- Speaker #0
La chute du nazisme a été un révélateur et un réveil terrible pour beaucoup de gens qui ont constaté à quel point l'Église s'était fourvoyée en soutenant l'idéologie nazie et avait donc développé un certain intérêt pour une nouvelle pensée pour reconstruire l'Allemagne sur d'autres bases que celles qui avaient conduit au nazisme, y compris d'autres bases démocratiques et d'autres bases philosophiques, en particulier en reconnaissant le fait que l'Église avait été... était une église de classe qui favorisait les riches, qui favorisait les puissants et qui laissait de côté la petite population, entre guillemets. Mémoire vive, un podcast de Michel Cocher pour réformer.ch.
- Speaker #1
Le 9 novembre 1989, c'est la chute du mur de Berlin. Vous vous en souvenez peut-être. Cet événement n'est pas le fruit du hasard, mais la conséquence de toute une série de facteurs, dont l'action, notamment des églises, des églises en Allemagne de l'Est. Nous recevons aujourd'hui un observateur qui a eu l'avantage de voyager, de traverser le mur avant même sa chute, et donc de comprendre les forces qui étaient à l'œuvre en Allemagne de l'Est et de nous expliquer ce qui s'est passé ensuite. Écoutez le témoignage de Serge Forneurot. Serge Forneurot, bonjour.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #1
Merci d'être avec nous. Alors, je vous invite aussi, parce que vous venez de publier ce récit, « Les Forneurots, une famille au service de l'Église » . Ce récit, il met ensemble à la fois votre propre vie, mais aussi celle... de membres de votre famille que vous avez découvert après coup, dont vous ignorez en partie l'existence. Alors on va se concentrer aujourd'hui, si vous êtes d'accord, sur votre parcours, et le premier grand chapitre que nous allons ouvrir, c'est celui de l'Allemagne de l'Est. Racontez-nous comment vous avez atterri, à Berlin en l'occurrence.
- Speaker #0
À Berlin, dans les années 80, à la fin de mes études, je m'étais intéressé à Dietrich Bonhoeffer, qui m'a beaucoup impressionné dans sa pensée d'essayer de... de prendre en compte la sécularisation, le monde qui réfléchit sans Dieu, le monde dans lequel on était entré. Et j'avais découvert, pendant mes recherches, que pas mal de disciples de Bonnefer vivaient encore et travaillaient encore autour de Berlin. Alors je cherchais une possibilité d'approfondir un peu mes études, je n'avais pas envie d'aller tout de suite en paroisse. Et une opportunité s'est offerte grâce à l'entraide protestante suisse, les Pères. qui avait régulièrement soutenu des théologiens pour séjourner à Berlin et qui leur donnait des informations, qui leur faisait des rapports sur l'évolution de la situation des églises, en Allemagne de l'Est en particulier. Donc exactement le thème de mon mémoire, c'est-à-dire comment une église vit dans un monde qui est de moins en moins religieux ou dans un monde qui se veut de plus en plus sans religion. Donc l'opportunité s'est donnée par chance.
- Speaker #1
Alors à ce moment-là... on est encore avec le mur qui sépare l'Occident auquel nous appartenions et puis le monde communiste, pour dire ça comme ça, c'est juste.
- Speaker #0
Complètement. Berlin-Ouest, où on pouvait vivre, était une île à l'intérieur de l'Allemagne de l'Est, la RDA, et une île complètement non représentative de ce qu'était la société allemande en général. C'est un bouillon de culture, un bouillon de... de jeunes, beaucoup d'étudiants, beaucoup de populations étrangères, beaucoup de Turcs. Et la situation politique de cette enclave, si on peut dire, attirait beaucoup de gens un petit peu alternatifs, originaux, les objecteurs de conscience, puisqu'ils n'avaient pas besoin de faire l'armée. Si on habitait Berlin, on n'avait pas besoin d'être enrôlé dans l'armée, à Berlin-Ouest. Donc c'était un côté vitrine, mais un côté bouillon, un côté manifestation d'étudiants et tout ça, c'était... se sont surtout débroulés là. Et cet aspect vitrine, on le retrouvait aussi à Berla Est, la capitale de l'Allemagne de l'Est, parce que la plupart des bâtiments historiques de l'Allemagne impériale se trouvaient en fait sur la zone soviétique. Donc le gouvernement est-allemand essayait aussi de donner un peu une image vitrine de son régime à travers la culture, à travers des beaux bâtiments, etc.
- Speaker #1
Et alors, qu'est-ce que vous découvrez de l'Allemagne de l'Est ? Parce qu'au fond, c'est là où on ne pouvait pas aller. Vous, vous pouvez y aller.
- Speaker #0
J'ai découvert une église qui vivait, certes de manière très contrôlée, très surveillée, très encadrée, qui subissait des discriminations au niveau de la carrière professionnelle, au niveau aussi de la possibilité de faire des études supérieures, des choses comme ça. Mais une église qui était l'héritière de tous les lieux historiques du luthéranisme.
- Speaker #1
Qui sont en Allemagne de l'Est.
- Speaker #0
Qui sont en Allemagne de l'Est. Dresde, Leipzig, Wittenberg, évidemment, tout ça se trouve sur ce territoire. Donc le régime ne pouvait pas entièrement ignorer cet héritage culturel et historique et l'existence même de cette église allemande extrêmement forte juste avant la guerre.
- Speaker #1
Et, Fonfon, vous nous transmettez, dans votre livre, on le sent bien, une image plutôt admirative de ce christianisme en situation, non pas vraiment de persécution, mais disons de recadrage, ou de recadrage très pesant.
- Speaker #0
Oui, un recadrage pesant. Effectivement, pendant cette période-là, j'étais impressionné de voir la capacité de l'Église à mobiliser ces gens. Et petit à petit, en particulier dans ces années 80, à la fin des années 80, à devenir aussi un lieu un peu protégé où des, je n'appellerais pas encore des dissidents, mais enfin des gens qui cherchaient un autre discours, un autre positionnement politique, un discours un petit peu critique sur la politique du gouvernement, pouvaient avoir un espace de rencontre. Donc l'Église jouait là un jeu. Un peu sur la corde raide, il fallait à la fois être fidèle à l'État, il y avait des règles, etc., et c'est évident, mais en même temps, l'Église permettait d'offrir des locaux à des gens qui voulaient se retrouver pour parler de ci ou de ça. Et l'Église jouait bien ce double Ausha. La preuve a été que suite, immédiatement après la chute du mur, dans le nouveau... Le Parlement allemand a élu aux élections de 1990-91 une grande quantité de pasteurs, de responsables d'église ont été immédiatement élus au nouveau Parlement fédéral. Parce qu'ils étaient eux évidemment porteurs d'une pensée alternative au communisme. Ils avaient leur idéologie, leur foi, leurs valeurs qui se différenciaient évidemment de celles du gouvernement. Donc l'articulation relativement... public de cette pensée, la présence physique de tous ces bâtiments, l'existence aussi physique de milliers et de milliers de pasteurs dans les paroisses, dans les plus petits villages, appelait ou créait à cet intérêt. Si on voulait entendre une fois autre chose que ce qu'on trouvait dans le journal ou à la télévision, on savait que dans l'Église, on entendait d'autres choses.
- Speaker #1
Mais est-ce que ça veut dire que... Au fond, ces pasteurs et cette église, comment dire ça, étaient fascinés par le libéralisme et l'Occident ou est-ce qu'elle était quand même attachée aussi aux valeurs de partage du communisme, même si on sait que c'était en partie du construit ?
- Speaker #0
Vous trouviez de tout. Comme positionnement, exactement comme aujourd'hui dans n'importe quelle église, il y avait évidemment aussi une partie du peuple de l'église et des responsables qui... avait été traumatisée par l'expérience du nazisme et par l'expérience de la lâcheté de l'Église allemande, qui, dans une énorme majorité, avait suivi le nazisme et avait suivi les Dauze Christen. Donc la catastrophe de la chute du nazisme a été un révélateur et un réveil terrible pour beaucoup de gens qui ont constaté à quel point l'Église s'était fourvoyée en soutenant l'idéologie nazie. et avait donc développé un certain intérêt pour une nouvelle pensée, pour reconstruire l'Allemagne sur d'autres bases que celles qui avaient conduit au nazisme, y compris d'autres bases démocratiques et d'autres bases philosophiques, en particulier en reconnaissant le fait que l'Église avait été une Église de classe, qui favorisait les riches, qui favorisait les puissants et qui laissait de côté la petite population, entre guillemets. Donc il y avait effectivement une proche de cette... des membres de l'Église et du clergé, si je peux dire ça comme ça, qui étaient ouverts, voire très ouverts au régime, en tout cas dans les premières décennies. Et puis, à part ça, vous aviez les gens indifférents, vous aviez les gens intéressés mais sans être motivés, vous aviez évidemment les gens opposés, en particulier le fait que le régime communiste interdisait toute action publique dans la rue, censurait. les publications, les livres, etc., empêchaient l'Église d'avoir son rayonnement social traditionnel. Et cet athéisme militant était évidemment incompréhensible et inacceptable pour l'entier de l'Église.
- Speaker #1
Dans votre livre, vous parlez de la dévastation du nazisme. Je voulais vous relancer là-dessus, parce que c'est quelque chose auquel on a peu accès. On a accès à l'Église militante, à Bonnefer, cette figure dont vous nous parlez. Mais au fond, monsieur Tout-le-Monde, comment il vivait l'héritage de ces années terrifiantes ? On ne sait pas très bien.
- Speaker #0
La plupart, je crois, ont été sincèrement et honnêtement abasourdis de découvrir ce que le nazisme avait pratiqué pendant ces 15 années de règne. Pas seulement en particulier, mais pas seulement envers la population juive. La plupart, je crois, l'ignoraient complètement. Alors ? Oui. On peut ignorer une chose par toutes sortes de méthodes, aussi en ne regardant pas, mais aussi en n'imaginant pas que ce soit possible d'être aussi cruel et d'être aussi inhumain. Donc, effectivement, dans la pensée de l'Église allemande et de la théologie allemande, en général, c'est... L'après 45 a été une phase de profonde remise en question sur la profondeur de la foi, sur l'alliance avec une idéologie, sur les questions de pouvoir, sur le pouvoir que l'Église avait. Donc là, il y a une énorme réflexion qui s'est faite des deux côtés du mur, si je peux dire ça comme ça. Mais évidemment, en Allemagne de l'Est, c'était relatif. paradoxalement plus facile parce que l'État le favorisait, cette réflexion critique, mais en même temps, elle empêchait le développement d'une réflexion critique autonome. Elle conduisait la réflexion critique en disant « c'est à cause de ça, c'est à cause de ça, et ce n'est pas à cause d'autre chose » . Donc, on rejetait la faute sur les nazis, c'était la faute des nazis, et les nazis, au bout d'un moment, étaient devenus quelque part un peuple étranger. Il y avait les gens qui étaient nazis, puis il y avait les autres gens qui étaient juste des moutons. ou qui avaient suivi. Cette prise de conscience-là a aussi été douloureuse. Savoir que les nazis aussi, ils ont profité d'une certaine paresse, d'une certaine nonchalance, d'une certaine innocence, naïveté, quel que soit l'adjectif qu'on veut y joindre. Mais tous les gens avaient une certaine, ont dû reconnaître une certaine complaisance avec ce qui s'était passé.
- Speaker #1
Les relations entre protestants... de l'Est et de l'Ouest, c'était comment ? C'était tendu, c'était amical, c'était « Oh, les pauvres, ils sont à l'Est, nous, on a la chance, on est à l'Ouest » .
- Speaker #0
C'est ça, c'était plutôt ça. La situation voulait que j'étais là, sur place, à peu près chaque paroisse est-allemande avait entre quatre et cinq paroisses jumelles ou est-allemandes. C'était même une recommandation en Allemagne de l'Ouest de se soucier de ses pauvres frères et sœurs en Allemagne de l'Est, et donc d'entretenir des contacts épistolaires, des visites, puisque les gens de l'Ouest pouvaient venir visiter, etc. Ce qui s'est fait, c'est beaucoup pratiqué, mais qui était aussi régulièrement tâté d'un paternalisme et d'une certaine condescendance, voire d'une victimisation trop facile. Il y a beaucoup de paroisses est-allemandes, donc petit à petit. à petit réduit ce genre de jumelage ou arrêté, parce qu'ils étaient vraiment vexés d'être pris pour des victimes, ou d'être pris pour des pauvres, ou d'être pris pour des gens manipulés, à qui on offre des boîtes de conserve et puis des fruits ou des choses comme ça, mais qu'on ne prend pas vraiment au sérieux.
- Speaker #1
Or, ils ont joué un rôle tout à fait décisif dans la chute du mur.
- Speaker #0
Absolument. Du fait de l'espace que l'Église offrait, physique, physique... de l'initiative de quelques pasteurs qui ont aidé à regrouper les gens pour faire des manifestations pacifiques au début des années 80, en particulier à Leipzig. L'Église a joué un rôle de catalysateur extrêmement important. Elle l'a aussi fait de manière assez subtile parfois, en jouant de l'ambiguïté de la propagande est-allemande. Le meilleur exemple était cette fameuse statue qu'on trouve devant le siège de l'ONU à Zurich. où on voit un forgeron transformer une épée en socle de charrue, qui est une référence à un texte public de Don Miché en particulier, mais qui est aussi un statut que l'Union soviétique a offert à l'ONU après la Deuxième Guerre mondiale en symbole de sa politique de paix. Et donc ce symbole de l'homme transformer une épée en socle de charrue était extrêmement populaire en Allemagne de l'Est. C'est parti de la propagande. Et un pasteur du sud-ouest de l'Allemagne l'a retourné en en faisant un symbole de la volonté pacifiste, du témoignage pacifiste des chrétiens, en rappelant que c'était par ailleurs aussi un texte biblique, et en prenant ça comme argument pour soutenir le refus de servir dans l'armée est-allemande ou pour... encourager les jeunes à devenir soldats de construction, comme on l'appelait à l'époque. Et ce symbole est devenu le symbole de la résistance pacifique ou de l'opposition pacifique de la jeunesse est-allemande dans les rues de Berlin et de toute la RDA, jusqu'au point où l'autorité a dû interdire l'appel. La publication de ces symboles, carrément interdits, qui soient publiés et visibles nulle part, dans les églises et ailleurs. Alors,
- Speaker #1
vous, vous aviez la chance de pouvoir passer de l'Est à l'Ouest facilement. Ce n'était pas le cas pour les Allemands de l'Est. Dans votre livre, vous évoquez la fameuse police politique, la Stasi. C'était concret pour vous ? On en parlait ? Vous avez cherché après coup à savoir si vous étiez fiché ?
- Speaker #0
J'ai cherché après coup, mais plusieurs années après être rentré, tout le monde savait que c'était là, tout le monde savait qu'il y en avait partout, tout le monde savait que dans n'importe quelle séance, de quelque comité que ce soit, il y avait en tout cas une personne qui était chargée de faire un rapport, de raconter à son supérieur. Donc l'Église étant une force d'opposition ou une force... qui refusent l'idéologie marxiste, il était évident que l'Église était sous contrôle. Ça se passait par ce genre de gens, ça se passait aussi par des pressions sur les dirigeants, bien sûr. Donc on savait que, si tôt qu'on était dans un endroit public, il devait y avoir quelqu'un qui... Maintenant, impossible évidemment de savoir qui c'était sur le moment. L'expérience que j'ai faite m'a montré que c'était relativement peu étonnant. C'est-à-dire, nous sommes restés trois ans sur place, donc au bout d'un certain temps, on apprend à connaître les gens, à entretenir des relations personnelles, à décoder aussi certains comportements, à être attentif à certaines expressions ou certaines postures. Donc, dans la paroisse où nous travaillons, ou dans l'environnement dans lequel nous travaillons à l'époque, On avait quand même des soupçons plutôt pour telle personne que telle personne. Et d'autres, on avait vu leur position, un professeur de théologie ou des gens comme ça, qu'ils étaient obligés, pour avoir cette position, de devoir raconter des choses. Donc l'après-cours n'a pas été très surpris. Par contre, ce qui moi m'a surpris, c'est de voir à quel point les gens qui devaient faire des rapports ou qui en faisaient spontanément, le faisait à la manière de tout ce qui se faisait en RDA, c'est-à-dire pas vraiment convaincu, pas vraiment zélé, pas toujours correct du tout, avec beaucoup de fautes, parfois des histoires inventées, et souvent des histoires de jalousie personnelle. Donc la valeur de l'information transmise était extrêmement variable. finalement, ces gens-là, comme tout le monde, avaient un plan à remplir, le fameux plan quinquennal ou annuel. Il fallait faire un rapport tous les X semaines et voilà, il fallait le faire. Donc, on mettait ce qu'on trouvait. Et c'est vrai que ces gens-là, les collaborateurs informels, comme on les a appelés, étaient souvent des pauvres gens comme vous et moi, si je peux dire, qui n'avaient pas le choix ou qui, pour avoir droit à un appartement ici plutôt que là, acceptaient de 30 tels ou tels services. Mais en fait, on ne demandait qu'à ce qu'on les laisse tranquilles.
- Speaker #1
Donc, est-ce qu'on en parlait ? On se disait entre nous, tu crois qu'il a de l'anastasie ?
- Speaker #0
Non, non. Seulement entre quatre yeux ? Non, non.
- Speaker #1
Alors, vous avez amené des objets. On va faire le tour, mais j'aimerais qu'on commence par celui-là. On reconnaît, je n'ai pas vérifié avant avec vous, mais on reconnaît Yeltsin. Là, je pense que c'est Lénine,
- Speaker #0
Staline, Brezhnev et Gorbatchev.
- Speaker #1
Et Gorbatchev, voilà. Ça sort d'où ?
- Speaker #0
Ça sort d'un marchand de rue rencontré à Budapest en 1991, donc juste après l'effondrement de l'URSS. Mais déjà à l'époque, on avait retourné cette image de la matrioshka, de la poupée russe traditionnelle, en y mettant les gens du pouvoir. avec en ce moment-là l'espoir que Lié-Tsin serait peut-être quelqu'un qui pourrait faire le tournant. Ce qui moi m'a intéressé dans cet objet, c'est l'aspect poupée russe, c'est-à-dire qu'une réalité en cache une autre, qui en cache une autre, qui en cache une autre. Et que ce qui est à la superficie est peut-être ce qui frappe le plus le regard, ce qu'on voit en premier. Mais il faut comprendre qu'il y a une histoire derrière, il y a une longue histoire derrière, en particulier en Russie, avec l'importance de l'orthodoxie et la continuité de l'orthodoxie. Et puis la réalité est différente un peu à chaque couche archéologique qu'on se met à fouiller. La superficie est très réglée, très lisse, très... Carré, grise, et si on creuse un petit peu, si on arrive à entrer en relation avec les gens, si on a des contacts personnels, tout à coup on découvre que les gens vivent une autre vie en parallèle de la vie officielle.
- Speaker #1
Alors vous avez pu aller pendant ces années à Berlin, vous avez pu aller dans les pays de l'Est ?
- Speaker #0
Oui, souvent, en particulier en ERSS, mais aussi en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Pologne, sans trop de difficultés.
- Speaker #1
Est-ce qu'on y voyait des différences de ce qui se passait à Berlin-Est ou dans la partie est d'Allemagne ?
- Speaker #0
Partiellement, oui. C'est-à-dire que l'Allemagne de l'Est était un pays relativement riche au niveau économique, par rapport à l'URSS en particulier, mais très rigide idéologiquement, militairement et socialement, comparé par exemple à la Hongrie. qui était un régime déjà beaucoup plus mélangé aussi économiquement. Mais par exemple, l'Allemagne de l'Est était beaucoup plus riche et souple que la Roumanie de Ceausescu, qui a été vraiment un désastre, qui a appauvri, affamé sa population d'une manière inimaginable, ni en Hongrie, ni en Allemagne de l'Est. Et à l'intérieur de l'URSS, on constatait aussi des énormes différences. Nous avons eu l'occasion d'aller jusqu'en Estonie, qui était à l'époque partie de l'URSS. Et l'Estonie, à cette époque-là déjà, était un pays riche, économiquement brillant, développé, qui ne cachait pas du tout ses églises et son passé historique. Polyglotte, ce qui était vraiment très différent de ce qu'on pouvait trouver... à Moscou ou à Saint-Pétersbourg. Et Moscou,
- Speaker #1
par exemple, vous êtes allé, vous avez un souvenir, ou des gens que vous avez rencontrés qui vous ont marqué, d'autres pays ?
- Speaker #0
Oui, exactement. Le voyage que nous avons fait avec un groupe d'étudiants devait aller en fait à Minsk, en Biélorussie, essentiellement, puis ensuite Saint-Pétersbourg et Tallinn, l'Estonie. Mais les hasards de la logistique ont fait qu'un bâtier du groupe devait transiter par Moscou. avant de revenir à Minsk. Et évidemment, j'étais dans ce groupe-là. Et évidemment, il y a eu un souci à l'aéroport avec les passeports et les visas. Il nous manquait un Stempel. On n'avait pas de visa de transit. Donc, on a dû rester une nuit à Moscou, ce qui n'était pas du tout prévu. On était parqués dans un hôtel proche de l'aéroport qui avait été construit pour les Jeux Olympiques des 80, avec l'interdiction formelle de quitter l'hôtel et avec un rendez-vous fixe le lendemain pour être rapatriés à l'aéroport. Évidemment qu'on n'a pas réussi à résister à la tentation de sortir. Le personnel de l'hôtel ne s'en fichait complètement, ne s'occupait pas du tout de nous. Au contraire, ils discutaient un peu. On pouvait leur demander comment il fallait faire pour se rendre dans le centre, etc. Avec deux ou trois mots de russe ou deux ou trois mots d'anglais. Et du coup, on est partis dans le premier bus venu pour se retrouver à la place rouge. à faire des photos et à se promener, à aller visiter les magasins, etc. avant de rentrer sans aucun problème et personne n'en a rien su, personne n'a rien vu, on n'a pas été arrêté, interpellé ou quoi que ce soit.
- Speaker #1
Alors de ces voyages en Hongrie et en URSS, vous avez gardé des liens dont on verra qu'ils sont importants pour la suite de votre parcours de professionnel. Est-ce que vous pensez à l'une ou l'autre personne qui sont encore vivants dans votre mémoire, que vous évoquez dans le livre ? Notamment en Hongrie, parce que c'est un pays qui vous a marqué manifestement.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Il y en a tellement,
- Speaker #0
je pense que c'est difficile de se dire. Il faut y choisir. Ce qui m'a frappé particulièrement en Hongrie, c'est la vivacité de l'identité réformée. C'est vraiment le pays d'Europe de l'Est de l'époque qui avait la plus grosse minorité protestante réformée. Et le calvinisme, ou la... L'église réformée hongroise est vraiment une église qui est droite dans les bottes de sa tradition et extrêmement fière de sa tradition. Et nous avons découvert là une faculté de théologie immense, une bibliothèque immense, des locaux et des professeurs à profusion qui n'hésitaient pas à faire sortir l'église de ses murs et à promouvoir le travail diaconal de l'église. au-delà des structures paroissiales, par exemple, y compris et jusqu'à des professeurs d'éthique sociale qui commençaient à avoir accès à la littérature occidentale avant la chute du mur et qui s'intéressaient à des échanges théologiques avec l'université Zurich, par exemple, qui se sont ensuite développés, par exemple.
- Speaker #1
Alors, un mot, Sacha Sandoro, sur la chute du mur, parce que comme vous avez vécu intensément le mur, la chute du mur, ça s'est passé comment pour vous ?
- Speaker #0
C'était très particulier. Je suis rentré en Suisse en 1985, donc quatre ans avant la chute du mur, mais évidemment, après, chaque année, j'y retournais. Et en 1989, j'avais organisé un camp, j'avais participé avec le groupe de jeunes de ma paroisse à un camp chantier dans un home dans le centre de l'Allemagne de l'Est. avec des gens qui venaient de République tchèque, de Pologne, d'Allemagne de l'Est évidemment, mais aussi du Mozambique et d'ailleurs. Et c'était le mois d'août 89. Donc il y avait déjà à l'époque les ambassades allemandes à Prague et à Budapest étaient déjà occupées. Donc le pays était déjà en pré-révolution. Le gouvernement tardait à prendre des mesures. Et on était... 25 jeunes, là, tout seuls, dans un home pour personnes âgées à rénover, sans autre contrôle que nous-mêmes. Et les discussions avec les jeunes est-allemand étaient extrêmement intenses. Et leur désespoir, leur découragement, les récits sur la chute de la qualité de vie et du niveau de vie en Allemagne de l'Est depuis 1986-1987, vraiment, le déclin de l'économie est-allemand était visible. tangiblement, c'est pas qu'on a eu faim, mais on voyait bien que les magasins étaient de plus en plus vides et les gens de plus en plus frustrés. Donc on voyait cette douleur, je dirais, des jeunes qui se demandaient quel avenir ils pourraient avoir. Puis voilà, ensuite en août, on rentre à la maison, on rentre en travail de paroisse, etc. Et je dois avouer qu'on suit ça, on suit l'actualité, évidemment, jour après jour. Mais en novembre 89, quand le soir, je suis rentré chez moi après, en écoutant les nouvelles et en entendant l'annonce de la chute du mur, j'ai pleuré. J'ai tout simplement pleuré. J'étais à la fois fou de joie et d'émotion par rapport à tous les gens que je connaissais. Mais j'ai aussi pleuré parce que j'avais compris que la plupart des gens avec qui j'avais des contacts étaient certes contents d'être libérés, mais n'avaient pas envie. de devenir comme nous, à l'Ouest. Ils avaient l'espoir de pouvoir reconstruire leur pays avec leur vie, leurs valeurs, leurs manières, leurs idées. Et cette époque-là, cette attitude-là a été très vite déçue et balayée par la volonté de la majorité de la population qui était de dire qu'on veut se réunifier et on veut reprendre un pour un le système ouest-allemand. On ne va pas essayer. Une variante un petit peu plus sociale, un petit peu plus progressiste. On ne va même pas essayer de garder certains avantages sociaux. On va tout bazarder. Beaucoup de gens de mes relations, malgré le fait qu'ils étaient en opposition avec le régime, comme peu près tout le monde, estimaient qu'il y avait d'autres choses à garder, comme le fait que les femmes pouvaient travailler ou devaient travailler, que les congés maternités étaient extrêmement généreux. que les couches faibles de la population étaient protégées, peut-être trop protégées, mais étaient protégées. Tous avaient un emploi, tous avaient quelque chose à manger. Donc ils avaient bien conscience que reprendre le système occidental signifiait aussi de probablement devoir encaisser des pertes dans ces questions-là, ce qui a été le cas. C'était plutôt au niveau des biens, du confort, que ça s'est joué, qu'au niveau des idées ?
- Speaker #1
Complètement. Les gens ont reçu 100 Deutschmarks le premier jour quand ils passaient la frontière. C'était ça, la liberté, c'était 100 Deutschmarks. Et beaucoup de gens étaient humiliés, profondément humiliés d'être traités de la sorte. Ils voulaient la liberté, mais ils ne voulaient pas l'aumône. Et cette attitude-là, elle a créé beaucoup, beaucoup de... dommages psychologiques dans la population et d'une deuxième humiliation, je dirais. Ils ont été perdants parce qu'ils ont été du côté du régime communiste, par hasard, géographiquement. Mais au moment où on les libère de ça, ils sont à nouveau perdants parce qu'on ne les écoute de nouveau pas. Comme en 1947, on ne les a pas écoutés. Respectivement, la majorité a décidé autrement. Et beaucoup de gens ont été vraiment traumatisés par ces changements.
- Speaker #0
Alors, sachant l'eau, ne pas être écouté. C'est l'expérience de cette partie de la population. Mais d'une certaine manière, c'est aussi votre expérience. Si on avance un peu dans le temps, vous rentrez, après vos années allemandes, est-allemande ou ouest-allemande, vous rentrez en Suisse et là, fort de votre expérience, vous atterrissez dans une parance vaudoise. Il n'y a pas de compte à ça, évidemment, mais tout le bagage, tout ce que vous aviez compris, appris, au fond, On ne peut pas en faire grand-chose. C'est peu reçu ici, c'est peu compris. Mais c'est quand même étonnant parce que les informations qu'on avait sur le mur, le communisme, etc., on savait qu'il y avait des enjeux énormes, mais au fond, ça n'intéressait pas les gens, ou plus les gens.
- Speaker #1
Si, ça les intéressait. Et j'ai eu, je crois, la chance de tomber dans une paroisse qui était extrêmement ouverte et accueillante et intéressée par rapport à d'autres. Donc l'intérêt était réel. Mais voilà, vous avez raconté une fois, deux fois, trois fois, et la quatrième fois on vous dit bon, c'est bon, on a compris, tu viens d'ailleurs, mais maintenant ici ça se passe comme ça. Donc on met ça pour l'instant de côté, on y reviendra après, etc. Donc il y avait une réaction relativement compréhensible et naturelle de dire oui, oui, mais c'est tellement étranger à notre monde, d'une part, et c'est tellement, enfin, c'est quand même un tout petit peu... pas tout à fait le discours qu'on entend dans nos médias sur ce qui se passe là-bas. Donc les gens avaient de la peine à mettre ça dans une bonne case et savoir exactement comment interpréter ce que nous rapportions. Évidemment, ce que ça pouvait bien changer pour eux. Et ça pouvait évidemment potentiellement changer pas mal de choses si on se dit, ah mais tiens, dans un pays communiste, dictature, militaire, il y a des chrétiens qui vivent, qui vivent bien, qui vivent droit, qui vivent de manière honnête, qui s'engagent. qui sont authentiques autant que moi, qui veulent la liberté comme moi, mais qui ne veulent pas être des esclaves. C'est perturbant dans l'image qu'on a du monde, parce qu'on préfère se dire que ce sont tous des victimes ou alors des collabos, mais ce n'était ni l'un ni l'autre. Cette nuance-là est difficile à exploiter à long terme. Donc voilà, c'était relativement naturel. Mais il y avait effectivement deux ou trois cercles dans les églises de Suisse qui, eux, étaient intéressés à entendre ces histoires. Et puis, ça m'a surtout aidé, je crois, dans mon ministère à ouvrir des fenêtres dans les habitudes, à justement organiser des voyages avec les jeunes à gauche, à droite, dans des régions moins touristiques, leur faire découvrir l'autre réalité. derrière la superficie de plusieurs pays.
- Speaker #0
Est-ce que vous diriez qu'il y avait un petit peu quelque chose du dissident aussi dans votre posture, mais voilà, à petite dose ?
- Speaker #1
Extrêmement petit, je ne dirais pas dissident, mais c'est vrai que j'étais un peu unique avec cette expérience-là. En Suisse romande, il n'y avait pas d'autres personnes qui avaient fait cette expérience. Donc, inévitablement, on était un petit peu différents. Même si le travail était le même pour tout le monde, les gens se remontent sur les mains partout, donc il n'y avait pas de difficulté pour faire le travail. Mais il y avait une autre approche, parfois un petit peu moins rigide, un petit peu moins institutionnelle, un petit peu plus alternative, un petit peu plus spontanée aussi.
- Speaker #0
Je veux que vous nous disiez un mot sur ce tableau-là, enfin ce tableau, cette photo-là, dont je ne sais rien en fait. On n'en a pas parlé avant l'interview, donc je vais découvrir avec vous.
- Speaker #1
ce dont il s'agit cette photo représente le pavillon de l'église protestante suisse lors de l'exposition mondiale pour les cinq cents ans de la réformation à wittenberg vous voyez la fameuse autour de l'église de Luther à Wittenberg en 2017. Donc c'est la manière dont les protestants, les réformés suisses ont marqué leur présence dans les énormes célébrations et manifestations que les Allemands avaient préparées pour les 500 ans de Luther, comme il disait au départ, et que nous avons essayé de corriger en disant 500 ans de la réforme, puisqu'il se trouve qu'il y a aussi en Suisse un ou deux réformateurs qui ont joué un rôle important, même en Allemagne.
- Speaker #0
Alors, ça nous permet de faire la transition parce qu'au fond, la suite de votre parcours professionnel, de votre carrière, elle va se dérouler dans des lieux où votre expérience allemande est valorisée, sert à quelque chose, si je peux me permettre l'expression. Ces lieux, c'est la Fédération des Églises Protestantes de la Suisse à ce moment-là. Et puis, c'est aussi les Pères. Alors, peut-être commençons par les Pères. Chronologiquement, c'est plutôt les Pères d'abord.
- Speaker #1
C'est les Pères d'abord.
- Speaker #0
Comment ça se passe ?
- Speaker #1
Ça se passe de la suite immédiate de la chute du mur. Le 89 et l'énorme vague de solidarité qui s'est développée en Suisse romande, en particulier pour la Roumanie. On se souvient que Ceausescu avait été exécuté à Noël 1989 et ce régime s'est effondré comme un château de cartes. Il était, comme je l'ai dit, dans un état de pauvreté, de délabrement économique gigantesque. tenté de raser des centaines de villages traditionnels pour construire des villes socialistes. Et ce projet de Ceausescu avait fait monter aux barricades des dizaines de milliers de gens en Europe occidentale et en particulier en Suisse, dans des villages où on avait créé l'opération Village Roumain, qui avait comme objectif justement d'informer sur les plans de Ceausescu et de soutenir, d'apporter de l'aide politiques d'abord, de lobbying, et puis ensuite physiques aux Roumains après 1889. Des dizaines et des dizaines de villages et de villes en Suisse romande et en Suisse, l'entier de la Suisse, ont envoyé des camions et des camions et des camions en Roumanie dans leurs villages parrainés pour aider la population, pour reconstruire, pour développer telle ou telle chose. Et c'était cet élan de solidarité qui s'est répercuté sur les pères qui avaient été... Entre autres grâce au poste qu'on occupait à Berlin, mais aussi par ses relations en Europe de l'Est, les pères disposaient d'un réseau de relations dans la base des églises protestantes en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Roumanie, qui était absolument énorme et qui était aussi unique. Donc on connaissait depuis la Suisse les noms de tous les pasteurs de toute l'église réformée de Hongrie en Europe centrale et leur localisation. Donc l'EPER a pu développer, elle aussi, très rapidement de l'aide, des projets d'aide, des convois d'aide pour les paroisses protestantes en Europe de l'Est. Et cette aide-là a connu un énorme succès populaire. Beaucoup de paroisses en Suisse romande se sont mobilisées et ont dit « mais on veut nous aussi aider, EPER, qu'est-ce qu'on peut faire ? » Ce qui fait que l'entraide protestante, qui a son siège central à Zurich, a décidé d'ouvrir un poste. pour ce genre de projet à Lausanne, pour fédérer un peu, coordonner l'aide depuis la Suisse romande. J'ai eu le privilège de pouvoir occuper le premier de ce poste-là pendant une dizaine d'années. Donc, d'organiser depuis la Suisse romande le soutien financier, le choix des projets auprès des partenaires et des contacts, des échanges ou des voyages entre la Suisse romande et la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, l'Ukraine, etc. L'Ukraine aussi. L'Ukraine subcarpathique, comme on l'appelle aujourd'hui, donc la partie en deçà des Carpathes, qui est la frontière avec la Hongrie et la Slovaquie, qui est un territoire que Staline avait récupéré après la guerre, mais qui était originairement, historiquement, hongrois.
- Speaker #0
Sachez-vous, Leroux, parmi les personnalités marquantes de Leper, il y en a un ou une personnalité qui est Marcel Pache. Vous l'avez connu. Dites-nous ce qu'il représentait à cette époque.
- Speaker #1
Ah, Marcel Pache, c'était... C'était une personne ressource, une personne en or. Ça a été la clé de voûte et de l'aide de l'Épère en Europe de l'Est. Il y a déjà un parcours assez singulier qui commence avec Karl Barth à Bâle. Ensuite, Pache a été pasteur à Roubaix pendant la guerre. Roubaix était à l'époque... Donc une ville déjà directement sous l'administration allemande. Donc il était en fait sur le front lui-même. Et il a... fait connaissance, parce que c'était quelqu'un qui était extrêmement jovial, extrêmement facile de contact, avec une grande bonhomie déjà, dès le départ de sa carrière. Il a noué des contacts rapprochés avec des officiers allemands, sur place, qui lui ont confié, sous le secret de la confession, qu'ils n'étaient pas franchement enchantés par Adolf Hitler, mais qu'ils sont officiers allemands, prussiens. De fil en aiguille, ça a permis à... la page d'exfiltrés de la zone allemande, des protestataires, des contestataires et des juifs, des dizaines et des dizaines de juifs, dans la zone libre. Évidemment, sans que personne ne le sache, mais avec une certaine complicité d'officiers allemands. Ensuite, Marcel est rentré en Suisse, est devenu pasteur dans les montagnes vaudoises. Et puis il a de nouveau fait un virage dans sa carrière où il s'est engagé comme aumônier des chantiers, des barrages valaisans, qui étaient construits par des Espagnols, par des Italiens qui venaient de l'autre côté de la frontière, qui venaient dans des baraquements dont on aurait honte aujourd'hui. Et il a passé cinq années à passer de chantier en chantier, à faire l'aumônier de ces gens-là qui n'étaient pas du tout protestants, qui n'étaient pas nécessairement religieux, jusqu'à sa retraite pratiquement. Et après sa retraite... Un de ses amis, qu'il avait fait venir à Roubaix du temps de la guerre, Hans Ausha, était devenu secrétaire central de l'EPER, l'entraide protestante à Zurich, et lui a dit, Marcel, on a besoin de contacts et d'informations en Europe de l'Est, est-ce que tu pourrais nous aider à développer des contacts avec l'église réformée de Hongrie ? Et depuis 1976, donc à l'âge de sa retraite, à partir du moment où de son passeport, ce n'était plus écrit qu'il était pasteur. Marcel est parti à pied depuis la Hongrie en Roumanie, a traversé la frontière en permanence pour aller visiter village après village pratiquement toutes les paroisses réformées de l'église réformée de Hongrie en Roumanie. Ce qui a donné une base de données absolument monumentale à les perses sur qui est qui, qui travaille comment, qui fait quoi, qui sont les personnes de confiance, etc. Et cette ressource-là était un capital absolument incroyable pour l'épère pour commencer son travail en Europe de l'Est. Sans lui, tout le travail que l'épère a développé ensuite en Europe de l'Est aurait été impossible.
- Speaker #0
Alors dans votre livre, je rappelle les Fornoros, une famille au service de l'Église. Dans ce livre, on a évidemment plus de détails qu'on peut en avoir ici dans notre échange, je prends mes notes, vous mentionnez un évêque hongrois. qui oppose un monde post-chrétien ou plutôt un monde post-athée.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Expliquez donc.
- Speaker #1
C'est une attitude qui est reflète et qui symbolise extrêmement bien le positionnement progressif des églises réformées, hongroises en particulier, mais de beaucoup d'églises et d'une partie de la population en Europe centrale et de l'Est jusqu'à aujourd'hui, qui consiste à dire, vous en Occident, vous êtes dans un monde sécularisé. Vous êtes devenu très libéral, vous acceptez tout, vous vivez richement, vous mélangez foi et raison, enfin c'est le règne du libéralisme et de la sécularisation, vos églises se vident. Donc vous êtes dans un monde post-chrétien. Nous avons été, en Europe de l'Est, par les communistes, contre notre gré, mais nous avons été protégés de ça. Et nous sommes... Nous avons été obligés de nous confronter à l'athéisme d'État doctrinal, enseigné à l'école, enseigné dans la jeunesse, obligatoire pour tout le monde, y compris pour les chrétiens. Et nous nous retrouvons maintenant dans une situation où ce régime athée a complètement s'effondré de A à Z. Donc, notre situation est complètement différente de la vôtre. Nous sommes dans une situation de post-athéisme. Donc, c'est une chance géniale. mirobolante pour retrouver nos racines et pour réaffirmer nos racines chrétiennes d'avant la période communiste, voire avant la période fasciste. Et cette attitude-là explique bien, je crois, le positionnement progressif de ces églises qui aujourd'hui parfois nous surprennent par leur positionnement très conservateur sur beaucoup de questions. En particulier éthique, mais pas seulement. Cela vient de leur histoire qui était de dire que la fin de l'athéisme, ça veut dire le retour du christianisme. Ça veut dire le retour au statu quo ante, le retour à l'Église qui dirige l'esprit social et qui inspire le gouvernement. Et on a vraiment, et qui défend les valeurs de l'époque, des années 1920, voire avant. Malheureusement, cette attitude-là, ou ce, malheureusement, pas un jugement de valeur, mais enfin, ce positionnement-là est très vite rattrapé par la secularisation occidentale qui s'est quand même imposée. malgré les voeux des églises et des évêques aussi bien à l'est qu'à l'ouest. Mais on sent encore aujourd'hui, dans beaucoup de positionnements de ces églises, cette attitude de dire « mais nous devons retourner, non pas à 1945, mais à 1920, pour retrouver l'église et la foi et l'expression de la foi telle qu'elle était avant que l'occidentalisation de notre société se passe. » Et ce conservatisme-là... il est encore très fort en Hongrie il est encore un petit problème il explique Aubin et
- Speaker #0
Encore en bonne partie oui si on reste à l'épair il y a un chapitre qu'on doit ouvrir c'est celui que cet objet nous permet d'ouvrir moi j'y vois évidemment une croix ça c'est pas très compliqué mais il y a d'autres choses autour Il y a une identité au fond. Je regarde toute ma carrière. J'en fais beaucoup déjà.
- Speaker #1
C'est un cadeau que j'ai reçu lors de mon départ à la retraite de partenaire en Syrie, de partenaire arménien en Syrie. J'ai reçu cette croix, qui est une croix arménienne, mais elle était cassée. Le transport l'a fait se rompre. Je l'ai recollé avec les moyens du bord, mais j'ai hésité à la recoller parce que le symbole de cette croix cassée était tellement l'image et le message qu'on voit de la réalité actuelle de la Syrie et des chrétiens en Syrie et au Liban actuellement, que j'ai été très touché par ce symbole. Cette croix vient de Kassab, qui est une ville sur la côte d'un Méditerranée, un village d'Arméniens. qui ont fui le sud de la Turquie en 1915 et qui se sont réfugiés dans l'actuelle Syrie. C'est un des villages historiques arméniens de Syrie et qui maintenant aussi sont encore et toujours soumis au contrôle et aux chicaneries du régime. Donc c'est un symbole de l'histoire du peuple arménien dans cette région qui espérait après 1915 avoir trouvé refuge au Liban et en Syrie. et qui aujourd'hui, que ce soit au Liban ou en Syrie, est à nouveau pris entre les griffes de puissance qui veulent les écraser. Je pense à l'exemple de la guerre qu'il y a eu l'année passée entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, où on a simplement empoché une partie du territoire historique arménien. Et là aussi, l'EPER a en particulier une longue histoire avec l'Arménie. Donc j'étais toujours déjà à l'EPER et ensuite à la FEPS. sensible à l'histoire de ce peuple, le premier peuple chrétien, le premier état chrétien au 3e siècle.
- Speaker #0
Quand vous êtes allé en Arménie pour la première fois, vous avez des souvenirs, vous avez découvert un monde que vous ne connaissiez pas du tout ?
- Speaker #1
Complètement. C'était la première fois. L'image la plus forte qui m'est restée, c'est celle qui a aussi provoqué un projet qui m'a été cher, c'était de constater, on était au printemps, Le long des rues, le long des routes défoncées, dans tous les états que vous pouvez imaginer, tous les 50 mètres, il y avait un paysan qui avait des cajots d'abricots et qui essayait de vendre pour survivre les abricots qu'il poussait dans son jardin, puisque l'abricot est un fruit extrêmement répandu en Arménie, voire même originaire de cette région-là. Mais on était en 1991, en 2001, pardon, donc peu de temps encore après la... les trompes bantaires et l'effondrement de l'URSS. Donc le pays était à genoux et les gens essayaient de survivre. Et une ONG chrétienne avait constaté ce dégât énorme pour les paysans de devoir laisser pourrir leurs abricots sur la rue, dans les champs, parce qu'ils n'arrivaient pas à les vendre, tous, respectivement qu'il n'y avait aucun processus de transformation du fruit qui était organisé sur place pour les garder. les transformer, que ce soit en fruits secs ou en confiture ou quoi que ce soit. Et cette ONG a développé, grâce aussi en particulier au soutien de l'entraide protestante, un projet de transformation des abricots. que ce soit pour les sécher ou pour les transformer en confiture ou autre produit, ou Ausha évidemment, qui a duré et qui s'est encore prolongé jusqu'à devenir un projet de certification bio au jour d'aujourd'hui. Et ça avait été l'occasion une fois lors d'un hiver, dans les fameuses campagnes d'automne de l'entraide protestante et du département missionnaire de l'époque, d'importer une... une tonne de ces abricots transformés, nouvellement séchés en petites barquettes pour les distribuer et les vendre en Suisse romande.
- Speaker #0
Mais ce n'est pas fait facilement parce que si j'ai bien lu votre livre, c'était plus compliqué à les faire venir.
- Speaker #1
C'est-à-dire transformer un pasteur chargé de projet en importateur de fruits, ça ne se passe pas comme ça du jour au lendemain et on a dû pas mal régater pour pouvoir distribuer ces fruits.
- Speaker #0
Une dernière question sur l'Arménie. Qu'est-ce que pour vous le contact avec l'Arménie apporte à un protestant réformé de Suisse romande ? C'est difficile, j'imagine, le résumé en trois phrases, mais...
- Speaker #1
Moi, ce que j'apprends de ces gens-là depuis 10-20 ans, c'est la résilience face aux problèmes. J'ai rencontré il y a quelque temps un pasteur d'Alep, arménien. qui dans la situation où il est aujourd'hui en Syrie disait « Mais je ne peux pas me permettre le droit de désespérer. » Je n'ai pas le droit de désespérer. Je dois me lever tous les matins en donnant de l'espoir aux gens. L'histoire de ce peuple d'Arménie, pour moi, est un symbole de cette capacité à garder l'espoir et à renaître, à ressusciter chaque fois. toutes les catastrophes qu'ils ont vécues. Et après avoir été, dans les premiers siècles de la chrétienté, vraiment une lumière pour la chrétienté, avec la création de l'alphabet, avec la diffusion de leur culture, etc., a joué un rôle extrêmement important dans l'histoire de l'Église, y compris l'histoire écuménique. Mais à partir du XIe siècle, là, les problèmes ont commencé. C'est une culture vraiment originale. Ce ne sont pas des Arabes, ce ne sont pas des Turcs, ce ne sont pas des Iraniens, ce ne sont pas des Perses. C'est vraiment une culture qui est essentiellement chrétienne, contrairement aux Turcs, aux Arabes ou aux Perses. Et ce mélange entre leur culture traditionnelle et la foi chrétienne est un des trésors, je trouve, de la spiritualité chrétienne.
- Speaker #0
Alors on voit bien que tout ce que vous avez raconté jusqu'à présent vous prédestinait à devenir responsable des relations internationales à la fêtière des protestants suisses, qui s'appelait la FEPS alors, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ça va être difficile d'évoquer ça en quelques minutes, mais on a parlé de ce tableau. Je pense qu'on peut dire deux mots sur l'identité réformée, parce que vous avez vécu des années où cette identité, au fond, a dû être affirmée, où c'est affirmé via des grands anniversaires, des grandes dates, des grands rassemblements.
- Speaker #1
C'est exact. Et qui dit réformer dit le contraire d'unité, dit diversité et pluralité. Et c'était un des grands défis aussi bien du Jubilé Calvin en 2009 que de 2017, les sanctions de la réforme, d'arriver à dépasser le confessionnalisme parce que l'Europe dans laquelle nous vivons aujourd'hui n'en a plus. cure, ne s'intéresse pas à ça. La population ne demande pas à savoir si on est calviniste ou tzinglia. Les médias non plus. Donc il fallait essayer de trouver le langage qui permette d'affirmer les valeurs de la foi protestante en général, la simplifier, sans être prosélite, sans être confessionnel, mais sans non plus se cacher sous le boisseau. Et dire tout ça, c'est de la culture, et puis voilà, des beaux bâtiments, des jolis textes littéraires, la belle langue allemande créée par Luther, ou le français par Calvin. Mais de dépasser ça et d'essayer de montrer les apports que ces églises peuvent encore donner aujourd'hui. Je ne sais pas si on a vraiment réussi, mais c'était en tout cas, je pense que l'exercice le plus difficile était de convaincre, en particulier les réformés en Suisse. d'apparaître ensemble ailleurs ou de témoigner ensemble de l'impact de la réforme suisse dans le monde, de réfléchir à quel était cet impact. Calvin a eu un impact beaucoup plus large que Luther dans le monde. Il a rayonné dans le monde entier. Et là, si vous allez en Corée, en Afrique du Sud ou au Mexique, on vous parlera de Calvin, mais on ne vous parlera pas de Zwingli. Donc il fallait effectivement valoriser cet héritage international de Calvin, tout en essayant d'expliquer les côtés sombres ou les ombres que sa pensée a pu avoir ou a eu, ou les impasses théologiques dans lesquelles il a dû se rendre. de valoriser au contraire l'aspect d'ouverture et d'inculturation possible sur la base de principes très simples comme ceux qu'il a développés. Ça c'était, je crois, pour Calva la principale difficulté. Pour les 500 ans de la réforme, le défi était plus inter-protestant, c'est-à-dire les Suisses, les réformés Suisses étaient les numéros deux par rapport aux... aux Allemands de Luther, et les Allemands avaient proposé un programme sur dix ans de préparation au Jubilé de Luther. Chaque année, il y avait une année spéciale thématique sur un des aspects de la pensée de Luther. Et nous avons essayé de faire comprendre aux Allemands, avec succès, je dois dire, ils ont été absolument corrects, de dire que la réforme, c'est un peu plus que Luther, qu'il y a encore d'autres éléments. Ceux qui l'ont accepté, effectivement, s'il n'y avait pas du tout de chauvinisme dans leur... dans leurs propos au départ, mais c'était plutôt le chauvinisme de l'État allemand qui voulait montrer l'aspect national. Et nous avons été, je dois dire, grandement aidés à être visiblement présents à Wittenberg, pas seulement par les églises qui ont mis de l'argent à disposition, mais par le département fédéral des affaires étrangères et son ambassadeur à Berlin à l'époque, Tim Guldiman, qui n'était pas ou n'est pas nécessairement un chrétien engagé. mais qui est conscient de la culture suisse et qui s'est monté un petit peu irrité d'entendre et de vivre et d'être invité en Allemagne à toutes sortes de célébrations autour de Luther, Luther, Luther la réforme c'est Luther, Luther c'est la réforme jusqu'au jour où il a décidé de convoquer tout simplement dans son pour un dîner les hauts représentants de l'église allemande et de l'état allemand pour leur expliquer à ce qu'avaient fait Calva et Zwingli en Suisse.
- Speaker #0
C'est un ambassadeur, finalement, qui fait le travail.
- Speaker #1
C'est lui qui a fait le travail et qui, le lendemain, nous a téléphoné. Il a dit, écoutez, il faut que vous fassiez quelque chose. J'ai dit aux Allemands qu'ils devaient vous contacter pour venir voir ce que l'Église réformée en Suisse doit à Calva et à Zwingli et que vous leur montriez ce qu'est la réforme suisse. Et du coup, effectivement, trois semaines plus tard, trois collègues allemands sont venus du comité d'organisation. On les a promenés en Suisse. de tous les lieux de la réforme. Et de cette visite-là est née une étroite collaboration avec l'Église protestante allemande pour organiser un congrès ensemble, pour ensuite planifier ensemble cette exposition générale et mondiale à Wittenberg.
- Speaker #0
Sachant Neuruhr, il y a encore un grand chapitre qu'on doit mentionner, il y en aurait sans doute d'autres, mais c'est celui auquel vous avez assisté qui est une mutation de l'Église protestante. suisse, enfin, elle s'appelle maintenant Église Protestantique, mais avant, c'était une fédération d'églises. Vous avez assisté à ce processus. Qu'est-ce que vous en dites ? On y est ?
- Speaker #1
Je ne crois pas. Je ne crois pas. Il y a un progrès, il y a des instruments supplémentaires de collaboration et de coordination entre les églises cantonales. par rapport à la situation avant le nouveau nom et la nouvelle constitution. Donc il y a les instruments pour avoir plus de concertation et de solidarité.
- Speaker #0
Mais fondamentalement, jusqu'à maintenant encore, l'esprit, la culture reste celle d'église cantonale, autonome, indépendante. Et l'organe national n'est qu'un instrument pour rassembler les gens, une plateforme de dialogue, mais ne peut pas être un organe qui donne une orientation. qui sont un petit peu contraignantes ou un petit peu plus liantes. Je fais souvent la comparaison entre l'évolution de la Suisse politique, entre le 19e et le 20e siècle, on a passé d'un État fédéral, ou d'une fédération d'États, à un État fédéral. Alors qu'au niveau des églises protestantes en Suisse, on n'a pas fait ce pas. On était déjà à l'époque une « cation conference » , une conférence d'églises. On s'est appelé Fédération d'églises, mais l'important reste l'église cantonale. Ce n'est pas nécessairement un problème, c'est une question qu'il faut discuter, mais j'estime que le processus est lent par rapport à l'évolution de notre société, où l'érosion des membres, des ressources, est extrêmement rapide. On aurait pu, on devrait peut-être penser à accélérer un peu la mécanique, c'est-à-dire aussi à plus solliciter les grandes et riches églises pour contribuer plus à un budget commun que c'est le cas actuellement. Actuellement encore, chacun fonctionne pour soi et telle église développe un tel projet de finance novateur absolument remarquable, mais dans son coin. Il n'est pas question de mutualiser. ces aspects-là. Mais je pense que c'est dommage. Les ressources ne sont pas multipliables à l'infini. Enfin, on verra ce qui se passe à l'avenir. Ce qui, moi, me frappe, c'est plutôt que les structures ne correspondent plus à la culture. Les chrétiens d'aujourd'hui, les protestants, vivent de manière éclectique, choisissent leur lieu, choisissent leur type de foi, changent. en fonction des lieux, de leur âge, de leur situation familiale. Et nous avons, pour répondre à ça, nous avons une structure qui est encore strictement figée sur le plan paroissial géographique, avec des généralistes qui sont là pour gérer le sentiment religieux, alors que dans la plupart des églises en Europe, et encore plus dans le reste du monde, on va de plus en plus dans une direction où les pasteurs sont des animateurs de groupes de foi. et des chefs de projet locaux, mais qui sont axés sur une conviction commune, et pas un besoin religieux à satisfaire.
- Speaker #1
J'ai une dernière question qui me croule un peu la langue. Vous avez été le roman à Berne pendant longtemps.
- Speaker #0
Pas le seul. Pas le seul,
- Speaker #1
mais disons par la durée. Vous avez fait combien de temps à Berne ?
- Speaker #0
21 ans.
- Speaker #1
Est-ce qu'il y en a d'autres qui ont fait aussi longtemps ? Je n'ai pas l'impression.
- Speaker #0
Je ne pourrais pas vous dire, je ne pense pas. Je ne pense pas.
- Speaker #1
Qu'est-ce que vous gardez, le roman que vous êtes, de ces années suissan-alémaniques ?
- Speaker #0
Un énorme bonheur, une joie. Ce n'était pas compliqué de se lever le matin pour aller au travail. Un environnement extrêmement dynamique, des collègues magnifiques. Justement, une profondeur de champ en Suisse alémanique. trois fois plus grande qu'ici, en Suisse romande. Donc là, il y avait quand même un réservoir en potentiel, un réservoir de gens, de compétences et de dynamique qui était absolument enrichissant et stimulant. Et en même temps, toujours l'impression d'être, comme vous le dites, le roman de service. Donc, celui qui empêche de parler en Suisse allemande dans une séance, celui qui tout à coup parle de choses que personne ne comprend en Suisse alémanique. et inversement d'ailleurs, ça arrivait aussi. Donc d'être un petit peu, pas le corps étranger, mais enfin l'anomalie dans un système suisse-alémanique bien rodé et bien uni. Je me suis toujours étonné, par exemple, mais je n'ai jamais réussi à le formaliser et à le conceptualiser plus avant, mais j'ai toujours eu le regret qu'il n'y ait pas plus d'échanges entre les paroisses romandes et les paroisses alémaniques. Tout le monde, toutes les paroisses ont des camps à gauche, à droite, des voyages touristiques. On va alors à l'exotisme, on va en Roumanie, on va en Angleterre. Mais personne ne pense jamais à créer l'unité en Suisse par des... contact étroit entre paroisses de Suisse, de cultures complètement différentes. Et je vous promets que la culture d'une paroisse genevoise de banlieue et celle d'une culture bernoise de l'Oberland sont aussi différentes qu'une paroisse espagnole et une paroisse estonienne. Donc, il y a un potentiel d'enrichissement et de découverte qui est énorme. Et je ne peux qu'espérer que... Un réflexe secret, une réaction secrète pour stimuler les échanges entre nous. Par contre, on a des tas de choses à comprendre. Les Suisses alémaniques ont parfois l'impression qu'on est toujours en train de se plaindre et de dire qu'on n'a pas les sous. Les Suisses romands ont parfois régulièrement l'habitude de dire que c'est les Suisses allemands qui dominent tout et qui décident tout. Les deux sont faux, sont complètement faux. Il y aurait là des choses à découvrir.
- Speaker #1
Merci Serge Forneurot pour cet échange. Alors pour ceux qui s'intéressent, il y en a encore plus, avec toute une dimension aussi de votre propre famille, de vos aïeux, qu'on a peu évoqué dans cette interview. Mais vous trouverez tout ça dans le livre. Les Forneurots, donc ce n'est pas seulement Serge Forneurot, mais ce sont d'autres Forneurots qui tous ont eu un rôle, enfin tous certains en tout cas, ont eu un rôle éminent au service des Églises. Merci de votre attention. Sur la fiche description, vous trouverez tous les détails et bien sûr le résumé de cet entretien. Suivez-nous, abonnez-vous, écoutez-nous. Vous nous trouvez sur toutes les plateformes de streaming. Apple Podcasts, Deezer, Spotify, les réseaux sociaux et aussi notre site reformer.ch. N'hésitez pas à vous exprimer par des commentaires, votre avis nous intéresse. Merci pour votre soutien.