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Hélène Küng : une FOI qui inspire la JUSTICE et l’ÉGALITÉ #10

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49min |22/01/2025
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Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Hélène Küng, théologienne, militante et ancienne directrice du Centre social protestant du canton de Vaud.

À travers ses souvenirs marquants du Rwanda avant le génocide et de son combat pour la paix en ex-Yougoslavie, cet épisode explore les défis liés aux droits des femmes, à l’accueil des réfugiés et aux pratiques spirituelles renouvelées.

Hélène Küng partage une réflexion vibrante sur l’indignation comme moteur d’action, la transmission de la foi et l’écoute des autres. Un témoignage fort mêlant histoire, foi et engagement pour un monde plus juste.


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Transcription

  • Speaker #0

    Quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits, sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la déférence, de la subtilité, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits, c'était juste à la période de Pâques en 1994, et on chantait Jésus est ressuscité tout en vivant ce que... la déchirure entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trasom. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Militante souriante, intellectuelle désinhibée, Hélène Kunk fait partie de cette génération de femmes qui s'est battue, battue contre la guerre, en ex-Yougoslavie par exemple, mais aussi battue... contre tant d'injustice et contre tant d'impuissance. Le monde nouveau attendu à la fin de la chute du mur de Berlin n'est pas vraiment advenu. Et pourtant, cela n'a pas entamé la capacité d'indignation d'Hélène Kulg. Écoutez-la. Par où commencer ? On a choisi ensemble de commencer par votre militance pour les femmes. Mais d'abord, vous êtes une femme qui vous affirmez, qui vous êtes toujours affirmée comme femme, sans complexe aucun.

  • Speaker #0

    Sans complexe aucun et en même temps... J'espère sans dogmatisme, je suis surtout à la suite de femmes qui m'ont impressionnée et qui m'ont impressionnée comme militante, pas juste pour elle-même, entre guillemets, mais pour l'ensemble de l'humanité et puis pour l'ensemble des personnes, qu'elles soient favorisées ou non. Un combat pour l'égalité, pour la diversité, pour la justice. Pas question d'adopter une chapelle contre une autre.

  • Speaker #1

    Quand est-ce qu'il a commencé ce combat ou quels ont été ses éléments porteurs et marquants pour vous ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense dans ma tendre enfance, quand j'ai appris que ma grand-mère n'avait pas le droit d'aller voter, si elle ne votait pas la même chose que mon grand-père. Dans le canton de Vaud, le droit de vote des femmes était relativement récent et mon grand-père s'y était opposé. Voilà, là ça me pose une première question. Qui reste ? et puis qui rejoint d'autres questions ensuite.

  • Speaker #1

    Mais vous avez, comme femme, été assez rapidement engagée dans différents combats.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et je me souviens d'un combat tout à fait étonnant. J'étais sommelière un mois pendant mes études pour gagner, je ne sais plus de quoi faire, mon permis de conduire ou quelque chose comme ça. Et je sentais dans le café où je travaillais comme sommelière une forte hiérarchie sociale. Nous étions au début des années 1970. Et j'avais comme allié dans la place quelqu'un d'incroyable. C'était un jeune homme qui s'affirmait, s'affichait comme gay, ce qui était extrêmement courageux. À l'époque, ça l'est encore toujours. Et qui aidait les personnes en difficulté, que ce soit la jeune sommelière qui s'y perdait ou quoi. C'était quelqu'un qui, comment dire, créait la relation. pour créer la réjouissance en plein stress, etc. Et pour moi, il est devenu une sorte de modèle de militant souriant qui veille à ce que tout le monde, et pas juste les gens de son camp, y aient leur compte. Il m'a beaucoup impressionnée, il m'a marquée. Et après, quand j'ai retrouvé à la Marche mondiale des femmes en 2000 des camarades lesbiennes qui m'ont aussi énormément appris sur le respect de la diversité, sur le droit de chacun à chacune à être comme il est. Ça m'a beaucoup encouragée. J'ai énormément appris en fait comme militante.

  • Speaker #1

    Mais vous ne reveniez pas d'un milieu où au fond les femmes s'affirmaient ?

  • Speaker #0

    Je venais d'un milieu où les femmes s'affirmaient, où être intellectuelle était considérée comme bien par un certain nombre de femmes de ma famille, ce qui fait qu'elles considéraient presque comme un déshonneur que je choisisse d'étudier la théologie plutôt que l'archéologie ou une science un peu sérieuse. Effectivement, les femmes s'affirmaient et en même temps... J'étais très consciente du regard des intellectuels sur les non-intellectuels. Donc il y avait une question sociale qui se posait aussi dans ce regard-là. Mais oui, j'étais tout à fait favorisée par le fait que les femmes s'affirmaient dans ma famille, donc je n'avais pas aucun héroïsme à jouer à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Alors si je reprends un peu votre parcours, il y a un rendez-vous, ça se dit en allemand, Frauenkirchenfest.

  • Speaker #0

    Genau.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors, la Frauenkirchenfest, ça a commencé par la Frauen-Synode, qui était lancée par un certain nombre de femmes, dont des femmes catholiques suisses, en réaction à un synode catholique. exclusivement masculin. Je suis allée à mon premier Frauen-Synode avec des militantes genevoises et autres, c'était passionnant, on était dans le train jusqu'à Lucerne, jusqu'à Interlaken, je ne sais plus où c'était. Et je découvrais un monde de rire, de colère, d'élan, de non-censure. Dans une grande assemblée protestante, dans les années je ne sais pas quoi, on ne rit pas très fort. À la Fraunsinode, il y avait des éclats de rire de plusieurs centaines de personnes en même temps. C'était extraordinaire. Je découvrais ça. Et puis, c'était dans les années 90. Les années 90, elle s'ouvrait sur un espoir fou qui était la chute du mur de Berlin. Un espoir extraordinaire d'une redistribution mondiale, avec si possible moins d'armes dissuasives atomiques, par exemple. Peut-être qu'on était fous, on rêvait une redistribution mondiale aussi en termes tiers-mondistes, ce qui ne s'est pas du tout fait. C'était le grand début du néo-capitalisme et non pas de l'égalité. On avait beau dire pays émergents ou du tiers-monde, ça n'émergeait pas, c'était maintenu. Et dans ces années 90, avec... Le deuxième fraude qui est infeste auquel je suis allée à Bâle, c'était en 1992, la guerre en ex-Yougoslavie a été à la fin d'éclater. Et je découvrais que l'impuissance épouvantable que j'éprouvais à ce moment-là et que j'éprouvais à tant d'autres moments et encore aujourd'hui, pouvait trouver des mots pour être dites. C'est le début de sortir de l'impuissance et déjà oser dire. Et... Mais le frère Henri de Rinfès était un lieu pour cela. Au train de retour, revenant de Bâle, je me trouve avec un certain nombre de femmes du Suisse allemande, du Suisse romande. Et j'apprends l'existence des femmes pour la paix, du cercle d'Olten et d'un certain nombre de groupes de femmes qui vont manifester contre la guerre en ex-Yougoslavie. Moi, je vais me joindre aux femmes de la Palue, une petite place à Lausanne, fraternelle avec... les femmes de la fusterie à Genève, mais jusqu'aux femmes en noir à Belgrade, qui étaient autrement plus courageuses que nous. Et nous avons manifesté pendant des mois et des mois contre cette guerre. Nous ne savions pas quoi faire d'autre. Nous avons aussi écrit aux autorités suisses, écrit à l'ONU, obtenu un rendez-vous, chanté sur les places, fait signer des pétitions, rassemblé des dons pour une œuvre d'entraide pour les réfugiés en Croatie, etc. Un sentiment d'impuissance... couplé à un activisme, j'allais dire fiévreux ou frivole, on peut dire peut-être les deux, juste pour dire qu'on n'est pas d'accord, juste pour dire qu'on n'est absolument pas d'accord avec ce qui ose s'appeler une guerre ethnique. C'était, il faut tuer les musulmans parce qu'ils sont musulmans. Alors en tant que chrétienne, j'entends ça, ça m'est tout aussi insupportable que d'entendre qu'il faut persécuter les chrétiens. du christianisme, on dit qu'il faut persécuter des musulmans, ça n'y va pas.

  • Speaker #1

    Comment ça a été reçu, ces manifestations, à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    Avec beaucoup de sympathie. Nous étions un petit groupe dans notre paroisse qui participait régulièrement. Et puis, il y avait des personnes pas du tout religieuses qui faisaient partie des Femmes pour la Paix, mais qui étaient tout à fait athées, mais on était alliées par le même sentiment de rébellion. Et puis, je me rappelle de personnes qui étaient contentes de savoir venir s'asseoir avec nous en disant... On ne peut rien faire, au moins on peut s'asseoir avec vous. Le sentiment d'impuissance et de choc de cette guerre à nos portes, alors qu'on avait dit plus jamais ça. Mes parents m'ont élevée dans plus jamais ça. La secondaire mondiale, les camps, l'extermination d'un peuple, sous prétexte qu'il est peuple, le peuple juif. Plus jamais une extermination d'un groupe parce qu'il est un groupe.

  • Speaker #1

    Soutien aussi à cette époque où... Oui, c'est cette époque au maire bosniaque. Oui,

  • Speaker #0

    c'est venu comme ça. Ma militance, elle a commencé du par grâce à ces femmes, notamment alémaniques, en parole et en rébellion. Et aussi à cause des articles qui étaient écrits par Sonia Zoran dans le Nouveau Quotidien, qui avait été lancé par Jacques Pillet, qui se révoltaient contre la lecture séparante, ethnicisante du bouillonnement culturel des Balkans, en disant, mais on est notre culture. Et le... Elle tient debout parce qu'elle a toutes ses racines. On ne peut pas nous couper en morceaux. Et donc, ça m'a aussi conduit à cette méditance, on peut dire. les échos, soit de chrétiennes, de chrétiens, d'athées, mais unies dans cette même protestation. Et puis, du coup, nous avons accueilli des femmes bosniaques, nous avons organisé des marches avec elles. Je me rappelle très bien que certaines de ces femmes bosniaques disaient, mais enfin, femmes pour la paix, vous rigolez, donnez-nous des armes et on va les battre. Femmes pour la paix, c'est bien un luxe d'occidental. Mais voilà. On était ensemble et du coup, ça m'a conduit à faire partie de l'association des mères bosniaques. Ça m'a rapproché du service d'aide juridique aux exilés. Je découvrais les référendums contre un des X durcissements de la loi sur l'asile. Donc, j'apprenais, j'apprenais, j'apprenais. Je trouvais des lieux où il se passait des choses en résistance et qui me donnaient envie de m'y joindre.

  • Speaker #1

    Alors, on verra tout. tout à l'heure que cet apprentissage, évidemment, il vous a équipé pour la suite, mais j'aimerais qu'on ait un autre F, pas seulement le F de femme, mais le F de formation. C'est une période où ça n'est pas que lié à vous, c'est lié à une génération. On quitte un peu le ou la pasteur qui donne la vérité pour essayer d'être dans des mouvements où on échange autour d'eux. C'est ça le processus.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et encore, je fais partie des jeunettes. ou des jeunes de cette génération-là, qui étaient marqués par les travaux de Louis Chorderey et des différentes personnes qui travaillaient l'animation de groupe. L'idée étant que si on veut que l'Église fasse sens, il ne faut pas qu'il y ait juste des clercs qui déversent un savoir appris et puis ensuite donné au compte-gouttes, même si le pasteur se croit très généreux en expliquant la chose, mais s'il explique sans que les gens puissent dire où ils en sont, ça va. Donc l'idée c'était... l'animation de groupe comme outil en particulier pour le travail biblique. On ne fait pas de travail biblique en faisant un exposé d'une heure, en disant interrompez-moi si vous avez une question On commence par travailler sur ce que les gens connaissent déjà, ce qu'ils savent, ce sont les questions qui se posent, etc. Ce qui m'a été extrêmement utile et ce qui m'a fait beaucoup apprendre pour l'animation de groupe biblique, pour l'animation de groupe écuménique de femmes pour préparer les journées mondiales de prière, ce qui m'a aider à toutes sortes de moments pour travailler avec les gens et pas à leur place.

  • Speaker #1

    Une époque qui est révolue, dont vous avez senti que le tournant se prenait déjà ?

  • Speaker #0

    J'avais l'impression que le tournant se prenait quand j'ai travaillé en paroisse à la fin de ma période professionnelle il y a quelques années en arrière. J'étais frappée de voir que les collègues l'un déjà à la retraite et l'autre toute jeune qui se passionnaient aussi pour le travail biblique, avaient l'un et l'autre la pratique de faire un exposé au début d'une étude biblique et puis laisser lutter pour les questions. Je venais avec mon souhait qu'on commence par donner la parole aux gens, qu'on repère de quelles questions ils ont besoin, etc. Et j'avais de grands moments de solitude. On me disait, je me suis dit, tiens, est-ce que ça ne fait plus sens ? Pour moi, ça faisait sens. Et les quelques thèmes bibliques que j'ai organisés, parce qu'on se les répartissait, ce qui était une très bonne chose. J'ai continué à travailler comme ça et j'étais heureuse de voir que les gens étaient intéressés à pouvoir intervenir, poser X questions. Ils savaient que la prochaine fois que je travaillais, je faisais un programme axé sur leurs questions. C'était extrêmement stimulant et j'avais clairement l'impression que tout le monde apprenait d'entendre les questions les uns des autres. Ça veut dire aussi être prêt. Ah oui, ils veulent travailler plutôt tel passage, donc à moi d'utiliser mon équipement, non pas pour leur enseigner quelque chose, mais pour être prête sur le sujet qu'ils ont demandé.

  • Speaker #1

    Si on ouvre un chapitre important dans votre vie à l'ENCUG, c'est le chapitre de l'asile. Vous avez été en paroisse comme pasteur, mais au fond, assez rapidement, vous avez atterri dans un lieu comme Aumônière.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et c'est vrai que je n'étais pas comme... pasteur en paroisse à cette époque-là, mais j'étais comme femme de pasteur et mère de famille, avec un certain nombre de bénévolats, d'animations de groupes, de femmes pour la paix, de journées mondiales de prière, etc. Et c'est en fait par le chemin qui s'est dessiné à la suite de la guerre en ex-Yougoslavie, l'accueil des mères bosniaques, l'association des femmes bosniaques, le contact avec le service d'aide juridique aux exilés. et avec le groupe SOS Asile, que je me suis trouvée être sollicitée par des gens qui me connaissaient dans ce milieu-là pour dire mais on cherche quelqu'un pour l'aumônerie au nouveau centre d'enregistrement de Régal-Andazé-Lavalant, en 2000, et puis que j'ai postulé et qu'on m'a prise. Voilà, donc j'étais dans une équipe écuménique. à l'aumônerie au centre d'enregistrement de requérants d'asile à Val-en-Bourg.

  • Speaker #1

    Avec le recul, comment vous voyez cette période dans laquelle vous avez commencé cette activité ?

  • Speaker #0

    C'était une période charnière. En même temps, c'était déjà une période où des durcissements de la loi sur l'asile avaient été proposés au peuple, avaient été acceptés, malgré la militance de petits groupes auxquels j'appartenais, qui disaient attention, on est en train de se fourvoyer Je pense, avec le recul, que... La fameuse chute du mur, la fin du rideau de fer, etc., a conduit à des situations qui n'étaient pas prévues par notre législation sur l'asile. Elle était axée, après les conventions de Genève, sur protéger des personnes persécutées pour leurs opinions politiques. Typiquement, les réfugiés de l'Est, de Hongrie, du RSS, etc., d'avant en 1990. Arrive une période... où des persécutions se produisent contre les groupes. Vous ne pouvez pas, en tant que bosniate musulman persécuté par un pouvoir serbe ou comme kosovar albanophone persécuté, dire je suis persécuté pour mes opinions politiques Je suis persécuté parce que je fais partie d'un groupe Allez prouver ensuite, comme la loi sur l'asile en Suisse maintenant le demande, ou en tout cas la jurisprudence. prouver que vous êtes encore plus persécutés que la moyenne des gens possible. On a un changement politique qui fait que nos outils pour déterminer qui peut obtenir l'asile ont changé. Et le durcissement qui était de dire il y a trop de gens qui viennent, d'ailleurs ils viennent pour des raisons économiques, donc ce n'est pas des réfugiés politiques, c'est mal de venir pour des raisons économiques, c'est un prisme qui a sa logique, mais qui ne couvre pas. plus ce qui se passe au niveau mondial. Alors en même temps, quand j'entends des gens dire oui, oui, mais tous ces gens ne sont pas des réfugiés, etc., j'ai envie de dire, est-ce que vous lisez de temps en temps le journal mensuel d'Amnesty International ? Est-ce que vous vous rendez compte de la situation des droits humains, des droits de l'homme sur la planète ? Est-ce que vous vous rendez compte que des gens sont persécutés parfois pour des raisons religieuses, pour des raisons qui appartiennent à tel groupe ethnique, etc. Tout ça fait... partie de ceux qui nécessitent une protection. C'est une des évolutions que j'ai trouvé très difficile à comprendre.

  • Speaker #1

    Dans ce lieu, quel est votre rôle comme aumônière ? Vous faisiez quoi à cette époque ? Je n'ose pas dire, vous serviez à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ce sont deux bonnes questions. Nous entrions en contact avec les personnes en essayant de ne pas les stresser en demandant d'où vous venez, vous vous appelez comment, etc. passer du temps avec eux, leur signaler notre disponibilité à l'écoute, les orienter vers le service d'aide juridique. Le fameux sage. Le fameux sage, qui avait son antenne à Valorbe, pas loin du centre de requériment d'asile. Aussi parce que les gens ne savaient pas du tout à quoi ils seraient confrontés dans la procédure d'asile suisse. Donc il fallait un minimum d'informations sur pourquoi ceci, pourquoi est-ce qu'on attend, pourquoi est-ce qu'on vous interroge, ça correspond à quoi. Donc nous faisions beaucoup de vulgarisation. Mais surtout, nous les envoyons au service d'aide juridique aux exilés. Et je me suis rendu compte, mes collègues aussi d'ailleurs, que nous devions aussi, quelque part, servir de témoin de ce qui se passait, de la détresse des gens, de leur ignorance, de leur difficulté à comprendre pourquoi les lois sur l'asile sont organisées comme ceci en Europe, et plus particulièrement en Suisse. aussi signaler la difficulté pour eux, par exemple, de n'avoir le droit de rien faire, de ne pas être autorisé à travailler, d'avoir aucune occupation, et pour je ne sais pas combien de temps. Qui d'entre nous, citoyens et citoyennes suisses, travailleurs, etc., supporterait d'être une semaine, ne serait-ce qu'une semaine, à ne rien faire, sans savoir pour combien de temps, et puis vouloir rendre service, vouloir travailler, etc., on dit non, non, vous n'avez pas le droit. Je veux dire, c'était une situation dont nous devions témoigner. Nous avions d'ailleurs organisé avec le SAGE une liste à Valorbe qui s'appelait Pas de salade Et comme c'était Pas de salade nous offrions des confitures maison. Et nous étions là pour dire Nous ne vous racontons pas de salade sur les requérants d'asile, voici les faits Pour ça, nous étions évidemment très très redevables à des groupes comme Vivre ensemble à Genève, avec des contacts dans tous les cantons, qui pouvaient documenter. Voilà quel est le pourcentage de requérants d'asile en Suisse. tout petit pourcentage. Par exemple, nous servions aussi à répercuter cela aussi dans les églises, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez accueillie dans les églises à ce moment-là, votre ministère d'aumônière ?

  • Speaker #0

    Alors, de manière complètement variable, mais j'étais très reconnaissante aux responsables laïcs, d'ailleurs Roland Besse du département Présence et Solidarité dans l'église réformée vaudoise, dire à l'aumônerie à Valop, tu fais partie de l'ensemble du dispositif. Il y a aussi des aumôniers dans les hôpitaux, il y a des aumôniers auprès des écoles, etc. L'asile, c'est un des volets. Et nous tirons tous ensemble à la même corde, c'est pour témoigner de l'Évangile et de l'amour du Christ, et témoigner auprès de nos frères et sœurs protestants de ce qui se passe dans des situations de détresse.

  • Speaker #1

    Vous interveniez aussi auprès des autorités du monde politique, par exemple, c'était possible ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était possible. Alors avec un canal intéressant, nous avions une rencontre au plan suisse des homonies auprès des requérants d'asile. sous l'égide de la fédération des églises protestantes de Suisse. C'était passionnant de remontrer les collègues de Bâle, de Kreuzlingen, d'Alstetten, etc. Et nous faisions remonter un certain nombre d'observations. En même temps, nous sentions une prudence, un ouragan de prudence quant à ce que nous pouvions répercuter. Alors, nous essayions de le faire dans les paroisses, dans les médias aussi, auprès de la fédération des églises protestantes. Et de temps en temps, nous inter... de manière un peu plus bruyante en se disant Mais notre conscience d'homogène nous comptera à vous interpeller bruyamment. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça fonctionnait ?

  • Speaker #0

    Ça dépend. Au moins, nous étions entendus et parfois, nous avions, enfin, nous étions entendus, nous avions la possibilité de parler et d'écrire et parfois de signaler aux médias que nous prenions la parole.

  • Speaker #1

    On est en 2024 aujourd'hui, et là, on parle des années 2000, 2005, 2006, 2007. La différence entre aujourd'hui et ces années-là, vous arrivez à l'évoquer en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est toujours la même chose en pire, j'aimerais dire. Il y a peut-être un peu de lucarne d'espoir quant à la manière d'intégrer les requérants d'asile et les réfugiés, dont j'ai l'impression qu'ils sont encore fortement soupçonnés, de venir. parce que la Suisse est attractive, etc. On oublie que l'attractivité de la Suisse a notamment été construite par une foule de migrants et migrantes, travailleurs, travailleuses, qui ont contribué à constituer la prospérité suisse, que beaucoup de Suisses, autrefois, ont dû partir s'exiler parce que la Suisse n'était pas si prospère. Donc, c'est difficile, je trouve, ce soupçon. Dès qu'un parti politique souhaite faire un tabac, il doit rallier contre l'asile. C'est stupide. Or, J'ai l'impression qu'il y a un irréalisme crasse. Notre société a besoin de migration, d'une part. Les valeurs suisses dont nous nous vantons tant parlent d'accueillir des personnes qui sont persécutées ailleurs. Alors, comment peut-on se faire un autogol pareil en disant au nom de la Suisse, nous soupçons non-lirequaires en asile, alors qu'il faut évidemment examiner leur situation. Dans ce domaine comme dans d'autres, il y a des fauteurs de troubles, on est absolument d'accord. Aucune profession, même pasteur, n'est exempte de fauteurs de troubles. C'est comme ça. Mais ce que je trouve, pour revenir à la question, mais qu'est-ce qui a changé ? Moi, j'ai l'impression que c'est toujours aussi difficile et que c'est toujours aussi difficile de se dire, mais on continue à témoigner de ceci en essayant de ne pas espérer que ça change. Bien sûr qu'on espère que ça change, mais l'espoir peut être complètement démolisseur, épuisant. Il faut continuer à témoigner, c'est tout. Il faut continuer à dire ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Alors on va faire un saut dans le temps avec vous, mais on ne va pas faire un saut dans le temps... On va remonter, si vous voulez, on va remonter à une période qui est un peu avant. Je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est une parenthèse. C'est la période dans laquelle vous avez voyagé au Rwanda, envoyé, c'est juste... Et qu'est-ce que vous avez découvert ? On précise qu'à ce moment-là, on est avant le génocide.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Nous sommes partis, mon mari et moi, tout fraîchement mariés, tout fraîchement licenciés, on ne parlait pas encore de master de la faculté de théologie de Lausanne, d'abord pour une année qui se sent prolongée en six ans des années 80, comme participants à un programme de formation théologique pour les futurs pasteurs de quatre églises protestantes rwandaises. Nous étions censés aller former et enseigner, nous étions totalement des apprentis, ce qui nous a très probablement aidé à être des formateurs ou des... co-constructeurs un peu crédibles. Nous découvrions une société dont nous n'avions pas idée. Nous nous découvrions comme Européens privilégiés dans une société post-coloniale où les Blancs avaient encore énormément de privilèges, notamment financiers. Nous nous découvrions apprentis dans une culture dont nous ignorions tout. Donc, on a essayé d'apprendre un peu la langue, etc. On ne pouvait pas, comment dire, enseigner la théologie sans... tout petit peu découvrir quelle était la vie des gens, ou quelles étaient les vies des gens à qui nous avions affaire. C'était extrêmement intéressant. Nous avons vraiment vécu cette situation qui m'a ensuite beaucoup aidée à l'aumônerie auprès des requérants d'asile. Je suis un hôte le passage. Je suis en visite chez vous, dans votre culture, dans votre programme de formation, dans votre cursus. Je suis en visite. Je ne suis pas là en maître. J'entends en possesseur.

  • Speaker #1

    Comment était la société rwandaise à cette époque ? Est-ce que... On se pose tous la question, est-ce que des années avant, on pouvait percevoir les tensions qui ont conduit à ce fameux génocide en 1994 ?

  • Speaker #0

    Les tensions ethniques étaient déjà là. Nous avions découvert très rapidement que c'était absolument impossible de coller une étiquette ethnique aux gens rien qu'en les voyant. Donc, tant de personnes étaient de père ou de mère, tout de suite, de père, tout de suite, etc. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que lors du génocide de 1994... Les cartes d'identité, les gens étaient demandés, les gens essayaient de cacher ou de fausser leurs cartes d'identité, parce que non, les personnes ne sont pas de deux ethnies complètement identifiables physiquement, pas du tout. C'était d'ailleurs des groupes qui pouvaient passer d'un groupe social, c'était des groupes sociaux, où on pouvait devenir tout de suite ou devenir autour. Un ami nous racontait que son père et son oncle, de même père et mère, l'un avait été... identifié comme Tutsi par l'administration coloniale belge parce qu'il possédait dix vaches, et l'autre avait été identifié comme Hutu parce qu'il n'en possédait aucune. Alors, on en rit à l'époque, on en rit beaucoup moins maintenant, qu'on voit comment cette classification a été utilisée.

  • Speaker #1

    C'était un sujet de discussion, cette question Hutu-Tutsi, ou c'était déjà tabou ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qu'on nous disait clairement, c'était, vous n'en parlez pas si les gens ne vous en parlent pas. Et n'oubliez pas que si vous posez des questions à l'iscrète, vous pouvez être ramené à la frontière, mais la personne à qui vous pouvez poser des questions à l'iscrète pourrait se retrouver dans un local de police, et pas un local respectueux des droits de l'homme. Donc on se rendait compte que c'était présent, et on a appris à vraiment attendre, attendre, attendre, avant de poser des questions, toujours de seul à seul, jamais en groupe, d'attendre qu'on nous parle, attendre. C'était extrêmement formateur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez trouvé ce protestantisme rwandais à cette époque ?

  • Speaker #0

    Il était extrêmement minoritaire. Les protestants, dans les cinq ou six confessions, formaient à peu près 20% de la population. Nous étions avant l'explosion des confessions de toutes sortes, que je ne qualifierais pas de protestantes, toutes sortes de confessions revivalistes. de l'évangile de la réussite, du dieu qui accorde de l'argent, des enfants, je ne sais pas quoi, suivant comment on le prive, tout ça. Ça s'est multiplié, c'est un fléau au sens où ça peut vraiment donner de faux espoirs matériels à des gens qui sont dans le dénuement. Et ça, c'est grave que la religion serve à ça.

  • Speaker #1

    Ce n'était pas le cas à votre époque ?

  • Speaker #0

    Alors, ce n'était peu pas le cas, ça m'est difficile de dire. En tout cas, c'était vraiment une époque où il y avait encore relativement peu de confession protestante, très orientée sur le salut au ciel, aussi parce que la terre restait assez désespérante. Nous, on arrivait avec nos gros souliers pour dire que c'est important de témoigner du Christ ici sur terre, etc. On nous a fait comprendre que les marges du manœuvre étaient tellement petites que ce n'est pas étonnant que les gens espèrent le salut au ciel et le prêchent. Voilà, on a pris quelques leçons. En même temps, c'était très important pour nous de donner aux étudiants et étudiantes, de partager avec eux des outils d'écoute, des outils de non-jugement, des outils de diversité dans la Bible, qui fait qu'on ne peut pas juste flanquer un verset à quelqu'un pour lui dire qu'il est un mauvais chrétien s'il ne se marie pas à l'Église ou je ne sais pas quoi. C'était un apprentissage passionnant. Comment étaient les gens entre catholiques, protestants, protestants ensemble ? Est-ce que c'était une société très fragmentée au niveau religieux où il y avait un sentiment religieux dominant, à peu près consensuel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y avait un sentiment religieux dominant au sens où l'athéisme paraissait comme une sorte d'absurdité ou une sottise intellectuelle. Et puis, il y avait un fort clivage confessionnel qui est un petit peu hérité de la situation coloniale belge. Les protestants étaient archi minoritaires et soupçonneux. Certains disaient, mais quand est-ce qu'on pourra avoir une grande église comme la cathédrale de tel endroit, etc. Les grands bâtiments de l'église catholique étaient aussi propriétaires foncières importantes. Et c'était tout à fait intéressant pour nous d'avoir des contacts à la fois entre protestants et aussi avec des interlocuteurs catholiques pour témoigner de... de l'intérêt d'un dialogue interconfessionnel. Nous n'avons pas, en tant que protestants, le monopole d'une quelconque vérité religieuse. Devenons des disciples en apprentissage et non pas des possesseurs d'un savoir qu'on entrechoque avec un autre savoir.

  • Speaker #0

    En 94, quand vous apprenez, enfin comment ça se passe en 94 ? quand vous apprenez ou comment vous apprenez le génocide ?

  • Speaker #1

    Alors, nous apprenons d'abord par quelques amis, dont un journaliste très engagé, qu'il y a une énorme inquiétude parce que des massacres sont en train d'avoir lieu et que le fait que le Front Patriotique rondeille les armes, puisqu'il n'avait reçu aucune possibilité de revenir pacifiquement, était... utilisés pour emprisonner des opposants politiques, Hutu ou Tutsi d'ailleurs, les opposants, quelle que soit l'ethnie, étaient emprisonnés. On a eu des espoirs avec les négociations d'Arusha où des accords devaient être obtenus pour un pluripartisme au Rwanda. Et ces accords, quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits. sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la différence, de la subtilité, etc. Nous ne comprenions pas. Nous découvrions que des Rwandais résidant en Suisse étaient aussi sidérés que nous. Nous découvrions que d'autres avaient senti le vent venir et la mise en place d'une machine génocidaire par la propagande à la radio, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits. C'était juste à la période de Pâques en 1994. Et on chantait Jésus est ressuscité, tout en vivant la déchirure dont parle par exemple Amarek Alter, entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trostel.

  • Speaker #0

    Vous qui avez contribué ou en tout cas observé ce christianisme rwandais, vous contribuez à... à sa consolidation ou à son éducation ? Est-ce qu'avec du recul, vous vous dites, au fond, on n'a pas réussi, ou le christianisme n'a pas réussi à aller jusqu'au fond des consciences pour être un frein à ce drame ?

  • Speaker #1

    Et certainement, oui, nous n'avons pas réussi. Je me rappelle très bien que des coups de poignard que j'ai reçus, moi je participais à la formation en Ancien Testament, à Boutaré, dans les années 80-86. Et d'entendre dire que d'anciens... étudiant avec qui nous avions travaillé, disait Les Tutsis sont livrés au pouvoir des Hutus comme les Amalécites ont été livrés au pouvoir d'Israël dans le livre des juges de Josué et compagnie. Il y a de quoi avoir fortement honte. En même temps, je crois qu'aucune religion témoigne l'Allemagne chrétienne des années 30 et tant d'autres lieux. Les courants... chrétiens en ex-Yougoslavie, etc., la religion n'est pas un rempart contre une construction génocidaire. Ça nous rend aussi humbles comme membres d'une église. Il faut d'autres outils que la religion, seules, pour lutter contre une propagande génocidaire et pour lutter contre d'autres propagandes politiques.

  • Speaker #0

    Vous êtes retournée au Rwanda, évidemment, depuis, des tas de fois.

  • Speaker #1

    Nous étions retournés une première fois en 1995, donc une année après le génocide. Je ne peux pas trouver les mots pour vous dire le sentiment d'incompétence que nous avions. que nous éprouvions au fil de ces mois du génocide qui ont suivi. On nous appelle des collègues rwandais. Il y avait en gros un tiers du groupe pastoral presbytérien qui était mort, qui avait été tué. Un tiers était parti en exil et puis un tiers était rescapé. Chiffre approximatif. On nous appelle pour dire est-ce que vous seriez d'accord de revenir participer avec nous à la mise sur pied d'un programme de formation théologique qui... tiennent compte des événements. Excellent objectif. Jacques, mon mari et moi, on dit mais on ne s'est jamais senti aussi incompétent de notre vie. Réponse, nous sommes trop fatigués pour former de nouvelles personnes. Nous aimerions travailler avec vous parce que nous avons déjà travaillé avec vous. Il y a un proverbe rwandais qui dit qu'un manche neuf donne des ampoules. Donc il vaut mieux le vieil outil qu'on connaît. que le nouvel entourage qu'on ne connaît pas, ce qui fait que nous avons reçu ça comme une marque de confiance extraordinaire. Nous y sommes retournés avec nos quatre enfants de 1995 à 1996 pour participer au début de l'élaboration d'un programme de formation théologique qui tienne compte du génocide tous étonnant et aboutissant. Nous avons été relayés après par d'autres personnes et nous avons ressenti comme un immense honneur qu'on nous faisait nous associer à ce travail.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé des objets qui sont là jusqu'à présent. Il y en a plusieurs, en tout cas deux. Il y en a dans votre main aussi un certain nombre. Mais j'aimerais qu'on évoque ce diapason, un peu curieux, vous connaissant, mais j'ai envie d'en avoir l'éclaircissement.

  • Speaker #1

    Oui, un diapason, donc un instrument musical qui donne le là, qui donne un des là, 440, 430, machin, etc. La musique fait partie de ma vie depuis aussi loin que je m'en souvienne. Il paraît que je chantais avant de parler. Bon, j'ai parlé. Oh, désolée. Et c'est vrai que la musique, la découverte de différentes sortes de musiques, dans différentes langues, ça m'a toujours portée. Ça m'a aussi portée dans les moments que j'ai trouvé les plus durs et les plus éprouvants. Et en même temps, la musique, c'est aussi une histoire d'orchestre. C'est une histoire de différents instruments. Un instrument n'a pas raison contre un autre. Si vous jouez la partition du hautbois et d'autres jouent la partition du violon, même si ça dissonne, ça va ensemble. Et pour moi, la musique dit une magnifique complémentarité des différents talents et des différentes différences.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est ce que vous avez dû mettre en pratique dans la dernière période de votre carrière qu'on va évoquer maintenant, celle du Centre social protestant. Oui.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Le parallèle avec la musique est amusant. Oui, je me suis trouvée, à la suite de mon engagement comme aumônière auprès d'Irkéron Dazil et dans différents mouvements de sensibilisation aux questions de la migration, je me suis trouvée être candidate et être acceptée au poste de directrice du Centre social protestant Vaud, qui est donc en... une création des paroisses lausannoises dans les années 1960 qui disait nous avons besoin d'un centre social professionnel. Magnifique vision, la charité ne suffit pas, il nous faut défendre les droits des gens. Vision admirable et toujours actuelle. Et la tradition voulait, elle n'a plus cours actuellement et c'est une bonne chose que le directeur ou la directrice du centre social protestant vaut soit un pasteur ou un théologien.

  • Speaker #0

    Qui étaient les prédécesseurs alors ?

  • Speaker #1

    Les prédécesseurs, alors le tout premier était un juriste. Ensuite, il y a eu Daniel Pache, pasteur pendant de longues années. Il y a eu Pierre-André Liserand. Il y a eu Gabriel de Montvalin, puis après moi. Le premier, le juriste, était Pierre Georgis. C'était le tout premier.

  • Speaker #0

    Comment vous vous êtes reçue comme femme ? Vous êtes la première femme directrice ?

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, ce n'était pas un problème. Le milieu du centre social protestant, les juristes, les assistants sociaux, assistants sociaux, est relativement féministe, donc le problème n'était pas que j'étais une femme, le problème c'est que j'étais une théologienne. C'est-à-dire forcément quelqu'un de moins sérieux qu'un ou une sociologue, ethnologue, juriste, travailleur social, etc. Donc je devais être à l'écoute de ces travailleurs et travailleuses. C'est d'ailleurs une des chances du centre social protestant vaut, c'est d'avoir notamment une sociologue. qui travaillent pour analyser ce que les gens du terrain observent et faire remonter ces observations. Ça, ça me reliait quelque part à ce que j'avais essayé de faire dans le domaine de l'asile. Je continue à trouver que c'est une mission extrêmement importante des centres sociaux protestants, c'est d'être témoin de ce qui se passe dans le domaine de la précarité, de signaler les problèmes, de signaler aussi les trous dans la législation ou ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation des personnes en situation de précarité.

  • Speaker #0

    C'est en 2007 que vous prenez ce poste. Vous trouvez le CSP dans quelle situation et comment allez-vous la faire évoluer dans les 11 années ? J'en ai 10.

  • Speaker #1

    début 2007 jusqu'à fin 2016. Alors là, la situation que le directeur ou la directrice devait gérer, c'était le lancinant problème des finances. Une part de financement dû à des subventions de l'État pour telle et telle tâche, une part venant des magasins d'occasion, mais à cette époque-là, plus maintenant, en perte de... de financement, de finance, et une part de recherche de fonds. Alors moi, je suis donatrice dans l'âme, il fallait que je me transforme en chercheuse de fonds. Ce que j'ai essayé de faire, j'ai suivi des formations à cet égard, j'ai trouvé ça absolument passionnant de pouvoir être témoin d'un travail qui se fait, qui n'est forcément pas rentable puisqu'il s'agit d'aider juridiquement, socialement, etc., des personnes en difficulté, et de... de trouver des donateurs et des donatrices qui sont d'accord ou non les valeurs partagées et de se dire, mais ça, je soutiens.

  • Speaker #0

    Vous avez l'impression, en tout cas, que vous avez réussi ?

  • Speaker #1

    Alors, en un sens, oui. Au sens où j'ai pu, en renouvelant, en essayant différentes choses en termes de recherche de fonds, j'ai pu effectivement, à ce moment-là, obtenir un progrès qui, après, c'est assez... Donc, ça a été une période très difficile avant de retrouver un nouvel élan. Mais ça m'a énormément appris sur le fait de... communiquer, de chercher des nouveaux donateurs, de discuter avec les donateurs de longue date pour qu'ils se sentent entendus et faisant partie en quelque sorte du projet. Et puis, partager la flamme. Un des formateurs en recherche de fonds que j'ai beaucoup apprécié disait Vous n'avez pas besoin de raconter des bobards. Dites ce qui vous aide, dites ce qui vous fait vivre. Partagez votre flamme. Donnez avant de demander, c'est-à-dire donnez du sens, donnez de l'expérience. Donnez des questions, partagez. Et... je me suis donc engagée là-dedans à fond en apprenant toujours énormément, en apprenant, en apprenant, en essayant et puis d'être témoin de ce travail des personnes de la base, des juristes, des assistants sociaux, etc.

  • Speaker #0

    Depuis un moment, vous voyez vos trois papiers à l'incumifo carême que vous nous disiez. Peut-être peut-on le lier aussi au CSP. Vous êtes arrivée comme théologienne, vous le revendiquez aussi, même si ce n'était pas facile. Alors la théologienne... Elle a notamment des citations, des ressources intellectuelles, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que ces trois situations, ce ne sont pas des passages bibliques, mais ce sont trois petits textes que je tiens à avoir toujours sur moi dans mon sac à main, y compris si mon téléphone est déchargé. C'est pour ça que je disais sous forme papier, pas sous forme d'un document dans mon téléphone. Il s'agit d'une part de Voltaire, le Traité sur la tolérance, le dernier chapitre, qui dit en gros que les... que les insignifiantes et débiles particules que nous sommes tâchent de s'entendre plutôt que de se taper dessus. Alors Voltaire le dit mieux. Mais Voltaire, c'est pour moi un rappel que je ne peux pas témoigner d'une foi chrétienne sans me souvenir de la critique de la foi chrétienne et notamment du fait que du temps de Voltaire, ce n'était pas les églises qui défendaient les droits de l'homme. C'était un certain nombre d'agnostiques comme Voltaire. C'est pas pour mal oublié. Le deuxième... C'est Laurent Flutsch, archéologue, savant, fin connaisseur des traditions religieuses, même s'il les critique de façon virulente. La dernière exposition qu'il a faite au musée Romain de Villiers, c'était Dieu et fils, archéologie d'une croyance Comment est-ce que le monothéisme s'est développé et comment est-ce qu'il s'est trouvé très envahissant ? Et il a une définition de la religion qui est absolument admirable en disant On n'est pas là pour heurter les croyants. Il n'y a pas de jugement à porter. Du moins quand la religion se pratique entre adultes consentants, qu'elle ne prétend pas détenir la seule vérité ni ne cherche à l'imposer, qu'elle n'entend pas réjonter la vie politique, sociale et hâtine de toute la population, qu'elle ne combat pas la science ni n'intervient dans l'éducation scientifique et quand ses adeptes appliquent leurs propres préceptes moraux. Ah ! que les chrétiens et autres commencent par appliquer l'amour du prochain et l'appel à la justice avant de venir régenter. J'ai intérieurement souvenir 7 jours sur 7. Et puis, la dernière, c'est Né en 17 à Leidenstadt par Jean-Jacques Goldman. Si j'étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines de champs de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ? On ne sait pas ce qu'on aurait fait. Je ne sais pas ce que j'aurais fait du temps de Voltaire. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si j'avais été dans les collines du Rwanda en 1994. Je ne sais pas si j'aurais suivi la propagande. Je ne sais pas ce que j'aurais fait en Bosnie quand on me disait que les chrétiens doivent détruire les musulmans jusqu'au dernier. Je ne sais pas. Et je peux continuer à m'indigner, à rechercher la justice, mais en sachant toujours que je ne sais pas, moi, ce que j'aurais fait. Donc, ne pas juger. Ne pas juger et puis écouter la diversité des gens.

  • Speaker #0

    Vous ne savez pas ce que vous auriez fait, mais nous, on sait ce que vous avez fait de l'extérieur. On observe, peut-être qu'on peut finir par ce dernier objet que vous avez choisi vous-même. C'est des lentilles vertes du domaine, je ne sais pas de quel domaine, mais certainement d'un bon domaine. Ça, c'est votre côté militante, vous avez fait quelque chose.

  • Speaker #1

    Alors, c'est en fait ma militance de retraité actuelle. C'est de faire ce que la dernière campagne de Carême dit, chaque geste compte. Un moment où on a... l'anxiété à propos du climat, un sentiment de découragement par rapport à ces politiques qui n'arrivent pas à se mettre en place pour que tout le monde tire à la même corde contre le réchauffement climatique, au moins qu'on puisse, nous, petit couple de retraités, s'approvisionner en circuit court, soigner la relation avec les producteurs locaux, s'intéresser à ce qu'ils font, et en particulier nous nous... Nous nous approvisionnons de plus en plus au panier bio des trois vallons de la région où nous habitons, dont fait partie la ferme Isly de la Saja. Et puis, découvrir qu'on peut vivre avec un approvisionnement différent, vraiment dicté par le local, par le bio, par les saisons. Et ce n'est pas une restriction, c'est une nouveauté. Et on est en train d'apprendre à vivre ça comme ça, en se disant qu'on doit ça un petit peu aux générations qui viennent. J'aime beaucoup l'engagement des grands-parents pour le climat, les gens de la marche bleue. On a besoin d'être beaucoup attirés à cette corde-là, comme dans l'orchestre évoqué avec le diapason.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce n'est pas nouveau au fond. Ces circuits courts, ça fait longtemps qu'on en parle. parle. Alors, vous le pratiquez vous, mais si vous regardez avec le recul, vous êtes une retraitée, un couple de retraités, mais au fond, est-ce que ce n'est pas tard ? Tout ça n'aurait pas dû commencer avant, ou ça a déjà commencé avant, mais on ne l'a pas assez dit ?

  • Speaker #1

    Il y avait déjà des gens qui le faisaient. Je me rappelle que ma mère était une écologiste avant l'heure. Elle, dans sa manière de m'apprendre la cuisine, l'utilisation de l'eau, etc. Certes, elle avait vécu enfant pendant la Seconde Guerre mondiale, donc ça peut... expliqué qu'elle faisait très attention aux ressources, mais elle m'a rendue attentive pratiquement. Et maintenant, quand j'entends les conseils écologistes, je retrouve un certain nombre d'enseignements qu'elle avait. Donc, ça fait longtemps que nous y appliquons. Je n'ai pas attendu d'être à la retraite pour commencer à appliquer des autres choses. Mais maintenant, c'est devenu une priorité. Ce qui veut probablement dire que peut-être que je ne retrouverai pas un avion au Rwanda. Ça pourrait arriver. Voilà.

  • Speaker #0

    Mais vous m'aimeriez, par ailleurs ?

  • Speaker #1

    Je suis aussi mes skis de sable pour traverser le Sahel. Si, alors, au Kinnerwanda, on dira, Iman, Wisha, tu sais, si Dieu le veut, on retournera. On ne sait pas comment, Nico. Et puis, on sait aussi que nos amis là-bas n'ont pas beaucoup d'occasion de voyager. Voilà, on reste en contact autrement. Grâce à Internet.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Hélène Tung pour ces différents chapitres de votre vie que vous avez ouverts avec nous à l'enseigne de Mémoire vive. Bonne suite à vous. Merci beaucoup. Sur la fiche description, vous trouverez tous les détails et bien sûr le résumé de cet entretien. Suivez-nous, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur toutes les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux et aussi notre site reformer.ch. N'hésitez pas à vous exprimer par des commentaires, votre avis nous intéresse. Merci pour votre soutien.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉE: Hélène Küng

    00:39

  • Un combat pour L’ ENSEMBLE de l’humanité

    01:12

  • Un MONDE de rires, de colère et de non-censure

    04:41

  • Les femmes unies pour la PAIX

    08:28

  • L’animation de GROUPE pour le travail biblique

    10:57

  • Une période de DURCISSEMENT de la loi sur l'asile

    14:02

  • Il n’était pas autorisé à TRAVAILLER

    17:47

  • Nous étions ENTENDUS

    20:10

  • Les DIFFÉRENCES entre avant et aujourd’hui

    21:59

  • Son EXPÉRIENCE au Rwanda

    24:06

  • Le protestantisme RWANDAIS à cette époque

    28:01

  • 1994, le GÉNOCIDE au Rwanda

    31:20

  • La religion N’EST PAS un rempart contre un GÉNOCIDE

    33:17

  • Le NOUVEAU programme de formation théologique

    34:43

  • Objet de l’invitée : Le DIAPASON

    36:25

  • Le centre SOCIAL protestant

    37:43

  • Les 3 textes que je tiens TOUJOURS à avoir sur moi

    42:36

  • Objet de l’invitée : des LENTILLES vertes

    45:50

  • Mots de FIN

    49:16

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Hélène Küng, théologienne, militante et ancienne directrice du Centre social protestant du canton de Vaud.

À travers ses souvenirs marquants du Rwanda avant le génocide et de son combat pour la paix en ex-Yougoslavie, cet épisode explore les défis liés aux droits des femmes, à l’accueil des réfugiés et aux pratiques spirituelles renouvelées.

Hélène Küng partage une réflexion vibrante sur l’indignation comme moteur d’action, la transmission de la foi et l’écoute des autres. Un témoignage fort mêlant histoire, foi et engagement pour un monde plus juste.


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Transcription

  • Speaker #0

    Quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits, sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la déférence, de la subtilité, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits, c'était juste à la période de Pâques en 1994, et on chantait Jésus est ressuscité tout en vivant ce que... la déchirure entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trasom. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Militante souriante, intellectuelle désinhibée, Hélène Kunk fait partie de cette génération de femmes qui s'est battue, battue contre la guerre, en ex-Yougoslavie par exemple, mais aussi battue... contre tant d'injustice et contre tant d'impuissance. Le monde nouveau attendu à la fin de la chute du mur de Berlin n'est pas vraiment advenu. Et pourtant, cela n'a pas entamé la capacité d'indignation d'Hélène Kulg. Écoutez-la. Par où commencer ? On a choisi ensemble de commencer par votre militance pour les femmes. Mais d'abord, vous êtes une femme qui vous affirmez, qui vous êtes toujours affirmée comme femme, sans complexe aucun.

  • Speaker #0

    Sans complexe aucun et en même temps... J'espère sans dogmatisme, je suis surtout à la suite de femmes qui m'ont impressionnée et qui m'ont impressionnée comme militante, pas juste pour elle-même, entre guillemets, mais pour l'ensemble de l'humanité et puis pour l'ensemble des personnes, qu'elles soient favorisées ou non. Un combat pour l'égalité, pour la diversité, pour la justice. Pas question d'adopter une chapelle contre une autre.

  • Speaker #1

    Quand est-ce qu'il a commencé ce combat ou quels ont été ses éléments porteurs et marquants pour vous ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense dans ma tendre enfance, quand j'ai appris que ma grand-mère n'avait pas le droit d'aller voter, si elle ne votait pas la même chose que mon grand-père. Dans le canton de Vaud, le droit de vote des femmes était relativement récent et mon grand-père s'y était opposé. Voilà, là ça me pose une première question. Qui reste ? et puis qui rejoint d'autres questions ensuite.

  • Speaker #1

    Mais vous avez, comme femme, été assez rapidement engagée dans différents combats.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et je me souviens d'un combat tout à fait étonnant. J'étais sommelière un mois pendant mes études pour gagner, je ne sais plus de quoi faire, mon permis de conduire ou quelque chose comme ça. Et je sentais dans le café où je travaillais comme sommelière une forte hiérarchie sociale. Nous étions au début des années 1970. Et j'avais comme allié dans la place quelqu'un d'incroyable. C'était un jeune homme qui s'affirmait, s'affichait comme gay, ce qui était extrêmement courageux. À l'époque, ça l'est encore toujours. Et qui aidait les personnes en difficulté, que ce soit la jeune sommelière qui s'y perdait ou quoi. C'était quelqu'un qui, comment dire, créait la relation. pour créer la réjouissance en plein stress, etc. Et pour moi, il est devenu une sorte de modèle de militant souriant qui veille à ce que tout le monde, et pas juste les gens de son camp, y aient leur compte. Il m'a beaucoup impressionnée, il m'a marquée. Et après, quand j'ai retrouvé à la Marche mondiale des femmes en 2000 des camarades lesbiennes qui m'ont aussi énormément appris sur le respect de la diversité, sur le droit de chacun à chacune à être comme il est. Ça m'a beaucoup encouragée. J'ai énormément appris en fait comme militante.

  • Speaker #1

    Mais vous ne reveniez pas d'un milieu où au fond les femmes s'affirmaient ?

  • Speaker #0

    Je venais d'un milieu où les femmes s'affirmaient, où être intellectuelle était considérée comme bien par un certain nombre de femmes de ma famille, ce qui fait qu'elles considéraient presque comme un déshonneur que je choisisse d'étudier la théologie plutôt que l'archéologie ou une science un peu sérieuse. Effectivement, les femmes s'affirmaient et en même temps... J'étais très consciente du regard des intellectuels sur les non-intellectuels. Donc il y avait une question sociale qui se posait aussi dans ce regard-là. Mais oui, j'étais tout à fait favorisée par le fait que les femmes s'affirmaient dans ma famille, donc je n'avais pas aucun héroïsme à jouer à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Alors si je reprends un peu votre parcours, il y a un rendez-vous, ça se dit en allemand, Frauenkirchenfest.

  • Speaker #0

    Genau.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors, la Frauenkirchenfest, ça a commencé par la Frauen-Synode, qui était lancée par un certain nombre de femmes, dont des femmes catholiques suisses, en réaction à un synode catholique. exclusivement masculin. Je suis allée à mon premier Frauen-Synode avec des militantes genevoises et autres, c'était passionnant, on était dans le train jusqu'à Lucerne, jusqu'à Interlaken, je ne sais plus où c'était. Et je découvrais un monde de rire, de colère, d'élan, de non-censure. Dans une grande assemblée protestante, dans les années je ne sais pas quoi, on ne rit pas très fort. À la Fraunsinode, il y avait des éclats de rire de plusieurs centaines de personnes en même temps. C'était extraordinaire. Je découvrais ça. Et puis, c'était dans les années 90. Les années 90, elle s'ouvrait sur un espoir fou qui était la chute du mur de Berlin. Un espoir extraordinaire d'une redistribution mondiale, avec si possible moins d'armes dissuasives atomiques, par exemple. Peut-être qu'on était fous, on rêvait une redistribution mondiale aussi en termes tiers-mondistes, ce qui ne s'est pas du tout fait. C'était le grand début du néo-capitalisme et non pas de l'égalité. On avait beau dire pays émergents ou du tiers-monde, ça n'émergeait pas, c'était maintenu. Et dans ces années 90, avec... Le deuxième fraude qui est infeste auquel je suis allée à Bâle, c'était en 1992, la guerre en ex-Yougoslavie a été à la fin d'éclater. Et je découvrais que l'impuissance épouvantable que j'éprouvais à ce moment-là et que j'éprouvais à tant d'autres moments et encore aujourd'hui, pouvait trouver des mots pour être dites. C'est le début de sortir de l'impuissance et déjà oser dire. Et... Mais le frère Henri de Rinfès était un lieu pour cela. Au train de retour, revenant de Bâle, je me trouve avec un certain nombre de femmes du Suisse allemande, du Suisse romande. Et j'apprends l'existence des femmes pour la paix, du cercle d'Olten et d'un certain nombre de groupes de femmes qui vont manifester contre la guerre en ex-Yougoslavie. Moi, je vais me joindre aux femmes de la Palue, une petite place à Lausanne, fraternelle avec... les femmes de la fusterie à Genève, mais jusqu'aux femmes en noir à Belgrade, qui étaient autrement plus courageuses que nous. Et nous avons manifesté pendant des mois et des mois contre cette guerre. Nous ne savions pas quoi faire d'autre. Nous avons aussi écrit aux autorités suisses, écrit à l'ONU, obtenu un rendez-vous, chanté sur les places, fait signer des pétitions, rassemblé des dons pour une œuvre d'entraide pour les réfugiés en Croatie, etc. Un sentiment d'impuissance... couplé à un activisme, j'allais dire fiévreux ou frivole, on peut dire peut-être les deux, juste pour dire qu'on n'est pas d'accord, juste pour dire qu'on n'est absolument pas d'accord avec ce qui ose s'appeler une guerre ethnique. C'était, il faut tuer les musulmans parce qu'ils sont musulmans. Alors en tant que chrétienne, j'entends ça, ça m'est tout aussi insupportable que d'entendre qu'il faut persécuter les chrétiens. du christianisme, on dit qu'il faut persécuter des musulmans, ça n'y va pas.

  • Speaker #1

    Comment ça a été reçu, ces manifestations, à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    Avec beaucoup de sympathie. Nous étions un petit groupe dans notre paroisse qui participait régulièrement. Et puis, il y avait des personnes pas du tout religieuses qui faisaient partie des Femmes pour la Paix, mais qui étaient tout à fait athées, mais on était alliées par le même sentiment de rébellion. Et puis, je me rappelle de personnes qui étaient contentes de savoir venir s'asseoir avec nous en disant... On ne peut rien faire, au moins on peut s'asseoir avec vous. Le sentiment d'impuissance et de choc de cette guerre à nos portes, alors qu'on avait dit plus jamais ça. Mes parents m'ont élevée dans plus jamais ça. La secondaire mondiale, les camps, l'extermination d'un peuple, sous prétexte qu'il est peuple, le peuple juif. Plus jamais une extermination d'un groupe parce qu'il est un groupe.

  • Speaker #1

    Soutien aussi à cette époque où... Oui, c'est cette époque au maire bosniaque. Oui,

  • Speaker #0

    c'est venu comme ça. Ma militance, elle a commencé du par grâce à ces femmes, notamment alémaniques, en parole et en rébellion. Et aussi à cause des articles qui étaient écrits par Sonia Zoran dans le Nouveau Quotidien, qui avait été lancé par Jacques Pillet, qui se révoltaient contre la lecture séparante, ethnicisante du bouillonnement culturel des Balkans, en disant, mais on est notre culture. Et le... Elle tient debout parce qu'elle a toutes ses racines. On ne peut pas nous couper en morceaux. Et donc, ça m'a aussi conduit à cette méditance, on peut dire. les échos, soit de chrétiennes, de chrétiens, d'athées, mais unies dans cette même protestation. Et puis, du coup, nous avons accueilli des femmes bosniaques, nous avons organisé des marches avec elles. Je me rappelle très bien que certaines de ces femmes bosniaques disaient, mais enfin, femmes pour la paix, vous rigolez, donnez-nous des armes et on va les battre. Femmes pour la paix, c'est bien un luxe d'occidental. Mais voilà. On était ensemble et du coup, ça m'a conduit à faire partie de l'association des mères bosniaques. Ça m'a rapproché du service d'aide juridique aux exilés. Je découvrais les référendums contre un des X durcissements de la loi sur l'asile. Donc, j'apprenais, j'apprenais, j'apprenais. Je trouvais des lieux où il se passait des choses en résistance et qui me donnaient envie de m'y joindre.

  • Speaker #1

    Alors, on verra tout. tout à l'heure que cet apprentissage, évidemment, il vous a équipé pour la suite, mais j'aimerais qu'on ait un autre F, pas seulement le F de femme, mais le F de formation. C'est une période où ça n'est pas que lié à vous, c'est lié à une génération. On quitte un peu le ou la pasteur qui donne la vérité pour essayer d'être dans des mouvements où on échange autour d'eux. C'est ça le processus.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et encore, je fais partie des jeunettes. ou des jeunes de cette génération-là, qui étaient marqués par les travaux de Louis Chorderey et des différentes personnes qui travaillaient l'animation de groupe. L'idée étant que si on veut que l'Église fasse sens, il ne faut pas qu'il y ait juste des clercs qui déversent un savoir appris et puis ensuite donné au compte-gouttes, même si le pasteur se croit très généreux en expliquant la chose, mais s'il explique sans que les gens puissent dire où ils en sont, ça va. Donc l'idée c'était... l'animation de groupe comme outil en particulier pour le travail biblique. On ne fait pas de travail biblique en faisant un exposé d'une heure, en disant interrompez-moi si vous avez une question On commence par travailler sur ce que les gens connaissent déjà, ce qu'ils savent, ce sont les questions qui se posent, etc. Ce qui m'a été extrêmement utile et ce qui m'a fait beaucoup apprendre pour l'animation de groupe biblique, pour l'animation de groupe écuménique de femmes pour préparer les journées mondiales de prière, ce qui m'a aider à toutes sortes de moments pour travailler avec les gens et pas à leur place.

  • Speaker #1

    Une époque qui est révolue, dont vous avez senti que le tournant se prenait déjà ?

  • Speaker #0

    J'avais l'impression que le tournant se prenait quand j'ai travaillé en paroisse à la fin de ma période professionnelle il y a quelques années en arrière. J'étais frappée de voir que les collègues l'un déjà à la retraite et l'autre toute jeune qui se passionnaient aussi pour le travail biblique, avaient l'un et l'autre la pratique de faire un exposé au début d'une étude biblique et puis laisser lutter pour les questions. Je venais avec mon souhait qu'on commence par donner la parole aux gens, qu'on repère de quelles questions ils ont besoin, etc. Et j'avais de grands moments de solitude. On me disait, je me suis dit, tiens, est-ce que ça ne fait plus sens ? Pour moi, ça faisait sens. Et les quelques thèmes bibliques que j'ai organisés, parce qu'on se les répartissait, ce qui était une très bonne chose. J'ai continué à travailler comme ça et j'étais heureuse de voir que les gens étaient intéressés à pouvoir intervenir, poser X questions. Ils savaient que la prochaine fois que je travaillais, je faisais un programme axé sur leurs questions. C'était extrêmement stimulant et j'avais clairement l'impression que tout le monde apprenait d'entendre les questions les uns des autres. Ça veut dire aussi être prêt. Ah oui, ils veulent travailler plutôt tel passage, donc à moi d'utiliser mon équipement, non pas pour leur enseigner quelque chose, mais pour être prête sur le sujet qu'ils ont demandé.

  • Speaker #1

    Si on ouvre un chapitre important dans votre vie à l'ENCUG, c'est le chapitre de l'asile. Vous avez été en paroisse comme pasteur, mais au fond, assez rapidement, vous avez atterri dans un lieu comme Aumônière.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et c'est vrai que je n'étais pas comme... pasteur en paroisse à cette époque-là, mais j'étais comme femme de pasteur et mère de famille, avec un certain nombre de bénévolats, d'animations de groupes, de femmes pour la paix, de journées mondiales de prière, etc. Et c'est en fait par le chemin qui s'est dessiné à la suite de la guerre en ex-Yougoslavie, l'accueil des mères bosniaques, l'association des femmes bosniaques, le contact avec le service d'aide juridique aux exilés. et avec le groupe SOS Asile, que je me suis trouvée être sollicitée par des gens qui me connaissaient dans ce milieu-là pour dire mais on cherche quelqu'un pour l'aumônerie au nouveau centre d'enregistrement de Régal-Andazé-Lavalant, en 2000, et puis que j'ai postulé et qu'on m'a prise. Voilà, donc j'étais dans une équipe écuménique. à l'aumônerie au centre d'enregistrement de requérants d'asile à Val-en-Bourg.

  • Speaker #1

    Avec le recul, comment vous voyez cette période dans laquelle vous avez commencé cette activité ?

  • Speaker #0

    C'était une période charnière. En même temps, c'était déjà une période où des durcissements de la loi sur l'asile avaient été proposés au peuple, avaient été acceptés, malgré la militance de petits groupes auxquels j'appartenais, qui disaient attention, on est en train de se fourvoyer Je pense, avec le recul, que... La fameuse chute du mur, la fin du rideau de fer, etc., a conduit à des situations qui n'étaient pas prévues par notre législation sur l'asile. Elle était axée, après les conventions de Genève, sur protéger des personnes persécutées pour leurs opinions politiques. Typiquement, les réfugiés de l'Est, de Hongrie, du RSS, etc., d'avant en 1990. Arrive une période... où des persécutions se produisent contre les groupes. Vous ne pouvez pas, en tant que bosniate musulman persécuté par un pouvoir serbe ou comme kosovar albanophone persécuté, dire je suis persécuté pour mes opinions politiques Je suis persécuté parce que je fais partie d'un groupe Allez prouver ensuite, comme la loi sur l'asile en Suisse maintenant le demande, ou en tout cas la jurisprudence. prouver que vous êtes encore plus persécutés que la moyenne des gens possible. On a un changement politique qui fait que nos outils pour déterminer qui peut obtenir l'asile ont changé. Et le durcissement qui était de dire il y a trop de gens qui viennent, d'ailleurs ils viennent pour des raisons économiques, donc ce n'est pas des réfugiés politiques, c'est mal de venir pour des raisons économiques, c'est un prisme qui a sa logique, mais qui ne couvre pas. plus ce qui se passe au niveau mondial. Alors en même temps, quand j'entends des gens dire oui, oui, mais tous ces gens ne sont pas des réfugiés, etc., j'ai envie de dire, est-ce que vous lisez de temps en temps le journal mensuel d'Amnesty International ? Est-ce que vous vous rendez compte de la situation des droits humains, des droits de l'homme sur la planète ? Est-ce que vous vous rendez compte que des gens sont persécutés parfois pour des raisons religieuses, pour des raisons qui appartiennent à tel groupe ethnique, etc. Tout ça fait... partie de ceux qui nécessitent une protection. C'est une des évolutions que j'ai trouvé très difficile à comprendre.

  • Speaker #1

    Dans ce lieu, quel est votre rôle comme aumônière ? Vous faisiez quoi à cette époque ? Je n'ose pas dire, vous serviez à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ce sont deux bonnes questions. Nous entrions en contact avec les personnes en essayant de ne pas les stresser en demandant d'où vous venez, vous vous appelez comment, etc. passer du temps avec eux, leur signaler notre disponibilité à l'écoute, les orienter vers le service d'aide juridique. Le fameux sage. Le fameux sage, qui avait son antenne à Valorbe, pas loin du centre de requériment d'asile. Aussi parce que les gens ne savaient pas du tout à quoi ils seraient confrontés dans la procédure d'asile suisse. Donc il fallait un minimum d'informations sur pourquoi ceci, pourquoi est-ce qu'on attend, pourquoi est-ce qu'on vous interroge, ça correspond à quoi. Donc nous faisions beaucoup de vulgarisation. Mais surtout, nous les envoyons au service d'aide juridique aux exilés. Et je me suis rendu compte, mes collègues aussi d'ailleurs, que nous devions aussi, quelque part, servir de témoin de ce qui se passait, de la détresse des gens, de leur ignorance, de leur difficulté à comprendre pourquoi les lois sur l'asile sont organisées comme ceci en Europe, et plus particulièrement en Suisse. aussi signaler la difficulté pour eux, par exemple, de n'avoir le droit de rien faire, de ne pas être autorisé à travailler, d'avoir aucune occupation, et pour je ne sais pas combien de temps. Qui d'entre nous, citoyens et citoyennes suisses, travailleurs, etc., supporterait d'être une semaine, ne serait-ce qu'une semaine, à ne rien faire, sans savoir pour combien de temps, et puis vouloir rendre service, vouloir travailler, etc., on dit non, non, vous n'avez pas le droit. Je veux dire, c'était une situation dont nous devions témoigner. Nous avions d'ailleurs organisé avec le SAGE une liste à Valorbe qui s'appelait Pas de salade Et comme c'était Pas de salade nous offrions des confitures maison. Et nous étions là pour dire Nous ne vous racontons pas de salade sur les requérants d'asile, voici les faits Pour ça, nous étions évidemment très très redevables à des groupes comme Vivre ensemble à Genève, avec des contacts dans tous les cantons, qui pouvaient documenter. Voilà quel est le pourcentage de requérants d'asile en Suisse. tout petit pourcentage. Par exemple, nous servions aussi à répercuter cela aussi dans les églises, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez accueillie dans les églises à ce moment-là, votre ministère d'aumônière ?

  • Speaker #0

    Alors, de manière complètement variable, mais j'étais très reconnaissante aux responsables laïcs, d'ailleurs Roland Besse du département Présence et Solidarité dans l'église réformée vaudoise, dire à l'aumônerie à Valop, tu fais partie de l'ensemble du dispositif. Il y a aussi des aumôniers dans les hôpitaux, il y a des aumôniers auprès des écoles, etc. L'asile, c'est un des volets. Et nous tirons tous ensemble à la même corde, c'est pour témoigner de l'Évangile et de l'amour du Christ, et témoigner auprès de nos frères et sœurs protestants de ce qui se passe dans des situations de détresse.

  • Speaker #1

    Vous interveniez aussi auprès des autorités du monde politique, par exemple, c'était possible ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était possible. Alors avec un canal intéressant, nous avions une rencontre au plan suisse des homonies auprès des requérants d'asile. sous l'égide de la fédération des églises protestantes de Suisse. C'était passionnant de remontrer les collègues de Bâle, de Kreuzlingen, d'Alstetten, etc. Et nous faisions remonter un certain nombre d'observations. En même temps, nous sentions une prudence, un ouragan de prudence quant à ce que nous pouvions répercuter. Alors, nous essayions de le faire dans les paroisses, dans les médias aussi, auprès de la fédération des églises protestantes. Et de temps en temps, nous inter... de manière un peu plus bruyante en se disant Mais notre conscience d'homogène nous comptera à vous interpeller bruyamment. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça fonctionnait ?

  • Speaker #0

    Ça dépend. Au moins, nous étions entendus et parfois, nous avions, enfin, nous étions entendus, nous avions la possibilité de parler et d'écrire et parfois de signaler aux médias que nous prenions la parole.

  • Speaker #1

    On est en 2024 aujourd'hui, et là, on parle des années 2000, 2005, 2006, 2007. La différence entre aujourd'hui et ces années-là, vous arrivez à l'évoquer en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est toujours la même chose en pire, j'aimerais dire. Il y a peut-être un peu de lucarne d'espoir quant à la manière d'intégrer les requérants d'asile et les réfugiés, dont j'ai l'impression qu'ils sont encore fortement soupçonnés, de venir. parce que la Suisse est attractive, etc. On oublie que l'attractivité de la Suisse a notamment été construite par une foule de migrants et migrantes, travailleurs, travailleuses, qui ont contribué à constituer la prospérité suisse, que beaucoup de Suisses, autrefois, ont dû partir s'exiler parce que la Suisse n'était pas si prospère. Donc, c'est difficile, je trouve, ce soupçon. Dès qu'un parti politique souhaite faire un tabac, il doit rallier contre l'asile. C'est stupide. Or, J'ai l'impression qu'il y a un irréalisme crasse. Notre société a besoin de migration, d'une part. Les valeurs suisses dont nous nous vantons tant parlent d'accueillir des personnes qui sont persécutées ailleurs. Alors, comment peut-on se faire un autogol pareil en disant au nom de la Suisse, nous soupçons non-lirequaires en asile, alors qu'il faut évidemment examiner leur situation. Dans ce domaine comme dans d'autres, il y a des fauteurs de troubles, on est absolument d'accord. Aucune profession, même pasteur, n'est exempte de fauteurs de troubles. C'est comme ça. Mais ce que je trouve, pour revenir à la question, mais qu'est-ce qui a changé ? Moi, j'ai l'impression que c'est toujours aussi difficile et que c'est toujours aussi difficile de se dire, mais on continue à témoigner de ceci en essayant de ne pas espérer que ça change. Bien sûr qu'on espère que ça change, mais l'espoir peut être complètement démolisseur, épuisant. Il faut continuer à témoigner, c'est tout. Il faut continuer à dire ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Alors on va faire un saut dans le temps avec vous, mais on ne va pas faire un saut dans le temps... On va remonter, si vous voulez, on va remonter à une période qui est un peu avant. Je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est une parenthèse. C'est la période dans laquelle vous avez voyagé au Rwanda, envoyé, c'est juste... Et qu'est-ce que vous avez découvert ? On précise qu'à ce moment-là, on est avant le génocide.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Nous sommes partis, mon mari et moi, tout fraîchement mariés, tout fraîchement licenciés, on ne parlait pas encore de master de la faculté de théologie de Lausanne, d'abord pour une année qui se sent prolongée en six ans des années 80, comme participants à un programme de formation théologique pour les futurs pasteurs de quatre églises protestantes rwandaises. Nous étions censés aller former et enseigner, nous étions totalement des apprentis, ce qui nous a très probablement aidé à être des formateurs ou des... co-constructeurs un peu crédibles. Nous découvrions une société dont nous n'avions pas idée. Nous nous découvrions comme Européens privilégiés dans une société post-coloniale où les Blancs avaient encore énormément de privilèges, notamment financiers. Nous nous découvrions apprentis dans une culture dont nous ignorions tout. Donc, on a essayé d'apprendre un peu la langue, etc. On ne pouvait pas, comment dire, enseigner la théologie sans... tout petit peu découvrir quelle était la vie des gens, ou quelles étaient les vies des gens à qui nous avions affaire. C'était extrêmement intéressant. Nous avons vraiment vécu cette situation qui m'a ensuite beaucoup aidée à l'aumônerie auprès des requérants d'asile. Je suis un hôte le passage. Je suis en visite chez vous, dans votre culture, dans votre programme de formation, dans votre cursus. Je suis en visite. Je ne suis pas là en maître. J'entends en possesseur.

  • Speaker #1

    Comment était la société rwandaise à cette époque ? Est-ce que... On se pose tous la question, est-ce que des années avant, on pouvait percevoir les tensions qui ont conduit à ce fameux génocide en 1994 ?

  • Speaker #0

    Les tensions ethniques étaient déjà là. Nous avions découvert très rapidement que c'était absolument impossible de coller une étiquette ethnique aux gens rien qu'en les voyant. Donc, tant de personnes étaient de père ou de mère, tout de suite, de père, tout de suite, etc. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que lors du génocide de 1994... Les cartes d'identité, les gens étaient demandés, les gens essayaient de cacher ou de fausser leurs cartes d'identité, parce que non, les personnes ne sont pas de deux ethnies complètement identifiables physiquement, pas du tout. C'était d'ailleurs des groupes qui pouvaient passer d'un groupe social, c'était des groupes sociaux, où on pouvait devenir tout de suite ou devenir autour. Un ami nous racontait que son père et son oncle, de même père et mère, l'un avait été... identifié comme Tutsi par l'administration coloniale belge parce qu'il possédait dix vaches, et l'autre avait été identifié comme Hutu parce qu'il n'en possédait aucune. Alors, on en rit à l'époque, on en rit beaucoup moins maintenant, qu'on voit comment cette classification a été utilisée.

  • Speaker #1

    C'était un sujet de discussion, cette question Hutu-Tutsi, ou c'était déjà tabou ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qu'on nous disait clairement, c'était, vous n'en parlez pas si les gens ne vous en parlent pas. Et n'oubliez pas que si vous posez des questions à l'iscrète, vous pouvez être ramené à la frontière, mais la personne à qui vous pouvez poser des questions à l'iscrète pourrait se retrouver dans un local de police, et pas un local respectueux des droits de l'homme. Donc on se rendait compte que c'était présent, et on a appris à vraiment attendre, attendre, attendre, avant de poser des questions, toujours de seul à seul, jamais en groupe, d'attendre qu'on nous parle, attendre. C'était extrêmement formateur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez trouvé ce protestantisme rwandais à cette époque ?

  • Speaker #0

    Il était extrêmement minoritaire. Les protestants, dans les cinq ou six confessions, formaient à peu près 20% de la population. Nous étions avant l'explosion des confessions de toutes sortes, que je ne qualifierais pas de protestantes, toutes sortes de confessions revivalistes. de l'évangile de la réussite, du dieu qui accorde de l'argent, des enfants, je ne sais pas quoi, suivant comment on le prive, tout ça. Ça s'est multiplié, c'est un fléau au sens où ça peut vraiment donner de faux espoirs matériels à des gens qui sont dans le dénuement. Et ça, c'est grave que la religion serve à ça.

  • Speaker #1

    Ce n'était pas le cas à votre époque ?

  • Speaker #0

    Alors, ce n'était peu pas le cas, ça m'est difficile de dire. En tout cas, c'était vraiment une époque où il y avait encore relativement peu de confession protestante, très orientée sur le salut au ciel, aussi parce que la terre restait assez désespérante. Nous, on arrivait avec nos gros souliers pour dire que c'est important de témoigner du Christ ici sur terre, etc. On nous a fait comprendre que les marges du manœuvre étaient tellement petites que ce n'est pas étonnant que les gens espèrent le salut au ciel et le prêchent. Voilà, on a pris quelques leçons. En même temps, c'était très important pour nous de donner aux étudiants et étudiantes, de partager avec eux des outils d'écoute, des outils de non-jugement, des outils de diversité dans la Bible, qui fait qu'on ne peut pas juste flanquer un verset à quelqu'un pour lui dire qu'il est un mauvais chrétien s'il ne se marie pas à l'Église ou je ne sais pas quoi. C'était un apprentissage passionnant. Comment étaient les gens entre catholiques, protestants, protestants ensemble ? Est-ce que c'était une société très fragmentée au niveau religieux où il y avait un sentiment religieux dominant, à peu près consensuel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y avait un sentiment religieux dominant au sens où l'athéisme paraissait comme une sorte d'absurdité ou une sottise intellectuelle. Et puis, il y avait un fort clivage confessionnel qui est un petit peu hérité de la situation coloniale belge. Les protestants étaient archi minoritaires et soupçonneux. Certains disaient, mais quand est-ce qu'on pourra avoir une grande église comme la cathédrale de tel endroit, etc. Les grands bâtiments de l'église catholique étaient aussi propriétaires foncières importantes. Et c'était tout à fait intéressant pour nous d'avoir des contacts à la fois entre protestants et aussi avec des interlocuteurs catholiques pour témoigner de... de l'intérêt d'un dialogue interconfessionnel. Nous n'avons pas, en tant que protestants, le monopole d'une quelconque vérité religieuse. Devenons des disciples en apprentissage et non pas des possesseurs d'un savoir qu'on entrechoque avec un autre savoir.

  • Speaker #0

    En 94, quand vous apprenez, enfin comment ça se passe en 94 ? quand vous apprenez ou comment vous apprenez le génocide ?

  • Speaker #1

    Alors, nous apprenons d'abord par quelques amis, dont un journaliste très engagé, qu'il y a une énorme inquiétude parce que des massacres sont en train d'avoir lieu et que le fait que le Front Patriotique rondeille les armes, puisqu'il n'avait reçu aucune possibilité de revenir pacifiquement, était... utilisés pour emprisonner des opposants politiques, Hutu ou Tutsi d'ailleurs, les opposants, quelle que soit l'ethnie, étaient emprisonnés. On a eu des espoirs avec les négociations d'Arusha où des accords devaient être obtenus pour un pluripartisme au Rwanda. Et ces accords, quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits. sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la différence, de la subtilité, etc. Nous ne comprenions pas. Nous découvrions que des Rwandais résidant en Suisse étaient aussi sidérés que nous. Nous découvrions que d'autres avaient senti le vent venir et la mise en place d'une machine génocidaire par la propagande à la radio, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits. C'était juste à la période de Pâques en 1994. Et on chantait Jésus est ressuscité, tout en vivant la déchirure dont parle par exemple Amarek Alter, entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trostel.

  • Speaker #0

    Vous qui avez contribué ou en tout cas observé ce christianisme rwandais, vous contribuez à... à sa consolidation ou à son éducation ? Est-ce qu'avec du recul, vous vous dites, au fond, on n'a pas réussi, ou le christianisme n'a pas réussi à aller jusqu'au fond des consciences pour être un frein à ce drame ?

  • Speaker #1

    Et certainement, oui, nous n'avons pas réussi. Je me rappelle très bien que des coups de poignard que j'ai reçus, moi je participais à la formation en Ancien Testament, à Boutaré, dans les années 80-86. Et d'entendre dire que d'anciens... étudiant avec qui nous avions travaillé, disait Les Tutsis sont livrés au pouvoir des Hutus comme les Amalécites ont été livrés au pouvoir d'Israël dans le livre des juges de Josué et compagnie. Il y a de quoi avoir fortement honte. En même temps, je crois qu'aucune religion témoigne l'Allemagne chrétienne des années 30 et tant d'autres lieux. Les courants... chrétiens en ex-Yougoslavie, etc., la religion n'est pas un rempart contre une construction génocidaire. Ça nous rend aussi humbles comme membres d'une église. Il faut d'autres outils que la religion, seules, pour lutter contre une propagande génocidaire et pour lutter contre d'autres propagandes politiques.

  • Speaker #0

    Vous êtes retournée au Rwanda, évidemment, depuis, des tas de fois.

  • Speaker #1

    Nous étions retournés une première fois en 1995, donc une année après le génocide. Je ne peux pas trouver les mots pour vous dire le sentiment d'incompétence que nous avions. que nous éprouvions au fil de ces mois du génocide qui ont suivi. On nous appelle des collègues rwandais. Il y avait en gros un tiers du groupe pastoral presbytérien qui était mort, qui avait été tué. Un tiers était parti en exil et puis un tiers était rescapé. Chiffre approximatif. On nous appelle pour dire est-ce que vous seriez d'accord de revenir participer avec nous à la mise sur pied d'un programme de formation théologique qui... tiennent compte des événements. Excellent objectif. Jacques, mon mari et moi, on dit mais on ne s'est jamais senti aussi incompétent de notre vie. Réponse, nous sommes trop fatigués pour former de nouvelles personnes. Nous aimerions travailler avec vous parce que nous avons déjà travaillé avec vous. Il y a un proverbe rwandais qui dit qu'un manche neuf donne des ampoules. Donc il vaut mieux le vieil outil qu'on connaît. que le nouvel entourage qu'on ne connaît pas, ce qui fait que nous avons reçu ça comme une marque de confiance extraordinaire. Nous y sommes retournés avec nos quatre enfants de 1995 à 1996 pour participer au début de l'élaboration d'un programme de formation théologique qui tienne compte du génocide tous étonnant et aboutissant. Nous avons été relayés après par d'autres personnes et nous avons ressenti comme un immense honneur qu'on nous faisait nous associer à ce travail.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé des objets qui sont là jusqu'à présent. Il y en a plusieurs, en tout cas deux. Il y en a dans votre main aussi un certain nombre. Mais j'aimerais qu'on évoque ce diapason, un peu curieux, vous connaissant, mais j'ai envie d'en avoir l'éclaircissement.

  • Speaker #1

    Oui, un diapason, donc un instrument musical qui donne le là, qui donne un des là, 440, 430, machin, etc. La musique fait partie de ma vie depuis aussi loin que je m'en souvienne. Il paraît que je chantais avant de parler. Bon, j'ai parlé. Oh, désolée. Et c'est vrai que la musique, la découverte de différentes sortes de musiques, dans différentes langues, ça m'a toujours portée. Ça m'a aussi portée dans les moments que j'ai trouvé les plus durs et les plus éprouvants. Et en même temps, la musique, c'est aussi une histoire d'orchestre. C'est une histoire de différents instruments. Un instrument n'a pas raison contre un autre. Si vous jouez la partition du hautbois et d'autres jouent la partition du violon, même si ça dissonne, ça va ensemble. Et pour moi, la musique dit une magnifique complémentarité des différents talents et des différentes différences.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est ce que vous avez dû mettre en pratique dans la dernière période de votre carrière qu'on va évoquer maintenant, celle du Centre social protestant. Oui.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Le parallèle avec la musique est amusant. Oui, je me suis trouvée, à la suite de mon engagement comme aumônière auprès d'Irkéron Dazil et dans différents mouvements de sensibilisation aux questions de la migration, je me suis trouvée être candidate et être acceptée au poste de directrice du Centre social protestant Vaud, qui est donc en... une création des paroisses lausannoises dans les années 1960 qui disait nous avons besoin d'un centre social professionnel. Magnifique vision, la charité ne suffit pas, il nous faut défendre les droits des gens. Vision admirable et toujours actuelle. Et la tradition voulait, elle n'a plus cours actuellement et c'est une bonne chose que le directeur ou la directrice du centre social protestant vaut soit un pasteur ou un théologien.

  • Speaker #0

    Qui étaient les prédécesseurs alors ?

  • Speaker #1

    Les prédécesseurs, alors le tout premier était un juriste. Ensuite, il y a eu Daniel Pache, pasteur pendant de longues années. Il y a eu Pierre-André Liserand. Il y a eu Gabriel de Montvalin, puis après moi. Le premier, le juriste, était Pierre Georgis. C'était le tout premier.

  • Speaker #0

    Comment vous vous êtes reçue comme femme ? Vous êtes la première femme directrice ?

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, ce n'était pas un problème. Le milieu du centre social protestant, les juristes, les assistants sociaux, assistants sociaux, est relativement féministe, donc le problème n'était pas que j'étais une femme, le problème c'est que j'étais une théologienne. C'est-à-dire forcément quelqu'un de moins sérieux qu'un ou une sociologue, ethnologue, juriste, travailleur social, etc. Donc je devais être à l'écoute de ces travailleurs et travailleuses. C'est d'ailleurs une des chances du centre social protestant vaut, c'est d'avoir notamment une sociologue. qui travaillent pour analyser ce que les gens du terrain observent et faire remonter ces observations. Ça, ça me reliait quelque part à ce que j'avais essayé de faire dans le domaine de l'asile. Je continue à trouver que c'est une mission extrêmement importante des centres sociaux protestants, c'est d'être témoin de ce qui se passe dans le domaine de la précarité, de signaler les problèmes, de signaler aussi les trous dans la législation ou ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation des personnes en situation de précarité.

  • Speaker #0

    C'est en 2007 que vous prenez ce poste. Vous trouvez le CSP dans quelle situation et comment allez-vous la faire évoluer dans les 11 années ? J'en ai 10.

  • Speaker #1

    début 2007 jusqu'à fin 2016. Alors là, la situation que le directeur ou la directrice devait gérer, c'était le lancinant problème des finances. Une part de financement dû à des subventions de l'État pour telle et telle tâche, une part venant des magasins d'occasion, mais à cette époque-là, plus maintenant, en perte de... de financement, de finance, et une part de recherche de fonds. Alors moi, je suis donatrice dans l'âme, il fallait que je me transforme en chercheuse de fonds. Ce que j'ai essayé de faire, j'ai suivi des formations à cet égard, j'ai trouvé ça absolument passionnant de pouvoir être témoin d'un travail qui se fait, qui n'est forcément pas rentable puisqu'il s'agit d'aider juridiquement, socialement, etc., des personnes en difficulté, et de... de trouver des donateurs et des donatrices qui sont d'accord ou non les valeurs partagées et de se dire, mais ça, je soutiens.

  • Speaker #0

    Vous avez l'impression, en tout cas, que vous avez réussi ?

  • Speaker #1

    Alors, en un sens, oui. Au sens où j'ai pu, en renouvelant, en essayant différentes choses en termes de recherche de fonds, j'ai pu effectivement, à ce moment-là, obtenir un progrès qui, après, c'est assez... Donc, ça a été une période très difficile avant de retrouver un nouvel élan. Mais ça m'a énormément appris sur le fait de... communiquer, de chercher des nouveaux donateurs, de discuter avec les donateurs de longue date pour qu'ils se sentent entendus et faisant partie en quelque sorte du projet. Et puis, partager la flamme. Un des formateurs en recherche de fonds que j'ai beaucoup apprécié disait Vous n'avez pas besoin de raconter des bobards. Dites ce qui vous aide, dites ce qui vous fait vivre. Partagez votre flamme. Donnez avant de demander, c'est-à-dire donnez du sens, donnez de l'expérience. Donnez des questions, partagez. Et... je me suis donc engagée là-dedans à fond en apprenant toujours énormément, en apprenant, en apprenant, en essayant et puis d'être témoin de ce travail des personnes de la base, des juristes, des assistants sociaux, etc.

  • Speaker #0

    Depuis un moment, vous voyez vos trois papiers à l'incumifo carême que vous nous disiez. Peut-être peut-on le lier aussi au CSP. Vous êtes arrivée comme théologienne, vous le revendiquez aussi, même si ce n'était pas facile. Alors la théologienne... Elle a notamment des citations, des ressources intellectuelles, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que ces trois situations, ce ne sont pas des passages bibliques, mais ce sont trois petits textes que je tiens à avoir toujours sur moi dans mon sac à main, y compris si mon téléphone est déchargé. C'est pour ça que je disais sous forme papier, pas sous forme d'un document dans mon téléphone. Il s'agit d'une part de Voltaire, le Traité sur la tolérance, le dernier chapitre, qui dit en gros que les... que les insignifiantes et débiles particules que nous sommes tâchent de s'entendre plutôt que de se taper dessus. Alors Voltaire le dit mieux. Mais Voltaire, c'est pour moi un rappel que je ne peux pas témoigner d'une foi chrétienne sans me souvenir de la critique de la foi chrétienne et notamment du fait que du temps de Voltaire, ce n'était pas les églises qui défendaient les droits de l'homme. C'était un certain nombre d'agnostiques comme Voltaire. C'est pas pour mal oublié. Le deuxième... C'est Laurent Flutsch, archéologue, savant, fin connaisseur des traditions religieuses, même s'il les critique de façon virulente. La dernière exposition qu'il a faite au musée Romain de Villiers, c'était Dieu et fils, archéologie d'une croyance Comment est-ce que le monothéisme s'est développé et comment est-ce qu'il s'est trouvé très envahissant ? Et il a une définition de la religion qui est absolument admirable en disant On n'est pas là pour heurter les croyants. Il n'y a pas de jugement à porter. Du moins quand la religion se pratique entre adultes consentants, qu'elle ne prétend pas détenir la seule vérité ni ne cherche à l'imposer, qu'elle n'entend pas réjonter la vie politique, sociale et hâtine de toute la population, qu'elle ne combat pas la science ni n'intervient dans l'éducation scientifique et quand ses adeptes appliquent leurs propres préceptes moraux. Ah ! que les chrétiens et autres commencent par appliquer l'amour du prochain et l'appel à la justice avant de venir régenter. J'ai intérieurement souvenir 7 jours sur 7. Et puis, la dernière, c'est Né en 17 à Leidenstadt par Jean-Jacques Goldman. Si j'étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines de champs de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ? On ne sait pas ce qu'on aurait fait. Je ne sais pas ce que j'aurais fait du temps de Voltaire. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si j'avais été dans les collines du Rwanda en 1994. Je ne sais pas si j'aurais suivi la propagande. Je ne sais pas ce que j'aurais fait en Bosnie quand on me disait que les chrétiens doivent détruire les musulmans jusqu'au dernier. Je ne sais pas. Et je peux continuer à m'indigner, à rechercher la justice, mais en sachant toujours que je ne sais pas, moi, ce que j'aurais fait. Donc, ne pas juger. Ne pas juger et puis écouter la diversité des gens.

  • Speaker #0

    Vous ne savez pas ce que vous auriez fait, mais nous, on sait ce que vous avez fait de l'extérieur. On observe, peut-être qu'on peut finir par ce dernier objet que vous avez choisi vous-même. C'est des lentilles vertes du domaine, je ne sais pas de quel domaine, mais certainement d'un bon domaine. Ça, c'est votre côté militante, vous avez fait quelque chose.

  • Speaker #1

    Alors, c'est en fait ma militance de retraité actuelle. C'est de faire ce que la dernière campagne de Carême dit, chaque geste compte. Un moment où on a... l'anxiété à propos du climat, un sentiment de découragement par rapport à ces politiques qui n'arrivent pas à se mettre en place pour que tout le monde tire à la même corde contre le réchauffement climatique, au moins qu'on puisse, nous, petit couple de retraités, s'approvisionner en circuit court, soigner la relation avec les producteurs locaux, s'intéresser à ce qu'ils font, et en particulier nous nous... Nous nous approvisionnons de plus en plus au panier bio des trois vallons de la région où nous habitons, dont fait partie la ferme Isly de la Saja. Et puis, découvrir qu'on peut vivre avec un approvisionnement différent, vraiment dicté par le local, par le bio, par les saisons. Et ce n'est pas une restriction, c'est une nouveauté. Et on est en train d'apprendre à vivre ça comme ça, en se disant qu'on doit ça un petit peu aux générations qui viennent. J'aime beaucoup l'engagement des grands-parents pour le climat, les gens de la marche bleue. On a besoin d'être beaucoup attirés à cette corde-là, comme dans l'orchestre évoqué avec le diapason.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce n'est pas nouveau au fond. Ces circuits courts, ça fait longtemps qu'on en parle. parle. Alors, vous le pratiquez vous, mais si vous regardez avec le recul, vous êtes une retraitée, un couple de retraités, mais au fond, est-ce que ce n'est pas tard ? Tout ça n'aurait pas dû commencer avant, ou ça a déjà commencé avant, mais on ne l'a pas assez dit ?

  • Speaker #1

    Il y avait déjà des gens qui le faisaient. Je me rappelle que ma mère était une écologiste avant l'heure. Elle, dans sa manière de m'apprendre la cuisine, l'utilisation de l'eau, etc. Certes, elle avait vécu enfant pendant la Seconde Guerre mondiale, donc ça peut... expliqué qu'elle faisait très attention aux ressources, mais elle m'a rendue attentive pratiquement. Et maintenant, quand j'entends les conseils écologistes, je retrouve un certain nombre d'enseignements qu'elle avait. Donc, ça fait longtemps que nous y appliquons. Je n'ai pas attendu d'être à la retraite pour commencer à appliquer des autres choses. Mais maintenant, c'est devenu une priorité. Ce qui veut probablement dire que peut-être que je ne retrouverai pas un avion au Rwanda. Ça pourrait arriver. Voilà.

  • Speaker #0

    Mais vous m'aimeriez, par ailleurs ?

  • Speaker #1

    Je suis aussi mes skis de sable pour traverser le Sahel. Si, alors, au Kinnerwanda, on dira, Iman, Wisha, tu sais, si Dieu le veut, on retournera. On ne sait pas comment, Nico. Et puis, on sait aussi que nos amis là-bas n'ont pas beaucoup d'occasion de voyager. Voilà, on reste en contact autrement. Grâce à Internet.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Hélène Tung pour ces différents chapitres de votre vie que vous avez ouverts avec nous à l'enseigne de Mémoire vive. Bonne suite à vous. Merci beaucoup. Sur la fiche description, vous trouverez tous les détails et bien sûr le résumé de cet entretien. Suivez-nous, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur toutes les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux et aussi notre site reformer.ch. N'hésitez pas à vous exprimer par des commentaires, votre avis nous intéresse. Merci pour votre soutien.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉE: Hélène Küng

    00:39

  • Un combat pour L’ ENSEMBLE de l’humanité

    01:12

  • Un MONDE de rires, de colère et de non-censure

    04:41

  • Les femmes unies pour la PAIX

    08:28

  • L’animation de GROUPE pour le travail biblique

    10:57

  • Une période de DURCISSEMENT de la loi sur l'asile

    14:02

  • Il n’était pas autorisé à TRAVAILLER

    17:47

  • Nous étions ENTENDUS

    20:10

  • Les DIFFÉRENCES entre avant et aujourd’hui

    21:59

  • Son EXPÉRIENCE au Rwanda

    24:06

  • Le protestantisme RWANDAIS à cette époque

    28:01

  • 1994, le GÉNOCIDE au Rwanda

    31:20

  • La religion N’EST PAS un rempart contre un GÉNOCIDE

    33:17

  • Le NOUVEAU programme de formation théologique

    34:43

  • Objet de l’invitée : Le DIAPASON

    36:25

  • Le centre SOCIAL protestant

    37:43

  • Les 3 textes que je tiens TOUJOURS à avoir sur moi

    42:36

  • Objet de l’invitée : des LENTILLES vertes

    45:50

  • Mots de FIN

    49:16

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Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Hélène Küng, théologienne, militante et ancienne directrice du Centre social protestant du canton de Vaud.

À travers ses souvenirs marquants du Rwanda avant le génocide et de son combat pour la paix en ex-Yougoslavie, cet épisode explore les défis liés aux droits des femmes, à l’accueil des réfugiés et aux pratiques spirituelles renouvelées.

Hélène Küng partage une réflexion vibrante sur l’indignation comme moteur d’action, la transmission de la foi et l’écoute des autres. Un témoignage fort mêlant histoire, foi et engagement pour un monde plus juste.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits, sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la déférence, de la subtilité, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits, c'était juste à la période de Pâques en 1994, et on chantait Jésus est ressuscité tout en vivant ce que... la déchirure entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trasom. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Militante souriante, intellectuelle désinhibée, Hélène Kunk fait partie de cette génération de femmes qui s'est battue, battue contre la guerre, en ex-Yougoslavie par exemple, mais aussi battue... contre tant d'injustice et contre tant d'impuissance. Le monde nouveau attendu à la fin de la chute du mur de Berlin n'est pas vraiment advenu. Et pourtant, cela n'a pas entamé la capacité d'indignation d'Hélène Kulg. Écoutez-la. Par où commencer ? On a choisi ensemble de commencer par votre militance pour les femmes. Mais d'abord, vous êtes une femme qui vous affirmez, qui vous êtes toujours affirmée comme femme, sans complexe aucun.

  • Speaker #0

    Sans complexe aucun et en même temps... J'espère sans dogmatisme, je suis surtout à la suite de femmes qui m'ont impressionnée et qui m'ont impressionnée comme militante, pas juste pour elle-même, entre guillemets, mais pour l'ensemble de l'humanité et puis pour l'ensemble des personnes, qu'elles soient favorisées ou non. Un combat pour l'égalité, pour la diversité, pour la justice. Pas question d'adopter une chapelle contre une autre.

  • Speaker #1

    Quand est-ce qu'il a commencé ce combat ou quels ont été ses éléments porteurs et marquants pour vous ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense dans ma tendre enfance, quand j'ai appris que ma grand-mère n'avait pas le droit d'aller voter, si elle ne votait pas la même chose que mon grand-père. Dans le canton de Vaud, le droit de vote des femmes était relativement récent et mon grand-père s'y était opposé. Voilà, là ça me pose une première question. Qui reste ? et puis qui rejoint d'autres questions ensuite.

  • Speaker #1

    Mais vous avez, comme femme, été assez rapidement engagée dans différents combats.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et je me souviens d'un combat tout à fait étonnant. J'étais sommelière un mois pendant mes études pour gagner, je ne sais plus de quoi faire, mon permis de conduire ou quelque chose comme ça. Et je sentais dans le café où je travaillais comme sommelière une forte hiérarchie sociale. Nous étions au début des années 1970. Et j'avais comme allié dans la place quelqu'un d'incroyable. C'était un jeune homme qui s'affirmait, s'affichait comme gay, ce qui était extrêmement courageux. À l'époque, ça l'est encore toujours. Et qui aidait les personnes en difficulté, que ce soit la jeune sommelière qui s'y perdait ou quoi. C'était quelqu'un qui, comment dire, créait la relation. pour créer la réjouissance en plein stress, etc. Et pour moi, il est devenu une sorte de modèle de militant souriant qui veille à ce que tout le monde, et pas juste les gens de son camp, y aient leur compte. Il m'a beaucoup impressionnée, il m'a marquée. Et après, quand j'ai retrouvé à la Marche mondiale des femmes en 2000 des camarades lesbiennes qui m'ont aussi énormément appris sur le respect de la diversité, sur le droit de chacun à chacune à être comme il est. Ça m'a beaucoup encouragée. J'ai énormément appris en fait comme militante.

  • Speaker #1

    Mais vous ne reveniez pas d'un milieu où au fond les femmes s'affirmaient ?

  • Speaker #0

    Je venais d'un milieu où les femmes s'affirmaient, où être intellectuelle était considérée comme bien par un certain nombre de femmes de ma famille, ce qui fait qu'elles considéraient presque comme un déshonneur que je choisisse d'étudier la théologie plutôt que l'archéologie ou une science un peu sérieuse. Effectivement, les femmes s'affirmaient et en même temps... J'étais très consciente du regard des intellectuels sur les non-intellectuels. Donc il y avait une question sociale qui se posait aussi dans ce regard-là. Mais oui, j'étais tout à fait favorisée par le fait que les femmes s'affirmaient dans ma famille, donc je n'avais pas aucun héroïsme à jouer à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Alors si je reprends un peu votre parcours, il y a un rendez-vous, ça se dit en allemand, Frauenkirchenfest.

  • Speaker #0

    Genau.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors, la Frauenkirchenfest, ça a commencé par la Frauen-Synode, qui était lancée par un certain nombre de femmes, dont des femmes catholiques suisses, en réaction à un synode catholique. exclusivement masculin. Je suis allée à mon premier Frauen-Synode avec des militantes genevoises et autres, c'était passionnant, on était dans le train jusqu'à Lucerne, jusqu'à Interlaken, je ne sais plus où c'était. Et je découvrais un monde de rire, de colère, d'élan, de non-censure. Dans une grande assemblée protestante, dans les années je ne sais pas quoi, on ne rit pas très fort. À la Fraunsinode, il y avait des éclats de rire de plusieurs centaines de personnes en même temps. C'était extraordinaire. Je découvrais ça. Et puis, c'était dans les années 90. Les années 90, elle s'ouvrait sur un espoir fou qui était la chute du mur de Berlin. Un espoir extraordinaire d'une redistribution mondiale, avec si possible moins d'armes dissuasives atomiques, par exemple. Peut-être qu'on était fous, on rêvait une redistribution mondiale aussi en termes tiers-mondistes, ce qui ne s'est pas du tout fait. C'était le grand début du néo-capitalisme et non pas de l'égalité. On avait beau dire pays émergents ou du tiers-monde, ça n'émergeait pas, c'était maintenu. Et dans ces années 90, avec... Le deuxième fraude qui est infeste auquel je suis allée à Bâle, c'était en 1992, la guerre en ex-Yougoslavie a été à la fin d'éclater. Et je découvrais que l'impuissance épouvantable que j'éprouvais à ce moment-là et que j'éprouvais à tant d'autres moments et encore aujourd'hui, pouvait trouver des mots pour être dites. C'est le début de sortir de l'impuissance et déjà oser dire. Et... Mais le frère Henri de Rinfès était un lieu pour cela. Au train de retour, revenant de Bâle, je me trouve avec un certain nombre de femmes du Suisse allemande, du Suisse romande. Et j'apprends l'existence des femmes pour la paix, du cercle d'Olten et d'un certain nombre de groupes de femmes qui vont manifester contre la guerre en ex-Yougoslavie. Moi, je vais me joindre aux femmes de la Palue, une petite place à Lausanne, fraternelle avec... les femmes de la fusterie à Genève, mais jusqu'aux femmes en noir à Belgrade, qui étaient autrement plus courageuses que nous. Et nous avons manifesté pendant des mois et des mois contre cette guerre. Nous ne savions pas quoi faire d'autre. Nous avons aussi écrit aux autorités suisses, écrit à l'ONU, obtenu un rendez-vous, chanté sur les places, fait signer des pétitions, rassemblé des dons pour une œuvre d'entraide pour les réfugiés en Croatie, etc. Un sentiment d'impuissance... couplé à un activisme, j'allais dire fiévreux ou frivole, on peut dire peut-être les deux, juste pour dire qu'on n'est pas d'accord, juste pour dire qu'on n'est absolument pas d'accord avec ce qui ose s'appeler une guerre ethnique. C'était, il faut tuer les musulmans parce qu'ils sont musulmans. Alors en tant que chrétienne, j'entends ça, ça m'est tout aussi insupportable que d'entendre qu'il faut persécuter les chrétiens. du christianisme, on dit qu'il faut persécuter des musulmans, ça n'y va pas.

  • Speaker #1

    Comment ça a été reçu, ces manifestations, à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    Avec beaucoup de sympathie. Nous étions un petit groupe dans notre paroisse qui participait régulièrement. Et puis, il y avait des personnes pas du tout religieuses qui faisaient partie des Femmes pour la Paix, mais qui étaient tout à fait athées, mais on était alliées par le même sentiment de rébellion. Et puis, je me rappelle de personnes qui étaient contentes de savoir venir s'asseoir avec nous en disant... On ne peut rien faire, au moins on peut s'asseoir avec vous. Le sentiment d'impuissance et de choc de cette guerre à nos portes, alors qu'on avait dit plus jamais ça. Mes parents m'ont élevée dans plus jamais ça. La secondaire mondiale, les camps, l'extermination d'un peuple, sous prétexte qu'il est peuple, le peuple juif. Plus jamais une extermination d'un groupe parce qu'il est un groupe.

  • Speaker #1

    Soutien aussi à cette époque où... Oui, c'est cette époque au maire bosniaque. Oui,

  • Speaker #0

    c'est venu comme ça. Ma militance, elle a commencé du par grâce à ces femmes, notamment alémaniques, en parole et en rébellion. Et aussi à cause des articles qui étaient écrits par Sonia Zoran dans le Nouveau Quotidien, qui avait été lancé par Jacques Pillet, qui se révoltaient contre la lecture séparante, ethnicisante du bouillonnement culturel des Balkans, en disant, mais on est notre culture. Et le... Elle tient debout parce qu'elle a toutes ses racines. On ne peut pas nous couper en morceaux. Et donc, ça m'a aussi conduit à cette méditance, on peut dire. les échos, soit de chrétiennes, de chrétiens, d'athées, mais unies dans cette même protestation. Et puis, du coup, nous avons accueilli des femmes bosniaques, nous avons organisé des marches avec elles. Je me rappelle très bien que certaines de ces femmes bosniaques disaient, mais enfin, femmes pour la paix, vous rigolez, donnez-nous des armes et on va les battre. Femmes pour la paix, c'est bien un luxe d'occidental. Mais voilà. On était ensemble et du coup, ça m'a conduit à faire partie de l'association des mères bosniaques. Ça m'a rapproché du service d'aide juridique aux exilés. Je découvrais les référendums contre un des X durcissements de la loi sur l'asile. Donc, j'apprenais, j'apprenais, j'apprenais. Je trouvais des lieux où il se passait des choses en résistance et qui me donnaient envie de m'y joindre.

  • Speaker #1

    Alors, on verra tout. tout à l'heure que cet apprentissage, évidemment, il vous a équipé pour la suite, mais j'aimerais qu'on ait un autre F, pas seulement le F de femme, mais le F de formation. C'est une période où ça n'est pas que lié à vous, c'est lié à une génération. On quitte un peu le ou la pasteur qui donne la vérité pour essayer d'être dans des mouvements où on échange autour d'eux. C'est ça le processus.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et encore, je fais partie des jeunettes. ou des jeunes de cette génération-là, qui étaient marqués par les travaux de Louis Chorderey et des différentes personnes qui travaillaient l'animation de groupe. L'idée étant que si on veut que l'Église fasse sens, il ne faut pas qu'il y ait juste des clercs qui déversent un savoir appris et puis ensuite donné au compte-gouttes, même si le pasteur se croit très généreux en expliquant la chose, mais s'il explique sans que les gens puissent dire où ils en sont, ça va. Donc l'idée c'était... l'animation de groupe comme outil en particulier pour le travail biblique. On ne fait pas de travail biblique en faisant un exposé d'une heure, en disant interrompez-moi si vous avez une question On commence par travailler sur ce que les gens connaissent déjà, ce qu'ils savent, ce sont les questions qui se posent, etc. Ce qui m'a été extrêmement utile et ce qui m'a fait beaucoup apprendre pour l'animation de groupe biblique, pour l'animation de groupe écuménique de femmes pour préparer les journées mondiales de prière, ce qui m'a aider à toutes sortes de moments pour travailler avec les gens et pas à leur place.

  • Speaker #1

    Une époque qui est révolue, dont vous avez senti que le tournant se prenait déjà ?

  • Speaker #0

    J'avais l'impression que le tournant se prenait quand j'ai travaillé en paroisse à la fin de ma période professionnelle il y a quelques années en arrière. J'étais frappée de voir que les collègues l'un déjà à la retraite et l'autre toute jeune qui se passionnaient aussi pour le travail biblique, avaient l'un et l'autre la pratique de faire un exposé au début d'une étude biblique et puis laisser lutter pour les questions. Je venais avec mon souhait qu'on commence par donner la parole aux gens, qu'on repère de quelles questions ils ont besoin, etc. Et j'avais de grands moments de solitude. On me disait, je me suis dit, tiens, est-ce que ça ne fait plus sens ? Pour moi, ça faisait sens. Et les quelques thèmes bibliques que j'ai organisés, parce qu'on se les répartissait, ce qui était une très bonne chose. J'ai continué à travailler comme ça et j'étais heureuse de voir que les gens étaient intéressés à pouvoir intervenir, poser X questions. Ils savaient que la prochaine fois que je travaillais, je faisais un programme axé sur leurs questions. C'était extrêmement stimulant et j'avais clairement l'impression que tout le monde apprenait d'entendre les questions les uns des autres. Ça veut dire aussi être prêt. Ah oui, ils veulent travailler plutôt tel passage, donc à moi d'utiliser mon équipement, non pas pour leur enseigner quelque chose, mais pour être prête sur le sujet qu'ils ont demandé.

  • Speaker #1

    Si on ouvre un chapitre important dans votre vie à l'ENCUG, c'est le chapitre de l'asile. Vous avez été en paroisse comme pasteur, mais au fond, assez rapidement, vous avez atterri dans un lieu comme Aumônière.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et c'est vrai que je n'étais pas comme... pasteur en paroisse à cette époque-là, mais j'étais comme femme de pasteur et mère de famille, avec un certain nombre de bénévolats, d'animations de groupes, de femmes pour la paix, de journées mondiales de prière, etc. Et c'est en fait par le chemin qui s'est dessiné à la suite de la guerre en ex-Yougoslavie, l'accueil des mères bosniaques, l'association des femmes bosniaques, le contact avec le service d'aide juridique aux exilés. et avec le groupe SOS Asile, que je me suis trouvée être sollicitée par des gens qui me connaissaient dans ce milieu-là pour dire mais on cherche quelqu'un pour l'aumônerie au nouveau centre d'enregistrement de Régal-Andazé-Lavalant, en 2000, et puis que j'ai postulé et qu'on m'a prise. Voilà, donc j'étais dans une équipe écuménique. à l'aumônerie au centre d'enregistrement de requérants d'asile à Val-en-Bourg.

  • Speaker #1

    Avec le recul, comment vous voyez cette période dans laquelle vous avez commencé cette activité ?

  • Speaker #0

    C'était une période charnière. En même temps, c'était déjà une période où des durcissements de la loi sur l'asile avaient été proposés au peuple, avaient été acceptés, malgré la militance de petits groupes auxquels j'appartenais, qui disaient attention, on est en train de se fourvoyer Je pense, avec le recul, que... La fameuse chute du mur, la fin du rideau de fer, etc., a conduit à des situations qui n'étaient pas prévues par notre législation sur l'asile. Elle était axée, après les conventions de Genève, sur protéger des personnes persécutées pour leurs opinions politiques. Typiquement, les réfugiés de l'Est, de Hongrie, du RSS, etc., d'avant en 1990. Arrive une période... où des persécutions se produisent contre les groupes. Vous ne pouvez pas, en tant que bosniate musulman persécuté par un pouvoir serbe ou comme kosovar albanophone persécuté, dire je suis persécuté pour mes opinions politiques Je suis persécuté parce que je fais partie d'un groupe Allez prouver ensuite, comme la loi sur l'asile en Suisse maintenant le demande, ou en tout cas la jurisprudence. prouver que vous êtes encore plus persécutés que la moyenne des gens possible. On a un changement politique qui fait que nos outils pour déterminer qui peut obtenir l'asile ont changé. Et le durcissement qui était de dire il y a trop de gens qui viennent, d'ailleurs ils viennent pour des raisons économiques, donc ce n'est pas des réfugiés politiques, c'est mal de venir pour des raisons économiques, c'est un prisme qui a sa logique, mais qui ne couvre pas. plus ce qui se passe au niveau mondial. Alors en même temps, quand j'entends des gens dire oui, oui, mais tous ces gens ne sont pas des réfugiés, etc., j'ai envie de dire, est-ce que vous lisez de temps en temps le journal mensuel d'Amnesty International ? Est-ce que vous vous rendez compte de la situation des droits humains, des droits de l'homme sur la planète ? Est-ce que vous vous rendez compte que des gens sont persécutés parfois pour des raisons religieuses, pour des raisons qui appartiennent à tel groupe ethnique, etc. Tout ça fait... partie de ceux qui nécessitent une protection. C'est une des évolutions que j'ai trouvé très difficile à comprendre.

  • Speaker #1

    Dans ce lieu, quel est votre rôle comme aumônière ? Vous faisiez quoi à cette époque ? Je n'ose pas dire, vous serviez à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ce sont deux bonnes questions. Nous entrions en contact avec les personnes en essayant de ne pas les stresser en demandant d'où vous venez, vous vous appelez comment, etc. passer du temps avec eux, leur signaler notre disponibilité à l'écoute, les orienter vers le service d'aide juridique. Le fameux sage. Le fameux sage, qui avait son antenne à Valorbe, pas loin du centre de requériment d'asile. Aussi parce que les gens ne savaient pas du tout à quoi ils seraient confrontés dans la procédure d'asile suisse. Donc il fallait un minimum d'informations sur pourquoi ceci, pourquoi est-ce qu'on attend, pourquoi est-ce qu'on vous interroge, ça correspond à quoi. Donc nous faisions beaucoup de vulgarisation. Mais surtout, nous les envoyons au service d'aide juridique aux exilés. Et je me suis rendu compte, mes collègues aussi d'ailleurs, que nous devions aussi, quelque part, servir de témoin de ce qui se passait, de la détresse des gens, de leur ignorance, de leur difficulté à comprendre pourquoi les lois sur l'asile sont organisées comme ceci en Europe, et plus particulièrement en Suisse. aussi signaler la difficulté pour eux, par exemple, de n'avoir le droit de rien faire, de ne pas être autorisé à travailler, d'avoir aucune occupation, et pour je ne sais pas combien de temps. Qui d'entre nous, citoyens et citoyennes suisses, travailleurs, etc., supporterait d'être une semaine, ne serait-ce qu'une semaine, à ne rien faire, sans savoir pour combien de temps, et puis vouloir rendre service, vouloir travailler, etc., on dit non, non, vous n'avez pas le droit. Je veux dire, c'était une situation dont nous devions témoigner. Nous avions d'ailleurs organisé avec le SAGE une liste à Valorbe qui s'appelait Pas de salade Et comme c'était Pas de salade nous offrions des confitures maison. Et nous étions là pour dire Nous ne vous racontons pas de salade sur les requérants d'asile, voici les faits Pour ça, nous étions évidemment très très redevables à des groupes comme Vivre ensemble à Genève, avec des contacts dans tous les cantons, qui pouvaient documenter. Voilà quel est le pourcentage de requérants d'asile en Suisse. tout petit pourcentage. Par exemple, nous servions aussi à répercuter cela aussi dans les églises, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez accueillie dans les églises à ce moment-là, votre ministère d'aumônière ?

  • Speaker #0

    Alors, de manière complètement variable, mais j'étais très reconnaissante aux responsables laïcs, d'ailleurs Roland Besse du département Présence et Solidarité dans l'église réformée vaudoise, dire à l'aumônerie à Valop, tu fais partie de l'ensemble du dispositif. Il y a aussi des aumôniers dans les hôpitaux, il y a des aumôniers auprès des écoles, etc. L'asile, c'est un des volets. Et nous tirons tous ensemble à la même corde, c'est pour témoigner de l'Évangile et de l'amour du Christ, et témoigner auprès de nos frères et sœurs protestants de ce qui se passe dans des situations de détresse.

  • Speaker #1

    Vous interveniez aussi auprès des autorités du monde politique, par exemple, c'était possible ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était possible. Alors avec un canal intéressant, nous avions une rencontre au plan suisse des homonies auprès des requérants d'asile. sous l'égide de la fédération des églises protestantes de Suisse. C'était passionnant de remontrer les collègues de Bâle, de Kreuzlingen, d'Alstetten, etc. Et nous faisions remonter un certain nombre d'observations. En même temps, nous sentions une prudence, un ouragan de prudence quant à ce que nous pouvions répercuter. Alors, nous essayions de le faire dans les paroisses, dans les médias aussi, auprès de la fédération des églises protestantes. Et de temps en temps, nous inter... de manière un peu plus bruyante en se disant Mais notre conscience d'homogène nous comptera à vous interpeller bruyamment. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça fonctionnait ?

  • Speaker #0

    Ça dépend. Au moins, nous étions entendus et parfois, nous avions, enfin, nous étions entendus, nous avions la possibilité de parler et d'écrire et parfois de signaler aux médias que nous prenions la parole.

  • Speaker #1

    On est en 2024 aujourd'hui, et là, on parle des années 2000, 2005, 2006, 2007. La différence entre aujourd'hui et ces années-là, vous arrivez à l'évoquer en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est toujours la même chose en pire, j'aimerais dire. Il y a peut-être un peu de lucarne d'espoir quant à la manière d'intégrer les requérants d'asile et les réfugiés, dont j'ai l'impression qu'ils sont encore fortement soupçonnés, de venir. parce que la Suisse est attractive, etc. On oublie que l'attractivité de la Suisse a notamment été construite par une foule de migrants et migrantes, travailleurs, travailleuses, qui ont contribué à constituer la prospérité suisse, que beaucoup de Suisses, autrefois, ont dû partir s'exiler parce que la Suisse n'était pas si prospère. Donc, c'est difficile, je trouve, ce soupçon. Dès qu'un parti politique souhaite faire un tabac, il doit rallier contre l'asile. C'est stupide. Or, J'ai l'impression qu'il y a un irréalisme crasse. Notre société a besoin de migration, d'une part. Les valeurs suisses dont nous nous vantons tant parlent d'accueillir des personnes qui sont persécutées ailleurs. Alors, comment peut-on se faire un autogol pareil en disant au nom de la Suisse, nous soupçons non-lirequaires en asile, alors qu'il faut évidemment examiner leur situation. Dans ce domaine comme dans d'autres, il y a des fauteurs de troubles, on est absolument d'accord. Aucune profession, même pasteur, n'est exempte de fauteurs de troubles. C'est comme ça. Mais ce que je trouve, pour revenir à la question, mais qu'est-ce qui a changé ? Moi, j'ai l'impression que c'est toujours aussi difficile et que c'est toujours aussi difficile de se dire, mais on continue à témoigner de ceci en essayant de ne pas espérer que ça change. Bien sûr qu'on espère que ça change, mais l'espoir peut être complètement démolisseur, épuisant. Il faut continuer à témoigner, c'est tout. Il faut continuer à dire ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Alors on va faire un saut dans le temps avec vous, mais on ne va pas faire un saut dans le temps... On va remonter, si vous voulez, on va remonter à une période qui est un peu avant. Je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est une parenthèse. C'est la période dans laquelle vous avez voyagé au Rwanda, envoyé, c'est juste... Et qu'est-ce que vous avez découvert ? On précise qu'à ce moment-là, on est avant le génocide.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Nous sommes partis, mon mari et moi, tout fraîchement mariés, tout fraîchement licenciés, on ne parlait pas encore de master de la faculté de théologie de Lausanne, d'abord pour une année qui se sent prolongée en six ans des années 80, comme participants à un programme de formation théologique pour les futurs pasteurs de quatre églises protestantes rwandaises. Nous étions censés aller former et enseigner, nous étions totalement des apprentis, ce qui nous a très probablement aidé à être des formateurs ou des... co-constructeurs un peu crédibles. Nous découvrions une société dont nous n'avions pas idée. Nous nous découvrions comme Européens privilégiés dans une société post-coloniale où les Blancs avaient encore énormément de privilèges, notamment financiers. Nous nous découvrions apprentis dans une culture dont nous ignorions tout. Donc, on a essayé d'apprendre un peu la langue, etc. On ne pouvait pas, comment dire, enseigner la théologie sans... tout petit peu découvrir quelle était la vie des gens, ou quelles étaient les vies des gens à qui nous avions affaire. C'était extrêmement intéressant. Nous avons vraiment vécu cette situation qui m'a ensuite beaucoup aidée à l'aumônerie auprès des requérants d'asile. Je suis un hôte le passage. Je suis en visite chez vous, dans votre culture, dans votre programme de formation, dans votre cursus. Je suis en visite. Je ne suis pas là en maître. J'entends en possesseur.

  • Speaker #1

    Comment était la société rwandaise à cette époque ? Est-ce que... On se pose tous la question, est-ce que des années avant, on pouvait percevoir les tensions qui ont conduit à ce fameux génocide en 1994 ?

  • Speaker #0

    Les tensions ethniques étaient déjà là. Nous avions découvert très rapidement que c'était absolument impossible de coller une étiquette ethnique aux gens rien qu'en les voyant. Donc, tant de personnes étaient de père ou de mère, tout de suite, de père, tout de suite, etc. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que lors du génocide de 1994... Les cartes d'identité, les gens étaient demandés, les gens essayaient de cacher ou de fausser leurs cartes d'identité, parce que non, les personnes ne sont pas de deux ethnies complètement identifiables physiquement, pas du tout. C'était d'ailleurs des groupes qui pouvaient passer d'un groupe social, c'était des groupes sociaux, où on pouvait devenir tout de suite ou devenir autour. Un ami nous racontait que son père et son oncle, de même père et mère, l'un avait été... identifié comme Tutsi par l'administration coloniale belge parce qu'il possédait dix vaches, et l'autre avait été identifié comme Hutu parce qu'il n'en possédait aucune. Alors, on en rit à l'époque, on en rit beaucoup moins maintenant, qu'on voit comment cette classification a été utilisée.

  • Speaker #1

    C'était un sujet de discussion, cette question Hutu-Tutsi, ou c'était déjà tabou ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qu'on nous disait clairement, c'était, vous n'en parlez pas si les gens ne vous en parlent pas. Et n'oubliez pas que si vous posez des questions à l'iscrète, vous pouvez être ramené à la frontière, mais la personne à qui vous pouvez poser des questions à l'iscrète pourrait se retrouver dans un local de police, et pas un local respectueux des droits de l'homme. Donc on se rendait compte que c'était présent, et on a appris à vraiment attendre, attendre, attendre, avant de poser des questions, toujours de seul à seul, jamais en groupe, d'attendre qu'on nous parle, attendre. C'était extrêmement formateur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez trouvé ce protestantisme rwandais à cette époque ?

  • Speaker #0

    Il était extrêmement minoritaire. Les protestants, dans les cinq ou six confessions, formaient à peu près 20% de la population. Nous étions avant l'explosion des confessions de toutes sortes, que je ne qualifierais pas de protestantes, toutes sortes de confessions revivalistes. de l'évangile de la réussite, du dieu qui accorde de l'argent, des enfants, je ne sais pas quoi, suivant comment on le prive, tout ça. Ça s'est multiplié, c'est un fléau au sens où ça peut vraiment donner de faux espoirs matériels à des gens qui sont dans le dénuement. Et ça, c'est grave que la religion serve à ça.

  • Speaker #1

    Ce n'était pas le cas à votre époque ?

  • Speaker #0

    Alors, ce n'était peu pas le cas, ça m'est difficile de dire. En tout cas, c'était vraiment une époque où il y avait encore relativement peu de confession protestante, très orientée sur le salut au ciel, aussi parce que la terre restait assez désespérante. Nous, on arrivait avec nos gros souliers pour dire que c'est important de témoigner du Christ ici sur terre, etc. On nous a fait comprendre que les marges du manœuvre étaient tellement petites que ce n'est pas étonnant que les gens espèrent le salut au ciel et le prêchent. Voilà, on a pris quelques leçons. En même temps, c'était très important pour nous de donner aux étudiants et étudiantes, de partager avec eux des outils d'écoute, des outils de non-jugement, des outils de diversité dans la Bible, qui fait qu'on ne peut pas juste flanquer un verset à quelqu'un pour lui dire qu'il est un mauvais chrétien s'il ne se marie pas à l'Église ou je ne sais pas quoi. C'était un apprentissage passionnant. Comment étaient les gens entre catholiques, protestants, protestants ensemble ? Est-ce que c'était une société très fragmentée au niveau religieux où il y avait un sentiment religieux dominant, à peu près consensuel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y avait un sentiment religieux dominant au sens où l'athéisme paraissait comme une sorte d'absurdité ou une sottise intellectuelle. Et puis, il y avait un fort clivage confessionnel qui est un petit peu hérité de la situation coloniale belge. Les protestants étaient archi minoritaires et soupçonneux. Certains disaient, mais quand est-ce qu'on pourra avoir une grande église comme la cathédrale de tel endroit, etc. Les grands bâtiments de l'église catholique étaient aussi propriétaires foncières importantes. Et c'était tout à fait intéressant pour nous d'avoir des contacts à la fois entre protestants et aussi avec des interlocuteurs catholiques pour témoigner de... de l'intérêt d'un dialogue interconfessionnel. Nous n'avons pas, en tant que protestants, le monopole d'une quelconque vérité religieuse. Devenons des disciples en apprentissage et non pas des possesseurs d'un savoir qu'on entrechoque avec un autre savoir.

  • Speaker #0

    En 94, quand vous apprenez, enfin comment ça se passe en 94 ? quand vous apprenez ou comment vous apprenez le génocide ?

  • Speaker #1

    Alors, nous apprenons d'abord par quelques amis, dont un journaliste très engagé, qu'il y a une énorme inquiétude parce que des massacres sont en train d'avoir lieu et que le fait que le Front Patriotique rondeille les armes, puisqu'il n'avait reçu aucune possibilité de revenir pacifiquement, était... utilisés pour emprisonner des opposants politiques, Hutu ou Tutsi d'ailleurs, les opposants, quelle que soit l'ethnie, étaient emprisonnés. On a eu des espoirs avec les négociations d'Arusha où des accords devaient être obtenus pour un pluripartisme au Rwanda. Et ces accords, quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits. sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la différence, de la subtilité, etc. Nous ne comprenions pas. Nous découvrions que des Rwandais résidant en Suisse étaient aussi sidérés que nous. Nous découvrions que d'autres avaient senti le vent venir et la mise en place d'une machine génocidaire par la propagande à la radio, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits. C'était juste à la période de Pâques en 1994. Et on chantait Jésus est ressuscité, tout en vivant la déchirure dont parle par exemple Amarek Alter, entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trostel.

  • Speaker #0

    Vous qui avez contribué ou en tout cas observé ce christianisme rwandais, vous contribuez à... à sa consolidation ou à son éducation ? Est-ce qu'avec du recul, vous vous dites, au fond, on n'a pas réussi, ou le christianisme n'a pas réussi à aller jusqu'au fond des consciences pour être un frein à ce drame ?

  • Speaker #1

    Et certainement, oui, nous n'avons pas réussi. Je me rappelle très bien que des coups de poignard que j'ai reçus, moi je participais à la formation en Ancien Testament, à Boutaré, dans les années 80-86. Et d'entendre dire que d'anciens... étudiant avec qui nous avions travaillé, disait Les Tutsis sont livrés au pouvoir des Hutus comme les Amalécites ont été livrés au pouvoir d'Israël dans le livre des juges de Josué et compagnie. Il y a de quoi avoir fortement honte. En même temps, je crois qu'aucune religion témoigne l'Allemagne chrétienne des années 30 et tant d'autres lieux. Les courants... chrétiens en ex-Yougoslavie, etc., la religion n'est pas un rempart contre une construction génocidaire. Ça nous rend aussi humbles comme membres d'une église. Il faut d'autres outils que la religion, seules, pour lutter contre une propagande génocidaire et pour lutter contre d'autres propagandes politiques.

  • Speaker #0

    Vous êtes retournée au Rwanda, évidemment, depuis, des tas de fois.

  • Speaker #1

    Nous étions retournés une première fois en 1995, donc une année après le génocide. Je ne peux pas trouver les mots pour vous dire le sentiment d'incompétence que nous avions. que nous éprouvions au fil de ces mois du génocide qui ont suivi. On nous appelle des collègues rwandais. Il y avait en gros un tiers du groupe pastoral presbytérien qui était mort, qui avait été tué. Un tiers était parti en exil et puis un tiers était rescapé. Chiffre approximatif. On nous appelle pour dire est-ce que vous seriez d'accord de revenir participer avec nous à la mise sur pied d'un programme de formation théologique qui... tiennent compte des événements. Excellent objectif. Jacques, mon mari et moi, on dit mais on ne s'est jamais senti aussi incompétent de notre vie. Réponse, nous sommes trop fatigués pour former de nouvelles personnes. Nous aimerions travailler avec vous parce que nous avons déjà travaillé avec vous. Il y a un proverbe rwandais qui dit qu'un manche neuf donne des ampoules. Donc il vaut mieux le vieil outil qu'on connaît. que le nouvel entourage qu'on ne connaît pas, ce qui fait que nous avons reçu ça comme une marque de confiance extraordinaire. Nous y sommes retournés avec nos quatre enfants de 1995 à 1996 pour participer au début de l'élaboration d'un programme de formation théologique qui tienne compte du génocide tous étonnant et aboutissant. Nous avons été relayés après par d'autres personnes et nous avons ressenti comme un immense honneur qu'on nous faisait nous associer à ce travail.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé des objets qui sont là jusqu'à présent. Il y en a plusieurs, en tout cas deux. Il y en a dans votre main aussi un certain nombre. Mais j'aimerais qu'on évoque ce diapason, un peu curieux, vous connaissant, mais j'ai envie d'en avoir l'éclaircissement.

  • Speaker #1

    Oui, un diapason, donc un instrument musical qui donne le là, qui donne un des là, 440, 430, machin, etc. La musique fait partie de ma vie depuis aussi loin que je m'en souvienne. Il paraît que je chantais avant de parler. Bon, j'ai parlé. Oh, désolée. Et c'est vrai que la musique, la découverte de différentes sortes de musiques, dans différentes langues, ça m'a toujours portée. Ça m'a aussi portée dans les moments que j'ai trouvé les plus durs et les plus éprouvants. Et en même temps, la musique, c'est aussi une histoire d'orchestre. C'est une histoire de différents instruments. Un instrument n'a pas raison contre un autre. Si vous jouez la partition du hautbois et d'autres jouent la partition du violon, même si ça dissonne, ça va ensemble. Et pour moi, la musique dit une magnifique complémentarité des différents talents et des différentes différences.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est ce que vous avez dû mettre en pratique dans la dernière période de votre carrière qu'on va évoquer maintenant, celle du Centre social protestant. Oui.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Le parallèle avec la musique est amusant. Oui, je me suis trouvée, à la suite de mon engagement comme aumônière auprès d'Irkéron Dazil et dans différents mouvements de sensibilisation aux questions de la migration, je me suis trouvée être candidate et être acceptée au poste de directrice du Centre social protestant Vaud, qui est donc en... une création des paroisses lausannoises dans les années 1960 qui disait nous avons besoin d'un centre social professionnel. Magnifique vision, la charité ne suffit pas, il nous faut défendre les droits des gens. Vision admirable et toujours actuelle. Et la tradition voulait, elle n'a plus cours actuellement et c'est une bonne chose que le directeur ou la directrice du centre social protestant vaut soit un pasteur ou un théologien.

  • Speaker #0

    Qui étaient les prédécesseurs alors ?

  • Speaker #1

    Les prédécesseurs, alors le tout premier était un juriste. Ensuite, il y a eu Daniel Pache, pasteur pendant de longues années. Il y a eu Pierre-André Liserand. Il y a eu Gabriel de Montvalin, puis après moi. Le premier, le juriste, était Pierre Georgis. C'était le tout premier.

  • Speaker #0

    Comment vous vous êtes reçue comme femme ? Vous êtes la première femme directrice ?

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, ce n'était pas un problème. Le milieu du centre social protestant, les juristes, les assistants sociaux, assistants sociaux, est relativement féministe, donc le problème n'était pas que j'étais une femme, le problème c'est que j'étais une théologienne. C'est-à-dire forcément quelqu'un de moins sérieux qu'un ou une sociologue, ethnologue, juriste, travailleur social, etc. Donc je devais être à l'écoute de ces travailleurs et travailleuses. C'est d'ailleurs une des chances du centre social protestant vaut, c'est d'avoir notamment une sociologue. qui travaillent pour analyser ce que les gens du terrain observent et faire remonter ces observations. Ça, ça me reliait quelque part à ce que j'avais essayé de faire dans le domaine de l'asile. Je continue à trouver que c'est une mission extrêmement importante des centres sociaux protestants, c'est d'être témoin de ce qui se passe dans le domaine de la précarité, de signaler les problèmes, de signaler aussi les trous dans la législation ou ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation des personnes en situation de précarité.

  • Speaker #0

    C'est en 2007 que vous prenez ce poste. Vous trouvez le CSP dans quelle situation et comment allez-vous la faire évoluer dans les 11 années ? J'en ai 10.

  • Speaker #1

    début 2007 jusqu'à fin 2016. Alors là, la situation que le directeur ou la directrice devait gérer, c'était le lancinant problème des finances. Une part de financement dû à des subventions de l'État pour telle et telle tâche, une part venant des magasins d'occasion, mais à cette époque-là, plus maintenant, en perte de... de financement, de finance, et une part de recherche de fonds. Alors moi, je suis donatrice dans l'âme, il fallait que je me transforme en chercheuse de fonds. Ce que j'ai essayé de faire, j'ai suivi des formations à cet égard, j'ai trouvé ça absolument passionnant de pouvoir être témoin d'un travail qui se fait, qui n'est forcément pas rentable puisqu'il s'agit d'aider juridiquement, socialement, etc., des personnes en difficulté, et de... de trouver des donateurs et des donatrices qui sont d'accord ou non les valeurs partagées et de se dire, mais ça, je soutiens.

  • Speaker #0

    Vous avez l'impression, en tout cas, que vous avez réussi ?

  • Speaker #1

    Alors, en un sens, oui. Au sens où j'ai pu, en renouvelant, en essayant différentes choses en termes de recherche de fonds, j'ai pu effectivement, à ce moment-là, obtenir un progrès qui, après, c'est assez... Donc, ça a été une période très difficile avant de retrouver un nouvel élan. Mais ça m'a énormément appris sur le fait de... communiquer, de chercher des nouveaux donateurs, de discuter avec les donateurs de longue date pour qu'ils se sentent entendus et faisant partie en quelque sorte du projet. Et puis, partager la flamme. Un des formateurs en recherche de fonds que j'ai beaucoup apprécié disait Vous n'avez pas besoin de raconter des bobards. Dites ce qui vous aide, dites ce qui vous fait vivre. Partagez votre flamme. Donnez avant de demander, c'est-à-dire donnez du sens, donnez de l'expérience. Donnez des questions, partagez. Et... je me suis donc engagée là-dedans à fond en apprenant toujours énormément, en apprenant, en apprenant, en essayant et puis d'être témoin de ce travail des personnes de la base, des juristes, des assistants sociaux, etc.

  • Speaker #0

    Depuis un moment, vous voyez vos trois papiers à l'incumifo carême que vous nous disiez. Peut-être peut-on le lier aussi au CSP. Vous êtes arrivée comme théologienne, vous le revendiquez aussi, même si ce n'était pas facile. Alors la théologienne... Elle a notamment des citations, des ressources intellectuelles, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que ces trois situations, ce ne sont pas des passages bibliques, mais ce sont trois petits textes que je tiens à avoir toujours sur moi dans mon sac à main, y compris si mon téléphone est déchargé. C'est pour ça que je disais sous forme papier, pas sous forme d'un document dans mon téléphone. Il s'agit d'une part de Voltaire, le Traité sur la tolérance, le dernier chapitre, qui dit en gros que les... que les insignifiantes et débiles particules que nous sommes tâchent de s'entendre plutôt que de se taper dessus. Alors Voltaire le dit mieux. Mais Voltaire, c'est pour moi un rappel que je ne peux pas témoigner d'une foi chrétienne sans me souvenir de la critique de la foi chrétienne et notamment du fait que du temps de Voltaire, ce n'était pas les églises qui défendaient les droits de l'homme. C'était un certain nombre d'agnostiques comme Voltaire. C'est pas pour mal oublié. Le deuxième... C'est Laurent Flutsch, archéologue, savant, fin connaisseur des traditions religieuses, même s'il les critique de façon virulente. La dernière exposition qu'il a faite au musée Romain de Villiers, c'était Dieu et fils, archéologie d'une croyance Comment est-ce que le monothéisme s'est développé et comment est-ce qu'il s'est trouvé très envahissant ? Et il a une définition de la religion qui est absolument admirable en disant On n'est pas là pour heurter les croyants. Il n'y a pas de jugement à porter. Du moins quand la religion se pratique entre adultes consentants, qu'elle ne prétend pas détenir la seule vérité ni ne cherche à l'imposer, qu'elle n'entend pas réjonter la vie politique, sociale et hâtine de toute la population, qu'elle ne combat pas la science ni n'intervient dans l'éducation scientifique et quand ses adeptes appliquent leurs propres préceptes moraux. Ah ! que les chrétiens et autres commencent par appliquer l'amour du prochain et l'appel à la justice avant de venir régenter. J'ai intérieurement souvenir 7 jours sur 7. Et puis, la dernière, c'est Né en 17 à Leidenstadt par Jean-Jacques Goldman. Si j'étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines de champs de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ? On ne sait pas ce qu'on aurait fait. Je ne sais pas ce que j'aurais fait du temps de Voltaire. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si j'avais été dans les collines du Rwanda en 1994. Je ne sais pas si j'aurais suivi la propagande. Je ne sais pas ce que j'aurais fait en Bosnie quand on me disait que les chrétiens doivent détruire les musulmans jusqu'au dernier. Je ne sais pas. Et je peux continuer à m'indigner, à rechercher la justice, mais en sachant toujours que je ne sais pas, moi, ce que j'aurais fait. Donc, ne pas juger. Ne pas juger et puis écouter la diversité des gens.

  • Speaker #0

    Vous ne savez pas ce que vous auriez fait, mais nous, on sait ce que vous avez fait de l'extérieur. On observe, peut-être qu'on peut finir par ce dernier objet que vous avez choisi vous-même. C'est des lentilles vertes du domaine, je ne sais pas de quel domaine, mais certainement d'un bon domaine. Ça, c'est votre côté militante, vous avez fait quelque chose.

  • Speaker #1

    Alors, c'est en fait ma militance de retraité actuelle. C'est de faire ce que la dernière campagne de Carême dit, chaque geste compte. Un moment où on a... l'anxiété à propos du climat, un sentiment de découragement par rapport à ces politiques qui n'arrivent pas à se mettre en place pour que tout le monde tire à la même corde contre le réchauffement climatique, au moins qu'on puisse, nous, petit couple de retraités, s'approvisionner en circuit court, soigner la relation avec les producteurs locaux, s'intéresser à ce qu'ils font, et en particulier nous nous... Nous nous approvisionnons de plus en plus au panier bio des trois vallons de la région où nous habitons, dont fait partie la ferme Isly de la Saja. Et puis, découvrir qu'on peut vivre avec un approvisionnement différent, vraiment dicté par le local, par le bio, par les saisons. Et ce n'est pas une restriction, c'est une nouveauté. Et on est en train d'apprendre à vivre ça comme ça, en se disant qu'on doit ça un petit peu aux générations qui viennent. J'aime beaucoup l'engagement des grands-parents pour le climat, les gens de la marche bleue. On a besoin d'être beaucoup attirés à cette corde-là, comme dans l'orchestre évoqué avec le diapason.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce n'est pas nouveau au fond. Ces circuits courts, ça fait longtemps qu'on en parle. parle. Alors, vous le pratiquez vous, mais si vous regardez avec le recul, vous êtes une retraitée, un couple de retraités, mais au fond, est-ce que ce n'est pas tard ? Tout ça n'aurait pas dû commencer avant, ou ça a déjà commencé avant, mais on ne l'a pas assez dit ?

  • Speaker #1

    Il y avait déjà des gens qui le faisaient. Je me rappelle que ma mère était une écologiste avant l'heure. Elle, dans sa manière de m'apprendre la cuisine, l'utilisation de l'eau, etc. Certes, elle avait vécu enfant pendant la Seconde Guerre mondiale, donc ça peut... expliqué qu'elle faisait très attention aux ressources, mais elle m'a rendue attentive pratiquement. Et maintenant, quand j'entends les conseils écologistes, je retrouve un certain nombre d'enseignements qu'elle avait. Donc, ça fait longtemps que nous y appliquons. Je n'ai pas attendu d'être à la retraite pour commencer à appliquer des autres choses. Mais maintenant, c'est devenu une priorité. Ce qui veut probablement dire que peut-être que je ne retrouverai pas un avion au Rwanda. Ça pourrait arriver. Voilà.

  • Speaker #0

    Mais vous m'aimeriez, par ailleurs ?

  • Speaker #1

    Je suis aussi mes skis de sable pour traverser le Sahel. Si, alors, au Kinnerwanda, on dira, Iman, Wisha, tu sais, si Dieu le veut, on retournera. On ne sait pas comment, Nico. Et puis, on sait aussi que nos amis là-bas n'ont pas beaucoup d'occasion de voyager. Voilà, on reste en contact autrement. Grâce à Internet.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Hélène Tung pour ces différents chapitres de votre vie que vous avez ouverts avec nous à l'enseigne de Mémoire vive. Bonne suite à vous. Merci beaucoup. Sur la fiche description, vous trouverez tous les détails et bien sûr le résumé de cet entretien. Suivez-nous, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur toutes les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux et aussi notre site reformer.ch. N'hésitez pas à vous exprimer par des commentaires, votre avis nous intéresse. Merci pour votre soutien.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉE: Hélène Küng

    00:39

  • Un combat pour L’ ENSEMBLE de l’humanité

    01:12

  • Un MONDE de rires, de colère et de non-censure

    04:41

  • Les femmes unies pour la PAIX

    08:28

  • L’animation de GROUPE pour le travail biblique

    10:57

  • Une période de DURCISSEMENT de la loi sur l'asile

    14:02

  • Il n’était pas autorisé à TRAVAILLER

    17:47

  • Nous étions ENTENDUS

    20:10

  • Les DIFFÉRENCES entre avant et aujourd’hui

    21:59

  • Son EXPÉRIENCE au Rwanda

    24:06

  • Le protestantisme RWANDAIS à cette époque

    28:01

  • 1994, le GÉNOCIDE au Rwanda

    31:20

  • La religion N’EST PAS un rempart contre un GÉNOCIDE

    33:17

  • Le NOUVEAU programme de formation théologique

    34:43

  • Objet de l’invitée : Le DIAPASON

    36:25

  • Le centre SOCIAL protestant

    37:43

  • Les 3 textes que je tiens TOUJOURS à avoir sur moi

    42:36

  • Objet de l’invitée : des LENTILLES vertes

    45:50

  • Mots de FIN

    49:16

Description

👉 Cliquez ici pour télécharger la fiche!

https://cutt.ly/Uw4oDsFz


Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Hélène Küng, théologienne, militante et ancienne directrice du Centre social protestant du canton de Vaud.

À travers ses souvenirs marquants du Rwanda avant le génocide et de son combat pour la paix en ex-Yougoslavie, cet épisode explore les défis liés aux droits des femmes, à l’accueil des réfugiés et aux pratiques spirituelles renouvelées.

Hélène Küng partage une réflexion vibrante sur l’indignation comme moteur d’action, la transmission de la foi et l’écoute des autres. Un témoignage fort mêlant histoire, foi et engagement pour un monde plus juste.


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Transcription

  • Speaker #0

    Quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits, sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la déférence, de la subtilité, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits, c'était juste à la période de Pâques en 1994, et on chantait Jésus est ressuscité tout en vivant ce que... la déchirure entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trasom. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch

  • Speaker #1

    Militante souriante, intellectuelle désinhibée, Hélène Kunk fait partie de cette génération de femmes qui s'est battue, battue contre la guerre, en ex-Yougoslavie par exemple, mais aussi battue... contre tant d'injustice et contre tant d'impuissance. Le monde nouveau attendu à la fin de la chute du mur de Berlin n'est pas vraiment advenu. Et pourtant, cela n'a pas entamé la capacité d'indignation d'Hélène Kulg. Écoutez-la. Par où commencer ? On a choisi ensemble de commencer par votre militance pour les femmes. Mais d'abord, vous êtes une femme qui vous affirmez, qui vous êtes toujours affirmée comme femme, sans complexe aucun.

  • Speaker #0

    Sans complexe aucun et en même temps... J'espère sans dogmatisme, je suis surtout à la suite de femmes qui m'ont impressionnée et qui m'ont impressionnée comme militante, pas juste pour elle-même, entre guillemets, mais pour l'ensemble de l'humanité et puis pour l'ensemble des personnes, qu'elles soient favorisées ou non. Un combat pour l'égalité, pour la diversité, pour la justice. Pas question d'adopter une chapelle contre une autre.

  • Speaker #1

    Quand est-ce qu'il a commencé ce combat ou quels ont été ses éléments porteurs et marquants pour vous ?

  • Speaker #0

    Alors, je pense dans ma tendre enfance, quand j'ai appris que ma grand-mère n'avait pas le droit d'aller voter, si elle ne votait pas la même chose que mon grand-père. Dans le canton de Vaud, le droit de vote des femmes était relativement récent et mon grand-père s'y était opposé. Voilà, là ça me pose une première question. Qui reste ? et puis qui rejoint d'autres questions ensuite.

  • Speaker #1

    Mais vous avez, comme femme, été assez rapidement engagée dans différents combats.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Et je me souviens d'un combat tout à fait étonnant. J'étais sommelière un mois pendant mes études pour gagner, je ne sais plus de quoi faire, mon permis de conduire ou quelque chose comme ça. Et je sentais dans le café où je travaillais comme sommelière une forte hiérarchie sociale. Nous étions au début des années 1970. Et j'avais comme allié dans la place quelqu'un d'incroyable. C'était un jeune homme qui s'affirmait, s'affichait comme gay, ce qui était extrêmement courageux. À l'époque, ça l'est encore toujours. Et qui aidait les personnes en difficulté, que ce soit la jeune sommelière qui s'y perdait ou quoi. C'était quelqu'un qui, comment dire, créait la relation. pour créer la réjouissance en plein stress, etc. Et pour moi, il est devenu une sorte de modèle de militant souriant qui veille à ce que tout le monde, et pas juste les gens de son camp, y aient leur compte. Il m'a beaucoup impressionnée, il m'a marquée. Et après, quand j'ai retrouvé à la Marche mondiale des femmes en 2000 des camarades lesbiennes qui m'ont aussi énormément appris sur le respect de la diversité, sur le droit de chacun à chacune à être comme il est. Ça m'a beaucoup encouragée. J'ai énormément appris en fait comme militante.

  • Speaker #1

    Mais vous ne reveniez pas d'un milieu où au fond les femmes s'affirmaient ?

  • Speaker #0

    Je venais d'un milieu où les femmes s'affirmaient, où être intellectuelle était considérée comme bien par un certain nombre de femmes de ma famille, ce qui fait qu'elles considéraient presque comme un déshonneur que je choisisse d'étudier la théologie plutôt que l'archéologie ou une science un peu sérieuse. Effectivement, les femmes s'affirmaient et en même temps... J'étais très consciente du regard des intellectuels sur les non-intellectuels. Donc il y avait une question sociale qui se posait aussi dans ce regard-là. Mais oui, j'étais tout à fait favorisée par le fait que les femmes s'affirmaient dans ma famille, donc je n'avais pas aucun héroïsme à jouer à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Alors si je reprends un peu votre parcours, il y a un rendez-vous, ça se dit en allemand, Frauenkirchenfest.

  • Speaker #0

    Genau.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors, la Frauenkirchenfest, ça a commencé par la Frauen-Synode, qui était lancée par un certain nombre de femmes, dont des femmes catholiques suisses, en réaction à un synode catholique. exclusivement masculin. Je suis allée à mon premier Frauen-Synode avec des militantes genevoises et autres, c'était passionnant, on était dans le train jusqu'à Lucerne, jusqu'à Interlaken, je ne sais plus où c'était. Et je découvrais un monde de rire, de colère, d'élan, de non-censure. Dans une grande assemblée protestante, dans les années je ne sais pas quoi, on ne rit pas très fort. À la Fraunsinode, il y avait des éclats de rire de plusieurs centaines de personnes en même temps. C'était extraordinaire. Je découvrais ça. Et puis, c'était dans les années 90. Les années 90, elle s'ouvrait sur un espoir fou qui était la chute du mur de Berlin. Un espoir extraordinaire d'une redistribution mondiale, avec si possible moins d'armes dissuasives atomiques, par exemple. Peut-être qu'on était fous, on rêvait une redistribution mondiale aussi en termes tiers-mondistes, ce qui ne s'est pas du tout fait. C'était le grand début du néo-capitalisme et non pas de l'égalité. On avait beau dire pays émergents ou du tiers-monde, ça n'émergeait pas, c'était maintenu. Et dans ces années 90, avec... Le deuxième fraude qui est infeste auquel je suis allée à Bâle, c'était en 1992, la guerre en ex-Yougoslavie a été à la fin d'éclater. Et je découvrais que l'impuissance épouvantable que j'éprouvais à ce moment-là et que j'éprouvais à tant d'autres moments et encore aujourd'hui, pouvait trouver des mots pour être dites. C'est le début de sortir de l'impuissance et déjà oser dire. Et... Mais le frère Henri de Rinfès était un lieu pour cela. Au train de retour, revenant de Bâle, je me trouve avec un certain nombre de femmes du Suisse allemande, du Suisse romande. Et j'apprends l'existence des femmes pour la paix, du cercle d'Olten et d'un certain nombre de groupes de femmes qui vont manifester contre la guerre en ex-Yougoslavie. Moi, je vais me joindre aux femmes de la Palue, une petite place à Lausanne, fraternelle avec... les femmes de la fusterie à Genève, mais jusqu'aux femmes en noir à Belgrade, qui étaient autrement plus courageuses que nous. Et nous avons manifesté pendant des mois et des mois contre cette guerre. Nous ne savions pas quoi faire d'autre. Nous avons aussi écrit aux autorités suisses, écrit à l'ONU, obtenu un rendez-vous, chanté sur les places, fait signer des pétitions, rassemblé des dons pour une œuvre d'entraide pour les réfugiés en Croatie, etc. Un sentiment d'impuissance... couplé à un activisme, j'allais dire fiévreux ou frivole, on peut dire peut-être les deux, juste pour dire qu'on n'est pas d'accord, juste pour dire qu'on n'est absolument pas d'accord avec ce qui ose s'appeler une guerre ethnique. C'était, il faut tuer les musulmans parce qu'ils sont musulmans. Alors en tant que chrétienne, j'entends ça, ça m'est tout aussi insupportable que d'entendre qu'il faut persécuter les chrétiens. du christianisme, on dit qu'il faut persécuter des musulmans, ça n'y va pas.

  • Speaker #1

    Comment ça a été reçu, ces manifestations, à cette époque-là ?

  • Speaker #0

    Avec beaucoup de sympathie. Nous étions un petit groupe dans notre paroisse qui participait régulièrement. Et puis, il y avait des personnes pas du tout religieuses qui faisaient partie des Femmes pour la Paix, mais qui étaient tout à fait athées, mais on était alliées par le même sentiment de rébellion. Et puis, je me rappelle de personnes qui étaient contentes de savoir venir s'asseoir avec nous en disant... On ne peut rien faire, au moins on peut s'asseoir avec vous. Le sentiment d'impuissance et de choc de cette guerre à nos portes, alors qu'on avait dit plus jamais ça. Mes parents m'ont élevée dans plus jamais ça. La secondaire mondiale, les camps, l'extermination d'un peuple, sous prétexte qu'il est peuple, le peuple juif. Plus jamais une extermination d'un groupe parce qu'il est un groupe.

  • Speaker #1

    Soutien aussi à cette époque où... Oui, c'est cette époque au maire bosniaque. Oui,

  • Speaker #0

    c'est venu comme ça. Ma militance, elle a commencé du par grâce à ces femmes, notamment alémaniques, en parole et en rébellion. Et aussi à cause des articles qui étaient écrits par Sonia Zoran dans le Nouveau Quotidien, qui avait été lancé par Jacques Pillet, qui se révoltaient contre la lecture séparante, ethnicisante du bouillonnement culturel des Balkans, en disant, mais on est notre culture. Et le... Elle tient debout parce qu'elle a toutes ses racines. On ne peut pas nous couper en morceaux. Et donc, ça m'a aussi conduit à cette méditance, on peut dire. les échos, soit de chrétiennes, de chrétiens, d'athées, mais unies dans cette même protestation. Et puis, du coup, nous avons accueilli des femmes bosniaques, nous avons organisé des marches avec elles. Je me rappelle très bien que certaines de ces femmes bosniaques disaient, mais enfin, femmes pour la paix, vous rigolez, donnez-nous des armes et on va les battre. Femmes pour la paix, c'est bien un luxe d'occidental. Mais voilà. On était ensemble et du coup, ça m'a conduit à faire partie de l'association des mères bosniaques. Ça m'a rapproché du service d'aide juridique aux exilés. Je découvrais les référendums contre un des X durcissements de la loi sur l'asile. Donc, j'apprenais, j'apprenais, j'apprenais. Je trouvais des lieux où il se passait des choses en résistance et qui me donnaient envie de m'y joindre.

  • Speaker #1

    Alors, on verra tout. tout à l'heure que cet apprentissage, évidemment, il vous a équipé pour la suite, mais j'aimerais qu'on ait un autre F, pas seulement le F de femme, mais le F de formation. C'est une période où ça n'est pas que lié à vous, c'est lié à une génération. On quitte un peu le ou la pasteur qui donne la vérité pour essayer d'être dans des mouvements où on échange autour d'eux. C'est ça le processus.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et encore, je fais partie des jeunettes. ou des jeunes de cette génération-là, qui étaient marqués par les travaux de Louis Chorderey et des différentes personnes qui travaillaient l'animation de groupe. L'idée étant que si on veut que l'Église fasse sens, il ne faut pas qu'il y ait juste des clercs qui déversent un savoir appris et puis ensuite donné au compte-gouttes, même si le pasteur se croit très généreux en expliquant la chose, mais s'il explique sans que les gens puissent dire où ils en sont, ça va. Donc l'idée c'était... l'animation de groupe comme outil en particulier pour le travail biblique. On ne fait pas de travail biblique en faisant un exposé d'une heure, en disant interrompez-moi si vous avez une question On commence par travailler sur ce que les gens connaissent déjà, ce qu'ils savent, ce sont les questions qui se posent, etc. Ce qui m'a été extrêmement utile et ce qui m'a fait beaucoup apprendre pour l'animation de groupe biblique, pour l'animation de groupe écuménique de femmes pour préparer les journées mondiales de prière, ce qui m'a aider à toutes sortes de moments pour travailler avec les gens et pas à leur place.

  • Speaker #1

    Une époque qui est révolue, dont vous avez senti que le tournant se prenait déjà ?

  • Speaker #0

    J'avais l'impression que le tournant se prenait quand j'ai travaillé en paroisse à la fin de ma période professionnelle il y a quelques années en arrière. J'étais frappée de voir que les collègues l'un déjà à la retraite et l'autre toute jeune qui se passionnaient aussi pour le travail biblique, avaient l'un et l'autre la pratique de faire un exposé au début d'une étude biblique et puis laisser lutter pour les questions. Je venais avec mon souhait qu'on commence par donner la parole aux gens, qu'on repère de quelles questions ils ont besoin, etc. Et j'avais de grands moments de solitude. On me disait, je me suis dit, tiens, est-ce que ça ne fait plus sens ? Pour moi, ça faisait sens. Et les quelques thèmes bibliques que j'ai organisés, parce qu'on se les répartissait, ce qui était une très bonne chose. J'ai continué à travailler comme ça et j'étais heureuse de voir que les gens étaient intéressés à pouvoir intervenir, poser X questions. Ils savaient que la prochaine fois que je travaillais, je faisais un programme axé sur leurs questions. C'était extrêmement stimulant et j'avais clairement l'impression que tout le monde apprenait d'entendre les questions les uns des autres. Ça veut dire aussi être prêt. Ah oui, ils veulent travailler plutôt tel passage, donc à moi d'utiliser mon équipement, non pas pour leur enseigner quelque chose, mais pour être prête sur le sujet qu'ils ont demandé.

  • Speaker #1

    Si on ouvre un chapitre important dans votre vie à l'ENCUG, c'est le chapitre de l'asile. Vous avez été en paroisse comme pasteur, mais au fond, assez rapidement, vous avez atterri dans un lieu comme Aumônière.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Et c'est vrai que je n'étais pas comme... pasteur en paroisse à cette époque-là, mais j'étais comme femme de pasteur et mère de famille, avec un certain nombre de bénévolats, d'animations de groupes, de femmes pour la paix, de journées mondiales de prière, etc. Et c'est en fait par le chemin qui s'est dessiné à la suite de la guerre en ex-Yougoslavie, l'accueil des mères bosniaques, l'association des femmes bosniaques, le contact avec le service d'aide juridique aux exilés. et avec le groupe SOS Asile, que je me suis trouvée être sollicitée par des gens qui me connaissaient dans ce milieu-là pour dire mais on cherche quelqu'un pour l'aumônerie au nouveau centre d'enregistrement de Régal-Andazé-Lavalant, en 2000, et puis que j'ai postulé et qu'on m'a prise. Voilà, donc j'étais dans une équipe écuménique. à l'aumônerie au centre d'enregistrement de requérants d'asile à Val-en-Bourg.

  • Speaker #1

    Avec le recul, comment vous voyez cette période dans laquelle vous avez commencé cette activité ?

  • Speaker #0

    C'était une période charnière. En même temps, c'était déjà une période où des durcissements de la loi sur l'asile avaient été proposés au peuple, avaient été acceptés, malgré la militance de petits groupes auxquels j'appartenais, qui disaient attention, on est en train de se fourvoyer Je pense, avec le recul, que... La fameuse chute du mur, la fin du rideau de fer, etc., a conduit à des situations qui n'étaient pas prévues par notre législation sur l'asile. Elle était axée, après les conventions de Genève, sur protéger des personnes persécutées pour leurs opinions politiques. Typiquement, les réfugiés de l'Est, de Hongrie, du RSS, etc., d'avant en 1990. Arrive une période... où des persécutions se produisent contre les groupes. Vous ne pouvez pas, en tant que bosniate musulman persécuté par un pouvoir serbe ou comme kosovar albanophone persécuté, dire je suis persécuté pour mes opinions politiques Je suis persécuté parce que je fais partie d'un groupe Allez prouver ensuite, comme la loi sur l'asile en Suisse maintenant le demande, ou en tout cas la jurisprudence. prouver que vous êtes encore plus persécutés que la moyenne des gens possible. On a un changement politique qui fait que nos outils pour déterminer qui peut obtenir l'asile ont changé. Et le durcissement qui était de dire il y a trop de gens qui viennent, d'ailleurs ils viennent pour des raisons économiques, donc ce n'est pas des réfugiés politiques, c'est mal de venir pour des raisons économiques, c'est un prisme qui a sa logique, mais qui ne couvre pas. plus ce qui se passe au niveau mondial. Alors en même temps, quand j'entends des gens dire oui, oui, mais tous ces gens ne sont pas des réfugiés, etc., j'ai envie de dire, est-ce que vous lisez de temps en temps le journal mensuel d'Amnesty International ? Est-ce que vous vous rendez compte de la situation des droits humains, des droits de l'homme sur la planète ? Est-ce que vous vous rendez compte que des gens sont persécutés parfois pour des raisons religieuses, pour des raisons qui appartiennent à tel groupe ethnique, etc. Tout ça fait... partie de ceux qui nécessitent une protection. C'est une des évolutions que j'ai trouvé très difficile à comprendre.

  • Speaker #1

    Dans ce lieu, quel est votre rôle comme aumônière ? Vous faisiez quoi à cette époque ? Je n'ose pas dire, vous serviez à quoi ?

  • Speaker #0

    C'est une bonne question. Ce sont deux bonnes questions. Nous entrions en contact avec les personnes en essayant de ne pas les stresser en demandant d'où vous venez, vous vous appelez comment, etc. passer du temps avec eux, leur signaler notre disponibilité à l'écoute, les orienter vers le service d'aide juridique. Le fameux sage. Le fameux sage, qui avait son antenne à Valorbe, pas loin du centre de requériment d'asile. Aussi parce que les gens ne savaient pas du tout à quoi ils seraient confrontés dans la procédure d'asile suisse. Donc il fallait un minimum d'informations sur pourquoi ceci, pourquoi est-ce qu'on attend, pourquoi est-ce qu'on vous interroge, ça correspond à quoi. Donc nous faisions beaucoup de vulgarisation. Mais surtout, nous les envoyons au service d'aide juridique aux exilés. Et je me suis rendu compte, mes collègues aussi d'ailleurs, que nous devions aussi, quelque part, servir de témoin de ce qui se passait, de la détresse des gens, de leur ignorance, de leur difficulté à comprendre pourquoi les lois sur l'asile sont organisées comme ceci en Europe, et plus particulièrement en Suisse. aussi signaler la difficulté pour eux, par exemple, de n'avoir le droit de rien faire, de ne pas être autorisé à travailler, d'avoir aucune occupation, et pour je ne sais pas combien de temps. Qui d'entre nous, citoyens et citoyennes suisses, travailleurs, etc., supporterait d'être une semaine, ne serait-ce qu'une semaine, à ne rien faire, sans savoir pour combien de temps, et puis vouloir rendre service, vouloir travailler, etc., on dit non, non, vous n'avez pas le droit. Je veux dire, c'était une situation dont nous devions témoigner. Nous avions d'ailleurs organisé avec le SAGE une liste à Valorbe qui s'appelait Pas de salade Et comme c'était Pas de salade nous offrions des confitures maison. Et nous étions là pour dire Nous ne vous racontons pas de salade sur les requérants d'asile, voici les faits Pour ça, nous étions évidemment très très redevables à des groupes comme Vivre ensemble à Genève, avec des contacts dans tous les cantons, qui pouvaient documenter. Voilà quel est le pourcentage de requérants d'asile en Suisse. tout petit pourcentage. Par exemple, nous servions aussi à répercuter cela aussi dans les églises, bien sûr.

  • Speaker #1

    Comment vous étiez accueillie dans les églises à ce moment-là, votre ministère d'aumônière ?

  • Speaker #0

    Alors, de manière complètement variable, mais j'étais très reconnaissante aux responsables laïcs, d'ailleurs Roland Besse du département Présence et Solidarité dans l'église réformée vaudoise, dire à l'aumônerie à Valop, tu fais partie de l'ensemble du dispositif. Il y a aussi des aumôniers dans les hôpitaux, il y a des aumôniers auprès des écoles, etc. L'asile, c'est un des volets. Et nous tirons tous ensemble à la même corde, c'est pour témoigner de l'Évangile et de l'amour du Christ, et témoigner auprès de nos frères et sœurs protestants de ce qui se passe dans des situations de détresse.

  • Speaker #1

    Vous interveniez aussi auprès des autorités du monde politique, par exemple, c'était possible ?

  • Speaker #0

    Oui, c'était possible. Alors avec un canal intéressant, nous avions une rencontre au plan suisse des homonies auprès des requérants d'asile. sous l'égide de la fédération des églises protestantes de Suisse. C'était passionnant de remontrer les collègues de Bâle, de Kreuzlingen, d'Alstetten, etc. Et nous faisions remonter un certain nombre d'observations. En même temps, nous sentions une prudence, un ouragan de prudence quant à ce que nous pouvions répercuter. Alors, nous essayions de le faire dans les paroisses, dans les médias aussi, auprès de la fédération des églises protestantes. Et de temps en temps, nous inter... de manière un peu plus bruyante en se disant Mais notre conscience d'homogène nous comptera à vous interpeller bruyamment. Voilà.

  • Speaker #1

    Et ça fonctionnait ?

  • Speaker #0

    Ça dépend. Au moins, nous étions entendus et parfois, nous avions, enfin, nous étions entendus, nous avions la possibilité de parler et d'écrire et parfois de signaler aux médias que nous prenions la parole.

  • Speaker #1

    On est en 2024 aujourd'hui, et là, on parle des années 2000, 2005, 2006, 2007. La différence entre aujourd'hui et ces années-là, vous arrivez à l'évoquer en quelques mots ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est toujours la même chose en pire, j'aimerais dire. Il y a peut-être un peu de lucarne d'espoir quant à la manière d'intégrer les requérants d'asile et les réfugiés, dont j'ai l'impression qu'ils sont encore fortement soupçonnés, de venir. parce que la Suisse est attractive, etc. On oublie que l'attractivité de la Suisse a notamment été construite par une foule de migrants et migrantes, travailleurs, travailleuses, qui ont contribué à constituer la prospérité suisse, que beaucoup de Suisses, autrefois, ont dû partir s'exiler parce que la Suisse n'était pas si prospère. Donc, c'est difficile, je trouve, ce soupçon. Dès qu'un parti politique souhaite faire un tabac, il doit rallier contre l'asile. C'est stupide. Or, J'ai l'impression qu'il y a un irréalisme crasse. Notre société a besoin de migration, d'une part. Les valeurs suisses dont nous nous vantons tant parlent d'accueillir des personnes qui sont persécutées ailleurs. Alors, comment peut-on se faire un autogol pareil en disant au nom de la Suisse, nous soupçons non-lirequaires en asile, alors qu'il faut évidemment examiner leur situation. Dans ce domaine comme dans d'autres, il y a des fauteurs de troubles, on est absolument d'accord. Aucune profession, même pasteur, n'est exempte de fauteurs de troubles. C'est comme ça. Mais ce que je trouve, pour revenir à la question, mais qu'est-ce qui a changé ? Moi, j'ai l'impression que c'est toujours aussi difficile et que c'est toujours aussi difficile de se dire, mais on continue à témoigner de ceci en essayant de ne pas espérer que ça change. Bien sûr qu'on espère que ça change, mais l'espoir peut être complètement démolisseur, épuisant. Il faut continuer à témoigner, c'est tout. Il faut continuer à dire ce qui se passe.

  • Speaker #1

    Alors on va faire un saut dans le temps avec vous, mais on ne va pas faire un saut dans le temps... On va remonter, si vous voulez, on va remonter à une période qui est un peu avant. Je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est une parenthèse. C'est la période dans laquelle vous avez voyagé au Rwanda, envoyé, c'est juste... Et qu'est-ce que vous avez découvert ? On précise qu'à ce moment-là, on est avant le génocide.

  • Speaker #0

    Oui, tout à fait. Nous sommes partis, mon mari et moi, tout fraîchement mariés, tout fraîchement licenciés, on ne parlait pas encore de master de la faculté de théologie de Lausanne, d'abord pour une année qui se sent prolongée en six ans des années 80, comme participants à un programme de formation théologique pour les futurs pasteurs de quatre églises protestantes rwandaises. Nous étions censés aller former et enseigner, nous étions totalement des apprentis, ce qui nous a très probablement aidé à être des formateurs ou des... co-constructeurs un peu crédibles. Nous découvrions une société dont nous n'avions pas idée. Nous nous découvrions comme Européens privilégiés dans une société post-coloniale où les Blancs avaient encore énormément de privilèges, notamment financiers. Nous nous découvrions apprentis dans une culture dont nous ignorions tout. Donc, on a essayé d'apprendre un peu la langue, etc. On ne pouvait pas, comment dire, enseigner la théologie sans... tout petit peu découvrir quelle était la vie des gens, ou quelles étaient les vies des gens à qui nous avions affaire. C'était extrêmement intéressant. Nous avons vraiment vécu cette situation qui m'a ensuite beaucoup aidée à l'aumônerie auprès des requérants d'asile. Je suis un hôte le passage. Je suis en visite chez vous, dans votre culture, dans votre programme de formation, dans votre cursus. Je suis en visite. Je ne suis pas là en maître. J'entends en possesseur.

  • Speaker #1

    Comment était la société rwandaise à cette époque ? Est-ce que... On se pose tous la question, est-ce que des années avant, on pouvait percevoir les tensions qui ont conduit à ce fameux génocide en 1994 ?

  • Speaker #0

    Les tensions ethniques étaient déjà là. Nous avions découvert très rapidement que c'était absolument impossible de coller une étiquette ethnique aux gens rien qu'en les voyant. Donc, tant de personnes étaient de père ou de mère, tout de suite, de père, tout de suite, etc. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que lors du génocide de 1994... Les cartes d'identité, les gens étaient demandés, les gens essayaient de cacher ou de fausser leurs cartes d'identité, parce que non, les personnes ne sont pas de deux ethnies complètement identifiables physiquement, pas du tout. C'était d'ailleurs des groupes qui pouvaient passer d'un groupe social, c'était des groupes sociaux, où on pouvait devenir tout de suite ou devenir autour. Un ami nous racontait que son père et son oncle, de même père et mère, l'un avait été... identifié comme Tutsi par l'administration coloniale belge parce qu'il possédait dix vaches, et l'autre avait été identifié comme Hutu parce qu'il n'en possédait aucune. Alors, on en rit à l'époque, on en rit beaucoup moins maintenant, qu'on voit comment cette classification a été utilisée.

  • Speaker #1

    C'était un sujet de discussion, cette question Hutu-Tutsi, ou c'était déjà tabou ?

  • Speaker #0

    Alors, ce qu'on nous disait clairement, c'était, vous n'en parlez pas si les gens ne vous en parlent pas. Et n'oubliez pas que si vous posez des questions à l'iscrète, vous pouvez être ramené à la frontière, mais la personne à qui vous pouvez poser des questions à l'iscrète pourrait se retrouver dans un local de police, et pas un local respectueux des droits de l'homme. Donc on se rendait compte que c'était présent, et on a appris à vraiment attendre, attendre, attendre, avant de poser des questions, toujours de seul à seul, jamais en groupe, d'attendre qu'on nous parle, attendre. C'était extrêmement formateur.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez trouvé ce protestantisme rwandais à cette époque ?

  • Speaker #0

    Il était extrêmement minoritaire. Les protestants, dans les cinq ou six confessions, formaient à peu près 20% de la population. Nous étions avant l'explosion des confessions de toutes sortes, que je ne qualifierais pas de protestantes, toutes sortes de confessions revivalistes. de l'évangile de la réussite, du dieu qui accorde de l'argent, des enfants, je ne sais pas quoi, suivant comment on le prive, tout ça. Ça s'est multiplié, c'est un fléau au sens où ça peut vraiment donner de faux espoirs matériels à des gens qui sont dans le dénuement. Et ça, c'est grave que la religion serve à ça.

  • Speaker #1

    Ce n'était pas le cas à votre époque ?

  • Speaker #0

    Alors, ce n'était peu pas le cas, ça m'est difficile de dire. En tout cas, c'était vraiment une époque où il y avait encore relativement peu de confession protestante, très orientée sur le salut au ciel, aussi parce que la terre restait assez désespérante. Nous, on arrivait avec nos gros souliers pour dire que c'est important de témoigner du Christ ici sur terre, etc. On nous a fait comprendre que les marges du manœuvre étaient tellement petites que ce n'est pas étonnant que les gens espèrent le salut au ciel et le prêchent. Voilà, on a pris quelques leçons. En même temps, c'était très important pour nous de donner aux étudiants et étudiantes, de partager avec eux des outils d'écoute, des outils de non-jugement, des outils de diversité dans la Bible, qui fait qu'on ne peut pas juste flanquer un verset à quelqu'un pour lui dire qu'il est un mauvais chrétien s'il ne se marie pas à l'Église ou je ne sais pas quoi. C'était un apprentissage passionnant. Comment étaient les gens entre catholiques, protestants, protestants ensemble ? Est-ce que c'était une société très fragmentée au niveau religieux où il y avait un sentiment religieux dominant, à peu près consensuel ?

  • Speaker #1

    Alors, il y avait un sentiment religieux dominant au sens où l'athéisme paraissait comme une sorte d'absurdité ou une sottise intellectuelle. Et puis, il y avait un fort clivage confessionnel qui est un petit peu hérité de la situation coloniale belge. Les protestants étaient archi minoritaires et soupçonneux. Certains disaient, mais quand est-ce qu'on pourra avoir une grande église comme la cathédrale de tel endroit, etc. Les grands bâtiments de l'église catholique étaient aussi propriétaires foncières importantes. Et c'était tout à fait intéressant pour nous d'avoir des contacts à la fois entre protestants et aussi avec des interlocuteurs catholiques pour témoigner de... de l'intérêt d'un dialogue interconfessionnel. Nous n'avons pas, en tant que protestants, le monopole d'une quelconque vérité religieuse. Devenons des disciples en apprentissage et non pas des possesseurs d'un savoir qu'on entrechoque avec un autre savoir.

  • Speaker #0

    En 94, quand vous apprenez, enfin comment ça se passe en 94 ? quand vous apprenez ou comment vous apprenez le génocide ?

  • Speaker #1

    Alors, nous apprenons d'abord par quelques amis, dont un journaliste très engagé, qu'il y a une énorme inquiétude parce que des massacres sont en train d'avoir lieu et que le fait que le Front Patriotique rondeille les armes, puisqu'il n'avait reçu aucune possibilité de revenir pacifiquement, était... utilisés pour emprisonner des opposants politiques, Hutu ou Tutsi d'ailleurs, les opposants, quelle que soit l'ethnie, étaient emprisonnés. On a eu des espoirs avec les négociations d'Arusha où des accords devaient être obtenus pour un pluripartisme au Rwanda. Et ces accords, quand on a appris le début du génocide, nous étions stupéfaits. sidérés, ça ne ressemblait à rien de ce dont nous avions été témoins de la culture rwandaise, de la différence, de la subtilité, etc. Nous ne comprenions pas. Nous découvrions que des Rwandais résidant en Suisse étaient aussi sidérés que nous. Nous découvrions que d'autres avaient senti le vent venir et la mise en place d'une machine génocidaire par la propagande à la radio, etc. On était sidérés, sidérés, stupéfaits. C'était juste à la période de Pâques en 1994. Et on chantait Jésus est ressuscité, tout en vivant la déchirure dont parle par exemple Amarek Alter, entre la foi en ce Seigneur et la découverte, la détresse de ceux qui l'ont appelé en vain et qui sont en train de mourir à Trostel.

  • Speaker #0

    Vous qui avez contribué ou en tout cas observé ce christianisme rwandais, vous contribuez à... à sa consolidation ou à son éducation ? Est-ce qu'avec du recul, vous vous dites, au fond, on n'a pas réussi, ou le christianisme n'a pas réussi à aller jusqu'au fond des consciences pour être un frein à ce drame ?

  • Speaker #1

    Et certainement, oui, nous n'avons pas réussi. Je me rappelle très bien que des coups de poignard que j'ai reçus, moi je participais à la formation en Ancien Testament, à Boutaré, dans les années 80-86. Et d'entendre dire que d'anciens... étudiant avec qui nous avions travaillé, disait Les Tutsis sont livrés au pouvoir des Hutus comme les Amalécites ont été livrés au pouvoir d'Israël dans le livre des juges de Josué et compagnie. Il y a de quoi avoir fortement honte. En même temps, je crois qu'aucune religion témoigne l'Allemagne chrétienne des années 30 et tant d'autres lieux. Les courants... chrétiens en ex-Yougoslavie, etc., la religion n'est pas un rempart contre une construction génocidaire. Ça nous rend aussi humbles comme membres d'une église. Il faut d'autres outils que la religion, seules, pour lutter contre une propagande génocidaire et pour lutter contre d'autres propagandes politiques.

  • Speaker #0

    Vous êtes retournée au Rwanda, évidemment, depuis, des tas de fois.

  • Speaker #1

    Nous étions retournés une première fois en 1995, donc une année après le génocide. Je ne peux pas trouver les mots pour vous dire le sentiment d'incompétence que nous avions. que nous éprouvions au fil de ces mois du génocide qui ont suivi. On nous appelle des collègues rwandais. Il y avait en gros un tiers du groupe pastoral presbytérien qui était mort, qui avait été tué. Un tiers était parti en exil et puis un tiers était rescapé. Chiffre approximatif. On nous appelle pour dire est-ce que vous seriez d'accord de revenir participer avec nous à la mise sur pied d'un programme de formation théologique qui... tiennent compte des événements. Excellent objectif. Jacques, mon mari et moi, on dit mais on ne s'est jamais senti aussi incompétent de notre vie. Réponse, nous sommes trop fatigués pour former de nouvelles personnes. Nous aimerions travailler avec vous parce que nous avons déjà travaillé avec vous. Il y a un proverbe rwandais qui dit qu'un manche neuf donne des ampoules. Donc il vaut mieux le vieil outil qu'on connaît. que le nouvel entourage qu'on ne connaît pas, ce qui fait que nous avons reçu ça comme une marque de confiance extraordinaire. Nous y sommes retournés avec nos quatre enfants de 1995 à 1996 pour participer au début de l'élaboration d'un programme de formation théologique qui tienne compte du génocide tous étonnant et aboutissant. Nous avons été relayés après par d'autres personnes et nous avons ressenti comme un immense honneur qu'on nous faisait nous associer à ce travail.

  • Speaker #0

    On n'a pas parlé des objets qui sont là jusqu'à présent. Il y en a plusieurs, en tout cas deux. Il y en a dans votre main aussi un certain nombre. Mais j'aimerais qu'on évoque ce diapason, un peu curieux, vous connaissant, mais j'ai envie d'en avoir l'éclaircissement.

  • Speaker #1

    Oui, un diapason, donc un instrument musical qui donne le là, qui donne un des là, 440, 430, machin, etc. La musique fait partie de ma vie depuis aussi loin que je m'en souvienne. Il paraît que je chantais avant de parler. Bon, j'ai parlé. Oh, désolée. Et c'est vrai que la musique, la découverte de différentes sortes de musiques, dans différentes langues, ça m'a toujours portée. Ça m'a aussi portée dans les moments que j'ai trouvé les plus durs et les plus éprouvants. Et en même temps, la musique, c'est aussi une histoire d'orchestre. C'est une histoire de différents instruments. Un instrument n'a pas raison contre un autre. Si vous jouez la partition du hautbois et d'autres jouent la partition du violon, même si ça dissonne, ça va ensemble. Et pour moi, la musique dit une magnifique complémentarité des différents talents et des différentes différences.

  • Speaker #0

    Alors ça, c'est ce que vous avez dû mettre en pratique dans la dernière période de votre carrière qu'on va évoquer maintenant, celle du Centre social protestant. Oui.

  • Speaker #1

    Tout à fait. Le parallèle avec la musique est amusant. Oui, je me suis trouvée, à la suite de mon engagement comme aumônière auprès d'Irkéron Dazil et dans différents mouvements de sensibilisation aux questions de la migration, je me suis trouvée être candidate et être acceptée au poste de directrice du Centre social protestant Vaud, qui est donc en... une création des paroisses lausannoises dans les années 1960 qui disait nous avons besoin d'un centre social professionnel. Magnifique vision, la charité ne suffit pas, il nous faut défendre les droits des gens. Vision admirable et toujours actuelle. Et la tradition voulait, elle n'a plus cours actuellement et c'est une bonne chose que le directeur ou la directrice du centre social protestant vaut soit un pasteur ou un théologien.

  • Speaker #0

    Qui étaient les prédécesseurs alors ?

  • Speaker #1

    Les prédécesseurs, alors le tout premier était un juriste. Ensuite, il y a eu Daniel Pache, pasteur pendant de longues années. Il y a eu Pierre-André Liserand. Il y a eu Gabriel de Montvalin, puis après moi. Le premier, le juriste, était Pierre Georgis. C'était le tout premier.

  • Speaker #0

    Comment vous vous êtes reçue comme femme ? Vous êtes la première femme directrice ?

  • Speaker #1

    Oui, alors ça, ce n'était pas un problème. Le milieu du centre social protestant, les juristes, les assistants sociaux, assistants sociaux, est relativement féministe, donc le problème n'était pas que j'étais une femme, le problème c'est que j'étais une théologienne. C'est-à-dire forcément quelqu'un de moins sérieux qu'un ou une sociologue, ethnologue, juriste, travailleur social, etc. Donc je devais être à l'écoute de ces travailleurs et travailleuses. C'est d'ailleurs une des chances du centre social protestant vaut, c'est d'avoir notamment une sociologue. qui travaillent pour analyser ce que les gens du terrain observent et faire remonter ces observations. Ça, ça me reliait quelque part à ce que j'avais essayé de faire dans le domaine de l'asile. Je continue à trouver que c'est une mission extrêmement importante des centres sociaux protestants, c'est d'être témoin de ce qui se passe dans le domaine de la précarité, de signaler les problèmes, de signaler aussi les trous dans la législation ou ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation des personnes en situation de précarité.

  • Speaker #0

    C'est en 2007 que vous prenez ce poste. Vous trouvez le CSP dans quelle situation et comment allez-vous la faire évoluer dans les 11 années ? J'en ai 10.

  • Speaker #1

    début 2007 jusqu'à fin 2016. Alors là, la situation que le directeur ou la directrice devait gérer, c'était le lancinant problème des finances. Une part de financement dû à des subventions de l'État pour telle et telle tâche, une part venant des magasins d'occasion, mais à cette époque-là, plus maintenant, en perte de... de financement, de finance, et une part de recherche de fonds. Alors moi, je suis donatrice dans l'âme, il fallait que je me transforme en chercheuse de fonds. Ce que j'ai essayé de faire, j'ai suivi des formations à cet égard, j'ai trouvé ça absolument passionnant de pouvoir être témoin d'un travail qui se fait, qui n'est forcément pas rentable puisqu'il s'agit d'aider juridiquement, socialement, etc., des personnes en difficulté, et de... de trouver des donateurs et des donatrices qui sont d'accord ou non les valeurs partagées et de se dire, mais ça, je soutiens.

  • Speaker #0

    Vous avez l'impression, en tout cas, que vous avez réussi ?

  • Speaker #1

    Alors, en un sens, oui. Au sens où j'ai pu, en renouvelant, en essayant différentes choses en termes de recherche de fonds, j'ai pu effectivement, à ce moment-là, obtenir un progrès qui, après, c'est assez... Donc, ça a été une période très difficile avant de retrouver un nouvel élan. Mais ça m'a énormément appris sur le fait de... communiquer, de chercher des nouveaux donateurs, de discuter avec les donateurs de longue date pour qu'ils se sentent entendus et faisant partie en quelque sorte du projet. Et puis, partager la flamme. Un des formateurs en recherche de fonds que j'ai beaucoup apprécié disait Vous n'avez pas besoin de raconter des bobards. Dites ce qui vous aide, dites ce qui vous fait vivre. Partagez votre flamme. Donnez avant de demander, c'est-à-dire donnez du sens, donnez de l'expérience. Donnez des questions, partagez. Et... je me suis donc engagée là-dedans à fond en apprenant toujours énormément, en apprenant, en apprenant, en essayant et puis d'être témoin de ce travail des personnes de la base, des juristes, des assistants sociaux, etc.

  • Speaker #0

    Depuis un moment, vous voyez vos trois papiers à l'incumifo carême que vous nous disiez. Peut-être peut-on le lier aussi au CSP. Vous êtes arrivée comme théologienne, vous le revendiquez aussi, même si ce n'était pas facile. Alors la théologienne... Elle a notamment des citations, des ressources intellectuelles, c'est ça ?

  • Speaker #1

    Alors, il se trouve que ces trois situations, ce ne sont pas des passages bibliques, mais ce sont trois petits textes que je tiens à avoir toujours sur moi dans mon sac à main, y compris si mon téléphone est déchargé. C'est pour ça que je disais sous forme papier, pas sous forme d'un document dans mon téléphone. Il s'agit d'une part de Voltaire, le Traité sur la tolérance, le dernier chapitre, qui dit en gros que les... que les insignifiantes et débiles particules que nous sommes tâchent de s'entendre plutôt que de se taper dessus. Alors Voltaire le dit mieux. Mais Voltaire, c'est pour moi un rappel que je ne peux pas témoigner d'une foi chrétienne sans me souvenir de la critique de la foi chrétienne et notamment du fait que du temps de Voltaire, ce n'était pas les églises qui défendaient les droits de l'homme. C'était un certain nombre d'agnostiques comme Voltaire. C'est pas pour mal oublié. Le deuxième... C'est Laurent Flutsch, archéologue, savant, fin connaisseur des traditions religieuses, même s'il les critique de façon virulente. La dernière exposition qu'il a faite au musée Romain de Villiers, c'était Dieu et fils, archéologie d'une croyance Comment est-ce que le monothéisme s'est développé et comment est-ce qu'il s'est trouvé très envahissant ? Et il a une définition de la religion qui est absolument admirable en disant On n'est pas là pour heurter les croyants. Il n'y a pas de jugement à porter. Du moins quand la religion se pratique entre adultes consentants, qu'elle ne prétend pas détenir la seule vérité ni ne cherche à l'imposer, qu'elle n'entend pas réjonter la vie politique, sociale et hâtine de toute la population, qu'elle ne combat pas la science ni n'intervient dans l'éducation scientifique et quand ses adeptes appliquent leurs propres préceptes moraux. Ah ! que les chrétiens et autres commencent par appliquer l'amour du prochain et l'appel à la justice avant de venir régenter. J'ai intérieurement souvenir 7 jours sur 7. Et puis, la dernière, c'est Né en 17 à Leidenstadt par Jean-Jacques Goldman. Si j'étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines de champs de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ? On ne sait pas ce qu'on aurait fait. Je ne sais pas ce que j'aurais fait du temps de Voltaire. Je ne sais pas ce que j'aurais fait si j'avais été dans les collines du Rwanda en 1994. Je ne sais pas si j'aurais suivi la propagande. Je ne sais pas ce que j'aurais fait en Bosnie quand on me disait que les chrétiens doivent détruire les musulmans jusqu'au dernier. Je ne sais pas. Et je peux continuer à m'indigner, à rechercher la justice, mais en sachant toujours que je ne sais pas, moi, ce que j'aurais fait. Donc, ne pas juger. Ne pas juger et puis écouter la diversité des gens.

  • Speaker #0

    Vous ne savez pas ce que vous auriez fait, mais nous, on sait ce que vous avez fait de l'extérieur. On observe, peut-être qu'on peut finir par ce dernier objet que vous avez choisi vous-même. C'est des lentilles vertes du domaine, je ne sais pas de quel domaine, mais certainement d'un bon domaine. Ça, c'est votre côté militante, vous avez fait quelque chose.

  • Speaker #1

    Alors, c'est en fait ma militance de retraité actuelle. C'est de faire ce que la dernière campagne de Carême dit, chaque geste compte. Un moment où on a... l'anxiété à propos du climat, un sentiment de découragement par rapport à ces politiques qui n'arrivent pas à se mettre en place pour que tout le monde tire à la même corde contre le réchauffement climatique, au moins qu'on puisse, nous, petit couple de retraités, s'approvisionner en circuit court, soigner la relation avec les producteurs locaux, s'intéresser à ce qu'ils font, et en particulier nous nous... Nous nous approvisionnons de plus en plus au panier bio des trois vallons de la région où nous habitons, dont fait partie la ferme Isly de la Saja. Et puis, découvrir qu'on peut vivre avec un approvisionnement différent, vraiment dicté par le local, par le bio, par les saisons. Et ce n'est pas une restriction, c'est une nouveauté. Et on est en train d'apprendre à vivre ça comme ça, en se disant qu'on doit ça un petit peu aux générations qui viennent. J'aime beaucoup l'engagement des grands-parents pour le climat, les gens de la marche bleue. On a besoin d'être beaucoup attirés à cette corde-là, comme dans l'orchestre évoqué avec le diapason.

  • Speaker #0

    Pourtant, ce n'est pas nouveau au fond. Ces circuits courts, ça fait longtemps qu'on en parle. parle. Alors, vous le pratiquez vous, mais si vous regardez avec le recul, vous êtes une retraitée, un couple de retraités, mais au fond, est-ce que ce n'est pas tard ? Tout ça n'aurait pas dû commencer avant, ou ça a déjà commencé avant, mais on ne l'a pas assez dit ?

  • Speaker #1

    Il y avait déjà des gens qui le faisaient. Je me rappelle que ma mère était une écologiste avant l'heure. Elle, dans sa manière de m'apprendre la cuisine, l'utilisation de l'eau, etc. Certes, elle avait vécu enfant pendant la Seconde Guerre mondiale, donc ça peut... expliqué qu'elle faisait très attention aux ressources, mais elle m'a rendue attentive pratiquement. Et maintenant, quand j'entends les conseils écologistes, je retrouve un certain nombre d'enseignements qu'elle avait. Donc, ça fait longtemps que nous y appliquons. Je n'ai pas attendu d'être à la retraite pour commencer à appliquer des autres choses. Mais maintenant, c'est devenu une priorité. Ce qui veut probablement dire que peut-être que je ne retrouverai pas un avion au Rwanda. Ça pourrait arriver. Voilà.

  • Speaker #0

    Mais vous m'aimeriez, par ailleurs ?

  • Speaker #1

    Je suis aussi mes skis de sable pour traverser le Sahel. Si, alors, au Kinnerwanda, on dira, Iman, Wisha, tu sais, si Dieu le veut, on retournera. On ne sait pas comment, Nico. Et puis, on sait aussi que nos amis là-bas n'ont pas beaucoup d'occasion de voyager. Voilà, on reste en contact autrement. Grâce à Internet.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Hélène Tung pour ces différents chapitres de votre vie que vous avez ouverts avec nous à l'enseigne de Mémoire vive. Bonne suite à vous. Merci beaucoup. Sur la fiche description, vous trouverez tous les détails et bien sûr le résumé de cet entretien. Suivez-nous, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur toutes les plateformes de streaming, Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux et aussi notre site reformer.ch. N'hésitez pas à vous exprimer par des commentaires, votre avis nous intéresse. Merci pour votre soutien.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉE: Hélène Küng

    00:39

  • Un combat pour L’ ENSEMBLE de l’humanité

    01:12

  • Un MONDE de rires, de colère et de non-censure

    04:41

  • Les femmes unies pour la PAIX

    08:28

  • L’animation de GROUPE pour le travail biblique

    10:57

  • Une période de DURCISSEMENT de la loi sur l'asile

    14:02

  • Il n’était pas autorisé à TRAVAILLER

    17:47

  • Nous étions ENTENDUS

    20:10

  • Les DIFFÉRENCES entre avant et aujourd’hui

    21:59

  • Son EXPÉRIENCE au Rwanda

    24:06

  • Le protestantisme RWANDAIS à cette époque

    28:01

  • 1994, le GÉNOCIDE au Rwanda

    31:20

  • La religion N’EST PAS un rempart contre un GÉNOCIDE

    33:17

  • Le NOUVEAU programme de formation théologique

    34:43

  • Objet de l’invitée : Le DIAPASON

    36:25

  • Le centre SOCIAL protestant

    37:43

  • Les 3 textes que je tiens TOUJOURS à avoir sur moi

    42:36

  • Objet de l’invitée : des LENTILLES vertes

    45:50

  • Mots de FIN

    49:16

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