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Entre colonisation et RÉSISTANCE : l'enfance de Michèle Morier-Genoud au Mozambique #13

Entre colonisation et RÉSISTANCE : l'enfance de Michèle Morier-Genoud au Mozambique #13

49min |16/04/2025
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Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Michèle Morier-Genoud, engagée de longue date dans la coopération et le développement en Afrique et témoin de mouvements sociaux.


Depuis son enfance dans une famille missionnaire au Mozambique jusqu’à son engagement dans les Églises en Suisse, cet épisode explore les questions de mémoire, de justice sociale et de rapports de genre dans un contexte postcolonial.


Michèle Morier-Genoud partage une parole lucide et incarnée sur les résistances africaines, le rôle ambivalent des missions chrétiennes, et les combats pour l’émancipation des femmes. Un récit mêlant souvenirs intimes, luttes collectives et quête d’équilibre.

 

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Transcription

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec les femmes en Afrique du Sud, et donc, susceptibles de ramener le sida qui flambait. Il fallait vraiment montrer. parce qu'il y a des rituels qu'on était préparés à faire. L'amour avec son conjoint. Et ça, c'était l'Église et le pasteur qui enjoignaient les femmes. Mémoire vive,

  • Speaker #1

    un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch Colonisation, décolonisation, les relations entre l'Europe et l'Afrique sont toujours au cœur de l'actualité. L'invité de Mémoire vive a joué un rôle, a été un acteur au cœur de ses anges. Enfant de missionnaire protestant, né au Mozambique... un pays colonisé par le Portugal, largement catholique. Elle n'a pas eu durant son enfance des amis autres que Mozambiquais. Par contre, elle a subi la surveillance de la fameuse police politique d'alors, la PID. Écoutez le témoignage de Michel Morier-Jeune. La mémoire vive, ce sont aussi des photos, des albums, qui permettent de comprendre un temps révolu. Alors, question photo, on est servi, j'en ai une première à vous proposer là. C'est les années 2000.

  • Speaker #0

    Les années 2000.

  • Speaker #1

    Donc, on peut commencer le récit en disant que quand on vous voit ici devant une case africaine, c'est que c'est bien là où non seulement vous avez vécu, mais où vous êtes née.

  • Speaker #0

    Absolument, oui. Alors là, il s'agit d'un village en Afrique du Sud, mais à quelques centaines de kilomètres du lieu où je suis née, au Mozambique, à Shekoumbane, qui est à 150 kilomètres de Maputo.

  • Speaker #1

    Vous êtes une Africaine ?

  • Speaker #0

    J'ai un pied africain et un pied suisse.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous pouvez nous raconter de cette Afrique dans laquelle, pas quand vous êtes née parce que c'est difficile de s'en souvenir, mais assez rapidement il doit vous rester des souvenirs, c'était comment ce Mozambique sous colonisation portugaise arde, on peut dire ?

  • Speaker #0

    Alors, moi les souvenirs, les premiers souvenirs, disons, mes propres souvenirs, se situe autour des années 60-63 et nous habitions à ce moment-là à l'orée de la capitale on était vraiment à la frontière entre la partie portugaise de la capitale et le bairro do Canis, c'était la cité des roseaux comme on l'appelait les quartiers africains mozambiquain. Et c'était une période vraiment où on commençait à sentir beaucoup de tensions, une tension du régime portugais qui commençait à avoir peur de la rébellion dans le nord du pays, donc à plus de 2000 km de là, et qui tenait fermement le sud. Les Portugais n'ont jamais vraiment beaucoup envahi le nord. le pays et ils avaient peur, ils avaient vraiment peur de ce mouvement qui se créait dans le nord, le Front de Libération du Mozambique, d'autant plus quand les différents mouvements se sont unis sous le terme de Frélimont.

  • Speaker #1

    La vie à ce moment-là, sous domination portugaise, c'était comment ?

  • Speaker #0

    Alors, Simplement, les Africains vivaient dans le quartier des roseaux, dans des huttes construites à base de carton, ce qu'on peut voir avec des roseaux, avec vraiment du gros bricolage, avec ce qu'ils pouvaient trouver comme matériel. Ensuite, la ville portugaise était une ville occidentalisée. On manquait de rien, mais c'était disons... Voilà, à cette époque-là, on n'avait pas encore de grands magasins ou de choses comme ça. On allait à l'école. Alors, nous, en tant qu'enfants, moi, je suis la troisième d'une fratrie de quatre. J'allais à l'école portugaise, mes frères également. Et c'était une école qui était pour les filles, donc pas très loin de la maison, je dirais. Et jusqu'à la quatrième année, on était dans des classes plus ou moins mixtes, où il y avait, vu qu'on était à la périphérie, disons, de la ville portugaise, il y avait quand même des Mozambiquaines qui venaient. Ensuite, quand j'étais au lycée, alors là, c'était fini. On en avait peut-être eu une, même, je n'ai pas souvenir d'avoir eu des amis au lycée africain.

  • Speaker #1

    Vous n'étiez que des Blancs, en fait, au lycée ?

  • Speaker #0

    Au lycée, oui. À partir du lycée, c'était pratiquement impossible pour les filles. Et en plus, modernes, bicanes, c'était difficile.

  • Speaker #1

    Quel type d'éducation vous donnait à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors bon, c'était une éducation frontale basée sur l'histoire portugaise. On apprenait la suite des rois qui ont jonché toute l'histoire portugaise. Jamais on n'a eu quelque chose sur le Mozambique. Je connaissais par cœur toute l'économie du Portugal, qu'est-ce qu'ils produisaient. mais pas un mot sur ce que le Mozambique produit. C'était vraiment centré sur le Portugal. On allait à la Moussidade portugaise, c'était les jeunesses salazaristes. Tout le monde était obligé d'y aller le samedi matin, blanc, noir, tout le monde. On faisait nos exercices, on apprenait à parader, à rester en ligne. Quand il y avait des visites, par exemple, des gouverneurs, des ministres portugais qui venaient visiter leur colonie, je me souviens avoir fait tout en... On est restés planter un four pendant toute une matinée à attendre que monsieur arrive. On était au soleil et tout, c'était... Oui, on nous laissait assis.

  • Speaker #1

    Et vous n'aviez pas le choix ?

  • Speaker #0

    On n'avait pas le choix.

  • Speaker #1

    Vous apprenez des chansons aussi ? Il y a des mots qui vous reviennent ? Ou bien vous avez tout éliminé avec le temps ?

  • Speaker #0

    Non, on connaissait bien sûr l'hymne national, puisqu'on devait régulièrement monter le drapeau.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez de l'hymne national un peu ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense. Je ne peux pas le chanter comme ça, mais ce n'est pas un exercice que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Éducation très rigoureuse, très disciplinaire aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, disciplinaire, avec vraiment des coups de bâton, des coups de règles. C'était physiquement assez violent.

  • Speaker #1

    Alors, tout en portugais, mais évidemment, ce n'est pas la langue du pays. Il y en a d'autres que vous allez apprendre ou que vos parents, eux, maîtrisent déjà ?

  • Speaker #0

    Alors, mes parents l'ont apprise, le Rangal, le Tsonga. Nous, on a baigné dedans, donc on le savait mieux que le français.

  • Speaker #1

    Mieux que le français ?

  • Speaker #0

    Mieux que le français, et on se moquait beaucoup de nos parents. Mais je ne l'ai jamais appris ensuite, donc c'est vraiment une langue apprise, vivante, comme ça. Ça a été difficile de la lire, c'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez pu alors établir des liens avec des... copines, enfin, ou des femmes africaines. Ça s'est fait comment ? Puis ce n'était pas dans le cadre du lycée, ça s'est fait après, plus tard, autrement ?

  • Speaker #0

    Alors, ma mère était... Moi, j'étais beaucoup avec ma mère, et surtout avec les filles, les jeunes femmes qui venaient, qui habitaient chez nous, mais qui venaient aussi à l'internat, qui avaient juste à côté de notre maison. Quand on habitait dans une... Une propriété, à l'époque, c'était encore la mission suisse. C'est une immense propriété, je ne savais pas combien d'hectares, avec l'une des églises principales de l'église. Donc, il y avait beaucoup de monde qui passait. Moi, j'avais des amis qui étaient à l'internat. Je me suis fait des amis là. Et j'avais aussi bien des contacts avec les filles qui venaient. qui travaillait chez nous pour une demi-journée et qui allait à l'école pour l'autre demi-journée. Les parents avaient demandé à ce qu'elle puisse aussi suivre l'école. Et à partir d'un certain degré, il n'y avait que sur la capitale que c'était possible. Donc là, moi j'ai eu beaucoup d'amis et j'ai encore une amie qui... qui a été dans cette époque-là chez nous.

  • Speaker #1

    Des complicités qui pouvaient générer aussi des formes de liberté, enfin on trichait un peu, on sortait un peu des sentiers battus ou des obligations imposées par à la fois la culture, le régime politique. On pouvait tricher, autrement dit ?

  • Speaker #0

    Moi, quand j'étais petite, mes parents pour cela, ils étaient très... Comment dire ? Il me laissait très libre dans le cadre de cette région-là, disons. Je sortais peu, je sortais pratiquement pas de ce cadre-là. Moi, je passais mes journées quand je pouvais avec les filles bien d'à côté qui faisaient leur cuisine africaine. Moi, c'était un grand plaisir d'aller cuisiner et d'aller barboter un peu. les fesses de riz que je trouvais bien meilleures que ce qu'on mange chez nous. J'allais prendre des douches avec elle, ce qui m'a valu une réprimande salée de l'institutrice en charge de l'internat. Quand elle m'a vue prendre la douche avec mes amies africaines, elle était... Elle était pas contente.

  • Speaker #1

    Pourquoi au fond ? Parce que vous ne deviez pas vous mélanger pour ce type d'activité ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y avait quand même, je pense, une forme de racisme. Ce n'est pas une forme. Un racisme blanc et noir ne se mélangent pas. Les missionnaires suisses étaient quand même assez dans cette attitude-là. Et puis cette proximité, elle est toute nue. C'était quelque chose qui... Par exemple, aussi inviter un pasteur ou une femme africaine. Ma mère faisait beaucoup de tricots avec les femmes, elle était grosse. Beaucoup de monde à la maison, dehors, mais dedans aussi. Les pasteurs pouvaient entrer chez nous, c'est-à-dire sans problème. Ça n'était pas la pratique des autres. Le directeur d'école, le fameux monsieur Claire, qu'on respectait beaucoup parce qu'on en avait très peur. ne permettait pas qu'un seul Mozambiqueur entre dans sa maison. Et pourtant, ça a été quelqu'un qui a parrainé Edouard Ndondlan, qui est devenu le président du Front de Libération. Donc, c'est grâce à lui qu'il a pu partir et suivre ses études, grâce à l'EPER, au Portugal et ensuite en Amérique.

  • Speaker #1

    M. Mondlane, puisque vous en parlez, c'est quand même un personnage extrêmement important dans l'histoire du Mozambique, mais dans votre histoire à vous aussi.

  • Speaker #0

    Dans mon histoire, oui.

  • Speaker #1

    Familiale à tous les deux.

  • Speaker #0

    Familiale, mes parents l'ont connu. Ils ont connu le couple et surtout lui quand il était au Portugal. Donc, eux étaient en train de se préparer dans les années 50, donc apprendre le portugais. Ils ont appris aussi les rudiments du Tsonga avec lui. Et ensuite, ils se sont revus au Mozambique en 1963, quand M. Mondlan est revenu pour l'ONU. Il était chargé pour l'Afrique de l'ONU, donc il a fait une visite officielle. Et ensuite, quelques mois après... Il était dans le Nord à déclarer la rébellion, la guerre de l'indépendance.

  • Speaker #1

    La guerre de l'indépendance, il en était un des instigateurs au fond.

  • Speaker #0

    Oui, c'était le principal. Il a réussi à réunir les principaux mouvements de libération en un seul et à démarrer la guerre, vraiment la guérilla.

  • Speaker #1

    Et il meurt assassiné quelques années plus tard.

  • Speaker #0

    Il sera assassiné à Dar es Salaam quelques années plus tard. Alors quand il est venu au Mozambique en 1963, il a été notamment piloté par mon père. Et donc là, ça a été aussi une prise de conscience pour nous, les enfants, de voir qu'on était surveillés par la PIDE, qui était la police politique du Portugais.

  • Speaker #1

    La PIDE, c'est-à-dire ? C'est l'abréviation de ?

  • Speaker #0

    Le Policia... Enfin, c'est la police politique. La police politique. Là, j'aurais dû réfléchir avant.

  • Speaker #1

    C'est pas très important. De cette période, vous avez ramené un objet qui est très touchant, qui est ici. Alors, on voit une belle photo de vous, voilà, 3 ans, 1959. Et puis, probablement une petite feuille de calcul où on vous apprenait. Ça, c'est votre frère, d'accord. Bon, il savait additionner, manifestement. Ça, c'est la mémoire de votre mère. C'est une sorte de mémoire au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, elle a vraiment enregistré tous nos gestes, nos progrès, nos bêtises, nos mots. On mélangeait deux langues, donc le français et le tsonga. Donc, il y a des mots, des phrases. Il y a les retours aussi en Suisse. Il y a, par exemple, les articles. que mon grand-père paternel écrivait dans le journal de Châteaudet et qui raconte des choses qu'il trouvait magnifiques et qui sont vraiment assez, comment dire, des histoires de découvertes de l'autre interculturelles comme on en a connu un peu plus tard. Ce type de... enfin je dirais quand on a parlé de choc culturel par exemple. Mon grand-père était très sensible à ce qu'il entendait ou ce qu'on écrivait, parce que mes parents écrivaient une fois par semaine, aux deux côtés, famille paternelle et maternelle.

  • Speaker #1

    Alors Michel Moriégeloup, j'aimerais qu'on parle, mais c'est peut-être difficile, on va essayer, du statut de missionnaire. Là on a parlé un peu du pays. de sa complexité, de la colonisation. C'était quoi être missionnaire ? Vous étiez fille de missionnaire, peut-être pas missionnaire vous-même au fond, c'était quoi être fille de missionnaire ? C'était un statut compliqué à endosser ?

  • Speaker #0

    Sur place, quand j'ai commencé à prendre conscience des différences qu'il y avait entre moi, les copains noirs mozambiquains, les copines, J'ai fait une expérience de ma vie qui est restée ensuite dans ma mémoire. Je devais avoir 8-9 ans. Dans cette maison que nous habitions à Maputo, tout le monde pouvait entrer. On ne fermait pas, on fermait peut-être le soir quand on allait dormir. Et pendant un soupe. Mes parents me demandent d'aller chercher la Rézoquin, la quinine pour le malaria qu'on devait prendre. Et je vais dans la chambre de mes parents, je savais qui était cette famille de spermeaux. Et je vois un des copains de mes frères qui était en train de se servir dans la caisse de ma mère. Et c'était une famille, ce jeune, ce gamin. était issu d'une famille qui habitait aussi le même endroit que nous. Son père était ouvrier de l'église, un homme à tout faire, très pauvre, avec beaucoup d'enfants. On rigolait beaucoup avec lui. Moi, je n'ai pas pu le dénoncer, je n'ai pas pu le dire. Je lui ai dit « m'en enfile » , et puis voilà, je ne dirai rien. Et ça, pour moi, ça a été une prise de conscience assez forte. Je l'ai gardé pour moi. Longtemps. Je crois que je ne l'ai jamais dit à mes parents.

  • Speaker #1

    Ça voulait dire que vous découvriez que vous étiez du côté des riches ?

  • Speaker #0

    Quelque part, oui. On avait un statut privilégié parce qu'on était Suisses. Les Suisses, on était quand même appréciés par la population africaine parce qu'on était vraiment très proches.

  • Speaker #1

    Par rapport au portugais, pardon, vous étiez appréciée par rapport au portugais qui était l'écolonisateur.

  • Speaker #0

    D'un autre côté, par rapport au portugais, moi je n'ai même pas essayé d'avoir des contacts ou des amis. Ça ne m'a jamais manqué. Je n'ai jamais cherché. Quand on est rentré, moi j'avais 13 ans. Ça a été difficile pour moi d'accepter de dire, ben voilà, je suis les parents, je peux comprendre parce qu'on a dû rentrer pour les études de mes frères d'abord, puis la mienne aussi. Disons que c'était une période tellement vivante et tellement riche, je me disais, on est comme une sorte d'abandon, avec cette période qui s'est ouverte ensuite à partir de 69, 69-74, 74 c'est l'indépendance, donc ça a été très dur aussi pour l'Église.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous perceviez à cette époque-là, encore au Mozambique, que vous étiez une protestante ? par rapport à un régime et un pouvoir et une société qui étaient largement catholiques.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Moi, j'ai... D'un côté, avec mes parents, on avait... Mes parents, mais mon père en particulier, n'étaient pas du tout bornés du point de vue religieux. Donc, dans ce livre, j'ai redécouvert... Les trésors de la Bible, les histoires bibliques, ça, on les commentait, on les racontait à notre façon, c'était vraiment très libre. On n'avait jamais d'obligation comme certains autres de faire un culte à la maison, non jamais. Par contre, enfin c'est pas par contre, j'ai suivi aussi l'école du dimanche et l'équivalent des cadets homo-zambiques. avec les Africains, quoi, avec les Africaines. Et ça, c'est... Oui, ça a été constitutif pour moi. Je ne me suis jamais posée... Quand j'étais au lycée à Maputo, je ne me sentais pas forcément à ma place. C'était compliqué.

  • Speaker #1

    Et est-ce que vous perceviez le fait qu'être missionnaire, enfin c'est peut-être comme ça qu'on le dit aujourd'hui, je ne sais pas si c'est à tort ou à raison, c'était apporter l'évangile ? Vous étiez des gens qui étiez porteurs de quelque chose que les partenaires africains étaient invités à recevoir. C'était captable pour vous à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors de nouveau, dans cette question-là, je ne vais pas nier le fait que l'évangile a été apporté par... en partie, je dirais, par les missionnaires suisses, ce n'est pas les seuls. D'une part l'Église catholique qui était majoritaire et qui avait des accords avec le gouvernement portugais. Il y avait beaucoup de missions étrangères, américaines, anglaises, etc. La particularité, je dirais, de la mission suisse, ça a été... d'une part d'assurer très vite la traduction des textes de la Bible dans les langues locales, donc pas le portugais, et ça a permis un accès quand même très vite à la population mozambicaine qui nous côtoyait de s'emparer de l'évangile, des textes de l'évangile. La mission suisse a aussi beaucoup favorisé le... Tout ce qui était formation, formation manuelle, les internats par exemple, on apprend à cultiver ou à cultiver d'autres choses. Il y a un mélange de... Je dirais que le travail social maintenant était très important avant l'indépendance. Au niveau des hôpitaux aussi, il y a des hôpitaux... ... Les stations en Prousse, les Portugais n'étaient pas tellement dans l'intérieur du pays. Donc pendant assez longtemps, une certaine liberté est construite pour les écoles. Et puis dans le mi-50, 55, 60, les Portugais se rendent compte que ça commence à chauffer au nord, qu'il y a une partie des Mozambiquains du sud. qui sortent du pays, qui vont se former ailleurs. Ils commencent à avoir peur des écoles non portugaises, parce que dans les écoles de la mission, ils parlaient leur langue, ils parlaient en enseignement en Tsonga. Et là, je ne sais plus exactement, mais je crois que c'est en 1952-1953, il y a une interdiction d'avoir des classes en langue locale. les conditions pour continuer ce travail scolaire devenait trop difficile. Et c'est là que les Suisses... et principalement des Jura qui sont issus de Jura-Bernois par exemple, ont l'idée de développer un système de cadets pour contourner cette interdiction. Et là, ça flambe, parce que les enfants viennent, filles et garçons, séparément, parce que c'est le système local. Mais ils y apprennent aussi les rudiments de la démocratie, comment gérer son propre groupe, les travaux manuels. Il y a plein de choses qui se passent dans ces groupes, y compris les textes bibliques qui sont plutôt libérateurs parce qu'on les lit, on les entend. Et du reste, Edouard de Mandelanne y fera référence ensuite. J'ai appris la démocratie dans ces... dans ces mintlawa qui étaient vraiment issus de cette philosophie du Kadeo, cette méthodologie. C'est la particularité un petit peu de cette mission suisse qui a donné aussi très vite l'indépendance à l'Église par rapport au pays en 1963-1965. Ce qui fait qu'aussi, juste avant l'indépendance, Cette église a été martyrisée vraiment par le régime salazariste. Elle est emprisonnée. Le président de l'église, Manganielle, a été assassiné en prison. Ensuite, ils ont essayé de cacher ça en disant qu'il s'était suicidé. Non, ça a été très difficile. Et au moment de la libération de l'indépendance... Toute cette histoire a créé de très forts liens entre le Parti au pouvoir et l'Église, qui a ouvert aussi une autre histoire ensuite à développement.

  • Speaker #1

    Alors, une autre histoire, on va suivre la vôtre, puisque c'est votre mémoire vive, Michel, qu'on déploie aujourd'hui. Après, on ne peut pas dire le retour, parce que ce n'est pas un retour. Vous découvrez Lausanne, vous avez dit 13, 14 ans, et puis on fait un peu vite, mais c'est aussi le moment d'une prise de conscience politique ou d'une traduction de votre sens de la justice ou de l'injustice dans le contexte suisse.

  • Speaker #0

    Pour moi, le choc culturel, il est total. Quand j'arrive à Lausanne, je tombe à l'école de... de l'Élysée, qui était une école en pilote pour les réformes. Alors, quelque part, c'était aussi une grande chance de tester nos capacités à résister. Et là, c'est vrai qu'après une période quand même de dépression, vraiment, je ne me sentais pas bien et pas à ma place. comprendre un petit peu les codes qui étaient les codes des enfants, des adeptes de cette époque-là. Après, je suis devenue une peu meneuse dans ma classe. On a pu organiser des feuilles blanches, des mouvements de protestation. C'était aussi à cette époque-là qu'il y a eu le début des mouvements de jeunes avec l'occupation des... des cinémas. Et là, c'était vraiment une période assez turbulente à Lausanne.

  • Speaker #1

    C'était Lausanne-Bouges, c'est les débuts de Lausanne-Bouges ? Avant Lausanne-Bouges, oui.

  • Speaker #0

    Et ensuite, il y a eu aussi dans les années 73, tout le mouvement aussi, il y avait le mouvement anti-apartheid bien sûr, mais il y avait aussi des groupes qui soutenaient la décolonisation. On avait organisé une grande manif à Beaulieu lors de l'avenue du Portugal en septembre. J'ai retrouvé des archives sur l'Internet. C'était impressionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous apparaissait cette Suisse que vous découvriez à ce moment-là ? Qu'est-ce qu'on peut dire ? Bourgeoise, alignée, obéissante ?

  • Speaker #0

    Oui. Tout ça ! Ah oui, non, mais nous, on venait quand même d'un pays où on n'avait pas beaucoup de choses, on avait ce qu'il fallait, on mangeait bien, on avait des vacances. Non, non, je ne me suis jamais sentie déshéritée ou quoi que ce soit. Mais l'asthysme de cette époque-là, et puis surtout moi, ce qui m'a beaucoup frappée, c'était un peu l'immobilisme. Et puis les structures claniques, un peu les petits groupes. On ne sort pas, il faut être dans un groupe pour pouvoir exister. Et c'est sûr que moi, je me suis assez vite rejointe dans tout ce qui était anti-autoritaire. Du reste, là, il y a un article sur... J'ai été au gymnase de la Cité. Dans les années 73-74, on a eu M. Rapp, notre directeur, qui est sorti avec un fouet. J'ai retrouvé un article que ma mère a gardé de l'année précédente. Voilà, M. Rapp rappelle. qu'il y a un certain nombre de valeurs qu'il faut transmettre à ses élèves et que malheureusement, ils sont paresseux, ils ne se lèvent plus, ils n'étudient plus. J'ai retrouvé exactement ça. Donc, on avait... On n'osait pas. On nous disait qu'il ne faut pas. Alors que nous, on était une équipe... On tricotait pendant les leçons. on ne venait pas si ce n'était pas nécessaire, donc on allait boire des verres de lait au bistrot. C'était le... comment dire... Je peux comprendre que ça leur posait des problèmes de discipline, disons. On était assez indisciplinés dans cette époque-là, au gymnase par exemple. Mais, alors c'est sûr que... En allant plus loin dans ma réflexion politique, assez vite, j'ai beaucoup critiqué aussi une certaine vision du christianisme. Donc là, avec mon père, j'ai beaucoup dialogué à la recherche de comprendre pourquoi est-ce que justement ils étaient partis. Moi, la notion de... D'aller diffuser l'évangile pour moi était compliqué, parce que c'était... Je me disais, mais quelle idée ! Et... Ça a donné des dialogues très intéressants aussi, et mon père aussi a beaucoup bougé, ma mère... Ma mère était moins... moins partante dans ce type de discussion. Mais... Ensuite, ben voilà, je me suis beaucoup engagée, que ce soit dans les mouvements sociaux de l'époque. des jeunes. Je suis partie à l'âge de 18 ans de la maison pour être autonome, parce que je pensais que je voulais être autonome financièrement. J'avais deux frères qui faisaient la médecine, mais je ne voulais pas ça. Donc je suis partie et là, dans cette époque-là, je me suis engagée en politique aussi dans les mouvements de l'époque.

  • Speaker #1

    C'était bien vu, mal vu, enfin bien vu par certains j'imagine, mais surtout mal vu par d'autres ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'était l'extrême gauche disons, donc on travaillait en petits groupes, ce n'était pas des grands groupes, on distribuait des tracts, on allait, on écrivait, on réfléchissait, on faisait le monde.

  • Speaker #1

    Vous rêviez de quel monde à ce moment-là ? Dans vos groupes maoïstes, on peut employer le terme, parce que ça fait partie de l'héritage. C'était quoi ? C'était un monde aussi de l'évangile, mais sans l'évangile.

  • Speaker #0

    C'était un monde où justement, on voyait nettement l'impérialisme à son paroxysme, quand même, déjà. En tout cas, on n'était pas encore dans le néo-impérialisme. C'était la période des guerres de l'Indochine puis du Vietnam. Il y avait ces fins de colonisation dans des situations d'exploitation absolument incroyables. J'entends ce que les colonisés ont vécu. J'entends dans... Si on va dans le détail, c'est vraiment dur. Très dur. Alors comment, pour moi, un monde meilleur, ce serait déjà de réparer ces injustices ? Et on croyait beaucoup à l'avenir de la Chine. Je rigole, Mao disait que dans quelques années, les soviétiques seront beaucoup plus faibles, et puis ce sera les américains. Il avait toute une stratégie à monter les pays du sud, d'être aux côtés des pays du sud pour pouvoir balancer les deux forces. Ça ne s'est pas passé vraiment comme ça. de temps en temps je me dis, je cherche une petite pensée pour ça, je me dis mais où va-t-on aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Michel Meurier-Genoux, il y a un domaine qu'il nous faut aborder, qu'on n'a pas abordé au fond comme ça jusqu'à présent. J'ai envie de parler de cet objet pour y arriver. D'abord peut-être un mot sur cet objet parce qu'il est vraiment très énigmatique. Pour ceux qui nous regardent, ce n'est pas collé, c'est posé en équilibre.

  • Speaker #0

    C'est vraiment posé. C'est un socle en bois, un bois d'ébène. L'oiseau a deux pics de fer. C'est vraiment du fer un peu bosselé. Et puis avec ces deux contrepoids, l'oiseau se tient sur la pointe, sur sa pointe. la plus pointue finalement. Alors, c'est un héritage de mes parents. Je pense qu'il vient du Mozambique.

  • Speaker #1

    Mais vous n'en êtes pas sûre. On ne veut pas le savoir. Alors, moi, il me fait penser à un élément de votre parcours. C'est l'équilibre homme-femme, la question du genre. Parce que c'est quelque chose qui a pris beaucoup d'importance. Et au fond, là, c'est un équilibre très stable. C'est peut-être une vision idéalisée. Dans la réalité, c'est moins stable que ça. Vous, en tout cas, vous avez essayé de faire pencher la balance du côté d'une meilleure prise en compte du genre, au fond, toutes les années qui ont suivi.

  • Speaker #0

    Dans ma vie, oui. En fait, je me suis rendu compte que ça remontait bien plus loin. Mais effectivement, à partir des années 2000, 2001, je pense, J'ai, entre autres, été chargée des questions femmes et développement à l'époque, au départ. Parce que le mouvement de réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes a débuté dans nos églises en 92, 93. Et on avait, à pain pour le prochain, un poste alémanique et ensuite une... petite partie d'un poste pour les romans. Et ma collègue qui l'avait pris, Nathalie Hachaud, ensuite me l'a transmis. C'était un 20%. J'étais au service des trois œuvres romandes, Paul Ausha, DM et Les Pères.

  • Speaker #1

    Pour la question précise, des femmes.

  • Speaker #0

    Oui. L'objectif, c'était vraiment de... de s'assurer que dans les projets soutenus par nos œuvres, il n'y ait pas de situation où les femmes soient déshéritées ou qui auraient des retombées négatives sur leur vie, par les projets que l'on soutient. Ce qui, jusque-là, n'était pas du tout analysé. Il y a un mouvement mondial qui se développe dans les années 90. pour mettre cette question à l'agenda. Et ensuite, il y a tout un tas de développements qui vont se faire. Et moi, j'ai pu y rester pendant 16 ans, dans ce poste, jusqu'à ma retraite. Et je peux dire que là, d'une part, j'ai pu faire des visites. Donc, vous avez montré une photo là, au tout début. Oui, voilà. C'était une visite dans... Le nouveau projet de santé en Afrique du Sud développé par des care groups est dans une approche de santé basée sur la communauté et pas basée forcément sur les hôpitaux qui a du reste donné matière à vraiment une synthétisation, une méthodisation des... des pratiques de cette approche qui ont été vraiment diffusées au niveau international dans le monde de la santé. Et là, j'ai été visiter, j'avais une visite d'évaluation. à ce projet, une fois. Et comme je parlais la langue, entre ma sortie du Mozambique et cette époque-là, en 2000, j'ai aussi travaillé au Lesotho, mon amnesty était envoyé au Lesotho, ensuite au Kenya. J'ai toujours eu une approche sur la question des femmes dans les pays africains. dans lesquels j'ai vécu.

  • Speaker #1

    Ça rencontrait de la résistance et de quelle nature cette approche ?

  • Speaker #0

    Alors tout d'abord, on tombait des nues. Franchement, moi j'ai eu l'impression de prêcher dans le désert pendant longtemps. Donc c'était pénible.

  • Speaker #1

    Par exemple, on ne vous recevait pas ou vous disiez que vous étiez à côté de la plaque ?

  • Speaker #0

    Non, on nous laissait, on a fait pas mal d'articles. pas mal de témoignages. Alors sur place, moi j'ai toujours découvert la plupart du temps, les K-groups par exemple, c'est un magnifique projet où on voit des femmes à l'œuvre et qui défient leur société, c'est une société d'apartheid dans les régions les plus dures de l'apartheid. Dans d'autres pays aussi, j'ai découvert des femmes qui n'étaient pas les bras valants, j'entends, qui ont vraiment... pris en main leur destin, puis qu'ils le disaient, au moment du sida, du sida où on n'avait pas du tout de médicaments, c'était l'hécatombe en Afrique australe. C'était des témoignages poignants. Pourtant, des pousses, c'est vraiment des actions fortes pour résister localement. vraiment à la base, dans les familles. Moi, c'est forte de cette force-là que je pouvais recevoir de ces femmes, que j'en venais. Alors, dans nos œuvres, ça met du temps, mais c'est venu pour finir. Là, maintenant, je suis très contente. Par exemple, ADM, une super... une prise en compte de ces questions-là, de A à Z. C'est parfait. Dans ce poste-là, je me suis vue dans les dernières années un peu comme le Jiminy Cricket. Vous faites quelque chose, mais je venais par derrière en disant « Mais tu as pensé à ça ? Est-ce que tu as pensé à l'équilibre ? Est-ce que tu es sûre que ce que vous faites là n'est pas en train de déshériter ? » Ça pourrait être aussi les amas dans certains contextes. Et quand j'ai arrêté, j'ai eu presque une année pour se mettre et boucler ce poste. Ce poste n'existe plus, mais il a été repris dans les différents secteurs d'activités, d'organisations. J'étais contente parce que finalement, les graines ont pris. Ensuite, il y a eu surtout le mouvement MeToo qui a fait que partout... Même dans nos églises, on n'a plus pu fermer les yeux.

  • Speaker #1

    Dans les églises du Sud, vous parliez des femmes dans les groupes de chœurs, mais dans les églises, est-ce que la situation des femmes dans les églises du Sud que vous connaissez, ça a évolué aussi vite et aussi bien ?

  • Speaker #0

    C'est plus complexe. Dans les églises que je connais, les mouvements de femmes sont très forts. Ils étaient très forts. J'ai aussi constaté qu'à certains moments, on pouvait aussi devenir des foyers de maintien d'une tradition qui pénalise.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du Sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes qui restaient en... à la maison, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec des femmes en Afrique du Sud et donc susceptibles de ramener le sida qui flambait, vraiment flambait. Les femmes de certaines... paroisses, j'ai eu ça comme témoignage, ont été obligés par le pasteur. montrer qu'elles étaient prêtes à recevoir leur mari et de façon très... comment dire... il fallait vraiment montrer que, parce qu'il y a des rituels, qu'on était préparés à faire l'amour avec son conjoint et ça c'était l'église et le pasteur qui enjoignaient les femmes.

  • Speaker #1

    C'est le devoir conjugal à la sauce tradie quoi.

  • Speaker #0

    En protection. Donc... Ce qui a été très fort dans les années 80, les mouvements de femmes, et je pense que dans beaucoup d'églises d'Afrique, a permis vraiment un mouvement d'émancipation des femmes. Ça a aussi tourné parfois à quelque chose qu'il faut oser critiquer. Mais les femmes en Afrique, dans les églises, sont très fortes, continuent à être très fortes. Mais voilà, c'est encore tout un autre chapitre, parce que l'évolution des églises en Afrique, dans les années 80, 90, 2000, ce n'est pas toujours évident.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas ce que vous imaginez.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on a vécu aussi au Lesotho, et on a été envoyés par des hommes. Dans les années 84, 88... On avait une direction d'église qui était inféodée au régime en place et qui soutenait l'Afrique du Sud, donc en plein appartement. Et on avait également une France de nouveaux pasteurs, de jeunes pasteurs qui se rebellent. Donc, quand nous, on est arrivés dans cette situation-là, bien sûr, on a tout de suite senti où était notre place plus tôt. Et ça donne ces histoires d'églises où il y a une jeune frange qui essaye de faire avancer et puis qui systématiquement est remise à sa place militairement. Oui, les soutos c'était terrible, les opposants les liquidaient.

  • Speaker #1

    Y compris dans les églises ?

  • Speaker #0

    Oui. Et c'était... Donc de voir ça, j'ai dit non, les églises n'ont pas toujours eu un rôle prophétique. Il y a aussi une époque où ils deviennent un atout du pouvoir. La politique et la religion sont très fortement ancrées dans certaines régions. nouvelles églises aussi qui supportent les différents... Voilà, mais c'est aux Africaines, aux Africains d'en parler. Moi, je vois ça de loin, mais ça peut être assez dur.

  • Speaker #1

    On termine, Michel-Maurice Gnoux, merci pour le laisse-autour, on en a peu parlé, mais c'est vrai que c'est tout un chapitre aussi de votre vie, ce n'est pas le premier, mais ce n'est pas le moins pertinent. On va terminer avec cet objet qui est là. Tout coloré, donc ça me rassure un peu parce qu'au fond ce que vous nous transmettez est quand même relativement dur, même s'il y a beaucoup de zones de lumière, mais il faut le dire à ceux qui nous regardent, c'est vous qui l'avez dessiné.

  • Speaker #0

    Oui, c'est encore elle. À la retraite, je me suis remise à certaines activités que je faisais épisodiquement. Et grâce à Eliane Meunier, qui est également mariée avec Nicolas Meunier.

  • Speaker #1

    C'est la même culture, c'est le Mozambique.

  • Speaker #0

    C'est aussi le Mozambique. J'ai participé au voyage vraiment innovant d'acquarelliste au Mexique, avec Diem, en 2022. Voilà, ça c'est une des pages que j'ai réalisées, avec un poème d'un poète mexicain que j'aime beaucoup.

  • Speaker #1

    Donc, deux nouvelles pages à écrire pour les années qui restent. Merci beaucoup de nous avoir partagé votre mémoire, quelques bouts, disons, quelques bouts de votre mémoire vive. Bonne suite de dessins et de voyages. Merci. Sur la fiche de description, vous trouverez tous les détails nécessaires et bien sûr, le résumé de cet entretien. Si vous voulez suivre d'autres épisodes, si vous appréciez ces interviews, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur... toutes les plateformes de streaming, les réseaux sociaux et bien sûr le site reformez.ch. Merci, au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ : Michèle Morier-Genoud

    00:45

  • Le Mozambique sous la COLONISATION

    01:15

  • Une éducation CENTRÉE sur le Portugal

    05:45

  • Les liens AMICAUX à l’internat

    08:37

  • Il meurt ASSASSINÉ

    12:51

  • Objet de l’invitée : Le MÉMOIRE de ma mère

    14:54

  • Son STATUT de fille de missionnaire

    16:39

  • On était PORTEURS de l’évangile

    20:17

  • Je découvrais Lausanne et j’étais CHOQUÉE

    26:59

  • Il fallait réparer les INJUSTICES

    33:11

  • Objet de l’invitée : Un oiseau en équilibre

    35:25

  • L’égalité HOMME / FEMME

    36:28

  • Les femmes dans les églises du sud

    43:18

  • Objet de l’invitée : DESSIN et poème

    48:05

  • Mots de FIN

    49:16

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Michèle Morier-Genoud, engagée de longue date dans la coopération et le développement en Afrique et témoin de mouvements sociaux.


Depuis son enfance dans une famille missionnaire au Mozambique jusqu’à son engagement dans les Églises en Suisse, cet épisode explore les questions de mémoire, de justice sociale et de rapports de genre dans un contexte postcolonial.


Michèle Morier-Genoud partage une parole lucide et incarnée sur les résistances africaines, le rôle ambivalent des missions chrétiennes, et les combats pour l’émancipation des femmes. Un récit mêlant souvenirs intimes, luttes collectives et quête d’équilibre.

 

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec les femmes en Afrique du Sud, et donc, susceptibles de ramener le sida qui flambait. Il fallait vraiment montrer. parce qu'il y a des rituels qu'on était préparés à faire. L'amour avec son conjoint. Et ça, c'était l'Église et le pasteur qui enjoignaient les femmes. Mémoire vive,

  • Speaker #1

    un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch Colonisation, décolonisation, les relations entre l'Europe et l'Afrique sont toujours au cœur de l'actualité. L'invité de Mémoire vive a joué un rôle, a été un acteur au cœur de ses anges. Enfant de missionnaire protestant, né au Mozambique... un pays colonisé par le Portugal, largement catholique. Elle n'a pas eu durant son enfance des amis autres que Mozambiquais. Par contre, elle a subi la surveillance de la fameuse police politique d'alors, la PID. Écoutez le témoignage de Michel Morier-Jeune. La mémoire vive, ce sont aussi des photos, des albums, qui permettent de comprendre un temps révolu. Alors, question photo, on est servi, j'en ai une première à vous proposer là. C'est les années 2000.

  • Speaker #0

    Les années 2000.

  • Speaker #1

    Donc, on peut commencer le récit en disant que quand on vous voit ici devant une case africaine, c'est que c'est bien là où non seulement vous avez vécu, mais où vous êtes née.

  • Speaker #0

    Absolument, oui. Alors là, il s'agit d'un village en Afrique du Sud, mais à quelques centaines de kilomètres du lieu où je suis née, au Mozambique, à Shekoumbane, qui est à 150 kilomètres de Maputo.

  • Speaker #1

    Vous êtes une Africaine ?

  • Speaker #0

    J'ai un pied africain et un pied suisse.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous pouvez nous raconter de cette Afrique dans laquelle, pas quand vous êtes née parce que c'est difficile de s'en souvenir, mais assez rapidement il doit vous rester des souvenirs, c'était comment ce Mozambique sous colonisation portugaise arde, on peut dire ?

  • Speaker #0

    Alors, moi les souvenirs, les premiers souvenirs, disons, mes propres souvenirs, se situe autour des années 60-63 et nous habitions à ce moment-là à l'orée de la capitale on était vraiment à la frontière entre la partie portugaise de la capitale et le bairro do Canis, c'était la cité des roseaux comme on l'appelait les quartiers africains mozambiquain. Et c'était une période vraiment où on commençait à sentir beaucoup de tensions, une tension du régime portugais qui commençait à avoir peur de la rébellion dans le nord du pays, donc à plus de 2000 km de là, et qui tenait fermement le sud. Les Portugais n'ont jamais vraiment beaucoup envahi le nord. le pays et ils avaient peur, ils avaient vraiment peur de ce mouvement qui se créait dans le nord, le Front de Libération du Mozambique, d'autant plus quand les différents mouvements se sont unis sous le terme de Frélimont.

  • Speaker #1

    La vie à ce moment-là, sous domination portugaise, c'était comment ?

  • Speaker #0

    Alors, Simplement, les Africains vivaient dans le quartier des roseaux, dans des huttes construites à base de carton, ce qu'on peut voir avec des roseaux, avec vraiment du gros bricolage, avec ce qu'ils pouvaient trouver comme matériel. Ensuite, la ville portugaise était une ville occidentalisée. On manquait de rien, mais c'était disons... Voilà, à cette époque-là, on n'avait pas encore de grands magasins ou de choses comme ça. On allait à l'école. Alors, nous, en tant qu'enfants, moi, je suis la troisième d'une fratrie de quatre. J'allais à l'école portugaise, mes frères également. Et c'était une école qui était pour les filles, donc pas très loin de la maison, je dirais. Et jusqu'à la quatrième année, on était dans des classes plus ou moins mixtes, où il y avait, vu qu'on était à la périphérie, disons, de la ville portugaise, il y avait quand même des Mozambiquaines qui venaient. Ensuite, quand j'étais au lycée, alors là, c'était fini. On en avait peut-être eu une, même, je n'ai pas souvenir d'avoir eu des amis au lycée africain.

  • Speaker #1

    Vous n'étiez que des Blancs, en fait, au lycée ?

  • Speaker #0

    Au lycée, oui. À partir du lycée, c'était pratiquement impossible pour les filles. Et en plus, modernes, bicanes, c'était difficile.

  • Speaker #1

    Quel type d'éducation vous donnait à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors bon, c'était une éducation frontale basée sur l'histoire portugaise. On apprenait la suite des rois qui ont jonché toute l'histoire portugaise. Jamais on n'a eu quelque chose sur le Mozambique. Je connaissais par cœur toute l'économie du Portugal, qu'est-ce qu'ils produisaient. mais pas un mot sur ce que le Mozambique produit. C'était vraiment centré sur le Portugal. On allait à la Moussidade portugaise, c'était les jeunesses salazaristes. Tout le monde était obligé d'y aller le samedi matin, blanc, noir, tout le monde. On faisait nos exercices, on apprenait à parader, à rester en ligne. Quand il y avait des visites, par exemple, des gouverneurs, des ministres portugais qui venaient visiter leur colonie, je me souviens avoir fait tout en... On est restés planter un four pendant toute une matinée à attendre que monsieur arrive. On était au soleil et tout, c'était... Oui, on nous laissait assis.

  • Speaker #1

    Et vous n'aviez pas le choix ?

  • Speaker #0

    On n'avait pas le choix.

  • Speaker #1

    Vous apprenez des chansons aussi ? Il y a des mots qui vous reviennent ? Ou bien vous avez tout éliminé avec le temps ?

  • Speaker #0

    Non, on connaissait bien sûr l'hymne national, puisqu'on devait régulièrement monter le drapeau.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez de l'hymne national un peu ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense. Je ne peux pas le chanter comme ça, mais ce n'est pas un exercice que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Éducation très rigoureuse, très disciplinaire aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, disciplinaire, avec vraiment des coups de bâton, des coups de règles. C'était physiquement assez violent.

  • Speaker #1

    Alors, tout en portugais, mais évidemment, ce n'est pas la langue du pays. Il y en a d'autres que vous allez apprendre ou que vos parents, eux, maîtrisent déjà ?

  • Speaker #0

    Alors, mes parents l'ont apprise, le Rangal, le Tsonga. Nous, on a baigné dedans, donc on le savait mieux que le français.

  • Speaker #1

    Mieux que le français ?

  • Speaker #0

    Mieux que le français, et on se moquait beaucoup de nos parents. Mais je ne l'ai jamais appris ensuite, donc c'est vraiment une langue apprise, vivante, comme ça. Ça a été difficile de la lire, c'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez pu alors établir des liens avec des... copines, enfin, ou des femmes africaines. Ça s'est fait comment ? Puis ce n'était pas dans le cadre du lycée, ça s'est fait après, plus tard, autrement ?

  • Speaker #0

    Alors, ma mère était... Moi, j'étais beaucoup avec ma mère, et surtout avec les filles, les jeunes femmes qui venaient, qui habitaient chez nous, mais qui venaient aussi à l'internat, qui avaient juste à côté de notre maison. Quand on habitait dans une... Une propriété, à l'époque, c'était encore la mission suisse. C'est une immense propriété, je ne savais pas combien d'hectares, avec l'une des églises principales de l'église. Donc, il y avait beaucoup de monde qui passait. Moi, j'avais des amis qui étaient à l'internat. Je me suis fait des amis là. Et j'avais aussi bien des contacts avec les filles qui venaient. qui travaillait chez nous pour une demi-journée et qui allait à l'école pour l'autre demi-journée. Les parents avaient demandé à ce qu'elle puisse aussi suivre l'école. Et à partir d'un certain degré, il n'y avait que sur la capitale que c'était possible. Donc là, moi j'ai eu beaucoup d'amis et j'ai encore une amie qui... qui a été dans cette époque-là chez nous.

  • Speaker #1

    Des complicités qui pouvaient générer aussi des formes de liberté, enfin on trichait un peu, on sortait un peu des sentiers battus ou des obligations imposées par à la fois la culture, le régime politique. On pouvait tricher, autrement dit ?

  • Speaker #0

    Moi, quand j'étais petite, mes parents pour cela, ils étaient très... Comment dire ? Il me laissait très libre dans le cadre de cette région-là, disons. Je sortais peu, je sortais pratiquement pas de ce cadre-là. Moi, je passais mes journées quand je pouvais avec les filles bien d'à côté qui faisaient leur cuisine africaine. Moi, c'était un grand plaisir d'aller cuisiner et d'aller barboter un peu. les fesses de riz que je trouvais bien meilleures que ce qu'on mange chez nous. J'allais prendre des douches avec elle, ce qui m'a valu une réprimande salée de l'institutrice en charge de l'internat. Quand elle m'a vue prendre la douche avec mes amies africaines, elle était... Elle était pas contente.

  • Speaker #1

    Pourquoi au fond ? Parce que vous ne deviez pas vous mélanger pour ce type d'activité ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y avait quand même, je pense, une forme de racisme. Ce n'est pas une forme. Un racisme blanc et noir ne se mélangent pas. Les missionnaires suisses étaient quand même assez dans cette attitude-là. Et puis cette proximité, elle est toute nue. C'était quelque chose qui... Par exemple, aussi inviter un pasteur ou une femme africaine. Ma mère faisait beaucoup de tricots avec les femmes, elle était grosse. Beaucoup de monde à la maison, dehors, mais dedans aussi. Les pasteurs pouvaient entrer chez nous, c'est-à-dire sans problème. Ça n'était pas la pratique des autres. Le directeur d'école, le fameux monsieur Claire, qu'on respectait beaucoup parce qu'on en avait très peur. ne permettait pas qu'un seul Mozambiqueur entre dans sa maison. Et pourtant, ça a été quelqu'un qui a parrainé Edouard Ndondlan, qui est devenu le président du Front de Libération. Donc, c'est grâce à lui qu'il a pu partir et suivre ses études, grâce à l'EPER, au Portugal et ensuite en Amérique.

  • Speaker #1

    M. Mondlane, puisque vous en parlez, c'est quand même un personnage extrêmement important dans l'histoire du Mozambique, mais dans votre histoire à vous aussi.

  • Speaker #0

    Dans mon histoire, oui.

  • Speaker #1

    Familiale à tous les deux.

  • Speaker #0

    Familiale, mes parents l'ont connu. Ils ont connu le couple et surtout lui quand il était au Portugal. Donc, eux étaient en train de se préparer dans les années 50, donc apprendre le portugais. Ils ont appris aussi les rudiments du Tsonga avec lui. Et ensuite, ils se sont revus au Mozambique en 1963, quand M. Mondlan est revenu pour l'ONU. Il était chargé pour l'Afrique de l'ONU, donc il a fait une visite officielle. Et ensuite, quelques mois après... Il était dans le Nord à déclarer la rébellion, la guerre de l'indépendance.

  • Speaker #1

    La guerre de l'indépendance, il en était un des instigateurs au fond.

  • Speaker #0

    Oui, c'était le principal. Il a réussi à réunir les principaux mouvements de libération en un seul et à démarrer la guerre, vraiment la guérilla.

  • Speaker #1

    Et il meurt assassiné quelques années plus tard.

  • Speaker #0

    Il sera assassiné à Dar es Salaam quelques années plus tard. Alors quand il est venu au Mozambique en 1963, il a été notamment piloté par mon père. Et donc là, ça a été aussi une prise de conscience pour nous, les enfants, de voir qu'on était surveillés par la PIDE, qui était la police politique du Portugais.

  • Speaker #1

    La PIDE, c'est-à-dire ? C'est l'abréviation de ?

  • Speaker #0

    Le Policia... Enfin, c'est la police politique. La police politique. Là, j'aurais dû réfléchir avant.

  • Speaker #1

    C'est pas très important. De cette période, vous avez ramené un objet qui est très touchant, qui est ici. Alors, on voit une belle photo de vous, voilà, 3 ans, 1959. Et puis, probablement une petite feuille de calcul où on vous apprenait. Ça, c'est votre frère, d'accord. Bon, il savait additionner, manifestement. Ça, c'est la mémoire de votre mère. C'est une sorte de mémoire au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, elle a vraiment enregistré tous nos gestes, nos progrès, nos bêtises, nos mots. On mélangeait deux langues, donc le français et le tsonga. Donc, il y a des mots, des phrases. Il y a les retours aussi en Suisse. Il y a, par exemple, les articles. que mon grand-père paternel écrivait dans le journal de Châteaudet et qui raconte des choses qu'il trouvait magnifiques et qui sont vraiment assez, comment dire, des histoires de découvertes de l'autre interculturelles comme on en a connu un peu plus tard. Ce type de... enfin je dirais quand on a parlé de choc culturel par exemple. Mon grand-père était très sensible à ce qu'il entendait ou ce qu'on écrivait, parce que mes parents écrivaient une fois par semaine, aux deux côtés, famille paternelle et maternelle.

  • Speaker #1

    Alors Michel Moriégeloup, j'aimerais qu'on parle, mais c'est peut-être difficile, on va essayer, du statut de missionnaire. Là on a parlé un peu du pays. de sa complexité, de la colonisation. C'était quoi être missionnaire ? Vous étiez fille de missionnaire, peut-être pas missionnaire vous-même au fond, c'était quoi être fille de missionnaire ? C'était un statut compliqué à endosser ?

  • Speaker #0

    Sur place, quand j'ai commencé à prendre conscience des différences qu'il y avait entre moi, les copains noirs mozambiquains, les copines, J'ai fait une expérience de ma vie qui est restée ensuite dans ma mémoire. Je devais avoir 8-9 ans. Dans cette maison que nous habitions à Maputo, tout le monde pouvait entrer. On ne fermait pas, on fermait peut-être le soir quand on allait dormir. Et pendant un soupe. Mes parents me demandent d'aller chercher la Rézoquin, la quinine pour le malaria qu'on devait prendre. Et je vais dans la chambre de mes parents, je savais qui était cette famille de spermeaux. Et je vois un des copains de mes frères qui était en train de se servir dans la caisse de ma mère. Et c'était une famille, ce jeune, ce gamin. était issu d'une famille qui habitait aussi le même endroit que nous. Son père était ouvrier de l'église, un homme à tout faire, très pauvre, avec beaucoup d'enfants. On rigolait beaucoup avec lui. Moi, je n'ai pas pu le dénoncer, je n'ai pas pu le dire. Je lui ai dit « m'en enfile » , et puis voilà, je ne dirai rien. Et ça, pour moi, ça a été une prise de conscience assez forte. Je l'ai gardé pour moi. Longtemps. Je crois que je ne l'ai jamais dit à mes parents.

  • Speaker #1

    Ça voulait dire que vous découvriez que vous étiez du côté des riches ?

  • Speaker #0

    Quelque part, oui. On avait un statut privilégié parce qu'on était Suisses. Les Suisses, on était quand même appréciés par la population africaine parce qu'on était vraiment très proches.

  • Speaker #1

    Par rapport au portugais, pardon, vous étiez appréciée par rapport au portugais qui était l'écolonisateur.

  • Speaker #0

    D'un autre côté, par rapport au portugais, moi je n'ai même pas essayé d'avoir des contacts ou des amis. Ça ne m'a jamais manqué. Je n'ai jamais cherché. Quand on est rentré, moi j'avais 13 ans. Ça a été difficile pour moi d'accepter de dire, ben voilà, je suis les parents, je peux comprendre parce qu'on a dû rentrer pour les études de mes frères d'abord, puis la mienne aussi. Disons que c'était une période tellement vivante et tellement riche, je me disais, on est comme une sorte d'abandon, avec cette période qui s'est ouverte ensuite à partir de 69, 69-74, 74 c'est l'indépendance, donc ça a été très dur aussi pour l'Église.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous perceviez à cette époque-là, encore au Mozambique, que vous étiez une protestante ? par rapport à un régime et un pouvoir et une société qui étaient largement catholiques.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Moi, j'ai... D'un côté, avec mes parents, on avait... Mes parents, mais mon père en particulier, n'étaient pas du tout bornés du point de vue religieux. Donc, dans ce livre, j'ai redécouvert... Les trésors de la Bible, les histoires bibliques, ça, on les commentait, on les racontait à notre façon, c'était vraiment très libre. On n'avait jamais d'obligation comme certains autres de faire un culte à la maison, non jamais. Par contre, enfin c'est pas par contre, j'ai suivi aussi l'école du dimanche et l'équivalent des cadets homo-zambiques. avec les Africains, quoi, avec les Africaines. Et ça, c'est... Oui, ça a été constitutif pour moi. Je ne me suis jamais posée... Quand j'étais au lycée à Maputo, je ne me sentais pas forcément à ma place. C'était compliqué.

  • Speaker #1

    Et est-ce que vous perceviez le fait qu'être missionnaire, enfin c'est peut-être comme ça qu'on le dit aujourd'hui, je ne sais pas si c'est à tort ou à raison, c'était apporter l'évangile ? Vous étiez des gens qui étiez porteurs de quelque chose que les partenaires africains étaient invités à recevoir. C'était captable pour vous à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors de nouveau, dans cette question-là, je ne vais pas nier le fait que l'évangile a été apporté par... en partie, je dirais, par les missionnaires suisses, ce n'est pas les seuls. D'une part l'Église catholique qui était majoritaire et qui avait des accords avec le gouvernement portugais. Il y avait beaucoup de missions étrangères, américaines, anglaises, etc. La particularité, je dirais, de la mission suisse, ça a été... d'une part d'assurer très vite la traduction des textes de la Bible dans les langues locales, donc pas le portugais, et ça a permis un accès quand même très vite à la population mozambicaine qui nous côtoyait de s'emparer de l'évangile, des textes de l'évangile. La mission suisse a aussi beaucoup favorisé le... Tout ce qui était formation, formation manuelle, les internats par exemple, on apprend à cultiver ou à cultiver d'autres choses. Il y a un mélange de... Je dirais que le travail social maintenant était très important avant l'indépendance. Au niveau des hôpitaux aussi, il y a des hôpitaux... ... Les stations en Prousse, les Portugais n'étaient pas tellement dans l'intérieur du pays. Donc pendant assez longtemps, une certaine liberté est construite pour les écoles. Et puis dans le mi-50, 55, 60, les Portugais se rendent compte que ça commence à chauffer au nord, qu'il y a une partie des Mozambiquains du sud. qui sortent du pays, qui vont se former ailleurs. Ils commencent à avoir peur des écoles non portugaises, parce que dans les écoles de la mission, ils parlaient leur langue, ils parlaient en enseignement en Tsonga. Et là, je ne sais plus exactement, mais je crois que c'est en 1952-1953, il y a une interdiction d'avoir des classes en langue locale. les conditions pour continuer ce travail scolaire devenait trop difficile. Et c'est là que les Suisses... et principalement des Jura qui sont issus de Jura-Bernois par exemple, ont l'idée de développer un système de cadets pour contourner cette interdiction. Et là, ça flambe, parce que les enfants viennent, filles et garçons, séparément, parce que c'est le système local. Mais ils y apprennent aussi les rudiments de la démocratie, comment gérer son propre groupe, les travaux manuels. Il y a plein de choses qui se passent dans ces groupes, y compris les textes bibliques qui sont plutôt libérateurs parce qu'on les lit, on les entend. Et du reste, Edouard de Mandelanne y fera référence ensuite. J'ai appris la démocratie dans ces... dans ces mintlawa qui étaient vraiment issus de cette philosophie du Kadeo, cette méthodologie. C'est la particularité un petit peu de cette mission suisse qui a donné aussi très vite l'indépendance à l'Église par rapport au pays en 1963-1965. Ce qui fait qu'aussi, juste avant l'indépendance, Cette église a été martyrisée vraiment par le régime salazariste. Elle est emprisonnée. Le président de l'église, Manganielle, a été assassiné en prison. Ensuite, ils ont essayé de cacher ça en disant qu'il s'était suicidé. Non, ça a été très difficile. Et au moment de la libération de l'indépendance... Toute cette histoire a créé de très forts liens entre le Parti au pouvoir et l'Église, qui a ouvert aussi une autre histoire ensuite à développement.

  • Speaker #1

    Alors, une autre histoire, on va suivre la vôtre, puisque c'est votre mémoire vive, Michel, qu'on déploie aujourd'hui. Après, on ne peut pas dire le retour, parce que ce n'est pas un retour. Vous découvrez Lausanne, vous avez dit 13, 14 ans, et puis on fait un peu vite, mais c'est aussi le moment d'une prise de conscience politique ou d'une traduction de votre sens de la justice ou de l'injustice dans le contexte suisse.

  • Speaker #0

    Pour moi, le choc culturel, il est total. Quand j'arrive à Lausanne, je tombe à l'école de... de l'Élysée, qui était une école en pilote pour les réformes. Alors, quelque part, c'était aussi une grande chance de tester nos capacités à résister. Et là, c'est vrai qu'après une période quand même de dépression, vraiment, je ne me sentais pas bien et pas à ma place. comprendre un petit peu les codes qui étaient les codes des enfants, des adeptes de cette époque-là. Après, je suis devenue une peu meneuse dans ma classe. On a pu organiser des feuilles blanches, des mouvements de protestation. C'était aussi à cette époque-là qu'il y a eu le début des mouvements de jeunes avec l'occupation des... des cinémas. Et là, c'était vraiment une période assez turbulente à Lausanne.

  • Speaker #1

    C'était Lausanne-Bouges, c'est les débuts de Lausanne-Bouges ? Avant Lausanne-Bouges, oui.

  • Speaker #0

    Et ensuite, il y a eu aussi dans les années 73, tout le mouvement aussi, il y avait le mouvement anti-apartheid bien sûr, mais il y avait aussi des groupes qui soutenaient la décolonisation. On avait organisé une grande manif à Beaulieu lors de l'avenue du Portugal en septembre. J'ai retrouvé des archives sur l'Internet. C'était impressionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous apparaissait cette Suisse que vous découvriez à ce moment-là ? Qu'est-ce qu'on peut dire ? Bourgeoise, alignée, obéissante ?

  • Speaker #0

    Oui. Tout ça ! Ah oui, non, mais nous, on venait quand même d'un pays où on n'avait pas beaucoup de choses, on avait ce qu'il fallait, on mangeait bien, on avait des vacances. Non, non, je ne me suis jamais sentie déshéritée ou quoi que ce soit. Mais l'asthysme de cette époque-là, et puis surtout moi, ce qui m'a beaucoup frappée, c'était un peu l'immobilisme. Et puis les structures claniques, un peu les petits groupes. On ne sort pas, il faut être dans un groupe pour pouvoir exister. Et c'est sûr que moi, je me suis assez vite rejointe dans tout ce qui était anti-autoritaire. Du reste, là, il y a un article sur... J'ai été au gymnase de la Cité. Dans les années 73-74, on a eu M. Rapp, notre directeur, qui est sorti avec un fouet. J'ai retrouvé un article que ma mère a gardé de l'année précédente. Voilà, M. Rapp rappelle. qu'il y a un certain nombre de valeurs qu'il faut transmettre à ses élèves et que malheureusement, ils sont paresseux, ils ne se lèvent plus, ils n'étudient plus. J'ai retrouvé exactement ça. Donc, on avait... On n'osait pas. On nous disait qu'il ne faut pas. Alors que nous, on était une équipe... On tricotait pendant les leçons. on ne venait pas si ce n'était pas nécessaire, donc on allait boire des verres de lait au bistrot. C'était le... comment dire... Je peux comprendre que ça leur posait des problèmes de discipline, disons. On était assez indisciplinés dans cette époque-là, au gymnase par exemple. Mais, alors c'est sûr que... En allant plus loin dans ma réflexion politique, assez vite, j'ai beaucoup critiqué aussi une certaine vision du christianisme. Donc là, avec mon père, j'ai beaucoup dialogué à la recherche de comprendre pourquoi est-ce que justement ils étaient partis. Moi, la notion de... D'aller diffuser l'évangile pour moi était compliqué, parce que c'était... Je me disais, mais quelle idée ! Et... Ça a donné des dialogues très intéressants aussi, et mon père aussi a beaucoup bougé, ma mère... Ma mère était moins... moins partante dans ce type de discussion. Mais... Ensuite, ben voilà, je me suis beaucoup engagée, que ce soit dans les mouvements sociaux de l'époque. des jeunes. Je suis partie à l'âge de 18 ans de la maison pour être autonome, parce que je pensais que je voulais être autonome financièrement. J'avais deux frères qui faisaient la médecine, mais je ne voulais pas ça. Donc je suis partie et là, dans cette époque-là, je me suis engagée en politique aussi dans les mouvements de l'époque.

  • Speaker #1

    C'était bien vu, mal vu, enfin bien vu par certains j'imagine, mais surtout mal vu par d'autres ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'était l'extrême gauche disons, donc on travaillait en petits groupes, ce n'était pas des grands groupes, on distribuait des tracts, on allait, on écrivait, on réfléchissait, on faisait le monde.

  • Speaker #1

    Vous rêviez de quel monde à ce moment-là ? Dans vos groupes maoïstes, on peut employer le terme, parce que ça fait partie de l'héritage. C'était quoi ? C'était un monde aussi de l'évangile, mais sans l'évangile.

  • Speaker #0

    C'était un monde où justement, on voyait nettement l'impérialisme à son paroxysme, quand même, déjà. En tout cas, on n'était pas encore dans le néo-impérialisme. C'était la période des guerres de l'Indochine puis du Vietnam. Il y avait ces fins de colonisation dans des situations d'exploitation absolument incroyables. J'entends ce que les colonisés ont vécu. J'entends dans... Si on va dans le détail, c'est vraiment dur. Très dur. Alors comment, pour moi, un monde meilleur, ce serait déjà de réparer ces injustices ? Et on croyait beaucoup à l'avenir de la Chine. Je rigole, Mao disait que dans quelques années, les soviétiques seront beaucoup plus faibles, et puis ce sera les américains. Il avait toute une stratégie à monter les pays du sud, d'être aux côtés des pays du sud pour pouvoir balancer les deux forces. Ça ne s'est pas passé vraiment comme ça. de temps en temps je me dis, je cherche une petite pensée pour ça, je me dis mais où va-t-on aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Michel Meurier-Genoux, il y a un domaine qu'il nous faut aborder, qu'on n'a pas abordé au fond comme ça jusqu'à présent. J'ai envie de parler de cet objet pour y arriver. D'abord peut-être un mot sur cet objet parce qu'il est vraiment très énigmatique. Pour ceux qui nous regardent, ce n'est pas collé, c'est posé en équilibre.

  • Speaker #0

    C'est vraiment posé. C'est un socle en bois, un bois d'ébène. L'oiseau a deux pics de fer. C'est vraiment du fer un peu bosselé. Et puis avec ces deux contrepoids, l'oiseau se tient sur la pointe, sur sa pointe. la plus pointue finalement. Alors, c'est un héritage de mes parents. Je pense qu'il vient du Mozambique.

  • Speaker #1

    Mais vous n'en êtes pas sûre. On ne veut pas le savoir. Alors, moi, il me fait penser à un élément de votre parcours. C'est l'équilibre homme-femme, la question du genre. Parce que c'est quelque chose qui a pris beaucoup d'importance. Et au fond, là, c'est un équilibre très stable. C'est peut-être une vision idéalisée. Dans la réalité, c'est moins stable que ça. Vous, en tout cas, vous avez essayé de faire pencher la balance du côté d'une meilleure prise en compte du genre, au fond, toutes les années qui ont suivi.

  • Speaker #0

    Dans ma vie, oui. En fait, je me suis rendu compte que ça remontait bien plus loin. Mais effectivement, à partir des années 2000, 2001, je pense, J'ai, entre autres, été chargée des questions femmes et développement à l'époque, au départ. Parce que le mouvement de réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes a débuté dans nos églises en 92, 93. Et on avait, à pain pour le prochain, un poste alémanique et ensuite une... petite partie d'un poste pour les romans. Et ma collègue qui l'avait pris, Nathalie Hachaud, ensuite me l'a transmis. C'était un 20%. J'étais au service des trois œuvres romandes, Paul Ausha, DM et Les Pères.

  • Speaker #1

    Pour la question précise, des femmes.

  • Speaker #0

    Oui. L'objectif, c'était vraiment de... de s'assurer que dans les projets soutenus par nos œuvres, il n'y ait pas de situation où les femmes soient déshéritées ou qui auraient des retombées négatives sur leur vie, par les projets que l'on soutient. Ce qui, jusque-là, n'était pas du tout analysé. Il y a un mouvement mondial qui se développe dans les années 90. pour mettre cette question à l'agenda. Et ensuite, il y a tout un tas de développements qui vont se faire. Et moi, j'ai pu y rester pendant 16 ans, dans ce poste, jusqu'à ma retraite. Et je peux dire que là, d'une part, j'ai pu faire des visites. Donc, vous avez montré une photo là, au tout début. Oui, voilà. C'était une visite dans... Le nouveau projet de santé en Afrique du Sud développé par des care groups est dans une approche de santé basée sur la communauté et pas basée forcément sur les hôpitaux qui a du reste donné matière à vraiment une synthétisation, une méthodisation des... des pratiques de cette approche qui ont été vraiment diffusées au niveau international dans le monde de la santé. Et là, j'ai été visiter, j'avais une visite d'évaluation. à ce projet, une fois. Et comme je parlais la langue, entre ma sortie du Mozambique et cette époque-là, en 2000, j'ai aussi travaillé au Lesotho, mon amnesty était envoyé au Lesotho, ensuite au Kenya. J'ai toujours eu une approche sur la question des femmes dans les pays africains. dans lesquels j'ai vécu.

  • Speaker #1

    Ça rencontrait de la résistance et de quelle nature cette approche ?

  • Speaker #0

    Alors tout d'abord, on tombait des nues. Franchement, moi j'ai eu l'impression de prêcher dans le désert pendant longtemps. Donc c'était pénible.

  • Speaker #1

    Par exemple, on ne vous recevait pas ou vous disiez que vous étiez à côté de la plaque ?

  • Speaker #0

    Non, on nous laissait, on a fait pas mal d'articles. pas mal de témoignages. Alors sur place, moi j'ai toujours découvert la plupart du temps, les K-groups par exemple, c'est un magnifique projet où on voit des femmes à l'œuvre et qui défient leur société, c'est une société d'apartheid dans les régions les plus dures de l'apartheid. Dans d'autres pays aussi, j'ai découvert des femmes qui n'étaient pas les bras valants, j'entends, qui ont vraiment... pris en main leur destin, puis qu'ils le disaient, au moment du sida, du sida où on n'avait pas du tout de médicaments, c'était l'hécatombe en Afrique australe. C'était des témoignages poignants. Pourtant, des pousses, c'est vraiment des actions fortes pour résister localement. vraiment à la base, dans les familles. Moi, c'est forte de cette force-là que je pouvais recevoir de ces femmes, que j'en venais. Alors, dans nos œuvres, ça met du temps, mais c'est venu pour finir. Là, maintenant, je suis très contente. Par exemple, ADM, une super... une prise en compte de ces questions-là, de A à Z. C'est parfait. Dans ce poste-là, je me suis vue dans les dernières années un peu comme le Jiminy Cricket. Vous faites quelque chose, mais je venais par derrière en disant « Mais tu as pensé à ça ? Est-ce que tu as pensé à l'équilibre ? Est-ce que tu es sûre que ce que vous faites là n'est pas en train de déshériter ? » Ça pourrait être aussi les amas dans certains contextes. Et quand j'ai arrêté, j'ai eu presque une année pour se mettre et boucler ce poste. Ce poste n'existe plus, mais il a été repris dans les différents secteurs d'activités, d'organisations. J'étais contente parce que finalement, les graines ont pris. Ensuite, il y a eu surtout le mouvement MeToo qui a fait que partout... Même dans nos églises, on n'a plus pu fermer les yeux.

  • Speaker #1

    Dans les églises du Sud, vous parliez des femmes dans les groupes de chœurs, mais dans les églises, est-ce que la situation des femmes dans les églises du Sud que vous connaissez, ça a évolué aussi vite et aussi bien ?

  • Speaker #0

    C'est plus complexe. Dans les églises que je connais, les mouvements de femmes sont très forts. Ils étaient très forts. J'ai aussi constaté qu'à certains moments, on pouvait aussi devenir des foyers de maintien d'une tradition qui pénalise.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du Sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes qui restaient en... à la maison, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec des femmes en Afrique du Sud et donc susceptibles de ramener le sida qui flambait, vraiment flambait. Les femmes de certaines... paroisses, j'ai eu ça comme témoignage, ont été obligés par le pasteur. montrer qu'elles étaient prêtes à recevoir leur mari et de façon très... comment dire... il fallait vraiment montrer que, parce qu'il y a des rituels, qu'on était préparés à faire l'amour avec son conjoint et ça c'était l'église et le pasteur qui enjoignaient les femmes.

  • Speaker #1

    C'est le devoir conjugal à la sauce tradie quoi.

  • Speaker #0

    En protection. Donc... Ce qui a été très fort dans les années 80, les mouvements de femmes, et je pense que dans beaucoup d'églises d'Afrique, a permis vraiment un mouvement d'émancipation des femmes. Ça a aussi tourné parfois à quelque chose qu'il faut oser critiquer. Mais les femmes en Afrique, dans les églises, sont très fortes, continuent à être très fortes. Mais voilà, c'est encore tout un autre chapitre, parce que l'évolution des églises en Afrique, dans les années 80, 90, 2000, ce n'est pas toujours évident.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas ce que vous imaginez.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on a vécu aussi au Lesotho, et on a été envoyés par des hommes. Dans les années 84, 88... On avait une direction d'église qui était inféodée au régime en place et qui soutenait l'Afrique du Sud, donc en plein appartement. Et on avait également une France de nouveaux pasteurs, de jeunes pasteurs qui se rebellent. Donc, quand nous, on est arrivés dans cette situation-là, bien sûr, on a tout de suite senti où était notre place plus tôt. Et ça donne ces histoires d'églises où il y a une jeune frange qui essaye de faire avancer et puis qui systématiquement est remise à sa place militairement. Oui, les soutos c'était terrible, les opposants les liquidaient.

  • Speaker #1

    Y compris dans les églises ?

  • Speaker #0

    Oui. Et c'était... Donc de voir ça, j'ai dit non, les églises n'ont pas toujours eu un rôle prophétique. Il y a aussi une époque où ils deviennent un atout du pouvoir. La politique et la religion sont très fortement ancrées dans certaines régions. nouvelles églises aussi qui supportent les différents... Voilà, mais c'est aux Africaines, aux Africains d'en parler. Moi, je vois ça de loin, mais ça peut être assez dur.

  • Speaker #1

    On termine, Michel-Maurice Gnoux, merci pour le laisse-autour, on en a peu parlé, mais c'est vrai que c'est tout un chapitre aussi de votre vie, ce n'est pas le premier, mais ce n'est pas le moins pertinent. On va terminer avec cet objet qui est là. Tout coloré, donc ça me rassure un peu parce qu'au fond ce que vous nous transmettez est quand même relativement dur, même s'il y a beaucoup de zones de lumière, mais il faut le dire à ceux qui nous regardent, c'est vous qui l'avez dessiné.

  • Speaker #0

    Oui, c'est encore elle. À la retraite, je me suis remise à certaines activités que je faisais épisodiquement. Et grâce à Eliane Meunier, qui est également mariée avec Nicolas Meunier.

  • Speaker #1

    C'est la même culture, c'est le Mozambique.

  • Speaker #0

    C'est aussi le Mozambique. J'ai participé au voyage vraiment innovant d'acquarelliste au Mexique, avec Diem, en 2022. Voilà, ça c'est une des pages que j'ai réalisées, avec un poème d'un poète mexicain que j'aime beaucoup.

  • Speaker #1

    Donc, deux nouvelles pages à écrire pour les années qui restent. Merci beaucoup de nous avoir partagé votre mémoire, quelques bouts, disons, quelques bouts de votre mémoire vive. Bonne suite de dessins et de voyages. Merci. Sur la fiche de description, vous trouverez tous les détails nécessaires et bien sûr, le résumé de cet entretien. Si vous voulez suivre d'autres épisodes, si vous appréciez ces interviews, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur... toutes les plateformes de streaming, les réseaux sociaux et bien sûr le site reformez.ch. Merci, au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ : Michèle Morier-Genoud

    00:45

  • Le Mozambique sous la COLONISATION

    01:15

  • Une éducation CENTRÉE sur le Portugal

    05:45

  • Les liens AMICAUX à l’internat

    08:37

  • Il meurt ASSASSINÉ

    12:51

  • Objet de l’invitée : Le MÉMOIRE de ma mère

    14:54

  • Son STATUT de fille de missionnaire

    16:39

  • On était PORTEURS de l’évangile

    20:17

  • Je découvrais Lausanne et j’étais CHOQUÉE

    26:59

  • Il fallait réparer les INJUSTICES

    33:11

  • Objet de l’invitée : Un oiseau en équilibre

    35:25

  • L’égalité HOMME / FEMME

    36:28

  • Les femmes dans les églises du sud

    43:18

  • Objet de l’invitée : DESSIN et poème

    48:05

  • Mots de FIN

    49:16

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Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Michèle Morier-Genoud, engagée de longue date dans la coopération et le développement en Afrique et témoin de mouvements sociaux.


Depuis son enfance dans une famille missionnaire au Mozambique jusqu’à son engagement dans les Églises en Suisse, cet épisode explore les questions de mémoire, de justice sociale et de rapports de genre dans un contexte postcolonial.


Michèle Morier-Genoud partage une parole lucide et incarnée sur les résistances africaines, le rôle ambivalent des missions chrétiennes, et les combats pour l’émancipation des femmes. Un récit mêlant souvenirs intimes, luttes collectives et quête d’équilibre.

 

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec les femmes en Afrique du Sud, et donc, susceptibles de ramener le sida qui flambait. Il fallait vraiment montrer. parce qu'il y a des rituels qu'on était préparés à faire. L'amour avec son conjoint. Et ça, c'était l'Église et le pasteur qui enjoignaient les femmes. Mémoire vive,

  • Speaker #1

    un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch Colonisation, décolonisation, les relations entre l'Europe et l'Afrique sont toujours au cœur de l'actualité. L'invité de Mémoire vive a joué un rôle, a été un acteur au cœur de ses anges. Enfant de missionnaire protestant, né au Mozambique... un pays colonisé par le Portugal, largement catholique. Elle n'a pas eu durant son enfance des amis autres que Mozambiquais. Par contre, elle a subi la surveillance de la fameuse police politique d'alors, la PID. Écoutez le témoignage de Michel Morier-Jeune. La mémoire vive, ce sont aussi des photos, des albums, qui permettent de comprendre un temps révolu. Alors, question photo, on est servi, j'en ai une première à vous proposer là. C'est les années 2000.

  • Speaker #0

    Les années 2000.

  • Speaker #1

    Donc, on peut commencer le récit en disant que quand on vous voit ici devant une case africaine, c'est que c'est bien là où non seulement vous avez vécu, mais où vous êtes née.

  • Speaker #0

    Absolument, oui. Alors là, il s'agit d'un village en Afrique du Sud, mais à quelques centaines de kilomètres du lieu où je suis née, au Mozambique, à Shekoumbane, qui est à 150 kilomètres de Maputo.

  • Speaker #1

    Vous êtes une Africaine ?

  • Speaker #0

    J'ai un pied africain et un pied suisse.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous pouvez nous raconter de cette Afrique dans laquelle, pas quand vous êtes née parce que c'est difficile de s'en souvenir, mais assez rapidement il doit vous rester des souvenirs, c'était comment ce Mozambique sous colonisation portugaise arde, on peut dire ?

  • Speaker #0

    Alors, moi les souvenirs, les premiers souvenirs, disons, mes propres souvenirs, se situe autour des années 60-63 et nous habitions à ce moment-là à l'orée de la capitale on était vraiment à la frontière entre la partie portugaise de la capitale et le bairro do Canis, c'était la cité des roseaux comme on l'appelait les quartiers africains mozambiquain. Et c'était une période vraiment où on commençait à sentir beaucoup de tensions, une tension du régime portugais qui commençait à avoir peur de la rébellion dans le nord du pays, donc à plus de 2000 km de là, et qui tenait fermement le sud. Les Portugais n'ont jamais vraiment beaucoup envahi le nord. le pays et ils avaient peur, ils avaient vraiment peur de ce mouvement qui se créait dans le nord, le Front de Libération du Mozambique, d'autant plus quand les différents mouvements se sont unis sous le terme de Frélimont.

  • Speaker #1

    La vie à ce moment-là, sous domination portugaise, c'était comment ?

  • Speaker #0

    Alors, Simplement, les Africains vivaient dans le quartier des roseaux, dans des huttes construites à base de carton, ce qu'on peut voir avec des roseaux, avec vraiment du gros bricolage, avec ce qu'ils pouvaient trouver comme matériel. Ensuite, la ville portugaise était une ville occidentalisée. On manquait de rien, mais c'était disons... Voilà, à cette époque-là, on n'avait pas encore de grands magasins ou de choses comme ça. On allait à l'école. Alors, nous, en tant qu'enfants, moi, je suis la troisième d'une fratrie de quatre. J'allais à l'école portugaise, mes frères également. Et c'était une école qui était pour les filles, donc pas très loin de la maison, je dirais. Et jusqu'à la quatrième année, on était dans des classes plus ou moins mixtes, où il y avait, vu qu'on était à la périphérie, disons, de la ville portugaise, il y avait quand même des Mozambiquaines qui venaient. Ensuite, quand j'étais au lycée, alors là, c'était fini. On en avait peut-être eu une, même, je n'ai pas souvenir d'avoir eu des amis au lycée africain.

  • Speaker #1

    Vous n'étiez que des Blancs, en fait, au lycée ?

  • Speaker #0

    Au lycée, oui. À partir du lycée, c'était pratiquement impossible pour les filles. Et en plus, modernes, bicanes, c'était difficile.

  • Speaker #1

    Quel type d'éducation vous donnait à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors bon, c'était une éducation frontale basée sur l'histoire portugaise. On apprenait la suite des rois qui ont jonché toute l'histoire portugaise. Jamais on n'a eu quelque chose sur le Mozambique. Je connaissais par cœur toute l'économie du Portugal, qu'est-ce qu'ils produisaient. mais pas un mot sur ce que le Mozambique produit. C'était vraiment centré sur le Portugal. On allait à la Moussidade portugaise, c'était les jeunesses salazaristes. Tout le monde était obligé d'y aller le samedi matin, blanc, noir, tout le monde. On faisait nos exercices, on apprenait à parader, à rester en ligne. Quand il y avait des visites, par exemple, des gouverneurs, des ministres portugais qui venaient visiter leur colonie, je me souviens avoir fait tout en... On est restés planter un four pendant toute une matinée à attendre que monsieur arrive. On était au soleil et tout, c'était... Oui, on nous laissait assis.

  • Speaker #1

    Et vous n'aviez pas le choix ?

  • Speaker #0

    On n'avait pas le choix.

  • Speaker #1

    Vous apprenez des chansons aussi ? Il y a des mots qui vous reviennent ? Ou bien vous avez tout éliminé avec le temps ?

  • Speaker #0

    Non, on connaissait bien sûr l'hymne national, puisqu'on devait régulièrement monter le drapeau.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez de l'hymne national un peu ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense. Je ne peux pas le chanter comme ça, mais ce n'est pas un exercice que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Éducation très rigoureuse, très disciplinaire aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, disciplinaire, avec vraiment des coups de bâton, des coups de règles. C'était physiquement assez violent.

  • Speaker #1

    Alors, tout en portugais, mais évidemment, ce n'est pas la langue du pays. Il y en a d'autres que vous allez apprendre ou que vos parents, eux, maîtrisent déjà ?

  • Speaker #0

    Alors, mes parents l'ont apprise, le Rangal, le Tsonga. Nous, on a baigné dedans, donc on le savait mieux que le français.

  • Speaker #1

    Mieux que le français ?

  • Speaker #0

    Mieux que le français, et on se moquait beaucoup de nos parents. Mais je ne l'ai jamais appris ensuite, donc c'est vraiment une langue apprise, vivante, comme ça. Ça a été difficile de la lire, c'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez pu alors établir des liens avec des... copines, enfin, ou des femmes africaines. Ça s'est fait comment ? Puis ce n'était pas dans le cadre du lycée, ça s'est fait après, plus tard, autrement ?

  • Speaker #0

    Alors, ma mère était... Moi, j'étais beaucoup avec ma mère, et surtout avec les filles, les jeunes femmes qui venaient, qui habitaient chez nous, mais qui venaient aussi à l'internat, qui avaient juste à côté de notre maison. Quand on habitait dans une... Une propriété, à l'époque, c'était encore la mission suisse. C'est une immense propriété, je ne savais pas combien d'hectares, avec l'une des églises principales de l'église. Donc, il y avait beaucoup de monde qui passait. Moi, j'avais des amis qui étaient à l'internat. Je me suis fait des amis là. Et j'avais aussi bien des contacts avec les filles qui venaient. qui travaillait chez nous pour une demi-journée et qui allait à l'école pour l'autre demi-journée. Les parents avaient demandé à ce qu'elle puisse aussi suivre l'école. Et à partir d'un certain degré, il n'y avait que sur la capitale que c'était possible. Donc là, moi j'ai eu beaucoup d'amis et j'ai encore une amie qui... qui a été dans cette époque-là chez nous.

  • Speaker #1

    Des complicités qui pouvaient générer aussi des formes de liberté, enfin on trichait un peu, on sortait un peu des sentiers battus ou des obligations imposées par à la fois la culture, le régime politique. On pouvait tricher, autrement dit ?

  • Speaker #0

    Moi, quand j'étais petite, mes parents pour cela, ils étaient très... Comment dire ? Il me laissait très libre dans le cadre de cette région-là, disons. Je sortais peu, je sortais pratiquement pas de ce cadre-là. Moi, je passais mes journées quand je pouvais avec les filles bien d'à côté qui faisaient leur cuisine africaine. Moi, c'était un grand plaisir d'aller cuisiner et d'aller barboter un peu. les fesses de riz que je trouvais bien meilleures que ce qu'on mange chez nous. J'allais prendre des douches avec elle, ce qui m'a valu une réprimande salée de l'institutrice en charge de l'internat. Quand elle m'a vue prendre la douche avec mes amies africaines, elle était... Elle était pas contente.

  • Speaker #1

    Pourquoi au fond ? Parce que vous ne deviez pas vous mélanger pour ce type d'activité ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y avait quand même, je pense, une forme de racisme. Ce n'est pas une forme. Un racisme blanc et noir ne se mélangent pas. Les missionnaires suisses étaient quand même assez dans cette attitude-là. Et puis cette proximité, elle est toute nue. C'était quelque chose qui... Par exemple, aussi inviter un pasteur ou une femme africaine. Ma mère faisait beaucoup de tricots avec les femmes, elle était grosse. Beaucoup de monde à la maison, dehors, mais dedans aussi. Les pasteurs pouvaient entrer chez nous, c'est-à-dire sans problème. Ça n'était pas la pratique des autres. Le directeur d'école, le fameux monsieur Claire, qu'on respectait beaucoup parce qu'on en avait très peur. ne permettait pas qu'un seul Mozambiqueur entre dans sa maison. Et pourtant, ça a été quelqu'un qui a parrainé Edouard Ndondlan, qui est devenu le président du Front de Libération. Donc, c'est grâce à lui qu'il a pu partir et suivre ses études, grâce à l'EPER, au Portugal et ensuite en Amérique.

  • Speaker #1

    M. Mondlane, puisque vous en parlez, c'est quand même un personnage extrêmement important dans l'histoire du Mozambique, mais dans votre histoire à vous aussi.

  • Speaker #0

    Dans mon histoire, oui.

  • Speaker #1

    Familiale à tous les deux.

  • Speaker #0

    Familiale, mes parents l'ont connu. Ils ont connu le couple et surtout lui quand il était au Portugal. Donc, eux étaient en train de se préparer dans les années 50, donc apprendre le portugais. Ils ont appris aussi les rudiments du Tsonga avec lui. Et ensuite, ils se sont revus au Mozambique en 1963, quand M. Mondlan est revenu pour l'ONU. Il était chargé pour l'Afrique de l'ONU, donc il a fait une visite officielle. Et ensuite, quelques mois après... Il était dans le Nord à déclarer la rébellion, la guerre de l'indépendance.

  • Speaker #1

    La guerre de l'indépendance, il en était un des instigateurs au fond.

  • Speaker #0

    Oui, c'était le principal. Il a réussi à réunir les principaux mouvements de libération en un seul et à démarrer la guerre, vraiment la guérilla.

  • Speaker #1

    Et il meurt assassiné quelques années plus tard.

  • Speaker #0

    Il sera assassiné à Dar es Salaam quelques années plus tard. Alors quand il est venu au Mozambique en 1963, il a été notamment piloté par mon père. Et donc là, ça a été aussi une prise de conscience pour nous, les enfants, de voir qu'on était surveillés par la PIDE, qui était la police politique du Portugais.

  • Speaker #1

    La PIDE, c'est-à-dire ? C'est l'abréviation de ?

  • Speaker #0

    Le Policia... Enfin, c'est la police politique. La police politique. Là, j'aurais dû réfléchir avant.

  • Speaker #1

    C'est pas très important. De cette période, vous avez ramené un objet qui est très touchant, qui est ici. Alors, on voit une belle photo de vous, voilà, 3 ans, 1959. Et puis, probablement une petite feuille de calcul où on vous apprenait. Ça, c'est votre frère, d'accord. Bon, il savait additionner, manifestement. Ça, c'est la mémoire de votre mère. C'est une sorte de mémoire au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, elle a vraiment enregistré tous nos gestes, nos progrès, nos bêtises, nos mots. On mélangeait deux langues, donc le français et le tsonga. Donc, il y a des mots, des phrases. Il y a les retours aussi en Suisse. Il y a, par exemple, les articles. que mon grand-père paternel écrivait dans le journal de Châteaudet et qui raconte des choses qu'il trouvait magnifiques et qui sont vraiment assez, comment dire, des histoires de découvertes de l'autre interculturelles comme on en a connu un peu plus tard. Ce type de... enfin je dirais quand on a parlé de choc culturel par exemple. Mon grand-père était très sensible à ce qu'il entendait ou ce qu'on écrivait, parce que mes parents écrivaient une fois par semaine, aux deux côtés, famille paternelle et maternelle.

  • Speaker #1

    Alors Michel Moriégeloup, j'aimerais qu'on parle, mais c'est peut-être difficile, on va essayer, du statut de missionnaire. Là on a parlé un peu du pays. de sa complexité, de la colonisation. C'était quoi être missionnaire ? Vous étiez fille de missionnaire, peut-être pas missionnaire vous-même au fond, c'était quoi être fille de missionnaire ? C'était un statut compliqué à endosser ?

  • Speaker #0

    Sur place, quand j'ai commencé à prendre conscience des différences qu'il y avait entre moi, les copains noirs mozambiquains, les copines, J'ai fait une expérience de ma vie qui est restée ensuite dans ma mémoire. Je devais avoir 8-9 ans. Dans cette maison que nous habitions à Maputo, tout le monde pouvait entrer. On ne fermait pas, on fermait peut-être le soir quand on allait dormir. Et pendant un soupe. Mes parents me demandent d'aller chercher la Rézoquin, la quinine pour le malaria qu'on devait prendre. Et je vais dans la chambre de mes parents, je savais qui était cette famille de spermeaux. Et je vois un des copains de mes frères qui était en train de se servir dans la caisse de ma mère. Et c'était une famille, ce jeune, ce gamin. était issu d'une famille qui habitait aussi le même endroit que nous. Son père était ouvrier de l'église, un homme à tout faire, très pauvre, avec beaucoup d'enfants. On rigolait beaucoup avec lui. Moi, je n'ai pas pu le dénoncer, je n'ai pas pu le dire. Je lui ai dit « m'en enfile » , et puis voilà, je ne dirai rien. Et ça, pour moi, ça a été une prise de conscience assez forte. Je l'ai gardé pour moi. Longtemps. Je crois que je ne l'ai jamais dit à mes parents.

  • Speaker #1

    Ça voulait dire que vous découvriez que vous étiez du côté des riches ?

  • Speaker #0

    Quelque part, oui. On avait un statut privilégié parce qu'on était Suisses. Les Suisses, on était quand même appréciés par la population africaine parce qu'on était vraiment très proches.

  • Speaker #1

    Par rapport au portugais, pardon, vous étiez appréciée par rapport au portugais qui était l'écolonisateur.

  • Speaker #0

    D'un autre côté, par rapport au portugais, moi je n'ai même pas essayé d'avoir des contacts ou des amis. Ça ne m'a jamais manqué. Je n'ai jamais cherché. Quand on est rentré, moi j'avais 13 ans. Ça a été difficile pour moi d'accepter de dire, ben voilà, je suis les parents, je peux comprendre parce qu'on a dû rentrer pour les études de mes frères d'abord, puis la mienne aussi. Disons que c'était une période tellement vivante et tellement riche, je me disais, on est comme une sorte d'abandon, avec cette période qui s'est ouverte ensuite à partir de 69, 69-74, 74 c'est l'indépendance, donc ça a été très dur aussi pour l'Église.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous perceviez à cette époque-là, encore au Mozambique, que vous étiez une protestante ? par rapport à un régime et un pouvoir et une société qui étaient largement catholiques.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Moi, j'ai... D'un côté, avec mes parents, on avait... Mes parents, mais mon père en particulier, n'étaient pas du tout bornés du point de vue religieux. Donc, dans ce livre, j'ai redécouvert... Les trésors de la Bible, les histoires bibliques, ça, on les commentait, on les racontait à notre façon, c'était vraiment très libre. On n'avait jamais d'obligation comme certains autres de faire un culte à la maison, non jamais. Par contre, enfin c'est pas par contre, j'ai suivi aussi l'école du dimanche et l'équivalent des cadets homo-zambiques. avec les Africains, quoi, avec les Africaines. Et ça, c'est... Oui, ça a été constitutif pour moi. Je ne me suis jamais posée... Quand j'étais au lycée à Maputo, je ne me sentais pas forcément à ma place. C'était compliqué.

  • Speaker #1

    Et est-ce que vous perceviez le fait qu'être missionnaire, enfin c'est peut-être comme ça qu'on le dit aujourd'hui, je ne sais pas si c'est à tort ou à raison, c'était apporter l'évangile ? Vous étiez des gens qui étiez porteurs de quelque chose que les partenaires africains étaient invités à recevoir. C'était captable pour vous à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors de nouveau, dans cette question-là, je ne vais pas nier le fait que l'évangile a été apporté par... en partie, je dirais, par les missionnaires suisses, ce n'est pas les seuls. D'une part l'Église catholique qui était majoritaire et qui avait des accords avec le gouvernement portugais. Il y avait beaucoup de missions étrangères, américaines, anglaises, etc. La particularité, je dirais, de la mission suisse, ça a été... d'une part d'assurer très vite la traduction des textes de la Bible dans les langues locales, donc pas le portugais, et ça a permis un accès quand même très vite à la population mozambicaine qui nous côtoyait de s'emparer de l'évangile, des textes de l'évangile. La mission suisse a aussi beaucoup favorisé le... Tout ce qui était formation, formation manuelle, les internats par exemple, on apprend à cultiver ou à cultiver d'autres choses. Il y a un mélange de... Je dirais que le travail social maintenant était très important avant l'indépendance. Au niveau des hôpitaux aussi, il y a des hôpitaux... ... Les stations en Prousse, les Portugais n'étaient pas tellement dans l'intérieur du pays. Donc pendant assez longtemps, une certaine liberté est construite pour les écoles. Et puis dans le mi-50, 55, 60, les Portugais se rendent compte que ça commence à chauffer au nord, qu'il y a une partie des Mozambiquains du sud. qui sortent du pays, qui vont se former ailleurs. Ils commencent à avoir peur des écoles non portugaises, parce que dans les écoles de la mission, ils parlaient leur langue, ils parlaient en enseignement en Tsonga. Et là, je ne sais plus exactement, mais je crois que c'est en 1952-1953, il y a une interdiction d'avoir des classes en langue locale. les conditions pour continuer ce travail scolaire devenait trop difficile. Et c'est là que les Suisses... et principalement des Jura qui sont issus de Jura-Bernois par exemple, ont l'idée de développer un système de cadets pour contourner cette interdiction. Et là, ça flambe, parce que les enfants viennent, filles et garçons, séparément, parce que c'est le système local. Mais ils y apprennent aussi les rudiments de la démocratie, comment gérer son propre groupe, les travaux manuels. Il y a plein de choses qui se passent dans ces groupes, y compris les textes bibliques qui sont plutôt libérateurs parce qu'on les lit, on les entend. Et du reste, Edouard de Mandelanne y fera référence ensuite. J'ai appris la démocratie dans ces... dans ces mintlawa qui étaient vraiment issus de cette philosophie du Kadeo, cette méthodologie. C'est la particularité un petit peu de cette mission suisse qui a donné aussi très vite l'indépendance à l'Église par rapport au pays en 1963-1965. Ce qui fait qu'aussi, juste avant l'indépendance, Cette église a été martyrisée vraiment par le régime salazariste. Elle est emprisonnée. Le président de l'église, Manganielle, a été assassiné en prison. Ensuite, ils ont essayé de cacher ça en disant qu'il s'était suicidé. Non, ça a été très difficile. Et au moment de la libération de l'indépendance... Toute cette histoire a créé de très forts liens entre le Parti au pouvoir et l'Église, qui a ouvert aussi une autre histoire ensuite à développement.

  • Speaker #1

    Alors, une autre histoire, on va suivre la vôtre, puisque c'est votre mémoire vive, Michel, qu'on déploie aujourd'hui. Après, on ne peut pas dire le retour, parce que ce n'est pas un retour. Vous découvrez Lausanne, vous avez dit 13, 14 ans, et puis on fait un peu vite, mais c'est aussi le moment d'une prise de conscience politique ou d'une traduction de votre sens de la justice ou de l'injustice dans le contexte suisse.

  • Speaker #0

    Pour moi, le choc culturel, il est total. Quand j'arrive à Lausanne, je tombe à l'école de... de l'Élysée, qui était une école en pilote pour les réformes. Alors, quelque part, c'était aussi une grande chance de tester nos capacités à résister. Et là, c'est vrai qu'après une période quand même de dépression, vraiment, je ne me sentais pas bien et pas à ma place. comprendre un petit peu les codes qui étaient les codes des enfants, des adeptes de cette époque-là. Après, je suis devenue une peu meneuse dans ma classe. On a pu organiser des feuilles blanches, des mouvements de protestation. C'était aussi à cette époque-là qu'il y a eu le début des mouvements de jeunes avec l'occupation des... des cinémas. Et là, c'était vraiment une période assez turbulente à Lausanne.

  • Speaker #1

    C'était Lausanne-Bouges, c'est les débuts de Lausanne-Bouges ? Avant Lausanne-Bouges, oui.

  • Speaker #0

    Et ensuite, il y a eu aussi dans les années 73, tout le mouvement aussi, il y avait le mouvement anti-apartheid bien sûr, mais il y avait aussi des groupes qui soutenaient la décolonisation. On avait organisé une grande manif à Beaulieu lors de l'avenue du Portugal en septembre. J'ai retrouvé des archives sur l'Internet. C'était impressionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous apparaissait cette Suisse que vous découvriez à ce moment-là ? Qu'est-ce qu'on peut dire ? Bourgeoise, alignée, obéissante ?

  • Speaker #0

    Oui. Tout ça ! Ah oui, non, mais nous, on venait quand même d'un pays où on n'avait pas beaucoup de choses, on avait ce qu'il fallait, on mangeait bien, on avait des vacances. Non, non, je ne me suis jamais sentie déshéritée ou quoi que ce soit. Mais l'asthysme de cette époque-là, et puis surtout moi, ce qui m'a beaucoup frappée, c'était un peu l'immobilisme. Et puis les structures claniques, un peu les petits groupes. On ne sort pas, il faut être dans un groupe pour pouvoir exister. Et c'est sûr que moi, je me suis assez vite rejointe dans tout ce qui était anti-autoritaire. Du reste, là, il y a un article sur... J'ai été au gymnase de la Cité. Dans les années 73-74, on a eu M. Rapp, notre directeur, qui est sorti avec un fouet. J'ai retrouvé un article que ma mère a gardé de l'année précédente. Voilà, M. Rapp rappelle. qu'il y a un certain nombre de valeurs qu'il faut transmettre à ses élèves et que malheureusement, ils sont paresseux, ils ne se lèvent plus, ils n'étudient plus. J'ai retrouvé exactement ça. Donc, on avait... On n'osait pas. On nous disait qu'il ne faut pas. Alors que nous, on était une équipe... On tricotait pendant les leçons. on ne venait pas si ce n'était pas nécessaire, donc on allait boire des verres de lait au bistrot. C'était le... comment dire... Je peux comprendre que ça leur posait des problèmes de discipline, disons. On était assez indisciplinés dans cette époque-là, au gymnase par exemple. Mais, alors c'est sûr que... En allant plus loin dans ma réflexion politique, assez vite, j'ai beaucoup critiqué aussi une certaine vision du christianisme. Donc là, avec mon père, j'ai beaucoup dialogué à la recherche de comprendre pourquoi est-ce que justement ils étaient partis. Moi, la notion de... D'aller diffuser l'évangile pour moi était compliqué, parce que c'était... Je me disais, mais quelle idée ! Et... Ça a donné des dialogues très intéressants aussi, et mon père aussi a beaucoup bougé, ma mère... Ma mère était moins... moins partante dans ce type de discussion. Mais... Ensuite, ben voilà, je me suis beaucoup engagée, que ce soit dans les mouvements sociaux de l'époque. des jeunes. Je suis partie à l'âge de 18 ans de la maison pour être autonome, parce que je pensais que je voulais être autonome financièrement. J'avais deux frères qui faisaient la médecine, mais je ne voulais pas ça. Donc je suis partie et là, dans cette époque-là, je me suis engagée en politique aussi dans les mouvements de l'époque.

  • Speaker #1

    C'était bien vu, mal vu, enfin bien vu par certains j'imagine, mais surtout mal vu par d'autres ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'était l'extrême gauche disons, donc on travaillait en petits groupes, ce n'était pas des grands groupes, on distribuait des tracts, on allait, on écrivait, on réfléchissait, on faisait le monde.

  • Speaker #1

    Vous rêviez de quel monde à ce moment-là ? Dans vos groupes maoïstes, on peut employer le terme, parce que ça fait partie de l'héritage. C'était quoi ? C'était un monde aussi de l'évangile, mais sans l'évangile.

  • Speaker #0

    C'était un monde où justement, on voyait nettement l'impérialisme à son paroxysme, quand même, déjà. En tout cas, on n'était pas encore dans le néo-impérialisme. C'était la période des guerres de l'Indochine puis du Vietnam. Il y avait ces fins de colonisation dans des situations d'exploitation absolument incroyables. J'entends ce que les colonisés ont vécu. J'entends dans... Si on va dans le détail, c'est vraiment dur. Très dur. Alors comment, pour moi, un monde meilleur, ce serait déjà de réparer ces injustices ? Et on croyait beaucoup à l'avenir de la Chine. Je rigole, Mao disait que dans quelques années, les soviétiques seront beaucoup plus faibles, et puis ce sera les américains. Il avait toute une stratégie à monter les pays du sud, d'être aux côtés des pays du sud pour pouvoir balancer les deux forces. Ça ne s'est pas passé vraiment comme ça. de temps en temps je me dis, je cherche une petite pensée pour ça, je me dis mais où va-t-on aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Michel Meurier-Genoux, il y a un domaine qu'il nous faut aborder, qu'on n'a pas abordé au fond comme ça jusqu'à présent. J'ai envie de parler de cet objet pour y arriver. D'abord peut-être un mot sur cet objet parce qu'il est vraiment très énigmatique. Pour ceux qui nous regardent, ce n'est pas collé, c'est posé en équilibre.

  • Speaker #0

    C'est vraiment posé. C'est un socle en bois, un bois d'ébène. L'oiseau a deux pics de fer. C'est vraiment du fer un peu bosselé. Et puis avec ces deux contrepoids, l'oiseau se tient sur la pointe, sur sa pointe. la plus pointue finalement. Alors, c'est un héritage de mes parents. Je pense qu'il vient du Mozambique.

  • Speaker #1

    Mais vous n'en êtes pas sûre. On ne veut pas le savoir. Alors, moi, il me fait penser à un élément de votre parcours. C'est l'équilibre homme-femme, la question du genre. Parce que c'est quelque chose qui a pris beaucoup d'importance. Et au fond, là, c'est un équilibre très stable. C'est peut-être une vision idéalisée. Dans la réalité, c'est moins stable que ça. Vous, en tout cas, vous avez essayé de faire pencher la balance du côté d'une meilleure prise en compte du genre, au fond, toutes les années qui ont suivi.

  • Speaker #0

    Dans ma vie, oui. En fait, je me suis rendu compte que ça remontait bien plus loin. Mais effectivement, à partir des années 2000, 2001, je pense, J'ai, entre autres, été chargée des questions femmes et développement à l'époque, au départ. Parce que le mouvement de réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes a débuté dans nos églises en 92, 93. Et on avait, à pain pour le prochain, un poste alémanique et ensuite une... petite partie d'un poste pour les romans. Et ma collègue qui l'avait pris, Nathalie Hachaud, ensuite me l'a transmis. C'était un 20%. J'étais au service des trois œuvres romandes, Paul Ausha, DM et Les Pères.

  • Speaker #1

    Pour la question précise, des femmes.

  • Speaker #0

    Oui. L'objectif, c'était vraiment de... de s'assurer que dans les projets soutenus par nos œuvres, il n'y ait pas de situation où les femmes soient déshéritées ou qui auraient des retombées négatives sur leur vie, par les projets que l'on soutient. Ce qui, jusque-là, n'était pas du tout analysé. Il y a un mouvement mondial qui se développe dans les années 90. pour mettre cette question à l'agenda. Et ensuite, il y a tout un tas de développements qui vont se faire. Et moi, j'ai pu y rester pendant 16 ans, dans ce poste, jusqu'à ma retraite. Et je peux dire que là, d'une part, j'ai pu faire des visites. Donc, vous avez montré une photo là, au tout début. Oui, voilà. C'était une visite dans... Le nouveau projet de santé en Afrique du Sud développé par des care groups est dans une approche de santé basée sur la communauté et pas basée forcément sur les hôpitaux qui a du reste donné matière à vraiment une synthétisation, une méthodisation des... des pratiques de cette approche qui ont été vraiment diffusées au niveau international dans le monde de la santé. Et là, j'ai été visiter, j'avais une visite d'évaluation. à ce projet, une fois. Et comme je parlais la langue, entre ma sortie du Mozambique et cette époque-là, en 2000, j'ai aussi travaillé au Lesotho, mon amnesty était envoyé au Lesotho, ensuite au Kenya. J'ai toujours eu une approche sur la question des femmes dans les pays africains. dans lesquels j'ai vécu.

  • Speaker #1

    Ça rencontrait de la résistance et de quelle nature cette approche ?

  • Speaker #0

    Alors tout d'abord, on tombait des nues. Franchement, moi j'ai eu l'impression de prêcher dans le désert pendant longtemps. Donc c'était pénible.

  • Speaker #1

    Par exemple, on ne vous recevait pas ou vous disiez que vous étiez à côté de la plaque ?

  • Speaker #0

    Non, on nous laissait, on a fait pas mal d'articles. pas mal de témoignages. Alors sur place, moi j'ai toujours découvert la plupart du temps, les K-groups par exemple, c'est un magnifique projet où on voit des femmes à l'œuvre et qui défient leur société, c'est une société d'apartheid dans les régions les plus dures de l'apartheid. Dans d'autres pays aussi, j'ai découvert des femmes qui n'étaient pas les bras valants, j'entends, qui ont vraiment... pris en main leur destin, puis qu'ils le disaient, au moment du sida, du sida où on n'avait pas du tout de médicaments, c'était l'hécatombe en Afrique australe. C'était des témoignages poignants. Pourtant, des pousses, c'est vraiment des actions fortes pour résister localement. vraiment à la base, dans les familles. Moi, c'est forte de cette force-là que je pouvais recevoir de ces femmes, que j'en venais. Alors, dans nos œuvres, ça met du temps, mais c'est venu pour finir. Là, maintenant, je suis très contente. Par exemple, ADM, une super... une prise en compte de ces questions-là, de A à Z. C'est parfait. Dans ce poste-là, je me suis vue dans les dernières années un peu comme le Jiminy Cricket. Vous faites quelque chose, mais je venais par derrière en disant « Mais tu as pensé à ça ? Est-ce que tu as pensé à l'équilibre ? Est-ce que tu es sûre que ce que vous faites là n'est pas en train de déshériter ? » Ça pourrait être aussi les amas dans certains contextes. Et quand j'ai arrêté, j'ai eu presque une année pour se mettre et boucler ce poste. Ce poste n'existe plus, mais il a été repris dans les différents secteurs d'activités, d'organisations. J'étais contente parce que finalement, les graines ont pris. Ensuite, il y a eu surtout le mouvement MeToo qui a fait que partout... Même dans nos églises, on n'a plus pu fermer les yeux.

  • Speaker #1

    Dans les églises du Sud, vous parliez des femmes dans les groupes de chœurs, mais dans les églises, est-ce que la situation des femmes dans les églises du Sud que vous connaissez, ça a évolué aussi vite et aussi bien ?

  • Speaker #0

    C'est plus complexe. Dans les églises que je connais, les mouvements de femmes sont très forts. Ils étaient très forts. J'ai aussi constaté qu'à certains moments, on pouvait aussi devenir des foyers de maintien d'une tradition qui pénalise.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du Sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes qui restaient en... à la maison, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec des femmes en Afrique du Sud et donc susceptibles de ramener le sida qui flambait, vraiment flambait. Les femmes de certaines... paroisses, j'ai eu ça comme témoignage, ont été obligés par le pasteur. montrer qu'elles étaient prêtes à recevoir leur mari et de façon très... comment dire... il fallait vraiment montrer que, parce qu'il y a des rituels, qu'on était préparés à faire l'amour avec son conjoint et ça c'était l'église et le pasteur qui enjoignaient les femmes.

  • Speaker #1

    C'est le devoir conjugal à la sauce tradie quoi.

  • Speaker #0

    En protection. Donc... Ce qui a été très fort dans les années 80, les mouvements de femmes, et je pense que dans beaucoup d'églises d'Afrique, a permis vraiment un mouvement d'émancipation des femmes. Ça a aussi tourné parfois à quelque chose qu'il faut oser critiquer. Mais les femmes en Afrique, dans les églises, sont très fortes, continuent à être très fortes. Mais voilà, c'est encore tout un autre chapitre, parce que l'évolution des églises en Afrique, dans les années 80, 90, 2000, ce n'est pas toujours évident.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas ce que vous imaginez.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on a vécu aussi au Lesotho, et on a été envoyés par des hommes. Dans les années 84, 88... On avait une direction d'église qui était inféodée au régime en place et qui soutenait l'Afrique du Sud, donc en plein appartement. Et on avait également une France de nouveaux pasteurs, de jeunes pasteurs qui se rebellent. Donc, quand nous, on est arrivés dans cette situation-là, bien sûr, on a tout de suite senti où était notre place plus tôt. Et ça donne ces histoires d'églises où il y a une jeune frange qui essaye de faire avancer et puis qui systématiquement est remise à sa place militairement. Oui, les soutos c'était terrible, les opposants les liquidaient.

  • Speaker #1

    Y compris dans les églises ?

  • Speaker #0

    Oui. Et c'était... Donc de voir ça, j'ai dit non, les églises n'ont pas toujours eu un rôle prophétique. Il y a aussi une époque où ils deviennent un atout du pouvoir. La politique et la religion sont très fortement ancrées dans certaines régions. nouvelles églises aussi qui supportent les différents... Voilà, mais c'est aux Africaines, aux Africains d'en parler. Moi, je vois ça de loin, mais ça peut être assez dur.

  • Speaker #1

    On termine, Michel-Maurice Gnoux, merci pour le laisse-autour, on en a peu parlé, mais c'est vrai que c'est tout un chapitre aussi de votre vie, ce n'est pas le premier, mais ce n'est pas le moins pertinent. On va terminer avec cet objet qui est là. Tout coloré, donc ça me rassure un peu parce qu'au fond ce que vous nous transmettez est quand même relativement dur, même s'il y a beaucoup de zones de lumière, mais il faut le dire à ceux qui nous regardent, c'est vous qui l'avez dessiné.

  • Speaker #0

    Oui, c'est encore elle. À la retraite, je me suis remise à certaines activités que je faisais épisodiquement. Et grâce à Eliane Meunier, qui est également mariée avec Nicolas Meunier.

  • Speaker #1

    C'est la même culture, c'est le Mozambique.

  • Speaker #0

    C'est aussi le Mozambique. J'ai participé au voyage vraiment innovant d'acquarelliste au Mexique, avec Diem, en 2022. Voilà, ça c'est une des pages que j'ai réalisées, avec un poème d'un poète mexicain que j'aime beaucoup.

  • Speaker #1

    Donc, deux nouvelles pages à écrire pour les années qui restent. Merci beaucoup de nous avoir partagé votre mémoire, quelques bouts, disons, quelques bouts de votre mémoire vive. Bonne suite de dessins et de voyages. Merci. Sur la fiche de description, vous trouverez tous les détails nécessaires et bien sûr, le résumé de cet entretien. Si vous voulez suivre d'autres épisodes, si vous appréciez ces interviews, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur... toutes les plateformes de streaming, les réseaux sociaux et bien sûr le site reformez.ch. Merci, au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ : Michèle Morier-Genoud

    00:45

  • Le Mozambique sous la COLONISATION

    01:15

  • Une éducation CENTRÉE sur le Portugal

    05:45

  • Les liens AMICAUX à l’internat

    08:37

  • Il meurt ASSASSINÉ

    12:51

  • Objet de l’invitée : Le MÉMOIRE de ma mère

    14:54

  • Son STATUT de fille de missionnaire

    16:39

  • On était PORTEURS de l’évangile

    20:17

  • Je découvrais Lausanne et j’étais CHOQUÉE

    26:59

  • Il fallait réparer les INJUSTICES

    33:11

  • Objet de l’invitée : Un oiseau en équilibre

    35:25

  • L’égalité HOMME / FEMME

    36:28

  • Les femmes dans les églises du sud

    43:18

  • Objet de l’invitée : DESSIN et poème

    48:05

  • Mots de FIN

    49:16

Description

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Dans cet épisode de Mémoires vives, Michel Kocher s’entretient avec Michèle Morier-Genoud, engagée de longue date dans la coopération et le développement en Afrique et témoin de mouvements sociaux.


Depuis son enfance dans une famille missionnaire au Mozambique jusqu’à son engagement dans les Églises en Suisse, cet épisode explore les questions de mémoire, de justice sociale et de rapports de genre dans un contexte postcolonial.


Michèle Morier-Genoud partage une parole lucide et incarnée sur les résistances africaines, le rôle ambivalent des missions chrétiennes, et les combats pour l’émancipation des femmes. Un récit mêlant souvenirs intimes, luttes collectives et quête d’équilibre.

 

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec les femmes en Afrique du Sud, et donc, susceptibles de ramener le sida qui flambait. Il fallait vraiment montrer. parce qu'il y a des rituels qu'on était préparés à faire. L'amour avec son conjoint. Et ça, c'était l'Église et le pasteur qui enjoignaient les femmes. Mémoire vive,

  • Speaker #1

    un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch Colonisation, décolonisation, les relations entre l'Europe et l'Afrique sont toujours au cœur de l'actualité. L'invité de Mémoire vive a joué un rôle, a été un acteur au cœur de ses anges. Enfant de missionnaire protestant, né au Mozambique... un pays colonisé par le Portugal, largement catholique. Elle n'a pas eu durant son enfance des amis autres que Mozambiquais. Par contre, elle a subi la surveillance de la fameuse police politique d'alors, la PID. Écoutez le témoignage de Michel Morier-Jeune. La mémoire vive, ce sont aussi des photos, des albums, qui permettent de comprendre un temps révolu. Alors, question photo, on est servi, j'en ai une première à vous proposer là. C'est les années 2000.

  • Speaker #0

    Les années 2000.

  • Speaker #1

    Donc, on peut commencer le récit en disant que quand on vous voit ici devant une case africaine, c'est que c'est bien là où non seulement vous avez vécu, mais où vous êtes née.

  • Speaker #0

    Absolument, oui. Alors là, il s'agit d'un village en Afrique du Sud, mais à quelques centaines de kilomètres du lieu où je suis née, au Mozambique, à Shekoumbane, qui est à 150 kilomètres de Maputo.

  • Speaker #1

    Vous êtes une Africaine ?

  • Speaker #0

    J'ai un pied africain et un pied suisse.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous pouvez nous raconter de cette Afrique dans laquelle, pas quand vous êtes née parce que c'est difficile de s'en souvenir, mais assez rapidement il doit vous rester des souvenirs, c'était comment ce Mozambique sous colonisation portugaise arde, on peut dire ?

  • Speaker #0

    Alors, moi les souvenirs, les premiers souvenirs, disons, mes propres souvenirs, se situe autour des années 60-63 et nous habitions à ce moment-là à l'orée de la capitale on était vraiment à la frontière entre la partie portugaise de la capitale et le bairro do Canis, c'était la cité des roseaux comme on l'appelait les quartiers africains mozambiquain. Et c'était une période vraiment où on commençait à sentir beaucoup de tensions, une tension du régime portugais qui commençait à avoir peur de la rébellion dans le nord du pays, donc à plus de 2000 km de là, et qui tenait fermement le sud. Les Portugais n'ont jamais vraiment beaucoup envahi le nord. le pays et ils avaient peur, ils avaient vraiment peur de ce mouvement qui se créait dans le nord, le Front de Libération du Mozambique, d'autant plus quand les différents mouvements se sont unis sous le terme de Frélimont.

  • Speaker #1

    La vie à ce moment-là, sous domination portugaise, c'était comment ?

  • Speaker #0

    Alors, Simplement, les Africains vivaient dans le quartier des roseaux, dans des huttes construites à base de carton, ce qu'on peut voir avec des roseaux, avec vraiment du gros bricolage, avec ce qu'ils pouvaient trouver comme matériel. Ensuite, la ville portugaise était une ville occidentalisée. On manquait de rien, mais c'était disons... Voilà, à cette époque-là, on n'avait pas encore de grands magasins ou de choses comme ça. On allait à l'école. Alors, nous, en tant qu'enfants, moi, je suis la troisième d'une fratrie de quatre. J'allais à l'école portugaise, mes frères également. Et c'était une école qui était pour les filles, donc pas très loin de la maison, je dirais. Et jusqu'à la quatrième année, on était dans des classes plus ou moins mixtes, où il y avait, vu qu'on était à la périphérie, disons, de la ville portugaise, il y avait quand même des Mozambiquaines qui venaient. Ensuite, quand j'étais au lycée, alors là, c'était fini. On en avait peut-être eu une, même, je n'ai pas souvenir d'avoir eu des amis au lycée africain.

  • Speaker #1

    Vous n'étiez que des Blancs, en fait, au lycée ?

  • Speaker #0

    Au lycée, oui. À partir du lycée, c'était pratiquement impossible pour les filles. Et en plus, modernes, bicanes, c'était difficile.

  • Speaker #1

    Quel type d'éducation vous donnait à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors bon, c'était une éducation frontale basée sur l'histoire portugaise. On apprenait la suite des rois qui ont jonché toute l'histoire portugaise. Jamais on n'a eu quelque chose sur le Mozambique. Je connaissais par cœur toute l'économie du Portugal, qu'est-ce qu'ils produisaient. mais pas un mot sur ce que le Mozambique produit. C'était vraiment centré sur le Portugal. On allait à la Moussidade portugaise, c'était les jeunesses salazaristes. Tout le monde était obligé d'y aller le samedi matin, blanc, noir, tout le monde. On faisait nos exercices, on apprenait à parader, à rester en ligne. Quand il y avait des visites, par exemple, des gouverneurs, des ministres portugais qui venaient visiter leur colonie, je me souviens avoir fait tout en... On est restés planter un four pendant toute une matinée à attendre que monsieur arrive. On était au soleil et tout, c'était... Oui, on nous laissait assis.

  • Speaker #1

    Et vous n'aviez pas le choix ?

  • Speaker #0

    On n'avait pas le choix.

  • Speaker #1

    Vous apprenez des chansons aussi ? Il y a des mots qui vous reviennent ? Ou bien vous avez tout éliminé avec le temps ?

  • Speaker #0

    Non, on connaissait bien sûr l'hymne national, puisqu'on devait régulièrement monter le drapeau.

  • Speaker #1

    Vous vous en souvenez de l'hymne national un peu ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense. Je ne peux pas le chanter comme ça, mais ce n'est pas un exercice que j'ai fait avant.

  • Speaker #1

    Éducation très rigoureuse, très disciplinaire aussi ?

  • Speaker #0

    Oui, disciplinaire, avec vraiment des coups de bâton, des coups de règles. C'était physiquement assez violent.

  • Speaker #1

    Alors, tout en portugais, mais évidemment, ce n'est pas la langue du pays. Il y en a d'autres que vous allez apprendre ou que vos parents, eux, maîtrisent déjà ?

  • Speaker #0

    Alors, mes parents l'ont apprise, le Rangal, le Tsonga. Nous, on a baigné dedans, donc on le savait mieux que le français.

  • Speaker #1

    Mieux que le français ?

  • Speaker #0

    Mieux que le français, et on se moquait beaucoup de nos parents. Mais je ne l'ai jamais appris ensuite, donc c'est vraiment une langue apprise, vivante, comme ça. Ça a été difficile de la lire, c'est ça que je veux dire.

  • Speaker #1

    Et comment vous avez pu alors établir des liens avec des... copines, enfin, ou des femmes africaines. Ça s'est fait comment ? Puis ce n'était pas dans le cadre du lycée, ça s'est fait après, plus tard, autrement ?

  • Speaker #0

    Alors, ma mère était... Moi, j'étais beaucoup avec ma mère, et surtout avec les filles, les jeunes femmes qui venaient, qui habitaient chez nous, mais qui venaient aussi à l'internat, qui avaient juste à côté de notre maison. Quand on habitait dans une... Une propriété, à l'époque, c'était encore la mission suisse. C'est une immense propriété, je ne savais pas combien d'hectares, avec l'une des églises principales de l'église. Donc, il y avait beaucoup de monde qui passait. Moi, j'avais des amis qui étaient à l'internat. Je me suis fait des amis là. Et j'avais aussi bien des contacts avec les filles qui venaient. qui travaillait chez nous pour une demi-journée et qui allait à l'école pour l'autre demi-journée. Les parents avaient demandé à ce qu'elle puisse aussi suivre l'école. Et à partir d'un certain degré, il n'y avait que sur la capitale que c'était possible. Donc là, moi j'ai eu beaucoup d'amis et j'ai encore une amie qui... qui a été dans cette époque-là chez nous.

  • Speaker #1

    Des complicités qui pouvaient générer aussi des formes de liberté, enfin on trichait un peu, on sortait un peu des sentiers battus ou des obligations imposées par à la fois la culture, le régime politique. On pouvait tricher, autrement dit ?

  • Speaker #0

    Moi, quand j'étais petite, mes parents pour cela, ils étaient très... Comment dire ? Il me laissait très libre dans le cadre de cette région-là, disons. Je sortais peu, je sortais pratiquement pas de ce cadre-là. Moi, je passais mes journées quand je pouvais avec les filles bien d'à côté qui faisaient leur cuisine africaine. Moi, c'était un grand plaisir d'aller cuisiner et d'aller barboter un peu. les fesses de riz que je trouvais bien meilleures que ce qu'on mange chez nous. J'allais prendre des douches avec elle, ce qui m'a valu une réprimande salée de l'institutrice en charge de l'internat. Quand elle m'a vue prendre la douche avec mes amies africaines, elle était... Elle était pas contente.

  • Speaker #1

    Pourquoi au fond ? Parce que vous ne deviez pas vous mélanger pour ce type d'activité ?

  • Speaker #0

    Parce qu'il y avait quand même, je pense, une forme de racisme. Ce n'est pas une forme. Un racisme blanc et noir ne se mélangent pas. Les missionnaires suisses étaient quand même assez dans cette attitude-là. Et puis cette proximité, elle est toute nue. C'était quelque chose qui... Par exemple, aussi inviter un pasteur ou une femme africaine. Ma mère faisait beaucoup de tricots avec les femmes, elle était grosse. Beaucoup de monde à la maison, dehors, mais dedans aussi. Les pasteurs pouvaient entrer chez nous, c'est-à-dire sans problème. Ça n'était pas la pratique des autres. Le directeur d'école, le fameux monsieur Claire, qu'on respectait beaucoup parce qu'on en avait très peur. ne permettait pas qu'un seul Mozambiqueur entre dans sa maison. Et pourtant, ça a été quelqu'un qui a parrainé Edouard Ndondlan, qui est devenu le président du Front de Libération. Donc, c'est grâce à lui qu'il a pu partir et suivre ses études, grâce à l'EPER, au Portugal et ensuite en Amérique.

  • Speaker #1

    M. Mondlane, puisque vous en parlez, c'est quand même un personnage extrêmement important dans l'histoire du Mozambique, mais dans votre histoire à vous aussi.

  • Speaker #0

    Dans mon histoire, oui.

  • Speaker #1

    Familiale à tous les deux.

  • Speaker #0

    Familiale, mes parents l'ont connu. Ils ont connu le couple et surtout lui quand il était au Portugal. Donc, eux étaient en train de se préparer dans les années 50, donc apprendre le portugais. Ils ont appris aussi les rudiments du Tsonga avec lui. Et ensuite, ils se sont revus au Mozambique en 1963, quand M. Mondlan est revenu pour l'ONU. Il était chargé pour l'Afrique de l'ONU, donc il a fait une visite officielle. Et ensuite, quelques mois après... Il était dans le Nord à déclarer la rébellion, la guerre de l'indépendance.

  • Speaker #1

    La guerre de l'indépendance, il en était un des instigateurs au fond.

  • Speaker #0

    Oui, c'était le principal. Il a réussi à réunir les principaux mouvements de libération en un seul et à démarrer la guerre, vraiment la guérilla.

  • Speaker #1

    Et il meurt assassiné quelques années plus tard.

  • Speaker #0

    Il sera assassiné à Dar es Salaam quelques années plus tard. Alors quand il est venu au Mozambique en 1963, il a été notamment piloté par mon père. Et donc là, ça a été aussi une prise de conscience pour nous, les enfants, de voir qu'on était surveillés par la PIDE, qui était la police politique du Portugais.

  • Speaker #1

    La PIDE, c'est-à-dire ? C'est l'abréviation de ?

  • Speaker #0

    Le Policia... Enfin, c'est la police politique. La police politique. Là, j'aurais dû réfléchir avant.

  • Speaker #1

    C'est pas très important. De cette période, vous avez ramené un objet qui est très touchant, qui est ici. Alors, on voit une belle photo de vous, voilà, 3 ans, 1959. Et puis, probablement une petite feuille de calcul où on vous apprenait. Ça, c'est votre frère, d'accord. Bon, il savait additionner, manifestement. Ça, c'est la mémoire de votre mère. C'est une sorte de mémoire au quotidien.

  • Speaker #0

    Alors, elle a vraiment enregistré tous nos gestes, nos progrès, nos bêtises, nos mots. On mélangeait deux langues, donc le français et le tsonga. Donc, il y a des mots, des phrases. Il y a les retours aussi en Suisse. Il y a, par exemple, les articles. que mon grand-père paternel écrivait dans le journal de Châteaudet et qui raconte des choses qu'il trouvait magnifiques et qui sont vraiment assez, comment dire, des histoires de découvertes de l'autre interculturelles comme on en a connu un peu plus tard. Ce type de... enfin je dirais quand on a parlé de choc culturel par exemple. Mon grand-père était très sensible à ce qu'il entendait ou ce qu'on écrivait, parce que mes parents écrivaient une fois par semaine, aux deux côtés, famille paternelle et maternelle.

  • Speaker #1

    Alors Michel Moriégeloup, j'aimerais qu'on parle, mais c'est peut-être difficile, on va essayer, du statut de missionnaire. Là on a parlé un peu du pays. de sa complexité, de la colonisation. C'était quoi être missionnaire ? Vous étiez fille de missionnaire, peut-être pas missionnaire vous-même au fond, c'était quoi être fille de missionnaire ? C'était un statut compliqué à endosser ?

  • Speaker #0

    Sur place, quand j'ai commencé à prendre conscience des différences qu'il y avait entre moi, les copains noirs mozambiquains, les copines, J'ai fait une expérience de ma vie qui est restée ensuite dans ma mémoire. Je devais avoir 8-9 ans. Dans cette maison que nous habitions à Maputo, tout le monde pouvait entrer. On ne fermait pas, on fermait peut-être le soir quand on allait dormir. Et pendant un soupe. Mes parents me demandent d'aller chercher la Rézoquin, la quinine pour le malaria qu'on devait prendre. Et je vais dans la chambre de mes parents, je savais qui était cette famille de spermeaux. Et je vois un des copains de mes frères qui était en train de se servir dans la caisse de ma mère. Et c'était une famille, ce jeune, ce gamin. était issu d'une famille qui habitait aussi le même endroit que nous. Son père était ouvrier de l'église, un homme à tout faire, très pauvre, avec beaucoup d'enfants. On rigolait beaucoup avec lui. Moi, je n'ai pas pu le dénoncer, je n'ai pas pu le dire. Je lui ai dit « m'en enfile » , et puis voilà, je ne dirai rien. Et ça, pour moi, ça a été une prise de conscience assez forte. Je l'ai gardé pour moi. Longtemps. Je crois que je ne l'ai jamais dit à mes parents.

  • Speaker #1

    Ça voulait dire que vous découvriez que vous étiez du côté des riches ?

  • Speaker #0

    Quelque part, oui. On avait un statut privilégié parce qu'on était Suisses. Les Suisses, on était quand même appréciés par la population africaine parce qu'on était vraiment très proches.

  • Speaker #1

    Par rapport au portugais, pardon, vous étiez appréciée par rapport au portugais qui était l'écolonisateur.

  • Speaker #0

    D'un autre côté, par rapport au portugais, moi je n'ai même pas essayé d'avoir des contacts ou des amis. Ça ne m'a jamais manqué. Je n'ai jamais cherché. Quand on est rentré, moi j'avais 13 ans. Ça a été difficile pour moi d'accepter de dire, ben voilà, je suis les parents, je peux comprendre parce qu'on a dû rentrer pour les études de mes frères d'abord, puis la mienne aussi. Disons que c'était une période tellement vivante et tellement riche, je me disais, on est comme une sorte d'abandon, avec cette période qui s'est ouverte ensuite à partir de 69, 69-74, 74 c'est l'indépendance, donc ça a été très dur aussi pour l'Église.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous perceviez à cette époque-là, encore au Mozambique, que vous étiez une protestante ? par rapport à un régime et un pouvoir et une société qui étaient largement catholiques.

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr. Moi, j'ai... D'un côté, avec mes parents, on avait... Mes parents, mais mon père en particulier, n'étaient pas du tout bornés du point de vue religieux. Donc, dans ce livre, j'ai redécouvert... Les trésors de la Bible, les histoires bibliques, ça, on les commentait, on les racontait à notre façon, c'était vraiment très libre. On n'avait jamais d'obligation comme certains autres de faire un culte à la maison, non jamais. Par contre, enfin c'est pas par contre, j'ai suivi aussi l'école du dimanche et l'équivalent des cadets homo-zambiques. avec les Africains, quoi, avec les Africaines. Et ça, c'est... Oui, ça a été constitutif pour moi. Je ne me suis jamais posée... Quand j'étais au lycée à Maputo, je ne me sentais pas forcément à ma place. C'était compliqué.

  • Speaker #1

    Et est-ce que vous perceviez le fait qu'être missionnaire, enfin c'est peut-être comme ça qu'on le dit aujourd'hui, je ne sais pas si c'est à tort ou à raison, c'était apporter l'évangile ? Vous étiez des gens qui étiez porteurs de quelque chose que les partenaires africains étaient invités à recevoir. C'était captable pour vous à cette époque ?

  • Speaker #0

    Alors de nouveau, dans cette question-là, je ne vais pas nier le fait que l'évangile a été apporté par... en partie, je dirais, par les missionnaires suisses, ce n'est pas les seuls. D'une part l'Église catholique qui était majoritaire et qui avait des accords avec le gouvernement portugais. Il y avait beaucoup de missions étrangères, américaines, anglaises, etc. La particularité, je dirais, de la mission suisse, ça a été... d'une part d'assurer très vite la traduction des textes de la Bible dans les langues locales, donc pas le portugais, et ça a permis un accès quand même très vite à la population mozambicaine qui nous côtoyait de s'emparer de l'évangile, des textes de l'évangile. La mission suisse a aussi beaucoup favorisé le... Tout ce qui était formation, formation manuelle, les internats par exemple, on apprend à cultiver ou à cultiver d'autres choses. Il y a un mélange de... Je dirais que le travail social maintenant était très important avant l'indépendance. Au niveau des hôpitaux aussi, il y a des hôpitaux... ... Les stations en Prousse, les Portugais n'étaient pas tellement dans l'intérieur du pays. Donc pendant assez longtemps, une certaine liberté est construite pour les écoles. Et puis dans le mi-50, 55, 60, les Portugais se rendent compte que ça commence à chauffer au nord, qu'il y a une partie des Mozambiquains du sud. qui sortent du pays, qui vont se former ailleurs. Ils commencent à avoir peur des écoles non portugaises, parce que dans les écoles de la mission, ils parlaient leur langue, ils parlaient en enseignement en Tsonga. Et là, je ne sais plus exactement, mais je crois que c'est en 1952-1953, il y a une interdiction d'avoir des classes en langue locale. les conditions pour continuer ce travail scolaire devenait trop difficile. Et c'est là que les Suisses... et principalement des Jura qui sont issus de Jura-Bernois par exemple, ont l'idée de développer un système de cadets pour contourner cette interdiction. Et là, ça flambe, parce que les enfants viennent, filles et garçons, séparément, parce que c'est le système local. Mais ils y apprennent aussi les rudiments de la démocratie, comment gérer son propre groupe, les travaux manuels. Il y a plein de choses qui se passent dans ces groupes, y compris les textes bibliques qui sont plutôt libérateurs parce qu'on les lit, on les entend. Et du reste, Edouard de Mandelanne y fera référence ensuite. J'ai appris la démocratie dans ces... dans ces mintlawa qui étaient vraiment issus de cette philosophie du Kadeo, cette méthodologie. C'est la particularité un petit peu de cette mission suisse qui a donné aussi très vite l'indépendance à l'Église par rapport au pays en 1963-1965. Ce qui fait qu'aussi, juste avant l'indépendance, Cette église a été martyrisée vraiment par le régime salazariste. Elle est emprisonnée. Le président de l'église, Manganielle, a été assassiné en prison. Ensuite, ils ont essayé de cacher ça en disant qu'il s'était suicidé. Non, ça a été très difficile. Et au moment de la libération de l'indépendance... Toute cette histoire a créé de très forts liens entre le Parti au pouvoir et l'Église, qui a ouvert aussi une autre histoire ensuite à développement.

  • Speaker #1

    Alors, une autre histoire, on va suivre la vôtre, puisque c'est votre mémoire vive, Michel, qu'on déploie aujourd'hui. Après, on ne peut pas dire le retour, parce que ce n'est pas un retour. Vous découvrez Lausanne, vous avez dit 13, 14 ans, et puis on fait un peu vite, mais c'est aussi le moment d'une prise de conscience politique ou d'une traduction de votre sens de la justice ou de l'injustice dans le contexte suisse.

  • Speaker #0

    Pour moi, le choc culturel, il est total. Quand j'arrive à Lausanne, je tombe à l'école de... de l'Élysée, qui était une école en pilote pour les réformes. Alors, quelque part, c'était aussi une grande chance de tester nos capacités à résister. Et là, c'est vrai qu'après une période quand même de dépression, vraiment, je ne me sentais pas bien et pas à ma place. comprendre un petit peu les codes qui étaient les codes des enfants, des adeptes de cette époque-là. Après, je suis devenue une peu meneuse dans ma classe. On a pu organiser des feuilles blanches, des mouvements de protestation. C'était aussi à cette époque-là qu'il y a eu le début des mouvements de jeunes avec l'occupation des... des cinémas. Et là, c'était vraiment une période assez turbulente à Lausanne.

  • Speaker #1

    C'était Lausanne-Bouges, c'est les débuts de Lausanne-Bouges ? Avant Lausanne-Bouges, oui.

  • Speaker #0

    Et ensuite, il y a eu aussi dans les années 73, tout le mouvement aussi, il y avait le mouvement anti-apartheid bien sûr, mais il y avait aussi des groupes qui soutenaient la décolonisation. On avait organisé une grande manif à Beaulieu lors de l'avenue du Portugal en septembre. J'ai retrouvé des archives sur l'Internet. C'était impressionnant.

  • Speaker #1

    Comment vous apparaissait cette Suisse que vous découvriez à ce moment-là ? Qu'est-ce qu'on peut dire ? Bourgeoise, alignée, obéissante ?

  • Speaker #0

    Oui. Tout ça ! Ah oui, non, mais nous, on venait quand même d'un pays où on n'avait pas beaucoup de choses, on avait ce qu'il fallait, on mangeait bien, on avait des vacances. Non, non, je ne me suis jamais sentie déshéritée ou quoi que ce soit. Mais l'asthysme de cette époque-là, et puis surtout moi, ce qui m'a beaucoup frappée, c'était un peu l'immobilisme. Et puis les structures claniques, un peu les petits groupes. On ne sort pas, il faut être dans un groupe pour pouvoir exister. Et c'est sûr que moi, je me suis assez vite rejointe dans tout ce qui était anti-autoritaire. Du reste, là, il y a un article sur... J'ai été au gymnase de la Cité. Dans les années 73-74, on a eu M. Rapp, notre directeur, qui est sorti avec un fouet. J'ai retrouvé un article que ma mère a gardé de l'année précédente. Voilà, M. Rapp rappelle. qu'il y a un certain nombre de valeurs qu'il faut transmettre à ses élèves et que malheureusement, ils sont paresseux, ils ne se lèvent plus, ils n'étudient plus. J'ai retrouvé exactement ça. Donc, on avait... On n'osait pas. On nous disait qu'il ne faut pas. Alors que nous, on était une équipe... On tricotait pendant les leçons. on ne venait pas si ce n'était pas nécessaire, donc on allait boire des verres de lait au bistrot. C'était le... comment dire... Je peux comprendre que ça leur posait des problèmes de discipline, disons. On était assez indisciplinés dans cette époque-là, au gymnase par exemple. Mais, alors c'est sûr que... En allant plus loin dans ma réflexion politique, assez vite, j'ai beaucoup critiqué aussi une certaine vision du christianisme. Donc là, avec mon père, j'ai beaucoup dialogué à la recherche de comprendre pourquoi est-ce que justement ils étaient partis. Moi, la notion de... D'aller diffuser l'évangile pour moi était compliqué, parce que c'était... Je me disais, mais quelle idée ! Et... Ça a donné des dialogues très intéressants aussi, et mon père aussi a beaucoup bougé, ma mère... Ma mère était moins... moins partante dans ce type de discussion. Mais... Ensuite, ben voilà, je me suis beaucoup engagée, que ce soit dans les mouvements sociaux de l'époque. des jeunes. Je suis partie à l'âge de 18 ans de la maison pour être autonome, parce que je pensais que je voulais être autonome financièrement. J'avais deux frères qui faisaient la médecine, mais je ne voulais pas ça. Donc je suis partie et là, dans cette époque-là, je me suis engagée en politique aussi dans les mouvements de l'époque.

  • Speaker #1

    C'était bien vu, mal vu, enfin bien vu par certains j'imagine, mais surtout mal vu par d'autres ?

  • Speaker #0

    Oui, bien sûr, c'était l'extrême gauche disons, donc on travaillait en petits groupes, ce n'était pas des grands groupes, on distribuait des tracts, on allait, on écrivait, on réfléchissait, on faisait le monde.

  • Speaker #1

    Vous rêviez de quel monde à ce moment-là ? Dans vos groupes maoïstes, on peut employer le terme, parce que ça fait partie de l'héritage. C'était quoi ? C'était un monde aussi de l'évangile, mais sans l'évangile.

  • Speaker #0

    C'était un monde où justement, on voyait nettement l'impérialisme à son paroxysme, quand même, déjà. En tout cas, on n'était pas encore dans le néo-impérialisme. C'était la période des guerres de l'Indochine puis du Vietnam. Il y avait ces fins de colonisation dans des situations d'exploitation absolument incroyables. J'entends ce que les colonisés ont vécu. J'entends dans... Si on va dans le détail, c'est vraiment dur. Très dur. Alors comment, pour moi, un monde meilleur, ce serait déjà de réparer ces injustices ? Et on croyait beaucoup à l'avenir de la Chine. Je rigole, Mao disait que dans quelques années, les soviétiques seront beaucoup plus faibles, et puis ce sera les américains. Il avait toute une stratégie à monter les pays du sud, d'être aux côtés des pays du sud pour pouvoir balancer les deux forces. Ça ne s'est pas passé vraiment comme ça. de temps en temps je me dis, je cherche une petite pensée pour ça, je me dis mais où va-t-on aujourd'hui ?

  • Speaker #1

    Michel Meurier-Genoux, il y a un domaine qu'il nous faut aborder, qu'on n'a pas abordé au fond comme ça jusqu'à présent. J'ai envie de parler de cet objet pour y arriver. D'abord peut-être un mot sur cet objet parce qu'il est vraiment très énigmatique. Pour ceux qui nous regardent, ce n'est pas collé, c'est posé en équilibre.

  • Speaker #0

    C'est vraiment posé. C'est un socle en bois, un bois d'ébène. L'oiseau a deux pics de fer. C'est vraiment du fer un peu bosselé. Et puis avec ces deux contrepoids, l'oiseau se tient sur la pointe, sur sa pointe. la plus pointue finalement. Alors, c'est un héritage de mes parents. Je pense qu'il vient du Mozambique.

  • Speaker #1

    Mais vous n'en êtes pas sûre. On ne veut pas le savoir. Alors, moi, il me fait penser à un élément de votre parcours. C'est l'équilibre homme-femme, la question du genre. Parce que c'est quelque chose qui a pris beaucoup d'importance. Et au fond, là, c'est un équilibre très stable. C'est peut-être une vision idéalisée. Dans la réalité, c'est moins stable que ça. Vous, en tout cas, vous avez essayé de faire pencher la balance du côté d'une meilleure prise en compte du genre, au fond, toutes les années qui ont suivi.

  • Speaker #0

    Dans ma vie, oui. En fait, je me suis rendu compte que ça remontait bien plus loin. Mais effectivement, à partir des années 2000, 2001, je pense, J'ai, entre autres, été chargée des questions femmes et développement à l'époque, au départ. Parce que le mouvement de réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes a débuté dans nos églises en 92, 93. Et on avait, à pain pour le prochain, un poste alémanique et ensuite une... petite partie d'un poste pour les romans. Et ma collègue qui l'avait pris, Nathalie Hachaud, ensuite me l'a transmis. C'était un 20%. J'étais au service des trois œuvres romandes, Paul Ausha, DM et Les Pères.

  • Speaker #1

    Pour la question précise, des femmes.

  • Speaker #0

    Oui. L'objectif, c'était vraiment de... de s'assurer que dans les projets soutenus par nos œuvres, il n'y ait pas de situation où les femmes soient déshéritées ou qui auraient des retombées négatives sur leur vie, par les projets que l'on soutient. Ce qui, jusque-là, n'était pas du tout analysé. Il y a un mouvement mondial qui se développe dans les années 90. pour mettre cette question à l'agenda. Et ensuite, il y a tout un tas de développements qui vont se faire. Et moi, j'ai pu y rester pendant 16 ans, dans ce poste, jusqu'à ma retraite. Et je peux dire que là, d'une part, j'ai pu faire des visites. Donc, vous avez montré une photo là, au tout début. Oui, voilà. C'était une visite dans... Le nouveau projet de santé en Afrique du Sud développé par des care groups est dans une approche de santé basée sur la communauté et pas basée forcément sur les hôpitaux qui a du reste donné matière à vraiment une synthétisation, une méthodisation des... des pratiques de cette approche qui ont été vraiment diffusées au niveau international dans le monde de la santé. Et là, j'ai été visiter, j'avais une visite d'évaluation. à ce projet, une fois. Et comme je parlais la langue, entre ma sortie du Mozambique et cette époque-là, en 2000, j'ai aussi travaillé au Lesotho, mon amnesty était envoyé au Lesotho, ensuite au Kenya. J'ai toujours eu une approche sur la question des femmes dans les pays africains. dans lesquels j'ai vécu.

  • Speaker #1

    Ça rencontrait de la résistance et de quelle nature cette approche ?

  • Speaker #0

    Alors tout d'abord, on tombait des nues. Franchement, moi j'ai eu l'impression de prêcher dans le désert pendant longtemps. Donc c'était pénible.

  • Speaker #1

    Par exemple, on ne vous recevait pas ou vous disiez que vous étiez à côté de la plaque ?

  • Speaker #0

    Non, on nous laissait, on a fait pas mal d'articles. pas mal de témoignages. Alors sur place, moi j'ai toujours découvert la plupart du temps, les K-groups par exemple, c'est un magnifique projet où on voit des femmes à l'œuvre et qui défient leur société, c'est une société d'apartheid dans les régions les plus dures de l'apartheid. Dans d'autres pays aussi, j'ai découvert des femmes qui n'étaient pas les bras valants, j'entends, qui ont vraiment... pris en main leur destin, puis qu'ils le disaient, au moment du sida, du sida où on n'avait pas du tout de médicaments, c'était l'hécatombe en Afrique australe. C'était des témoignages poignants. Pourtant, des pousses, c'est vraiment des actions fortes pour résister localement. vraiment à la base, dans les familles. Moi, c'est forte de cette force-là que je pouvais recevoir de ces femmes, que j'en venais. Alors, dans nos œuvres, ça met du temps, mais c'est venu pour finir. Là, maintenant, je suis très contente. Par exemple, ADM, une super... une prise en compte de ces questions-là, de A à Z. C'est parfait. Dans ce poste-là, je me suis vue dans les dernières années un peu comme le Jiminy Cricket. Vous faites quelque chose, mais je venais par derrière en disant « Mais tu as pensé à ça ? Est-ce que tu as pensé à l'équilibre ? Est-ce que tu es sûre que ce que vous faites là n'est pas en train de déshériter ? » Ça pourrait être aussi les amas dans certains contextes. Et quand j'ai arrêté, j'ai eu presque une année pour se mettre et boucler ce poste. Ce poste n'existe plus, mais il a été repris dans les différents secteurs d'activités, d'organisations. J'étais contente parce que finalement, les graines ont pris. Ensuite, il y a eu surtout le mouvement MeToo qui a fait que partout... Même dans nos églises, on n'a plus pu fermer les yeux.

  • Speaker #1

    Dans les églises du Sud, vous parliez des femmes dans les groupes de chœurs, mais dans les églises, est-ce que la situation des femmes dans les églises du Sud que vous connaissez, ça a évolué aussi vite et aussi bien ?

  • Speaker #0

    C'est plus complexe. Dans les églises que je connais, les mouvements de femmes sont très forts. Ils étaient très forts. J'ai aussi constaté qu'à certains moments, on pouvait aussi devenir des foyers de maintien d'une tradition qui pénalise.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    Au Mozambique, dans la période du Sida, où beaucoup d'hommes partaient encore dans les mines, les femmes qui restaient en... à la maison, quand elles voyaient leur mari revenir, avaient peur d'attraper la maladie, puisque c'était connu que pendant 18 mois, ils partaient et ils ne revenaient pas. Ils avaient des relations avec des femmes en Afrique du Sud et donc susceptibles de ramener le sida qui flambait, vraiment flambait. Les femmes de certaines... paroisses, j'ai eu ça comme témoignage, ont été obligés par le pasteur. montrer qu'elles étaient prêtes à recevoir leur mari et de façon très... comment dire... il fallait vraiment montrer que, parce qu'il y a des rituels, qu'on était préparés à faire l'amour avec son conjoint et ça c'était l'église et le pasteur qui enjoignaient les femmes.

  • Speaker #1

    C'est le devoir conjugal à la sauce tradie quoi.

  • Speaker #0

    En protection. Donc... Ce qui a été très fort dans les années 80, les mouvements de femmes, et je pense que dans beaucoup d'églises d'Afrique, a permis vraiment un mouvement d'émancipation des femmes. Ça a aussi tourné parfois à quelque chose qu'il faut oser critiquer. Mais les femmes en Afrique, dans les églises, sont très fortes, continuent à être très fortes. Mais voilà, c'est encore tout un autre chapitre, parce que l'évolution des églises en Afrique, dans les années 80, 90, 2000, ce n'est pas toujours évident.

  • Speaker #1

    Ce n'est pas ce que vous imaginez.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire qu'on a vécu aussi au Lesotho, et on a été envoyés par des hommes. Dans les années 84, 88... On avait une direction d'église qui était inféodée au régime en place et qui soutenait l'Afrique du Sud, donc en plein appartement. Et on avait également une France de nouveaux pasteurs, de jeunes pasteurs qui se rebellent. Donc, quand nous, on est arrivés dans cette situation-là, bien sûr, on a tout de suite senti où était notre place plus tôt. Et ça donne ces histoires d'églises où il y a une jeune frange qui essaye de faire avancer et puis qui systématiquement est remise à sa place militairement. Oui, les soutos c'était terrible, les opposants les liquidaient.

  • Speaker #1

    Y compris dans les églises ?

  • Speaker #0

    Oui. Et c'était... Donc de voir ça, j'ai dit non, les églises n'ont pas toujours eu un rôle prophétique. Il y a aussi une époque où ils deviennent un atout du pouvoir. La politique et la religion sont très fortement ancrées dans certaines régions. nouvelles églises aussi qui supportent les différents... Voilà, mais c'est aux Africaines, aux Africains d'en parler. Moi, je vois ça de loin, mais ça peut être assez dur.

  • Speaker #1

    On termine, Michel-Maurice Gnoux, merci pour le laisse-autour, on en a peu parlé, mais c'est vrai que c'est tout un chapitre aussi de votre vie, ce n'est pas le premier, mais ce n'est pas le moins pertinent. On va terminer avec cet objet qui est là. Tout coloré, donc ça me rassure un peu parce qu'au fond ce que vous nous transmettez est quand même relativement dur, même s'il y a beaucoup de zones de lumière, mais il faut le dire à ceux qui nous regardent, c'est vous qui l'avez dessiné.

  • Speaker #0

    Oui, c'est encore elle. À la retraite, je me suis remise à certaines activités que je faisais épisodiquement. Et grâce à Eliane Meunier, qui est également mariée avec Nicolas Meunier.

  • Speaker #1

    C'est la même culture, c'est le Mozambique.

  • Speaker #0

    C'est aussi le Mozambique. J'ai participé au voyage vraiment innovant d'acquarelliste au Mexique, avec Diem, en 2022. Voilà, ça c'est une des pages que j'ai réalisées, avec un poème d'un poète mexicain que j'aime beaucoup.

  • Speaker #1

    Donc, deux nouvelles pages à écrire pour les années qui restent. Merci beaucoup de nous avoir partagé votre mémoire, quelques bouts, disons, quelques bouts de votre mémoire vive. Bonne suite de dessins et de voyages. Merci. Sur la fiche de description, vous trouverez tous les détails nécessaires et bien sûr, le résumé de cet entretien. Si vous voulez suivre d'autres épisodes, si vous appréciez ces interviews, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur... toutes les plateformes de streaming, les réseaux sociaux et bien sûr le site reformez.ch. Merci, au revoir.

Chapters

  • INTRODUCTION du podcast

    00:00

  • Présentation de l’INVITÉ : Michèle Morier-Genoud

    00:45

  • Le Mozambique sous la COLONISATION

    01:15

  • Une éducation CENTRÉE sur le Portugal

    05:45

  • Les liens AMICAUX à l’internat

    08:37

  • Il meurt ASSASSINÉ

    12:51

  • Objet de l’invitée : Le MÉMOIRE de ma mère

    14:54

  • Son STATUT de fille de missionnaire

    16:39

  • On était PORTEURS de l’évangile

    20:17

  • Je découvrais Lausanne et j’étais CHOQUÉE

    26:59

  • Il fallait réparer les INJUSTICES

    33:11

  • Objet de l’invitée : Un oiseau en équilibre

    35:25

  • L’égalité HOMME / FEMME

    36:28

  • Les femmes dans les églises du sud

    43:18

  • Objet de l’invitée : DESSIN et poème

    48:05

  • Mots de FIN

    49:16

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