- Laurène
La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes et bienvenue sur La Sportive Outdoor. Aujourd'hui, je reçois Anaïs Pellat-Finet, qui est une alpiniste passionnée et qui fait partie du premier groupe d'alpinisme féminin de l'association Lead the Climb, qui œuvre pour la féminisation des sports de montagne. J'ai eu envie de l'inviter pour en savoir plus sur son parcours, mais aussi comprendre le rôle de cette association et tout ce qu'elle met en place pour aider les femmes à être plus autonomes en montagne. Bienvenue Anaïs, est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Anaïs
Eh bien, merci de m'accueillir dans le podcast. Moi, je m'appelle Anaïs, j'ai 33 ans. Mon camp de base, c'est entre le Vercors et Chamonix parce que je n'arrive jamais à décider. Et en ce temps, je suis souvent dans mon camion. Et voilà, j'ai commencé la montagne, moi, quand j'avais 26 ans. Donc, il n'y a pas si longtemps que ça. Sinon, j'ai longtemps travaillé comme commerciale dans une entreprise qui vend des murs d'escalade. OK.
- Laurène
Du coup, tu faisais de l'escalade depuis longtemps ou pas ?
- Anaïs
Non, à la base, je n'aime pas du tout l'escalade. Voilà, je n'aime pas du tout ce sport. Ça me faisait... peur et puis je ne voyais pas l'intérêt de passer des heures au pied du Ausha grimper et enchaîner des longueurs. Moi, j'ai vraiment préféré partir en montagne. Et puis, j'ai compris quand même que pour faire des courses un peu plus difficiles en montagne et pour être plus à l'aise, il fallait passer du temps à s'entraîner en grimpe. Et finalement, ça fait deux ans que j'y ai bien pris goût et je pense qu'aussi, c'est en m'y mettant vraiment et en progressant un peu que j'ai découvert que Un peu toutes les facettes de ce sport qu'on ne connaît pas forcément quand on débute. Oui,
- Laurène
forcément. Et quel sport tu pratiquais alors avant de t'y mettre ?
- Anaïs
Avant de m'y mettre, je faisais beaucoup de randonnées. J'allais souvent marcher et j'aimais bien partir en autonomie avec ma tante, mon réchaud. Et j'avais déjà un petit goût quand même pour tout ce qui est rando, un peu hors des sentiers battus. Je sortais souvent des sentiers, je regardais des cartes IGN, j'essayais de voir par où ça pouvait passer. pour justement pas me retrouver avec trop de monde. Et de là, en prenant des sentiers plus escarpés, je me suis dit que ça pouvait être sympa de faire de la montagne. Et aussi, je faisais beaucoup de ski. Et j'en ai eu marre de skier en station et d'être toujours un peu dans la foule des stations de ski. Et j'ai découvert le ski de rando vers 26 ans. Du coup, j'ai commencé à me former au ski de rando aussi. Et c'est un peu par ce biais-là que j'ai attaqué l'Alpi.
- Laurène
Du coup, il faut que tu nous racontes comment est-ce que tu as découvert vraiment l'alpinisme, que tu t'es dit que tu avais envie de faire ça et quel a été ton premier contact avec cette discipline ?
- Anaïs
À l'époque, quand j'avais 25 ans, j'étais en alternance dans une grosse boîte où le CEO de l'entreprise proposait des stages de formation à l'autonomie en montagne. C'était vraiment hyper accessible financièrement. En plus, le guide qui proposait ces stages, c'était mon collègue de boulot qui était ingénieur. C'était sympa de partir avec quelqu'un que je connaissais. J'ai commencé à faire des stages grâce à l'entreprise. C'est rigolo pour la petite histoire. Mes parents, quand j'ai commencé à faire ça, ils se sont dit qu'ils rêvaient de faire le Mont-Blanc. C'est classique, comme tout le monde. Pour mes 25 ans, ils m'ont donné des sous pour que j'aille au Mont-Blanc. Ils m'ont payé un guide. Ils ont fait la grosse erreur de me donner l'argent à moi et pas au guide. Et du coup, je me suis payée plein de formations avec le CE de la boîte et en me disant qu'un jour, j'irai au Mont Blanc. Et depuis, je n'ai jamais arrêté de faire de la montagne.
- Laurène
Tu as quand même utilisé l'argent pour quelque chose en lien avec ça au final.
- Anaïs
Voilà, oui. Donc, c'était pas mal.
- Laurène
Qu'est-ce qui t'a attiré dans l'alpinisme par rapport aux autres sports que tu pratiquais ? Tu faisais déjà de la rando, donc tu étais déjà habituée à aller en montagne. Mais pourquoi l'alpinisme ?
- Anaïs
J'aimais bien le côté d'être technicien. Moi, ça me fascinait de voir des piolets, des crampons, des cordes, de voir des gens qui font des nœuds, qui mettent en place des rappels. Toute cette méthodologie avec le matériel et d'être efficace. Je trouvais ça hyper intéressant. Et après, il y avait le côté aussi de se retrouver dans des endroits qui paraissent complètement inaccessibles. Et en fait, aussi, l'esprit de cordée qu'il peut y avoir avec les gens qu'on part, avec qui on part. Quand on part, on est vraiment une équipe. Moi, c'est comme ça que je vois l'alpinisme, c'est d'être vraiment une équipe et d'arriver en haut tous ensemble. Et de descendre tous ensemble, c'est mieux. Et que vraiment, il y a tout ce côté humain qui est hyper fort, où on apprend à connaître les gens hyper rapidement. On ne peut pas du tout se cacher en montagne. Il y a vraiment plein de barrières qui sautent et j'aime vraiment ça humainement, je trouve ça... Très enrichissant. Oui, j'imagine.
- Laurène
L'alpinisme, c'est vrai que ça reste encore vu comme assez masculin. Je pense que c'est le cas. Que penses-tu de la place des femmes dans l'alpinisme ? Et est-ce que tu vois des évolutions par rapport... Donc, tu as commencé assez récemment, mais est-ce qu'il y a quand même des évolutions par rapport à quand tu as débuté ? Comment tu vois les choses pour la suite ?
- Anaïs
C'est vrai que quand j'ai commencé, je me rappelle dans nos groupes, on était quand même déjà au moins trois filles pour trois mecs, mais c'était spécifique je pense à l'entreprise où j'étais. Et après quand je me suis plus mis dans le milieu, j'ai compris que c'était vraiment très masculin, où il y avait beaucoup d'hommes, beaucoup de notions aussi de performance et d'être fort. Et voilà, moi je n'ai jamais senti que c'était forcément un frein pour les femmes, mais quand même il y a ce truc. où je pense que quand on se retrouve encordé avec des hommes et qu'on débute la montagne, on va vraiment avoir tendance à laisser les hommes gérer parce qu'on se dit qu'ils sont plus expérimentés et plus forts, même si ce n'est pas toujours vrai. Mais voilà, après, moi, je voulais continuer à me former. Quand je n'étais plus, du coup, dans cette entreprise, je n'avais plus accès à ce CE. C'est là où j'ai vu que c'était dur d'apprendre la montagne quand on n'a pas ni sa famille ni son copain qui en fait. Et que... et qu'on n'a personne pour nous apprendre. Et du coup, c'est là où j'ai essayé de me renseigner comment me former. Donc, il y avait le CAF, mais je ne sais pas, que j'ai appris avec un guide, je ne me voyais pas apprendre avec des gens qui ne sont pas forcément guides, même s'ils ont des formations pour apprendre. Et les groupes étaient énormes. Et j'ai un problème avec les gros groupes de 10 personnes. Et du coup, là, j'ai découvert, en fait, en cherchant un peu sur Internet, l'association Lead the Climb, qui propose des formations à l'autonomie en montagne. c'est que des stages entre femmes, et c'est encadré par des guides femmes. Donc là, c'est vrai que c'était un peu... J'ai commencé à me former avec Lead the Climb, je n'ai pas fait beaucoup de stages au début, j'ai dû en faire deux, sur là où j'avais des lacunes, la cascade de glace principalement, et puis aussi un stage d'alpinisme assez poussé, vu que j'avais déjà quand même des bonnes bases. Et c'est là que j'ai découvert l'alpinisme au féminin. Et c'est là que j'ai découvert qu'il y a des guides de haute montagne, avec 2% des femmes qui étaient guides de haute montagne, que c'était vraiment compliqué au niveau professionnel pour les femmes de bosser dans ce milieu, qu'il y avait quand même pas mal de barrières mentales qu'on se mettait nous-mêmes aussi. Parce qu'au final, je trouve qu'il y a peut-être des hommes qui ne veulent pas des femmes en montagne, mais je pense que ça, c'est un peu vieillot. Et qu'aujourd'hui, les hommes sont hyper ouverts à ce qu'il y ait des femmes qui veulent faire des choses. plus de femmes guides ou même tout simplement plus de femmes qui aillent en montagne. Ça a toujours été hyper bien accueilli, en tout cas, qu'on soit des femmes en montagne. L'Eat the Climb, ce qui est chouette, c'est que ça permet d'apprendre entre femmes et de faire sauter toutes les barrières qu'on a aussi à se dire qu'on n'est pas capable de passer devant, qu'on ne va pas savoir analyser une situation. Et en fait, quand on se met dans ce mode entre femmes, quand on retourne encore des mix, le cerveau a imprimé que non. Tu es capable, tu sais faire, tu peux y aller. C'est tout bête, mais moi aujourd'hui, je n'ai plus de problème à passer en tête, même s'il y a des hommes dans la cordée, à donner mon avis. Pareil, à rester dans ce mode équipe, chacun a des atouts et misons sur les atouts des uns et des autres pour arriver en haut de la montagne. Et en général, ça se passe bien.
- Laurène
Donc cette asso, elle t'a vraiment aidée énormément finalement dans ta formation ?
- Anaïs
Pas que moi, parce que Lead the Climb, c'est quand même 350 adhérentes. Il y a 90 journées de stages par an dans toutes les disciplines de montagne, du coup, ski de rando, cascade de glace, alpinisme, escalade, vraiment beaucoup de choses. Ça représente 230 journées de terrain et ça fait sortir 400 femmes par an dehors. Donc c'est quand même assez énorme. Il y a 25 guides femmes qui sont dans l'assaut et 30 guides renforts. Donc il y a aussi des hommes qui encadrent à Lead the Climb. Et tout ça, c'est mené par 10 bénévoles depuis 2018. Donc, c'est vrai que l'assaut marche super bien. Et il y a un noyau dur quand même de 4-5 bénévoles qui sont là depuis le début et qui n'ont pas lâché la barque et qui ont bien mené ça comme une véritable petite entreprise. Et ça a fait que grâce au fait que ça marche bien, Lead the Climb a pu lancer des groupes d'alpinistes féminins, comme on peut en voir dans d'autres clubs CAF. Alors,
- Laurène
j'allais te parler de ça. Donc, toi, tu fais partie de cette première promotion du projet qui s'appelle Team Lead the Climb. Est-ce que tu peux nous expliquer en fait ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est que le projet ? Quels sont ses objectifs ? Comment ça se déroule ?
- Anaïs
Déjà, on doit ce groupe à Manon qui est bénévole dans l'assaut et qui voulait faire partie d'un groupe féminin et qui s'est dit Est-ce que je vais quitter Lead the Climb pour faire un autre groupe féminin ? Pourquoi pas lancer un groupe à Lead the Climb ? C'est possible maintenant, donc elle a lancé des sélections pour ce groupe. Du coup, l'idée du groupe, c'est former un nombre de femmes. Souvent, selon les groupes, c'est entre 8 et 4. Nous, au début, on était six. Après, il y a une fille qui a dû partir. Mais voilà, on était un groupe de cinq filles, on va dire. Et on a fait deux ans de formation. Avec des guides de haute montagne, donc Maud et Bégaud, qui étaient nos guides pour deux ans, où en fait, on fait des stages avec elles. C'est simple, on revoit tout. On repart à zéro, on a revu tout ce qui est fondamentaux, faire des relais, poser des coinceurs, les techniques de base, de progression en arrêt, en grande voie. Et après, on a fait un peu de ski, un peu de mix, du coup, plutôt neige-glace. Puis voilà. Et en fait, nous, dans le groupe, on s'était un peu imposé, entre chaque stage, on s'est imposé de faire des sorties en autonomie, c'est-à-dire sans les guides, et au groupe au complet. On a essayé vraiment de se dire, c'est obligé de le faire. Ça fait partie du contrat un peu, parce qu'on a bien compris que les stages, quand on est cinq sites et plus avec deux guides, on ne peut pas vraiment faire une vraie sortie en montagne. C'est hyper compliqué parce que... Tout prend plus de temps, elle nous explique beaucoup de choses, du coup on n'avance pas, les horaires on fait x2, donc ça ne permet pas de partir sur des sorties un peu plus compliquées, même si on a fait des trucs un peu plus durs en grand nombre et qu'on a fini très très tard. Donc on s'est imposé ça, et je pense que c'est ce qui a fait la différence, c'est qu'on a vraiment progressé en sortant à fond entre nous, en faisant des choses à notre niveau, et du coup ça a permis de pousser le curseur un peu plus loin à chaque fois. et d'arriver à faire des belles courses en autonomie toutes ensemble à la fin des deux ans. Parce qu'on a eu des moments où on n'a quasi pas eu de stage, parce que pas de chance, il ne faisait pas beau. Le coup d'après, on a eu une gastro généralisée dans toute l'équipe. Du coup, on a dû annuler le stage en plein milieu. On n'avait pas eu de chance. Quand on prend du recul, on se rend compte qu'on a... pas fait tant de journées que ça avec les guides mais qu'on a fait les éponges pendant deux ans qu'on a vraiment été câblés quand c'était le moment d'être en stage, on était à fond et après on est sortis entre nous tout ensemble ou à deux ou trois, on essayait vraiment de se voir à fond et de toute façon nous on n'avait pas d'autres compagnons de cordée donc je veux dire on était contentes de se trouver parce qu'on n'avait pas dans nos entourages des gens qui allaient nous emmener en montagne donc je pense que c'est ce qui fait aussi que ça a marché et qu'aujourd'hui on est arrivés à faire des super trucs ensemble
- Laurène
Et qu'est-ce que ça représentait pour toi de faire partie de cette équipe qui était quand même pionnière finalement, parce que vous étiez la première promo ?
- Anaïs
Et ouais, à l'époque j'avais aussi fait les sélections pour, enfin, candidater pour aller au GFHM, du coup c'est le groupe féminin de haute montagne, c'est le premier groupe féminin qui a été créé, et du coup c'est exactement le même principe. Et quand j'ai été pris à Leads the Climb, du coup je peux aller aux sélections du GFHM parce que je me suis dit, moi ce qui m'anime aussi c'est de créer ce projet, c'est de partir de zéro. J'aime quand même bien créer des projets et là je me suis dit c'est super, on va pouvoir un peu y mettre notre patte. Essayer de faire un truc qui nous ressemble. Au début on ne se connaissait pas mais je me disais que ça allait être sympa de créer une nouvelle communauté sur Instagram. Essayer de motiver des filles, d'autres filles à faire pareil. Et moi j'ai vraiment créé ce projet et on a eu de la chance parce que Lead the Climb et les bénévoles sont vraiment très actifs. Du coup, on a eu un partenariat avec The North Face pendant trois ans. Ils organisent, ils font toujours d'ailleurs des événements sur Chamonix. Et du coup, ils ont fait quelques événements en partenariat avec Lead the Climb. Donc le deal, c'était un peu que les équipes viennent sur ces événements aussi pour motiver aussi d'autres filles à venir. Donc pendant trois ans, on a fait pas mal d'événements avec The North Face sur Chamonix. C'était hyper intéressant. On a pu rencontrer plein d'athlètes, plein de guides, et puis découvrir la vallée de Chamonix, les montagnes là-bas, avec ça. Donc ça, c'était super. Et ça nous a donné envie aussi, parce que The North Face, ils sont vachement dans la communication, dans l'image. Et puis on se rendait compte quand même que c'était souvent des athlètes, souvent des pros, souvent des guides, qui étaient représentés dans tous ces médias. Et pareil, dans le cinéma de montagne, on s'est dit, il y a très peu finalement de femmes amatrices qui sont représentées. Enfin, il n'y en a pas. dans les films. Du coup, tout ça, en fait, nous a aussi donné envie de continuer à animer la page Instagram, de faire plus de vidéos et de fil en aiguille, on a monté un film, quoi.
- Laurène
Un film, carrément. Et comment ça s'est passé, du coup, pour faire peur ?
- Anaïs
Eh bien, déjà, dans l'équipe, on est cinq. Du coup, il y a Marion, Ror, Bérénice, Manon et moi. On va dire que Manon et moi, on était plus à fond sur la com, les vidéos et tout ça. Et on avait un peu toutes les deux envie de faire ce film. Donc, on ne l'a pas du tout imposé aux autres filles. On leur a dit, est-ce que vous êtes OK pour qu'on vous filme ? Est-ce que vous êtes OK de parler un peu à la caméra ? On ne vous en demande pas plus. En gros, vous n'aurez pas à travailler sur ce film plus que ça. Mais si vous êtes d'accord de jouer un peu le jeu, c'est cool. Du coup, tout le monde était OK. A part Marion qui aime pas trop ça donc elle nous a plus dit genre ok vous pouvez me filmer mais me demandez pas de parler donc c'était bon le deal est respecté quoi on a pas... On n'a pas essayé de faire parler tout le monde, mais dans tous les cas, ça nous a permis de lancer ce projet en collectant des images au début sans trop savoir ce qu'on allait en faire. Et en fait, il faut savoir que dans tous ces groupes d'Alpi, souvent on demande de faire un petit projet de fin de cycle. Donc au bout de deux ans, l'idée c'est de monter un projet en montagne qui dure n'importe quel temps qu'on veut. L'idée c'est d'aller faire des sommets. Nous, on a choisi de partir en Suisse, faire des 4000 et surtout, on a choisi de faire ça en autonomie, c'est-à-dire sans guide. Souvent, les autres groupes embarquent quand même un de leurs guides pour les accompagner. Nous, on s'est dit qu'on ne prenait pas de guide. De toute façon, on n'avait pas le budget pour les payer. Il y avait un peu ça aussi, mais on s'est dit que c'était un bon challenge et ça nous permettrait de voir où on en est. Et donc, on est parti en Suisse en juillet 2023 pour faire trois sommets emblématiques à 4000 mètres d'altitude. Et on a vraiment documenté tout. toute cette, on appelle ça une expé, c'est pas une vraie expé comme font les pros, mais on a documenté ces deux semaines en filmant et on est revenu avec plein d'images. Entre temps, on a trouvé Quentin, qui a bien accepté de faire le montage de notre film, qui s'est vraiment, on va dire, il a été à fond avec notre histoire. Quentin, c'est un ami de Manon et ils se sont rencontrés quand ils faisaient de la chute libre. Quand je cherchais un monteur, elle disait punaise, c'est le gars qu'il nous faut, il n'y en a qu'un qui est assez fou pour nous suivre là-dedans, et c'est Quentin et il a accepté. Et du coup, Quentin a récupéré un disque dur rempli de 500 gigas, ou je ne sais combien de gigas de vidéos, et il s'est dit pourquoi j'ai accepté ? Et du coup, lui nous a aidé à décortiquer tout ça, à cibler mieux notre histoire, ce qu'on voulait vraiment raconter, quelles images on a prises. Malgré ces 500 gigas, on a dû refaire des images. Incroyable ! Et il est venu aussi avec nous deux jours au début en Suisse. On avait décidé de se faire une petite sortie de rodage à Rola, juste pour s'acclimater et puis se remettre en route tout ensemble. Et Quentin est venu avec nous. Il a pu un peu nous filmer, nous donner des petits conseils pour la prise d'image, parce qu'on a aussi fait nous-mêmes toutes les images et toute la prise de son, en même temps qu'on faisait de l'alpi. Donc nous, on avait vraiment prétention à faire un film de qualité professionnelle. On ne voulait pas d'un truc où il y a la caméra qui tombe avec un son tout pourri et le bruit du vent et on ne comprend rien. Donc on avait emmené des micros, des micros cravates, des micros pour l'appareil photo. La GoPro, on a investi dans du matos pour qu'elle enregistre du bon son. Moi, j'avais déjà un drone parce que j'aime bien l'image, donc j'avais déjà bien les compétences là-dedans où ça allait. Et puis après, on s'est motivés. On a fait des petites interviews, on a réfléchi à des questions. En fait, on n'avait pas vraiment de... d'histoires écrites en avance, mais on a essayé de réfléchir à faire un film parce qu'on ne sait pas ce qui va se passer, donc on ne peut pas écrire l'histoire à l'avance. Mais voilà, du coup, on a fait ça. En fait, on a fait ça assez naturellement, mais quand même, une fois qu'on est revenu avec les images, ça a demandé énormément de boulot.
- Laurène
Et comment il s'appelle ce film et où est-ce qu'on peut le voir ?
- Anaïs
Eh bien, le film, il s'appelle High Inspiration. En ce moment, il passe en festival. On était aux rencontres Ciné-Montagne à Grenoble en novembre dernier. Et après, on va faire l'IF3 à Chamonix le 7 décembre. Et ensuite, on verra. On a inscrit à d'autres festivals. On attend les réponses. Parce qu'il faut savoir que faire un film, c'est sympa. Mais après, pour le diffuser, c'est encore autre chose. Et là, il faut s'inscrire dans plein de festivals. Il y a beaucoup de concurrence. Il faut remplir des formulaires qui sont hyper longs. Enfin, tout ça, on ne savait pas avant. Voilà. Et aussi, ce film, on le doit beaucoup grâce à notre communauté sur les réseaux sociaux. Parce qu'on n'avait pas d'argent du tout pour partir en Suisse ou pour faire monter le film. Donc, on a fait une campagne de financement participatif sur Ulule parce qu'on ne trouvait pas non plus de sponsors prêts à nous suivre vraiment là-dedans. Donc, voilà, on était hyper surprise d'avoir autant de retours de gens qui nous suivent sur les réseaux. Bon, il y avait pas mal notre famille et nos amis quand même, mais je pense quand même que la plus grosse partie, c'est des gens qu'on ne connaît pas forcément et qui nous suivent. Donc, ça faisait hyper chaud au cœur et ça nous a encore plus motivés à faire un truc vraiment bien et à vraiment le diffuser en festival.
- Laurène
Et est-ce que pour revenir du coup vraiment sur toute la formation que tu as eu pendant les deux années grâce à Team Lead the Climb, est-ce que tu peux nous raconter concrètement comment se sont passées ces deux années ? Donc tu disais qu'il y avait des stages, que vous aviez fait des sorties ensemble. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur comment vous avez démarré et par quoi vous avez terminé en fait ? Comment ça s'est organisé en termes de volume aussi horaire ? Peut-être pour que des femmes qui se disaient je serais peut-être tentée de faire ça se projettent un peu en fait.
- Anaïs
C'était dense. Déjà, il faut vraiment être prêt à s'investir à 200% dans le projet, sinon ça ne marche pas. Nous, quand on a commencé, c'était vraiment... Premier stage fondamentaux avec Bégaud, où elle était toute seule, on était six, et on a revu vraiment toutes les bases, le mouflage, l'encordement sur la neige, arrêter des chutes, des relais, enfin tout, en une journée. Et le lendemain, on partait faire une course d'Alpi, et on n'est pas du tout allé en haut du sommet, parce qu'on était vraiment hyper lente, et ça n'avançait pas, et on n'avait pas du tout aucune efficacité. Du coup, on a fait demi-tour, mais en vrai, on n'avait même pas encore vraiment commencé la sortie. Quand on a fait demi-tour, je crois qu'on a taqué enfin l'arête. On avait juste fait l'approche. Et voilà, après ça, on a commencé après. On faisait une sortie entre nous et on choisissait un sommet, une sortie qui nous paraissait accessible. Il faut savoir qu'avec les guides, par exemple, elles ne nous mâchent jamais le travail. Ce n'est jamais elles qui vont décider. Enfin, c'est elles qui valident à la fin. Mais avant que ça se fasse, il y a toute une phase de préparation où c'est nous qui regardons la météo, qui appelons les refuges, qui cherchons les condis, qui allons décider quelles courses on veut faire, pourquoi. Et ça, ça prend un temps de fou, en fait, qui est plus que le week-end. Quand on arrivait à une semaine avant le stage, on commençait déjà à rassembler plein d'infos, à écrire sur le groupe WhatsApp, à se faire des visios et puis décider ce qu'on faisait. Donc c'est vrai que ça peut être très prenant. Au-delà des stages, parce qu'il y a tout cet investissement qui est demandé, même pour les sorties avec les guides. Mais c'est ce qui fait qu'après, on répète ça quand on sort entre nous et puis on apprend de nos erreurs. Et on se rend compte qu'aller en montagne, c'est quand même fatigant parce qu'il y a toute cette phase amont qui est vraiment épuisante. Si la météo est favorable, c'est chouette. Mais si en plus, il y a des changements de météo et qu'il faut trouver des plans jusqu'à Z, ça devient très long. Et donc, on avait des phases où c'était hyper intense. Je me rappelle la... première année, janvier, février, mars, j'avais l'impression que c'était toutes les deux semaines qu'il y avait un truc avec le groupe. Donc c'est vrai que c'était un peu dense. Pareil, l'été, il y a printemps-été, il y avait beaucoup plus de sorties. Après, c'est nous qui nous l'imposions. On se prenait un doodle sur six mois et on remplissait des doodles pour être organisés et être toutes disponibles. Parce que bon, quand on est cinq, six, plus de guides qui ont un planning de ministre, trouver des créneaux, on peut... Pour les créneaux, c'était compliqué. Et donc, ça s'est fait comme ça. Et aujourd'hui, du coup, je ne sais plus exactement. Ça représentait quand même au moins une vingtaine de journées. C'était peut-être cinq week-ends avec les guides. Et après, cinq week-ends entre nous, plus notre pratique un peu perso. Ça faisait beaucoup de sorties. Après, je pense que tout notre mode de vie était assez tourné vers la montagne déjà. Donc, ça nous allait. On a accepté le truc et on a vraiment fait à fond. Et cette année, Leeds of Climb, du coup, on a lancé la promo 2 et on a pu faire un deuxième groupe plus allégé où il y a deux fois moins de stages avec les guides, justement pour permettre à des femmes qui ont des enfants ou qui n'ont pas forcément envie de faire que ça, puissent quand même intégrer un groupe d'alpi sans se retrouver toutes les deux semaines en stage en montagne. Donc ça, c'est chouette. Et puis maintenant, il y avait déjà avant le groupe Alpigeon, qui est un peu sur la même formule. Il y a peut-être quatre stages par an. Et là, c'est destiné à des filles qui ont moins de 25 ans. Du coup, là, ça fait qu'il y a trois équipes cette année dans l'assaut.
- Laurène
Et est-ce que toutes les femmes qui entrent dans ce projet, est-ce qu'elles ont toutes quand même déjà une expérience préalable, même comme ce que toi, tu avais fait avec tes stages, les stages que tu avais pu faire avant via ton CE ? Ou est-ce qu'il y a des débutantes, débutantes ?
- Anaïs
Non, on n'a pas fait de programme pour vraiment des débutantes. On a quand même choisi de faire des programmes pour des filles qui ont déjà des bonnes notions. Par exemple, on demande de pouvoir skier. On marque de skier en pente raide. Ce n'est pas de la pente raide, mais d'être à l'aise dans des pentes à 35-40, sans dire d'avoir un style de ski, mais de ne pas avoir peur d'aller dans ces pentes-là. Parce qu'en fait, ce n'est pas qu'on va faire des couloirs quand on va être en stage, mais c'est qu'on va se retrouver avec des sacs lourds à skier dans de la neige, souvent de merde. Et que si on est déjà, on n'arrive pas à descendre une piste noire, ça va être très compliqué de suivre un stage juste pour les accès. Si on ne sait pas ce qu'il y a, par exemple, dans ce type de terrain, l'escalade, on demandait d'avoir un niveau sida en salle. Parce qu'on le sait que sinon, si tout le monde a peur en grimpe parce qu'il n'a pas de niveau et elles ne vont pas passer en tête parce qu'elles ne se sentent pas, en fait, ça va être l'enfer pendant les stages et pendant les sorties en montagne. Donc voilà, nous, quand on est arrivés, on avait un peu ces prérequis-là. Mais par contre... On a une petite liste de courses pour voir un peu ce que les filles ont fait. Et puis, on peut voir les motivations et tout ça. Mais il faut quand même déjà avoir des bonnes notions de base.
- Laurène
J'imagine que l'idée, c'est aussi d'avoir un groupe d'un niveau homogène pour que tout le monde puisse apprendre en même temps. Sinon, ce serait compliqué à gérer aussi.
- Anaïs
Oui et non, parce qu'on essaye de faire ça. Et en fait, quand on fait les sélections, on se rend compte qu'il y a des petites surprises. Des fois, il y a des filles qui sont hyper fortes. Et en fait, elles ont été tellement modestes dans leur candidature qu'on ne l'a pas vue. Et on ne se rend pas compte. Parce que voilà, et au final, elles arrivent, elles grimpent super bien. Elles ont déjà une expérience de dingue en montagne. Avoir fait des courses hyper difficiles en réversible avec des gens ou même en second. Mais quand même, du coup, ça fait des niveaux. Et puis... d'autres filles qui ont vraiment moins d'expérience, qui ont peur encore de passer en tête, qui ne grimpent pas hyper bien. Du coup, là, c'est un peu au groupe de se débrouiller avec ça, on va dire. Nous, on a eu des différences de niveau qui étaient peut-être moins marquées que dans les promos cette année. Mais après, franchement, ça se fait bien. C'est génial parce que ça permet aussi humainement de s'adapter aux unes aux autres. Les moins fortes, ça va les faire progresser de ouf techniquement. Et les plus fortes, ça va les faire progresser sur d'autres choses, sur la gestion humaine, qui est hyper importante, en gestion de courses en montagne, et puis à se sentir peut-être un peu plus... Ouais, dans le soutien, en fait, et la bienveillance les unes envers les autres. Nous, il y avait des filles qui n'étaient pas du tout à l'aise en pente de neige, par exemple, qui n'aimaient pas les courses en mix, et au final, quand on est partis en Suisse, on a quand même fait des sorties avec principalement de la neige. Et du coup, ça s'est bien passé aussi parce que des filles qui étaient moins à l'aise ont fait l'effort de s'entraîner. Voilà, je sais, moi, par exemple, je n'étais pas du tout forte en grimpe. Je me suis vraiment mis à la grimpe pour me dire, j'arrête d'être le boulet de l'escalade. Et d'autres filles qui n'avaient pas forcément du cardio se sont mis à aller courir pour se dire, j'arrête d'être la dernière sur la marche d'approche. Et du coup, tout le monde a essayé de combler ses lacunes et c'était super. Parce que voilà, même s'il y en a qui ont des super niveaux techniques, ben voilà. Ça ne veut pas forcément dire qu'elles ont la caisse non plus. Donc, ça tire tout le monde vers le haut. Et ça, c'est chouette. Il faut vraiment le voir comme ça et être dans la bienveillance et pas dans la concurrence. C'est vrai qu'aujourd'hui, je trouve qu'il y a beaucoup de trucs de concurrence, des fois même entre femmes en montagne. Ça a beaucoup évolué ces dernières années. Il y a plus en plus de filles en montagne qui sont aussi très fortes. Et du coup, c'est cool si tout le monde peut rester vraiment dans la bienveillance et être contente les unes pour les autres quand on arrive à faire des super trucs en montagne. être contente pour les autres et puis sur le terrain, vraiment se soutenir. C'est ce qu'on montre vraiment dans le film, d'ailleurs, pour ceux qui auront l'occasion de le voir, avant qu'il soit sur YouTube dans quelques mois. On a essayé de montrer un peu notre façon de fonctionner dans le groupe qui était basée principalement sur le soutien.
- Laurène
C'est important. Quel a été ton plus beau souvenir au cours de ces deux années ?
- Anaïs
Il y en a quand même pas mal, mais des fois, c'est marrant parce que c'est des moments, quand j'y pense... sûrement, ce n'était pas des bons moments, mais ça reste des bons souvenirs après, avec le recul. Moi, j'ai bien aimé, on a fait une goulotte dans le Taillefer, je crois que ça s'appelait le couloir nord-nord-ouest des vents. Le Taillefer, c'est un petit massif entre le Beldon et la Chartreuse et moi, j'aime bien dire petit massif, mais grandes aventures parce que cette goulotte, on est monté, là, c'était un stage avec les guides. Déjà, chapeau à nos guides parce qu'elles nous ont amenés faire des trucs qui étaient Déjà en mode normal, le 1 cordé, c'était déjà des petits chantiers. Mais alors là, à l'époque, on était encore 6 dans le groupe. Avec 2 guides, on se retrouvait à 8 là-dedans. Du coup, on était montés dormir à une bergerie. Il fallait qu'on monte du bois. Donc déjà, on ramassait des bûches et des troncs sur l'approche. On avait déjà des sacs énormes. Du coup, on est montés dormir à la bergerie. On a fait un peu de cascade de glace autour du lac l'après-midi. Et puis le lendemain matin, on est partis je ne sais plus à quelle heure. En plus, c'était en décembre, donc il fait nuit. Les journées sont hyper courtes. On est partis pour faire cette goulotte où il y avait une approche à ski dans des arbustes. C'était vraiment hyper chiant. Après, on a dû remonter en pot de phoque jusqu'au pied de la goulotte. On avait nos skis de rando. On est partis faire 4 longueurs de casquettes de glace avec les skis sur le dos, avec nos chaussures de ski au pied et pas des chaussures d'alpi. Il y en a qui n'avaient jamais fait de glace avant. Je me souviens, Marion n'avait jamais eu. toucher de la grâce avec des piolets avant la veille. Et Aurore, je crois que c'était pareil. Mais bon, après, elle, c'était deux bonnes grimpeuses de l'équipe. Donc, bon, ça allait. Mais quand même.
- Laurène
Et puis, on est partis faire cette goulotte où il y a 400 mètres de glace. Non, je ne sais plus. Mais il y a quatre longueurs de glace. Et après, il y a 400 mètres de pente de neige. Et l'idée, après, c'était de descendre un couloir à ski pour retourner à la bergerie. Bien sûr, on a explosé l'horaire. On a fini. Il faisait nuit. On était en haut du couloir. Il faisait nuit noire. La neige avait regelé. Vraiment, la mission s'est prise. Il y avait une cordée devant nous qui a déclenché. Elle nous a fait partir un bouchon de neige dessus. Du coup, on a été trempés. Vraiment, la mission. On ne pouvait pas descendre à ski parce que c'était trop exposé. Donc, on est descendu à pied. Donc, en plus, on a porté nos skis vraiment pour rien. Et on retourne à la bergerie hyper tard. Et on redore à la bergerie. Et ce n'était pas du tout prévu. Mais on ne pouvait pas descendre parce qu'on était éclatés. Et là, c'était trop sympa. Il y avait quatre gars à la bergerie qui avaient entendu que, du coup, la cordée d'avant leur avait dit qu'il y avait huit nanas qui arrivent. Donc, vous n'étalez pas. Elles ne vont pas arriver tout de suite. Et les mecs, trop sympas, ils nous faisaient la petite lampe, le petit phare dans la nuit pour nous indiquer où était la bergerie. Et ils nous avaient fait à bouffer. Quand on était arrivés, on avait des petites pâtes à la sauce tomate. Parce que nous, on n'avait rien à manger pour un deuxième soir. Et du coup, ça, c'était un bon souvenir de bonne mission avec les guides.
- Anaïs
C'est clair, c'est adorable de leur part. C'est marrant parce que quand tu le racontes... Après coup, il y a un petit côté quand même plan galère, on se dit, oh là, ça devait être compliqué. Et en même temps, j'imagine que ça crée des bons souvenirs aussi.
- Laurène
Et on était au bout. Moi, il y a ma chaussure de ski qui s'était pétée. Du coup, je ne pouvais plus me mettre en mode ski. Donc, j'avais une chaussure en mode marche. Donc, je ne pouvais pas... En fait, la chaussure ne se bloque pas. Donc, on ne peut pas appuyer dessus pour skier. On est obligé d'être tout le temps en équilibre avec le sac énorme. Le refuge, la bergerie, c'était hyper humide. Il y a de l'eau qui goûtait du plafond. Je crois que c'était l'anniversaire de, je ne sais plus si c'était Bego ou Maud, une des guides, c'était son anniversaire.
- Anaïs
Sacré expérience.
- Laurène
Oui, il y en a eu plein, mais comme ça, ça fait partie, je pense, des trucs à accepter dans ces groupes.
- Anaïs
C'est sûr. Justement, quel a été le plus grand défi que tu as rencontré en tant qu'alpiniste pour l'instant ?
- Laurène
Je trouve que le plus grand défi, c'est à chaque sortie, trouver des gens pour aller en montagne qui sont fiables. Avoir la bonne météo, les bonnes dispos. À chaque fois, c'est un défi, les bonnes condis. Et partir en n'étant pas trop sûre de ce qu'on va trouver. Franchement, la montagne, c'est un défi permanent. Mais ouais, je ne sais pas. Là, comme ça, des plus gros défis. Ben ouais, là, je me suis lancée dans la...
- Anaïs
C'est très bon. Si c'est un défi permanent.
- Laurène
Ouais, ben en vrai, c'est un défi tout le temps. Non, mais il faut en avoir conscience. Parce qu'on a l'impression que c'est tout le temps... C'est beau, c'est joli, ça fait rêver. Mais en fait... Des fois, on passe vraiment 10-15 heures en montagne. Ce n'est pas toujours facile. Moi, je trouve que toute la phase amont de préparation de course, elle est hyper chiante. Parce qu'il y a trop de facteurs qui ne dépendent pas du tout de nous. Il y a les facteurs humains, des gens avec qui on va partir. Est-ce qu'ils vont toujours être dispo, toujours être motivés ? Est-ce qu'ils vont tomber malade ? La météo, est-ce qu'elle va changer ? Les condis, est-ce qu'elles sont bonnes ? juste avant de partir, tout ce qu'il faut gérer, c'est impressionnant. Et ça, tant qu'on ne l'a pas fait soi-même, on ne peut pas se rendre compte. Et non, il n'y a pas longtemps, cet été, je m'étais mis en bon défi de faire la Noire de Petraie par l'arrêt de Sud. Du coup, c'est une course qui est très longue. Ça fait 1200 m d'escalade et souvent, on dort dans la face. Donc, il faut prendre le bivouac. Et du coup, j'ai l'idée de cette course. Pas que moi, j'étais avec quelqu'un qui grimpe très bien, mais qui ne fait pas de montagne. Du coup, c'était un peu le pari de se dire, allez, on y va. On a déjà fait beaucoup d'escalades ensemble. On se connaît très bien en montagne, en grimpe en tout cas. Et là, on part faire ça. Et du coup, ça s'est super bien passé. À part que c'était le premier week-end d'anticyclone du printemps, donc on n'était pas les seuls dans les environs. Il y avait à peu près 15 cordées qui partaient sur cet itinéraire, mais pour aller au Mont-Blanc par l'intégrale de Petraie. Donc c'est vrai qu'ils avaient un chemin plus long. mais c'était pas évident de se retrouver autant nombreux dans une course aussi dure et aussi longue, avec une grosse pression, on ne veut pas trop laisser passer les gens, mais en même temps on va moins loin, donc on peut les laisser passer, et en même temps ils vont plus vite, mais si on commence à laisser passer 5 cordées, on va perdre une heure, donc comment on fait ? Le temps que tout ça se mette en place sur des courses comme ça, ça prend vite 2-3 heures. Et voilà, du coup ça c'était chouette d'arriver à faire cette course, après deux ans de formation, je faisais déjà de la montagne avant, et... L'avantage d'avoir appris en n'ayant personne pour m'emmener, c'est que j'ai vraiment eu cette habitude de préparer mes sorties, de les gérer aussi sur le terrain. Après, il faut trouver les bonnes personnes pour y aller. Mais là, c'est super bien passé. C'était chouette. On a dormi sur l'arête. Le lendemain, on a fait le sommet. Et puis après, on a fait cinq heures de descente. Et puis encore trois heures de marche.
- Anaïs
Ça a l'air costaud déjà. Félicitations. C'est génial d'avoir appris vraiment cette autonomie.
- Laurène
Ouais, après, ce n'est pas ce genre de sortie. Je ne ferais pas ça tous les week-ends. Mais voilà, une fois par an, c'était super cool.
- Anaïs
Et le fait d'apprendre comme ça, cette autonomie dans l'alpinisme, est-ce que ça t'a aussi apporté des choses dans ta vie personnelle ? Est-ce que tu te sens plus à l'aise aussi, je ne sais pas, dans le domaine professionnel, perso, au-delà de l'alpinisme en fait ?
- Laurène
Moi, ça m'a apporté beaucoup de confiance en moi. J'ai été, je pense, quelqu'un qui n'avait pas trop confiance en elle, un peu toujours m'effacer derrière les gens, à ne pas trop m'affirmer. un peu être dans le boulot en tout cas. J'étais bien comme ça. Et du coup, ça m'a donné beaucoup de confiance en moi. Avant, je me sentais tout le temps nulle et incapable de faire des choses parce que je ne sais pas pourquoi c'est comme ça. Et de faire de la montagne, elle me rend compte, de faire des trucs durs et d'y arriver, enfin durs à mon niveau. Et ça m'a fait sentir vachement capable et je suis arrivée à bien me dépasser sur certains points. Et c'est vrai qu'après, j'ai plus essayé de prendre les choses en main dans ma vie. Même si le boulot, pour moi, ça reste toujours un mystère, le monde du travail. Mais je vais y arriver. Mais voilà, après, justement aussi, c'est des choses où je me suis dit, non, je n'accepte plus certaines choses. Je ne suis plus obligée d'accepter qu'on parle mal au boulot, que mes employeurs soient irrespectueux avec moi. Je ne suis plus obligée d'accepter d'être mal payée pour ce que je fais parce que je sais que je vaux mieux que ça, donc je ne le fais pas non plus. Il y a des choses que j'ai décidé d'arrêter de faire et justement de me dire que j'ai envie de me lancer en freelance dans des choses que j'aime. Ça fait super peur, j'essaye. Et puis on verra. Comme en montagne, des fois on avance, franchement, on a une visuelle de 5 mètres de ce qui se passe. Puis après, on ne sait pas. C'est un peu pareil. Mais voilà, il faut arriver à garder la tête sur les épaules, même dans le monde professionnel. Et voilà, essayer de trouver des solutions.
- Anaïs
Et est-ce que tu as des projets en tête au niveau de l'alpinisme ? Est-ce que tu as des objectifs qui te font rêver ou des projets que tu as vraiment envie de réaliser bientôt ?
- Laurène
Déjà, j'aimerais bien essayer de faire plus de courses mixtes, tout ce qui est neige et glace. Pour moi, c'est vraiment le plus haut niveau de l'alpinisme. C'est arrivé à faire ces sorties-là en hiver, parce qu'il y a de la neige, de la glace, du caillou. Et en fait, l'été, c'est plus facile, parce qu'il n'y a que du Ausha gérer. Est-ce qu'il est sec ou mouillé ? Point. Alors que l'hiver, la neige, on ne sait pas la consistance qu'elle va avoir, la glace non plus. Donc on peut vraiment avoir des mauvaises surprises comme des très bonnes. Des courses très faciles peuvent devenir très difficiles et des courses extrêmes peuvent devenir hyper faciles. Et ça, c'est vraiment vrai. Quand il y a des grosses conditions, des super conditions de neige ou de glace, ça change tout. Et pour peu que, surtout à Chamonix, il y ait eu 50 000 personnes qui passent avant, on se retrouve dans un escalier. J'exagère, il ne faut pas non plus s'engager là-dedans si on ne sait pas faire. Mais voilà, c'est des choses qui me font rêver. Après, j'aimerais bien... Il y a plein de sommets que j'aimerais bien faire. Après, je n'ai jamais été driveée par vraiment un sommet, à part la Noire de Petré. C'était la seule fois où je me suis dit Cette montagne, j'ai vraiment envie de la faire et vraiment envie de la faire en autonomie. Et du coup, là, comme ça, je n'ai pas de montagnes vraiment qui me font rêver. S'il y en a une, c'est le Schreikorn en Suisse. C'est un 4000. Ce n'est pas très connu, mais c'est plutôt du caillou, ça, pour le coup. Et ça a l'air... Bien long et bien difficile quand même. Difficile parce qu'il y a beaucoup de recherches d'itinéraires, vu que ce n'est pas des sommets qui sont... En fait, c'est tellement long d'accès déjà à pied. Je pense qu'il n'y a pas grand monde qui y va. Et du coup, c'est hyper sauvage. Moi, j'aime bien quand même les trucs sauvages. Donc voilà, peut-être le Shrek Horn l'année prochaine sera l'objectif de l'été prochain.
- Anaïs
Tu me rasses avec plaisir. Et pour finir, petite question traditionnelle. Quel conseil est-ce que tu donnerais à une femme qui souhaiterait se lancer dans l'alpinisme, mais qui n'oserait pas forcément se lancer ?
- Laurène
D'y aller par étapes, déjà, de ne pas se faire peur. Et se former vraiment avec soit les clubs de montagne, le CAF ou Leads the Climb. Il y a plein d'autres assos. Il y a Girl to the Top aussi qui fait ça. Et même tout simplement, même si vous n'arrivez pas à vous inscrire à ces stages-là, il suffit d'être un guide. Sur des sorties fondamentaux, ils peuvent prendre jusqu'à 6 participantes. Du coup, 6 personnes, même avec des gars, 6 personnes, contacter un guide et lui demander. Nous, on a envie d'apprendre les fondamentaux de l'alpinisme. Et puis, partager les frais de guide à 4, 5, 6, déjà, ce n'est pas mal. Et voilà, après, selon les sorties, ils ne pourront pas prendre 6 personnes. Mais pour faire des écoles de fondamentaux, c'est très bien. Vraiment prendre le temps de se former et puis après, aller oser se lancer dans des courses vraiment très faciles. limite un truc vraiment on se dit non mais là c'est trop facile parce qu'en fait on se rend compte quand on fait soi même que même du très facile c'est pas si facile Ça ne va pas être dur de grimper, par exemple, mais ça va être dur de trouver son chemin, d'être efficace, de mettre des protections, des points quand il faut, tout ça. C'est tout ça qui demande une expérience. Et en fait, c'est en faisant qu'on apprend. Du coup, il faut oser, il faut y aller, il faut se lancer. Sinon, ça ne marche pas en restant dans son canapé et en lisant des bouquins sur l'alpinisme.
- Anaïs
C'est parfait pour quelqu'un. Il faut oser, y aller progressivement et se former. Merci beaucoup Anaïs. pour ton témoignage. C'était intéressant.
- Laurène
Merci beaucoup.
- Anaïs
J'espère que ça donnera envie à des femmes de se lancer. Et puis, on vous retrouve bientôt sur la Sportive Outdoor pour d'autres interviews. À bientôt. Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.