- Speaker #0
La Sportive Outdoor, le podcast des sports outdoor aux féminins pour s'inspirer, apprendre et oser. Bonjour à toutes, dans cet épisode je reçois Louisa Moreau qui va partager avec nous sa première expérience difficile d'ultra-cyclisme. Pour vous expliquer un peu la jeunesse de cet épisode, j'ai vu un post Instagram de Louisa dans lequel elle partageait son ressenti. Je l'ai contactée pour lui proposer d'en parler sur la Sportive Outdoor si elle en avait envie, parce que j'estime que des expériences qui sont aussi un petit peu difficiles méritent vraiment d'être racontées. pour qu'on montre que tout n'est pas de chou rose, car non, tout n'est pas de chou rose. Bienvenue Louisa, est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Speaker #1
Salut Lorraine, pour commencer, merci beaucoup de me recevoir. Je suis ravie d'être là pour partager un peu de mon expérience, de ma première expérience d'ultra. Je m'appelle Louisa, j'ai 29 ans, je suis originaire de la vallée de Chamonix dans les Alpes. Je suis née là et j'ai grandi là, entourée de... de montagne et de tout un tas de sports extrêmes qui tournent autour du milieu de la montagne. Aujourd'hui, je vis juste à côté d'Annecy, à Dungy, dans un petit village. Je travaille pour une association environnementale, la branche française de Protect Our Winters, qui est basée ici à Annecy. Et voilà, j'ai pratiqué pas mal de sports. sport outdoor différent depuis que je suis jeune. Évidemment, j'ai commencé le ski avec mes parents très tôt parce que c'est vraiment la culture aussi dans la Vallée de Châmes. Ma mère était skieuse en compétition. Mon père est glaciologue, donc il passe beaucoup de temps en montagne. Il fait beaucoup d'alpinisme, donc j'ai un peu baigné dans cet environnement sportif dès très jeune. Donc, j'ai commencé par le ski. J'ai fait du trail en compétition pendant mon adolescence. et après Après mon début de carrière, en fait, dès la fin de mes études, je suis partie vivre quelques années à l'étranger et j'ai commencé le vélo, donc au Québec, au Canada. J'ai commencé par le VTT, c'est vraiment ça qui m'a amenée dans la pratique du vélo. Donc, j'en ai fait pendant quatre ans quand je vivais là-bas et quand je suis rentrée en France en 2021, je me suis mise au vélo de route parce qu'en fait, je suis revenue à Chamonix. Et en fait, le VTT à Chamonix, c'est... une toute autre pratique qu'au Québec. C'est beaucoup plus pentu, c'est beaucoup plus engagé et ce n'était pas nécessairement quelque chose qui, moi, m'allait en tout cas à ce moment-là. Je n'avais pas de vélo élègue, j'avais juste un vélo musculaire donc c'est vrai que c'était assez intense quand même les sorties et puis je ne m'étais pas retrouvée de groupe avec qui j'avais un niveau à peu près similaire pour aller rouler et tout, donc je me suis mis au vélo de route. Puis au vélo longue distance, au backpacking, voyage, etc. Et voilà.
- Speaker #0
Déjà, sacré parcours. Et qu'est-ce qui t'a donné envie ensuite de te lancer dans l'ultra ?
- Speaker #1
L'ultra, c'est venu assez naturellement. En fait, quand je faisais de la course à pied adolescente, je courais des distances assez courtes parce que j'en faisais en compétition. J'étais inscrite dans le... club, le Chamonix Mont-Blanc Marathon, donc le club local de Chamonix. Et en fait, on t'amène un peu vraiment à faire de la compétition. En tout cas, on te pousse quand même assez fort vers la compétition, sauf qu'étant jeune, on était restreints dans les distances. Et moi, je ne suis pas du tout une coureuse ou une sportive qui aime aller vite ou qui aime vraiment l'intensité. J'aime bien courir longtemps et très lentement, tu vois. Donc, ce n'était pas vraiment des distances qui me convenaient. Donc, je savais déjà dans ma pratique du trail en compétition quand j'étais jeune qu'à un moment donné, j'aimerais mieux me tourner vers des longues distances. Et j'ai couru mon premier ultra quand j'étais au Québec, justement. Donc, ça a un peu toujours fait partie de mes aspirations en tant que sportive, d'aller vers de la longue distance, voilà, courir de la distance. Avec le vélo, il y a aussi la notion de, tu peux vraiment couvrir de la distance. parcourir des territoires etc donc je sais pas j'ai toujours été un peu attirée par l'ultra en fait donc quand je me suis mis au vélo j'ai de nouveau ressenti ce truc là de envie de vraiment parcourir des longues distances etc et en fait le déclencheur ça a été donc il y a maintenant un an et demi un peu plus d'un an et demi même en gros un an avant que je fasse la désertus donc cette année ... J'ai rencontré des nanas dans un événement de vélo qui revenait tout juste de la Désertus, donc 2024, et qui m'ont raconté leur expérience et je me suis dit « Ok » . Ça, c'est le signe que j'attendais. En fait, j'avais déjà en tête de me lancer à un moment donné, peut-être dans une course d'ultra, c'était un peu vague. Je me disais, j'ai quand même bien envie de tester, un peu comme avec la course à pied. Et en entendant ces récits-là, et en apprenant qu'Ivan, qui est le fondateur de la Desertus, il avait mis en place tout un système pour avoir plus de femmes sur la ligne de départ, je me suis dit, en tant que féministe, c'est quand même un peu un signe. Et se sentir en tant que femme bienvenue et même désirée sur une course, ça m'a vraiment touchée. Donc, je me suis dit, bon, ok, ce sera celle-là. Donc, voilà, inscription sur la Desertus Bicus 2025 suite à ça.
- Speaker #0
Oui, très logique, effectivement. En tout cas, déjà, finalement, l'Ultra, ce n'était pas une nouveauté dans le sens où tu connaissais l'Ultra Trail. Ce n'est pas de l'Ultra Cyclus, mais c'est quand même la même logique. Et puis, le choix de la Desertus Bicus, j'avoue que je me doutais un peu que c'était pour cette raison-là, mais intéressant que tu confirmes. Et avant le départ, tu partages pas mal de choses sur ton compte Insta. Tu écrivais que tu y allais avec peur. Qu'est-ce que c'était que cette peur ? Et qu'est-ce que tu venais aussi rechercher quand même dans cette aventure ?
- Speaker #1
Ouais, alors en fait, j'ai été hyper... J'ai été très stressée, je pense, peut-être les deux semaines avant la course. Enfin, je me suis entraînée quand même pendant... quelques mois avant, notamment parce que j'ai des problèmes de genoux, donc je ne voulais pas me blesser pendant la course, etc. Donc je pense qu'il y a un mélange de plein de choses. Mais vraiment, j'ai vécu beaucoup de stress les deux semaines avant la course parce que je pense que c'est dans ma personnalité aussi. J'ai tendance à verser un peu dans le doute. Je me suis demandé si en fait, est-ce que vraiment j'étais faite pour ça ? Je n'avais jamais parcouru autant de distance en si peu de temps. Évidemment, c'est un peu le principe. d'un premier ultra en général c'est la première fois que tu te confrontes à une épreuve comme celle là donc je sais pas je me suis mis à beaucoup douter après je pense que j'avais conscience que mes capacités physiques allait pouvoir m'emmener jusqu'à l'arrivée mais je sais pas il ya tellement de paramètres en fait en ultra qui font que tu peux vivre une expérience incroyable comme une expérience catastrophique que je me suis dit bon est-ce que je vais avoir assez prévu ? Est-ce que je vais avoir assez été juste dans mon matériel ? Est-ce que je ne vais pas avoir de problème ? Honnêtement, c'était de la peur, je dirais, normale. Oui, c'est ça que j'allais dire.
- Speaker #0
C'était normal de ressentir ça aussi.
- Speaker #1
Oui, voilà. Je pense qu'il y a un truc de première fois qui est très logique. En tant que femme aussi, tu te questionnes toujours un peu plus, je pense. aussi en lien avec mon cycle je suis tombée vraiment très mal mais la semaine de la désertus est tombée dans ma semaine de SPM donc juste avant l'arrivée de mes règles et je me connais dans ce moment là de mon cycle donc je me suis dit ok ça je pense que ça va pas du tout jouer en ma faveur et effectivement ça a amené son lot de défis donc en fait c'est juste un mélange de beaucoup de choses qui en fait que J'avais sacrément la boule au ventre quand même avant de partir.
- Speaker #0
C'est assez logique. Et au moment du départ, tu dis que l'ambiance était électrique, avec pas mal de joie, et que toi, tu étais là, genre, moi, je ne suis pas spécialement joyeuse, je suis juste tendue. Est-ce que déjà, ça t'a peut-être un peu mise dans des dispositions pas idéales dès le départ, de ne pas ressentir cette joie que les autres pouvaient ressentir ?
- Speaker #1
En fait, j'étais tendue, mais il y avait beaucoup d'excitation, parce que justement, cette ambiance, c'est vrai que c'est très particulier. Donc la désertusse... peut-être pour les auditeurs, auditrices qui connaissent pas, c'est une course d'environ 1400 kilomètres à travers l'Espagne qui part d'Asparin dans le Pays Basque français et on part à minuit. Donc en fait déjà on est dans une ambiance nocturne, il y a quand même je crois qu'on était 300 ou 350, quelque chose comme ça, cyclistes sur le départ, donc ça fait quand même un peu un magma de personnes amassées, on part du gymnase d'Asparin donc c'est aussi un lieu un peu particulier. avec ce grand hall, avec tout plein de cyclistes, des vélos de partout, des affaires de partout. Donc il y avait vraiment cette ambiance très... Et à la fois, il y avait aussi plein de copains qui se retrouvaient, il y avait des gens qui mangeaient, des gens qui dormaient, c'était toute une ambiance. Donc il y avait ce truc très excitant de départ, où tu sens que la tension monte, etc. Et aussi ce truc très relax, il y avait de la musique, il y avait des gens qui discutaient dans tous les sens, tout le monde avait l'air content d'être là. Moi, c'est vrai que, en fait, quand je suis arrivée, peut-être, je ne sais pas, c'était peut-être juste une erreur aussi, mais je suis arrivée assez tôt. Et du coup, j'ai eu le temps de, voilà, discuter avec des copains, attendre. Tu sais, tu attends minuit. En plus, tu commences à fatiguer parce que, bon, tu n'as pas pu dormir pendant la journée parce qu'évidemment, tu étais stressée. Donc, je ne sais pas, il y avait ce truc un peu d'attente où, à un moment donné, à partir de 23h, je me suis juste dit, OK, il faut que ça parte parce que c'est... Dans mon corps, j'étais vraiment trop crispée. Je me disais à un moment donné, il faut juste que ça parte et ça va aller mieux du moment que je vais commencer à pésaler. Mais en soi, je l'ai pas mal vécu. J'ai trouvé ça assez chouette parce que c'est vraiment unique comme ambiance de départ pour le coup.
- Speaker #0
Donc au départ, c'est assez normal aussi de ressentir ça. En général, on a hâte que ça démarre et de pouvoir vraiment y aller. Toute la partie à attendre, c'est compliqué. Et dès cette première nuit, donc tu disais ça démarre à minuit, donc de toute façon on commençait direct par une nuit, t'as eu de la nausée en fait qui s'est installée et qui t'a vraiment plus vraiment quittée. Est-ce que t'as compris ce qui t'arrive à ce moment-là ? Est-ce que c'est quelque chose qui t'arrive régulièrement ou est-ce que c'était complètement anormal ?
- Speaker #1
Ça m'arrive pas régulièrement, non. C'était assez inconnu. Encore aujourd'hui, je l'identifie... pas vraiment à quelque chose en particulier. Je pense qu'il y a un mélange de... En fait, j'ai pas été une très grosse fêtarde, donc j'ai très peu aussi l'habitude des nuits blanches. Je pense que mon corps est vraiment très habitué à son 8 heures bloc de sommeil par nuit, etc. Donc, en fait, le fait de passer une nuit blanche dès la première nuit de la course, je pense que ça a un peu choqué aussi mes habitudes et mon corps a un peu réagi à ça. le fait aussi de lui demander de se nourrir pendant la nuit je pense que c'est peut-être des choses sur lesquelles j'aurais pu m'entraîner ou à quoi vraiment j'ai pas pensé donc je pense qu'il y a juste ça le fait de me forcer un peu à manger dans des moments où j'en avais pas du tout envie parce qu'on est en plein milieu de la nuit et que mon corps est en mode mais là je suis supposée dormir donc pourquoi tu me donnes à manger ça a déclenché en fait cette cette sensation de nausée. En fait, je n'ai juste pas réussi après ça à la calmer. Je dis que ça ne m'a pas quitté de la course. C'est faux. Il y a des moments où, en fait, le soir, quand je m'arrêtais, parce que pour le coup, je l'ai fait en six jours et demi, donc vraiment presque la limite max de la barrière horaire. Donc, je m'arrêtais les soirs, je dormais, etc. parce que je n'arrivais vraiment pas à faire de nuit blanche. Quand je m'arrêtais, que je descendais du vélo, j'attendais une demi-heure, une heure et d'un coup, je n'avais plus de nausée, j'avais super faim. Donc là, je déglinguais tout ce qu'il y avait dans le supermarché à côté. Mais oui, sinon, du moment que j'étais sur le vélo, j'ai vraiment eu un peu en permanence cette sensation de nausée, ce qui m'a, à mon avis, vraiment emmenée dans une expérience difficile parce que ça a engendré beaucoup de difficultés avec la nutrition, donc à me nourrir correctement. Et je pense que j'ai vraiment manqué d'énergie dès le départ, finalement. J'ai commencé vraiment le déficit calorique dès le départ à cause de cette nausée. Mais je ne l'identifie pas spécialement. Je pense que c'est juste un ensemble global de... Mon corps n'est pas habitué à cet effort-là, encore moins la nuit. Donc, une réaction purement normale aussi.
- Speaker #0
Oui, ça se comprend carrément, en fait. et ensuite tu disais que tu attendais un peu l'espèce de renaissance du matin dont on parle souvent où d'un coup le soleil se lève et tout va mieux et que justement ça c'est pas vraiment venu non plus le premier jour est-ce que du coup, j'imagine c'est compliqué quand déjà tu démarres genre ça va pas trop, tu dis allez ça va aller mieux dans quelques heures, bah en fait non comment tu as géré ça ?
- Speaker #1
Alors au début j'avais pas, enfin je pense que avec curiosité Parce que, comme tu le dis, on m'a tellement dit « Ah ben tu vas voir rouler la nuit, en fait, le meilleur moment, c'est quand le jour se lève, d'un coup tes muscles se réveillent, la tête revient, tes idées s'éclaircissent et c'est fou, c'est comme une renaissance. » Donc, je peux comprendre que ça arrive. Pour ma part, ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça. Je pense même qu'en tout cas, après la première nuit, une fois que le jour s'est levé, j'ai eu un coup de barre. Donc en fait, je pense que c'était juste dû au fait que j'avais accumulé des heures de vélo pendant la nuit qui sont très inhabituelles pour moi. Mais ouais, j'ai pas du tout ressenti ce truc-là d'un coup de réveil, de je me sens mieux parce que le soleil arrive. Mais comme tout est totalement nouveau, au début, je me suis dit peut-être que chez moi, c'est différent. peut-être que je vais trouver une heure dans la journée où d'un coup j'ai un regain d'énergie qui est complètement aléatoire qui n'existe peut-être pas chez d'autres personnes la plupart du temps apparemment c'est les levées du soleil ça marche bien chez tout le monde peut-être que chez moi ça ne fonctionne pas donc je l'ai approché avec de la curiosité et puis Et puis, finalement, sur les six jours, j'ai vécu sur le vélo assez peu de lever du soleil parce que j'ai décidé de quand même privilégier la récup. Donc, j'ai quand même bien dormi. J'ai dormi minimum des blocs de quatre heures chaque nuit. Et en général, je m'arrêtais un peu plus tard possible et je repartais à peu près en même temps que le soleil. Donc, je ne vivais pas vraiment ce moment de renaissance où j'étais dans le noir et d'un coup, le soleil se levait. Je partais avec le soleil. donc ouais j'ai pas vraiment eu cette expérience là mais c'est vrai que c'était une petite déception quand même parce qu'on m'en avait tellement parlé comme un truc de dingue en ultra tout le monde adore les levées de soleil et tout c'est jamais venu de mon côté je me suis dit bon bah tant pis c'est pas pour moi peut-être
- Speaker #0
une autre fois tu auras droit à ça il y a quelque chose qui m'a marqué dans ton récit c'est que tout au long de la course t'as eu une voix intérieure très dure avec toi-même. Tu n'arrêtais pas de te critiquer en te disant que tu étais nulle. Tout ce genre de discours très négatifs. Est-ce que c'est quelque chose que tu avais déjà vécu ou pas du tout avant ?
- Speaker #1
Je pense que oui, mais juste pas comme ça. Pas à ce point-là. Pas au point d'être vraiment en permanence, en dialogue avec cette petite voix dans ma tête. Je pense que c'est quelque chose dans quoi notamment les femmes, on se reconnaît beaucoup. coup, mais on l'a toute un peu cette petite voix de la culpabilisation qui survient dans des moments bien particuliers, qui est très critique, qui est vraiment acerbe, qui te dit mais non, t'es bonne à rien, ou qui te dit t'es pas capable de faire ça, etc. Mais vraiment, là, comme ça, pendant six jours non-stop sur le vélo, non. ça m'était jamais arrivé et surtout que le vélo jusqu'à cette expérience là de la désertus c'est vraiment un espace où je me suis jamais sentie trop illégitime je suis beaucoup victime du syndrome d'imposture et je pense qu'il y a beaucoup de femmes qui vont se reconnaître là-dedans et évidemment dans le sport c'est le cas aussi mais pour le coup le vélo pour moi c'est vraiment un espace qui m'a permis au contraire d'aller affronter ce truc là Merci. de me dire bah oui en fait si j'ai envie de partir toute seule sur mon vélo avec mes sacoches et mes affaires pour aller voyager, bah en fait je vais le faire. Et ça aussi j'en ai déjà parlé à droite à gauche notamment sur mon compte Insta parce que ça me tient vraiment à cœur de délivrer ces messages-là. Donc bref tout ça pour dire que dans le cadre du vélo ça m'était assez peu arrivé de me confronter à cette petite voix qui est hyper critique. Et donc là, de la voir vraiment dès le début de la course jusqu'à la fin dans ma tête, je pense que ça n'a vraiment pas aidé pour le coup. Ça a rendu l'expérience vraiment difficile. Et ce n'était pas quelque chose d'habituel, non, effectivement. J'ai vraiment fait connaissance avec une voix, une partie de moi qui... que je ne connaissais pas, en tout cas, sous cette lumière-là.
- Speaker #0
Est-ce que tu as eu des moments de répit, quand même, face à cette voix intérieure ?
- Speaker #1
J'en ai eu... Oui, je peux en identifier clairement deux, je dirais. En fait, les premiers moments où j'avais du répit avec la petite voix, c'est quand je n'étais pas toute seule, quand je roulais avec du monde. Donc, je pense que sur la... La totalité de la course, j'ai dû rouler, je pense, au moins 70% du temps toute seule. Ce qui était OK pour moi, en soi, j'étais vraiment partie. Je m'étais inscrite toute seule, j'étais partie dans l'optique. Ce truc-là, je le fais pour moi. Je ne veux pas avoir à me caler sur un rythme. Je veux aussi me prouver que je suis capable de le faire seule. Il y avait un peu ce truc-là aussi de... C'est un peu l'aventure. C'est un peu un truc où je vais aller puiser dans mes réserves. J'ai envie de l'introspection. J'ai envie d'être tranquille. J'ai envie d'être toute seule. Donc, c'était totalement OK de passer la plupart du temps toute seule, mais je n'avais pas mesuré à quel point retrouver quelqu'un que tu connais ou pas. D'ailleurs, juste d'autres participants de la course avec qui partager quelques kilomètres, ça soulage. Ça soulage énormément le mental, en fait, que tu discutes ou pas. Juste, tu te cales sur un rythme, ton esprit a quelque chose d'autre que ce qu'il y a à l'intérieur de ta tête. quoi se fixer. Et donc, les 30% de temps où j'ai roulé avec du monde, ça, je pense que c'est vraiment... J'identifie comme, ok, là, j'avais un peu de répit. Et le deuxième, c'est un peu... C'est une expérience un peu plus particulière, mais... Je pense que c'était l'avant-dernier jour. Je partais, on en parlera certainement plus tard, mais j'ai fait une chute aussi au milieu de la course. Donc, disons que la deuxième partie de la course était encore teintée un peu plus de difficultés parce que j'avais chuté et donc j'avais un peu des blessures, etc. Donc, je pense que c'était le lendemain de la chute. J'étais partie assez tôt d'un endroit qui était très beau. Vraiment, pour le coup, le lever de soleil, là, m'avait vraiment émerveillée. C'était magnifique dans les déserts avec... Des lumières roses sur les montagnes, etc. Mais je ne sais pas, j'étais habitée d'une tristesse ce matin-là. Vraiment, je ne sais pas si c'était de la nostalgie ou de la mélancolie, mais il y avait un truc un peu triste. Et j'avais très peu la petite voix. C'était assez silencieux dans ma tête et j'ai vécu un moment avec mon enfant intérieur. Donc, ça m'arrive souvent d'avoir cette espèce de... Ben souvent, ça m'arrive une fois de temps en temps d'avoir... L'impression de passer du temps avec mon enfant intérieur, donc mon moi plus petite, quand j'ai des moments où j'aurais besoin d'être soutenue, où je sens que je suis dans une position de fragilité, ce qui là, ce matin-là, était vraiment le cas. Et j'ai donc mon enfant intérieur qui m'a rejoint sur mon vélo et qui est venu passer une heure avec moi. Et j'ai passé une heure à pleurer comme une madeleine sur mon vélo. Et je ne savais pas pourquoi, pour aucune bonne raison. Et en fait, ça a opéré comme un espèce de reset. Et la petite voix m'a laissée tranquille pendant ces quelques heures-là. Donc le moment avec mon enfant intérieur, plus quelques heures après, j'étais à peu près dans le silence dans ma tête. Il y avait une sorte d'harmonie. Je me suis dit, OK, ça, c'est vraiment le moment highlight de la course. Et après, c'est revenu pour la partie finale.
- Speaker #0
Le fait de pleurer faisait du bien quand même, du coup. Mais ça a reset, mais ça n'a pas empêché que ça revienne, malheureusement.
- Speaker #1
Non. En tout cas, jusqu'à ce moment-là, je ne m'étais pas trop autorisée à ressentir de la tristesse ou à même pleurer. Mais ça pouvait même être de joie, en fait. On peut pleurer de joie sur son vélo parce qu'on trouve qu'il y a quelque chose de très beau au fait d'être là, à ce moment-là, quelque chose qu'on voit et tout. Et je pense que le fait de l'avoir autant contenu et de m'être dit non, non, je suis là pour avoir du plaisir, c'est beau, c'est une course, je ne suis pas supposée pleurer. Au moment où ça a lâché, en fait, ça a fait un bien fou. Et donc, oui, effectivement, ça a opéré une sorte d'harmonie de quelques heures. Mais voilà, on sous-estime un peu les émotions et la tristesse, notamment sur le vélo.
- Speaker #0
Oui, effectivement. Oui, tu parlais de ta chute. Donc, tu as chuté et tu avais mal aux genoux aussi. Enfin, déjà un premier genou, un deuxième genou, puis une chute. Donc, tu as eu quand même aussi un cumul de pépins physiques. Est-ce que tu peux nous en parler plus ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Donc oui, en fait, j'ai commencé dès le deuxième jour, je pense, à avoir mal aux genoux. pareil c'est des douleurs que je connaissais pas du tout au vélo j'ai des problèmes aux deux genoux en 2024 je me suis rompu les ligaments croisés du genou droit et 6 mois après je me suis fracturé la rotule du genou gauche donc les deux m'ont valu une grosse année et demie je pense au total de kiné et ça s'est super bien passé les deux genoux j'étais très bien prise en charge j'ai eu une super rééducation donc c'est aussi pour ça que j'ai fait autant de vélo depuis deux ans maintenant c'est parce qu'en fait c'était un sport qui me permettait même avec mes problèmes de genoux de vraiment entretenir la musculature et tout ça donc voilà pendant toute ma rééduc j'avais pas ressenti de douleur sur le vélo ni à gauche ni à droite donc quand j'ai commencé à sentir une douleur dans d'abord le genou droit je crois le jour 2 je me suis dit ça c'est vraiment bizarre parce que je connais pas du tout Euh... Donc, je pense qu'il y a eu un phénomène de compensation, évidemment. Et puis, du coup, j'ai commencé à avoir mal à l'autre genou quelques heures plus tard ou le lendemain, je ne sais plus. Par chance, j'ai eu l'idée fulgurante d'appeler mon kiné, Alex, qui a identifié assez vite le problème. C'était certainement juste une histoire de... Je ne pédalais pas, je forçais trop et je ne tirais pas assez. Il m'a donné quelques tips comme ça, juste à mettre en place immédiatement dans mon pédalage, qui m'ont permis d'enrayer la douleur dans les deux genoux, ce qui était assez fou, parce qu'arrivée à la fin du jour 2, j'avais le genou droit qui avait enflé. Je m'étais dit, non mais là, si c'est encore comme ça demain, je ne repars pas, c'est sûr. Et finalement, les conseils d'Alex ont très bien fonctionné, et ça m'a permis d'enrayer la douleur pour le reste de la course. Mais donc, effectivement... déjà là c'est aussi fatigant mentalement parce que ça me demandait un gros effort de modifier mon pédalage donc c'est fatigant et ça amène un côté un peu, c'est irritant en fait d'avoir de la douleur et d'être tout le temps vigilant à comment tu pédales pour pas réveiller la douleur etc et le jour 4 je pense que j'ai fait une accumulation de fatigue le déficit calorique commençait vraiment à tabasser parce qu'après 4 jours à ne pas être capable de me nourrir correctement à cause de la nausée etc je pense que j'ai perdu de la lucidité aussi évidemment donc en fin de journée sur une section de route vraiment très roulante, un plat descendant, en arrivant sur une petite ville. J'ai chuté violemment parce qu'en fait, il y a un très, très gros camion qui m'a dépassée quand j'étais vraiment sur cette section de plat descendant. À ce moment-là, je roulais avec d'autres cyclistes de la course par chance et on roulait assez vite. Il y avait vent dans le dos. On était à au moins, je pense, 30-35 km heure facile. Donc, ce camion me dépasse, ça crée un appel d'air. Et en fait, à ce moment-là, moi, j'ai qu'une main sur mon cintre. parce que je suis en train de prendre autre chose, je ne sais pas quoi, dans ma poche. Et ça fait faire un mouvement à mon vélo. Et comme j'ai eu peur de ce mouvement-là, j'ai essayé de rattraper. Et en remettant ma deuxième main sur le centre, je l'ai mis à 90. Et je suis passée par devant le vélo en faisant un gros soleil. Donc, j'ai chuté vraiment très violemment sur la route. C'est assez miraculeux après ce qui s'est passé parce que je ne sais pas trop comment, mais j'ai réussi à m'enrouler sur le côté droit. Ma tête n'a pas... pas touché le sol, ce qui est vraiment dingue parce que vu la violence de la chute, c'était gros, gros trauma crânien, je pense, direct. Il n'y avait aucune marque sur mon casque, donc je me suis mise sur le côté de la route. Les autres cyclistes se sont arrêtés. On a pris quelques minutes pour remettre mon vélo aussi en état parce qu'il y avait mon centre qui s'était tordu et tout ça. Mais pareil, le vélo, j'ai juste cassé ma patte de dérailleur, mais j'en avais une de rechange, donc j'ai pu la changer. Mais sinon, le vélo n'avait rien, donc... J'ai attendu un petit moment, ça avait l'air d'aller, j'avais beaucoup des gratinures et des gros bleus qui sont apparus plus tard, mais j'étais surtout vraiment sonnée en fait, parce que c'est assez flippant de voir le goudron t'arriver dans la face à cette vitesse-là. Donc c'était aussi un bon petit rappel à l'ordre, je pense, un petit reality check de « ok, t'es pas en possession à 100% de tes… » de tes capacités mentales comme physiques. Donc, juste fais attention. Donc, je me suis arrêtée. Bref, cette fin de journée-là, je me suis arrêtée évidemment tout de suite après. On a roulé jusqu'à la prochaine petite ville qui était à peut-être 10 kilomètres. J'ai pris un hôtel et j'ai dormi là en me disant si demain matin, il y a quoi que ce soit de nouveau et si je ressens quelque chose, si je n'arrive pas à dormir, etc., j'irai à l'hôpital et puis on verra. Et le lendemain matin, finalement, je me sentais vraiment groggy, vraiment comme un petit animal blessé, très vulnérable. Mais je n'avais pas de nouvelles douleurs qui avaient apparu, je n'avais pas de maux de tête, j'avais ces gros bleus qui commençaient à apparaître par contre sur mes jambes, juste le choc en fait. Mais voilà, a priori, je n'avais pas de douleurs bizarres, donc je me suis dit, à partir de ce moment-là... Je remonte sur mon vélo et je vais un kilomètre après l'autre et je vois s'il y a quoi que ce soit, je m'arrête. Et je ne sais pas trop comment, mais finalement, j'ai été jusqu'à l'arrivée deux jours plus tard. Mais donc, ça a vraiment marqué un tournant aussi dans l'expérience de la course, évidemment, parce qu'il a fallu que je gère. Alors, je prenais des antidouleurs, bien sûr, ce qui a dû aider aussi pour les douleurs au genou. mais il a fallu que je compose avec les grosses égratignures dans les mains qui posent sur le centre, donc c'est pas hyper confortable, le fait d'avoir des plaies sur les bras en vélo avec la transpiration, c'est vraiment pas top, donc ça a ajouté des éléments en plus auxquels il fallait que je fasse attention, et puis au-delà du choc aussi, ça a un peu changé le rythme et la perspective. de la course à partir de ce moment-là aussi.
- Speaker #0
Oui, ça fait vraiment beaucoup de choses cumulées. Et il y a quelque chose que tu décris, c'est une sorte de vide émotionnel où tu ressens, à part l'épisode vraiment de tristesse dont on y parlait, mais où globalement, tu n'avais pas trop de joie, pas trop de tristesse, juste un peu anesthésié. Est-ce que tu peux nous parler de ça ?
- Speaker #1
Oui, bien sûr. Je pense que, de manière générale, pendant la course, C'est pareil, c'est des trucs qu'on entend beaucoup.
- Speaker #0
des personnes qui font de l'ultra c'est tu vas voir quand t'es sur un high t'es vraiment sur un high c'est fou, toutes tes sensations sont décuplées t'es en connexion avec ce qui se passe autour de toi, tu vis un truc de fou et tout et puis par contre quand t'es dans un down et que t'es vraiment dans un moment où ça va moins bien, ça va vraiment pas bien t'as juste envie de t'arrêter et on me dit d'ailleurs il faut jamais prendre la décision à ce moment là, faut attendre d'être un peu remontée, savoir si t'arrêtes ta course ou pas Je n'ai pas l'impression d'avoir vécu ces trucs-là de manière aussi intense, autant dans les moments joyeux que dans les moments difficiles. J'ai l'impression que ça s'est un peu harmonisé sur... Je vis un truc qui me fait passer par des émotions, mais ce ne sont pas des émotions très fortes, ni dans le positif, ni dans le négatif. Et l'anesthésie, ça, c'est vraiment ce qui est venu après, en fait. À partir du moment où la course s'est... terminé et où je suis passée dans l'après-course, ce moment aussi qui est beaucoup décrit et dont on parle beaucoup, dont les personnes qui font de l'ultra parlent beaucoup comme souvent une espèce de micro-dépression ou alors tout de suite tu te retrouves un nouvel objectif parce que t'as besoin de quelque chose pour animer ton cerveau et tout ça. Moi, j'ai vraiment juste vécu quelques jours. Ça a duré, je sais pas, je dirais que ça a duré peut-être deux, trois semaines quand même. où vraiment j'étais un peu dans un état d'anesthésie émotionnelle et de léthargie. J'ai perdu beaucoup de mes souvenirs aussi. Du moment où j'ai franchi la ligne d'arrivée, je n'avais plus trop de souvenirs de ce qui venait de se passer pendant six jours. C'était assez difficile pour moi d'aller me rappeler. Même les jours se mélangeaient. La chronologie, c'était devenu n'importe quoi. Il y a plein de choses qui me sont revenues, mais seulement des semaines après. Il y a eu un peu ce moment de vide sidéral d'après-course qui, je pense, s'apparente un peu à un choc post-traumatique. Je pense que la chute, notamment, a dû entraîner ce truc-là. Un peu, mon cerveau a voulu me protéger du choc émotionnel. Mais aussi, les six jours, c'était un choc pour mon corps, c'était un choc pour mon mental. Donc, je pense qu'une fois que tu franchis la ligne d'arrivée... ton cerveau se met juste en mode « Ok, là, on va reprendre les bases, tu vas dormir, manger, et après, on verra à quoi je te donne accès, parce que pour l'instant, ce n'est pas la priorité. On va reprendre les choses une par une. » Et effectivement, ça a pris quand même beaucoup de temps avant que les choses me reviennent, que les émotions arrivent aussi. J'ai été pendant quelques semaines dans un espèce de vide assez étrange.
- Speaker #1
C'est assez long quand même, en fait. Et au moment vraiment de l'arrivée, comment est-ce que tu l'as vécu ? Parce que du coup, tu avais quand même passé six jours pas simples. Est-ce que tu as ressenti quand même quelque chose de particulier quand tu es arrivée ?
- Speaker #0
Franchement, c'est hyper triste à dire, mais rien du tout. Rien du tout. Je n'ai rien ressenti. L'arrivée, pour moi, c'était plus une libération de me dire, OK, maintenant, je m'assois, je mange, je vais dormir et je n'ai plus à penser à... Aaaaaaah Regarder ma trace, combien de kilomètres il reste, regarder les autres sur le tracking, regarder où j'en suis par rapport au checkpoint. Juste, c'était vraiment... Surtout que l'arrivée est vraiment magnifique pour le coup. L'arrivée sur Alminécar, c'est une longue descente de je ne sais plus combien de dizaines de kilomètres sur l'océan, qui est splendide. J'adore la descente en vélo, donc en plus, je me suis dit, OK, là, je me fais un kiff total. Et en fait, j'avais plus de nourriture du tout, du tout depuis le sommet de la descente. Donc entre le sommet de la descente et l'arrivée, je pense qu'il y avait bien encore, je ne sais pas, peut-être une heure et demie, une heure et demie ou deux heures de vélo. Et je n'avais plus du tout de trucs à manger. Donc j'étais en arrivant, vraiment en passant la ligne, j'étais en hypo, mais total. Aussi parce que je m'étais fait un kiff pendant la descente, j'allais un peu vite et tout. Donc je pense que j'ai brûlé de l'énergie avec la concentration. Mais juste vraiment, je me suis dit mais enfin ! il y a une photo de moi à l'arrivée qui est juste improbable où je suis écrasée sur mes prolongateurs, sur mon cintre en train de pleurer juste de libération et ouais je peux associer très peu d'émotions à ce moment là je me souviens m'être dit juste ok maintenant je pose mon vélo je vais m'asseoir, je vais manger et je pense que dès ce moment là c'est vraiment mon cerveau à débrancher il s'est dit ok maintenant on reprend les bases tu manges,
- Speaker #1
tu dors et le reste on verra après ouais il y a besoin d'un petit temps de pause pour arrêter tout ça Et avec le recul maintenant, est-ce que tu comprends davantage un peu ce qui t'est arrivé au global, cette expérience qui n'a vraiment pas été simple et pas forcément à la hauteur de ce que tu attendais ?
- Speaker #0
Ouais, je pense que je suis assez, de manière générale, je suis assez partisane de la nuance. Je ne pense pas qu'il y a une raison spécifique qui fait que j'ai mal vécu ma première expérience d'ultra. Je pense que c'est un mélange de plusieurs choses. Et en fait, c'est tout un tas de circonstances aussi, ce que je vivais dans ma vie à ce moment-là, ce que je traversais émotionnellement, mentalement. là où j'étais dans mon cycle c'est important, on n'en a pas reparlé mais vraiment cette période là chez moi elle est vraiment difficile les quelques jours juste avant que mes règles se déclenchent et il s'avère que la brutalité de l'effort les a fait arriver plus tôt donc en fait le soir où j'ai chuté, quand je me suis arrêtée à l'hôtel mes règles sont arrivées donc vraiment la totale d'ailleurs elles ont duré seulement 24h et après ça elles se sont arrêtées comme si mon corps avait dit oh là là attends, c'est pas le moment Donc, je pense que mon cycle, toutes les circonstances extérieures de ce que je vivais à ce moment-là, ça a fait que l'expérience a été difficile. Après, je pense qu'avec le recul, j'ai vraiment manqué de flexibilité. En fait, je m'étais imaginée, comme je me suis entraînée physiquement, notamment pour mes genoux et tout, pour être sûre de ne pas avoir de problème. pendant des mois avant la course, j'ai eu quand même beaucoup de temps d'y penser quand j'étais sur le vélo, sur le home trainer pendant l'hiver chez moi dans les beaux je visualisais je passais le cours un peu de ce qui potentiellement allait pouvoir se passer plus ou moins bien et s'il arrive ça, comment je réagis etc. Donc je m'étais un peu construite une image de cette course dans ma tête et une image de ce que j'allais vivre et en fait c'est pas du tout ce qui est arrivé Et j'ai été incapable de me réadapter. Je suis restée un peu bloquée. Je pense que la petite voix culpabilisante et tout, tout ça, c'est lié au fait que je m'étais fait une idée de ce que j'allais vivre. Et l'ayant pas vécu, je me trouvais nulle de pas vivre ce pour quoi je venais. Donc en fait, cette incapacité totale à juste réajuster et à m'adapter à la situation, ça a créé un truc. très rigide en moi qui fait que mon expérience a forcément été difficile puisque je ne vivais pas du tout les choses que j'imaginais vivre et donc forcément ce n'était pas bien. Il y avait un truc très négatif et puis après je pense que c'est peut-être aussi la réalité de plein de personnes mais en fait on n'est pas tous et toutes faits pour l'ultra. Moi j'ai voulu le tester parce que c'est aussi quelque chose qui... qui me tenait à cœur. Je l'ai fait avec la course à pied. J'ai grandi dans un environnement, la vallée de Chamonix, c'est quand même... Tout est extrême. Donc, on est un peu bercé dans les sports extrêmes, les pratiques extrêmes, les corps extrêmes. Tout est vraiment... vraiment extrême. Et donc... Je me disais, si c'est dans ma nature, si c'est dans mon ADN, évidemment que ça, c'est fait pour moi. Une pratique extrême du vélo, c'est l'ultra, donc forcément, ça va me convenir. Et en fait, pas du tout. Il s'avère que je pense, en tout cas pour l'instant, c'est peut-être aussi une question de temps et de période de vie, mais je pense pour l'instant que l'ultra, ce n'est pas une pratique du vélo qui me convient. ça veut pas dire que la longue distance me convient pas j'adore ça la longue distance mais peut-être sur des temps un peu plus étendus aussi de manière non compétitive il y a plein de façons de faire de la longue distance c'est peut-être que celle-ci ne convenait pas et
- Speaker #1
en fait si ça te convient pas forcément tu vas pas trouver ça très agréable ouais complètement mais c'est bien je trouve que tu mettes en avant le fait qu'il y ait plein de manières de faire et que en fait on est pas obligé de faire ça Donc là, t'as testé et c'est hyper chouette d'avoir testé, mais tu peux aussi adorer effectivement la longue distance sans vouloir t'inscrire à ce genre de course. Est-ce que tu vois cet aspect-là aussi qui t'a poussé à vouloir partager cette histoire ? Le fait de dire, déjà, il peut y avoir plein de situations, ça ne se passe pas toujours comme prévu, mais voilà, c'est comme ça.
- Speaker #0
Oui, vraiment, en fait, je pense que j'aurais aimé, avant de partir... pour la Desertus, mais aussi après, peut-être. Surtout avant, en fait, pour être préparée. Entendre des récits de personnes qui ont trouvé ça, qui ont trouvé leur première expérience ultra vraiment difficile. Parce qu'il y a un peu un truc de... En tout cas, ce qu'on entend dans le petit monde de l'ultracyclisme, c'est tu vas voir, tu vas vivre des trucs tellement forts que tu ne pourras plus jamais sortir de l'ultra. Tu vas arriver de ta cour, tu vas dire non plus jamais et le lendemain, tu vas t'inscrire sur une autre. Moi, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé pour moi. Et donc, les gens qui ne vivent pas ça, parce que ça existe finalement, quand j'ai commencé à partager ce récit-là, il y a plein, notamment de nanas qui m'ont dit... « Ah, mais moi, j'ai vécu la même chose et je n'ai jamais osé en parler parce que justement, je me sentais mal et tout. » Je me disais que le problème, c'était moi, c'était mon expérience par rapport à la masse. Et en fait, le fait de ne pas avoir rencontré ces discours-là avant de partir, forcément, je me suis aussi retrouvée dans une position où je me trouvais totalement en décalage avec ce que les autres personnes vivent normalement. Et je me suis dit « Mais c'est moi le problème. » Alors qu'en fait... En fait, pas du tout. Il y a autant de façons de vivre en premier ultra qu'il y a de personnes qui pratiquent le vélo et qui veulent se lancer dans l'ultra. Donc, ça me semblait... Et j'ai vraiment mis du temps avant de... Parce qu'au début, je me sentais tellement honteuse. Enfin, j'avais vraiment... Il y a vraiment eu ce sentiment-là dès la fin de la course, de la honte que j'ai pas réussi à vivre ce que j'avais. que j'imaginais, que j'ai pas réussi à trouver du plaisir, ça ça a été quelque chose qui a été hyper difficile à accepter, c'est que bah en fait non pendant 6 jours j'ai pas eu de plaisir quoi donc moi qui rêvais je rêvais de traverser l'Espagne, de voir les paysages espagnols du nord au sud, de me délecter de ce que j'allais voir et tout j'étais tellement dans un état, tellement dans le noir dans ma tête pendant la course que j'en ai pas du tout profité, je me souviens pas trop visuellement de de... des paysages que j'ai traversés, etc. Et j'ai vraiment eu honte de ça, parce que je me suis dit « Waouh, mais c'était un tel privilège pourtant de faire cette course-là et t'as même pas profité, t'as eu aucun plaisir, t'as pas ressenti de joie, c'est pas normal. » Donc, il y a vraiment... J'ai été habitée par la honte. Donc, avant de partager, avant de commencer à partager sur... notamment sur Instagram ce que j'avais vécu, j'ai vraiment mis du temps. Et je pense qu'à ce moment-là, ça m'aurait aidée de savoir que... c'est ok en fait ça fait pas de moi une mauvaise cycliste de ne pas aimer l'ultra c'est juste que c'est pas une pratique qui me convient à ce moment là et il y en a des tas d'autres et c'est totalement ok donc je trouvais ça important finalement j'ai réalisé que c'était important que je partage parce que moi j'aurais aimé trouver ces récits là Peut-être que je n'ai pas su les chercher aussi. Je pense qu'il y a un peu un biais de confirmation quand on se lance dans une pratique, on a envie d'entendre les histoires positives, de se dire « Ok, ça va être super » . Je pense qu'il y a beaucoup de choses qui m'ont fait que je n'ai pas rencontré ces discours-là. Mais de manière générale, j'ai quand même l'impression qu'on les entend beaucoup moins. Et donc, ça m'a semblé important de partager parce que la preuve, j'ai reçu beaucoup de messages et j'ai eu beaucoup de nanas dans mon entourage qui m'ont dit « Ouais, mais merci » . Et toi, la première, Lorraine, quand tu as lu les posts sur Insta et tout, tu as dit « Waouh, je trouve ça super cool que tu partages ce type d'expérience-là parce que ça fait du bien aux gens qui vivent ça et qui les trouvent nulle part. »
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Moi, je trouve que le problème, c'est que... Enfin, évidemment, moi aussi, j'aime bien partager les belles histoires et je trouve ça génial aussi pour donner envie à des femmes de se lancer, etc. Mais c'est vrai que la limite du truc, c'est quand même qu'il peut y avoir du coup un côté très culpabilisant si ça ne se passe pas hyper bien, en fait. parce qu'on a l'impression que pour tout le monde, ça se passe trop bien. Et si nous, ça se passe pas si bien que ça, ça peut vite être très culpabilisant. Et du coup, je pense que c'est ce que tu disais aussi, c'est que pour des femmes, ça peut vite être bien pire. Qu'au lieu de juste le prendre en disant, ah bon, peut-être que c'est pas fait pour moi, ou peut-être juste que j'étais pas nous un bonjour, parce qu'en fait, ça peut juste être ça aussi. Ça va plus vite, en tout cas, j'ai l'impression, partir pour nous en je suis nulle, vraiment. en fait, je ne suis pas faite pour le vélo, ce genre de trucs très extrêmes, finalement. Donc déjà, il y a ça. Et en plus, c'est vrai qu'avec l'ultra qui se démocratise, on va dire, quand même pas mal, ou en tout cas qui est de plus en plus mise en avant, moi, j'ai aussi parfois l'impression qu'on a l'impression qu'il faut faire de l'ultra. Or, je ne pense vraiment pas que ce soit le cas. J'ai l'impression que juste, c'est génial si on aime ça et qu'on teste et qu'on adore. Eh bien là, il ne faut pas hésiter à se lancer. Mais par contre, tout le monde est... pas fait pour ça et on peut aimer faire du vélo sans faire ça et tu le dis très bien. Donc ouais, c'est pour ça que moi j'avais trouvé ça très intéressant que tu partages ça aussi. Merci. Et avec le recul, est-ce que qu'est-ce que cette course t'a appris en fait sur toi-même ?
- Speaker #0
Honnêtement, pas mal de choses qui ont mis du temps à émerger. Des choses très personnelles sur... sur ma façon de faire face au challenge et à l'adversité. Je pense que j'ai découvert... Tu vois, il y a aussi... Il y a eu un moment où après la fin de la course, je me suis vraiment demandé pourquoi j'étais allée au bout, en fait. Je n'ai pas pris de plaisir du début à la fin. J'ai chuté. J'étais dans des dispositions qui étaient quand même... Enfin, pas hyper réjouissante, quoi. Donc, j'aurais pu abandonner, tu vois. Mais ça s'est juste vraiment pas présenté dans ma tête comme une option. Je me suis dit, tout au long de la course, je vais à l'arrivée. C'était pas... Il y avait... À aucun moment, il y a eu le doute de... Sauf quand j'ai chuté, parce que là, je me suis vraiment dit, OK, non, s'il y a quelque chose qui cloche demain matin, je ne retarde pas. même Mais ouais, j'ai jamais observé l'idée de peut-être abandonner, juste parce qu'en fait, si en fait t'as pas de plaisir, peut-être que tu peux faire autre chose de ton temps, tu vois, ou je sais pas, ou juste arrêter la casse, quoi. Oui,
- Speaker #1
ça aurait été une option très importante.
- Speaker #0
Ça aurait été une option, mais à ce moment-là, ça n'était clairement pas une. Donc déjà, tu vois, je pense qu'il y a ce truc un peu de ténacité, mais un peu toxique. je me suis vraiment découverte extrêmement tenace et résiliente et résistante, mais presque trop. Ça aurait été tout aussi beau, je pense, d'arrêter et d'analyser par après mon expérience, et peut-être pour mieux revenir aussi. Là, j'ai vraiment, pour le coup... était tellement au bout de mes ressources physiques et mentales que je n'ai pas trop de perspectives sur refaire de l'ultra. Mais pour l'instant, en tout cas. Mais donc, oui, j'ai appris plein de choses comme ça qui sont aussi... Enfin, je pense qu'il y a aussi des qualités là-dedans. Je n'avais pas tendance à me considérer comme quelqu'un de très tenace, tu vois, ou de très résiliente. Et finalement, j'ai compris que je pouvais l'être. et puis et puis après j'ai compris qu'il y avait une certaine rigidité aussi dans mon mental qu'il aurait peut-être fallu aller voir qu'il y a peut-être des choses que j'aurais dû adresser dans de la préparation mentale notamment en amont de la course qui aurait beaucoup aidé je pense que ça c'est vraiment la grande leçon de ma Desertus 2025 c'est que Euh... J'étais prête physiquement parce que je m'étais aussi beaucoup entraînée, que j'étais suivie en kiné pour mes genoux, etc. Donc vraiment, mon corps était, je pense, vraiment prêt. Parce que pour le coup, j'ai jamais eu de... À part les douleurs liées à mes genoux et à la chute, j'ai jamais eu mal nulle part. Pas musculairement parlant, en tout cas, vraiment, j'ai jamais rien ressenti. Donc je pense que c'est aussi la preuve que mon corps était prêt. Par contre, mon mental ne l'était mais pas du tout. Donc grosse leçon sur en fait... Ça, pour le coup, c'est aussi quelque chose qu'on entend beaucoup dans les discours des personnes qui font de l'ultra, c'est que c'est 10% le corps et 90% le mental. Honnêtement, je pense qu'il y a une part de vérité. C'est peut-être pas tout à fait cette proportion-là, mais il y a une part de vérité là-dedans. Et voilà, je pense que la vraiment grande leçon, c'est que si je ne suis pas faite pour l'ultra, ce n'est pas grave. Peut-être que j'aurais pu mieux me préparer mentalement. et peut-être que un jour j'y reviendrai et peut-être pas et c'est ok ça fait pas de moi une mauvaise cycliste non ni une mauvaise personne merci beaucoup pour le partage et j'ai une petite question traditionnelle pour la fin que tu connais, est-ce que tu aurais un conseil ou un message à faire passer aux auditrices en vrai elle est dure cette question parce que j'en ai plein mais peut-être pour l'anecdote aussi j'ai fait un post en collab sur Insta avec Bivouac au mois de juin, deux mois après la Désertus, parce que les filles de Bivouac, qui est une petite structure d'organisation de voyages aventure backpacking, m'ont demandé...
- Speaker #1
On avait reçu Caroline Prigent.
- Speaker #0
Oui, tout à fait. M'ont demandé d'écrire un peu sur justement mon expérience de la Désertus. Et il y a une slide dans le... post qui m'a valu un flot de messages incroyables que je pensais qui étaient très anodines mais en fait apparemment cette petite phrase elle a fait beaucoup bien à pas mal de monde où je crois que j'ai écrit un truc comme on perd pas son badge de cycliste si pendant un temps on a plus envie de pédaler en fait parce que c'est un peu ce que j'ai vécu pour le coup à la sortie de la désertus Je pense que j'ai contemplé mon vélo dans ma chambre pendant des semaines, un mois ou un mois et demi, je crois, sans avoir du tout envie de remonter dessus et en étant un peu, même apeurée à l'idée. Et en fait, c'est pas grave. En fait, c'est OK. Il y a plein d'autres moments dans notre vie de cycliste où on pourra se gaver de vélo et faire un tas de trucs. Et si à un moment donné, pendant quelques semaines, on n'a pas envie, même c'est OK de ne pas avoir envie de rouler en fait. Et je m'étais sentie très coupable de ce truc-là. Et en fait, quand les filles de Bivouac m'ont proposé d'écrire un poste avec elles, ce qui me paraissait important de partager, c'était un peu cet aspect l'après et le fait que, oui, on peut se rendre compte qu'en fait, après une expérience difficile à vélo, on n'a plus envie de rouler et en fait, c'est OK. Et donc cette petite phrase, on ne perd pas son badge de cycliste, ça a parlé vraiment à beaucoup de monde. Et j'ai beaucoup de nanas, mais aussi des mecs qui m'ont écrit pour me dire, ah mais en fait cette phrase elle est super, ça fait trop du bien d'entendre ça. Moi je n'ai pas fait de vélo depuis deux mois et je culpabilise à fond. Et en fait pour autant, ce n'est pas grave, je suis toujours cycliste. Donc peut-être je rajouterais à cette phrase qu'on ne perd pas son badge de cycliste quand on se rend compte que l'ultra ce n'est pas pour nous. C'est valable pour toute autre discipline par ailleurs parce que l'ultra, c'en est une parmi tant d'autres. Mais on ne perd pas son badge de cycliste si on aime faire du vélo de route et qu'on teste le VTT et qu'on se rend compte qu'on n'aime pas ça. C'est un peu le même principe. Il y a autant de façons d'être cycliste qu'il y a de personnes qui aiment le vélo. Juste l'ultra, on peut essayer. On peut aimer ça pendant un temps et ensuite arrêter parce que finalement, ça ne nous convient plus. On peut essayer et se rendre compte dès le départ que ça ne nous convient pas ou on peut essayer et se rendre compte que c'est fait pour nous et que... On a envie d'en faire à l'infini et tout est valable, tout est valide.
- Speaker #1
Eh bien, excellent message pour terminer. Merci beaucoup, Louisa. Merci pour tout ce partage, pour tout le partage de ton histoire. Je pense que ça pourrait être utile à plein de gens. Donc, grand merci et à bientôt.
- Speaker #0
Merci à toi, Lorraine, pour l'invitation et merci d'avoir eu envie de relayer aussi les messages un peu moins classiques.
- Speaker #1
on va dire sur l'ultra et merci pour tout ce que tu fais et à très bientôt merci merci d'avoir écouté cet épisode si cela vous a plu n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes cela nous aide à bientôt