Speaker #0Nous, ma question Antoine, pour sortir de ces absurdités, quelle est ta position vis-à-vis, non pas de l'autonomie de l'intelligence artificielle générative, mais disons de l'absence de connaissances et de contrôles de l'être humain sur le fonctionnement de l'intelligence artificielle générative et des programmes et algorithmes qui les font fonctionner et qui les mettent en œuvre ? Et est-ce que tu serais d'accord, d'ailleurs, pour dire que ces logiciels sont presque, pourraient devenir comme des drogues, nous rendre dépendantes d'elles, et finalement réduire, voire anéantir, ce dont je parlais plus haut, à savoir ce... travail d'extériorisation de sa subjectivité. Première question, est-ce que tu vois ici un danger ? Deuxième question, à contrario, est-ce que tu penses que les revendications de certains artistes, d'une forme de valorisation, qu'est-ce que tu penses de cette Valorisation de l'aléa, de l'aléa, disons, algorithmique, entre guillemets, de l'aléa du programme, de l'aléa de l'ensemble du processus créatif qui mobilise l'intelligence artificielle générative. Qu'est-ce que tu penses de, à la fois la tentative et aussi la valorisation de l'amélioration ? connaissances, finalement, au moins partielles du processus qui conduit au résultat de cette aléa particulière qui résulte, précisément, de l'utilisation de logiciels d'intelligence artificielle générative.
Speaker #1En fait, je ne suis pas très inquiet, en tout cas pour ce qui me concerne. Peut-être qu'il peut y avoir une sorte de fascination qui crée une dépendance à la magie computationnelle des machines, qu'on se prend à croire intelligente. Cette fascination peut créer vite de la dépendance. Mais ça, c'est la responsabilité de chacun, c'est la liberté de chacun, et cette liberté n'est pas sans risque. Vaut-elle le coup d'être entreprise ? À mon avis, oui, et c'est là où nous sommes mis face à notre propre intelligence, précisément. Une intelligence qui n'est pas simplement celle du calcul, mais celle des affects, celle de la sensibilité. Tout ce qui ne se calcule pas, ne se prévoit pas, ne se programme pas, peut être justement la parade à ces intelligences artificielles qui nous fascinent et qui ne sont que programme et probabilité et prévisibilité. Mais c'est vrai que l'enjeu est toujours le même, soit on a la main sur la machine, soit c'est la machine qui a la main sur nous. Et c'est un jeu de pouvoir. à mon avis plus qu'un jeu de savoir. On peut très bien n'en rien savoir du fonctionnement des IA et pouvoir les déjouer, pouvoir s'en préserver, justement en ne les singeant pas, n'étant pas collés à leur mode de production. Il ne faut pas oublier non plus que nous sommes en train de jouer, nous jouons, surtout les artistes. Les artistes sont intéressés par des résultats plutôt divergents, amusants, cocasses, surprenants. Ils ne sont pas intéressés par l'exactitude en rapport avec un prompt qui voudrait commander un résultat bien précis. La recherche en art, comme la recherche en science d'ailleurs, est très joueuse. Elle part du principe qu'elle ne sait pas. ce qu'elle découvre, c'est toujours un inconnu et c'est cet inconnu qui l'intéresse. Si elle savait, elle ne serait plus ni science ni art. Donc les artistes jouent et ont confiance dans leur jeu. Ils jouent, ils déjouent, ils rejouent. Ils peuvent, oui, ils peuvent mais jouer aussi, c'est-à-dire jouer de travers, c'est pas impossible. On a très bien vu dans l'histoire de l'art récente des tentatives pour renouveler l'art. pour désencrouter l'art, pour le revigorer, qui ont pu être proches d'un certain iconoclasme. Je pense à Dada, par exemple. Là, avec les IA génératives, où on a cette profusion d'images, ce flot ininterrompu d'images profondément réalisable, on est dans une sorte d'iconoclasme à l'envers. En fait, en réalité, on n'a pas d'images ici, on a des... des imageries, exactement ce qu'on appelle des idoles, soit des projections imaginaires, mais qui ne sont pas en réalité des images. Si on prend qu'une image, c'est une icône, c'est quelque chose qui a un rapport beaucoup plus intime à la réalité humaine. Là, ce sont plutôt des formes fantomatiques qui apparaissent, qui disparaissent très rapidement, qui n'ont pas de corps, en fait. Alors, c'est amusant, on s'en amuse, on essaye de creuser, de créer des choses, mais j'avoue que c'est assez faible. C'est beaucoup plus proche, souvent, du cliché carte postale que d'une véritable recherche artistique qui puisse se tenir. Le problème pourrait être que nous serions pris dans une boucle générative de laquelle nous aurions du mal à sortir, fasciné d'une part par le résultat complaisant, facile, automatique et conforme en fait à nos attendus, même s'il y a des surprises bizarres qui peuvent nous amuser.