- Laurène
La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes et bienvenue sur La Sportive Outdoor. Aujourd'hui, je reçois Ariane Fornia, aussi connue sous le nom d'Itinéra Magica sur les réseaux sociaux. Avec Ariane, on se connaît depuis plusieurs années et j'ai suivi la naissance de sa passion pour l'alpinisme. J'avais envie de la convier à vous en parler, déjà parce que je trouve que l'alpinisme est souvent vu comme un sport assez masculin et aussi parce que cela m'intéresse de comprendre comment elle s'y est mise. Alors qu'à la base, elle ne vient pas d'un milieu de montagnards. Bienvenue Ariane !
- Ariane
Bonjour et merci beaucoup de m'inviter, je suis très contente de participer à la sportive outdoor.
- Laurène
Je suis ravie également. Est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Ariane
Avec plaisir ! Je suis Ariane, vous me connaissez peut-être sur les réseaux sous le nom d'Itinéra Magica. C'est le nom de mon blog et de tous mes réseaux depuis 2015. J'ai commencé au bord de la mer, à Aix-en-Provence. Aujourd'hui, je vis à Grenoble, entourée de montagnes. Les Alpes et la Provence sont mes deux obsessions. Et je pratique, comme vous toutes, énormément de sport de pleine nature, parce que c'est ma grande passion.
- Laurène
Et comment est-ce que tu t'es mise alors à l'alpinisme ? Parce qu'il y a quand même un grand pas entre sport de pleine nature, mer et alpinisme.
- Ariane
Complètement. Ça a été très progressif. Déjà, la première découverte, ça a été la montagne en été. C'est-à-dire que pour moi, la montagne, ça n'avait été toujours qu'un territoire de sport divers. J'étais beaucoup allée au ski, à dos, j'ai toujours aimé le ski, mais j'avais l'impression que la montagne arrêtait d'exister une fois que les remontées mécaniques avaient fermé, que c'était la fin. Et il y a eu vraiment un déclic en 2017, où j'ai vécu avec Marion, ma binôme photographe, fun photographie, deux aventures extraordinaires, une à Chamonix, une dans le Vercors. Ça a été plein de... première fois, première randonnée au-dessus de 2000 mètres, premier bivouac, premier face-à-face avec un glacier, première rencontre avec un bouctin. Il y a eu plein de premières fois très très très fortes à ce moment-là qui m'ont fait dire mais il y a cet univers extraordinaire dont j'ignorais tout et qui est à deux pas, qui est tout proche d'ici. Et donc j'ai commencé à me mettre à la randonnée, à me passionner pour la montagne. Et le deuxième déclic c'est 2020 où je fais mes premières grosses randonnées. et où je fais ma première fois en alpinisme, parce qu'en fait, très vite, je me souviens très bien du moment où je me dis il faut que je me mette à l'alpinisme c'est la randonnée qui s'appelle la Jonction à Chamonix, où on arrive au pied des glaciers, face à nous il y a le Mont Blanc, l'Aiguille du Midi, séparé par un océan de serraques, et là vraiment je me pose la question mais comment on fait pour aller plus loin ? Est-ce que c'est possible d'aller plus loin ? La réponse oui continuer à avancer là où marcher ne suffit plus, et où il va falloir des cordes, des piolets, du matériel d'escalade, toutes sortes de techniques. En fait, c'est ça qu'on appelle l'alpinisme. Et c'est ça que je trouve hyper intéressant. Ça n'est pas un sport à proprement parler, c'est un ensemble de sports pour aller plus loin dans la montagne.
- Laurène
Oui, c'est vrai. Oui, c'est vrai que ça rassemble pas mal de choses. Mais entre se mettre à la randonnée, bon, personnellement, je fais pas mal de randonnées en montagne, mais c'est vrai que... l'alpinisme, c'est quand même encore autre chose. Donc, quelles sont les raisons vraiment profondes qui t'ont donné envie de te lancer là-dedans ?
- Ariane
C'est vraiment la pure fascination, c'est-à-dire ce moment où je me retrouve face au glacier, où je me dis, mais je n'ai pas envie de m'arrêter là. Je veux aller voir de plus près les seracs, les crevasses, mais comment on fait, comment ça fonctionne ? Et là, je me pose vraiment une question, parce que je ressens cette fascination, cette appréciation. extrêmement fort mais je ne suis pas suicidaire, je n'ai pas envie de mourir et je vois bien que c'est dangereux donc je me pose la question mais comment on fait pour faire ça en sécurité ? Et donc là je vis ma première fois en alpinisme à l'été 2020, une initiation merveilleuse avec la traversée de la vallée blanche à pied, l'ascension des points de la Chenal et une première arrête rocheuse. Et là, je me mets à dévourer des livres de montagne. Je me mets à lire tout ce qui bouge, les grands classiques, les conquérantes de l'inutile, les rébuffas, les frisons roches. En fait, je fais toute ma culture alpine avec les petits livres rouges, tu sais, de la bibliothèque Paulson-Guérin. Il y a cette librairie à Chamonix remplie de petits livres rouges. Et voilà, je découvre la montagne par les bouquins et j'ai cette envie irrépressible d'aller voir en vrai comment ça se passe.
- Laurène
Je vois bien cette librairie, c'est vrai qu'on a envie de ressortir avec 20 livres à chaque fois.
- Ariane
C'est ce que je fais.
- Laurène
Et est-ce que tu as une personne justement en particulier qui t'a inspirée dans ta pratique ?
- Ariane
Alors voilà, au tout début, ce sont vraiment les grands classiques, les grands noms de la montagne. Ce sont les Lionel Théré, les Gaston Rébuffa, les Louis Lachnal, les Conquérants de l'inutile, c'est un livre qui m'a fascinée. Gaston Rébuffa, j'étais vraiment amoureuse de ce mec avec ses ascensions fascinantes à la fois dans les Galanques et dans le massif de Chamonix. C'est plutôt incroyable où il est là, dix mètres au-dessus de la dernière dégaine et on a l'impression que c'est un artiste du vide. Mais après, je me suis posé une question, mais qui sont mes modèles féminins ? Et ça, ça a été très très important et ça a été quelque chose de vraiment décisif pour moi. Et aujourd'hui, je suis impressionnée par le nombre de femmes qu'il y a en montagne et les événements qu'il y a autour de ça. Il y a la section du club alpin réservée aux femmes qui s'appelle Lead the Climb. Il y a le festival de films Femmes en Montagne. Et ce genre de temps-là est porté par des femmes que je trouve extrêmement inspirantes. Et en fait, au quotidien, je me sens vraiment très inspirée par... toutes les sportives que je rencontre en ski de rando, à la salle d'escalade, en randonnée, faisant des treks. Aujourd'hui, on est nombreuses en tant que femmes à avoir envie de vivre des aventures très fortes en montagne. Et il y a une vraie dynamique qui va dans ce sens et je trouve ça extrêmement encourageant et stimulant. Et j'adore partir en montagne avec mes amis, notamment avec Marion, dont je parlais au début, qui a été mon initiatrice en montagne et qui le reste parce que c'est une super grimpeuse. L'idée de vivre ces aventures avec d'autres femmes, c'est aussi quelque chose qui me motive beaucoup.
- Laurène
C'est tellement important. Le Festival Femmes en Montagne, justement, c'est bientôt. C'est en novembre. Il y a aussi cette année une version en ligne, ce qui est chouette quand on n'habite pas à Annecy. Personnellement, je ne me prends pas mon pass. Moi aussi. Je ne sais pas si tu as suivi, mais il y a aussi bientôt, le 15 octobre, un livre sur l'histoire de l'alpinisme au féminin qui sort. que je vais recevoir en interview l'autrice du livre. Donc j'ai hâte de le découvrir et hâte qu'elle puisse nous en parler parce que je pense qu'il y a pas mal de choses à dire et pas mal de choses qu'on ignore.
- Ariane
Ça, c'est un épisode du podcast que je ne raterai pas.
- Laurène
C'est parfait. On va passer à ton apprentissage. C'est vrai que c'est quelque chose qui m'intrigue. Donc tu nous as expliqué comment l'envie t'est venue, mais comment ça s'est passé concrètement pour vraiment commencer à t'initier à partir du moment où tu t'es dit... Bon, ça y est, je vais m'y mettre. Quelles sont les étapes pour démarrer ça ?
- Ariane
Déjà, pour quelqu'un qui, comme moi, ne vient pas du tout d'un milieu montagnard, la première étape, c'est de contacter un guide. C'est le moment de se mettre en sécurité et de ne surtout pas décider de s'aventurer tout seul sur une arête ou un glacier. C'est quand même un milieu qui comporte plein de dangers objectifs et où il y a tout un tas de techniques pour se mettre en... sécurité et donc partir avec un guide, apprendre ça. Aujourd'hui, maintenant, dans mes courses, je continue à faire appel à des guides, mais en essayant de tendre vers l'autonomie, c'est-à-dire que je leur demande de plus en plus de me laisser passer en tête, de vérifier ma manœuvre, mais de ne pas intervenir juste si je fais une grosse bêtise, mais sinon de me laisser faire. Aujourd'hui, je tends vers l'autonomie. Mais au début, pas du tout. Au début, c'est vraiment juste, je suis et j'essaie de survivre. Mais après, de façon plus concrète, comme je le disais, l'alpinisme, c'est une pratique qui permet d'aller en montagne, mais ça n'est pas un sport, c'est un multi-type de sport. Et donc, pour moi, apprendre l'alpinisme, ça a été progresser ou m'initier dans toutes les disciplines qu'il constitue. Donc, ça veut dire la randonnée, c'est bête, mais la randonnée alpine. sur du terrain difficile avec une exposition au vide, avec des pantraides, des pierriers, etc. Ça fait aussi partie de l'alpinisme et d'ailleurs, beaucoup de marches d'approche d'alpinisme rocheux sont des randonnées engagées. Il y a l'escalade et notamment l'escalade en grande voie, c'est-à-dire l'escalade sur plusieurs longueurs, où en fait, quand on arrive en haut, au lieu de redescendre, la deuxième personne monte aussi, on construit un relais et on continue. à grimper sur la paroi. Pour moi, l'escalade en grande voie, c'est vraiment la transition entre l'escalade sportive et l'alpinisme. Il y a le ski de randonnée, même si ça, on en parlera plus tard, je sais qu'il va y avoir une question sur mes mauvaises expériences, ça c'est un truc sur lequel j'ai un peu mis un gros frein, mais au début, j'en ai fait pas mal. Le fait de s'aventurer dans la neige, d'apprendre à se déplacer sur des pentes, d'apprendre à gérer le risque d'avalanche. Et puis après, il y a des choses un peu plus, comment dire, spécifiques et pointues qui paraissent un peu plus gadgets quand on n'est pas un alpiniste professionnel, comme par exemple la cascade de glace. Ok, ce n'est pas un truc dont tu as besoin tous les jours, mais c'est sympa d'avoir déjà fait l'expérience et d'avoir cette sensation. Et en plus, tu as un peu l'impression d'être sur l'Everest, donc c'est sympa de faire une initiation cascade de glace quand on a l'occasion.
- Laurène
J'imagine. Et toi, en fait, à la base, tu avais la randonnée comme compétence et les autres, par exemple, l'escalade, c'est quelque chose que tu as dû apprendre à ce moment-là ?
- Ariane
Complètement. J'ai tout commencé en même temps, c'est-à-dire que je me suis mise à l'escalade, je me suis remise au ski de façon plus sérieuse, parce que pour moi, il y a dans le ski, pas seulement la compétence ski, mais aussi l'appréhension de la pente, du vide, du froid. Il y a plein de choses qui vont avec ça. Je me suis aussi mise à ce moment-là, parce que tout allait d'un même mouvement, apprentissage de la montagne, à faire des treks en itinérance, en bivouac, en portant mon propre matériel, parce qu'en fait il y a des logiques qui sont proches sur la rationalisation du matériel, sur le fait de développer des compétences de gestion du stress, analyse des situations, observer les chemins, etc. Donc pour moi l'alpinisme va avec tout un ensemble de... pratique de la montagne, en rando, en trek, en escalade. Et d'ailleurs, l'escalade est devenue quelque chose d'important dans ma vie. En hiver, on ne fait pas tellement de sommets neigeux, parce que moi, je ne suis pas une alpiniste professionnelle, je ne me lance pas dans des grandes hivernales. Mais en revanche, l'hiver, c'est une super saison pour faire de la grande voie de l'escalade, de l'alpinisme rocheux dans le sud de la France, par exemple, aller grimper dans les Calanques, tout ça. Ça m'a ouvert. plein de portes, pas seulement en montagne, mais aussi revenant vers la mer, du coup.
- Laurène
Tu arrives à lier les deux. Tu parlais des risques et des peurs que ça peut engendrer. Comment tu fais face à ces peurs ? Tu as l'aspect vertige, le vide. Tu as les conditions météo aussi qui peuvent être compliquées. Comment tu arrives à gérer ça ?
- Ariane
Alors, c'est vraiment au jour le jour, c'est-à-dire que je me suis fait peur plusieurs fois et il y a des moments des choses que je gère mieux que d'autres. Il y a une peur que j'ai à peu près, je dis à peu près parce que... Pour moi, c'est des choses... Il ne faut jamais dire que j'ai surmonté ma peur à 100% parce qu'en fait, tu ne t'es pas confrontée à la difficulté extrême et tu as juste progressé dans ton niveau de difficulté, mais il y a toujours plus dur. Je trouve que j'ai progressé sur l'appréhension du vide. C'est-à-dire qu'au début, les configurations de type arrête avec le vide des deux côtés ont été extrêmement compliquées pour moi. Je me suis fait une frayeur horrible sur la traversée des arrêtes du Grand Pic de Beldone mille mètres de vide de chaque côté et où, comment dire, j'avais trop de fierté pour appeler l'hélico du PGHM alors que concrètement j'étais en bonne santé et j'allais bien mais j'ai passé quatre heures à pleurer à avancer en pleurant toutes les larmes de mon corps et c'était vraiment pas une expérience glorieuse c'était pas une pub pour l'alpinisme en plus, je n'osais tellement pas tu sais, me mettre debout que je frottais mon pantalon contre la roche et que je me suis entièrement arrachée et que j'ai fini les fesses à l'air et tout, enfin vraiment, mais le tableau pitoyable Mouah ! Ça, sur l'appréhension du vide, ça va mieux parce que j'ai fait justement beaucoup de courses en arrêt. D'abord, beaucoup plus facile que celle-là. Je pense que j'étais allée directement dans du trop difficile. On est redescendu de quelques cotations. On a fait des courses en arrêt plus faciles. Puis, en remontant en difficulté, continuer l'escalade, j'ai l'impression que ce n'est pas parfait. On parle de quelqu'un qui, à la base... avait le vertige au sommet d'un escalier, donc il y avait de la marge de progression. Mais je trouve que ça va beaucoup mieux. La gestion du froid, j'ai l'impression aussi que c'est quelque chose sur lequel j'ai progressé tout simplement en ayant du meilleur matériel et en comprenant quel était le bon matériel pour moi. C'est-à-dire que les solutions ne sont pas les mêmes pour tout le monde. On a tous nos... nos points de faiblesse et les choses dont on a besoin. Ça a été pas mal d'essais et erreurs. Et de moments où je me suis bien bien gelée avec des moins 20, avec du vent et où j'avais l'impression que j'allais mourir. Mais je me dis, OK, voilà, quelle est la solution ? Maintenant, j'ai l'impression que j'ai à peu près trouvé mon équipement pour survivre en hiver ou dans les situations de grand froid. Et la dernière chose qui est là vraiment, et mon plus gros blocage, je ne sais pas encore. Si je vais remédier à ça pour le moment, c'est la peur des avalanches, parce que j'ai déclenché une avalanche en janvier 2023, et ça a été vraiment très très très traumatique pour moi. Ça m'a un peu stoppée net dans l'apprentissage du ski de rando que j'avais pratiqué les hivers précédents. En gros, à partir de 2020, 2021, 2022, etc., j'ai fait du ski de rando. Janvier 2023, je déclenche une énorme avalanche en Morienne. J'avoue que ça m'a... Ça m'a pas mal secouée et calmée, surtout que dans les festivals de films de montagne, je suis à Grenoble, donc je vois plein de festivals de films de montagne, il y a malheureusement pas mal de films sur le danger des avalanches, les morts en avalanche, etc. Et ça, c'est quelque chose qui m'a pas mal secouée et où je trouve que, comment dire, la progression dans tes connaissances, dans l'évaluation du risque de l'anivologie, aide un petit peu, mais pas complètement. Il y a toujours une part... d'incertitude et c'est d'ailleurs pour ça que même des guides très expérimentés meurent dans des avalanches. Ça, ça reste une zone de peur assez irréductible pour moi pour le moment et voilà, on va voir dans les hivers qui viennent comment j'arrive à gérer ça.
- Laurène
T'as déjà progressé sur plein de choses et en tout cas, félicitations. Les avalanches, j'avoue que c'est quelque chose qui, personnellement, me fait extrêmement peur, mais j'imagine que, en fait, si tu décides de faire ça, tu... Tu apprends à gérer le risque au maximum et juste à vivre avec.
- Ariane
Tu peux faire avec des guides, des écoles de neige. Moi, j'ai notamment été à Grenoble avec un guide vraiment super qui est très spécialisé en ivologie et qui te fait analyser les pentes dans un endroit où tu es en sécurité et qui te dit, voilà, là, si je ne te disais rien, par où tu passerais ? Pourquoi ? Parle-moi de l'exposition, de l'orientation, du vent. essayer vraiment d'analyser rationnellement pour essayer de trouver le meilleur itinéraire possible. Et ça, c'est des compétences que j'utilise, y compris en été. En juin dernier, je me suis retrouvée à devoir changer d'itinéraire pour monter au refuge du pavé dans les écrins, parce que l'itinéraire classique, en fait, on voyait bien, mes compagnons et moi, qu'il était très exposé aux avalanches, et donc il a fallu trouver un itinéraire alternatif. On était en juin, mais voilà, les compétences niveau logis, on les utilise à ce moment-là, donc je trouve que c'est super utile. Mais malheureusement, et surtout avec le réchauffement climatique, en fait, je trouve que ça ne suffit pas. Parce qu'on l'a bien vu l'hiver dernier, les alternances chaud-froid, quand il neige beaucoup, puis tout d'un coup, il se met à faire très chaud. Donc, la neige fond et il se fait une couche de glace, puis il reneige. Ça fait des manteaux neigeux extrêmement instables. Et là, même les plus grands experts ont du mal à dire ça, c'est safe parce qu'en fait, tu sais que dessous, il y a plusieurs couches. Et voilà, je pense malheureusement que... globalement, les changements climatiques font que la montagne devient plus dangereuse et que sans doute dans les années qui viennent, pour les amateurs comme moi, mais aussi pour les professionnels, la tendance va être à une plus grande prudence parce que c'est super d'escalader une montagne, mais le but, c'est aussi de redescendre et de revenir en vie.
- Laurène
Tout à fait. La situation que tu nous parlais, donc en ski de randonnée, si j'ai bien compris, qu'est-ce qui s'est passé exactement ? tu peux nous raconter et comment tu t'en es sortie aussi parce que déclencher une avalanche, ça paraît pas simple.
- Ariane
On était à la montée, on avait essayé, donc j'étais avec le guide et mon compagnon Geoffrey, on avait essayé de choisir l'itinéraire qui nous semblait être le plus rationnel possible, mais il y avait un moment dangereux, une traversée, donc on était à la montée à ce moment-là, on avait non seulement les pots de phoque, mais les couteaux. Les couteaux, c'est ce qui se met sous les skis pour bien accrocher la neige. C'est l'équivalent des crampons, mais quand on a des skis. Et c'est un élément assez important, parce que je pense que les couteaux m'ont probablement évité de partir avec ce jour-là. Et donc, il y avait une pente à traverser dont on savait qu'elle était dangereuse. Une pente à 30 degrés, c'était assez court. Mais voilà, on sait qu'au-dessus de 30, le risque existe. Là, on devait être à 31, 32, et il y avait pas mal de neige, on était en risque 3. On savait que c'était limite. Le guide, là, il y a un facteur, comment dire, de décision personnelle. Le guide dit, allez, on tente, on passe par là. Lui passe, on décide donc de s'espacer pour que si l'un de nous se fait emporter, les autres puissent le chercher. Évidemment, on a des V.A. sur nous, pelles et sondes dans le sac, ça, c'est la base. Moi, je suis la deuxième à y aller. Et pendant que je commence ma traversée, j'entends vraiment des bruits sous la neige. Et vraiment, je l'entends. Et je suis au milieu et je dis, OK, ça souffle dans tous les sens, ça bouge partout. Qu'est-ce que je fais ? Et je suis au milieu. Ils disent, continue, continue, mais prépare-toi, potentiellement, ça va partir. Et là, tout d'un coup, on a entendu un bouche plus gros que les autres et un craquement. On a entendu l'eau. Et là, en fait, je me suis juste, donc j'avais mes couteaux toujours au pied, je me suis accrochée et cramponnée en espérant très très très fort que l'avalanche ne parte pas au-dessus de moi, mais en dessous de moi, et que je casse uniquement ce qui était en dessous de moi. Et miraculeusement, c'est ce qui s'est passé. Mais ça a été vraiment très impressionnant, j'ai eu l'impression d'un bruit de tonnerre dans la montagne. C'est-à-dire que non seulement ma pente est partie, mais les deux pentes adjacentes. Donc tout un arc de 180 degrés. qui est parti entièrement avec des quantités de neige incroyables. Et heureusement, le guide et mon compagnon Geoffrey étaient en sécurité parce que tous les deux, on sentait bien que ça craignait, étaient sur des espèces d'arrêtes rocheuses de part et d'autre de la pente. Donc ils étaient sur de la roche et pas de la neige. J'étais la seule à être dans la neige à ce moment-là. Donc j'essaie de me rassurer, parce que j'ai beaucoup fait des cauchemars sur cette histoire, si j'étais partie avec l'avalanche. Il y avait deux personnes qui avaient vu où j'étais partie et qui auraient pu aller me chercher. Donc, j'avais des chances de survie. Mais voilà, c'est très angoissant et une espèce de miracle. Donc, ce qui était au-dessus de moi n'est pas parti. Uniquement, ce qui était en dessous de moi. Et donc, j'ai fini ma traversée dans un état de terreur absolue en me disant Pourvu que le reste tienne, pourvu que le reste tienne. Et je suis arrivée de l'autre côté. On était loin de notre camp de base. Donc, il a quand même fallu, là, t'es obligée de prendre sur toi, faire la journée de ski. continuer, skier, etc. C'était dur parce que c'est un moment où, en fait, t'as pas du tout envie de skier, t'as juste envie de rentrer à la maison le métro chaud,
- Laurène
le vignoble sur le café.
- Ariane
Mais en fait, tu sais que t'as 4 heures de ski devant toi et qu'il va falloir les faire parce que tu vas pas rester là dans la montagne. Mais voilà, au final, ça s'est bien fini. Mais beaucoup, beaucoup de cauchemars, beaucoup d'angoisse par rapport à ça et un peu de mal à surmonter ce truc. Je suis retournée pour la première fois en hors-pays hors-piste, donc l'hiver dernier, un an après, l'hiver 2024, mais dans un endroit un peu plus sécurisé, qui est la Grave-la-Mège, où c'est un domaine hors-piste, où bien sûr, il peut tout à fait y avoir des avalanches, etc. Mais quand même, le fait que ça soit un domaine hors-piste fait qu'il y a une très, très grande vigilance des pisteurs, des personnes qui essaient de sécuriser le site. Et j'y suis allée un jour où le risque d'avalanche était faible et où ça s'est bien passé. Donc voilà, ça a été mon petit pas de réintroduction au Warpist.
- Laurène
J'imagine que c'est hyper dur après ça, vraiment. Tu vas y arriver, mais progressivement. On va passer un plus beau souvenir pour passer à autre chose. Quelle est ta plus belle ascension, ton meilleur souvenir en tout cas en alpinisme ?
- Ariane
Alors, j'en ai vraiment plein parce que j'ai vécu tellement de moments magiques et puissants. Mais j'ai réfléchi très fort quand tu m'as envoyé les questions en me disant, il faut que j'en choisisse un. Je vais dire l'ascension de la Mège orientale. Déjà parce que j'aime infiniment les écrins. Je trouve que c'est vraiment un massif tellement sauvage, tellement authentique, d'une beauté absolue, tellement riche d'histoire. C'est vraiment une terre de pionniers. Et la Mège me fascinait complètement parce que la Mège... Alors là, je ne parle pas de la Mège orientale que moi j'ai faite, qui est plus facile, mais du grand pic de la Mège, le pic central. que lui je n'ai pas encore fait, qui n'est pas encore de mon niveau, mais un jour, je l'espère, il fait partie de mes objectifs. Le Grand Pic de la Mège a donné du fil à retordre aux alpinistes à un point inimaginable, au point que le Grand Pic de la Mège, le sommet n'a été atteint que 100 ans après le Mont Blanc. C'est incroyable, c'était le dernier problème des Alpes. et en plus il y a une grande fierté nationale parce que c'est des français, c'est des gens de loisans, c'est des mecs locaux du village qui ont réussi à y aller, le célèbre Gaspard de la Mèche. Donc voilà, il y a un mythe autour de la Mèche et ça c'est quelque chose qui compte beaucoup pour moi parce que voilà, je te disais, j'ai commencé par les livres, je suis une littéraire, donc les histoires, les légendes, l'aura du mythe, ça me parle beaucoup et j'avais très envie de m'approcher de la Mèche et je savais que le Grand Vic était inaccessible à moi. à mon niveau, mais que la mèche orientale c'était possible. C'est vraiment une ascension exceptionnelle. On dort au plus haut refuge du parc national des Écrins, le refuge de l'Aigle, qui est vraiment mais il faut imaginer une espèce de petit tas de bois posé sur le glacier en suspension, on se demande même comment il tient, c'est assez incroyable. Donc on dort à 3400 avec le plus beau coucher de soleil de ma vie, le ciel de feu, des nappes de brume dorées, etc. Et le matin, on... on part très très tôt à 4h du matin et on monte sur le glacier. C'est très varié, on a des pentes en glace, puis une arête et enfin on arrive là-haut et la vue sur la mèche est juste exceptionnelle et on a l'impression de voir toutes les Alpes, c'est-à-dire qu'on voit le Mont Blanc, on voit le Viseau, on voit la mèche, on a un cercle d'Alpes autour de soi qui est juste magique et la joie d'être aussi proche de la Reine Mège, celle que dans le Dauphiné on surnomme sa majesté, et voilà, c'était vraiment un souvenir très très très fort. Bon après il y a les 2300 mètres de dénivelé négatif qui cassent bien mais...
- Laurène
Ça valait le coup quand même, vu la beauté On va passer à ta pratique au quotidien, comment est-ce qu'on fait en fait, enfin déjà à quelle fréquence tu peux aller faire des courses d'alpinisme et puis comment est-ce que tu fais au quotidien pour t'entraîner ? Est-ce que du coup tu pratiques un peu tous les sports, d'autres sports aussi en plus ? Comment est-ce que tu fais ?
- Ariane
En fait, pour moi qui ne suis pas une alpiniste professionnelle et qui n'ai pas un désir de grande hivernale, l'alpinisme, c'est un sport d'été. Concrètement, on commence selon les conditions en mai-soin et on finit en septembre-octobre. Par exemple, cette année, avec le mauvais temps qu'il y a eu, les grosses chutes de neige, etc., la saison d'alpinisme estivale, elle est déjà finie. Il y a assez peu de gens qui font de l'alpinisme en hiver en dehors des cercles vraiment professionnels. Donc du coup, c'est une période qui est courte. Ça veut dire qu'il faut essayer d'être le plus en forme possible et prête à ce moment-là. Alors déjà, pour moi, la meilleure préparation à l'alpinisme, c'est la randonnée. C'est-à-dire le fait d'aller en montagne, de porter du poids, d'être sur du terrain montagne en hiver. Ça va vouloir dire aller faire soit du ski de rando, si on n'a pas trop peur, soit des randonnées raquettes. ou même simplement, même avec les remontées mécaniques, continuer d'aller haut en altitude. C'est-à-dire que par exemple, quand je vais en hiver au Pic Blanc, à l'Alpe d'Huez, et que je monte à 3 300 et que je reste le plus longtemps possible et essayer de passer du temps en altitude, etc., ça c'est quelque chose que je fais au quotidien, parce que je l'ai vraiment compris depuis quelques années qu'en fait on a tort de considérer l'acclimatation comme quelque chose en one shot. Par exemple, c'est bon, je monte à 3000, je suis acclimatée. En fait, l'acclimatation, c'est quelque chose qui se fait tout au long de l'année, sur plusieurs mois, en permanence. Et oui, il y a une acclimatation spécifique avant une ascension, mais ton acclimatation de base, tu la fais en allant en montagne le plus souvent possible. En vivant à Grenoble, le ski et la rando, ça fait partie de mes pratiques régulières. Il y a bien sûr la pratique de l'escalade. en falaise quand c'est possible, quand il fait beau, en salle le reste du temps, pour essayer de garder la gestuelle, l'appréhension du vide, ne pas, comment dire, retomber dans ce qui a été mes travers avant de faire de l'alpinisme, c'est-à-dire la peur du vide, le vertige, pratiquer l'escalade, ça entretient quand même le fait que tu as l'habitude d'avoir du vide en dessous de toi, et de gérer tes mouvements, et de te coordonner, etc. Et puis après, sinon, il y a tout ce qui est entretien général et qui peut se faire par la façon dont on le sent. Il y a des gens qui vont préférer courir ou nager ou faire du vélo. Moi, je fais un petit peu de tout. Je fais de la muscu. Mais ça rentre un peu dans l'entretien physique général au quotidien pour savoir qu'au moment où il va falloir retourner en montagne et prendre le gros sac et aller bouffer du dénivelé, je serai à peu près prête.
- Laurène
Ton corps sera partant. Et quels sont tes objectifs à court et long terme ? Est-ce que tu as des projets d'ascension spécifiques que tu as vraiment envie de réaliser ?
- Ariane
Oui, il y en a plein. Déjà, il y a quelque chose qui se dérobe à moi depuis deux ans, c'est le Mont Blanc. Deux fois de suite, j'ai échoué. Je mets les guillemets parce que je le vis comme un échec, mais en fait, concrètement, ce n'était pas de ma faute. C'est le guide qui dit, on ne peut pas y aller, il y a une tempête, c'est trop dangereux, c'est impossible. Donc, comment dire ? Ça n'est pas moi qui ai échoué, mais je le vis comme un échec quand même, parce que tout est entièrement prêt et que tout est là et que tu es sur les starting blocks. Et après, j'en profite pour glisser une parenthèse là-dessus. Évidemment, j'ai totalement respecté la décision de mon guide et je n'ai pas essayé de négocier. D'ailleurs, cette année, ça m'a beaucoup, beaucoup marquée. Au moment où il m'a dit Non, on n'y va pas, il y a une tempête, c'est trop dangereux c'était début septembre, c'est le moment où tu sais, il y a quatre personnes qui sont mortes dans cette fameuse tempête. D'accord. parce qu'ils sont morts de froid, qu'ils se sont perdus, etc. Enfin, c'était horrible. Donc voilà, ça, c'est la parenthèse. Quand on vous dit c'est pas possible, c'est pas dangereux c'est pas pour vous embêter.
- Laurène
C'est très important de le rappeler, ça reste un milieu qui est hostile, même si c'est magnifique et que tu essaies d'y aller dans de bonnes conditions, c'est hostile si tu as un guide qui est super qualifié, qui te dit on n'y va pas il n'y a même pas besoin de chercher. C'est une idée qu'il faut l'écouter.
- Ariane
Il y a toujours le Mont Blanc, donc j'espère que 2025 sera enfin la bonne, après l'échec 2023-2024. Bien sûr, il y a le Grand Pic de la Mège, mais pour cela, je ne me suis pas fixée de date parce que je ne me sens pas encore prête. C'est vraiment une ascension techniquement difficile avec beaucoup d'exposition au vide, et je voudrais vraiment y aller en me sentant sûre. Et après, j'ai des projets qui sont techniquement moins difficiles, mais qui... semble être d'une grande beauté et moi je suis très attirée par l'esthétique j'ai très envie d'aller à la grande ruine dans les écrins parce que beaucoup de gens disent que c'est le plus beau belvédère des écrins et que c'est magique c'est pas très dur techniquement mais c'est dur physiquement parce que c'est des gros dénivelés enchaînés de jours de suite, voilà le genre d'expérience de bourrin qu'on aime bien quand on habite à Grenoble ça a l'air bien et hum
- Laurène
C'est en juin. J'étais dans le Mont Rose. Le Mont Rose, c'est vraiment un endroit génial parce qu'il y a énormément de sommets de 4000. C'est à la frontière entre la Suisse et l'Italie. Et c'est un peu Disneyland pour les alpinistes parce que tu es à un refuge et il y a des sommets de 4000 partout autour de toi. J'ai vraiment beaucoup aimé mon expérience cette année, mais qui a été écourtée à cause d'une tempête. Donc du coup, je voudrais y retourner pour aller à la Cabina Margherita. C'est le plus haut refuge d'Europe qui est à plus de 4500 mètres. qui a été nommée en hommage de la reine Marguerite, qui était une reine d'Italie à la fin du XIXe siècle et qui était folle d'alpinisme et qui est montée à 4500 mètres avec son chien. Donc elle, on parlait tout à l'heure des modèles féminins inspirants, elle, je l'adore. Il faut imaginer, on est en 1898 ou quelque chose comme ça, cette femme, elle est reine d'Italie, elle n'est pas toute jeune, elle a plus de 40 ans, ce qui, en 1900... n'est pas rien, ce n'est pas 40 ans de 2024, 40 ans de 1900, on est déjà considérée comme une mémé à cette époque-là. Mais elle, elle n'a pas du tout l'intention de se laisser enterrer, et elle dit, je veux aller là-haut, et elle monte avec son chien à 4500 mètres, honnêtement, elle me fascine.
- Ariane
C'est génial. Effectivement, souvent, ces femmes-là, on ne les connaît pas, c'est hyper énervant. On espère qu'au fur et à mesure, on arrivera à faire connaître davantage des femmes comme ça. À cette époque, oser faire ça, les conditions, on n'imagine même pas. C'est incroyable. Sur l'alpinisme, j'imagine que ça t'apprend aussi beaucoup de choses sur toi. Qu'est-ce que tu as l'impression d'avoir appris ? Ça fait un peu plus de quatre ans que tu pratiques. Qu'est-ce que tu as appris déjà sur toi ? J'imagine qu'il y en aura encore à venir, mais à ce stade.
- Laurène
Il y a un truc très drôle. Tu sais... cet auteur qui a été très connu cette année avec son livre sur son chien, son odeur après la pluie, Cédric de Sapin du Four, en fait, avant tout, c'est un auteur de livres sur l'alpinisme. Et il a écrit des bouquins très, très, très drôles qui sont des espèces de dictionnaires d'alpinisme pour les nuls, chroniques alpines, etc. Et il revient souvent sur un phénomène qui est très drôle, qui est qu'en fait, l'alpiniste ne vit pas dans le présent. Parce que dans le présent, pendant que tu es en train de le vivre, en fait... très souvent ce qu'il y a dans ta tête, c'est mais qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi je fais ça ? J'étais tellement bien chez moi, pourquoi je suis allée me mettre dans cette galère ? J'ai froid, j'ai faim, j'ai sommeil, c'est dur, j'ai un peu plus, je suis engoncée dans mes vêtements, je n'arrive pas à attraper mon mousqueton parce que mes doigts sont tous velés, mais qu'est-ce que je fous là ? Il me disait que l'alpiniste, il vit dans le futur, dans la projection, les rêves des sommets et dans le souvenir, dans le fait de se remémorer. ce qu'on a vécu, de retrouver les photos, les vidéos, de se dire j'ai vécu ça, c'est ça qui s'est passé. Et en fait, je me suis rendue compte que ça, c'est vraiment quelque chose qui est très très fort dans ma tête, la projection dans l'avenir et l'idéalisation du souvenir. Et c'est pour ça que, alors que tu as souffert le martyr, et tu arrives en bas et tu n'en peux plus, et tu es au bout du rouleau, et quand tu étais en train de descendre, tu te disais non mais plus jamais je fais ça, tu arrives en bas, tu fais c'était merveilleux, c'est quand qu'on recommence ? à cet espèce de processus majestueux. Je me suis rendue compte que c'était très très fort chez moi et que j'avais besoin. J'avais besoin de rêves, j'avais besoin d'objectifs et j'avais besoin de souvenirs et j'ai vu que les moments que j'ai passés en montagne, les levées de soleil là-haut, etc., ça fait partie aujourd'hui. Tu vois, spontanément, si on me demande c'est quoi les moments les plus forts de ta vie, tout de suite, c'est ces images-là qui me viennent en tête et je pense que c'est pour ça qu'on y retourne.
- Ariane
je pense que ça fait ça même par exemple en trail je trouve qu'il y a plein de moments où on se dit mais pourquoi est-ce que je fais ce truc mais après ce qui est bizarre c'est qu'il y a aussi le moment d'après où on se dit ah c'est génial vraiment on va le faire ça c'est extraordinaire et puis 5 minutes après à nouveau ah non c'est horrible mais c'est vrai qu'en fait c'est particulier comme vision et puis au final on y retourne donc c'est qu'on y trouve du plaisir... et est-ce que ça influence du coup cette manière en fait de voir les choses donc là ça veut dire que t'es quand même beaucoup tourné passé futur alors j'espère quand même que quand tu le vis il y a des moments où c'est sympa aussi mais est-ce que ça influence aussi ton quotidien et ta vision de la vie finalement ?
- Laurène
Alors le moment qui est le plus sympa dans l'alpinisme je l'ai dit en rigolant mais c'est vrai c'est le moment où tu manges au refuge honnêtement c'est merveilleux c'est à dire que c'est un moment où t'es pas en train de souffrir où il fait chaud où tu manges et où tu parles avec les copains etc en fait pourquoi Pourquoi on fait de l'alpinisme pour manger des pâtes dans les refuges à 4 mm ? Je le pense sincèrement. Oui, au quotidien, en fait, déjà, c'est quelque chose qui m'accompagne en permanence, que je porte tout le temps. C'est vraiment les fonds d'écran de mon téléphone. C'est des espèces de rêves qui m'accompagnent tout le temps. Et je n'ai pas de tatouage parce que j'ai peur des aiguilles. Mais si j'avais des tatouages, je me ferais tatouer, tu sais, j'imaginais déjà sur le poignet une ligne avec... tous les sommets sur lesquels je suis allée. Enfin voilà, il y a quelque chose qui rend très heureux et très fier. Mais quand même, par rapport à ce que je disais sur cette projection suture passée, je me suis vraiment rendue compte que je ne vivais pas assez dans le présent. Et ça, c'est quelque chose que j'ai ressenti très fort en me mettant à l'alpinisme, que j'étais toujours dans le avant ou le après. Et c'est aussi pour ça. Alors ça, on dirait que ça n'a rien à voir avec l'alpinisme, mais pour moi, c'est un peu le contrepoint que je fais beaucoup, beaucoup de yoga. C'est quelque chose qui me force à m'ancrer, à justement savourer ça et aussi apprendre avec plus de philosophie les échecs. C'est-à-dire le premier échec au Mont-Blanc, j'ai pleuré, j'étais au bout du rouleau, j'avais envie de mourir. Le deuxième échec au Mont-Blanc, j'ai dit, c'est pas grave, on va aller manger des cookies, tout va bien. Tu vois, j'essaie de progresser en sérénité.
- Ariane
Et ça, c'est quand même super important aussi. Moi, ça paraît bien. Le yoga, au final, c'est un sport qui compte. Enfin, ça peut être déjà un sport en tant que tel, évidemment, mais ça complète aussi bien plein de sports parce que ça gagne pas mal d'amant.
- Laurène
Et notamment l'escapade. par exemple, sur tout ce qui est ouverture de hanches, souplesse, etc. Beaucoup de grimpeurs sont aussi des yogis ou des yoginis. Et il y a même des salles d'escalade qui proposent des cours de yoga pour grimpeurs. Et pour moi, ce n'est pas qu'un gimmick à la mode, ça a vraiment du sens.
- Ariane
Il y en a aussi yoga pour les coureurs, mais c'est pareil, en fait, c'est plein de... Au final, il y a pas mal de sports où on va utiliser certaines parties de notre corps, mais... Un peu toujours de la même manière, c'est que le yoga se permet d'apporter un peu de souplesse dans tout ça, ce qui est quand même pas mal. C'est ça, d'utiliser d'autres muscles aussi. Et on le disait, pour conclure, on disait au départ que c'était quand même encore un sport masculin, même si ça se féminise. Mais est-ce que tu aurais un message à faire passer à des femmes qui auraient envie, comme toi, de se lancer, mais qui n'oseraient pas forcément ?
- Laurène
Moi, je pense que trouver des amis ou des guides femmes, Par exemple, je suis partie dans les écrins avec Laetitia Chomet, je l'ai trouvée super, elle fait partie de cette nouvelle génération de guides de haute montagne. Partir avec d'autres femmes, je trouve que c'est vraiment une super expérience, comment dire, de sororité et d'accomplissement, et je sais, c'est bête ce que je vais dire, mais mes plus belles expériences en montagne, c'était avec d'autres femmes, parce qu'il y avait ce côté, on a réussi, on en est capable. On a réussi sans qu'un homme nous le montre, même si encore une fois j'ai eu des guides masculins exceptionnels, mais le sentiment d'accomplissement n'est pas le même. Et j'aurais tendance à dire aux femmes qui ont envie de se lancer dans l'alpinisme de chercher, hommes et femmes, des personnes bienveillantes pour vous accompagner et vous entourer, et si possible, autant que possible, d'autres femmes, parce que c'est inspirant. qu'à chaque fois que je vois mes copines qui grimpent super bien, qui skient super bien, qui font des trucs de fous en montagne, ça décuple quelque chose dans ton cerveau. Tu te dis, mais oui, c'est possible, c'est génial. Et en plus, souvent, les femmes sont solidaires entre elles et vont t'aider, t'encourager, te montrer des choses sur un ton qui n'est pas condescendant, mais qui est vraiment pédagogique et qui va te permettre de comprendre des choses pour les mettre en place. Et c'est hyper précieux.
- Ariane
Merci beaucoup, c'est un beau message final. J'espère que ça donnera envie à des femmes de se lancer, qui n'osaient pas, et puis là, ça va peut-être amener la petite étincelle qui fait qu'elles vont oser. Merci beaucoup pour ton témoignage, Ariane. C'était vraiment un plaisir de t'écouter. Je n'ai toujours pas très envie de me mettre à l'alpinisme, mais j'adore lire des livres, regarder des films et suivre les aventures des autres. Moi, j'aime bien la retourner en montagne, mais c'est vrai que c'est ce stade, peut-être... que je passerai un jour, on ne sait pas. Écoute, je te comprends, parce que toi,
- Laurène
tu me fascines avec le trail, mais je m'y suis une fois cette année et je suis pas sûre de recommencer l'expérience. Donc, je pense qu'il faut aussi des femmes qui nous inspirent sur des choses qu'on ne fait pas et que sur la sportive outdoor, vous avez aussi vraiment ça. Les sports qu'on fait, nous, et les sports qu'on ne pratique pas, mais où on adore regarder les copines qui y sont.
- Ariane
C'est vrai. Bien, merci beaucoup. Et on va retrouver cette interview sur YouTube. n'hésitez pas à vous abonner en podcast pareil, n'hésitez pas à vous abonner et en article, merci et à bientôt merci beaucoup, bonne journée bonne journée merci d'avoir écouté cet épisode, si cela vous a plu n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide à bientôt