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Rencontre avec Henry Mottu : Une Vie de Lutte Théologique #7

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53min |07/10/2024
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Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s'entretient avec Henry Mottu, professeur de théologie à la retraite, qui partage ses réflexions sur la théologie noire, la théologie de la résistance, et ses rencontres marquantes avec des figures influentes telles que Karl Barth et James Cone. Henry Mottu nous raconte son parcours entre la Suisse et les États-Unis, où il découvre des mouvements théologiques engagés, et évoque son engagement pour l’œcuménisme et la paix, ainsi que son expérience d'objecteur de conscience. Un témoignage inspirant sur la foi et le militantisme.


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Transcription

  • Speaker #0

    C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit mais c'est quoi ? C'est une théologie, mais ils sont fous ! Alors c'était la première fois qu'on a eu conscience d'un contexte quand même. Parce que Jim ne cessait de dire mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie, c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie ! de Jésus ou du Christ. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Henri Mottu est professeur de théologie pratique à la retraite. Il a commencé ses études avec l'un des tout grands de la théologie,

  • Speaker #0

    résistant au nazisme,

  • Speaker #1

    Karl Barthes, c'était un bal. Ensuite à Genève, il devient objecteur de conscience. Il quitte ensuite la Suisse pour étudier la théologie noire aux États-Unis dans les années. Importantes que furent les années. Martin Luther King, James Cone. et la guerre au Vietnam.

  • Speaker #0

    Écoutez.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous pour ce moment. J'aimerais qu'on commence par évoquer des grandes figures que vous avez la chance de rencontrer. Je pense à Oscar Kuhlman, Karl Barth. Racontez-nous, au fond, ils étaient comment ces personnages ? C'était des personnages ou des gens accessibles ?

  • Speaker #0

    Non, non, des gens très accessibles. Enfin, très accessibles, c'était quand même des personnages accessibles, si vous voulez. Mais pour Barth, en tout cas, j'ai eu la chance de participer au... colloques français qui avaient lieu chez lui, parce que j'ai fait mes études à Bâle, justement à cause de Barthes. Et on allait chez lui et on parlait, enfin on commentait commentait la dogmatique de Barthes et après une fois qu'on avait fait notre petit résumé, notre petit speech, Barthes parlait du passé, de la guerre, de l'église confessante, de Barmen, etc. Là, c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous vous sentiez face au maître ? Parce que tout de même, c'est un monument. Vous vous sentiez en capacité de lui poser des questions,

  • Speaker #0

    de le challenger un peu ? Oui, pour lui poser des questions. À l'époque, j'ai tout écrit. C'est comme avec Luther, qui avait des étudiants chez lui aussi, vers la fin. J'écrivais tout. Et donc, j'ai les propos de table de Barthes, au fond, littéralement. Et donc j'ai tout un classeur à la maison, je ne sais pas très bien ce que j'en ferais, mais nous étions quand même très en confiance avec lui, mais simplement, c'était un grand type, donc on ne pouvait pas non plus dire n'importe quoi. Le colloque français était plus personnel ou interpersonnel, on était une dizaine de gens, ou même moins, huit, autour de la table. Chez lui, donc, c'était plus intime, personnel. Mais je participais aussi comme étudiant à son séminaire. Et là, son séminaire avec les Allemands et tout ça, c'était très intimidant, son séminaire. Parce qu'on était quatre personnes, quatre étudiants choisis, enfin choisis, qui devaient passer au Moulinet. Et alors nous parlions, nous vions commenter le texte que nous examinions. Et ça, c'était très impressionnant. Et une fois, on parlait de Calvin et de sa doctrine de la création, non, c'était la doctrine de l'écriture, sur l'écriture, chez Calvin, et ça c'était le thème. Et puis après la séance, je crevais de peur, etc. J'étais là avec mon bouquin, c'était en latin, on lisait l'institution en latin. En latin ? Oui, ça c'est l'habitude des églises, des universités allemandes. Ça, c'est l'ancienne école en latin. C'était tout à fait compréhensible, disons. Mais on avait quand même l'allemand et le français à côté. À la fin, il me prend et il me dit, Monsieur Mathieu, venez, j'ai quelque chose à vous dire sur Calvins. Est-ce que vous auriez voulu vivre à Genève du temps de Calvins ?

  • Speaker #1

    Il avait un sens de l'humour et il parlait français.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Avec cet accent que j'imite.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il représentait pour votre génération ? S'il fallait le résumer, il représentait quoi Karl Barth ?

  • Speaker #0

    Le courage, le courage théologique de tenir tête à la dictature, de tenir tête à Hitler. Ça c'est ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il représentait déjà une forme d'orthodoxie parce qu'il a écrit une œuvre tellement importante, qui a suscité tellement de fidèles derrière ?

  • Speaker #0

    Oui, mais l'homme d'orthodoxie, je ne l'aime pas beaucoup. D'ailleurs, il ne devait pas l'aimer non plus beaucoup. Il s'est toujours voulu, au fond, un enfant terrible, comme on dit dans une expression allemande. Enfant terrible. La dogmatique, c'est pas dogmatique au sens français péjoratif. C'est pas tellement une orthodoxie, moi j'ai jamais cru. Beaucoup de gens ont cru qu'il était orthodoxe, qu'il voulait restaurer les guises anciennes, les dogmes anciens, etc. C'est pas du tout ça. C'est pas du tout ça. C'était un grand... Un grand herméneut, comme on dit, c'est-à-dire un grand explicateur, au sens profond du mot, un présentateur de la doctrine chrétienne classique. Barthes est un classique, mais un moderne en même temps, parce qu'il avait ses mots et il a reconstruit toute la théologie. Mais c'est un reconstructeur, ce n'est pas un...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il vous a laissé ? avec du recul, dans votre vie de théologien, de m'engager ?

  • Speaker #0

    Tout ? Que dois-je vous dire ? L'attention à la confession de foi, ce qui n'est pas du tout la mode maintenant. En personne, on entend parler de ça, la confession de foi, parce qu'il avait écrit une confession célèbre contre les Deutsch-Christen à l'époque, dans les années 30, et ça s'appelle la... Confession de foi de Barmen, parce que c'était un endroit en Allemagne, un quartier. La confession de foi, la prédication, la centralité de la prédication, au fond la centralité de la parole de Dieu.

  • Speaker #1

    Alors, Barle c'était aussi Oskar Kuhlmann.

  • Speaker #0

    Oskar Kuhlmann alors c'est moins, il était moins flamboyant, c'était vraiment le prof, l'exégète. Il était très gentil, très sympa. Il parlait très bien français puisqu'il était strasbourgeois. C'est un strasbourgeois exilé à Bâle, au fond. On lui rendra justice, je crois. On était très moqueurs comme étudiants. On rigolait tout le temps, on se moquait de lui. Parce qu'il n'avait pas... Il était cinémataire, très sérieux, etc. Un marthe, c'était drôle. Mais Kuhlmann, je crois qu'on lui rendra justice. Je garde quand même un souvenir de lui, une marque. C'est l'écuménisme. L'écuménisme, ça, ça m'a beaucoup pressionné.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on évoque d'autres figures que vous avez rencontrées, des grandes figures. Parce qu'avec ce qu'on évoque là, on est dans les grandes figures. Un mot ou deux sur Paul Ricoeur. Vous avez de la chance aussi de rencontrer Paul Ricoeur.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui signifie pour vous, comment était cette rencontre et comment étaient ces cours ?

  • Speaker #0

    Alors, les cours, moi je ne les ai pas tellement entendus, parce que c'était à Nanterre, c'était en philo, je ne les ai pas tellement suivis. Mais alors j'ai suivi son séminaire, qui était à l'époque, dans les années 65, comme ça, qui était, comment dire, très modeste à la Faculté de Théologie de Paris. au boulevard Arago, et il n'avait que quelques étudiants devant lui, parce qu'il était snobé par toute l'intelligentsia parisienne à l'époque, parce qu'il avait écrit un livre sur Freud, qui était un livre très nuancé, et pas seulement relatif, et qui était quand même sur l'herménotique, enfin sur, de nouveau, l'interprétation des textes. C'était un livre très positif sur Freud. Il récupérait, dira-t-on, la religion par ce bout-là. Au fond, il était détesté par ses collègues parisiens. Donc, il a beaucoup souffert, à mon avis, de ça. Il était dans ce séminaire tout seul, avec nous, quelques-uns. Nous examinions les textes de Bultmann, de Ebling, c'était l'entrée en scène de l'herméneutique, c'est-à-dire de l'interprétation intelligente des textes.

  • Speaker #1

    On est quelques années avant mai 68, ça bouillonne déjà à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Oui, dans un certain sens, oui, oui, oui. À ce moment-là, il était à la pointe de... Du combat, si on peut le dire, parce qu'il avait écrit dans Le Monde des articles très célèbres. Ça, on était déjà au début de 68, des articles sur la réforme de l'université, dont il s'était beaucoup préoccupé. Mais moi, ce séminaire dont je parle à Arago, c'était un peu avant.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a joué pour vous aussi, comme Barthes ? Est-ce qu'il vous a légué quelque chose qui vous a permis de vivre, de vous aiguiller dans le reste de votre existence ?

  • Speaker #0

    L'interprétation des textes. principalement avec l'idée fondamentale pour moi que le texte biblique notamment nous ouvre sur un monde et parler du monde du texte ça ça m'est resté fantastique cette expression le texte ouvre sur un monde et c'est nous qui le rabougrissons tout le temps qui en font des versets nanana etc un peu piétistes sur les morts religieux lui dépassaient Il m'a donné une vision beaucoup plus large, philosophique entre guillemets, beaucoup plus large de la tradition chrétienne. C'était un grand monsieur. Il était dans un sens encore plus distant que Barthes et Kuhlman. Je l'ai moins connu comme homme personnellement. Je l'ai connu comme prof. C'était un grand professeur.

  • Speaker #1

    Il avait déjà une grande aura à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Ah oui. Mais après, l'aura est devenue encore plus après son époque américaine, celle de Chicago, où alors il deviendra vraiment très connu et très apprécié. Une fois que la vague contestataire, je suis passé en quelque sorte. Maintenant, il est plutôt un grand monsieur que tout le monde respecte.

  • Speaker #1

    Alors, dans les objets que vous avez amenés en rémotive, il y en a un... qui relève de cette période, si je vois bien, c'est 1969, on n'est pas très loin. Vous nous en dites, c'est symbolique évidemment, mais c'est dactylographié, c'est tout un monde.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ça s'en doute. À l'époque, c'était ça la modernité. Maintenant, c'est plus comme ça. Je ne m'en souviens pas très bien, mais c'est un de mes premiers textes personnels en théologie. On sortait de 68 effectivement. Il y a trois termes que j'examine, idéologie, utopie et théologie. Alors l'idéologie, dans mon vocabulaire de l'époque, c'était l'ère du soupçon, Freud, Marx. Voilà, c'était la critique, la critique biblique sans reste. Alors l'idéologie, c'était une idéologie chrétienne où... Christiano-catechétique comme on disait à l'époque, je ne me rappelle plus très bien même les mots, c'était très négatif, le côté négatif de l'idéologie. Quant à l'utopie, c'était le côté positif. C'était la description d'un monde autre que le nôtre. C'était une apologie de l'utopie, dont on reparle d'ailleurs maintenant. Et puis théologie, la théologie devait se glisser là-dedans comme un troisième terme.

  • Speaker #1

    Au fond, ça a l'air très militant quand on entend parler. C'était une période très militante. Au fond, ce qu'on faisait, on le faisait par conviction, par recherche d'absolu.

  • Speaker #0

    Oui, enfin, par utopie, par utopisme. On était complètement utopique. On croyait en une nouvelle société possible, sans les classes sociales, qui n'est plus de riches et de pauvres. On croyait vraiment dur comme fer. On croyait que la révolution allait intervenir, je me souviens très bien. J'ai discuté avec un copain chez le Rondolte à l'époque, à Luni, à Genève. Je lui ai dit, demain c'est la révolution. Et puis il m'a dit, mais tu me fais...

  • Speaker #1

    Mais cette conviction que ce sera la révolution, elle venait de vous, de votre foi personnelle, des réseaux que vous fréquentiez, de l'ère du temps ?

  • Speaker #0

    De l'ère du temps. C'est un peu distingant. On défilait dans les rues, je me souviens. On faisait grève.

  • Speaker #1

    C'était dur ?

  • Speaker #0

    Assez, oui. Assez. Quelquefois, ça pouvait être assez dur. Je me souviens d'un étudiant qui était d'extrême-gauche. On avait des discussions, bien sûr. Il disait justement que je voulais ou j'avais été objecteur de conscience, que j'avais été à l'époque. J'ai été objecteur en 61, alors je lui disais oui, moi j'ai été objecteur, j'ai été aussi un contestataire, et puis lui il me répond oui, mais j'ai quand même... J'ai fait mon service militaire, j'ai une arme, ça peut toujours être utile. Je me souviens, c'était quand même un peu, vous voyez, pas de la rigolade complètement.

  • Speaker #1

    Alors vous avez parlé de votre objection de conscience, on va y venir parce que c'est quand même un chapitre très important. On a de la peine aujourd'hui en 2023 à s'imaginer qu'il fallait faire de la prison quand on était objecteur de conscience. Racontez-nous le contexte dans lequel... Ça s'est passé.

  • Speaker #0

    Alors, la Suisse était à l'époque horrible, c'était très anticommuniste d'abord, c'est ce qu'il faut dire. C'était très autoritaire, l'armée avait pignon sur rue, on pouvait faire des défilés de l'armée à Genève sans autre. C'est une époque donc complètement anticommuniste et déjà Barthes à l'époque à Bâle... Il disait que si vraiment l'armée suisse se dotait d'armes nucléaires, il fallait être objecteur. Déjà, Barthes disait ça à Barthes. Alors, ce projet d'équiper l'armée d'armes nucléaires, ce n'est pas concrétisé, heureusement. Mais c'est dans cette atmosphère aussi, j'avais compris Barthes un peu comme le contestataire par excellence. En quoi d'ailleurs... C'était pas tout à fait exact. J'étais un bartien de gauche, un vieux bartien de gauche, comme disaient mes étudiants récemment. Et donc, c'était vraiment l'époque où on disait l'armée, c'est nul, c'est contre le christianisme. Et alors, j'ai eu ces idées, peu à peu, aussi par l'Allemagne, parce que j'étais... J'ai... En 1958, avant mes études de théologie, j'étais en Allemagne pour parfaire mon allemand. Et là, j'ai vécu quelques semaines chez un pasteur de l'église confessante de l'époque, dans le Palatina, et il me montrait les brochures de l'époque, tout le combat de l'église confessante allemande des années 30. Et au fond, je baignais là-dedans. Et les Allemands, les mythes, disons, théologiques, étaient pacifistes, c'est-à-dire qu'ils en avaient. La guerre, c'était affreux. Il fallait que l'Allemagne soit neutre. Il ne fallait pas que l'Allemagne se réarme. C'est ça. Ils étaient contre le réarmement allemand. Et donc, moi, j'étais dans cette mouvance. Au fond, c'est ça le contexte, un peu.

  • Speaker #1

    Et puis alors, vous décidez de refuser l'armée. Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    Ben, mal. Ah, bien ? Voilà, j'ai écrit une lettre, bon, etc. J'ai été jugé à Iverdon, pas très loin d'ici. Et en hiverdon, parce qu'il fallait cacher un peu la chose, pour que ça fasse du bruit et des remous, alors on était jugé là-bas, hiverdon. Et voilà, j'ai dû faire six mois de prison.

  • Speaker #1

    C'était comment ?

  • Speaker #0

    Prison ferme. Bah, surtout au début, c'était pas tellement marrant. J'étais dans un monde complètement différent. J'étais aux études. Je ne connaissais pas bien le monde, la réalité. Et là, j'ai rencontré des gens très intéressants, du témoin de Jéhovah au banquier qui avait fait de mauvaises affaires. Vous voyez le genre. Il y avait une bibliothèque à la prison de Saint-Antoine, là où j'étais, à Genève, une très bonne bibliothèque, j'ai lu beaucoup de choses. Et j'ai eu un temps fécond de prise en compte. de la réalité, du réel, des gens. Je n'avais jamais vécu quelque chose comme ça. Et je crois que ça m'a fini bien finalement.

  • Speaker #1

    Il y a un objet qui date de cette époque ? Oui !

  • Speaker #0

    Alors ça c'est la Bible, dans la traduction de Jérusalem. Très bonne traduction, assez littéraire. Et j'ai beaucoup lu, là, à ce moment-là, la littérature digne de sagesse, c'est-à-dire les proverbes, les psaumes beaucoup. et d'autres écrits, l'Ecclésiaste, etc., qu'on appelle maintenant Coëlette. Bref, j'ai beaucoup lu ce genre de textes, et ça m'a accompagné tout le long des mois passés là-bas.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez vu par vos camarades comme objecteur de conscience, et parce que vous étiez un des rares objecteurs de conscience à faire de la prison ?

  • Speaker #0

    Oui. Comment j'étais vu ? Oui,

  • Speaker #1

    par vos amis, vos collègues, le milieu protestant, disons bien pensant genevois.

  • Speaker #0

    Ils disaient chapeau, motu, mais c'est tout. Ils ne s'en occupaient pas. En fait, j'avais cru que je renverserais l'état du monde par ça. En fait, c'était assez égal aux gens. Il n'y a pas eu beaucoup de suite. Simplement, je fais partie de ces gens qui avaient, devant les juges militaires, plaidé pour un service civil, déjà en 1961. Et donc là, j'ai quand même milité pour le service civil et enfin maintenant. Il existe ce service pour les réfractaires.

  • Speaker #1

    Mais vous avez dû quitter la Suisse pour ne pas vous faire coffrer une de ces droits.

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Un appareil invraisemblable.

  • Speaker #0

    Le fonctionnaire du département militaire que j'avais vu à Genève, je me rappelle encore très bien, il me disait Mothu, vous voulez vraiment retourner en tôle tout de suite ? Je lui ai dit Non, si possible, vous partez pour l'étranger, je vous donne un congé et puis vous allez à l'étranger. Et j'ai continué mes études à Göttingen à cause de ça.

  • Speaker #1

    Alors parlons de l'étranger un peu. Il y a l'Allemagne, Göttingen. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période allemande ?

  • Speaker #0

    Assez sombre. Comment dire ? J'étais assez seul quand même à Göttingen. On n'avait pas grand-chose à manger, c'est-à-dire... Non, mais je veux dire, je ne veux pas dire des bêtises, mais on allait à la Mensa pour les étudiants allemands. Il n'y avait pas grand chose à manger, c'était vraiment un peu pic-rac. Et puis j'étais seul, j'ai beaucoup travaillé, j'avais de la peine avec mon Allemand. C'était pas un moment, des semestres, j'ai passé deux semestres si je me rappelle bien à Göttingen. On était près de la frontière avec la RDA, j'ai été visiter cette frontière. On allait au culte local et souvent j'allais dans les paroisses notamment campagnardes. Je me rappelle très bien, devant l'église de la paroisse, j'ai été voir avec mes copains une pierre, un monument devant l'église à la Waffen-SS. Et donc on était quand même encore très là-dedans, dans la guerre.

  • Speaker #1

    Un monument à la Waffen-SS ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui n'avait pas été détruit,

  • Speaker #0

    qui restait là devant l'église.

  • Speaker #1

    Ça vous a permis de comprendre l'âme allemande, cette tension terrible, cet héritage terrible aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, j'aime beaucoup l'allemand, la langue. Je suis très versé dans la littérature et dans la philosophie allemande, ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    J'hésite à parler de Bonhoeffer maintenant ou plus tard, pour le raccrocher, mais c'est trop tôt encore.

  • Speaker #0

    Comme vous voulez.

  • Speaker #1

    Non, peut-être parlons-en maintenant, puisque Bonhoeffer, puisqu'on est en Allemagne, qu'on évoque les années sombres. Vous êtes un spécialiste de Bonhoeffer, Rimo, tu es reconnu. Vous avez traduit ses œuvres. Dites-nous quand et comment vous l'avez rencontré ? Pas la personne, évidemment, mais la pensée.

  • Speaker #0

    Alors, c'est déjà un bal qu'on lisait. Widerstand und Ergebung, Résistance et Soumission, qui est un livre qui est devenu très célèbre. Et à l'époque, c'était... assez peu connus. Et donc, nous lisions ça en allemand, Widerstand der Geheben, et là, les lettres, ce sont des lettres à ses parents, à son ami Eberhard Betke, à quelques autres, et donc, ces lettres m'ont beaucoup influencé, toute ma génération d'ailleurs, toute ma génération. On a pris connaissance, au fond, de la théologie, de la résistance, si je puis dire, par ces lettres. Alors il y avait deux grandes idées dans ces lettres, c'était évidemment la lutte contre l'état injuste, l'état antisémite, c'est déjà l'époque où on prend conscience de l'antisémitisme allemand, mais aussi de l'église, de toutes les églises, pratiquement de toute l'Europe, voilà, c'était ça, pour la défense des juifs. la défense contre l'état tyrannique, et d'autre part, c'était l'idée du christianisme non religieux, c'est-à-dire ce qui allait venir maintenant.

  • Speaker #1

    Il vous a accompagné toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Complètement, oui, complètement. Ça m'a aidé à croire toujours, en dépit de tout ce qu'on voit et de tout ce qu'on sait.

  • Speaker #1

    Et vous, c'est un homme, comment dire, vous en parliez avec vos collègues, avec les étudiants, c'était une source d'inspiration.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup. On découvrait ses lettres. Et donc sa théologie plus tard, etc. Mais on fera ça plus tard. Pour le moment, c'était les lettres.

  • Speaker #1

    Alors passons peut-être de l'autre côté de l'Atlantique. Parce que ça c'était une période pour vous, Henri Mottu, qui est une belle période. Une période qui vous fait briller les yeux,

  • Speaker #0

    je pense. Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Mais dites-nous, dans quelle Amérique vous arrivez ?

  • Speaker #0

    Alors ça c'est encore une histoire. C'était l'époque du Vietnam, de la guerre du Vietnam. avec les grands mouvements pacifistes de l'époque aux États-Unis. Et Union Theological Seminary, où j'ai été invité, était vraiment très engagé contre la guerre du Vietnam. Et donc, d'ailleurs, pour faire le lien avec Bonhoeffer, Bonhoeffer a passé aussi beaucoup de temps comme étudiant, une année en fait, dans les années 30-31,

  • Speaker #1

    à Union. À Union, précisément.

  • Speaker #0

    Donc il y avait un lien, si vous voulez, entre Bonhoeffer, l'Allemagne, la guerre et... Union Theological Seminary. Et voilà, là j'ai eu une très belle époque où j'ai fait la connaissance notamment,

  • Speaker #1

    ah oui,

  • Speaker #0

    alors si je peux vous montrer de James Cone ici, l'homme noir là, qui a été très important pour moi parce que j'ai fraternisé avec lui. Là on me voit faire un discours ou je ne sais pas quoi, et là on voit ma femme Liliane avec laquelle nous sommes mariés encore aujourd'hui. Nous allons fêter nos 60 ans de mariage. Et voilà, et alors James Cone a joué un grand rôle pour moi, c'est-à-dire que c'était vraiment, c'est devenu un ami intime. Donc, James Cone, sur le contenu, était pour la théologie noire. C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit, mais c'est quoi ça ? Il n'y a qu'une théologie, enfin ils sont fous. Alors c'était la première fois que je prenais conscience d'un contexte quand même. Et alors ça m'a fait prendre conscience aussi de mon propre contexte. Parce que Jim ne cessait de dire, mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie de Jésus ou du Christ. Alors la Black Theology c'est lui qui m'a initié à cette théologie. Théologie très spéciale, une théologie finalement de la protestation contre la justice et contre, à l'époque, la ségrégation.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'à ce moment-là, les idées ne passaient pas si facilement l'océan Atlantique ? Si vous arrivez ne connaissant rien à ça ?

  • Speaker #0

    Ah ben complètement, c'était complètement nouveau. Ah oui, personne ne parlait de ça.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce que ça change ?

  • Speaker #0

    Ah on était complètement... On tombait de la nue, on est nus.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça va changer pour vous ces deux années aux États-Unis, avec la théologie noire, enfin bouillonnement d'idées, ça va renforcer le côté protestataire chez vous, le côté prophétique sans doute ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, ça va renforcer ce pôle-là. Et ça va quand même m'ébranler aussi dans un premier temps, m'ébranler dans le sens que James... et d'autres, avec lui, les Noirs attaquaient quand même l'église institutionnelle, l'église blanche, ou ségrégée, ou dans laquelle les Noirs n'étaient pas les bienvenus. Enfin, vous voyez, les États-Unis, c'est toute une histoire encore de racisme, de ségrégation. C'était presque la première fois qu'on nommait des profs, des professeurs noirs. Dans les universités américaines, sauf erreur, la nomination de James Cone date de 69-70. Moi je suis arrivé en 70 et c'était la première fois qu'on le nommait noir, prof. À ma connaissance, il y en avait quelques-uns, mais lui a fait le... La brèche, en parlant de théologie.

  • Speaker #1

    Quand on perçoit ces gens comme des révolutionnaires, c'est un terme qu'on peut utiliser selon vous ? C'était ça.

  • Speaker #0

    Ah oui, en tout cas pour les États-Unis. Peut-être pas pour tous les contextes, mais dans le contexte états-unien, c'était un révolutionnaire. Ah oui,

  • Speaker #1

    l'assainement. L'assassinat de Martin Luther King, c'est à cette période ?

  • Speaker #0

    C'est juste avant.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est juste avant. En 68, je crois justement. Là, Jim Cohn a été très ébranlé par ça. C'est-à-dire que toute l'Amérique a été sidérée de cet assassinat qui était prévisible depuis longtemps dans la carrière de King. On voit ça arriver. Ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous allez ramener ensuite pour votre carrière de professeur que vous avez au fond puisé là-bas ?

  • Speaker #0

    et qui va orienter votre enseignement ici en Suisse.

  • Speaker #1

    Je crois quand même l'idée qu'il y a un cœur dans l'Écriture, dans les Écritures saintes, et le cœur pour nous, chrétiens, c'est Jésus. Et Jim Cohn va toujours citer les paroles de Jésus dans Luc 4, citant d'ailleurs Esaïe, que Je suis, moi, le Messie, arrivé dans le monde pour... Libérer les prisonniers, donner à manger aux affamés, visiter les malades, etc. C'était verser cette idée, au fond, d'une révolution chrétienne, d'une mise en question de la réalité du monde. Au fond, c'est ça qui est nouveau. Et donc James Cone, par son attachement au Christ, au Christ, disons, non pas blanc, gentil, gentillet, etc., mais au Christ révolutionnaire, c'est cet attachement au Christ qui m'a beaucoup aidé et qui m'est resté tout au long de mes années. Au fond, il reprenait Barthes, mais dans un autre contexte.

  • Speaker #0

    Vous me tendez la flèche pour la question suivante. Vous enseignez aux États-Unis le contexte de la théologie européenne, c'est juste ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire la philosophie européenne, on m'avait demandé ça. Qu'est-ce que... C'était Kant, Hegel, Feuerbach, Marx.

  • Speaker #0

    Mais c'est quoi tu or ? Ça parlait aux Américains ?

  • Speaker #1

    Oh, à fond, à l'époque ! C'était l'époque justement où j'avais des étudiants anti-Vietnam, anti-guerre... contestataire parce que la contestation en Amérique avait commencé depuis longtemps et donc dans les années 70 c'était encore cette effervescence et moi j'avais comme ça tout à fait mais c'est bien qu'il connaît s'était emballé par feuillard barres marx est ce que je raconte il connaissait pas ses penseurs peu peu non c'est pas non c'est que moi j'avais davantage entre guillemets d'être européen et donc faut bien vous dire je J'apprenais l'anglais, enfin à peine, j'avais de la peine, mais pour Hegel par exemple, j'avais les trois versions. J'avais le français pour m'aider, la phénoménologie de l'esprit, l'allemand et l'anglais. J'avais trois versions et j'avais les trois bouquins devant moi quand je leur parlais. Donc ça c'était nouveau, parce qu'aucun prof ne parlait allemand. Vous avez les sources en langue allemande que j'avais. Enfin, je veux dire, aucun jeune prof de l'époque avait cette capacité linguistique. Et puis, surtout que j'étais un Européen, donc il m'aidait dans mon anglais. C'était comme une prédication où les Noirs aident le prédicateur et ils demandent au public, Aidez-moi, je ne me rappelle plus ce mot, etc. dans les types de... de la communauté lui répondre, elle aide. Et donc je faisais ça.

  • Speaker #0

    Donc ça faisait sens d'enseigner aux États-Unis. C'était pas un contresens.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Pourquoi ça faisait pas de sens ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on peut imaginer que la vérité, on la trouve là où on est, on n'a pas besoin d'avoir des outils qui viennent d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'est pas du tout mon genre. En fait, de croire que la vérité, elle est ici, en Suisse romande. Non.

  • Speaker #0

    Encore peut-être un ou deux sujets.

  • Speaker #1

    Je suis curieux, je suis curieux.

  • Speaker #0

    Alors, précisément, vous êtes curieux, aux Etats-Unis, vous êtes sorti de la faculté, vous êtes allé vous promener, j'imagine aussi, un peu, c'était possible. Oui,

  • Speaker #1

    un peu.

  • Speaker #0

    Quel souvenir vous avez de ces communautés noires et blanches aussi, après tout, vous les avez peut-être rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Pour les communautés noires, c'était très impressionnant, parce que le séminaire où j'enseignais, Union Theological Seminarist, tout près de Harlem, à quelques blocs près, quelques rues près. Et donc j'allais souvent le dimanche à l'église, ma femme et d'autres, les copains. On n'allait jamais seul à Harlem, il fallait... Un noir venait avec nous. Et voilà, alors dans ce comité c'était fou, délire absolu, mais régulier, un délire, une transe collective régulée, c'est-à-dire dirigée, accompagnée par le pasteur ou les pasteurs. J'ai vu de mes yeux vus et entendu de mes oreilles des prédicateurs que le prédicateur principal... le pasteur principal devait arrêter. Au bout d'un moment, le type s'excitait tellement, il était en trance, et je lui disais Now you're okay, we understand what you said Vous voyez, il freinait. Tandis qu'ici, on ne freine pas les prédicateurs. On dort debout. Alors,

  • Speaker #0

    il faut parler d'ici, on va y arriver. Vous rentrez des États-Unis, c'est un peu une deuxième partie de votre vie.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais dire, surtout, c'est que les États-Unis, les bons souvenirs que nous avons, avec mon épouse aussi et nos enfants, c'est qu'on a eu de très belles amitiés. À part James Cone, il y en a eu d'autres. Ces amitiés sont restées presque jusqu'à aujourd'hui. C'est-à-dire, l'Amérique, du moins à l'époque universitaire... Elle était très sympa, très sympathique, très fraternelle. C'était pas du tout l'Europe pour ça. C'était une autre atmosphère.

  • Speaker #0

    Alors peut-être un mot sur les églises blanches, parce qu'on a parlé des églises noires. Vous êtes aussi allé dans des paroisses blanches ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Rien de spécial à dire, disons. C'était business as usual. Alors vous... J'ai été de temps en temps, oui, oui. Le séminaire était situé tout près de Riverside Church, une grande église de style gothique dans les années 30, construite par Rockefeller. Et donc, dans cette Riverside Church, il y avait des prédicateurs très importants, qui étaient fantastiques. Oui, oui, non, j'y étais souvent. C'était à deux pas, où nous étions. Alors, USA et Union c'est un peu la même chose. C'est un peu dans le même quartier.

  • Speaker #0

    Quand, fort de tout ce que vous avez capté, compris aux États-Unis, vous rentrez en Suisse, au fond, vous êtes vu comment en rentrant en Suisse ? Vous vous êtes vu comme quelqu'un qui est devenu un gauchiste révolutionnaire plus radical ou un intellectuel qui connaît la théologie noire ? C'est quoi votre pédigré quand vous rentrez à Genève ?

  • Speaker #1

    C'était plutôt pasteur, là. C'était plutôt pasteur. C'était plutôt... Enfin, j'en sais rien, il faut demander aux gens. C'était plutôt... Comment dire ? Classique, quoi.

  • Speaker #0

    Et vous retrouvez, alors, vous retrouvez une cité et une ville que vous connaissez, mais dans un moment historique qui est quand même intéressant, c'est un moment de l'écuménisme, c'est un moment des... On va parler des centres de rencontres. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période quand vous rentrez ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne comprends pas très bien.

  • Speaker #0

    Comment était la société jaunoise comparée à celle que vous aviez ?

  • Speaker #1

    Alors moi j'étais très proche des milieux écuméniques, aussi à cause de Cartigny, à cause du centre de rencontre dont je m'occupais. Et dans le centre de rencontre, il y a eu des sessions très nombreuses du conseil écuménique des églises. Et là, je recevais aussi les gens, nous recevions les gens chez moi, chez nous. Et donc voilà, j'ai beaucoup connu les gens du conseil écuménique là. Mon expérience était étrange parce que à la fois c'était la connaissance des amis du conseil et aussi l'entrée en réalité d'un monde campagnard. Cartigny c'est quand même la campagne genevoise, c'est très peu connu, mais Genève a une assez grande campagne avec une mentalité très spécifique. Et là j'ai fait la connaissance de paysans, d'agriculteurs très sympathiques. mais qui me regardaient un peu comme une bête curieuse, enfin. Et certains d'entre eux, je pense, trouvaient que leur pasteur était un peu... On m'a dit d'ailleurs, vous, vous êtes un pasteur un peu spécial. Voilà. Donc il y avait les deux choses. Il y avait l'internationalité avec le conseil et le monde campagnard, rural, je le vois, assez intéressant à connaître.

  • Speaker #0

    Mais dans les deux cas, un monde conséquent, vivant, avec des projets, avec des échanges. Par rapport à aujourd'hui, cette réalité-là, c'est quand même beaucoup affaibli.

  • Speaker #1

    Oui, alors le Conseil, c'était l'aventure, c'était quand même formidable. Moi, j'ai participé à l'organisation d'un congrès sur Bonnefer au Conseil. C'était fantastique, avec Conrad Reiser et tout ça à l'époque. Voilà ! Il y avait un lien, en effet, entre Cartini et eux, d'une certaine manière. Par exemple,

  • Speaker #0

    quelle espérance vous nourrissait à cette époque ? Quelle utopie, j'allais dire, puisqu'on a commencé.

  • Speaker #1

    C'était quoi l'utopie de cette année ? La réunion des églises. La réunion des églises. Ça, c'était clair. Surtout à Genève, avec le dialogue avec le catholicisme. D'ailleurs, c'est cette époque où nous avons, avec quelques amis... Fonder l'atelier écuménique de théologie sur une idée d'Éric Fuchs, Marc Fessler, Jean-Bernard Liviau et d'autres.

  • Speaker #0

    C'était la conviction qu'au fond, on allait bientôt fusionner ?

  • Speaker #1

    Oui, je peux le dire. C'était un peu une autre utopie, je crois. Comment dire ? C'est difficile de reconstruire ça, tellement... Dingue, enfin, tellement utopique, justement. Mais on croyait quand même, en tout cas que les divisions s'estomperaient. Ça, on le croyait.

  • Speaker #0

    Quand vous dites oh, vous étiez une petite équipe de théologiens catholiques et protestants visionnaires ou bien, au fond, la population aspirait aussi à cette...

  • Speaker #1

    Je crois que la population aspirait aussi, surtout les catholiques. Les catholiques faisaient la... Nous faisions la connaissance des catholiques d'une façon très intime. Puisque c'est devenu finalement paroissien, enfin c'est personne qui fréquentait la hauté, qui fréquentait nos cours, etc. Et voilà, c'était la connaissance des catholiques, pas seulement du catholicisme, mais des catholiques comme personne. Et eux étaient contents parce qu'ils faisaient la connaissance de la Bible. La Bible, à l'époque, c'était très connu. Les gens ne parlaient pas de ça. Et donc là, nous avons, nous les protestants, joué un certain rôle, je crois, pour la prise en compte de la Bible dans le catholicisme. En gros, parce qu'il y avait déjà des prêtres très calés autour de nous et avec nous.

  • Speaker #0

    Et comment ça s'est passé, la création de la O.T. ? Ça s'est fait facilement ou vous avez rencontré des résistances ?

  • Speaker #1

    Ça, il faudrait demander à Fuchs, plutôt à Éric Fuchs, mon ami de Genève, qui a... J'ai eu l'idée de cela avec Jean-Bernard Liviau, c'était au fond le CPE à Genève.

  • Speaker #0

    Le Centre Protestant d'Études ?

  • Speaker #1

    Voilà, qui a fondé ça avec quelques amis de Choisir à l'époque, qui avait Choisir, la revue qui malheureusement s'éteint maintenant. Alors c'était les deux équipes, le CPE et Choisir, qui ont fondé l'AOT, qui ont eu cette idée.

  • Speaker #0

    Quels souvenirs vous avez de l'AOT, de telle session ou telle personne ?

  • Speaker #1

    Magnifiques souvenirs. Formidable. Ah oui. Nous avions des cours, et ces cours étaient très vivants. Nous les menions, nous les donnions à deux, toujours, hommes et femmes, catholiques, protestants et quelquefois orthodoxes, parce que bientôt on se joindra, enfin des orthodoxes se joindront à nous. Voilà, les cours étaient très vivants, justement à plusieurs voix. Pour étudier un thème, par exemple, il y avait... L'historia, par exemple, protestant, et l'historien catholique, ou l'exégète protestant, l'exégète catholique, c'était très stimulant.

  • Speaker #0

    Quel fruit ça a laissé, selon vous ? Ça fait maintenant longtemps que ça...

  • Speaker #1

    J'ajoute, oui, j'ajoute encore, Michel, que la haute, ce n'était pas seulement les cours, c'était aussi le dialogue interpersonnel, ou personnel, avec les gens. Nous étions les conseillers de tel ou tel étudiant, de tel ou tel participant. comme enseignants, donc nous n'étions pas seulement des enseignants, nous étions aussi des pasteurs et des prêtres, nous occupant des personnes, des participants. Donc moi je garde aussi un très beau souvenir de ces entretiens. Et puis il y avait les groupes, les groupes étaient beaucoup plus interpersonnels, vivants. Il y avait trois piliers, en tout cas dans mon souvenir, les cours, les groupes et l'entretien personnel.

  • Speaker #0

    Peut-être un mot sur votre engagement dans le Conseil Ecuménique, vous l'avez mentionné plusieurs fois. Est-ce que vous vous souvenez de telle ou telle session ou assemblée à laquelle vous avez participé, ou contributions que vous avez pu apporter au fond à cette utopie écuménique ?

  • Speaker #1

    Alors je me rappelle d'une réunion à Accra, où d'ailleurs, je n'ai pas rencontré Jim Cohn, mais je pensais souvent à lui. À Accra, à l'époque, Lucas Fischer, c'était Face & Order. foi et constitution et là j'ai participé à un congrès très intéressant. Là je me rappelle très bien c'était l'Afrique cette fois, ce n'était pas l'Amérique noire mais c'était l'Afrique. Ça m'a beaucoup impressionné. Par exemple j'ai fait ça, j'ai fait aussi d'autres choses avec le conseil, on est allé une fois aussi pour une autre session à laquelle je participais, je participais en Allemagne de l'Est à Helmhut, Helmhut qui est le cœur. de l'église Morave, avec les fameuses Loosungen, les textes bibliques de chaque jour, c'est très connu. Et il m'en fait prêcher une fois dans une église, dans une paroisse, toute simple, dans la campagne près de Herneut. Alors j'ai prêché, et j'ai évidemment, comme prophète, dit beaucoup de mal de la société de... Consumerisme comment est-ce qu'on dit ? Consumerisme C'est consommation de l'Ouest. Et alors après cette prédication anti-consommation de l'Ouest, le pasteur a dit quelques mots, il faut remercier, et puis il a ajouté ce que le pasteur Mottu a dit de l'Europe de l'Ouest et de sa surconsommation est très intéressant, mais nous aimerions bien le constater par nous-mêmes.

  • Speaker #0

    C'est très joli ça ! C'était une manière de dire qu'il voulait pouvoir y avoir accès aussi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Bon, c'était avant la chute du mur, évidemment. Comment vous avez vécu la chute du mur, vous qui connaissiez ces deux Allemagnes ?

  • Speaker #1

    L'étonnement, la stupéfaction, surtout sans une guerre, sans une... Sans une effusion de sang, sans bagarre, sans guerre, ça s'est fait un peu miraculeusement cette histoire. Ominum confusionne dei providencia comme on dit, c'est-à-dire, c'était quand même un chien. Et micmac, les problèmes de communication à Berlin-Est, etc. Bref, ça s'est passé d'une manière telle que les autorités, Et de l'Est et de l'Ouest étaient complètement stupéfaites, ils ne savaient pas ce qui se passait, c'était fou.

  • Speaker #0

    J'aimerais qu'on mentionne encore autre chose en Imotus, c'est votre attachement à la pensée prophétique ou au prophétisme, parce que ça est un peu un fil rouge de toute votre carrière. Est-ce que vous pouvez dérouler rapidement les points d'attache de cet intérêt au prophétisme ? C'est parti quand ? Et puis ça aboutit...

  • Speaker #1

    C'est difficile de vous répondre comme ça.

  • Speaker #0

    Jérémie.

  • Speaker #1

    Oui, alors voilà, c'est la lecture des prophètes de l'Ancien Testament, qui m'a beaucoup inspiré. Jérémie, je me suis intéressé à ce prophète parce qu'il y a les confessions de Jérémie, c'est-à-dire dans les textes d'août, les textes où il dit... J'en ai assez, pourquoi justement devoir prêcher le jugement contre Israël et tout ça ? Il dit ses doutes, il dit sa fatigue, et il souhaite même de mourir. Ce sont des textes très personnels, à l'intérieur même du livre canonique de Jérémie, que j'avais beaucoup étudié en son temps.

  • Speaker #0

    Et bien après, vous avez pu, au fond, développer une carrière académique. Ça, c'est votre dernier grand chapitre, c'est la faculté, votre travail en théologie pratique.

  • Speaker #1

    Oui, alors toujours le prophétisme, je reviens, c'est-à-dire, ça c'est Jérémie, le début, les prophètes de l'Ancien Testament. Et puis, c'est toujours ces figures prophétiques, entre guillemets, qui m'ont accompagné toute ma vie, Martin Luther King. D. X. Bonnefer et quelques autres. Et c'est ça.

  • Speaker #0

    Voilà, les fois d'accroche.

  • Speaker #1

    Le fil. Le fil. Et maintenant, je m'occupe de l'apocalypse à la fin de mes jours. Et c'est justement pour finir un peu cette veine, au fond utopique, cette veine à la fois du jugement de la société et d'espérance d'un monde.

  • Speaker #0

    Vous avez pu la... La poursuivre dans votre carrière de professeur théologie pratique aussi ?

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais moins, parce que là je devais m'occuper d'un enseignement qui n'était pas familier, qui ne m'était pas familier, c'était plutôt l'enseignement sur ce que c'est l'Église, ce que c'est que le mouvement écuménique justement, ce que c'est qu'un entretien pastoral, ce que c'est qu'une prédication, etc. Je me suis occupé de ça.

  • Speaker #0

    Vous vous souvenez de la faculté quand vous l'avez retrouvée ? Quel sentiment vous aviez venant de la paroisse, puis ayant des souvenirs ?

  • Speaker #1

    Tout différent, c'était tout différent. J'avais connu une faculté comme assistant du professeur de Snarclan, à l'époque 68-69. Là j'avais beaucoup milité, beaucoup aimé, j'avais participé à la grève des étudiants, etc. Grève devant laquelle d'ailleurs Jacques de Starclan avait des réactions assez marrantes, c'est-à-dire tout à coup il a dit devant l'ensemble des étudiants Nous ne sommes quand même pas une bande de boyscoots ! Donc voilà, ça c'était un peu la faculté de l'époque, contestataire pour les étudiants, assez inquiète disons de ce qui se passait du côté des profs, avec des profs quand même très classiques. Et puis alors quand je suis revenu, justement, dans les années quand j'étais prof en 88-89, dans ces années-là, ça avait complètement changé. Dans un monde autre, différent. Il y avait des jeunes profs que moi je n'avais pas connus, il y en avait quelques-uns que j'avais connus.

  • Speaker #0

    C'était plus un lieu d'utopie ?

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    C'était quoi ? Un lieu de gestion ?

  • Speaker #1

    Un lieu de réflexion polémique ? De polémique interne ? De difficulté ? J'ai été doyen deux ans, ça m'a suffi. Vice-doyen pendant deux ans aussi, donc j'ai fait quatre ans au Dakana. Merci beaucoup. Non, non, c'était... J'ai pas du tout aimé ces polémiques, ces difficultés. Surtout pour la nomination des collègues et tout ça.

  • Speaker #0

    Mais vous avez aimé enseigner ?

  • Speaker #1

    J'aimais beaucoup enseigner. J'ai beaucoup aimé enseigner, ici à Lausanne aussi, à Neuchâtel bien sûr, et à Genève. J'ai beaucoup aimé l'enseignement, le contact avec les étudiants. D'ailleurs, à l'époque, j'avais essayé de créer des semaines spéciales, intensives de théologie pratique. J'avais organisé notamment des séances à Bosset, à l'Institut Ecuménique de Bosset à l'époque. des semaines dites homilétiques, où là j'ai fait du bon travail pratique, c'est-à-dire l'initiation à la posture des futurs pasteurs, à leur manière de s'exprimer, à leur diction, à leur contact avec la communauté, etc. Là j'ai fait du travail dont je me souviens, qui était très proche de ce que je devais faire. Ma difficulté, si vous voulez, c'est pas seulement... Ce que je viens de dire. Ma difficulté, le fond, c'était, mais ça c'est bien connu, c'était que la théologie pratique dont je m'occupais, à l'université, elle n'est pas pratique, elle est forcément théorique. Et donc, voilà, j'étais un peu pris dans ce problème d'éducation des futurs pasteurs au niveau pratique. C'est pour ça que je me réjouis que nos églises, maintenant, aient repris. plusieurs institutions qui s'occupent justement après l'université de la pratique pratique, si j'ose dire.

  • Speaker #0

    Henri Mottu a publié il y a quelques mois un ouvrage intitulé Artisans de paix entre pacifisme et résistance Vous y retrouverez ses idées, ses convictions aussi liées à aujourd'hui. C'est publié aux éditions Labor et Fides. Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de mémoire vive. Tous les détails qu'il vous faut, vous pouvez aussi... Nous réécoutez, écoutez les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et Informer.ch. Merci de nous suivre, merci de nous abonner, si le cœur vous en dit. Au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Henry Mottu

    00:38

  • Sa RENCONTRE avec Karl Barth

    01:24

  • “On se MOQUAIT d’Oscar Cullmann”

    06:38

  • Paul Ricœur : une VISION plus large

    07:39

  • Idéologie, Utopie et THÉOLOGIE

    11:29

  • Son OBJECTION DE CONSCIENCE

    14:48

  • “J’ai fait 6 mois de PRISON”

    17:45

  • Ses ÉTUDES en Allemagne

    20:37

  • Les LETTRES de Bonhoeffer

    22:25

  • La théologie NOIRE

    24:42

  • Ce qui a nourri son ENSEIGNEMENT

    29:38

  • L’enseignement de la THÉOLOGIE EUROPÉENNE

    31:10

  • “j’allais souvent dans les ÉGLISES NOIRES”

    33:33

  • Son retour à GENÈVE

    36:40

  • L’utopie de la RÉUNION des églises

    39:30

  • “les gens ne parlaient PAS de la Bible”

    40:33

  • Nous donnions des cours ENTRE catholiques ET protestants

    42:11

  • La chute du MUR DE BERLIN

    45:45

  • Son intérêt pour le PROPHÉTISME

    47:07

  • Mots de FIN

    52:52

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s'entretient avec Henry Mottu, professeur de théologie à la retraite, qui partage ses réflexions sur la théologie noire, la théologie de la résistance, et ses rencontres marquantes avec des figures influentes telles que Karl Barth et James Cone. Henry Mottu nous raconte son parcours entre la Suisse et les États-Unis, où il découvre des mouvements théologiques engagés, et évoque son engagement pour l’œcuménisme et la paix, ainsi que son expérience d'objecteur de conscience. Un témoignage inspirant sur la foi et le militantisme.


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Transcription

  • Speaker #0

    C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit mais c'est quoi ? C'est une théologie, mais ils sont fous ! Alors c'était la première fois qu'on a eu conscience d'un contexte quand même. Parce que Jim ne cessait de dire mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie, c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie ! de Jésus ou du Christ. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Henri Mottu est professeur de théologie pratique à la retraite. Il a commencé ses études avec l'un des tout grands de la théologie,

  • Speaker #0

    résistant au nazisme,

  • Speaker #1

    Karl Barthes, c'était un bal. Ensuite à Genève, il devient objecteur de conscience. Il quitte ensuite la Suisse pour étudier la théologie noire aux États-Unis dans les années. Importantes que furent les années. Martin Luther King, James Cone. et la guerre au Vietnam.

  • Speaker #0

    Écoutez.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous pour ce moment. J'aimerais qu'on commence par évoquer des grandes figures que vous avez la chance de rencontrer. Je pense à Oscar Kuhlman, Karl Barth. Racontez-nous, au fond, ils étaient comment ces personnages ? C'était des personnages ou des gens accessibles ?

  • Speaker #0

    Non, non, des gens très accessibles. Enfin, très accessibles, c'était quand même des personnages accessibles, si vous voulez. Mais pour Barth, en tout cas, j'ai eu la chance de participer au... colloques français qui avaient lieu chez lui, parce que j'ai fait mes études à Bâle, justement à cause de Barthes. Et on allait chez lui et on parlait, enfin on commentait commentait la dogmatique de Barthes et après une fois qu'on avait fait notre petit résumé, notre petit speech, Barthes parlait du passé, de la guerre, de l'église confessante, de Barmen, etc. Là, c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous vous sentiez face au maître ? Parce que tout de même, c'est un monument. Vous vous sentiez en capacité de lui poser des questions,

  • Speaker #0

    de le challenger un peu ? Oui, pour lui poser des questions. À l'époque, j'ai tout écrit. C'est comme avec Luther, qui avait des étudiants chez lui aussi, vers la fin. J'écrivais tout. Et donc, j'ai les propos de table de Barthes, au fond, littéralement. Et donc j'ai tout un classeur à la maison, je ne sais pas très bien ce que j'en ferais, mais nous étions quand même très en confiance avec lui, mais simplement, c'était un grand type, donc on ne pouvait pas non plus dire n'importe quoi. Le colloque français était plus personnel ou interpersonnel, on était une dizaine de gens, ou même moins, huit, autour de la table. Chez lui, donc, c'était plus intime, personnel. Mais je participais aussi comme étudiant à son séminaire. Et là, son séminaire avec les Allemands et tout ça, c'était très intimidant, son séminaire. Parce qu'on était quatre personnes, quatre étudiants choisis, enfin choisis, qui devaient passer au Moulinet. Et alors nous parlions, nous vions commenter le texte que nous examinions. Et ça, c'était très impressionnant. Et une fois, on parlait de Calvin et de sa doctrine de la création, non, c'était la doctrine de l'écriture, sur l'écriture, chez Calvin, et ça c'était le thème. Et puis après la séance, je crevais de peur, etc. J'étais là avec mon bouquin, c'était en latin, on lisait l'institution en latin. En latin ? Oui, ça c'est l'habitude des églises, des universités allemandes. Ça, c'est l'ancienne école en latin. C'était tout à fait compréhensible, disons. Mais on avait quand même l'allemand et le français à côté. À la fin, il me prend et il me dit, Monsieur Mathieu, venez, j'ai quelque chose à vous dire sur Calvins. Est-ce que vous auriez voulu vivre à Genève du temps de Calvins ?

  • Speaker #1

    Il avait un sens de l'humour et il parlait français.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Avec cet accent que j'imite.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il représentait pour votre génération ? S'il fallait le résumer, il représentait quoi Karl Barth ?

  • Speaker #0

    Le courage, le courage théologique de tenir tête à la dictature, de tenir tête à Hitler. Ça c'est ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il représentait déjà une forme d'orthodoxie parce qu'il a écrit une œuvre tellement importante, qui a suscité tellement de fidèles derrière ?

  • Speaker #0

    Oui, mais l'homme d'orthodoxie, je ne l'aime pas beaucoup. D'ailleurs, il ne devait pas l'aimer non plus beaucoup. Il s'est toujours voulu, au fond, un enfant terrible, comme on dit dans une expression allemande. Enfant terrible. La dogmatique, c'est pas dogmatique au sens français péjoratif. C'est pas tellement une orthodoxie, moi j'ai jamais cru. Beaucoup de gens ont cru qu'il était orthodoxe, qu'il voulait restaurer les guises anciennes, les dogmes anciens, etc. C'est pas du tout ça. C'est pas du tout ça. C'était un grand... Un grand herméneut, comme on dit, c'est-à-dire un grand explicateur, au sens profond du mot, un présentateur de la doctrine chrétienne classique. Barthes est un classique, mais un moderne en même temps, parce qu'il avait ses mots et il a reconstruit toute la théologie. Mais c'est un reconstructeur, ce n'est pas un...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il vous a laissé ? avec du recul, dans votre vie de théologien, de m'engager ?

  • Speaker #0

    Tout ? Que dois-je vous dire ? L'attention à la confession de foi, ce qui n'est pas du tout la mode maintenant. En personne, on entend parler de ça, la confession de foi, parce qu'il avait écrit une confession célèbre contre les Deutsch-Christen à l'époque, dans les années 30, et ça s'appelle la... Confession de foi de Barmen, parce que c'était un endroit en Allemagne, un quartier. La confession de foi, la prédication, la centralité de la prédication, au fond la centralité de la parole de Dieu.

  • Speaker #1

    Alors, Barle c'était aussi Oskar Kuhlmann.

  • Speaker #0

    Oskar Kuhlmann alors c'est moins, il était moins flamboyant, c'était vraiment le prof, l'exégète. Il était très gentil, très sympa. Il parlait très bien français puisqu'il était strasbourgeois. C'est un strasbourgeois exilé à Bâle, au fond. On lui rendra justice, je crois. On était très moqueurs comme étudiants. On rigolait tout le temps, on se moquait de lui. Parce qu'il n'avait pas... Il était cinémataire, très sérieux, etc. Un marthe, c'était drôle. Mais Kuhlmann, je crois qu'on lui rendra justice. Je garde quand même un souvenir de lui, une marque. C'est l'écuménisme. L'écuménisme, ça, ça m'a beaucoup pressionné.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on évoque d'autres figures que vous avez rencontrées, des grandes figures. Parce qu'avec ce qu'on évoque là, on est dans les grandes figures. Un mot ou deux sur Paul Ricoeur. Vous avez de la chance aussi de rencontrer Paul Ricoeur.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui signifie pour vous, comment était cette rencontre et comment étaient ces cours ?

  • Speaker #0

    Alors, les cours, moi je ne les ai pas tellement entendus, parce que c'était à Nanterre, c'était en philo, je ne les ai pas tellement suivis. Mais alors j'ai suivi son séminaire, qui était à l'époque, dans les années 65, comme ça, qui était, comment dire, très modeste à la Faculté de Théologie de Paris. au boulevard Arago, et il n'avait que quelques étudiants devant lui, parce qu'il était snobé par toute l'intelligentsia parisienne à l'époque, parce qu'il avait écrit un livre sur Freud, qui était un livre très nuancé, et pas seulement relatif, et qui était quand même sur l'herménotique, enfin sur, de nouveau, l'interprétation des textes. C'était un livre très positif sur Freud. Il récupérait, dira-t-on, la religion par ce bout-là. Au fond, il était détesté par ses collègues parisiens. Donc, il a beaucoup souffert, à mon avis, de ça. Il était dans ce séminaire tout seul, avec nous, quelques-uns. Nous examinions les textes de Bultmann, de Ebling, c'était l'entrée en scène de l'herméneutique, c'est-à-dire de l'interprétation intelligente des textes.

  • Speaker #1

    On est quelques années avant mai 68, ça bouillonne déjà à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Oui, dans un certain sens, oui, oui, oui. À ce moment-là, il était à la pointe de... Du combat, si on peut le dire, parce qu'il avait écrit dans Le Monde des articles très célèbres. Ça, on était déjà au début de 68, des articles sur la réforme de l'université, dont il s'était beaucoup préoccupé. Mais moi, ce séminaire dont je parle à Arago, c'était un peu avant.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a joué pour vous aussi, comme Barthes ? Est-ce qu'il vous a légué quelque chose qui vous a permis de vivre, de vous aiguiller dans le reste de votre existence ?

  • Speaker #0

    L'interprétation des textes. principalement avec l'idée fondamentale pour moi que le texte biblique notamment nous ouvre sur un monde et parler du monde du texte ça ça m'est resté fantastique cette expression le texte ouvre sur un monde et c'est nous qui le rabougrissons tout le temps qui en font des versets nanana etc un peu piétistes sur les morts religieux lui dépassaient Il m'a donné une vision beaucoup plus large, philosophique entre guillemets, beaucoup plus large de la tradition chrétienne. C'était un grand monsieur. Il était dans un sens encore plus distant que Barthes et Kuhlman. Je l'ai moins connu comme homme personnellement. Je l'ai connu comme prof. C'était un grand professeur.

  • Speaker #1

    Il avait déjà une grande aura à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Ah oui. Mais après, l'aura est devenue encore plus après son époque américaine, celle de Chicago, où alors il deviendra vraiment très connu et très apprécié. Une fois que la vague contestataire, je suis passé en quelque sorte. Maintenant, il est plutôt un grand monsieur que tout le monde respecte.

  • Speaker #1

    Alors, dans les objets que vous avez amenés en rémotive, il y en a un... qui relève de cette période, si je vois bien, c'est 1969, on n'est pas très loin. Vous nous en dites, c'est symbolique évidemment, mais c'est dactylographié, c'est tout un monde.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ça s'en doute. À l'époque, c'était ça la modernité. Maintenant, c'est plus comme ça. Je ne m'en souviens pas très bien, mais c'est un de mes premiers textes personnels en théologie. On sortait de 68 effectivement. Il y a trois termes que j'examine, idéologie, utopie et théologie. Alors l'idéologie, dans mon vocabulaire de l'époque, c'était l'ère du soupçon, Freud, Marx. Voilà, c'était la critique, la critique biblique sans reste. Alors l'idéologie, c'était une idéologie chrétienne où... Christiano-catechétique comme on disait à l'époque, je ne me rappelle plus très bien même les mots, c'était très négatif, le côté négatif de l'idéologie. Quant à l'utopie, c'était le côté positif. C'était la description d'un monde autre que le nôtre. C'était une apologie de l'utopie, dont on reparle d'ailleurs maintenant. Et puis théologie, la théologie devait se glisser là-dedans comme un troisième terme.

  • Speaker #1

    Au fond, ça a l'air très militant quand on entend parler. C'était une période très militante. Au fond, ce qu'on faisait, on le faisait par conviction, par recherche d'absolu.

  • Speaker #0

    Oui, enfin, par utopie, par utopisme. On était complètement utopique. On croyait en une nouvelle société possible, sans les classes sociales, qui n'est plus de riches et de pauvres. On croyait vraiment dur comme fer. On croyait que la révolution allait intervenir, je me souviens très bien. J'ai discuté avec un copain chez le Rondolte à l'époque, à Luni, à Genève. Je lui ai dit, demain c'est la révolution. Et puis il m'a dit, mais tu me fais...

  • Speaker #1

    Mais cette conviction que ce sera la révolution, elle venait de vous, de votre foi personnelle, des réseaux que vous fréquentiez, de l'ère du temps ?

  • Speaker #0

    De l'ère du temps. C'est un peu distingant. On défilait dans les rues, je me souviens. On faisait grève.

  • Speaker #1

    C'était dur ?

  • Speaker #0

    Assez, oui. Assez. Quelquefois, ça pouvait être assez dur. Je me souviens d'un étudiant qui était d'extrême-gauche. On avait des discussions, bien sûr. Il disait justement que je voulais ou j'avais été objecteur de conscience, que j'avais été à l'époque. J'ai été objecteur en 61, alors je lui disais oui, moi j'ai été objecteur, j'ai été aussi un contestataire, et puis lui il me répond oui, mais j'ai quand même... J'ai fait mon service militaire, j'ai une arme, ça peut toujours être utile. Je me souviens, c'était quand même un peu, vous voyez, pas de la rigolade complètement.

  • Speaker #1

    Alors vous avez parlé de votre objection de conscience, on va y venir parce que c'est quand même un chapitre très important. On a de la peine aujourd'hui en 2023 à s'imaginer qu'il fallait faire de la prison quand on était objecteur de conscience. Racontez-nous le contexte dans lequel... Ça s'est passé.

  • Speaker #0

    Alors, la Suisse était à l'époque horrible, c'était très anticommuniste d'abord, c'est ce qu'il faut dire. C'était très autoritaire, l'armée avait pignon sur rue, on pouvait faire des défilés de l'armée à Genève sans autre. C'est une époque donc complètement anticommuniste et déjà Barthes à l'époque à Bâle... Il disait que si vraiment l'armée suisse se dotait d'armes nucléaires, il fallait être objecteur. Déjà, Barthes disait ça à Barthes. Alors, ce projet d'équiper l'armée d'armes nucléaires, ce n'est pas concrétisé, heureusement. Mais c'est dans cette atmosphère aussi, j'avais compris Barthes un peu comme le contestataire par excellence. En quoi d'ailleurs... C'était pas tout à fait exact. J'étais un bartien de gauche, un vieux bartien de gauche, comme disaient mes étudiants récemment. Et donc, c'était vraiment l'époque où on disait l'armée, c'est nul, c'est contre le christianisme. Et alors, j'ai eu ces idées, peu à peu, aussi par l'Allemagne, parce que j'étais... J'ai... En 1958, avant mes études de théologie, j'étais en Allemagne pour parfaire mon allemand. Et là, j'ai vécu quelques semaines chez un pasteur de l'église confessante de l'époque, dans le Palatina, et il me montrait les brochures de l'époque, tout le combat de l'église confessante allemande des années 30. Et au fond, je baignais là-dedans. Et les Allemands, les mythes, disons, théologiques, étaient pacifistes, c'est-à-dire qu'ils en avaient. La guerre, c'était affreux. Il fallait que l'Allemagne soit neutre. Il ne fallait pas que l'Allemagne se réarme. C'est ça. Ils étaient contre le réarmement allemand. Et donc, moi, j'étais dans cette mouvance. Au fond, c'est ça le contexte, un peu.

  • Speaker #1

    Et puis alors, vous décidez de refuser l'armée. Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    Ben, mal. Ah, bien ? Voilà, j'ai écrit une lettre, bon, etc. J'ai été jugé à Iverdon, pas très loin d'ici. Et en hiverdon, parce qu'il fallait cacher un peu la chose, pour que ça fasse du bruit et des remous, alors on était jugé là-bas, hiverdon. Et voilà, j'ai dû faire six mois de prison.

  • Speaker #1

    C'était comment ?

  • Speaker #0

    Prison ferme. Bah, surtout au début, c'était pas tellement marrant. J'étais dans un monde complètement différent. J'étais aux études. Je ne connaissais pas bien le monde, la réalité. Et là, j'ai rencontré des gens très intéressants, du témoin de Jéhovah au banquier qui avait fait de mauvaises affaires. Vous voyez le genre. Il y avait une bibliothèque à la prison de Saint-Antoine, là où j'étais, à Genève, une très bonne bibliothèque, j'ai lu beaucoup de choses. Et j'ai eu un temps fécond de prise en compte. de la réalité, du réel, des gens. Je n'avais jamais vécu quelque chose comme ça. Et je crois que ça m'a fini bien finalement.

  • Speaker #1

    Il y a un objet qui date de cette époque ? Oui !

  • Speaker #0

    Alors ça c'est la Bible, dans la traduction de Jérusalem. Très bonne traduction, assez littéraire. Et j'ai beaucoup lu, là, à ce moment-là, la littérature digne de sagesse, c'est-à-dire les proverbes, les psaumes beaucoup. et d'autres écrits, l'Ecclésiaste, etc., qu'on appelle maintenant Coëlette. Bref, j'ai beaucoup lu ce genre de textes, et ça m'a accompagné tout le long des mois passés là-bas.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez vu par vos camarades comme objecteur de conscience, et parce que vous étiez un des rares objecteurs de conscience à faire de la prison ?

  • Speaker #0

    Oui. Comment j'étais vu ? Oui,

  • Speaker #1

    par vos amis, vos collègues, le milieu protestant, disons bien pensant genevois.

  • Speaker #0

    Ils disaient chapeau, motu, mais c'est tout. Ils ne s'en occupaient pas. En fait, j'avais cru que je renverserais l'état du monde par ça. En fait, c'était assez égal aux gens. Il n'y a pas eu beaucoup de suite. Simplement, je fais partie de ces gens qui avaient, devant les juges militaires, plaidé pour un service civil, déjà en 1961. Et donc là, j'ai quand même milité pour le service civil et enfin maintenant. Il existe ce service pour les réfractaires.

  • Speaker #1

    Mais vous avez dû quitter la Suisse pour ne pas vous faire coffrer une de ces droits.

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Un appareil invraisemblable.

  • Speaker #0

    Le fonctionnaire du département militaire que j'avais vu à Genève, je me rappelle encore très bien, il me disait Mothu, vous voulez vraiment retourner en tôle tout de suite ? Je lui ai dit Non, si possible, vous partez pour l'étranger, je vous donne un congé et puis vous allez à l'étranger. Et j'ai continué mes études à Göttingen à cause de ça.

  • Speaker #1

    Alors parlons de l'étranger un peu. Il y a l'Allemagne, Göttingen. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période allemande ?

  • Speaker #0

    Assez sombre. Comment dire ? J'étais assez seul quand même à Göttingen. On n'avait pas grand-chose à manger, c'est-à-dire... Non, mais je veux dire, je ne veux pas dire des bêtises, mais on allait à la Mensa pour les étudiants allemands. Il n'y avait pas grand chose à manger, c'était vraiment un peu pic-rac. Et puis j'étais seul, j'ai beaucoup travaillé, j'avais de la peine avec mon Allemand. C'était pas un moment, des semestres, j'ai passé deux semestres si je me rappelle bien à Göttingen. On était près de la frontière avec la RDA, j'ai été visiter cette frontière. On allait au culte local et souvent j'allais dans les paroisses notamment campagnardes. Je me rappelle très bien, devant l'église de la paroisse, j'ai été voir avec mes copains une pierre, un monument devant l'église à la Waffen-SS. Et donc on était quand même encore très là-dedans, dans la guerre.

  • Speaker #1

    Un monument à la Waffen-SS ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui n'avait pas été détruit,

  • Speaker #0

    qui restait là devant l'église.

  • Speaker #1

    Ça vous a permis de comprendre l'âme allemande, cette tension terrible, cet héritage terrible aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, j'aime beaucoup l'allemand, la langue. Je suis très versé dans la littérature et dans la philosophie allemande, ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    J'hésite à parler de Bonhoeffer maintenant ou plus tard, pour le raccrocher, mais c'est trop tôt encore.

  • Speaker #0

    Comme vous voulez.

  • Speaker #1

    Non, peut-être parlons-en maintenant, puisque Bonhoeffer, puisqu'on est en Allemagne, qu'on évoque les années sombres. Vous êtes un spécialiste de Bonhoeffer, Rimo, tu es reconnu. Vous avez traduit ses œuvres. Dites-nous quand et comment vous l'avez rencontré ? Pas la personne, évidemment, mais la pensée.

  • Speaker #0

    Alors, c'est déjà un bal qu'on lisait. Widerstand und Ergebung, Résistance et Soumission, qui est un livre qui est devenu très célèbre. Et à l'époque, c'était... assez peu connus. Et donc, nous lisions ça en allemand, Widerstand der Geheben, et là, les lettres, ce sont des lettres à ses parents, à son ami Eberhard Betke, à quelques autres, et donc, ces lettres m'ont beaucoup influencé, toute ma génération d'ailleurs, toute ma génération. On a pris connaissance, au fond, de la théologie, de la résistance, si je puis dire, par ces lettres. Alors il y avait deux grandes idées dans ces lettres, c'était évidemment la lutte contre l'état injuste, l'état antisémite, c'est déjà l'époque où on prend conscience de l'antisémitisme allemand, mais aussi de l'église, de toutes les églises, pratiquement de toute l'Europe, voilà, c'était ça, pour la défense des juifs. la défense contre l'état tyrannique, et d'autre part, c'était l'idée du christianisme non religieux, c'est-à-dire ce qui allait venir maintenant.

  • Speaker #1

    Il vous a accompagné toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Complètement, oui, complètement. Ça m'a aidé à croire toujours, en dépit de tout ce qu'on voit et de tout ce qu'on sait.

  • Speaker #1

    Et vous, c'est un homme, comment dire, vous en parliez avec vos collègues, avec les étudiants, c'était une source d'inspiration.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup. On découvrait ses lettres. Et donc sa théologie plus tard, etc. Mais on fera ça plus tard. Pour le moment, c'était les lettres.

  • Speaker #1

    Alors passons peut-être de l'autre côté de l'Atlantique. Parce que ça c'était une période pour vous, Henri Mottu, qui est une belle période. Une période qui vous fait briller les yeux,

  • Speaker #0

    je pense. Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Mais dites-nous, dans quelle Amérique vous arrivez ?

  • Speaker #0

    Alors ça c'est encore une histoire. C'était l'époque du Vietnam, de la guerre du Vietnam. avec les grands mouvements pacifistes de l'époque aux États-Unis. Et Union Theological Seminary, où j'ai été invité, était vraiment très engagé contre la guerre du Vietnam. Et donc, d'ailleurs, pour faire le lien avec Bonhoeffer, Bonhoeffer a passé aussi beaucoup de temps comme étudiant, une année en fait, dans les années 30-31,

  • Speaker #1

    à Union. À Union, précisément.

  • Speaker #0

    Donc il y avait un lien, si vous voulez, entre Bonhoeffer, l'Allemagne, la guerre et... Union Theological Seminary. Et voilà, là j'ai eu une très belle époque où j'ai fait la connaissance notamment,

  • Speaker #1

    ah oui,

  • Speaker #0

    alors si je peux vous montrer de James Cone ici, l'homme noir là, qui a été très important pour moi parce que j'ai fraternisé avec lui. Là on me voit faire un discours ou je ne sais pas quoi, et là on voit ma femme Liliane avec laquelle nous sommes mariés encore aujourd'hui. Nous allons fêter nos 60 ans de mariage. Et voilà, et alors James Cone a joué un grand rôle pour moi, c'est-à-dire que c'était vraiment, c'est devenu un ami intime. Donc, James Cone, sur le contenu, était pour la théologie noire. C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit, mais c'est quoi ça ? Il n'y a qu'une théologie, enfin ils sont fous. Alors c'était la première fois que je prenais conscience d'un contexte quand même. Et alors ça m'a fait prendre conscience aussi de mon propre contexte. Parce que Jim ne cessait de dire, mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie de Jésus ou du Christ. Alors la Black Theology c'est lui qui m'a initié à cette théologie. Théologie très spéciale, une théologie finalement de la protestation contre la justice et contre, à l'époque, la ségrégation.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'à ce moment-là, les idées ne passaient pas si facilement l'océan Atlantique ? Si vous arrivez ne connaissant rien à ça ?

  • Speaker #0

    Ah ben complètement, c'était complètement nouveau. Ah oui, personne ne parlait de ça.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce que ça change ?

  • Speaker #0

    Ah on était complètement... On tombait de la nue, on est nus.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça va changer pour vous ces deux années aux États-Unis, avec la théologie noire, enfin bouillonnement d'idées, ça va renforcer le côté protestataire chez vous, le côté prophétique sans doute ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, ça va renforcer ce pôle-là. Et ça va quand même m'ébranler aussi dans un premier temps, m'ébranler dans le sens que James... et d'autres, avec lui, les Noirs attaquaient quand même l'église institutionnelle, l'église blanche, ou ségrégée, ou dans laquelle les Noirs n'étaient pas les bienvenus. Enfin, vous voyez, les États-Unis, c'est toute une histoire encore de racisme, de ségrégation. C'était presque la première fois qu'on nommait des profs, des professeurs noirs. Dans les universités américaines, sauf erreur, la nomination de James Cone date de 69-70. Moi je suis arrivé en 70 et c'était la première fois qu'on le nommait noir, prof. À ma connaissance, il y en avait quelques-uns, mais lui a fait le... La brèche, en parlant de théologie.

  • Speaker #1

    Quand on perçoit ces gens comme des révolutionnaires, c'est un terme qu'on peut utiliser selon vous ? C'était ça.

  • Speaker #0

    Ah oui, en tout cas pour les États-Unis. Peut-être pas pour tous les contextes, mais dans le contexte états-unien, c'était un révolutionnaire. Ah oui,

  • Speaker #1

    l'assainement. L'assassinat de Martin Luther King, c'est à cette période ?

  • Speaker #0

    C'est juste avant.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est juste avant. En 68, je crois justement. Là, Jim Cohn a été très ébranlé par ça. C'est-à-dire que toute l'Amérique a été sidérée de cet assassinat qui était prévisible depuis longtemps dans la carrière de King. On voit ça arriver. Ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous allez ramener ensuite pour votre carrière de professeur que vous avez au fond puisé là-bas ?

  • Speaker #0

    et qui va orienter votre enseignement ici en Suisse.

  • Speaker #1

    Je crois quand même l'idée qu'il y a un cœur dans l'Écriture, dans les Écritures saintes, et le cœur pour nous, chrétiens, c'est Jésus. Et Jim Cohn va toujours citer les paroles de Jésus dans Luc 4, citant d'ailleurs Esaïe, que Je suis, moi, le Messie, arrivé dans le monde pour... Libérer les prisonniers, donner à manger aux affamés, visiter les malades, etc. C'était verser cette idée, au fond, d'une révolution chrétienne, d'une mise en question de la réalité du monde. Au fond, c'est ça qui est nouveau. Et donc James Cone, par son attachement au Christ, au Christ, disons, non pas blanc, gentil, gentillet, etc., mais au Christ révolutionnaire, c'est cet attachement au Christ qui m'a beaucoup aidé et qui m'est resté tout au long de mes années. Au fond, il reprenait Barthes, mais dans un autre contexte.

  • Speaker #0

    Vous me tendez la flèche pour la question suivante. Vous enseignez aux États-Unis le contexte de la théologie européenne, c'est juste ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire la philosophie européenne, on m'avait demandé ça. Qu'est-ce que... C'était Kant, Hegel, Feuerbach, Marx.

  • Speaker #0

    Mais c'est quoi tu or ? Ça parlait aux Américains ?

  • Speaker #1

    Oh, à fond, à l'époque ! C'était l'époque justement où j'avais des étudiants anti-Vietnam, anti-guerre... contestataire parce que la contestation en Amérique avait commencé depuis longtemps et donc dans les années 70 c'était encore cette effervescence et moi j'avais comme ça tout à fait mais c'est bien qu'il connaît s'était emballé par feuillard barres marx est ce que je raconte il connaissait pas ses penseurs peu peu non c'est pas non c'est que moi j'avais davantage entre guillemets d'être européen et donc faut bien vous dire je J'apprenais l'anglais, enfin à peine, j'avais de la peine, mais pour Hegel par exemple, j'avais les trois versions. J'avais le français pour m'aider, la phénoménologie de l'esprit, l'allemand et l'anglais. J'avais trois versions et j'avais les trois bouquins devant moi quand je leur parlais. Donc ça c'était nouveau, parce qu'aucun prof ne parlait allemand. Vous avez les sources en langue allemande que j'avais. Enfin, je veux dire, aucun jeune prof de l'époque avait cette capacité linguistique. Et puis, surtout que j'étais un Européen, donc il m'aidait dans mon anglais. C'était comme une prédication où les Noirs aident le prédicateur et ils demandent au public, Aidez-moi, je ne me rappelle plus ce mot, etc. dans les types de... de la communauté lui répondre, elle aide. Et donc je faisais ça.

  • Speaker #0

    Donc ça faisait sens d'enseigner aux États-Unis. C'était pas un contresens.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Pourquoi ça faisait pas de sens ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on peut imaginer que la vérité, on la trouve là où on est, on n'a pas besoin d'avoir des outils qui viennent d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'est pas du tout mon genre. En fait, de croire que la vérité, elle est ici, en Suisse romande. Non.

  • Speaker #0

    Encore peut-être un ou deux sujets.

  • Speaker #1

    Je suis curieux, je suis curieux.

  • Speaker #0

    Alors, précisément, vous êtes curieux, aux Etats-Unis, vous êtes sorti de la faculté, vous êtes allé vous promener, j'imagine aussi, un peu, c'était possible. Oui,

  • Speaker #1

    un peu.

  • Speaker #0

    Quel souvenir vous avez de ces communautés noires et blanches aussi, après tout, vous les avez peut-être rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Pour les communautés noires, c'était très impressionnant, parce que le séminaire où j'enseignais, Union Theological Seminarist, tout près de Harlem, à quelques blocs près, quelques rues près. Et donc j'allais souvent le dimanche à l'église, ma femme et d'autres, les copains. On n'allait jamais seul à Harlem, il fallait... Un noir venait avec nous. Et voilà, alors dans ce comité c'était fou, délire absolu, mais régulier, un délire, une transe collective régulée, c'est-à-dire dirigée, accompagnée par le pasteur ou les pasteurs. J'ai vu de mes yeux vus et entendu de mes oreilles des prédicateurs que le prédicateur principal... le pasteur principal devait arrêter. Au bout d'un moment, le type s'excitait tellement, il était en trance, et je lui disais Now you're okay, we understand what you said Vous voyez, il freinait. Tandis qu'ici, on ne freine pas les prédicateurs. On dort debout. Alors,

  • Speaker #0

    il faut parler d'ici, on va y arriver. Vous rentrez des États-Unis, c'est un peu une deuxième partie de votre vie.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais dire, surtout, c'est que les États-Unis, les bons souvenirs que nous avons, avec mon épouse aussi et nos enfants, c'est qu'on a eu de très belles amitiés. À part James Cone, il y en a eu d'autres. Ces amitiés sont restées presque jusqu'à aujourd'hui. C'est-à-dire, l'Amérique, du moins à l'époque universitaire... Elle était très sympa, très sympathique, très fraternelle. C'était pas du tout l'Europe pour ça. C'était une autre atmosphère.

  • Speaker #0

    Alors peut-être un mot sur les églises blanches, parce qu'on a parlé des églises noires. Vous êtes aussi allé dans des paroisses blanches ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Rien de spécial à dire, disons. C'était business as usual. Alors vous... J'ai été de temps en temps, oui, oui. Le séminaire était situé tout près de Riverside Church, une grande église de style gothique dans les années 30, construite par Rockefeller. Et donc, dans cette Riverside Church, il y avait des prédicateurs très importants, qui étaient fantastiques. Oui, oui, non, j'y étais souvent. C'était à deux pas, où nous étions. Alors, USA et Union c'est un peu la même chose. C'est un peu dans le même quartier.

  • Speaker #0

    Quand, fort de tout ce que vous avez capté, compris aux États-Unis, vous rentrez en Suisse, au fond, vous êtes vu comment en rentrant en Suisse ? Vous vous êtes vu comme quelqu'un qui est devenu un gauchiste révolutionnaire plus radical ou un intellectuel qui connaît la théologie noire ? C'est quoi votre pédigré quand vous rentrez à Genève ?

  • Speaker #1

    C'était plutôt pasteur, là. C'était plutôt pasteur. C'était plutôt... Enfin, j'en sais rien, il faut demander aux gens. C'était plutôt... Comment dire ? Classique, quoi.

  • Speaker #0

    Et vous retrouvez, alors, vous retrouvez une cité et une ville que vous connaissez, mais dans un moment historique qui est quand même intéressant, c'est un moment de l'écuménisme, c'est un moment des... On va parler des centres de rencontres. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période quand vous rentrez ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne comprends pas très bien.

  • Speaker #0

    Comment était la société jaunoise comparée à celle que vous aviez ?

  • Speaker #1

    Alors moi j'étais très proche des milieux écuméniques, aussi à cause de Cartigny, à cause du centre de rencontre dont je m'occupais. Et dans le centre de rencontre, il y a eu des sessions très nombreuses du conseil écuménique des églises. Et là, je recevais aussi les gens, nous recevions les gens chez moi, chez nous. Et donc voilà, j'ai beaucoup connu les gens du conseil écuménique là. Mon expérience était étrange parce que à la fois c'était la connaissance des amis du conseil et aussi l'entrée en réalité d'un monde campagnard. Cartigny c'est quand même la campagne genevoise, c'est très peu connu, mais Genève a une assez grande campagne avec une mentalité très spécifique. Et là j'ai fait la connaissance de paysans, d'agriculteurs très sympathiques. mais qui me regardaient un peu comme une bête curieuse, enfin. Et certains d'entre eux, je pense, trouvaient que leur pasteur était un peu... On m'a dit d'ailleurs, vous, vous êtes un pasteur un peu spécial. Voilà. Donc il y avait les deux choses. Il y avait l'internationalité avec le conseil et le monde campagnard, rural, je le vois, assez intéressant à connaître.

  • Speaker #0

    Mais dans les deux cas, un monde conséquent, vivant, avec des projets, avec des échanges. Par rapport à aujourd'hui, cette réalité-là, c'est quand même beaucoup affaibli.

  • Speaker #1

    Oui, alors le Conseil, c'était l'aventure, c'était quand même formidable. Moi, j'ai participé à l'organisation d'un congrès sur Bonnefer au Conseil. C'était fantastique, avec Conrad Reiser et tout ça à l'époque. Voilà ! Il y avait un lien, en effet, entre Cartini et eux, d'une certaine manière. Par exemple,

  • Speaker #0

    quelle espérance vous nourrissait à cette époque ? Quelle utopie, j'allais dire, puisqu'on a commencé.

  • Speaker #1

    C'était quoi l'utopie de cette année ? La réunion des églises. La réunion des églises. Ça, c'était clair. Surtout à Genève, avec le dialogue avec le catholicisme. D'ailleurs, c'est cette époque où nous avons, avec quelques amis... Fonder l'atelier écuménique de théologie sur une idée d'Éric Fuchs, Marc Fessler, Jean-Bernard Liviau et d'autres.

  • Speaker #0

    C'était la conviction qu'au fond, on allait bientôt fusionner ?

  • Speaker #1

    Oui, je peux le dire. C'était un peu une autre utopie, je crois. Comment dire ? C'est difficile de reconstruire ça, tellement... Dingue, enfin, tellement utopique, justement. Mais on croyait quand même, en tout cas que les divisions s'estomperaient. Ça, on le croyait.

  • Speaker #0

    Quand vous dites oh, vous étiez une petite équipe de théologiens catholiques et protestants visionnaires ou bien, au fond, la population aspirait aussi à cette...

  • Speaker #1

    Je crois que la population aspirait aussi, surtout les catholiques. Les catholiques faisaient la... Nous faisions la connaissance des catholiques d'une façon très intime. Puisque c'est devenu finalement paroissien, enfin c'est personne qui fréquentait la hauté, qui fréquentait nos cours, etc. Et voilà, c'était la connaissance des catholiques, pas seulement du catholicisme, mais des catholiques comme personne. Et eux étaient contents parce qu'ils faisaient la connaissance de la Bible. La Bible, à l'époque, c'était très connu. Les gens ne parlaient pas de ça. Et donc là, nous avons, nous les protestants, joué un certain rôle, je crois, pour la prise en compte de la Bible dans le catholicisme. En gros, parce qu'il y avait déjà des prêtres très calés autour de nous et avec nous.

  • Speaker #0

    Et comment ça s'est passé, la création de la O.T. ? Ça s'est fait facilement ou vous avez rencontré des résistances ?

  • Speaker #1

    Ça, il faudrait demander à Fuchs, plutôt à Éric Fuchs, mon ami de Genève, qui a... J'ai eu l'idée de cela avec Jean-Bernard Liviau, c'était au fond le CPE à Genève.

  • Speaker #0

    Le Centre Protestant d'Études ?

  • Speaker #1

    Voilà, qui a fondé ça avec quelques amis de Choisir à l'époque, qui avait Choisir, la revue qui malheureusement s'éteint maintenant. Alors c'était les deux équipes, le CPE et Choisir, qui ont fondé l'AOT, qui ont eu cette idée.

  • Speaker #0

    Quels souvenirs vous avez de l'AOT, de telle session ou telle personne ?

  • Speaker #1

    Magnifiques souvenirs. Formidable. Ah oui. Nous avions des cours, et ces cours étaient très vivants. Nous les menions, nous les donnions à deux, toujours, hommes et femmes, catholiques, protestants et quelquefois orthodoxes, parce que bientôt on se joindra, enfin des orthodoxes se joindront à nous. Voilà, les cours étaient très vivants, justement à plusieurs voix. Pour étudier un thème, par exemple, il y avait... L'historia, par exemple, protestant, et l'historien catholique, ou l'exégète protestant, l'exégète catholique, c'était très stimulant.

  • Speaker #0

    Quel fruit ça a laissé, selon vous ? Ça fait maintenant longtemps que ça...

  • Speaker #1

    J'ajoute, oui, j'ajoute encore, Michel, que la haute, ce n'était pas seulement les cours, c'était aussi le dialogue interpersonnel, ou personnel, avec les gens. Nous étions les conseillers de tel ou tel étudiant, de tel ou tel participant. comme enseignants, donc nous n'étions pas seulement des enseignants, nous étions aussi des pasteurs et des prêtres, nous occupant des personnes, des participants. Donc moi je garde aussi un très beau souvenir de ces entretiens. Et puis il y avait les groupes, les groupes étaient beaucoup plus interpersonnels, vivants. Il y avait trois piliers, en tout cas dans mon souvenir, les cours, les groupes et l'entretien personnel.

  • Speaker #0

    Peut-être un mot sur votre engagement dans le Conseil Ecuménique, vous l'avez mentionné plusieurs fois. Est-ce que vous vous souvenez de telle ou telle session ou assemblée à laquelle vous avez participé, ou contributions que vous avez pu apporter au fond à cette utopie écuménique ?

  • Speaker #1

    Alors je me rappelle d'une réunion à Accra, où d'ailleurs, je n'ai pas rencontré Jim Cohn, mais je pensais souvent à lui. À Accra, à l'époque, Lucas Fischer, c'était Face & Order. foi et constitution et là j'ai participé à un congrès très intéressant. Là je me rappelle très bien c'était l'Afrique cette fois, ce n'était pas l'Amérique noire mais c'était l'Afrique. Ça m'a beaucoup impressionné. Par exemple j'ai fait ça, j'ai fait aussi d'autres choses avec le conseil, on est allé une fois aussi pour une autre session à laquelle je participais, je participais en Allemagne de l'Est à Helmhut, Helmhut qui est le cœur. de l'église Morave, avec les fameuses Loosungen, les textes bibliques de chaque jour, c'est très connu. Et il m'en fait prêcher une fois dans une église, dans une paroisse, toute simple, dans la campagne près de Herneut. Alors j'ai prêché, et j'ai évidemment, comme prophète, dit beaucoup de mal de la société de... Consumerisme comment est-ce qu'on dit ? Consumerisme C'est consommation de l'Ouest. Et alors après cette prédication anti-consommation de l'Ouest, le pasteur a dit quelques mots, il faut remercier, et puis il a ajouté ce que le pasteur Mottu a dit de l'Europe de l'Ouest et de sa surconsommation est très intéressant, mais nous aimerions bien le constater par nous-mêmes.

  • Speaker #0

    C'est très joli ça ! C'était une manière de dire qu'il voulait pouvoir y avoir accès aussi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Bon, c'était avant la chute du mur, évidemment. Comment vous avez vécu la chute du mur, vous qui connaissiez ces deux Allemagnes ?

  • Speaker #1

    L'étonnement, la stupéfaction, surtout sans une guerre, sans une... Sans une effusion de sang, sans bagarre, sans guerre, ça s'est fait un peu miraculeusement cette histoire. Ominum confusionne dei providencia comme on dit, c'est-à-dire, c'était quand même un chien. Et micmac, les problèmes de communication à Berlin-Est, etc. Bref, ça s'est passé d'une manière telle que les autorités, Et de l'Est et de l'Ouest étaient complètement stupéfaites, ils ne savaient pas ce qui se passait, c'était fou.

  • Speaker #0

    J'aimerais qu'on mentionne encore autre chose en Imotus, c'est votre attachement à la pensée prophétique ou au prophétisme, parce que ça est un peu un fil rouge de toute votre carrière. Est-ce que vous pouvez dérouler rapidement les points d'attache de cet intérêt au prophétisme ? C'est parti quand ? Et puis ça aboutit...

  • Speaker #1

    C'est difficile de vous répondre comme ça.

  • Speaker #0

    Jérémie.

  • Speaker #1

    Oui, alors voilà, c'est la lecture des prophètes de l'Ancien Testament, qui m'a beaucoup inspiré. Jérémie, je me suis intéressé à ce prophète parce qu'il y a les confessions de Jérémie, c'est-à-dire dans les textes d'août, les textes où il dit... J'en ai assez, pourquoi justement devoir prêcher le jugement contre Israël et tout ça ? Il dit ses doutes, il dit sa fatigue, et il souhaite même de mourir. Ce sont des textes très personnels, à l'intérieur même du livre canonique de Jérémie, que j'avais beaucoup étudié en son temps.

  • Speaker #0

    Et bien après, vous avez pu, au fond, développer une carrière académique. Ça, c'est votre dernier grand chapitre, c'est la faculté, votre travail en théologie pratique.

  • Speaker #1

    Oui, alors toujours le prophétisme, je reviens, c'est-à-dire, ça c'est Jérémie, le début, les prophètes de l'Ancien Testament. Et puis, c'est toujours ces figures prophétiques, entre guillemets, qui m'ont accompagné toute ma vie, Martin Luther King. D. X. Bonnefer et quelques autres. Et c'est ça.

  • Speaker #0

    Voilà, les fois d'accroche.

  • Speaker #1

    Le fil. Le fil. Et maintenant, je m'occupe de l'apocalypse à la fin de mes jours. Et c'est justement pour finir un peu cette veine, au fond utopique, cette veine à la fois du jugement de la société et d'espérance d'un monde.

  • Speaker #0

    Vous avez pu la... La poursuivre dans votre carrière de professeur théologie pratique aussi ?

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais moins, parce que là je devais m'occuper d'un enseignement qui n'était pas familier, qui ne m'était pas familier, c'était plutôt l'enseignement sur ce que c'est l'Église, ce que c'est que le mouvement écuménique justement, ce que c'est qu'un entretien pastoral, ce que c'est qu'une prédication, etc. Je me suis occupé de ça.

  • Speaker #0

    Vous vous souvenez de la faculté quand vous l'avez retrouvée ? Quel sentiment vous aviez venant de la paroisse, puis ayant des souvenirs ?

  • Speaker #1

    Tout différent, c'était tout différent. J'avais connu une faculté comme assistant du professeur de Snarclan, à l'époque 68-69. Là j'avais beaucoup milité, beaucoup aimé, j'avais participé à la grève des étudiants, etc. Grève devant laquelle d'ailleurs Jacques de Starclan avait des réactions assez marrantes, c'est-à-dire tout à coup il a dit devant l'ensemble des étudiants Nous ne sommes quand même pas une bande de boyscoots ! Donc voilà, ça c'était un peu la faculté de l'époque, contestataire pour les étudiants, assez inquiète disons de ce qui se passait du côté des profs, avec des profs quand même très classiques. Et puis alors quand je suis revenu, justement, dans les années quand j'étais prof en 88-89, dans ces années-là, ça avait complètement changé. Dans un monde autre, différent. Il y avait des jeunes profs que moi je n'avais pas connus, il y en avait quelques-uns que j'avais connus.

  • Speaker #0

    C'était plus un lieu d'utopie ?

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    C'était quoi ? Un lieu de gestion ?

  • Speaker #1

    Un lieu de réflexion polémique ? De polémique interne ? De difficulté ? J'ai été doyen deux ans, ça m'a suffi. Vice-doyen pendant deux ans aussi, donc j'ai fait quatre ans au Dakana. Merci beaucoup. Non, non, c'était... J'ai pas du tout aimé ces polémiques, ces difficultés. Surtout pour la nomination des collègues et tout ça.

  • Speaker #0

    Mais vous avez aimé enseigner ?

  • Speaker #1

    J'aimais beaucoup enseigner. J'ai beaucoup aimé enseigner, ici à Lausanne aussi, à Neuchâtel bien sûr, et à Genève. J'ai beaucoup aimé l'enseignement, le contact avec les étudiants. D'ailleurs, à l'époque, j'avais essayé de créer des semaines spéciales, intensives de théologie pratique. J'avais organisé notamment des séances à Bosset, à l'Institut Ecuménique de Bosset à l'époque. des semaines dites homilétiques, où là j'ai fait du bon travail pratique, c'est-à-dire l'initiation à la posture des futurs pasteurs, à leur manière de s'exprimer, à leur diction, à leur contact avec la communauté, etc. Là j'ai fait du travail dont je me souviens, qui était très proche de ce que je devais faire. Ma difficulté, si vous voulez, c'est pas seulement... Ce que je viens de dire. Ma difficulté, le fond, c'était, mais ça c'est bien connu, c'était que la théologie pratique dont je m'occupais, à l'université, elle n'est pas pratique, elle est forcément théorique. Et donc, voilà, j'étais un peu pris dans ce problème d'éducation des futurs pasteurs au niveau pratique. C'est pour ça que je me réjouis que nos églises, maintenant, aient repris. plusieurs institutions qui s'occupent justement après l'université de la pratique pratique, si j'ose dire.

  • Speaker #0

    Henri Mottu a publié il y a quelques mois un ouvrage intitulé Artisans de paix entre pacifisme et résistance Vous y retrouverez ses idées, ses convictions aussi liées à aujourd'hui. C'est publié aux éditions Labor et Fides. Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de mémoire vive. Tous les détails qu'il vous faut, vous pouvez aussi... Nous réécoutez, écoutez les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et Informer.ch. Merci de nous suivre, merci de nous abonner, si le cœur vous en dit. Au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Henry Mottu

    00:38

  • Sa RENCONTRE avec Karl Barth

    01:24

  • “On se MOQUAIT d’Oscar Cullmann”

    06:38

  • Paul Ricœur : une VISION plus large

    07:39

  • Idéologie, Utopie et THÉOLOGIE

    11:29

  • Son OBJECTION DE CONSCIENCE

    14:48

  • “J’ai fait 6 mois de PRISON”

    17:45

  • Ses ÉTUDES en Allemagne

    20:37

  • Les LETTRES de Bonhoeffer

    22:25

  • La théologie NOIRE

    24:42

  • Ce qui a nourri son ENSEIGNEMENT

    29:38

  • L’enseignement de la THÉOLOGIE EUROPÉENNE

    31:10

  • “j’allais souvent dans les ÉGLISES NOIRES”

    33:33

  • Son retour à GENÈVE

    36:40

  • L’utopie de la RÉUNION des églises

    39:30

  • “les gens ne parlaient PAS de la Bible”

    40:33

  • Nous donnions des cours ENTRE catholiques ET protestants

    42:11

  • La chute du MUR DE BERLIN

    45:45

  • Son intérêt pour le PROPHÉTISME

    47:07

  • Mots de FIN

    52:52

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s'entretient avec Henry Mottu, professeur de théologie à la retraite, qui partage ses réflexions sur la théologie noire, la théologie de la résistance, et ses rencontres marquantes avec des figures influentes telles que Karl Barth et James Cone. Henry Mottu nous raconte son parcours entre la Suisse et les États-Unis, où il découvre des mouvements théologiques engagés, et évoque son engagement pour l’œcuménisme et la paix, ainsi que son expérience d'objecteur de conscience. Un témoignage inspirant sur la foi et le militantisme.


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Transcription

  • Speaker #0

    C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit mais c'est quoi ? C'est une théologie, mais ils sont fous ! Alors c'était la première fois qu'on a eu conscience d'un contexte quand même. Parce que Jim ne cessait de dire mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie, c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie ! de Jésus ou du Christ. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Henri Mottu est professeur de théologie pratique à la retraite. Il a commencé ses études avec l'un des tout grands de la théologie,

  • Speaker #0

    résistant au nazisme,

  • Speaker #1

    Karl Barthes, c'était un bal. Ensuite à Genève, il devient objecteur de conscience. Il quitte ensuite la Suisse pour étudier la théologie noire aux États-Unis dans les années. Importantes que furent les années. Martin Luther King, James Cone. et la guerre au Vietnam.

  • Speaker #0

    Écoutez.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous pour ce moment. J'aimerais qu'on commence par évoquer des grandes figures que vous avez la chance de rencontrer. Je pense à Oscar Kuhlman, Karl Barth. Racontez-nous, au fond, ils étaient comment ces personnages ? C'était des personnages ou des gens accessibles ?

  • Speaker #0

    Non, non, des gens très accessibles. Enfin, très accessibles, c'était quand même des personnages accessibles, si vous voulez. Mais pour Barth, en tout cas, j'ai eu la chance de participer au... colloques français qui avaient lieu chez lui, parce que j'ai fait mes études à Bâle, justement à cause de Barthes. Et on allait chez lui et on parlait, enfin on commentait commentait la dogmatique de Barthes et après une fois qu'on avait fait notre petit résumé, notre petit speech, Barthes parlait du passé, de la guerre, de l'église confessante, de Barmen, etc. Là, c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous vous sentiez face au maître ? Parce que tout de même, c'est un monument. Vous vous sentiez en capacité de lui poser des questions,

  • Speaker #0

    de le challenger un peu ? Oui, pour lui poser des questions. À l'époque, j'ai tout écrit. C'est comme avec Luther, qui avait des étudiants chez lui aussi, vers la fin. J'écrivais tout. Et donc, j'ai les propos de table de Barthes, au fond, littéralement. Et donc j'ai tout un classeur à la maison, je ne sais pas très bien ce que j'en ferais, mais nous étions quand même très en confiance avec lui, mais simplement, c'était un grand type, donc on ne pouvait pas non plus dire n'importe quoi. Le colloque français était plus personnel ou interpersonnel, on était une dizaine de gens, ou même moins, huit, autour de la table. Chez lui, donc, c'était plus intime, personnel. Mais je participais aussi comme étudiant à son séminaire. Et là, son séminaire avec les Allemands et tout ça, c'était très intimidant, son séminaire. Parce qu'on était quatre personnes, quatre étudiants choisis, enfin choisis, qui devaient passer au Moulinet. Et alors nous parlions, nous vions commenter le texte que nous examinions. Et ça, c'était très impressionnant. Et une fois, on parlait de Calvin et de sa doctrine de la création, non, c'était la doctrine de l'écriture, sur l'écriture, chez Calvin, et ça c'était le thème. Et puis après la séance, je crevais de peur, etc. J'étais là avec mon bouquin, c'était en latin, on lisait l'institution en latin. En latin ? Oui, ça c'est l'habitude des églises, des universités allemandes. Ça, c'est l'ancienne école en latin. C'était tout à fait compréhensible, disons. Mais on avait quand même l'allemand et le français à côté. À la fin, il me prend et il me dit, Monsieur Mathieu, venez, j'ai quelque chose à vous dire sur Calvins. Est-ce que vous auriez voulu vivre à Genève du temps de Calvins ?

  • Speaker #1

    Il avait un sens de l'humour et il parlait français.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Avec cet accent que j'imite.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il représentait pour votre génération ? S'il fallait le résumer, il représentait quoi Karl Barth ?

  • Speaker #0

    Le courage, le courage théologique de tenir tête à la dictature, de tenir tête à Hitler. Ça c'est ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il représentait déjà une forme d'orthodoxie parce qu'il a écrit une œuvre tellement importante, qui a suscité tellement de fidèles derrière ?

  • Speaker #0

    Oui, mais l'homme d'orthodoxie, je ne l'aime pas beaucoup. D'ailleurs, il ne devait pas l'aimer non plus beaucoup. Il s'est toujours voulu, au fond, un enfant terrible, comme on dit dans une expression allemande. Enfant terrible. La dogmatique, c'est pas dogmatique au sens français péjoratif. C'est pas tellement une orthodoxie, moi j'ai jamais cru. Beaucoup de gens ont cru qu'il était orthodoxe, qu'il voulait restaurer les guises anciennes, les dogmes anciens, etc. C'est pas du tout ça. C'est pas du tout ça. C'était un grand... Un grand herméneut, comme on dit, c'est-à-dire un grand explicateur, au sens profond du mot, un présentateur de la doctrine chrétienne classique. Barthes est un classique, mais un moderne en même temps, parce qu'il avait ses mots et il a reconstruit toute la théologie. Mais c'est un reconstructeur, ce n'est pas un...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il vous a laissé ? avec du recul, dans votre vie de théologien, de m'engager ?

  • Speaker #0

    Tout ? Que dois-je vous dire ? L'attention à la confession de foi, ce qui n'est pas du tout la mode maintenant. En personne, on entend parler de ça, la confession de foi, parce qu'il avait écrit une confession célèbre contre les Deutsch-Christen à l'époque, dans les années 30, et ça s'appelle la... Confession de foi de Barmen, parce que c'était un endroit en Allemagne, un quartier. La confession de foi, la prédication, la centralité de la prédication, au fond la centralité de la parole de Dieu.

  • Speaker #1

    Alors, Barle c'était aussi Oskar Kuhlmann.

  • Speaker #0

    Oskar Kuhlmann alors c'est moins, il était moins flamboyant, c'était vraiment le prof, l'exégète. Il était très gentil, très sympa. Il parlait très bien français puisqu'il était strasbourgeois. C'est un strasbourgeois exilé à Bâle, au fond. On lui rendra justice, je crois. On était très moqueurs comme étudiants. On rigolait tout le temps, on se moquait de lui. Parce qu'il n'avait pas... Il était cinémataire, très sérieux, etc. Un marthe, c'était drôle. Mais Kuhlmann, je crois qu'on lui rendra justice. Je garde quand même un souvenir de lui, une marque. C'est l'écuménisme. L'écuménisme, ça, ça m'a beaucoup pressionné.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on évoque d'autres figures que vous avez rencontrées, des grandes figures. Parce qu'avec ce qu'on évoque là, on est dans les grandes figures. Un mot ou deux sur Paul Ricoeur. Vous avez de la chance aussi de rencontrer Paul Ricoeur.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui signifie pour vous, comment était cette rencontre et comment étaient ces cours ?

  • Speaker #0

    Alors, les cours, moi je ne les ai pas tellement entendus, parce que c'était à Nanterre, c'était en philo, je ne les ai pas tellement suivis. Mais alors j'ai suivi son séminaire, qui était à l'époque, dans les années 65, comme ça, qui était, comment dire, très modeste à la Faculté de Théologie de Paris. au boulevard Arago, et il n'avait que quelques étudiants devant lui, parce qu'il était snobé par toute l'intelligentsia parisienne à l'époque, parce qu'il avait écrit un livre sur Freud, qui était un livre très nuancé, et pas seulement relatif, et qui était quand même sur l'herménotique, enfin sur, de nouveau, l'interprétation des textes. C'était un livre très positif sur Freud. Il récupérait, dira-t-on, la religion par ce bout-là. Au fond, il était détesté par ses collègues parisiens. Donc, il a beaucoup souffert, à mon avis, de ça. Il était dans ce séminaire tout seul, avec nous, quelques-uns. Nous examinions les textes de Bultmann, de Ebling, c'était l'entrée en scène de l'herméneutique, c'est-à-dire de l'interprétation intelligente des textes.

  • Speaker #1

    On est quelques années avant mai 68, ça bouillonne déjà à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Oui, dans un certain sens, oui, oui, oui. À ce moment-là, il était à la pointe de... Du combat, si on peut le dire, parce qu'il avait écrit dans Le Monde des articles très célèbres. Ça, on était déjà au début de 68, des articles sur la réforme de l'université, dont il s'était beaucoup préoccupé. Mais moi, ce séminaire dont je parle à Arago, c'était un peu avant.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a joué pour vous aussi, comme Barthes ? Est-ce qu'il vous a légué quelque chose qui vous a permis de vivre, de vous aiguiller dans le reste de votre existence ?

  • Speaker #0

    L'interprétation des textes. principalement avec l'idée fondamentale pour moi que le texte biblique notamment nous ouvre sur un monde et parler du monde du texte ça ça m'est resté fantastique cette expression le texte ouvre sur un monde et c'est nous qui le rabougrissons tout le temps qui en font des versets nanana etc un peu piétistes sur les morts religieux lui dépassaient Il m'a donné une vision beaucoup plus large, philosophique entre guillemets, beaucoup plus large de la tradition chrétienne. C'était un grand monsieur. Il était dans un sens encore plus distant que Barthes et Kuhlman. Je l'ai moins connu comme homme personnellement. Je l'ai connu comme prof. C'était un grand professeur.

  • Speaker #1

    Il avait déjà une grande aura à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Ah oui. Mais après, l'aura est devenue encore plus après son époque américaine, celle de Chicago, où alors il deviendra vraiment très connu et très apprécié. Une fois que la vague contestataire, je suis passé en quelque sorte. Maintenant, il est plutôt un grand monsieur que tout le monde respecte.

  • Speaker #1

    Alors, dans les objets que vous avez amenés en rémotive, il y en a un... qui relève de cette période, si je vois bien, c'est 1969, on n'est pas très loin. Vous nous en dites, c'est symbolique évidemment, mais c'est dactylographié, c'est tout un monde.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ça s'en doute. À l'époque, c'était ça la modernité. Maintenant, c'est plus comme ça. Je ne m'en souviens pas très bien, mais c'est un de mes premiers textes personnels en théologie. On sortait de 68 effectivement. Il y a trois termes que j'examine, idéologie, utopie et théologie. Alors l'idéologie, dans mon vocabulaire de l'époque, c'était l'ère du soupçon, Freud, Marx. Voilà, c'était la critique, la critique biblique sans reste. Alors l'idéologie, c'était une idéologie chrétienne où... Christiano-catechétique comme on disait à l'époque, je ne me rappelle plus très bien même les mots, c'était très négatif, le côté négatif de l'idéologie. Quant à l'utopie, c'était le côté positif. C'était la description d'un monde autre que le nôtre. C'était une apologie de l'utopie, dont on reparle d'ailleurs maintenant. Et puis théologie, la théologie devait se glisser là-dedans comme un troisième terme.

  • Speaker #1

    Au fond, ça a l'air très militant quand on entend parler. C'était une période très militante. Au fond, ce qu'on faisait, on le faisait par conviction, par recherche d'absolu.

  • Speaker #0

    Oui, enfin, par utopie, par utopisme. On était complètement utopique. On croyait en une nouvelle société possible, sans les classes sociales, qui n'est plus de riches et de pauvres. On croyait vraiment dur comme fer. On croyait que la révolution allait intervenir, je me souviens très bien. J'ai discuté avec un copain chez le Rondolte à l'époque, à Luni, à Genève. Je lui ai dit, demain c'est la révolution. Et puis il m'a dit, mais tu me fais...

  • Speaker #1

    Mais cette conviction que ce sera la révolution, elle venait de vous, de votre foi personnelle, des réseaux que vous fréquentiez, de l'ère du temps ?

  • Speaker #0

    De l'ère du temps. C'est un peu distingant. On défilait dans les rues, je me souviens. On faisait grève.

  • Speaker #1

    C'était dur ?

  • Speaker #0

    Assez, oui. Assez. Quelquefois, ça pouvait être assez dur. Je me souviens d'un étudiant qui était d'extrême-gauche. On avait des discussions, bien sûr. Il disait justement que je voulais ou j'avais été objecteur de conscience, que j'avais été à l'époque. J'ai été objecteur en 61, alors je lui disais oui, moi j'ai été objecteur, j'ai été aussi un contestataire, et puis lui il me répond oui, mais j'ai quand même... J'ai fait mon service militaire, j'ai une arme, ça peut toujours être utile. Je me souviens, c'était quand même un peu, vous voyez, pas de la rigolade complètement.

  • Speaker #1

    Alors vous avez parlé de votre objection de conscience, on va y venir parce que c'est quand même un chapitre très important. On a de la peine aujourd'hui en 2023 à s'imaginer qu'il fallait faire de la prison quand on était objecteur de conscience. Racontez-nous le contexte dans lequel... Ça s'est passé.

  • Speaker #0

    Alors, la Suisse était à l'époque horrible, c'était très anticommuniste d'abord, c'est ce qu'il faut dire. C'était très autoritaire, l'armée avait pignon sur rue, on pouvait faire des défilés de l'armée à Genève sans autre. C'est une époque donc complètement anticommuniste et déjà Barthes à l'époque à Bâle... Il disait que si vraiment l'armée suisse se dotait d'armes nucléaires, il fallait être objecteur. Déjà, Barthes disait ça à Barthes. Alors, ce projet d'équiper l'armée d'armes nucléaires, ce n'est pas concrétisé, heureusement. Mais c'est dans cette atmosphère aussi, j'avais compris Barthes un peu comme le contestataire par excellence. En quoi d'ailleurs... C'était pas tout à fait exact. J'étais un bartien de gauche, un vieux bartien de gauche, comme disaient mes étudiants récemment. Et donc, c'était vraiment l'époque où on disait l'armée, c'est nul, c'est contre le christianisme. Et alors, j'ai eu ces idées, peu à peu, aussi par l'Allemagne, parce que j'étais... J'ai... En 1958, avant mes études de théologie, j'étais en Allemagne pour parfaire mon allemand. Et là, j'ai vécu quelques semaines chez un pasteur de l'église confessante de l'époque, dans le Palatina, et il me montrait les brochures de l'époque, tout le combat de l'église confessante allemande des années 30. Et au fond, je baignais là-dedans. Et les Allemands, les mythes, disons, théologiques, étaient pacifistes, c'est-à-dire qu'ils en avaient. La guerre, c'était affreux. Il fallait que l'Allemagne soit neutre. Il ne fallait pas que l'Allemagne se réarme. C'est ça. Ils étaient contre le réarmement allemand. Et donc, moi, j'étais dans cette mouvance. Au fond, c'est ça le contexte, un peu.

  • Speaker #1

    Et puis alors, vous décidez de refuser l'armée. Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    Ben, mal. Ah, bien ? Voilà, j'ai écrit une lettre, bon, etc. J'ai été jugé à Iverdon, pas très loin d'ici. Et en hiverdon, parce qu'il fallait cacher un peu la chose, pour que ça fasse du bruit et des remous, alors on était jugé là-bas, hiverdon. Et voilà, j'ai dû faire six mois de prison.

  • Speaker #1

    C'était comment ?

  • Speaker #0

    Prison ferme. Bah, surtout au début, c'était pas tellement marrant. J'étais dans un monde complètement différent. J'étais aux études. Je ne connaissais pas bien le monde, la réalité. Et là, j'ai rencontré des gens très intéressants, du témoin de Jéhovah au banquier qui avait fait de mauvaises affaires. Vous voyez le genre. Il y avait une bibliothèque à la prison de Saint-Antoine, là où j'étais, à Genève, une très bonne bibliothèque, j'ai lu beaucoup de choses. Et j'ai eu un temps fécond de prise en compte. de la réalité, du réel, des gens. Je n'avais jamais vécu quelque chose comme ça. Et je crois que ça m'a fini bien finalement.

  • Speaker #1

    Il y a un objet qui date de cette époque ? Oui !

  • Speaker #0

    Alors ça c'est la Bible, dans la traduction de Jérusalem. Très bonne traduction, assez littéraire. Et j'ai beaucoup lu, là, à ce moment-là, la littérature digne de sagesse, c'est-à-dire les proverbes, les psaumes beaucoup. et d'autres écrits, l'Ecclésiaste, etc., qu'on appelle maintenant Coëlette. Bref, j'ai beaucoup lu ce genre de textes, et ça m'a accompagné tout le long des mois passés là-bas.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez vu par vos camarades comme objecteur de conscience, et parce que vous étiez un des rares objecteurs de conscience à faire de la prison ?

  • Speaker #0

    Oui. Comment j'étais vu ? Oui,

  • Speaker #1

    par vos amis, vos collègues, le milieu protestant, disons bien pensant genevois.

  • Speaker #0

    Ils disaient chapeau, motu, mais c'est tout. Ils ne s'en occupaient pas. En fait, j'avais cru que je renverserais l'état du monde par ça. En fait, c'était assez égal aux gens. Il n'y a pas eu beaucoup de suite. Simplement, je fais partie de ces gens qui avaient, devant les juges militaires, plaidé pour un service civil, déjà en 1961. Et donc là, j'ai quand même milité pour le service civil et enfin maintenant. Il existe ce service pour les réfractaires.

  • Speaker #1

    Mais vous avez dû quitter la Suisse pour ne pas vous faire coffrer une de ces droits.

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Un appareil invraisemblable.

  • Speaker #0

    Le fonctionnaire du département militaire que j'avais vu à Genève, je me rappelle encore très bien, il me disait Mothu, vous voulez vraiment retourner en tôle tout de suite ? Je lui ai dit Non, si possible, vous partez pour l'étranger, je vous donne un congé et puis vous allez à l'étranger. Et j'ai continué mes études à Göttingen à cause de ça.

  • Speaker #1

    Alors parlons de l'étranger un peu. Il y a l'Allemagne, Göttingen. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période allemande ?

  • Speaker #0

    Assez sombre. Comment dire ? J'étais assez seul quand même à Göttingen. On n'avait pas grand-chose à manger, c'est-à-dire... Non, mais je veux dire, je ne veux pas dire des bêtises, mais on allait à la Mensa pour les étudiants allemands. Il n'y avait pas grand chose à manger, c'était vraiment un peu pic-rac. Et puis j'étais seul, j'ai beaucoup travaillé, j'avais de la peine avec mon Allemand. C'était pas un moment, des semestres, j'ai passé deux semestres si je me rappelle bien à Göttingen. On était près de la frontière avec la RDA, j'ai été visiter cette frontière. On allait au culte local et souvent j'allais dans les paroisses notamment campagnardes. Je me rappelle très bien, devant l'église de la paroisse, j'ai été voir avec mes copains une pierre, un monument devant l'église à la Waffen-SS. Et donc on était quand même encore très là-dedans, dans la guerre.

  • Speaker #1

    Un monument à la Waffen-SS ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui n'avait pas été détruit,

  • Speaker #0

    qui restait là devant l'église.

  • Speaker #1

    Ça vous a permis de comprendre l'âme allemande, cette tension terrible, cet héritage terrible aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, j'aime beaucoup l'allemand, la langue. Je suis très versé dans la littérature et dans la philosophie allemande, ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    J'hésite à parler de Bonhoeffer maintenant ou plus tard, pour le raccrocher, mais c'est trop tôt encore.

  • Speaker #0

    Comme vous voulez.

  • Speaker #1

    Non, peut-être parlons-en maintenant, puisque Bonhoeffer, puisqu'on est en Allemagne, qu'on évoque les années sombres. Vous êtes un spécialiste de Bonhoeffer, Rimo, tu es reconnu. Vous avez traduit ses œuvres. Dites-nous quand et comment vous l'avez rencontré ? Pas la personne, évidemment, mais la pensée.

  • Speaker #0

    Alors, c'est déjà un bal qu'on lisait. Widerstand und Ergebung, Résistance et Soumission, qui est un livre qui est devenu très célèbre. Et à l'époque, c'était... assez peu connus. Et donc, nous lisions ça en allemand, Widerstand der Geheben, et là, les lettres, ce sont des lettres à ses parents, à son ami Eberhard Betke, à quelques autres, et donc, ces lettres m'ont beaucoup influencé, toute ma génération d'ailleurs, toute ma génération. On a pris connaissance, au fond, de la théologie, de la résistance, si je puis dire, par ces lettres. Alors il y avait deux grandes idées dans ces lettres, c'était évidemment la lutte contre l'état injuste, l'état antisémite, c'est déjà l'époque où on prend conscience de l'antisémitisme allemand, mais aussi de l'église, de toutes les églises, pratiquement de toute l'Europe, voilà, c'était ça, pour la défense des juifs. la défense contre l'état tyrannique, et d'autre part, c'était l'idée du christianisme non religieux, c'est-à-dire ce qui allait venir maintenant.

  • Speaker #1

    Il vous a accompagné toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Complètement, oui, complètement. Ça m'a aidé à croire toujours, en dépit de tout ce qu'on voit et de tout ce qu'on sait.

  • Speaker #1

    Et vous, c'est un homme, comment dire, vous en parliez avec vos collègues, avec les étudiants, c'était une source d'inspiration.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup. On découvrait ses lettres. Et donc sa théologie plus tard, etc. Mais on fera ça plus tard. Pour le moment, c'était les lettres.

  • Speaker #1

    Alors passons peut-être de l'autre côté de l'Atlantique. Parce que ça c'était une période pour vous, Henri Mottu, qui est une belle période. Une période qui vous fait briller les yeux,

  • Speaker #0

    je pense. Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Mais dites-nous, dans quelle Amérique vous arrivez ?

  • Speaker #0

    Alors ça c'est encore une histoire. C'était l'époque du Vietnam, de la guerre du Vietnam. avec les grands mouvements pacifistes de l'époque aux États-Unis. Et Union Theological Seminary, où j'ai été invité, était vraiment très engagé contre la guerre du Vietnam. Et donc, d'ailleurs, pour faire le lien avec Bonhoeffer, Bonhoeffer a passé aussi beaucoup de temps comme étudiant, une année en fait, dans les années 30-31,

  • Speaker #1

    à Union. À Union, précisément.

  • Speaker #0

    Donc il y avait un lien, si vous voulez, entre Bonhoeffer, l'Allemagne, la guerre et... Union Theological Seminary. Et voilà, là j'ai eu une très belle époque où j'ai fait la connaissance notamment,

  • Speaker #1

    ah oui,

  • Speaker #0

    alors si je peux vous montrer de James Cone ici, l'homme noir là, qui a été très important pour moi parce que j'ai fraternisé avec lui. Là on me voit faire un discours ou je ne sais pas quoi, et là on voit ma femme Liliane avec laquelle nous sommes mariés encore aujourd'hui. Nous allons fêter nos 60 ans de mariage. Et voilà, et alors James Cone a joué un grand rôle pour moi, c'est-à-dire que c'était vraiment, c'est devenu un ami intime. Donc, James Cone, sur le contenu, était pour la théologie noire. C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit, mais c'est quoi ça ? Il n'y a qu'une théologie, enfin ils sont fous. Alors c'était la première fois que je prenais conscience d'un contexte quand même. Et alors ça m'a fait prendre conscience aussi de mon propre contexte. Parce que Jim ne cessait de dire, mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie de Jésus ou du Christ. Alors la Black Theology c'est lui qui m'a initié à cette théologie. Théologie très spéciale, une théologie finalement de la protestation contre la justice et contre, à l'époque, la ségrégation.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'à ce moment-là, les idées ne passaient pas si facilement l'océan Atlantique ? Si vous arrivez ne connaissant rien à ça ?

  • Speaker #0

    Ah ben complètement, c'était complètement nouveau. Ah oui, personne ne parlait de ça.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce que ça change ?

  • Speaker #0

    Ah on était complètement... On tombait de la nue, on est nus.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça va changer pour vous ces deux années aux États-Unis, avec la théologie noire, enfin bouillonnement d'idées, ça va renforcer le côté protestataire chez vous, le côté prophétique sans doute ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, ça va renforcer ce pôle-là. Et ça va quand même m'ébranler aussi dans un premier temps, m'ébranler dans le sens que James... et d'autres, avec lui, les Noirs attaquaient quand même l'église institutionnelle, l'église blanche, ou ségrégée, ou dans laquelle les Noirs n'étaient pas les bienvenus. Enfin, vous voyez, les États-Unis, c'est toute une histoire encore de racisme, de ségrégation. C'était presque la première fois qu'on nommait des profs, des professeurs noirs. Dans les universités américaines, sauf erreur, la nomination de James Cone date de 69-70. Moi je suis arrivé en 70 et c'était la première fois qu'on le nommait noir, prof. À ma connaissance, il y en avait quelques-uns, mais lui a fait le... La brèche, en parlant de théologie.

  • Speaker #1

    Quand on perçoit ces gens comme des révolutionnaires, c'est un terme qu'on peut utiliser selon vous ? C'était ça.

  • Speaker #0

    Ah oui, en tout cas pour les États-Unis. Peut-être pas pour tous les contextes, mais dans le contexte états-unien, c'était un révolutionnaire. Ah oui,

  • Speaker #1

    l'assainement. L'assassinat de Martin Luther King, c'est à cette période ?

  • Speaker #0

    C'est juste avant.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est juste avant. En 68, je crois justement. Là, Jim Cohn a été très ébranlé par ça. C'est-à-dire que toute l'Amérique a été sidérée de cet assassinat qui était prévisible depuis longtemps dans la carrière de King. On voit ça arriver. Ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous allez ramener ensuite pour votre carrière de professeur que vous avez au fond puisé là-bas ?

  • Speaker #0

    et qui va orienter votre enseignement ici en Suisse.

  • Speaker #1

    Je crois quand même l'idée qu'il y a un cœur dans l'Écriture, dans les Écritures saintes, et le cœur pour nous, chrétiens, c'est Jésus. Et Jim Cohn va toujours citer les paroles de Jésus dans Luc 4, citant d'ailleurs Esaïe, que Je suis, moi, le Messie, arrivé dans le monde pour... Libérer les prisonniers, donner à manger aux affamés, visiter les malades, etc. C'était verser cette idée, au fond, d'une révolution chrétienne, d'une mise en question de la réalité du monde. Au fond, c'est ça qui est nouveau. Et donc James Cone, par son attachement au Christ, au Christ, disons, non pas blanc, gentil, gentillet, etc., mais au Christ révolutionnaire, c'est cet attachement au Christ qui m'a beaucoup aidé et qui m'est resté tout au long de mes années. Au fond, il reprenait Barthes, mais dans un autre contexte.

  • Speaker #0

    Vous me tendez la flèche pour la question suivante. Vous enseignez aux États-Unis le contexte de la théologie européenne, c'est juste ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire la philosophie européenne, on m'avait demandé ça. Qu'est-ce que... C'était Kant, Hegel, Feuerbach, Marx.

  • Speaker #0

    Mais c'est quoi tu or ? Ça parlait aux Américains ?

  • Speaker #1

    Oh, à fond, à l'époque ! C'était l'époque justement où j'avais des étudiants anti-Vietnam, anti-guerre... contestataire parce que la contestation en Amérique avait commencé depuis longtemps et donc dans les années 70 c'était encore cette effervescence et moi j'avais comme ça tout à fait mais c'est bien qu'il connaît s'était emballé par feuillard barres marx est ce que je raconte il connaissait pas ses penseurs peu peu non c'est pas non c'est que moi j'avais davantage entre guillemets d'être européen et donc faut bien vous dire je J'apprenais l'anglais, enfin à peine, j'avais de la peine, mais pour Hegel par exemple, j'avais les trois versions. J'avais le français pour m'aider, la phénoménologie de l'esprit, l'allemand et l'anglais. J'avais trois versions et j'avais les trois bouquins devant moi quand je leur parlais. Donc ça c'était nouveau, parce qu'aucun prof ne parlait allemand. Vous avez les sources en langue allemande que j'avais. Enfin, je veux dire, aucun jeune prof de l'époque avait cette capacité linguistique. Et puis, surtout que j'étais un Européen, donc il m'aidait dans mon anglais. C'était comme une prédication où les Noirs aident le prédicateur et ils demandent au public, Aidez-moi, je ne me rappelle plus ce mot, etc. dans les types de... de la communauté lui répondre, elle aide. Et donc je faisais ça.

  • Speaker #0

    Donc ça faisait sens d'enseigner aux États-Unis. C'était pas un contresens.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Pourquoi ça faisait pas de sens ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on peut imaginer que la vérité, on la trouve là où on est, on n'a pas besoin d'avoir des outils qui viennent d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'est pas du tout mon genre. En fait, de croire que la vérité, elle est ici, en Suisse romande. Non.

  • Speaker #0

    Encore peut-être un ou deux sujets.

  • Speaker #1

    Je suis curieux, je suis curieux.

  • Speaker #0

    Alors, précisément, vous êtes curieux, aux Etats-Unis, vous êtes sorti de la faculté, vous êtes allé vous promener, j'imagine aussi, un peu, c'était possible. Oui,

  • Speaker #1

    un peu.

  • Speaker #0

    Quel souvenir vous avez de ces communautés noires et blanches aussi, après tout, vous les avez peut-être rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Pour les communautés noires, c'était très impressionnant, parce que le séminaire où j'enseignais, Union Theological Seminarist, tout près de Harlem, à quelques blocs près, quelques rues près. Et donc j'allais souvent le dimanche à l'église, ma femme et d'autres, les copains. On n'allait jamais seul à Harlem, il fallait... Un noir venait avec nous. Et voilà, alors dans ce comité c'était fou, délire absolu, mais régulier, un délire, une transe collective régulée, c'est-à-dire dirigée, accompagnée par le pasteur ou les pasteurs. J'ai vu de mes yeux vus et entendu de mes oreilles des prédicateurs que le prédicateur principal... le pasteur principal devait arrêter. Au bout d'un moment, le type s'excitait tellement, il était en trance, et je lui disais Now you're okay, we understand what you said Vous voyez, il freinait. Tandis qu'ici, on ne freine pas les prédicateurs. On dort debout. Alors,

  • Speaker #0

    il faut parler d'ici, on va y arriver. Vous rentrez des États-Unis, c'est un peu une deuxième partie de votre vie.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais dire, surtout, c'est que les États-Unis, les bons souvenirs que nous avons, avec mon épouse aussi et nos enfants, c'est qu'on a eu de très belles amitiés. À part James Cone, il y en a eu d'autres. Ces amitiés sont restées presque jusqu'à aujourd'hui. C'est-à-dire, l'Amérique, du moins à l'époque universitaire... Elle était très sympa, très sympathique, très fraternelle. C'était pas du tout l'Europe pour ça. C'était une autre atmosphère.

  • Speaker #0

    Alors peut-être un mot sur les églises blanches, parce qu'on a parlé des églises noires. Vous êtes aussi allé dans des paroisses blanches ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Rien de spécial à dire, disons. C'était business as usual. Alors vous... J'ai été de temps en temps, oui, oui. Le séminaire était situé tout près de Riverside Church, une grande église de style gothique dans les années 30, construite par Rockefeller. Et donc, dans cette Riverside Church, il y avait des prédicateurs très importants, qui étaient fantastiques. Oui, oui, non, j'y étais souvent. C'était à deux pas, où nous étions. Alors, USA et Union c'est un peu la même chose. C'est un peu dans le même quartier.

  • Speaker #0

    Quand, fort de tout ce que vous avez capté, compris aux États-Unis, vous rentrez en Suisse, au fond, vous êtes vu comment en rentrant en Suisse ? Vous vous êtes vu comme quelqu'un qui est devenu un gauchiste révolutionnaire plus radical ou un intellectuel qui connaît la théologie noire ? C'est quoi votre pédigré quand vous rentrez à Genève ?

  • Speaker #1

    C'était plutôt pasteur, là. C'était plutôt pasteur. C'était plutôt... Enfin, j'en sais rien, il faut demander aux gens. C'était plutôt... Comment dire ? Classique, quoi.

  • Speaker #0

    Et vous retrouvez, alors, vous retrouvez une cité et une ville que vous connaissez, mais dans un moment historique qui est quand même intéressant, c'est un moment de l'écuménisme, c'est un moment des... On va parler des centres de rencontres. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période quand vous rentrez ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne comprends pas très bien.

  • Speaker #0

    Comment était la société jaunoise comparée à celle que vous aviez ?

  • Speaker #1

    Alors moi j'étais très proche des milieux écuméniques, aussi à cause de Cartigny, à cause du centre de rencontre dont je m'occupais. Et dans le centre de rencontre, il y a eu des sessions très nombreuses du conseil écuménique des églises. Et là, je recevais aussi les gens, nous recevions les gens chez moi, chez nous. Et donc voilà, j'ai beaucoup connu les gens du conseil écuménique là. Mon expérience était étrange parce que à la fois c'était la connaissance des amis du conseil et aussi l'entrée en réalité d'un monde campagnard. Cartigny c'est quand même la campagne genevoise, c'est très peu connu, mais Genève a une assez grande campagne avec une mentalité très spécifique. Et là j'ai fait la connaissance de paysans, d'agriculteurs très sympathiques. mais qui me regardaient un peu comme une bête curieuse, enfin. Et certains d'entre eux, je pense, trouvaient que leur pasteur était un peu... On m'a dit d'ailleurs, vous, vous êtes un pasteur un peu spécial. Voilà. Donc il y avait les deux choses. Il y avait l'internationalité avec le conseil et le monde campagnard, rural, je le vois, assez intéressant à connaître.

  • Speaker #0

    Mais dans les deux cas, un monde conséquent, vivant, avec des projets, avec des échanges. Par rapport à aujourd'hui, cette réalité-là, c'est quand même beaucoup affaibli.

  • Speaker #1

    Oui, alors le Conseil, c'était l'aventure, c'était quand même formidable. Moi, j'ai participé à l'organisation d'un congrès sur Bonnefer au Conseil. C'était fantastique, avec Conrad Reiser et tout ça à l'époque. Voilà ! Il y avait un lien, en effet, entre Cartini et eux, d'une certaine manière. Par exemple,

  • Speaker #0

    quelle espérance vous nourrissait à cette époque ? Quelle utopie, j'allais dire, puisqu'on a commencé.

  • Speaker #1

    C'était quoi l'utopie de cette année ? La réunion des églises. La réunion des églises. Ça, c'était clair. Surtout à Genève, avec le dialogue avec le catholicisme. D'ailleurs, c'est cette époque où nous avons, avec quelques amis... Fonder l'atelier écuménique de théologie sur une idée d'Éric Fuchs, Marc Fessler, Jean-Bernard Liviau et d'autres.

  • Speaker #0

    C'était la conviction qu'au fond, on allait bientôt fusionner ?

  • Speaker #1

    Oui, je peux le dire. C'était un peu une autre utopie, je crois. Comment dire ? C'est difficile de reconstruire ça, tellement... Dingue, enfin, tellement utopique, justement. Mais on croyait quand même, en tout cas que les divisions s'estomperaient. Ça, on le croyait.

  • Speaker #0

    Quand vous dites oh, vous étiez une petite équipe de théologiens catholiques et protestants visionnaires ou bien, au fond, la population aspirait aussi à cette...

  • Speaker #1

    Je crois que la population aspirait aussi, surtout les catholiques. Les catholiques faisaient la... Nous faisions la connaissance des catholiques d'une façon très intime. Puisque c'est devenu finalement paroissien, enfin c'est personne qui fréquentait la hauté, qui fréquentait nos cours, etc. Et voilà, c'était la connaissance des catholiques, pas seulement du catholicisme, mais des catholiques comme personne. Et eux étaient contents parce qu'ils faisaient la connaissance de la Bible. La Bible, à l'époque, c'était très connu. Les gens ne parlaient pas de ça. Et donc là, nous avons, nous les protestants, joué un certain rôle, je crois, pour la prise en compte de la Bible dans le catholicisme. En gros, parce qu'il y avait déjà des prêtres très calés autour de nous et avec nous.

  • Speaker #0

    Et comment ça s'est passé, la création de la O.T. ? Ça s'est fait facilement ou vous avez rencontré des résistances ?

  • Speaker #1

    Ça, il faudrait demander à Fuchs, plutôt à Éric Fuchs, mon ami de Genève, qui a... J'ai eu l'idée de cela avec Jean-Bernard Liviau, c'était au fond le CPE à Genève.

  • Speaker #0

    Le Centre Protestant d'Études ?

  • Speaker #1

    Voilà, qui a fondé ça avec quelques amis de Choisir à l'époque, qui avait Choisir, la revue qui malheureusement s'éteint maintenant. Alors c'était les deux équipes, le CPE et Choisir, qui ont fondé l'AOT, qui ont eu cette idée.

  • Speaker #0

    Quels souvenirs vous avez de l'AOT, de telle session ou telle personne ?

  • Speaker #1

    Magnifiques souvenirs. Formidable. Ah oui. Nous avions des cours, et ces cours étaient très vivants. Nous les menions, nous les donnions à deux, toujours, hommes et femmes, catholiques, protestants et quelquefois orthodoxes, parce que bientôt on se joindra, enfin des orthodoxes se joindront à nous. Voilà, les cours étaient très vivants, justement à plusieurs voix. Pour étudier un thème, par exemple, il y avait... L'historia, par exemple, protestant, et l'historien catholique, ou l'exégète protestant, l'exégète catholique, c'était très stimulant.

  • Speaker #0

    Quel fruit ça a laissé, selon vous ? Ça fait maintenant longtemps que ça...

  • Speaker #1

    J'ajoute, oui, j'ajoute encore, Michel, que la haute, ce n'était pas seulement les cours, c'était aussi le dialogue interpersonnel, ou personnel, avec les gens. Nous étions les conseillers de tel ou tel étudiant, de tel ou tel participant. comme enseignants, donc nous n'étions pas seulement des enseignants, nous étions aussi des pasteurs et des prêtres, nous occupant des personnes, des participants. Donc moi je garde aussi un très beau souvenir de ces entretiens. Et puis il y avait les groupes, les groupes étaient beaucoup plus interpersonnels, vivants. Il y avait trois piliers, en tout cas dans mon souvenir, les cours, les groupes et l'entretien personnel.

  • Speaker #0

    Peut-être un mot sur votre engagement dans le Conseil Ecuménique, vous l'avez mentionné plusieurs fois. Est-ce que vous vous souvenez de telle ou telle session ou assemblée à laquelle vous avez participé, ou contributions que vous avez pu apporter au fond à cette utopie écuménique ?

  • Speaker #1

    Alors je me rappelle d'une réunion à Accra, où d'ailleurs, je n'ai pas rencontré Jim Cohn, mais je pensais souvent à lui. À Accra, à l'époque, Lucas Fischer, c'était Face & Order. foi et constitution et là j'ai participé à un congrès très intéressant. Là je me rappelle très bien c'était l'Afrique cette fois, ce n'était pas l'Amérique noire mais c'était l'Afrique. Ça m'a beaucoup impressionné. Par exemple j'ai fait ça, j'ai fait aussi d'autres choses avec le conseil, on est allé une fois aussi pour une autre session à laquelle je participais, je participais en Allemagne de l'Est à Helmhut, Helmhut qui est le cœur. de l'église Morave, avec les fameuses Loosungen, les textes bibliques de chaque jour, c'est très connu. Et il m'en fait prêcher une fois dans une église, dans une paroisse, toute simple, dans la campagne près de Herneut. Alors j'ai prêché, et j'ai évidemment, comme prophète, dit beaucoup de mal de la société de... Consumerisme comment est-ce qu'on dit ? Consumerisme C'est consommation de l'Ouest. Et alors après cette prédication anti-consommation de l'Ouest, le pasteur a dit quelques mots, il faut remercier, et puis il a ajouté ce que le pasteur Mottu a dit de l'Europe de l'Ouest et de sa surconsommation est très intéressant, mais nous aimerions bien le constater par nous-mêmes.

  • Speaker #0

    C'est très joli ça ! C'était une manière de dire qu'il voulait pouvoir y avoir accès aussi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Bon, c'était avant la chute du mur, évidemment. Comment vous avez vécu la chute du mur, vous qui connaissiez ces deux Allemagnes ?

  • Speaker #1

    L'étonnement, la stupéfaction, surtout sans une guerre, sans une... Sans une effusion de sang, sans bagarre, sans guerre, ça s'est fait un peu miraculeusement cette histoire. Ominum confusionne dei providencia comme on dit, c'est-à-dire, c'était quand même un chien. Et micmac, les problèmes de communication à Berlin-Est, etc. Bref, ça s'est passé d'une manière telle que les autorités, Et de l'Est et de l'Ouest étaient complètement stupéfaites, ils ne savaient pas ce qui se passait, c'était fou.

  • Speaker #0

    J'aimerais qu'on mentionne encore autre chose en Imotus, c'est votre attachement à la pensée prophétique ou au prophétisme, parce que ça est un peu un fil rouge de toute votre carrière. Est-ce que vous pouvez dérouler rapidement les points d'attache de cet intérêt au prophétisme ? C'est parti quand ? Et puis ça aboutit...

  • Speaker #1

    C'est difficile de vous répondre comme ça.

  • Speaker #0

    Jérémie.

  • Speaker #1

    Oui, alors voilà, c'est la lecture des prophètes de l'Ancien Testament, qui m'a beaucoup inspiré. Jérémie, je me suis intéressé à ce prophète parce qu'il y a les confessions de Jérémie, c'est-à-dire dans les textes d'août, les textes où il dit... J'en ai assez, pourquoi justement devoir prêcher le jugement contre Israël et tout ça ? Il dit ses doutes, il dit sa fatigue, et il souhaite même de mourir. Ce sont des textes très personnels, à l'intérieur même du livre canonique de Jérémie, que j'avais beaucoup étudié en son temps.

  • Speaker #0

    Et bien après, vous avez pu, au fond, développer une carrière académique. Ça, c'est votre dernier grand chapitre, c'est la faculté, votre travail en théologie pratique.

  • Speaker #1

    Oui, alors toujours le prophétisme, je reviens, c'est-à-dire, ça c'est Jérémie, le début, les prophètes de l'Ancien Testament. Et puis, c'est toujours ces figures prophétiques, entre guillemets, qui m'ont accompagné toute ma vie, Martin Luther King. D. X. Bonnefer et quelques autres. Et c'est ça.

  • Speaker #0

    Voilà, les fois d'accroche.

  • Speaker #1

    Le fil. Le fil. Et maintenant, je m'occupe de l'apocalypse à la fin de mes jours. Et c'est justement pour finir un peu cette veine, au fond utopique, cette veine à la fois du jugement de la société et d'espérance d'un monde.

  • Speaker #0

    Vous avez pu la... La poursuivre dans votre carrière de professeur théologie pratique aussi ?

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais moins, parce que là je devais m'occuper d'un enseignement qui n'était pas familier, qui ne m'était pas familier, c'était plutôt l'enseignement sur ce que c'est l'Église, ce que c'est que le mouvement écuménique justement, ce que c'est qu'un entretien pastoral, ce que c'est qu'une prédication, etc. Je me suis occupé de ça.

  • Speaker #0

    Vous vous souvenez de la faculté quand vous l'avez retrouvée ? Quel sentiment vous aviez venant de la paroisse, puis ayant des souvenirs ?

  • Speaker #1

    Tout différent, c'était tout différent. J'avais connu une faculté comme assistant du professeur de Snarclan, à l'époque 68-69. Là j'avais beaucoup milité, beaucoup aimé, j'avais participé à la grève des étudiants, etc. Grève devant laquelle d'ailleurs Jacques de Starclan avait des réactions assez marrantes, c'est-à-dire tout à coup il a dit devant l'ensemble des étudiants Nous ne sommes quand même pas une bande de boyscoots ! Donc voilà, ça c'était un peu la faculté de l'époque, contestataire pour les étudiants, assez inquiète disons de ce qui se passait du côté des profs, avec des profs quand même très classiques. Et puis alors quand je suis revenu, justement, dans les années quand j'étais prof en 88-89, dans ces années-là, ça avait complètement changé. Dans un monde autre, différent. Il y avait des jeunes profs que moi je n'avais pas connus, il y en avait quelques-uns que j'avais connus.

  • Speaker #0

    C'était plus un lieu d'utopie ?

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    C'était quoi ? Un lieu de gestion ?

  • Speaker #1

    Un lieu de réflexion polémique ? De polémique interne ? De difficulté ? J'ai été doyen deux ans, ça m'a suffi. Vice-doyen pendant deux ans aussi, donc j'ai fait quatre ans au Dakana. Merci beaucoup. Non, non, c'était... J'ai pas du tout aimé ces polémiques, ces difficultés. Surtout pour la nomination des collègues et tout ça.

  • Speaker #0

    Mais vous avez aimé enseigner ?

  • Speaker #1

    J'aimais beaucoup enseigner. J'ai beaucoup aimé enseigner, ici à Lausanne aussi, à Neuchâtel bien sûr, et à Genève. J'ai beaucoup aimé l'enseignement, le contact avec les étudiants. D'ailleurs, à l'époque, j'avais essayé de créer des semaines spéciales, intensives de théologie pratique. J'avais organisé notamment des séances à Bosset, à l'Institut Ecuménique de Bosset à l'époque. des semaines dites homilétiques, où là j'ai fait du bon travail pratique, c'est-à-dire l'initiation à la posture des futurs pasteurs, à leur manière de s'exprimer, à leur diction, à leur contact avec la communauté, etc. Là j'ai fait du travail dont je me souviens, qui était très proche de ce que je devais faire. Ma difficulté, si vous voulez, c'est pas seulement... Ce que je viens de dire. Ma difficulté, le fond, c'était, mais ça c'est bien connu, c'était que la théologie pratique dont je m'occupais, à l'université, elle n'est pas pratique, elle est forcément théorique. Et donc, voilà, j'étais un peu pris dans ce problème d'éducation des futurs pasteurs au niveau pratique. C'est pour ça que je me réjouis que nos églises, maintenant, aient repris. plusieurs institutions qui s'occupent justement après l'université de la pratique pratique, si j'ose dire.

  • Speaker #0

    Henri Mottu a publié il y a quelques mois un ouvrage intitulé Artisans de paix entre pacifisme et résistance Vous y retrouverez ses idées, ses convictions aussi liées à aujourd'hui. C'est publié aux éditions Labor et Fides. Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de mémoire vive. Tous les détails qu'il vous faut, vous pouvez aussi... Nous réécoutez, écoutez les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et Informer.ch. Merci de nous suivre, merci de nous abonner, si le cœur vous en dit. Au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Henry Mottu

    00:38

  • Sa RENCONTRE avec Karl Barth

    01:24

  • “On se MOQUAIT d’Oscar Cullmann”

    06:38

  • Paul Ricœur : une VISION plus large

    07:39

  • Idéologie, Utopie et THÉOLOGIE

    11:29

  • Son OBJECTION DE CONSCIENCE

    14:48

  • “J’ai fait 6 mois de PRISON”

    17:45

  • Ses ÉTUDES en Allemagne

    20:37

  • Les LETTRES de Bonhoeffer

    22:25

  • La théologie NOIRE

    24:42

  • Ce qui a nourri son ENSEIGNEMENT

    29:38

  • L’enseignement de la THÉOLOGIE EUROPÉENNE

    31:10

  • “j’allais souvent dans les ÉGLISES NOIRES”

    33:33

  • Son retour à GENÈVE

    36:40

  • L’utopie de la RÉUNION des églises

    39:30

  • “les gens ne parlaient PAS de la Bible”

    40:33

  • Nous donnions des cours ENTRE catholiques ET protestants

    42:11

  • La chute du MUR DE BERLIN

    45:45

  • Son intérêt pour le PROPHÉTISME

    47:07

  • Mots de FIN

    52:52

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s'entretient avec Henry Mottu, professeur de théologie à la retraite, qui partage ses réflexions sur la théologie noire, la théologie de la résistance, et ses rencontres marquantes avec des figures influentes telles que Karl Barth et James Cone. Henry Mottu nous raconte son parcours entre la Suisse et les États-Unis, où il découvre des mouvements théologiques engagés, et évoque son engagement pour l’œcuménisme et la paix, ainsi que son expérience d'objecteur de conscience. Un témoignage inspirant sur la foi et le militantisme.


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Transcription

  • Speaker #0

    C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit mais c'est quoi ? C'est une théologie, mais ils sont fous ! Alors c'était la première fois qu'on a eu conscience d'un contexte quand même. Parce que Jim ne cessait de dire mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie, c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie ! de Jésus ou du Christ. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Henri Mottu est professeur de théologie pratique à la retraite. Il a commencé ses études avec l'un des tout grands de la théologie,

  • Speaker #0

    résistant au nazisme,

  • Speaker #1

    Karl Barthes, c'était un bal. Ensuite à Genève, il devient objecteur de conscience. Il quitte ensuite la Suisse pour étudier la théologie noire aux États-Unis dans les années. Importantes que furent les années. Martin Luther King, James Cone. et la guerre au Vietnam.

  • Speaker #0

    Écoutez.

  • Speaker #1

    Merci d'être avec nous pour ce moment. J'aimerais qu'on commence par évoquer des grandes figures que vous avez la chance de rencontrer. Je pense à Oscar Kuhlman, Karl Barth. Racontez-nous, au fond, ils étaient comment ces personnages ? C'était des personnages ou des gens accessibles ?

  • Speaker #0

    Non, non, des gens très accessibles. Enfin, très accessibles, c'était quand même des personnages accessibles, si vous voulez. Mais pour Barth, en tout cas, j'ai eu la chance de participer au... colloques français qui avaient lieu chez lui, parce que j'ai fait mes études à Bâle, justement à cause de Barthes. Et on allait chez lui et on parlait, enfin on commentait commentait la dogmatique de Barthes et après une fois qu'on avait fait notre petit résumé, notre petit speech, Barthes parlait du passé, de la guerre, de l'église confessante, de Barmen, etc. Là, c'était passionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous vous sentiez face au maître ? Parce que tout de même, c'est un monument. Vous vous sentiez en capacité de lui poser des questions,

  • Speaker #0

    de le challenger un peu ? Oui, pour lui poser des questions. À l'époque, j'ai tout écrit. C'est comme avec Luther, qui avait des étudiants chez lui aussi, vers la fin. J'écrivais tout. Et donc, j'ai les propos de table de Barthes, au fond, littéralement. Et donc j'ai tout un classeur à la maison, je ne sais pas très bien ce que j'en ferais, mais nous étions quand même très en confiance avec lui, mais simplement, c'était un grand type, donc on ne pouvait pas non plus dire n'importe quoi. Le colloque français était plus personnel ou interpersonnel, on était une dizaine de gens, ou même moins, huit, autour de la table. Chez lui, donc, c'était plus intime, personnel. Mais je participais aussi comme étudiant à son séminaire. Et là, son séminaire avec les Allemands et tout ça, c'était très intimidant, son séminaire. Parce qu'on était quatre personnes, quatre étudiants choisis, enfin choisis, qui devaient passer au Moulinet. Et alors nous parlions, nous vions commenter le texte que nous examinions. Et ça, c'était très impressionnant. Et une fois, on parlait de Calvin et de sa doctrine de la création, non, c'était la doctrine de l'écriture, sur l'écriture, chez Calvin, et ça c'était le thème. Et puis après la séance, je crevais de peur, etc. J'étais là avec mon bouquin, c'était en latin, on lisait l'institution en latin. En latin ? Oui, ça c'est l'habitude des églises, des universités allemandes. Ça, c'est l'ancienne école en latin. C'était tout à fait compréhensible, disons. Mais on avait quand même l'allemand et le français à côté. À la fin, il me prend et il me dit, Monsieur Mathieu, venez, j'ai quelque chose à vous dire sur Calvins. Est-ce que vous auriez voulu vivre à Genève du temps de Calvins ?

  • Speaker #1

    Il avait un sens de l'humour et il parlait français.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Avec cet accent que j'imite.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il représentait pour votre génération ? S'il fallait le résumer, il représentait quoi Karl Barth ?

  • Speaker #0

    Le courage, le courage théologique de tenir tête à la dictature, de tenir tête à Hitler. Ça c'est ça.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il représentait déjà une forme d'orthodoxie parce qu'il a écrit une œuvre tellement importante, qui a suscité tellement de fidèles derrière ?

  • Speaker #0

    Oui, mais l'homme d'orthodoxie, je ne l'aime pas beaucoup. D'ailleurs, il ne devait pas l'aimer non plus beaucoup. Il s'est toujours voulu, au fond, un enfant terrible, comme on dit dans une expression allemande. Enfant terrible. La dogmatique, c'est pas dogmatique au sens français péjoratif. C'est pas tellement une orthodoxie, moi j'ai jamais cru. Beaucoup de gens ont cru qu'il était orthodoxe, qu'il voulait restaurer les guises anciennes, les dogmes anciens, etc. C'est pas du tout ça. C'est pas du tout ça. C'était un grand... Un grand herméneut, comme on dit, c'est-à-dire un grand explicateur, au sens profond du mot, un présentateur de la doctrine chrétienne classique. Barthes est un classique, mais un moderne en même temps, parce qu'il avait ses mots et il a reconstruit toute la théologie. Mais c'est un reconstructeur, ce n'est pas un...

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qu'il vous a laissé ? avec du recul, dans votre vie de théologien, de m'engager ?

  • Speaker #0

    Tout ? Que dois-je vous dire ? L'attention à la confession de foi, ce qui n'est pas du tout la mode maintenant. En personne, on entend parler de ça, la confession de foi, parce qu'il avait écrit une confession célèbre contre les Deutsch-Christen à l'époque, dans les années 30, et ça s'appelle la... Confession de foi de Barmen, parce que c'était un endroit en Allemagne, un quartier. La confession de foi, la prédication, la centralité de la prédication, au fond la centralité de la parole de Dieu.

  • Speaker #1

    Alors, Barle c'était aussi Oskar Kuhlmann.

  • Speaker #0

    Oskar Kuhlmann alors c'est moins, il était moins flamboyant, c'était vraiment le prof, l'exégète. Il était très gentil, très sympa. Il parlait très bien français puisqu'il était strasbourgeois. C'est un strasbourgeois exilé à Bâle, au fond. On lui rendra justice, je crois. On était très moqueurs comme étudiants. On rigolait tout le temps, on se moquait de lui. Parce qu'il n'avait pas... Il était cinémataire, très sérieux, etc. Un marthe, c'était drôle. Mais Kuhlmann, je crois qu'on lui rendra justice. Je garde quand même un souvenir de lui, une marque. C'est l'écuménisme. L'écuménisme, ça, ça m'a beaucoup pressionné.

  • Speaker #1

    J'aimerais qu'on évoque d'autres figures que vous avez rencontrées, des grandes figures. Parce qu'avec ce qu'on évoque là, on est dans les grandes figures. Un mot ou deux sur Paul Ricoeur. Vous avez de la chance aussi de rencontrer Paul Ricoeur.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce qui signifie pour vous, comment était cette rencontre et comment étaient ces cours ?

  • Speaker #0

    Alors, les cours, moi je ne les ai pas tellement entendus, parce que c'était à Nanterre, c'était en philo, je ne les ai pas tellement suivis. Mais alors j'ai suivi son séminaire, qui était à l'époque, dans les années 65, comme ça, qui était, comment dire, très modeste à la Faculté de Théologie de Paris. au boulevard Arago, et il n'avait que quelques étudiants devant lui, parce qu'il était snobé par toute l'intelligentsia parisienne à l'époque, parce qu'il avait écrit un livre sur Freud, qui était un livre très nuancé, et pas seulement relatif, et qui était quand même sur l'herménotique, enfin sur, de nouveau, l'interprétation des textes. C'était un livre très positif sur Freud. Il récupérait, dira-t-on, la religion par ce bout-là. Au fond, il était détesté par ses collègues parisiens. Donc, il a beaucoup souffert, à mon avis, de ça. Il était dans ce séminaire tout seul, avec nous, quelques-uns. Nous examinions les textes de Bultmann, de Ebling, c'était l'entrée en scène de l'herméneutique, c'est-à-dire de l'interprétation intelligente des textes.

  • Speaker #1

    On est quelques années avant mai 68, ça bouillonne déjà à ce moment-là ?

  • Speaker #0

    Oui, dans un certain sens, oui, oui, oui. À ce moment-là, il était à la pointe de... Du combat, si on peut le dire, parce qu'il avait écrit dans Le Monde des articles très célèbres. Ça, on était déjà au début de 68, des articles sur la réforme de l'université, dont il s'était beaucoup préoccupé. Mais moi, ce séminaire dont je parle à Arago, c'était un peu avant.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'il a joué pour vous aussi, comme Barthes ? Est-ce qu'il vous a légué quelque chose qui vous a permis de vivre, de vous aiguiller dans le reste de votre existence ?

  • Speaker #0

    L'interprétation des textes. principalement avec l'idée fondamentale pour moi que le texte biblique notamment nous ouvre sur un monde et parler du monde du texte ça ça m'est resté fantastique cette expression le texte ouvre sur un monde et c'est nous qui le rabougrissons tout le temps qui en font des versets nanana etc un peu piétistes sur les morts religieux lui dépassaient Il m'a donné une vision beaucoup plus large, philosophique entre guillemets, beaucoup plus large de la tradition chrétienne. C'était un grand monsieur. Il était dans un sens encore plus distant que Barthes et Kuhlman. Je l'ai moins connu comme homme personnellement. Je l'ai connu comme prof. C'était un grand professeur.

  • Speaker #1

    Il avait déjà une grande aura à cette époque-là.

  • Speaker #0

    Ah oui. Mais après, l'aura est devenue encore plus après son époque américaine, celle de Chicago, où alors il deviendra vraiment très connu et très apprécié. Une fois que la vague contestataire, je suis passé en quelque sorte. Maintenant, il est plutôt un grand monsieur que tout le monde respecte.

  • Speaker #1

    Alors, dans les objets que vous avez amenés en rémotive, il y en a un... qui relève de cette période, si je vois bien, c'est 1969, on n'est pas très loin. Vous nous en dites, c'est symbolique évidemment, mais c'est dactylographié, c'est tout un monde.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Ça s'en doute. À l'époque, c'était ça la modernité. Maintenant, c'est plus comme ça. Je ne m'en souviens pas très bien, mais c'est un de mes premiers textes personnels en théologie. On sortait de 68 effectivement. Il y a trois termes que j'examine, idéologie, utopie et théologie. Alors l'idéologie, dans mon vocabulaire de l'époque, c'était l'ère du soupçon, Freud, Marx. Voilà, c'était la critique, la critique biblique sans reste. Alors l'idéologie, c'était une idéologie chrétienne où... Christiano-catechétique comme on disait à l'époque, je ne me rappelle plus très bien même les mots, c'était très négatif, le côté négatif de l'idéologie. Quant à l'utopie, c'était le côté positif. C'était la description d'un monde autre que le nôtre. C'était une apologie de l'utopie, dont on reparle d'ailleurs maintenant. Et puis théologie, la théologie devait se glisser là-dedans comme un troisième terme.

  • Speaker #1

    Au fond, ça a l'air très militant quand on entend parler. C'était une période très militante. Au fond, ce qu'on faisait, on le faisait par conviction, par recherche d'absolu.

  • Speaker #0

    Oui, enfin, par utopie, par utopisme. On était complètement utopique. On croyait en une nouvelle société possible, sans les classes sociales, qui n'est plus de riches et de pauvres. On croyait vraiment dur comme fer. On croyait que la révolution allait intervenir, je me souviens très bien. J'ai discuté avec un copain chez le Rondolte à l'époque, à Luni, à Genève. Je lui ai dit, demain c'est la révolution. Et puis il m'a dit, mais tu me fais...

  • Speaker #1

    Mais cette conviction que ce sera la révolution, elle venait de vous, de votre foi personnelle, des réseaux que vous fréquentiez, de l'ère du temps ?

  • Speaker #0

    De l'ère du temps. C'est un peu distingant. On défilait dans les rues, je me souviens. On faisait grève.

  • Speaker #1

    C'était dur ?

  • Speaker #0

    Assez, oui. Assez. Quelquefois, ça pouvait être assez dur. Je me souviens d'un étudiant qui était d'extrême-gauche. On avait des discussions, bien sûr. Il disait justement que je voulais ou j'avais été objecteur de conscience, que j'avais été à l'époque. J'ai été objecteur en 61, alors je lui disais oui, moi j'ai été objecteur, j'ai été aussi un contestataire, et puis lui il me répond oui, mais j'ai quand même... J'ai fait mon service militaire, j'ai une arme, ça peut toujours être utile. Je me souviens, c'était quand même un peu, vous voyez, pas de la rigolade complètement.

  • Speaker #1

    Alors vous avez parlé de votre objection de conscience, on va y venir parce que c'est quand même un chapitre très important. On a de la peine aujourd'hui en 2023 à s'imaginer qu'il fallait faire de la prison quand on était objecteur de conscience. Racontez-nous le contexte dans lequel... Ça s'est passé.

  • Speaker #0

    Alors, la Suisse était à l'époque horrible, c'était très anticommuniste d'abord, c'est ce qu'il faut dire. C'était très autoritaire, l'armée avait pignon sur rue, on pouvait faire des défilés de l'armée à Genève sans autre. C'est une époque donc complètement anticommuniste et déjà Barthes à l'époque à Bâle... Il disait que si vraiment l'armée suisse se dotait d'armes nucléaires, il fallait être objecteur. Déjà, Barthes disait ça à Barthes. Alors, ce projet d'équiper l'armée d'armes nucléaires, ce n'est pas concrétisé, heureusement. Mais c'est dans cette atmosphère aussi, j'avais compris Barthes un peu comme le contestataire par excellence. En quoi d'ailleurs... C'était pas tout à fait exact. J'étais un bartien de gauche, un vieux bartien de gauche, comme disaient mes étudiants récemment. Et donc, c'était vraiment l'époque où on disait l'armée, c'est nul, c'est contre le christianisme. Et alors, j'ai eu ces idées, peu à peu, aussi par l'Allemagne, parce que j'étais... J'ai... En 1958, avant mes études de théologie, j'étais en Allemagne pour parfaire mon allemand. Et là, j'ai vécu quelques semaines chez un pasteur de l'église confessante de l'époque, dans le Palatina, et il me montrait les brochures de l'époque, tout le combat de l'église confessante allemande des années 30. Et au fond, je baignais là-dedans. Et les Allemands, les mythes, disons, théologiques, étaient pacifistes, c'est-à-dire qu'ils en avaient. La guerre, c'était affreux. Il fallait que l'Allemagne soit neutre. Il ne fallait pas que l'Allemagne se réarme. C'est ça. Ils étaient contre le réarmement allemand. Et donc, moi, j'étais dans cette mouvance. Au fond, c'est ça le contexte, un peu.

  • Speaker #1

    Et puis alors, vous décidez de refuser l'armée. Ça se passe comment ?

  • Speaker #0

    Ben, mal. Ah, bien ? Voilà, j'ai écrit une lettre, bon, etc. J'ai été jugé à Iverdon, pas très loin d'ici. Et en hiverdon, parce qu'il fallait cacher un peu la chose, pour que ça fasse du bruit et des remous, alors on était jugé là-bas, hiverdon. Et voilà, j'ai dû faire six mois de prison.

  • Speaker #1

    C'était comment ?

  • Speaker #0

    Prison ferme. Bah, surtout au début, c'était pas tellement marrant. J'étais dans un monde complètement différent. J'étais aux études. Je ne connaissais pas bien le monde, la réalité. Et là, j'ai rencontré des gens très intéressants, du témoin de Jéhovah au banquier qui avait fait de mauvaises affaires. Vous voyez le genre. Il y avait une bibliothèque à la prison de Saint-Antoine, là où j'étais, à Genève, une très bonne bibliothèque, j'ai lu beaucoup de choses. Et j'ai eu un temps fécond de prise en compte. de la réalité, du réel, des gens. Je n'avais jamais vécu quelque chose comme ça. Et je crois que ça m'a fini bien finalement.

  • Speaker #1

    Il y a un objet qui date de cette époque ? Oui !

  • Speaker #0

    Alors ça c'est la Bible, dans la traduction de Jérusalem. Très bonne traduction, assez littéraire. Et j'ai beaucoup lu, là, à ce moment-là, la littérature digne de sagesse, c'est-à-dire les proverbes, les psaumes beaucoup. et d'autres écrits, l'Ecclésiaste, etc., qu'on appelle maintenant Coëlette. Bref, j'ai beaucoup lu ce genre de textes, et ça m'a accompagné tout le long des mois passés là-bas.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez vu par vos camarades comme objecteur de conscience, et parce que vous étiez un des rares objecteurs de conscience à faire de la prison ?

  • Speaker #0

    Oui. Comment j'étais vu ? Oui,

  • Speaker #1

    par vos amis, vos collègues, le milieu protestant, disons bien pensant genevois.

  • Speaker #0

    Ils disaient chapeau, motu, mais c'est tout. Ils ne s'en occupaient pas. En fait, j'avais cru que je renverserais l'état du monde par ça. En fait, c'était assez égal aux gens. Il n'y a pas eu beaucoup de suite. Simplement, je fais partie de ces gens qui avaient, devant les juges militaires, plaidé pour un service civil, déjà en 1961. Et donc là, j'ai quand même milité pour le service civil et enfin maintenant. Il existe ce service pour les réfractaires.

  • Speaker #1

    Mais vous avez dû quitter la Suisse pour ne pas vous faire coffrer une de ces droits.

  • Speaker #0

    Oui, exactement.

  • Speaker #1

    Un appareil invraisemblable.

  • Speaker #0

    Le fonctionnaire du département militaire que j'avais vu à Genève, je me rappelle encore très bien, il me disait Mothu, vous voulez vraiment retourner en tôle tout de suite ? Je lui ai dit Non, si possible, vous partez pour l'étranger, je vous donne un congé et puis vous allez à l'étranger. Et j'ai continué mes études à Göttingen à cause de ça.

  • Speaker #1

    Alors parlons de l'étranger un peu. Il y a l'Allemagne, Göttingen. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période allemande ?

  • Speaker #0

    Assez sombre. Comment dire ? J'étais assez seul quand même à Göttingen. On n'avait pas grand-chose à manger, c'est-à-dire... Non, mais je veux dire, je ne veux pas dire des bêtises, mais on allait à la Mensa pour les étudiants allemands. Il n'y avait pas grand chose à manger, c'était vraiment un peu pic-rac. Et puis j'étais seul, j'ai beaucoup travaillé, j'avais de la peine avec mon Allemand. C'était pas un moment, des semestres, j'ai passé deux semestres si je me rappelle bien à Göttingen. On était près de la frontière avec la RDA, j'ai été visiter cette frontière. On allait au culte local et souvent j'allais dans les paroisses notamment campagnardes. Je me rappelle très bien, devant l'église de la paroisse, j'ai été voir avec mes copains une pierre, un monument devant l'église à la Waffen-SS. Et donc on était quand même encore très là-dedans, dans la guerre.

  • Speaker #1

    Un monument à la Waffen-SS ?

  • Speaker #0

    Oui, oui.

  • Speaker #1

    Qui n'avait pas été détruit,

  • Speaker #0

    qui restait là devant l'église.

  • Speaker #1

    Ça vous a permis de comprendre l'âme allemande, cette tension terrible, cet héritage terrible aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, j'aime beaucoup l'allemand, la langue. Je suis très versé dans la littérature et dans la philosophie allemande, ça c'est vrai.

  • Speaker #1

    J'hésite à parler de Bonhoeffer maintenant ou plus tard, pour le raccrocher, mais c'est trop tôt encore.

  • Speaker #0

    Comme vous voulez.

  • Speaker #1

    Non, peut-être parlons-en maintenant, puisque Bonhoeffer, puisqu'on est en Allemagne, qu'on évoque les années sombres. Vous êtes un spécialiste de Bonhoeffer, Rimo, tu es reconnu. Vous avez traduit ses œuvres. Dites-nous quand et comment vous l'avez rencontré ? Pas la personne, évidemment, mais la pensée.

  • Speaker #0

    Alors, c'est déjà un bal qu'on lisait. Widerstand und Ergebung, Résistance et Soumission, qui est un livre qui est devenu très célèbre. Et à l'époque, c'était... assez peu connus. Et donc, nous lisions ça en allemand, Widerstand der Geheben, et là, les lettres, ce sont des lettres à ses parents, à son ami Eberhard Betke, à quelques autres, et donc, ces lettres m'ont beaucoup influencé, toute ma génération d'ailleurs, toute ma génération. On a pris connaissance, au fond, de la théologie, de la résistance, si je puis dire, par ces lettres. Alors il y avait deux grandes idées dans ces lettres, c'était évidemment la lutte contre l'état injuste, l'état antisémite, c'est déjà l'époque où on prend conscience de l'antisémitisme allemand, mais aussi de l'église, de toutes les églises, pratiquement de toute l'Europe, voilà, c'était ça, pour la défense des juifs. la défense contre l'état tyrannique, et d'autre part, c'était l'idée du christianisme non religieux, c'est-à-dire ce qui allait venir maintenant.

  • Speaker #1

    Il vous a accompagné toute votre vie ?

  • Speaker #0

    Complètement, oui, complètement. Ça m'a aidé à croire toujours, en dépit de tout ce qu'on voit et de tout ce qu'on sait.

  • Speaker #1

    Et vous, c'est un homme, comment dire, vous en parliez avec vos collègues, avec les étudiants, c'était une source d'inspiration.

  • Speaker #0

    Ah oui, oui, oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup. On découvrait ses lettres. Et donc sa théologie plus tard, etc. Mais on fera ça plus tard. Pour le moment, c'était les lettres.

  • Speaker #1

    Alors passons peut-être de l'autre côté de l'Atlantique. Parce que ça c'était une période pour vous, Henri Mottu, qui est une belle période. Une période qui vous fait briller les yeux,

  • Speaker #0

    je pense. Oui, absolument.

  • Speaker #1

    Mais dites-nous, dans quelle Amérique vous arrivez ?

  • Speaker #0

    Alors ça c'est encore une histoire. C'était l'époque du Vietnam, de la guerre du Vietnam. avec les grands mouvements pacifistes de l'époque aux États-Unis. Et Union Theological Seminary, où j'ai été invité, était vraiment très engagé contre la guerre du Vietnam. Et donc, d'ailleurs, pour faire le lien avec Bonhoeffer, Bonhoeffer a passé aussi beaucoup de temps comme étudiant, une année en fait, dans les années 30-31,

  • Speaker #1

    à Union. À Union, précisément.

  • Speaker #0

    Donc il y avait un lien, si vous voulez, entre Bonhoeffer, l'Allemagne, la guerre et... Union Theological Seminary. Et voilà, là j'ai eu une très belle époque où j'ai fait la connaissance notamment,

  • Speaker #1

    ah oui,

  • Speaker #0

    alors si je peux vous montrer de James Cone ici, l'homme noir là, qui a été très important pour moi parce que j'ai fraternisé avec lui. Là on me voit faire un discours ou je ne sais pas quoi, et là on voit ma femme Liliane avec laquelle nous sommes mariés encore aujourd'hui. Nous allons fêter nos 60 ans de mariage. Et voilà, et alors James Cone a joué un grand rôle pour moi, c'est-à-dire que c'était vraiment, c'est devenu un ami intime. Donc, James Cone, sur le contenu, était pour la théologie noire. C'était la première fois qu'on parlait de théologie noire, black theology La première fois que j'ai vu ce truc, je me suis dit, mais c'est quoi ça ? Il n'y a qu'une théologie, enfin ils sont fous. Alors c'était la première fois que je prenais conscience d'un contexte quand même. Et alors ça m'a fait prendre conscience aussi de mon propre contexte. Parce que Jim ne cessait de dire, mais vous avez aussi un contexte, mais aussi votre théologie c'est la théologie blanche, c'est la théologie des blancs, c'est pas la théologie de Jésus ou du Christ. Alors la Black Theology c'est lui qui m'a initié à cette théologie. Théologie très spéciale, une théologie finalement de la protestation contre la justice et contre, à l'époque, la ségrégation.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'à ce moment-là, les idées ne passaient pas si facilement l'océan Atlantique ? Si vous arrivez ne connaissant rien à ça ?

  • Speaker #0

    Ah ben complètement, c'était complètement nouveau. Ah oui, personne ne parlait de ça.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce que ça change ?

  • Speaker #0

    Ah on était complètement... On tombait de la nue, on est nus.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que ça va changer pour vous ces deux années aux États-Unis, avec la théologie noire, enfin bouillonnement d'idées, ça va renforcer le côté protestataire chez vous, le côté prophétique sans doute ?

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, ça va renforcer ce pôle-là. Et ça va quand même m'ébranler aussi dans un premier temps, m'ébranler dans le sens que James... et d'autres, avec lui, les Noirs attaquaient quand même l'église institutionnelle, l'église blanche, ou ségrégée, ou dans laquelle les Noirs n'étaient pas les bienvenus. Enfin, vous voyez, les États-Unis, c'est toute une histoire encore de racisme, de ségrégation. C'était presque la première fois qu'on nommait des profs, des professeurs noirs. Dans les universités américaines, sauf erreur, la nomination de James Cone date de 69-70. Moi je suis arrivé en 70 et c'était la première fois qu'on le nommait noir, prof. À ma connaissance, il y en avait quelques-uns, mais lui a fait le... La brèche, en parlant de théologie.

  • Speaker #1

    Quand on perçoit ces gens comme des révolutionnaires, c'est un terme qu'on peut utiliser selon vous ? C'était ça.

  • Speaker #0

    Ah oui, en tout cas pour les États-Unis. Peut-être pas pour tous les contextes, mais dans le contexte états-unien, c'était un révolutionnaire. Ah oui,

  • Speaker #1

    l'assainement. L'assassinat de Martin Luther King, c'est à cette période ?

  • Speaker #0

    C'est juste avant.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est juste avant. En 68, je crois justement. Là, Jim Cohn a été très ébranlé par ça. C'est-à-dire que toute l'Amérique a été sidérée de cet assassinat qui était prévisible depuis longtemps dans la carrière de King. On voit ça arriver. Ça a été terrible.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous allez ramener ensuite pour votre carrière de professeur que vous avez au fond puisé là-bas ?

  • Speaker #0

    et qui va orienter votre enseignement ici en Suisse.

  • Speaker #1

    Je crois quand même l'idée qu'il y a un cœur dans l'Écriture, dans les Écritures saintes, et le cœur pour nous, chrétiens, c'est Jésus. Et Jim Cohn va toujours citer les paroles de Jésus dans Luc 4, citant d'ailleurs Esaïe, que Je suis, moi, le Messie, arrivé dans le monde pour... Libérer les prisonniers, donner à manger aux affamés, visiter les malades, etc. C'était verser cette idée, au fond, d'une révolution chrétienne, d'une mise en question de la réalité du monde. Au fond, c'est ça qui est nouveau. Et donc James Cone, par son attachement au Christ, au Christ, disons, non pas blanc, gentil, gentillet, etc., mais au Christ révolutionnaire, c'est cet attachement au Christ qui m'a beaucoup aidé et qui m'est resté tout au long de mes années. Au fond, il reprenait Barthes, mais dans un autre contexte.

  • Speaker #0

    Vous me tendez la flèche pour la question suivante. Vous enseignez aux États-Unis le contexte de la théologie européenne, c'est juste ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est-à-dire la philosophie européenne, on m'avait demandé ça. Qu'est-ce que... C'était Kant, Hegel, Feuerbach, Marx.

  • Speaker #0

    Mais c'est quoi tu or ? Ça parlait aux Américains ?

  • Speaker #1

    Oh, à fond, à l'époque ! C'était l'époque justement où j'avais des étudiants anti-Vietnam, anti-guerre... contestataire parce que la contestation en Amérique avait commencé depuis longtemps et donc dans les années 70 c'était encore cette effervescence et moi j'avais comme ça tout à fait mais c'est bien qu'il connaît s'était emballé par feuillard barres marx est ce que je raconte il connaissait pas ses penseurs peu peu non c'est pas non c'est que moi j'avais davantage entre guillemets d'être européen et donc faut bien vous dire je J'apprenais l'anglais, enfin à peine, j'avais de la peine, mais pour Hegel par exemple, j'avais les trois versions. J'avais le français pour m'aider, la phénoménologie de l'esprit, l'allemand et l'anglais. J'avais trois versions et j'avais les trois bouquins devant moi quand je leur parlais. Donc ça c'était nouveau, parce qu'aucun prof ne parlait allemand. Vous avez les sources en langue allemande que j'avais. Enfin, je veux dire, aucun jeune prof de l'époque avait cette capacité linguistique. Et puis, surtout que j'étais un Européen, donc il m'aidait dans mon anglais. C'était comme une prédication où les Noirs aident le prédicateur et ils demandent au public, Aidez-moi, je ne me rappelle plus ce mot, etc. dans les types de... de la communauté lui répondre, elle aide. Et donc je faisais ça.

  • Speaker #0

    Donc ça faisait sens d'enseigner aux États-Unis. C'était pas un contresens.

  • Speaker #1

    Ah oui ? Pourquoi ça faisait pas de sens ?

  • Speaker #0

    Non, parce qu'on peut imaginer que la vérité, on la trouve là où on est, on n'a pas besoin d'avoir des outils qui viennent d'ailleurs.

  • Speaker #1

    Ah non, ça c'est pas du tout mon genre. En fait, de croire que la vérité, elle est ici, en Suisse romande. Non.

  • Speaker #0

    Encore peut-être un ou deux sujets.

  • Speaker #1

    Je suis curieux, je suis curieux.

  • Speaker #0

    Alors, précisément, vous êtes curieux, aux Etats-Unis, vous êtes sorti de la faculté, vous êtes allé vous promener, j'imagine aussi, un peu, c'était possible. Oui,

  • Speaker #1

    un peu.

  • Speaker #0

    Quel souvenir vous avez de ces communautés noires et blanches aussi, après tout, vous les avez peut-être rencontrées ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Pour les communautés noires, c'était très impressionnant, parce que le séminaire où j'enseignais, Union Theological Seminarist, tout près de Harlem, à quelques blocs près, quelques rues près. Et donc j'allais souvent le dimanche à l'église, ma femme et d'autres, les copains. On n'allait jamais seul à Harlem, il fallait... Un noir venait avec nous. Et voilà, alors dans ce comité c'était fou, délire absolu, mais régulier, un délire, une transe collective régulée, c'est-à-dire dirigée, accompagnée par le pasteur ou les pasteurs. J'ai vu de mes yeux vus et entendu de mes oreilles des prédicateurs que le prédicateur principal... le pasteur principal devait arrêter. Au bout d'un moment, le type s'excitait tellement, il était en trance, et je lui disais Now you're okay, we understand what you said Vous voyez, il freinait. Tandis qu'ici, on ne freine pas les prédicateurs. On dort debout. Alors,

  • Speaker #0

    il faut parler d'ici, on va y arriver. Vous rentrez des États-Unis, c'est un peu une deuxième partie de votre vie.

  • Speaker #1

    Ce que je voulais dire, surtout, c'est que les États-Unis, les bons souvenirs que nous avons, avec mon épouse aussi et nos enfants, c'est qu'on a eu de très belles amitiés. À part James Cone, il y en a eu d'autres. Ces amitiés sont restées presque jusqu'à aujourd'hui. C'est-à-dire, l'Amérique, du moins à l'époque universitaire... Elle était très sympa, très sympathique, très fraternelle. C'était pas du tout l'Europe pour ça. C'était une autre atmosphère.

  • Speaker #0

    Alors peut-être un mot sur les églises blanches, parce qu'on a parlé des églises noires. Vous êtes aussi allé dans des paroisses blanches ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, bien sûr. Rien de spécial à dire, disons. C'était business as usual. Alors vous... J'ai été de temps en temps, oui, oui. Le séminaire était situé tout près de Riverside Church, une grande église de style gothique dans les années 30, construite par Rockefeller. Et donc, dans cette Riverside Church, il y avait des prédicateurs très importants, qui étaient fantastiques. Oui, oui, non, j'y étais souvent. C'était à deux pas, où nous étions. Alors, USA et Union c'est un peu la même chose. C'est un peu dans le même quartier.

  • Speaker #0

    Quand, fort de tout ce que vous avez capté, compris aux États-Unis, vous rentrez en Suisse, au fond, vous êtes vu comment en rentrant en Suisse ? Vous vous êtes vu comme quelqu'un qui est devenu un gauchiste révolutionnaire plus radical ou un intellectuel qui connaît la théologie noire ? C'est quoi votre pédigré quand vous rentrez à Genève ?

  • Speaker #1

    C'était plutôt pasteur, là. C'était plutôt pasteur. C'était plutôt... Enfin, j'en sais rien, il faut demander aux gens. C'était plutôt... Comment dire ? Classique, quoi.

  • Speaker #0

    Et vous retrouvez, alors, vous retrouvez une cité et une ville que vous connaissez, mais dans un moment historique qui est quand même intéressant, c'est un moment de l'écuménisme, c'est un moment des... On va parler des centres de rencontres. Qu'est-ce que vous avez comme souvenir de cette période quand vous rentrez ?

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne comprends pas très bien.

  • Speaker #0

    Comment était la société jaunoise comparée à celle que vous aviez ?

  • Speaker #1

    Alors moi j'étais très proche des milieux écuméniques, aussi à cause de Cartigny, à cause du centre de rencontre dont je m'occupais. Et dans le centre de rencontre, il y a eu des sessions très nombreuses du conseil écuménique des églises. Et là, je recevais aussi les gens, nous recevions les gens chez moi, chez nous. Et donc voilà, j'ai beaucoup connu les gens du conseil écuménique là. Mon expérience était étrange parce que à la fois c'était la connaissance des amis du conseil et aussi l'entrée en réalité d'un monde campagnard. Cartigny c'est quand même la campagne genevoise, c'est très peu connu, mais Genève a une assez grande campagne avec une mentalité très spécifique. Et là j'ai fait la connaissance de paysans, d'agriculteurs très sympathiques. mais qui me regardaient un peu comme une bête curieuse, enfin. Et certains d'entre eux, je pense, trouvaient que leur pasteur était un peu... On m'a dit d'ailleurs, vous, vous êtes un pasteur un peu spécial. Voilà. Donc il y avait les deux choses. Il y avait l'internationalité avec le conseil et le monde campagnard, rural, je le vois, assez intéressant à connaître.

  • Speaker #0

    Mais dans les deux cas, un monde conséquent, vivant, avec des projets, avec des échanges. Par rapport à aujourd'hui, cette réalité-là, c'est quand même beaucoup affaibli.

  • Speaker #1

    Oui, alors le Conseil, c'était l'aventure, c'était quand même formidable. Moi, j'ai participé à l'organisation d'un congrès sur Bonnefer au Conseil. C'était fantastique, avec Conrad Reiser et tout ça à l'époque. Voilà ! Il y avait un lien, en effet, entre Cartini et eux, d'une certaine manière. Par exemple,

  • Speaker #0

    quelle espérance vous nourrissait à cette époque ? Quelle utopie, j'allais dire, puisqu'on a commencé.

  • Speaker #1

    C'était quoi l'utopie de cette année ? La réunion des églises. La réunion des églises. Ça, c'était clair. Surtout à Genève, avec le dialogue avec le catholicisme. D'ailleurs, c'est cette époque où nous avons, avec quelques amis... Fonder l'atelier écuménique de théologie sur une idée d'Éric Fuchs, Marc Fessler, Jean-Bernard Liviau et d'autres.

  • Speaker #0

    C'était la conviction qu'au fond, on allait bientôt fusionner ?

  • Speaker #1

    Oui, je peux le dire. C'était un peu une autre utopie, je crois. Comment dire ? C'est difficile de reconstruire ça, tellement... Dingue, enfin, tellement utopique, justement. Mais on croyait quand même, en tout cas que les divisions s'estomperaient. Ça, on le croyait.

  • Speaker #0

    Quand vous dites oh, vous étiez une petite équipe de théologiens catholiques et protestants visionnaires ou bien, au fond, la population aspirait aussi à cette...

  • Speaker #1

    Je crois que la population aspirait aussi, surtout les catholiques. Les catholiques faisaient la... Nous faisions la connaissance des catholiques d'une façon très intime. Puisque c'est devenu finalement paroissien, enfin c'est personne qui fréquentait la hauté, qui fréquentait nos cours, etc. Et voilà, c'était la connaissance des catholiques, pas seulement du catholicisme, mais des catholiques comme personne. Et eux étaient contents parce qu'ils faisaient la connaissance de la Bible. La Bible, à l'époque, c'était très connu. Les gens ne parlaient pas de ça. Et donc là, nous avons, nous les protestants, joué un certain rôle, je crois, pour la prise en compte de la Bible dans le catholicisme. En gros, parce qu'il y avait déjà des prêtres très calés autour de nous et avec nous.

  • Speaker #0

    Et comment ça s'est passé, la création de la O.T. ? Ça s'est fait facilement ou vous avez rencontré des résistances ?

  • Speaker #1

    Ça, il faudrait demander à Fuchs, plutôt à Éric Fuchs, mon ami de Genève, qui a... J'ai eu l'idée de cela avec Jean-Bernard Liviau, c'était au fond le CPE à Genève.

  • Speaker #0

    Le Centre Protestant d'Études ?

  • Speaker #1

    Voilà, qui a fondé ça avec quelques amis de Choisir à l'époque, qui avait Choisir, la revue qui malheureusement s'éteint maintenant. Alors c'était les deux équipes, le CPE et Choisir, qui ont fondé l'AOT, qui ont eu cette idée.

  • Speaker #0

    Quels souvenirs vous avez de l'AOT, de telle session ou telle personne ?

  • Speaker #1

    Magnifiques souvenirs. Formidable. Ah oui. Nous avions des cours, et ces cours étaient très vivants. Nous les menions, nous les donnions à deux, toujours, hommes et femmes, catholiques, protestants et quelquefois orthodoxes, parce que bientôt on se joindra, enfin des orthodoxes se joindront à nous. Voilà, les cours étaient très vivants, justement à plusieurs voix. Pour étudier un thème, par exemple, il y avait... L'historia, par exemple, protestant, et l'historien catholique, ou l'exégète protestant, l'exégète catholique, c'était très stimulant.

  • Speaker #0

    Quel fruit ça a laissé, selon vous ? Ça fait maintenant longtemps que ça...

  • Speaker #1

    J'ajoute, oui, j'ajoute encore, Michel, que la haute, ce n'était pas seulement les cours, c'était aussi le dialogue interpersonnel, ou personnel, avec les gens. Nous étions les conseillers de tel ou tel étudiant, de tel ou tel participant. comme enseignants, donc nous n'étions pas seulement des enseignants, nous étions aussi des pasteurs et des prêtres, nous occupant des personnes, des participants. Donc moi je garde aussi un très beau souvenir de ces entretiens. Et puis il y avait les groupes, les groupes étaient beaucoup plus interpersonnels, vivants. Il y avait trois piliers, en tout cas dans mon souvenir, les cours, les groupes et l'entretien personnel.

  • Speaker #0

    Peut-être un mot sur votre engagement dans le Conseil Ecuménique, vous l'avez mentionné plusieurs fois. Est-ce que vous vous souvenez de telle ou telle session ou assemblée à laquelle vous avez participé, ou contributions que vous avez pu apporter au fond à cette utopie écuménique ?

  • Speaker #1

    Alors je me rappelle d'une réunion à Accra, où d'ailleurs, je n'ai pas rencontré Jim Cohn, mais je pensais souvent à lui. À Accra, à l'époque, Lucas Fischer, c'était Face & Order. foi et constitution et là j'ai participé à un congrès très intéressant. Là je me rappelle très bien c'était l'Afrique cette fois, ce n'était pas l'Amérique noire mais c'était l'Afrique. Ça m'a beaucoup impressionné. Par exemple j'ai fait ça, j'ai fait aussi d'autres choses avec le conseil, on est allé une fois aussi pour une autre session à laquelle je participais, je participais en Allemagne de l'Est à Helmhut, Helmhut qui est le cœur. de l'église Morave, avec les fameuses Loosungen, les textes bibliques de chaque jour, c'est très connu. Et il m'en fait prêcher une fois dans une église, dans une paroisse, toute simple, dans la campagne près de Herneut. Alors j'ai prêché, et j'ai évidemment, comme prophète, dit beaucoup de mal de la société de... Consumerisme comment est-ce qu'on dit ? Consumerisme C'est consommation de l'Ouest. Et alors après cette prédication anti-consommation de l'Ouest, le pasteur a dit quelques mots, il faut remercier, et puis il a ajouté ce que le pasteur Mottu a dit de l'Europe de l'Ouest et de sa surconsommation est très intéressant, mais nous aimerions bien le constater par nous-mêmes.

  • Speaker #0

    C'est très joli ça ! C'était une manière de dire qu'il voulait pouvoir y avoir accès aussi ?

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Bon, c'était avant la chute du mur, évidemment. Comment vous avez vécu la chute du mur, vous qui connaissiez ces deux Allemagnes ?

  • Speaker #1

    L'étonnement, la stupéfaction, surtout sans une guerre, sans une... Sans une effusion de sang, sans bagarre, sans guerre, ça s'est fait un peu miraculeusement cette histoire. Ominum confusionne dei providencia comme on dit, c'est-à-dire, c'était quand même un chien. Et micmac, les problèmes de communication à Berlin-Est, etc. Bref, ça s'est passé d'une manière telle que les autorités, Et de l'Est et de l'Ouest étaient complètement stupéfaites, ils ne savaient pas ce qui se passait, c'était fou.

  • Speaker #0

    J'aimerais qu'on mentionne encore autre chose en Imotus, c'est votre attachement à la pensée prophétique ou au prophétisme, parce que ça est un peu un fil rouge de toute votre carrière. Est-ce que vous pouvez dérouler rapidement les points d'attache de cet intérêt au prophétisme ? C'est parti quand ? Et puis ça aboutit...

  • Speaker #1

    C'est difficile de vous répondre comme ça.

  • Speaker #0

    Jérémie.

  • Speaker #1

    Oui, alors voilà, c'est la lecture des prophètes de l'Ancien Testament, qui m'a beaucoup inspiré. Jérémie, je me suis intéressé à ce prophète parce qu'il y a les confessions de Jérémie, c'est-à-dire dans les textes d'août, les textes où il dit... J'en ai assez, pourquoi justement devoir prêcher le jugement contre Israël et tout ça ? Il dit ses doutes, il dit sa fatigue, et il souhaite même de mourir. Ce sont des textes très personnels, à l'intérieur même du livre canonique de Jérémie, que j'avais beaucoup étudié en son temps.

  • Speaker #0

    Et bien après, vous avez pu, au fond, développer une carrière académique. Ça, c'est votre dernier grand chapitre, c'est la faculté, votre travail en théologie pratique.

  • Speaker #1

    Oui, alors toujours le prophétisme, je reviens, c'est-à-dire, ça c'est Jérémie, le début, les prophètes de l'Ancien Testament. Et puis, c'est toujours ces figures prophétiques, entre guillemets, qui m'ont accompagné toute ma vie, Martin Luther King. D. X. Bonnefer et quelques autres. Et c'est ça.

  • Speaker #0

    Voilà, les fois d'accroche.

  • Speaker #1

    Le fil. Le fil. Et maintenant, je m'occupe de l'apocalypse à la fin de mes jours. Et c'est justement pour finir un peu cette veine, au fond utopique, cette veine à la fois du jugement de la société et d'espérance d'un monde.

  • Speaker #0

    Vous avez pu la... La poursuivre dans votre carrière de professeur théologie pratique aussi ?

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais moins, parce que là je devais m'occuper d'un enseignement qui n'était pas familier, qui ne m'était pas familier, c'était plutôt l'enseignement sur ce que c'est l'Église, ce que c'est que le mouvement écuménique justement, ce que c'est qu'un entretien pastoral, ce que c'est qu'une prédication, etc. Je me suis occupé de ça.

  • Speaker #0

    Vous vous souvenez de la faculté quand vous l'avez retrouvée ? Quel sentiment vous aviez venant de la paroisse, puis ayant des souvenirs ?

  • Speaker #1

    Tout différent, c'était tout différent. J'avais connu une faculté comme assistant du professeur de Snarclan, à l'époque 68-69. Là j'avais beaucoup milité, beaucoup aimé, j'avais participé à la grève des étudiants, etc. Grève devant laquelle d'ailleurs Jacques de Starclan avait des réactions assez marrantes, c'est-à-dire tout à coup il a dit devant l'ensemble des étudiants Nous ne sommes quand même pas une bande de boyscoots ! Donc voilà, ça c'était un peu la faculté de l'époque, contestataire pour les étudiants, assez inquiète disons de ce qui se passait du côté des profs, avec des profs quand même très classiques. Et puis alors quand je suis revenu, justement, dans les années quand j'étais prof en 88-89, dans ces années-là, ça avait complètement changé. Dans un monde autre, différent. Il y avait des jeunes profs que moi je n'avais pas connus, il y en avait quelques-uns que j'avais connus.

  • Speaker #0

    C'était plus un lieu d'utopie ?

  • Speaker #1

    Non, pas du tout.

  • Speaker #0

    C'était quoi ? Un lieu de gestion ?

  • Speaker #1

    Un lieu de réflexion polémique ? De polémique interne ? De difficulté ? J'ai été doyen deux ans, ça m'a suffi. Vice-doyen pendant deux ans aussi, donc j'ai fait quatre ans au Dakana. Merci beaucoup. Non, non, c'était... J'ai pas du tout aimé ces polémiques, ces difficultés. Surtout pour la nomination des collègues et tout ça.

  • Speaker #0

    Mais vous avez aimé enseigner ?

  • Speaker #1

    J'aimais beaucoup enseigner. J'ai beaucoup aimé enseigner, ici à Lausanne aussi, à Neuchâtel bien sûr, et à Genève. J'ai beaucoup aimé l'enseignement, le contact avec les étudiants. D'ailleurs, à l'époque, j'avais essayé de créer des semaines spéciales, intensives de théologie pratique. J'avais organisé notamment des séances à Bosset, à l'Institut Ecuménique de Bosset à l'époque. des semaines dites homilétiques, où là j'ai fait du bon travail pratique, c'est-à-dire l'initiation à la posture des futurs pasteurs, à leur manière de s'exprimer, à leur diction, à leur contact avec la communauté, etc. Là j'ai fait du travail dont je me souviens, qui était très proche de ce que je devais faire. Ma difficulté, si vous voulez, c'est pas seulement... Ce que je viens de dire. Ma difficulté, le fond, c'était, mais ça c'est bien connu, c'était que la théologie pratique dont je m'occupais, à l'université, elle n'est pas pratique, elle est forcément théorique. Et donc, voilà, j'étais un peu pris dans ce problème d'éducation des futurs pasteurs au niveau pratique. C'est pour ça que je me réjouis que nos églises, maintenant, aient repris. plusieurs institutions qui s'occupent justement après l'université de la pratique pratique, si j'ose dire.

  • Speaker #0

    Henri Mottu a publié il y a quelques mois un ouvrage intitulé Artisans de paix entre pacifisme et résistance Vous y retrouverez ses idées, ses convictions aussi liées à aujourd'hui. C'est publié aux éditions Labor et Fides. Sur la fiche description, vous trouverez un résumé de mémoire vive. Tous les détails qu'il vous faut, vous pouvez aussi... Nous réécoutez, écoutez les épisodes suivants sur les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux, bien sûr, et Informer.ch. Merci de nous suivre, merci de nous abonner, si le cœur vous en dit. Au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ: Henry Mottu

    00:38

  • Sa RENCONTRE avec Karl Barth

    01:24

  • “On se MOQUAIT d’Oscar Cullmann”

    06:38

  • Paul Ricœur : une VISION plus large

    07:39

  • Idéologie, Utopie et THÉOLOGIE

    11:29

  • Son OBJECTION DE CONSCIENCE

    14:48

  • “J’ai fait 6 mois de PRISON”

    17:45

  • Ses ÉTUDES en Allemagne

    20:37

  • Les LETTRES de Bonhoeffer

    22:25

  • La théologie NOIRE

    24:42

  • Ce qui a nourri son ENSEIGNEMENT

    29:38

  • L’enseignement de la THÉOLOGIE EUROPÉENNE

    31:10

  • “j’allais souvent dans les ÉGLISES NOIRES”

    33:33

  • Son retour à GENÈVE

    36:40

  • L’utopie de la RÉUNION des églises

    39:30

  • “les gens ne parlaient PAS de la Bible”

    40:33

  • Nous donnions des cours ENTRE catholiques ET protestants

    42:11

  • La chute du MUR DE BERLIN

    45:45

  • Son intérêt pour le PROPHÉTISME

    47:07

  • Mots de FIN

    52:52

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