement deux ans après que je l'ai prononcée. Bon, elle avait frappé, certainement, mais quand même, ils étaient très attentifs et retenaient beaucoup par la parole. Ça, ça m'a beaucoup frappé, oui. Autrement, ils étaient très bien formés, ces élèves. C'était probablement un des collèges les plus performants de Rwanda à l'époque. Et beaucoup sont sortis avec de très bonnes notes.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous étiez sensibilisé à la situation politique, aux tensions, au fond, à une forme de fournaise qui était là ? Probablement pas visible, mais déjà en gestation.

  • Speaker #0

    Elle était sous-jacente, elle était... Mais ça, on ne s'en est pas rappelé plus tard. Elle était sous-jacente, elle existait déjà. On savait quand même qu'il y avait eu des massacres au moment de l'indépendance, en 1956. C'est une révolte contre le pouvoir Tutsi, donc qui était la classe dominante, mais minoritaire sur le plan numérique. Et on savait qu'il y a eu des massacres très graves et que des élèves avaient été traumatisés par les spectacles qu'ils avaient dû voir dans leur enfance. Mais dans la vie quotidienne du lycée, du collège, ça n'apparaissait pas. Probablement que ces tensions existaient dans l'internat, mais ça nous ne pouvons pas le savoir. Dans les classes, ça n'apparaissait pas du tout, effectivement. Mais ce qui s'est produit après a été à la fois une surprise, et une demi-surprise plutôt, car ces tensions existaient, même si on ne les connaissait pas vraiment, on savait qu'elles existaient, parce qu'on nous les répétait, on nous les disait. On ne les voyait pas, mais... On savait que c'était dans l'histoire de ce pays, de ce peuple.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous aviez conscience aussi du rôle des puissances coloniales ? La France, la Belgique, vous êtes français, vous étiez aussi, au fond, sans être formellement un colon, vous étiez l'expression d'une forme de domination ? Ou avec du recul, quelque chose que vous avez...

  • Speaker #0

    Oui, on part là-bas, évidemment, avec l'idée qu'il faut les aider, les pauvres petits, etc. Ça c'est inévitable, mais ça disparaît un peu avec le temps quand on comprend mieux la mentalité de l'africaine et l'humanité en fait. La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Par exemple ? Le système de notes, par exemple, est beaucoup trop... sévère, enfin celui que j'ai appliqué en tout cas. C'est quelque chose que je ne referai pas. Il y a des thèmes évidemment qu'il faudrait éviter, les thèmes de tout ce qui est la littérature coloniale bien sûr. Mais il y a quand même une, comme je vous l'ai raconté tout à l'heure, une connaissance de l'être africain qui, peu à peu, par ses élèves, nous interpénètre, nous apercevons que les Africains rougissent aussi, comme nous, pas de la même... Ça se voit comment alors ? Mais on le voit au grain de la peau qui change et aussi la peau devient plus sombre. Et ils sont sensibles exactement au même... au même affect que nous. La joie, c'est l'humanité comme nous, absolument comme nous. Ça, c'était la grande leçon que j'ai tirée de l'Afrique.

  • Speaker #1

    Avec du recul quand même, c'est frappant, parce qu'on peut se dire que ça devrait aller de soi, et au fond, ça n'allait pas de soi en arrivant là-bas.

  • Speaker #0

    Non, ça n'allait pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place, ne le perçoit pas comme ça, et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui. à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises.

  • Speaker #1

    Ces deux années au Rwanda vous donnent le goût d'Afrique, mais ce goût d'Afrique, au fond, vous allez pouvoir le retrouver que des années plus tard, dans un contexte vraiment complètement différent, tout à fait volontaire pour le coup, où vous décidez tout d'un coup, à la faveur d'un congé sabbatique, de dire je pars. Pourquoi aller à Kinshasa ? Où vous allez aller ?

  • Speaker #0

    Alors Kinshasa, ce qui m'intéressait, c'était de savoir... comment les églises africaines, nées des missions, pratiquaient un siècle après, en gros, leur propre mission, si elles la pratiquaient. Alors il fallait trouver un lieu où ce serait commode de mener une enquête. Kinshasa présentait des avantages certains. C'était une ville où on parlait français, langue officielle en tout cas, une ville où il y avait de nombreuses confessions chrétiennes. Une ville où il y avait des églises indépendantes, c'est-à-dire des églises qui n'étaient pas nées des missions, et voir comment elles pratiquaient leurs missions, si c'était de manière différente des autres églises. Donc j'ai choisi Kinshasa, que je ne connaissais absolument pas. Pour moi, c'était l'inconnu. J'avais peu de documentation. J'avais pris contact avec le département missionnaire, qui m'a préparé des contacts sur place, mais en allant... À Kinshasa, je ne savais pas le soir où j'allais dormir.

  • Speaker #1

    Et vous allez à Kinshasa par...

  • Speaker #0

    Aéroflot.

  • Speaker #1

    Aéroflot, ce n'est pas vraiment la compagnie aérienne la plus évidente.

  • Speaker #0

    Non, mais il y avait un avantage, c'était que mon billet d'avion valait une année. Donc je n'avais pas besoin d'acheter le pôle en retour. Alors je suis parti de Francfort-sur-le-Main. J'ai été à Moscou. J'ai attendu je ne sais plus combien d'heures à Moscou, dans un aérogare où il n'y avait rien, sauf une buvette où il n'y avait pas de place parce que c'était bondé. Et de Moscou, parti à Brazzaville. Brazzaville qui était en lien, qui était socialiste, qui était en lien avec Moscou. Ah voilà,

  • Speaker #1

    d'affinité politique.

  • Speaker #0

    Voilà. J'arrive à Brazzaville, il faut passer de l'autre côté du fleuve.

  • Speaker #1

    Le fameux fleuve Zahir. Le fleuve Zahir. Nance, majestueux. Nance,

  • Speaker #0

    majestueux. Alors j'étais seul, blanc, sur ce débarcadère, sur cette aire où on devait embarquer pour aller de l'autre côté. Et là, mon premier contact, comment dire, qui m'a interpellé, c'était les enfants. Là, il y avait des enfants. abandonnés, qui venaient du Niger d'ailleurs, qui ne vivaient de rien, de rapines ou de ce qu'on leur donnait. Leur lieu de vie, c'était ce débarcadère où il n'y avait aucun avenir. Alors, je passe le fleuve sur un bateau et je monte l'escalier parce que le fleuve était au plus bas, c'était la saison sèche. Donc, il y avait un immense escalier, mais très étroit. avec les marches comme ça, pas plus large que ça, et j'avais deux grandes valises. Je monte mon escalier, mais je ne pouvais pas mettre les valises sur l'escalier parce qu'il y avait une immense file. Alors je double tout le monde en tant qu'Européen, personne ne faisait dire quoi que ce soit, et j'arrive en haut, et là, j'entends Brunon, j'entends Brunon crier. Et c'était un... Sorry. qui me reçoit et qui m'attendait. Je ne sais pas comment, toujours pas comment, ils m'attendaient.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez Kinshasa. Qu'est-ce qui vous frappe d'abord dans cette ville à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors, à ce moment-là, ce qui me frappe, c'est la quantité des gens qui marchent le long des routes. Des foules immenses. qui n'ont pas d'autres moyens de locomotion souvent que des bus super bondés ou ce qu'on appelle des foulas-foulas qui sont des petits combis où on masse le plus possible de personnes, même dans les rayons. Mais beaucoup de gens n'ont pas les moyens non plus de payer ces trajets. Et c'était vraiment très frappant de voir ces foules en marche continuellement. Et vous,

  • Speaker #1

    vous aurez la chance pour vous déplacer d'avoir une voiture ?

  • Speaker #0

    Alors Jacques Serré était en contact avec l'armée du salut et a appris qu'une petite voiture, une petite Renault était en vente. Et il me l'a proposé, évidemment, je l'ai acheté tout de suite. Et cette petite voiture de l'armée du salut m'a été extrêmement utile parce qu'il y avait sur le capot une croix rouge et service médical de l'armée du salut.

  • Speaker #1

    Ah ça, c'est le passe-partout, ça, alors ?

  • Speaker #0

    C'était le passe-partout. On m'a pris pour un médecin. Donc, on ne me rançonnait pas en tant que blanc, c'est-à-dire on arrête les voitures. On dit vous avez fait une faute, etc. Vous devez payer. Alors ça, on m'a laissé tranquille de ce côté-là. Et même quand je passais devant la Présidente, au moment de mon mangaliema, une route qui était malfamée parce que les soldats arrêtaient toutes les voitures qui passaient, ou beaucoup de voitures qui passaient, pour les rançonner. Moi, je passais sans autre. Ça, c'était très utile, cette petite voiture. Pourtant,

  • Speaker #1

    vous avez eu peur une fois ou l'autre dans les manifestations qu'on vous la renverse. Ça peut basculer tout d'un coup, vous avez des souvenirs comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Alors les foules qui sont excitées, qui sont extrêmement dangereuses, il suffit que l'un ou deux lance des slogans en disant sale blanc ou bien repars dans ton pays et très vite, toute une foule bascule. C'est pas propre. à l'Afrique, c'est le phénomène des foules. Et une fois, j'ai eu très peur et j'ai dû partir rapidement, le plus rapidement possible, parce que aussi, les Blancs racontent là-bas, enfin, les expatriés racontent des histoires. Par exemple, qu'on lance des pierres dans les pare-brises, et puis qu'on ouvre les voitures, on sent les femmes, etc. Donc, c'était des choses qui existaient, ça. Un missionnaire m'a raconté aussi, bon, ça, c'est une petite histoire, mais... Il avait vu une femme allongée sur la route. Il la prend dans sa voiture pour l'amener à l'hôpital. Elle est malade, etc. La femme l'agresse, déchire ses vêtements et dit à tout le monde qu'il a voulu me violer. Et alors, toute la foule se rassemble. J'ai eu un accident. La foule se rassemble à une vitesse incroyable. Et si vous êtes dans votre tort, si vous avez un mot malheureux, ça peut mal tourner. Mais ceci dit, les Africains sont quand même très gentils.

  • Speaker #1

    Alors, vous allez là-bas, dans un paysage confessionnel qu'il faut quand même brièvement présenter. Le Zahir, le Congo aujourd'hui, est essentiellement chrétien, formé de plusieurs grandes familles. La première, la plus importante, c'est la famille catholique.

  • Speaker #0

    La famille catholique, très soutenue par la hiérarchie belge. et par le pouvoir belge aussi depuis très longtemps, qui a des paroisses énormes, de grandes églises, qui a introduit la messe aéroise depuis peu de temps. Le cardinal Maloula vient de décéder. C'était le seul ecclésiastique de poids, d'envergure, qui s'opposait à Mobutu. Mais il pouvait le faire aussi, il faut le dire, parce qu'il avait derrière la puissante église catholique mondiale. Bon, mais quand même, il l'a fait. Et il était vénéré comme un saint. J'ai vu sa tombe dans la cathédrale, couverte de fleurs. Alors, le catholicisme, ça fait 46-47% à l'époque de la population de Kinshasa. Et donc, une église puissante, bien structurée. très forte sur le plan de l'éducation, très soucieuse des générations montantes, qui a un problème de recrutement des prêtres, parce qu'il y a un discernement des vocations. Beaucoup de candidats ne sont pas pris parce que leur vocation ne semble pas sûre. Donc des paroisses, encore une fois, pléthoriques, où les prêtres sont insuffisants. Alors il y a la mise en place de ministères spécialisés. c'est-à-dire des paroisses, des petites paroisses qui sont conduites par des chefs de paroisses, comme des pasteurs, qui n'ont pas le pouvoir évidemment des sacrements, mais qui conduisent la paroisse et les services de la parole. C'est une église effectivement très forte. Et alors il y a l'église protestante.

  • Speaker #1

    Très fort, donc 40-50% de la population ?

  • Speaker #0

    Oui, plus près de 50% que de 40%.

  • Speaker #1

    D'accord. Et puis, juste encore une question sur le... Est-ce que vous avez pu vivre ce rite zaïrois, dont on dit que c'est une messe au fond catholique, avec un rite spécifique ?

  • Speaker #0

    Oui, le rite spécifique et surtout les couleurs. J'ai assisté à la messe d'intronisation. d'une nouvelle archevêque en 1990. C'était impressionnant cette nouvelle messe, par les couleurs, les habits liturgiques, mais les chants. Et c'était introduit par des danses de jeunes filles, de fillettes, en longue soquette blanche, qui ont dansé pendant tout le service, accompagnant la liturgie, sous la conduite d'une sœur européenne. Mais c'était une perfection. Alors, il y a beaucoup pour les yeux. Il y a beaucoup pour les yeux. La prédication n'est pas aussi fournie que chez les protestants. C'est plutôt dans les appels. Mais là aussi, il y a eu un appel au pouvoir politique à prendre ses responsabilités. Et c'était vraiment un spectacle comme inouï. Voilà, alors... Pour le fondement de la messe, il n'y a rien de changé. C'est simplement l'emballage.

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais quand même faire une petite allusion aux différents objets qu'on a ici. Peut-être évoquer, dit-nous l'hypathie, au fond ce que vous aimez. Dites-nous pourquoi vous avez pris ce CD comme un objet qui vous parle, aussi sur le fond de votre expérience africaine.

  • Speaker #0

    C'est un peu fortuit la découverte d'Inno Lupati parce que j'ai découvert son disque, c'était un disque à micro-sillons à l'époque, justement en rentrant du Rwanda. Je ne connaissais pas du tout ce pianiste et j'ai été subjugué par son jeu extrêmement réfléchi, profond. calme, surtout dans le souverain. Voilà, c'est le mot. Et malheureusement, Dean Blapati est mort rapidement et n'a pas pu donner toute la mesure de son art, mais je tiens à souligner la qualité de cet artiste.

  • Speaker #1

    Et quand vous rentrez d'Afrique, Vous retrouvez une culture occidentale avec plaisir ou vous êtes un peu tendu entre ce que vous avez découvert là-bas et ce que vous retrouvez ici ?

  • Speaker #0

    Non, pas tendu, non, parce que j'étais rentré quand même après une année, j'étais rentré quand même en France. Non, c'est... C'est un autre monde, mais c'était mon monde. Je ne pouvais pas le renier. Je ne suis jamais devenu africain dans la mentalité ni dans la pensée, dans la conduite non plus. J'apprécie l'Afrique, mais je suis quand même européen. C'est indéniable. Alors je suis rentré à Paris, puis là j'étais en Allemagne. C'était un intermède. à laisser des traces, puisque j'ai pensé à l'Afrique beaucoup plus tard, de nouveau.

  • Speaker #1

    Alors, on va parler maintenant des protestants, parce que vous êtes un pasteur protestant, réformé, vous avez une carrière pastorale en Suisse, pour l'essentiel, mais quand vous êtes allé à Kinshasa, vous êtes allé voir aussi les protestants, il y en a des presbytériens, des réformés, ils sont assez nombreux. Qu'est-ce qui vous a frappé à ce moment-là, dans cette constellation protestante ?

  • Speaker #0

    Les protestants sont liés à des ethnies, c'est-à-dire aux missions. Lorsque les protestants sont arrivés aux Haïts, au Congo, les premiers d'ailleurs, après la première évangélisation au 17e, 16e siècle, qui avait complètement disparu pratiquement, les britanniques sont arrivés et ont exploré la possibilité de... d'implanter des missions dans le pays. Alors, puis après sont venus les catholiques, tout de suite après, les catholiques envoyés par la Belgique. Donc, le pouvoir colonial a donné des autorisations d'implantation de missions selon les territoires. Et c'est resté. C'est-à-dire que la mission suédoise, la mission britannique, la mission américaine... Les presbytériens du Kassai, tout ça, c'est lié à des ethnies. Et des ethnies qui, quelquefois, se combattent ou ne s'apprécient pas, ou défendent leur propre fief. Et toutes ces confessions protestantes ont été mises dans le même sac par Mobutu, qui a dit, écoutez, vous les protestants, vous ne formez plus qu'une seule église. Alors, c'est ce qui s'appelait l'Église du Christ aux Haïrs et ses aides. Maintenant, probablement, l'Église du Christ au Congo. Alors, il y a des tensions perpétuelles dans cette fédération d'églises, parce qu'il y a bien un synode national, mais ce synode national est déchiré entre factions. Et alors, c'est le plus fort, le plus malin qui l'emporte, et il emporte les décisions au niveau national. Est-ce qu'on va se plier à ces décisions ? Ce n'est pas dit. Il y a des révoltes. Mais à l'intérieur même des confessions, il y a des conflits de personnes qui, quelquefois, ne sont pas résolus. Ils ne peuvent pas être résolus pour des questions de prestige, de questions de clans, parce qu'à l'intérieur des ethnies, il y a des clans. Alors c'est une situation extrêmement compliquée.

  • Speaker #1

    Vous aviez accès à cette complexité-là, vous, comme expatrié arrivant pour observer le christianisme zaïrois ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, c'était visible. Par exemple, j'ai été très bien accueilli, accueilli presque immédiatement par les baptistes, les baptistes américains. J'avais aussi des contacts avec les baptistes britanniques, mais moins. Les baptistes américains ont une grande mission au bord du fleuve, là où Stanley, à peu près, a débarqué. Ils avaient des bateaux, etc. Ils sont puissants au point de vue financier. Ces baptistes américains, quand je suis arrivé, construisaient à l'intérieur de la mission, il y avait un espace qui vaut, une maison pour le chef africain de l'église baptiste. Mais il y avait un autre chef africain, baptiste aussi, qui combattait ce... Alors, il y a des scissions dans les églises qui sont terribles. Ou bien encore, l'église du Kwango, c'est-à-dire une église d'un territoire qui est plutôt au sud de Kinshasa. Les gens émigrent, les gens viennent s'installer à Kinshasa, forment leurs propres églises, ils ont leur même langue, leur même connaissance, c'est le même clan. Mais au bout d'un certain temps... avec l'Église qui est dans le pays, et les contacts se perdent, et ils fondent eux-mêmes leurs propres églises. Alors c'est un fourmillement dans le cadre de l'Église protestante aux Haïts, un fourmillement d'églises sécessionnistes, etc.

  • Speaker #1

    Un de vos objectifs, quand même, c'est de visiter la troisième famille, si on peut dire. On a évoqué le catholicisme, l'Église protestante. Il faut évoquer ceux que vous allez découvrir qui sont les king-banguistes. Alors, je crois qu'il faut un tout petit peu cadrer tout ça, parce que pour chez nous ici en Suisse ou en Europe, le king-banguisme, ça n'est pas de l'évidence.

  • Speaker #0

    Non. Ça n'était pas non plus pour moi avant de partir, mais je ne sais plus comment je suis tombé sur ce Simon Kibangu et son église. Mais je sais que j'ai préparé, avant mon départ, la rencontre avec le kibandisme par deux livres, dont celui de Suzanne Esch, qui avait été publié quelques années auparavant et qui avait fait du bruit. Simon Kibangu et son église. Et cette église m'intéressait parce qu'elle voulait être indépendante de toute mission, être née indépendante de toute mission, bien que le prophète Simon qui brangou. d'où est sortie cette église, était un baptiste, un catéchiste baptiste. Merci. C'était un catéchiste baptiste et il a bien recommandé à tous ceux qui venaient le voir, parce qu'il a fait des miracles, des guérisons, et il prêchait, et les foules venaient à lui. Enfin, c'est assez impressionnant, cette histoire. C'est un ministère de quelques mois, mais qui a mis en danger le pouvoir politique, le pouvoir colonial. Parce que les gens venaient quitter leur travail dans les plantations ou ailleurs et venaient écouter Kibangu, venaient se faire soigner, etc. Bon, le pouvoir colonial a réagi, l'a fait emprisonner, l'a condamné à mort, ça a été commué en prison à vie et le Simon Kibangu n'a plus eu de... possibilité d'exercer son ministère dans la prison d'Elizabethville où il a été transféré. Alors, ce prophète, qui a eu une importance très grande, je crois, et toujours, même si les quimanguistes gonflent les chiffres, ce prophète m'a interpellé. J'ai eu de la sympathie pour lui, d'alnération, mais aussi de la sympathie, parce que j'ai pensé que... Il a été vraiment inspiré. Je me suis dit, je vais aller voir un petit peu comment vivent les adeptes qui veulent absolument être indépendants de toute mission, être vraiment une église africaine. Je veux voir comment ils vivent leur christianité.

  • Speaker #1

    Et vous vous installez alors dans le cœur du Kimbanguiste.

  • Speaker #0

    À la faculté de théologie quibanguiste, tout près de Kinshasa, en fait toujours dans l'agglomération de Kinshasa, j'ai eu le privilège de pouvoir m'installer dans la maison où une professeure suisse, Marie-Louise Martin, avait vécu, qui avait elle-même fondé la faculté de théologie quibanguiste et qui avait vécu dans cette maison jusque peu avant mon arrivée. Elle était décédée quelques mois avant. Et là, j'étais en contact avec des kibanguistes, sur le campus surtout, mais aussi dans leur culte à Kinshasa, dans les rencontres que j'ai eues aussi ailleurs, au centre d'accueil kibanguiste. Je n'ai pas été dans leur lieu saint, Kamba.

  • Speaker #1

    C'est là où Simon Kimbango est mort ? C'est juste ? Non,

  • Speaker #0

    c'est là où il a eu son ministère de quelques mois. Son ministère de guérison et de résurrection. Il a ressuscité plusieurs personnes, mais il a aussi prêché. C'est là où il est le centre maintenant du kibanguisme. Alors, j'ai eu le privilège de contacter ces kibanguis qui sont impressionnants par la volonté. de respecter les dix commandements, de respecter la loi du Christ. Mais c'est aussi les dix commandements qui dominent chez eux. Cette impression est très forte. Mais comme le disait un kibanguiste, pour vous c'est légaliste, vous les Européens. Ça donne l'impression de légalisme, et c'est vrai. Chaque prédication a pour thème... un des commandements, des dix commandements. À la fin, bon, on pourra. On les connaît. Oui, on peut imaginer. Alors, c'est difficile pour les prédicateurs de trouver des nouvelles images et des choses. Bon, en tout cas, c'est comme ça. C'est vrai que pour nous, c'est l'égalisme. Mais me disait ce qui m'a envie, pour nous, c'est important, parce que la société est tellement dissolue qu'il nous faut retrouver un cadre, et un cadre qui soit divin. Et effectivement, il y a cette volonté chez l'équibanguiste d'être obéissant à la loi de Dieu. Et ça, c'est impressionnant. Mais ça n'enlève pas que, quelquefois, on a l'impression d'une certaine hypocrisie. Quand on entre dans le légalisme, il y a le côté où on n'est pas forcément toujours comme il faut. Alors on le cache, on va le cacher. Alors ça, ça existe aussi. Mais tout de même, cette façade, cet appel constant à être de vrais chrétiens. comme disait Djangenda, ça c'est impressionnant.

  • Speaker #1

    Alors vous citez Djangenda, il faut en dire deux mots, c'est le fils, un des fils de Simon Kimangu, vous l'avez rencontré, en l'occurrence nous l'avons rencontré ensemble, puisque j'étais en reportage, c'est là que j'ai fait votre connaissance d'ailleurs, dans le centre des Kimanguistes à Kinshasa. Quel souvenir vous avez de cet homme ?

  • Speaker #0

    Moi il m'a beaucoup impressionné. Donc Djangenda c'est le fils cadet de Kimangu, du prophète. qui a été élevé comme ses frères, ses deux autres frères plus âgés, dans la religion catholique, qui lui a eu une certaine fonction dans l'administration coloniale, très bien formée, connaissant très bien les Européens et la mentalité européenne, mais qui m'a impressionné justement dans l'interview que vous avez menée, à laquelle j'étais présent. au centre d'accueil kibanguis de Kinshasa. Il m'a impressionné par sa décision. C'est un homme qui certainement, c'est lui qui a fondé l'Église et qui l'a structurée, qui l'a structurée et qui lui a donné le cadre nécessaire pour subsister et se développer. C'est lui aussi qui a gardé et qui a voulu d'abord et qui a gardé les contacts. avec le christianisme européen par l'intermédiaire du Conseil Écuménique des Églises, puisque c'est grâce à lui, en partie, mais en grande partie, que les Kimbrugis sont entrés en 1969 comme église nouvelle. Je crois que c'est la première église nouvelle africaine qui est entrée au Conseil Écuménique des Églises. Alors, c'était un homme que je n'ai plus revu après. où j'ai vu le cadre dans lequel il vivait. Et on m'a fait visiter son bureau alors qu'il était en maladie ici, en soins, soigné ici. On m'a fait visiter son bureau. Et son bureau était chargé de fleurs, de fleurs artificielles. Et puis j'ai dit à mon guide, mais pourquoi est-ce qu'il garde toutes ces fleurs ? Alors il m'a dit... Notre chef spirituel, puisque c'est le nom qu'on lui donne, ne jette pas les fleurs qu'on lui donne. Il les garde. Bon, évidemment, à un certain moment, il faudra bien les mettre à la place. Mais aussi, ça m'a touché de voir avec quelle différence et amour les chrétiens qui banguissent se tournaient vers leur chef, le respectaient. toujours à genoux devant lui, que j'en ai un tendance à bénédiction, qu'il faisait avec le signe de croix, mais par le pouce sur le front de ses fidèles quand il s'agenouillait devant lui. Il y a aussi une femme, justement, dans le centre d'accueil qui m'avait beaucoup interpellé. C'était une aide du prophète Simon de Bangou qui... À l'époque, en 1921, elle avait 14 ans et c'était la seule survivante de tous les adeptes de l'époque de Simon Kibango. Alors j'aurais bien voulu l'interroger. Et une fois, j'ai eu presque l'occasion de le faire, mais elle était occupée avec un jeune couple, parce qu'elle vivait aussi dans le centre d'accueil. Et quand elle a levé les yeux et qu'elle m'a vue, elle les a baissés aussitôt. pensait qu'elle ne souhaitait peut-être pas le parier.

  • Speaker #1

    Vous avez mentionné Gilles Riquet, Suzanne Hache, et le travail d'investigation qu'elle a fait. Il faut quand même qu'on parle aussi de l'hypothèse qu'il y a derrière son travail, à savoir qu'au fond, les Kimbanguistes, pour se faire bien voir de la chrétienté occidentale, ont caché une partie de leur doctrine, qui était, disons, entre guillemets, hétérodoxe, pour le christianisme en général, d'ailleurs. et qu'ils n'ont déployé que plus tard. Expliquez-nous.

  • Speaker #0

    Alors oui, c'était un aspect qui m'a bien interpellé, et c'était un aspect secondaire, disons, de ma recherche, mais qui m'a conduit aussi dans les contacts que j'ai eus, et à l'égard des étudiants en particulier. J'ai posé la question une fois directement aux étudiants et aux pasteurs qui étaient dans la faculté, et il y a eu un partage. C'est-à-dire qu'il y a eu des gens qui ont dit oui, c'est vrai qui, Bangu, est l'incarnation du Saint-Esprit. Et d'autres qui ont dit, non, je ne le vois pas comme ça, ou nous ne le voyons pas comme ça. Il y avait, semble-t-il, une ligne de partage. Cette ligne de partage n'existe pas, je crois, ailleurs. Je pense que les qui-banguistes, depuis toujours, pas seulement dans une évolution de leur théologie, mais dès le départ, On pensait que le Saint-Esprit promis par le Christ dans Jean XIV s'était incarné en Simon Cubango. D'où l'appel constant dans les prières à Simon Cubango. Quand j'étais assisté aux soirées spirituelles du campus, je... Le pasteur responsable corrigeait quelquefois une prédication qui avait été donnée par quelqu'un qui n'était pas formé. Le nom de Simon Kibangu revenait constamment. Mais ça, ça ne m'était pas traduit. C'était dans la langue, le Kikongo. Donc, on savait qu'il fallait être prudent à l'égard des Occidentaux concernant la place de Simon Kibangu dans l'histoire de sa vie. Et puis il y a d'autres éléments qui m'ont mis sur la piste que c'était effectivement ce que le soupçon de Suzanne H. était réel. C'est bien dans la théologie quimanguiste, c'est bien le Saint-Esprit qui s'est incarné en Simon Cubanco. Alors, à l'époque, il y avait ces suspicions, pas seulement de la part de Suzanne H., mais aussi des missionnaires. Et il y a eu tout un dialogue qui s'est fait, mais un dialogue extrêmement lent et qui n'a abouti que cette année, ou l'année dernière, l'année dernière, en 2022, où là, les climatistes ont jeté le voile et ont dit c'est notre théologie Mais il a fait du longtemps.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'entre eux, ils se sont mis d'accord, au fond, pour reconnaître que c'était ça qu'ils croyaient, ou bien ils les croyaient depuis le début, mais ils n'osaient pas le dire.

  • Speaker #0

    À mon avis, ils le croyaient dès le début. Il serait intéressant de lire les rapports que les missionnaires ont envoyés à leurs églises les concernant. Le rapport de l'église baptiste britannique. Les rapports ont été détruits pendant la dernière guerre par un bombardement. Malheureusement, on ne sait pas, donc tous ces documents ont disparu. Mais il y avait d'autres missions. Il y avait des adeptes de Kibangu qui étaient dans d'autres missions. Et là, il serait intéressant de rechercher, ça a peut-être été fait avant la connaissance, ce que disaient les missionnaires, parce que les missionnaires, et les kibanguis s'en plaignent, ils disent c'est vous les protestants qui nous avez rejetés Mais il faut voir pourquoi. Ils ont été rejetés. Les missionnaires n'étaient pas fous. Ils soupçonnaient, eux déjà, à l'époque, qu'il y avait quelque chose, sur le plan doctrinal, qui était différent.

  • Speaker #1

    Problématique.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que ça est arrivé très, très tôt, parce que la femme de Kibango a continué, après son emprisonnement, le mouvement. Elle était très proche évidemment de son mari et du commencement de ce mouvement. Donc c'est par elle aussi qu'est venue cette conviction que Jésus-Christ a aidé les Noirs, a voulu les aider et leur envoyer un messager spécial.

  • Speaker #1

    J'aimerais faire un petit aparté sur les objets qu'il y a ici. Celui qui est à côté de moi, c'est un objet pour un Suisse surtout avec... Le drapeau suisse, ou c'est un objet pour un marcheur qui marche en Suisse, mais aussi ailleurs dans son existence ?

  • Speaker #0

    Oui, je ne sais pas si ça fait de Suisse, c'est acheté en Suisse en tout cas, c'est acheté d'occasion. Donc, la marche, la marche, oui. Je ne suis pas un pèlerin. C'est aujourd'hui beaucoup à la mode de faire le chemin de Compostelle. Ce n'est pas quelque chose qui m'attire, mais marcher... J'ai remarqué que c'est une source de... Sauf pour marcher dans la nature. La nature est une source, très grande source d'apaisement et de... d'inspiration. Donc beaucoup d'idées viennent. Je dis à quelqu'un quand je conduis, je n'ai aucune idée, je suis à la conduite mais les idées ne me viennent pas quand je marche, elles viennent. J'ai écrit dans ma vie des centaines de méditations très courtes pour les journaux paroissiaux etc. Je posais, avant de sortir, je posais quelques idées J'allais faire un tour dehors, je revenais, c'était prêt. Le cerveau, en marchant, travaillait. Et travaillait bien. Il n'y avait plus que quelques détails. Des retouches. Des retouches, voilà. Voilà, donc la marche est pour moi, pas seulement un moyen de garder une forme physique, mais... que de garder aussi une forme spirituelle et intellectuelle.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on termine cet entretien, Gilles Riquet, par Kinshasa. Quand vous êtes parti, ou avant que vous partiez, la ville a quand même subi des manifestations et des déprédations considérables qui ont mis par terre des années de travail, de soutien à ce pays et à cette capitale. Vous avez des souvenirs de ces moments ?

  • Speaker #0

    Non, donc j'étais parti, je n'étais plus là. Mais déjà, quand j'étais, pendant mon séjour, je vous parlais des meutes tout à l'heure, c'était constamment des menaces des meutes. La situation était explosive, déjà à l'époque. Et même sur le campus qui banguiste.

  • Speaker #1

    Même chez les qui banguistes.

  • Speaker #0

    Oui, il y avait une grande tension entre le doyen et les professeurs qui lui étaient affiliés, et toute une partie. des pasteurs qui étaient souvent sans travail. Pourquoi ils étaient sans travail ? C'est un détail aussi important. Je le soupçonne aujourd'hui qu'ils étaient sans travail parce qu'on ne voulait pas leur donner de travail, parce qu'ils étaient trop formés à l'occidental. Et donc peut-être trop critiques à l'idée de cette conviction que Simon Kibangu est le Saint-Esprit, l'incarnation du Saint-Esprit. Mais il y a eu donc des tensions très fortes. Et dans les paroisses, il y a eu des conflits à main nue. On se battait. Et on s'est battus aussi sur le campus de...

  • Speaker #1

    Les gens se tapaient dessus ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah mais pas seulement se taper dessus, ils voulaient s'éliminer. Les gens fuyaient. D'ailleurs, le doyen, lorsqu'il y a eu ces troubles, le doyen est parti se cacher dans la ville de Kilshasa pendant plusieurs jours, en attendant que les troubles... s'apaise.

  • Speaker #1

    C'est un contraste saisissant avec ce que vous nous avez raconté quand même de cette humanité, de cette fraternité, de ce monde de joie et de simplicité.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Il y a de tout. Il y a de tout. Il y avait une énorme pauvreté. Il y avait aussi une énorme injustice. et ça recouvre la joie de vivre souvent. J'ai vu à Kinshasa, pas au Rwanda, mais au Kinshasa, j'ai vu à Kinshasa des visages quand même très tristes, une population accablée. Même au campus Kibandwist, les gens étaient inquiets. Et il y avait ces conflits, donc ces conflits de pouvoirs sous-jacents dans toutes les institutions, mais aussi chez les catholiques. Chez les catholiques aussi, il y a eu des conflits terribles, qui se voyaient peut-être moins, mais quand même.

  • Speaker #1

    Alors, on finit par le dernier objet qu'il y a là, les deux derniers objets à côté de vous. La Bible, les psaumes, le Nouveau Testament, je regarde ça. Oui, le Nouveau Testament et les psaumes, et puis Kierkegaard.

  • Speaker #0

    Alors, le Nouveau Testament et les psaumes, quand je marche, quand je fais une randonnée, je prends ce petit livre-là, c'est le Nouveau Testament. Parce qu'il y a toujours d'être relu. On croit le savoir, le connaître, etc. Mais on change. On est en permanence dans un autre milieu. Et on dérive dans ce milieu. Et il est bon de se retrouver, de se ressourcer dans ce qui fait l'essentiel de la vie, la foi, l'espérance et l'amour. On n'a pas besoin de beaucoup plus de choses, n'est-ce pas ? Dans la liberté. Alors j'admire ce groupe des Gidéons, qui donne gratuitement ces petits livres, tellement pratiques que l'on peut en porter avec soi. et qu'il les place aussi dans les hôtels pour que peut-être des personnes désemparées puissent y trouver le réconfort. Kierkegaard, Kierkegaard, esprit très profond, très croyant, a écrit dans son journal des prières qui sont touchantes, qui sont touchantes de simplicité, de conviction, de foi. Pour moi, c'est le modèle de prière protestante. Julien Cris, un écrivain d'origine protestante qui s'est converti au catholicisme, dit dans un fort journal que les prières protestantes sont peut-être ce qu'il y a de plus important chez les protestants, le plus frappant, le plus beau. Et j'ai retrouvé ça. chez les presbytériens, qui sont aussi des réformés, comme nous, dans les prières spontanées de leur service. Des personnes qui n'étaient pas des théologiens, qui ont fait des prières où on pouvait s'associer totalement à ce qu'ils disaient. On était emportés par ces prières.

  • Speaker #1

    Merci Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonne suite à vous. Merci.

  • Speaker #1

    Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de Mémoire Vive, tous les détails qu'il vous faut. Vous pouvez aussi nous réécouter, écouter les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et informer.ch. Merci de nous suivre, merci de vous abonner, si le cœur vous en dit.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Gilles Riquet

    01:02

  • Son PARCOURS au Rwanda

    01:28

  • Ses ÉLÈVES étaient très attentifs

    04:20

  • Il y avait des élèves TRAUMATISÉS

    05:49

  • Il y a encore du RASCISME à leurs égards

    07:23

  • A travers l’ INCONNUS, il part à Kinshasa

    10:24

  • Ce qui l’a FRAPPÉ

    14:26

  • Sa VOITURE de l’Armée du Salut

    15:17

  • On lui criait : « SALE BLANC »

    16:31

  • Le CATHOLICISME au Kinshasa

    18:05

  • Le CD de Dinu Lipatti

    22:05

  • Son retour à PARIS, après 1 an

    23:13

  • La COMPLEXITÉ du christianisme en Afrique

    24:09

  • A la découverte DU Kimbanguistes

    28:52

  • Kimbangu est l’incarnation du SAINT ESPRIT

    38:59

  • Le MARCHEUR suisse

    44:07

  • Les gens se tapais DESSUS

    46:00

  • Le nouveau testament, il mérite d’être relu

    48:58

  • Mots de FIN

    51:19

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Gilles Riquet, pasteur réformé à la retraite et ancien coopérant au Rwanda.

À travers, notamment, ses souvenirs du Zaïre, où il a côtoyé les kimbanguistes au début des années 1990, cet épisode explore la richesse des relations humaines,

ainsi que les défis posés par le colonialisme et les tensions ethniques et religieuses.
Gilles Riquet offre une réflexion profonde sur les liens culturels, spirituels et historiques qui unissent l'Afrique et l'Europe. Un témoignage vibrant mêlant histoire, foi et engagement, où l’expérience personnelle éclaire des enjeux universels.


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Transcription

  • Speaker #0

    La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Mais ça disparaît un peu avec le temps, quand on comprend mieux la mentalité de l'Africaine. Ça n'en est pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place ne le perçoit pas comme ça et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui, à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises. podcast de Michel Cocher pour réformer.ch.

  • Speaker #1

    Avec Gilles Riquet, pasteur à la retraite, je vous propose de revisiter les liens de l'Europe avec l'Afrique. Ça commence pour lui par un travail de coopérant au Rwanda. Quelques années plus tard, après des années de travail en Europe, il retourne en Afrique pour mieux comprendre le christianisme vu par les Africains, organisé par les Africains. Il découvre à Kinshasa les églises africaines indigènes, dont le kimbangisme. Bonjour Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Votre parcours, allons dire comme ça, africain, il commence il y a longtemps dans un pays où vous êtes envoyé comme coopérant français, c'est le Rwanda. Vous avez choisi le Rwanda ou bien on vous a désigné ?

  • Speaker #0

    On m'a désigné parce que je suis parti dans le cadre des missions protestantes de Paris. Et il y avait à l'époque un système où on pouvait, en tant que coopérant technique, être envoyé par une mission. Mais on dépendait quand même du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Armées. Donc j'ai choisi cette voie et on m'a envoyé, la mission de Paris m'a envoyé au Rwanda. Inconnu pour moi. Rwanda, où est-ce que ça se trouve ? Comment ça s'écrit ? Centre de l'Afrique peut-être ? Alors on se précipite sur un atlas pour voir où c'est. Et voilà, ça a commencé comme ça.

  • Speaker #1

    On ne vous a pas préparé. Vous avez débarqué comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, il y a eu une ou deux séances de préparation pour ces coopérants. Et je me souviens d'un mot, le responsable nous a dit surtout, ne vous énervez jamais Et j'ai retenu ce conseil.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez ce pays, qu'est-ce qui vous frappe au premier abord ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est la Terre Rouge, la Latérite. Le vert lumineux, l'absence de voies de communication ou de routes. Ce sont des routes de la Thierry, des routes qui sont entretenues à la main. Il y a entre l'aéroport et la capitale qui y allie quelques kilomètres asphaltés, puis c'est tout.

  • Speaker #1

    Et votre travail, vous êtes enseignant, vous êtes un enseignant français, donc vous avez une certaine... surface, reconnaissance, sur place. Comment ça se passe ? Avec du recul, vous diriez que vous étiez un peu un colon en arrivant là-bas ?

  • Speaker #0

    Non, pas un colon. Mais je dirais que nous étions très idéalistes. Nous voulions aider. Nous voulions apporter quelque chose à des pays qui en étaient dépourvus. dans un cadre qui était précis. Donc moi j'ai été envoyé dans un collège financé par la Suisse, le collège officiel de Kigali. Et il y avait là des coopérants suisses, directeurs suisses aussi, coopérants suisses, belges et français et canadiens. Donc on était une petite communauté enseignante internationale. Ce qui était aussi très sympathique.

  • Speaker #1

    Et qu'est-ce qui vous a frappé dans le travail que vous exerciez, dans vos rapports avec les gens ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qui m'a frappé dans les rapports avec les Africains, donc les Rwandais, c'était une certaine tenue, c'était une réserve, beaucoup de gentillesse, je le répète. Et pour ce qui concernait les élèves, c'était une attention extraordinaire de ce qu'on disait. Il y avait peu à l'époque, donc quand même 1969, il y a longtemps. Il y avait peu à l'époque de supports livresques. Les élèves en étaient quasiment dépourvus. Donc la tradition orale fonctionnait encore très fort. Il y avait des élèves qui pouvaient répéter une phrase textuellement deux ans après que je l'ai prononcée. Bon, elle avait frappé, certainement, mais quand même, ils étaient très attentifs et retenaient beaucoup par la parole. Ça, ça m'a beaucoup frappé, oui. Autrement, ils étaient très bien formés, ces élèves. C'était probablement un des collèges les plus performants de Rwanda à l'époque. Et beaucoup sont sortis avec de très bonnes notes.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous étiez sensibilisé à la situation politique, aux tensions, au fond, à une forme de fournaise qui était là ? Probablement pas visible, mais déjà en gestation.

  • Speaker #0

    Elle était sous-jacente, elle était... Mais ça, on ne s'en est pas rappelé plus tard. Elle était sous-jacente, elle existait déjà. On savait quand même qu'il y avait eu des massacres au moment de l'indépendance, en 1956. C'est une révolte contre le pouvoir Tutsi, donc qui était la classe dominante, mais minoritaire sur le plan numérique. Et on savait qu'il y a eu des massacres très graves et que des élèves avaient été traumatisés par les spectacles qu'ils avaient dû voir dans leur enfance. Mais dans la vie quotidienne du lycée, du collège, ça n'apparaissait pas. Probablement que ces tensions existaient dans l'internat, mais ça nous ne pouvons pas le savoir. Dans les classes, ça n'apparaissait pas du tout, effectivement. Mais ce qui s'est produit après a été à la fois une surprise, et une demi-surprise plutôt, car ces tensions existaient, même si on ne les connaissait pas vraiment, on savait qu'elles existaient, parce qu'on nous les répétait, on nous les disait. On ne les voyait pas, mais... On savait que c'était dans l'histoire de ce pays, de ce peuple.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous aviez conscience aussi du rôle des puissances coloniales ? La France, la Belgique, vous êtes français, vous étiez aussi, au fond, sans être formellement un colon, vous étiez l'expression d'une forme de domination ? Ou avec du recul, quelque chose que vous avez...

  • Speaker #0

    Oui, on part là-bas, évidemment, avec l'idée qu'il faut les aider, les pauvres petits, etc. Ça c'est inévitable, mais ça disparaît un peu avec le temps quand on comprend mieux la mentalité de l'africaine et l'humanité en fait. La première année, on fait beaucoup d'erreurs en tant que coopérant, même si on a été averti, etc. On a fait énormément d'erreurs. Par exemple ? Le système de notes, par exemple, est beaucoup trop... sévère, enfin celui que j'ai appliqué en tout cas. C'est quelque chose que je ne referai pas. Il y a des thèmes évidemment qu'il faudrait éviter, les thèmes de tout ce qui est la littérature coloniale bien sûr. Mais il y a quand même une, comme je vous l'ai raconté tout à l'heure, une connaissance de l'être africain qui, peu à peu, par ses élèves, nous interpénètre, nous apercevons que les Africains rougissent aussi, comme nous, pas de la même... Ça se voit comment alors ? Mais on le voit au grain de la peau qui change et aussi la peau devient plus sombre. Et ils sont sensibles exactement au même... au même affect que nous. La joie, c'est l'humanité comme nous, absolument comme nous. Ça, c'était la grande leçon que j'ai tirée de l'Afrique.

  • Speaker #1

    Avec du recul quand même, c'est frappant, parce qu'on peut se dire que ça devrait aller de soi, et au fond, ça n'allait pas de soi en arrivant là-bas.

  • Speaker #0

    Non, ça n'allait pas de soi, surtout que beaucoup de personnel européen qui est sur place, ne le perçoit pas comme ça, et peste devant les difficultés qui sont à s'adapter. Il y a une espèce quand même de racisme encore, je pense, aujourd'hui. à l'égard des populations africaines qui ne vivent pas comme nous, pas aussi bien que nous, qui ont d'autres rythmes de vie que nous. C'est frappant et malheureusement, je pense que c'est toujours le cas, aussi dans le personnel des églises.

  • Speaker #1

    Ces deux années au Rwanda vous donnent le goût d'Afrique, mais ce goût d'Afrique, au fond, vous allez pouvoir le retrouver que des années plus tard, dans un contexte vraiment complètement différent, tout à fait volontaire pour le coup, où vous décidez tout d'un coup, à la faveur d'un congé sabbatique, de dire je pars. Pourquoi aller à Kinshasa ? Où vous allez aller ?

  • Speaker #0

    Alors Kinshasa, ce qui m'intéressait, c'était de savoir... comment les églises africaines, nées des missions, pratiquaient un siècle après, en gros, leur propre mission, si elles la pratiquaient. Alors il fallait trouver un lieu où ce serait commode de mener une enquête. Kinshasa présentait des avantages certains. C'était une ville où on parlait français, langue officielle en tout cas, une ville où il y avait de nombreuses confessions chrétiennes. Une ville où il y avait des églises indépendantes, c'est-à-dire des églises qui n'étaient pas nées des missions, et voir comment elles pratiquaient leurs missions, si c'était de manière différente des autres églises. Donc j'ai choisi Kinshasa, que je ne connaissais absolument pas. Pour moi, c'était l'inconnu. J'avais peu de documentation. J'avais pris contact avec le département missionnaire, qui m'a préparé des contacts sur place, mais en allant... À Kinshasa, je ne savais pas le soir où j'allais dormir.

  • Speaker #1

    Et vous allez à Kinshasa par...

  • Speaker #0

    Aéroflot.

  • Speaker #1

    Aéroflot, ce n'est pas vraiment la compagnie aérienne la plus évidente.

  • Speaker #0

    Non, mais il y avait un avantage, c'était que mon billet d'avion valait une année. Donc je n'avais pas besoin d'acheter le pôle en retour. Alors je suis parti de Francfort-sur-le-Main. J'ai été à Moscou. J'ai attendu je ne sais plus combien d'heures à Moscou, dans un aérogare où il n'y avait rien, sauf une buvette où il n'y avait pas de place parce que c'était bondé. Et de Moscou, parti à Brazzaville. Brazzaville qui était en lien, qui était socialiste, qui était en lien avec Moscou. Ah voilà,

  • Speaker #1

    d'affinité politique.

  • Speaker #0

    Voilà. J'arrive à Brazzaville, il faut passer de l'autre côté du fleuve.

  • Speaker #1

    Le fameux fleuve Zahir. Le fleuve Zahir. Nance, majestueux. Nance,

  • Speaker #0

    majestueux. Alors j'étais seul, blanc, sur ce débarcadère, sur cette aire où on devait embarquer pour aller de l'autre côté. Et là, mon premier contact, comment dire, qui m'a interpellé, c'était les enfants. Là, il y avait des enfants. abandonnés, qui venaient du Niger d'ailleurs, qui ne vivaient de rien, de rapines ou de ce qu'on leur donnait. Leur lieu de vie, c'était ce débarcadère où il n'y avait aucun avenir. Alors, je passe le fleuve sur un bateau et je monte l'escalier parce que le fleuve était au plus bas, c'était la saison sèche. Donc, il y avait un immense escalier, mais très étroit. avec les marches comme ça, pas plus large que ça, et j'avais deux grandes valises. Je monte mon escalier, mais je ne pouvais pas mettre les valises sur l'escalier parce qu'il y avait une immense file. Alors je double tout le monde en tant qu'Européen, personne ne faisait dire quoi que ce soit, et j'arrive en haut, et là, j'entends Brunon, j'entends Brunon crier. Et c'était un... Sorry. qui me reçoit et qui m'attendait. Je ne sais pas comment, toujours pas comment, ils m'attendaient.

  • Speaker #1

    Alors, vous découvrez Kinshasa. Qu'est-ce qui vous frappe d'abord dans cette ville à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Alors, à ce moment-là, ce qui me frappe, c'est la quantité des gens qui marchent le long des routes. Des foules immenses. qui n'ont pas d'autres moyens de locomotion souvent que des bus super bondés ou ce qu'on appelle des foulas-foulas qui sont des petits combis où on masse le plus possible de personnes, même dans les rayons. Mais beaucoup de gens n'ont pas les moyens non plus de payer ces trajets. Et c'était vraiment très frappant de voir ces foules en marche continuellement. Et vous,

  • Speaker #1

    vous aurez la chance pour vous déplacer d'avoir une voiture ?

  • Speaker #0

    Alors Jacques Serré était en contact avec l'armée du salut et a appris qu'une petite voiture, une petite Renault était en vente. Et il me l'a proposé, évidemment, je l'ai acheté tout de suite. Et cette petite voiture de l'armée du salut m'a été extrêmement utile parce qu'il y avait sur le capot une croix rouge et service médical de l'armée du salut.

  • Speaker #1

    Ah ça, c'est le passe-partout, ça, alors ?

  • Speaker #0

    C'était le passe-partout. On m'a pris pour un médecin. Donc, on ne me rançonnait pas en tant que blanc, c'est-à-dire on arrête les voitures. On dit vous avez fait une faute, etc. Vous devez payer. Alors ça, on m'a laissé tranquille de ce côté-là. Et même quand je passais devant la Présidente, au moment de mon mangaliema, une route qui était malfamée parce que les soldats arrêtaient toutes les voitures qui passaient, ou beaucoup de voitures qui passaient, pour les rançonner. Moi, je passais sans autre. Ça, c'était très utile, cette petite voiture. Pourtant,

  • Speaker #1

    vous avez eu peur une fois ou l'autre dans les manifestations qu'on vous la renverse. Ça peut basculer tout d'un coup, vous avez des souvenirs comme ça ?

  • Speaker #0

    Oui, oui. Alors les foules qui sont excitées, qui sont extrêmement dangereuses, il suffit que l'un ou deux lance des slogans en disant sale blanc ou bien repars dans ton pays et très vite, toute une foule bascule. C'est pas propre. à l'Afrique, c'est le phénomène des foules. Et une fois, j'ai eu très peur et j'ai dû partir rapidement, le plus rapidement possible, parce que aussi, les Blancs racontent là-bas, enfin, les expatriés racontent des histoires. Par exemple, qu'on lance des pierres dans les pare-brises, et puis qu'on ouvre les voitures, on sent les femmes, etc. Donc, c'était des choses qui existaient, ça. Un missionnaire m'a raconté aussi, bon, ça, c'est une petite histoire, mais... Il avait vu une femme allongée sur la route. Il la prend dans sa voiture pour l'amener à l'hôpital. Elle est malade, etc. La femme l'agresse, déchire ses vêtements et dit à tout le monde qu'il a voulu me violer. Et alors, toute la foule se rassemble. J'ai eu un accident. La foule se rassemble à une vitesse incroyable. Et si vous êtes dans votre tort, si vous avez un mot malheureux, ça peut mal tourner. Mais ceci dit, les Africains sont quand même très gentils.

  • Speaker #1

    Alors, vous allez là-bas, dans un paysage confessionnel qu'il faut quand même brièvement présenter. Le Zahir, le Congo aujourd'hui, est essentiellement chrétien, formé de plusieurs grandes familles. La première, la plus importante, c'est la famille catholique.

  • Speaker #0

    La famille catholique, très soutenue par la hiérarchie belge. et par le pouvoir belge aussi depuis très longtemps, qui a des paroisses énormes, de grandes églises, qui a introduit la messe aéroise depuis peu de temps. Le cardinal Maloula vient de décéder. C'était le seul ecclésiastique de poids, d'envergure, qui s'opposait à Mobutu. Mais il pouvait le faire aussi, il faut le dire, parce qu'il avait derrière la puissante église catholique mondiale. Bon, mais quand même, il l'a fait. Et il était vénéré comme un saint. J'ai vu sa tombe dans la cathédrale, couverte de fleurs. Alors, le catholicisme, ça fait 46-47% à l'époque de la population de Kinshasa. Et donc, une église puissante, bien structurée. très forte sur le plan de l'éducation, très soucieuse des générations montantes, qui a un problème de recrutement des prêtres, parce qu'il y a un discernement des vocations. Beaucoup de candidats ne sont pas pris parce que leur vocation ne semble pas sûre. Donc des paroisses, encore une fois, pléthoriques, où les prêtres sont insuffisants. Alors il y a la mise en place de ministères spécialisés. c'est-à-dire des paroisses, des petites paroisses qui sont conduites par des chefs de paroisses, comme des pasteurs, qui n'ont pas le pouvoir évidemment des sacrements, mais qui conduisent la paroisse et les services de la parole. C'est une église effectivement très forte. Et alors il y a l'église protestante.

  • Speaker #1

    Très fort, donc 40-50% de la population ?

  • Speaker #0

    Oui, plus près de 50% que de 40%.

  • Speaker #1

    D'accord. Et puis, juste encore une question sur le... Est-ce que vous avez pu vivre ce rite zaïrois, dont on dit que c'est une messe au fond catholique, avec un rite spécifique ?

  • Speaker #0

    Oui, le rite spécifique et surtout les couleurs. J'ai assisté à la messe d'intronisation. d'une nouvelle archevêque en 1990. C'était impressionnant cette nouvelle messe, par les couleurs, les habits liturgiques, mais les chants. Et c'était introduit par des danses de jeunes filles, de fillettes, en longue soquette blanche, qui ont dansé pendant tout le service, accompagnant la liturgie, sous la conduite d'une sœur européenne. Mais c'était une perfection. Alors, il y a beaucoup pour les yeux. Il y a beaucoup pour les yeux. La prédication n'est pas aussi fournie que chez les protestants. C'est plutôt dans les appels. Mais là aussi, il y a eu un appel au pouvoir politique à prendre ses responsabilités. Et c'était vraiment un spectacle comme inouï. Voilà, alors... Pour le fondement de la messe, il n'y a rien de changé. C'est simplement l'emballage.

  • Speaker #1

    Alors j'aimerais quand même faire une petite allusion aux différents objets qu'on a ici. Peut-être évoquer, dit-nous l'hypathie, au fond ce que vous aimez. Dites-nous pourquoi vous avez pris ce CD comme un objet qui vous parle, aussi sur le fond de votre expérience africaine.

  • Speaker #0

    C'est un peu fortuit la découverte d'Inno Lupati parce que j'ai découvert son disque, c'était un disque à micro-sillons à l'époque, justement en rentrant du Rwanda. Je ne connaissais pas du tout ce pianiste et j'ai été subjugué par son jeu extrêmement réfléchi, profond. calme, surtout dans le souverain. Voilà, c'est le mot. Et malheureusement, Dean Blapati est mort rapidement et n'a pas pu donner toute la mesure de son art, mais je tiens à souligner la qualité de cet artiste.

  • Speaker #1

    Et quand vous rentrez d'Afrique, Vous retrouvez une culture occidentale avec plaisir ou vous êtes un peu tendu entre ce que vous avez découvert là-bas et ce que vous retrouvez ici ?

  • Speaker #0

    Non, pas tendu, non, parce que j'étais rentré quand même après une année, j'étais rentré quand même en France. Non, c'est... C'est un autre monde, mais c'était mon monde. Je ne pouvais pas le renier. Je ne suis jamais devenu africain dans la mentalité ni dans la pensée, dans la conduite non plus. J'apprécie l'Afrique, mais je suis quand même européen. C'est indéniable. Alors je suis rentré à Paris, puis là j'étais en Allemagne. C'était un intermède. à laisser des traces, puisque j'ai pensé à l'Afrique beaucoup plus tard, de nouveau.

  • Speaker #1

    Alors, on va parler maintenant des protestants, parce que vous êtes un pasteur protestant, réformé, vous avez une carrière pastorale en Suisse, pour l'essentiel, mais quand vous êtes allé à Kinshasa, vous êtes allé voir aussi les protestants, il y en a des presbytériens, des réformés, ils sont assez nombreux. Qu'est-ce qui vous a frappé à ce moment-là, dans cette constellation protestante ?

  • Speaker #0

    Les protestants sont liés à des ethnies, c'est-à-dire aux missions. Lorsque les protestants sont arrivés aux Haïts, au Congo, les premiers d'ailleurs, après la première évangélisation au 17e, 16e siècle, qui avait complètement disparu pratiquement, les britanniques sont arrivés et ont exploré la possibilité de... d'implanter des missions dans le pays. Alors, puis après sont venus les catholiques, tout de suite après, les catholiques envoyés par la Belgique. Donc, le pouvoir colonial a donné des autorisations d'implantation de missions selon les territoires. Et c'est resté. C'est-à-dire que la mission suédoise, la mission britannique, la mission américaine... Les presbytériens du Kassai, tout ça, c'est lié à des ethnies. Et des ethnies qui, quelquefois, se combattent ou ne s'apprécient pas, ou défendent leur propre fief. Et toutes ces confessions protestantes ont été mises dans le même sac par Mobutu, qui a dit, écoutez, vous les protestants, vous ne formez plus qu'une seule église. Alors, c'est ce qui s'appelait l'Église du Christ aux Haïrs et ses aides. Maintenant, probablement, l'Église du Christ au Congo. Alors, il y a des tensions perpétuelles dans cette fédération d'églises, parce qu'il y a bien un synode national, mais ce synode national est déchiré entre factions. Et alors, c'est le plus fort, le plus malin qui l'emporte, et il emporte les décisions au niveau national. Est-ce qu'on va se plier à ces décisions ? Ce n'est pas dit. Il y a des révoltes. Mais à l'intérieur même des confessions, il y a des conflits de personnes qui, quelquefois, ne sont pas résolus. Ils ne peuvent pas être résolus pour des questions de prestige, de questions de clans, parce qu'à l'intérieur des ethnies, il y a des clans. Alors c'est une situation extrêmement compliquée.

  • Speaker #1

    Vous aviez accès à cette complexité-là, vous, comme expatrié arrivant pour observer le christianisme zaïrois ?

  • Speaker #0

    Oui. Alors, c'était visible. Par exemple, j'ai été très bien accueilli, accueilli presque immédiatement par les baptistes, les baptistes américains. J'avais aussi des contacts avec les baptistes britanniques, mais moins. Les baptistes américains ont une grande mission au bord du fleuve, là où Stanley, à peu près, a débarqué. Ils avaient des bateaux, etc. Ils sont puissants au point de vue financier. Ces baptistes américains, quand je suis arrivé, construisaient à l'intérieur de la mission, il y avait un espace qui vaut, une maison pour le chef africain de l'église baptiste. Mais il y avait un autre chef africain, baptiste aussi, qui combattait ce... Alors, il y a des scissions dans les églises qui sont terribles. Ou bien encore, l'église du Kwango, c'est-à-dire une église d'un territoire qui est plutôt au sud de Kinshasa. Les gens émigrent, les gens viennent s'installer à Kinshasa, forment leurs propres églises, ils ont leur même langue, leur même connaissance, c'est le même clan. Mais au bout d'un certain temps... avec l'Église qui est dans le pays, et les contacts se perdent, et ils fondent eux-mêmes leurs propres églises. Alors c'est un fourmillement dans le cadre de l'Église protestante aux Haïts, un fourmillement d'églises sécessionnistes, etc.

  • Speaker #1

    Un de vos objectifs, quand même, c'est de visiter la troisième famille, si on peut dire. On a évoqué le catholicisme, l'Église protestante. Il faut évoquer ceux que vous allez découvrir qui sont les king-banguistes. Alors, je crois qu'il faut un tout petit peu cadrer tout ça, parce que pour chez nous ici en Suisse ou en Europe, le king-banguisme, ça n'est pas de l'évidence.

  • Speaker #0

    Non. Ça n'était pas non plus pour moi avant de partir, mais je ne sais plus comment je suis tombé sur ce Simon Kibangu et son église. Mais je sais que j'ai préparé, avant mon départ, la rencontre avec le kibandisme par deux livres, dont celui de Suzanne Esch, qui avait été publié quelques années auparavant et qui avait fait du bruit. Simon Kibangu et son église. Et cette église m'intéressait parce qu'elle voulait être indépendante de toute mission, être née indépendante de toute mission, bien que le prophète Simon qui brangou. d'où est sortie cette église, était un baptiste, un catéchiste baptiste. Merci. C'était un catéchiste baptiste et il a bien recommandé à tous ceux qui venaient le voir, parce qu'il a fait des miracles, des guérisons, et il prêchait, et les foules venaient à lui. Enfin, c'est assez impressionnant, cette histoire. C'est un ministère de quelques mois, mais qui a mis en danger le pouvoir politique, le pouvoir colonial. Parce que les gens venaient quitter leur travail dans les plantations ou ailleurs et venaient écouter Kibangu, venaient se faire soigner, etc. Bon, le pouvoir colonial a réagi, l'a fait emprisonner, l'a condamné à mort, ça a été commué en prison à vie et le Simon Kibangu n'a plus eu de... possibilité d'exercer son ministère dans la prison d'Elizabethville où il a été transféré. Alors, ce prophète, qui a eu une importance très grande, je crois, et toujours, même si les quimanguistes gonflent les chiffres, ce prophète m'a interpellé. J'ai eu de la sympathie pour lui, d'alnération, mais aussi de la sympathie, parce que j'ai pensé que... Il a été vraiment inspiré. Je me suis dit, je vais aller voir un petit peu comment vivent les adeptes qui veulent absolument être indépendants de toute mission, être vraiment une église africaine. Je veux voir comment ils vivent leur christianité.

  • Speaker #1

    Et vous vous installez alors dans le cœur du Kimbanguiste.

  • Speaker #0

    À la faculté de théologie quibanguiste, tout près de Kinshasa, en fait toujours dans l'agglomération de Kinshasa, j'ai eu le privilège de pouvoir m'installer dans la maison où une professeure suisse, Marie-Louise Martin, avait vécu, qui avait elle-même fondé la faculté de théologie quibanguiste et qui avait vécu dans cette maison jusque peu avant mon arrivée. Elle était décédée quelques mois avant. Et là, j'étais en contact avec des kibanguistes, sur le campus surtout, mais aussi dans leur culte à Kinshasa, dans les rencontres que j'ai eues aussi ailleurs, au centre d'accueil kibanguiste. Je n'ai pas été dans leur lieu saint, Kamba.

  • Speaker #1

    C'est là où Simon Kimbango est mort ? C'est juste ? Non,

  • Speaker #0

    c'est là où il a eu son ministère de quelques mois. Son ministère de guérison et de résurrection. Il a ressuscité plusieurs personnes, mais il a aussi prêché. C'est là où il est le centre maintenant du kibanguisme. Alors, j'ai eu le privilège de contacter ces kibanguis qui sont impressionnants par la volonté. de respecter les dix commandements, de respecter la loi du Christ. Mais c'est aussi les dix commandements qui dominent chez eux. Cette impression est très forte. Mais comme le disait un kibanguiste, pour vous c'est légaliste, vous les Européens. Ça donne l'impression de légalisme, et c'est vrai. Chaque prédication a pour thème... un des commandements, des dix commandements. À la fin, bon, on pourra. On les connaît. Oui, on peut imaginer. Alors, c'est difficile pour les prédicateurs de trouver des nouvelles images et des choses. Bon, en tout cas, c'est comme ça. C'est vrai que pour nous, c'est l'égalisme. Mais me disait ce qui m'a envie, pour nous, c'est important, parce que la société est tellement dissolue qu'il nous faut retrouver un cadre, et un cadre qui soit divin. Et effectivement, il y a cette volonté chez l'équibanguiste d'être obéissant à la loi de Dieu. Et ça, c'est impressionnant. Mais ça n'enlève pas que, quelquefois, on a l'impression d'une certaine hypocrisie. Quand on entre dans le légalisme, il y a le côté où on n'est pas forcément toujours comme il faut. Alors on le cache, on va le cacher. Alors ça, ça existe aussi. Mais tout de même, cette façade, cet appel constant à être de vrais chrétiens. comme disait Djangenda, ça c'est impressionnant.

  • Speaker #1

    Alors vous citez Djangenda, il faut en dire deux mots, c'est le fils, un des fils de Simon Kimangu, vous l'avez rencontré, en l'occurrence nous l'avons rencontré ensemble, puisque j'étais en reportage, c'est là que j'ai fait votre connaissance d'ailleurs, dans le centre des Kimanguistes à Kinshasa. Quel souvenir vous avez de cet homme ?

  • Speaker #0

    Moi il m'a beaucoup impressionné. Donc Djangenda c'est le fils cadet de Kimangu, du prophète. qui a été élevé comme ses frères, ses deux autres frères plus âgés, dans la religion catholique, qui lui a eu une certaine fonction dans l'administration coloniale, très bien formée, connaissant très bien les Européens et la mentalité européenne, mais qui m'a impressionné justement dans l'interview que vous avez menée, à laquelle j'étais présent. au centre d'accueil kibanguis de Kinshasa. Il m'a impressionné par sa décision. C'est un homme qui certainement, c'est lui qui a fondé l'Église et qui l'a structurée, qui l'a structurée et qui lui a donné le cadre nécessaire pour subsister et se développer. C'est lui aussi qui a gardé et qui a voulu d'abord et qui a gardé les contacts. avec le christianisme européen par l'intermédiaire du Conseil Écuménique des Églises, puisque c'est grâce à lui, en partie, mais en grande partie, que les Kimbrugis sont entrés en 1969 comme église nouvelle. Je crois que c'est la première église nouvelle africaine qui est entrée au Conseil Écuménique des Églises. Alors, c'était un homme que je n'ai plus revu après. où j'ai vu le cadre dans lequel il vivait. Et on m'a fait visiter son bureau alors qu'il était en maladie ici, en soins, soigné ici. On m'a fait visiter son bureau. Et son bureau était chargé de fleurs, de fleurs artificielles. Et puis j'ai dit à mon guide, mais pourquoi est-ce qu'il garde toutes ces fleurs ? Alors il m'a dit... Notre chef spirituel, puisque c'est le nom qu'on lui donne, ne jette pas les fleurs qu'on lui donne. Il les garde. Bon, évidemment, à un certain moment, il faudra bien les mettre à la place. Mais aussi, ça m'a touché de voir avec quelle différence et amour les chrétiens qui banguissent se tournaient vers leur chef, le respectaient. toujours à genoux devant lui, que j'en ai un tendance à bénédiction, qu'il faisait avec le signe de croix, mais par le pouce sur le front de ses fidèles quand il s'agenouillait devant lui. Il y a aussi une femme, justement, dans le centre d'accueil qui m'avait beaucoup interpellé. C'était une aide du prophète Simon de Bangou qui... À l'époque, en 1921, elle avait 14 ans et c'était la seule survivante de tous les adeptes de l'époque de Simon Kibango. Alors j'aurais bien voulu l'interroger. Et une fois, j'ai eu presque l'occasion de le faire, mais elle était occupée avec un jeune couple, parce qu'elle vivait aussi dans le centre d'accueil. Et quand elle a levé les yeux et qu'elle m'a vue, elle les a baissés aussitôt. pensait qu'elle ne souhaitait peut-être pas le parier.

  • Speaker #1

    Vous avez mentionné Gilles Riquet, Suzanne Hache, et le travail d'investigation qu'elle a fait. Il faut quand même qu'on parle aussi de l'hypothèse qu'il y a derrière son travail, à savoir qu'au fond, les Kimbanguistes, pour se faire bien voir de la chrétienté occidentale, ont caché une partie de leur doctrine, qui était, disons, entre guillemets, hétérodoxe, pour le christianisme en général, d'ailleurs. et qu'ils n'ont déployé que plus tard. Expliquez-nous.

  • Speaker #0

    Alors oui, c'était un aspect qui m'a bien interpellé, et c'était un aspect secondaire, disons, de ma recherche, mais qui m'a conduit aussi dans les contacts que j'ai eus, et à l'égard des étudiants en particulier. J'ai posé la question une fois directement aux étudiants et aux pasteurs qui étaient dans la faculté, et il y a eu un partage. C'est-à-dire qu'il y a eu des gens qui ont dit oui, c'est vrai qui, Bangu, est l'incarnation du Saint-Esprit. Et d'autres qui ont dit, non, je ne le vois pas comme ça, ou nous ne le voyons pas comme ça. Il y avait, semble-t-il, une ligne de partage. Cette ligne de partage n'existe pas, je crois, ailleurs. Je pense que les qui-banguistes, depuis toujours, pas seulement dans une évolution de leur théologie, mais dès le départ, On pensait que le Saint-Esprit promis par le Christ dans Jean XIV s'était incarné en Simon Cubango. D'où l'appel constant dans les prières à Simon Cubango. Quand j'étais assisté aux soirées spirituelles du campus, je... Le pasteur responsable corrigeait quelquefois une prédication qui avait été donnée par quelqu'un qui n'était pas formé. Le nom de Simon Kibangu revenait constamment. Mais ça, ça ne m'était pas traduit. C'était dans la langue, le Kikongo. Donc, on savait qu'il fallait être prudent à l'égard des Occidentaux concernant la place de Simon Kibangu dans l'histoire de sa vie. Et puis il y a d'autres éléments qui m'ont mis sur la piste que c'était effectivement ce que le soupçon de Suzanne H. était réel. C'est bien dans la théologie quimanguiste, c'est bien le Saint-Esprit qui s'est incarné en Simon Cubanco. Alors, à l'époque, il y avait ces suspicions, pas seulement de la part de Suzanne H., mais aussi des missionnaires. Et il y a eu tout un dialogue qui s'est fait, mais un dialogue extrêmement lent et qui n'a abouti que cette année, ou l'année dernière, l'année dernière, en 2022, où là, les climatistes ont jeté le voile et ont dit c'est notre théologie Mais il a fait du longtemps.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'entre eux, ils se sont mis d'accord, au fond, pour reconnaître que c'était ça qu'ils croyaient, ou bien ils les croyaient depuis le début, mais ils n'osaient pas le dire.

  • Speaker #0

    À mon avis, ils le croyaient dès le début. Il serait intéressant de lire les rapports que les missionnaires ont envoyés à leurs églises les concernant. Le rapport de l'église baptiste britannique. Les rapports ont été détruits pendant la dernière guerre par un bombardement. Malheureusement, on ne sait pas, donc tous ces documents ont disparu. Mais il y avait d'autres missions. Il y avait des adeptes de Kibangu qui étaient dans d'autres missions. Et là, il serait intéressant de rechercher, ça a peut-être été fait avant la connaissance, ce que disaient les missionnaires, parce que les missionnaires, et les kibanguis s'en plaignent, ils disent c'est vous les protestants qui nous avez rejetés Mais il faut voir pourquoi. Ils ont été rejetés. Les missionnaires n'étaient pas fous. Ils soupçonnaient, eux déjà, à l'époque, qu'il y avait quelque chose, sur le plan doctrinal, qui était différent.

  • Speaker #1

    Problématique.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que ça est arrivé très, très tôt, parce que la femme de Kibango a continué, après son emprisonnement, le mouvement. Elle était très proche évidemment de son mari et du commencement de ce mouvement. Donc c'est par elle aussi qu'est venue cette conviction que Jésus-Christ a aidé les Noirs, a voulu les aider et leur envoyer un messager spécial.

  • Speaker #1

    J'aimerais faire un petit aparté sur les objets qu'il y a ici. Celui qui est à côté de moi, c'est un objet pour un Suisse surtout avec... Le drapeau suisse, ou c'est un objet pour un marcheur qui marche en Suisse, mais aussi ailleurs dans son existence ?

  • Speaker #0

    Oui, je ne sais pas si ça fait de Suisse, c'est acheté en Suisse en tout cas, c'est acheté d'occasion. Donc, la marche, la marche, oui. Je ne suis pas un pèlerin. C'est aujourd'hui beaucoup à la mode de faire le chemin de Compostelle. Ce n'est pas quelque chose qui m'attire, mais marcher... J'ai remarqué que c'est une source de... Sauf pour marcher dans la nature. La nature est une source, très grande source d'apaisement et de... d'inspiration. Donc beaucoup d'idées viennent. Je dis à quelqu'un quand je conduis, je n'ai aucune idée, je suis à la conduite mais les idées ne me viennent pas quand je marche, elles viennent. J'ai écrit dans ma vie des centaines de méditations très courtes pour les journaux paroissiaux etc. Je posais, avant de sortir, je posais quelques idées J'allais faire un tour dehors, je revenais, c'était prêt. Le cerveau, en marchant, travaillait. Et travaillait bien. Il n'y avait plus que quelques détails. Des retouches. Des retouches, voilà. Voilà, donc la marche est pour moi, pas seulement un moyen de garder une forme physique, mais... que de garder aussi une forme spirituelle et intellectuelle.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on termine cet entretien, Gilles Riquet, par Kinshasa. Quand vous êtes parti, ou avant que vous partiez, la ville a quand même subi des manifestations et des déprédations considérables qui ont mis par terre des années de travail, de soutien à ce pays et à cette capitale. Vous avez des souvenirs de ces moments ?

  • Speaker #0

    Non, donc j'étais parti, je n'étais plus là. Mais déjà, quand j'étais, pendant mon séjour, je vous parlais des meutes tout à l'heure, c'était constamment des menaces des meutes. La situation était explosive, déjà à l'époque. Et même sur le campus qui banguiste.

  • Speaker #1

    Même chez les qui banguistes.

  • Speaker #0

    Oui, il y avait une grande tension entre le doyen et les professeurs qui lui étaient affiliés, et toute une partie. des pasteurs qui étaient souvent sans travail. Pourquoi ils étaient sans travail ? C'est un détail aussi important. Je le soupçonne aujourd'hui qu'ils étaient sans travail parce qu'on ne voulait pas leur donner de travail, parce qu'ils étaient trop formés à l'occidental. Et donc peut-être trop critiques à l'idée de cette conviction que Simon Kibangu est le Saint-Esprit, l'incarnation du Saint-Esprit. Mais il y a eu donc des tensions très fortes. Et dans les paroisses, il y a eu des conflits à main nue. On se battait. Et on s'est battus aussi sur le campus de...

  • Speaker #1

    Les gens se tapaient dessus ? Oui.

  • Speaker #0

    Ah mais pas seulement se taper dessus, ils voulaient s'éliminer. Les gens fuyaient. D'ailleurs, le doyen, lorsqu'il y a eu ces troubles, le doyen est parti se cacher dans la ville de Kilshasa pendant plusieurs jours, en attendant que les troubles... s'apaise.

  • Speaker #1

    C'est un contraste saisissant avec ce que vous nous avez raconté quand même de cette humanité, de cette fraternité, de ce monde de joie et de simplicité.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Il y a de tout. Il y a de tout. Il y avait une énorme pauvreté. Il y avait aussi une énorme injustice. et ça recouvre la joie de vivre souvent. J'ai vu à Kinshasa, pas au Rwanda, mais au Kinshasa, j'ai vu à Kinshasa des visages quand même très tristes, une population accablée. Même au campus Kibandwist, les gens étaient inquiets. Et il y avait ces conflits, donc ces conflits de pouvoirs sous-jacents dans toutes les institutions, mais aussi chez les catholiques. Chez les catholiques aussi, il y a eu des conflits terribles, qui se voyaient peut-être moins, mais quand même.

  • Speaker #1

    Alors, on finit par le dernier objet qu'il y a là, les deux derniers objets à côté de vous. La Bible, les psaumes, le Nouveau Testament, je regarde ça. Oui, le Nouveau Testament et les psaumes, et puis Kierkegaard.

  • Speaker #0

    Alors, le Nouveau Testament et les psaumes, quand je marche, quand je fais une randonnée, je prends ce petit livre-là, c'est le Nouveau Testament. Parce qu'il y a toujours d'être relu. On croit le savoir, le connaître, etc. Mais on change. On est en permanence dans un autre milieu. Et on dérive dans ce milieu. Et il est bon de se retrouver, de se ressourcer dans ce qui fait l'essentiel de la vie, la foi, l'espérance et l'amour. On n'a pas besoin de beaucoup plus de choses, n'est-ce pas ? Dans la liberté. Alors j'admire ce groupe des Gidéons, qui donne gratuitement ces petits livres, tellement pratiques que l'on peut en porter avec soi. et qu'il les place aussi dans les hôtels pour que peut-être des personnes désemparées puissent y trouver le réconfort. Kierkegaard, Kierkegaard, esprit très profond, très croyant, a écrit dans son journal des prières qui sont touchantes, qui sont touchantes de simplicité, de conviction, de foi. Pour moi, c'est le modèle de prière protestante. Julien Cris, un écrivain d'origine protestante qui s'est converti au catholicisme, dit dans un fort journal que les prières protestantes sont peut-être ce qu'il y a de plus important chez les protestants, le plus frappant, le plus beau. Et j'ai retrouvé ça. chez les presbytériens, qui sont aussi des réformés, comme nous, dans les prières spontanées de leur service. Des personnes qui n'étaient pas des théologiens, qui ont fait des prières où on pouvait s'associer totalement à ce qu'ils disaient. On était emportés par ces prières.

  • Speaker #1

    Merci Gilles Riquet.

  • Speaker #0

    Bonne suite à vous. Merci.

  • Speaker #1

    Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de Mémoire Vive, tous les détails qu'il vous faut. Vous pouvez aussi nous réécouter, écouter les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et informer.ch. Merci de nous suivre, merci de vous abonner, si le cœur vous en dit.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Gilles Riquet

    01:02

  • Son PARCOURS au Rwanda

    01:28

  • Ses ÉLÈVES étaient très attentifs

    04:20

  • Il y avait des élèves TRAUMATISÉS

    05:49

  • Il y a encore du RASCISME à leurs égards

    07:23

  • A travers l’ INCONNUS, il part à Kinshasa

    10:24

  • Ce qui l’a FRAPPÉ

    14:26

  • Sa VOITURE de l’Armée du Salut

    15:17

  • On lui criait : « SALE BLANC »

    16:31

  • Le CATHOLICISME au Kinshasa

    18:05

  • Le CD de Dinu Lipatti

    22:05

  • Son retour à PARIS, après 1 an

    23:13

  • La COMPLEXITÉ du christianisme en Afrique

    24:09

  • A la découverte DU Kimbanguistes

    28:52

  • Kimbangu est l’incarnation du SAINT ESPRIT

    38:59

  • Le MARCHEUR suisse

    44:07

  • Les gens se tapais DESSUS

    46:00

  • Le nouveau testament, il mérite d’être relu

    48:58

  • Mots de FIN

    51:19

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