- Speaker #0
La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes, aujourd'hui je reçois Claire Lafforgue, coach et directrice sportive au Vélo Club La Pomme à Marseille. Je suis ravie de la recevoir pour qu'elle nous parle de son parcours, de son quotidien, mais aussi de son regard sur la place des femmes dans le vélo. Bienvenue Claire, est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Speaker #1
Salut, moi c'est Claire Lafforgue, j'ai 26 ans, j'ai pris un poste au Vélo Club La Pomme Marseille depuis novembre et je suis jurassienne.
- Speaker #0
Du Jura pas très très loin de chez moi, un peu l'Est. Est-ce que tu veux bien nous parler de ton parcours sportif et professionnel,
- Speaker #1
on va dire ? J'ai commencé par la gym dans le sport, j'ai fait 10 ans à peu près. Dans les années collège, j'ai un peu commencé à switcher vers le VTT avec les UNSS. Il y avait l'AS et c'est un peu le sport national dans le Jura. Et ensuite, j'ai vraiment accroché. Donc, je suis allée au VT Technulage, qui était un petit club vers chez moi. Et ensuite, là, ça a commencé à devenir sérieux quand j'ai basculé vers le trial. Du coup, j'ai un peu franchi les étapes petit à petit, jusqu'à être en équipe de France quand j'étais au lycée. Et puis après, je suis rentrée à la Saps à Lyon. Je continue un peu. Puis ensuite, j'ai basculé vers le métier de coach plutôt dans la route.
- Speaker #0
Sacré parcours au niveau sportif déjà. Et est-ce que tu as des expériences un peu marquantes ? en tant que sportive à partager avec nous ?
- Speaker #1
Forcément, le fait de porter le maillot de l'équipe de France, c'est quelque chose qui fait toujours un peu vibrer. Et après, j'ai eu les championnats de France à domicile à Lens-le-Saunier, où il y avait tous les copains, la famille. Et ça, en termes de gestion de stress, c'était même pire qu'une Coupe du Monde, mais c'était hyper riche.
- Speaker #0
Ça doit être fou d'avoir ça à domicile et d'avoir tout le monde qui est là pour toi. Mais du coup, ça doit bien mettre la pression. Et est-ce que là, tu as encore le temps de pratiquer le cyclisme, soit VTT, soit route, ou est-ce que tu entraînes les autres et que tu n'as plus trop le temps pour toi ?
- Speaker #1
Forcément, j'ai fait quand même pas mal de routes depuis que je coache pour pouvoir suivre mes athlètes sur les sorties récup, les sorties endurance. J'ai continué le VTT, mais plutôt sous la forme de l'enduro maintenant. Après, c'est vraiment pour le plaisir. J'essaye chaque année d'accrocher un petit dossard. Une fois, j'avais fait vers Gérardmer. un trail, le trail de Munster et j'ai fait des fois une manche du trophée d'enduro des Alpes, donc de temps en temps mais plus pour le plaisir et par contre la course à pied, plutôt orientée trail parce que forcément c'est déjà beaucoup moins chronophage par rapport au vélo et quand même ça reste un sport d'extérieur dans la montagne,
- Speaker #0
ça me va bien C'est vrai que c'est quand même beaucoup plus facile à caler dans une journée que des grandes sorties vélo, je dois dire que je trouve ça bien pratique aussi le trail et c'est vrai que c'est bien sympa Et qu'est-ce qui t'a motivée à devenir coach dans le cyclisme ?
- Speaker #1
Quand je suis allée à Staps, je ne savais pas trop exactement quel serait l'avenir. Je voyais une passerelle potentiellement avec kiné dans tout ce qui était plutôt du domaine de la santé. Donc en deuxième année, j'ai fait activité physique adaptée, qui est plutôt orientée en e-sport. voire rééducation dans des patients qui peuvent avoir des maladies. Et j'ai fait mon stage au Pôle France Handisport à Urte. Et c'était une vraiment chouette expérience. Et quand j'ai rendu mon dossier de stage à la fin de l'année, on m'a dit, je crois que tu te trompes, je crois que c'est plutôt le côté haute performance du Pôle France que vraiment la partie entraînement adapté qui au final débouche plus sur un métier vraiment plus proche de kiné que sur de la performance pure. en termes de débouchés par rapport à ce cursus. Donc, je suis passée en entraînement sportif en troisième année. Là, j'ai fait mon stage avec Lyon Sprint Evolution. Et là, c'était parti dans ce métier-là.
- Speaker #0
Excellent, c'est venu quand même progressivement et au fur et à mesure des stages. Et est-ce qu'après STAPS, est-ce qu'il y a aussi une autre formation qui est nécessaire pour devenir entraîneur ? Ou est-ce que le diplôme STAPS suffit ? C'est déjà hyper bien, évidemment, mais est-ce qu'il faut passer d'autres qualifications ?
- Speaker #1
Ouais, le Master Staps, c'est vraiment pour être entraîneur. Et souvent, dans le vélo, on va être aussi directeur sportif. Et comme le Master n'est pas reconnu par la FEDE, j'ai passé un DEGEPS. En fait, on peut faire un BPGEPS-DEGEPS, mais quand on a le Master, il y a une passerelle directe. Et du coup, j'ai fait un nom de DEGEPS au CREPS de Bourgogne-Franche-Comté.
- Speaker #0
OK. Et pour nous expliquer le métier de directeur sportif par rapport à entraîneur, c'est quoi exactement ?
- Speaker #1
Entraîneur, c'est vraiment la partie... préparation physique de l'athlète sur le vélo, de faire des exercices vraiment purement de vélo sur l'aspect physique, technique. Et après, le métier de directeur sportif, c'est plus la partie tacticien. où on va organiser la stratégie de course en fonction des forces de chacun du profil de la course.
- Speaker #0
Oui, d'accord. Et souvent, c'est quand même exercé par la même personne, tu disais.
- Speaker #1
Dans le monde professionnel, non. Mais par contre, dans les équipes amateurs, souvent, le directeur sportif a des qualités d'entraîneur, oui.
- Speaker #0
Oui, d'accord. Donc, ça a vraiment du sens d'avoir les deux casquettes. C'est ça. On va parler de ton quotidien. Ça, c'est un truc qui m'intrigue. J'avoue que je ne sais pas exactement à quoi ressemble le quotidien d'un entraîneur. Est-ce que tu as une journée un peu type ou est-ce que les journées ne se ressemblent pas du tout ? Comment ça se passe ?
- Speaker #1
J'ai plutôt une semaine un peu type, on va dire. C'est-à-dire que tout ce qui est lundi, c'est vraiment pour gérer les débriefs du week-end, les péripéties qu'il y a eu, donner les consignes pour la semaine à venir. C'est vraiment cette partie-là. Après, là, à Marseille, je suis avec le pôle de formation. Donc, en gros, le mardi, mercredi, jeudi, les après-midi, il y a les entraînements. Donc, je m'occupe d'eux. On fait du vélo, de la muscu. Et du coup, c'est plutôt géré sur cette partie-là, sur ces trois jours centraux. Quand j'étais avec Komuji dans l'équipe professionnelle féminine, il y avait aussi toute une partie prise de contact avec les autres entraîneurs pour échanger. avec le pôle mécanique, etc. Et après, peu importe qu'on soit dans le monde amateur ou pro, il y a forcément une notion un peu de logistique à gérer, qui est aussi gérée dans ces temps-là, que ce soit le déplacement de l'athlète, de l'équipe complète. Et ensuite, le vendredi, c'est à nouveau le débrief, on va dire un peu de la semaine, le brief du week-end, etc. Ou la préparation à partir en course. Et ensuite, le week-end, soit c'est du repos, soit c'est des entraînements, soit c'est des courses.
- Speaker #0
Ça fait des semaines bien chargées en tout cas. C'est vrai que l'aspect logistique, on n'y pense pas forcément, mais en fait, c'est gigantesque. À chaque fois, j'imagine de déplacer tout ce petit monde-là avec tous ses vélos, un peu aux quatre coins de la France, voire du monde. C'est ça. Et à ton avis, quelles sont vraiment les principales qualités pour être un bon entraîneur ?
- Speaker #1
Pour moi, il y a une partie hyper centrale au fait que c'est une relation entraîneur-entraîné. Et donc, qui dit relation dit contact. Donc, il faut vraiment être à l'écoute, passer du temps, même quand on est à distance, faire l'effort de se déplacer, passer du temps au téléphone ou en visio pour vraiment nouer cette relation, surtout dans un premier temps. Et ensuite, c'est vraiment ça, c'est faire une bonne base pour moi. Après, derrière, il y a tout le domaine de compétences. Et là, ça va plutôt passer par le fait de vouloir se former continuellement. Là, par exemple, je suis une formation sur la variabilité de fréquence cardiaque avec l'INSEP. C'est un truc un peu précis dans un coin, mais de toujours s'alimenter, d'échanger avec des autres entraîneurs pour avoir plusieurs points de vue. Il n'y a jamais une façon d'entraîner. En plus, il y en a plein. Donc, c'est dans ces échanges et dans cette formation qu'on trouve de la richesse aussi à ce métier.
- Speaker #0
Ça doit être super intéressant d'avoir cette partie-là et du coup, d'évoluer, peut-être de tester des choses. Et d'apprendre, ça veut dire que tu t'apprends toute ta vie, c'est chouette. C'est ça. Et est-ce que tu as un peu les plus grosses difficultés ou les plus gros défis que tu rencontres au quotidien, qu'est-ce que c'est ?
- Speaker #1
Sur le rôle de vraiment entraîneur, c'est que selon le niveau de l'athlète, on va quand même l'accompagner dans une grande partie de sa vie. Il faut vraiment savoir se remettre en question. Ce qui n'est pas toujours évident, de réussir à comprendre les choses, à décortiquer. Ça, ça peut... Surtout quand on a justement noué des vraies relations, c'est vraiment... On est à la limite du psychologue, quoi. Et ça, c'est quelque chose sur lequel on n'est pas tant formé, en fait. Et qu'il faut aussi savoir gérer. Et ça se traduit aussi, notamment, par les horaires, qui sont des choses où ça prend... C'est quand même un métier... Oui, c'est un métier passion, mais qui prend énormément de temps. temps et de ressources de nous. Donc ça, c'est un peu quelque chose qu'il faut vraiment manager correctement. Ça vient avec l'expérience, mais au début, ça a été une des premières difficultés. Et après, forcément, quand on est jeune, c'est un milieu assez fermé. Il faut quand même réussir à se faire sa place, à trouver des postes. Il y a beaucoup de turnover dans les équipes. Il y a toute cette partie-là, un peu réseau, qui est hyper importante. et qu'il faut vraiment entretenir. Là, par exemple, je le vois, je débarque à Marseille, nouvelle région, nouveau comité, nouveau président de région, nouveau comité. Enfin, voilà, il y a tout un réseau à refaire et qui est hyper important. Oui,
- Speaker #0
j'imagine. Et comment tu as fait, d'ailleurs, au départ, tu vois, quand tu étais fraîchement diplômée, comment tu as fait pour trouver tes premiers postes ? Est-ce que ça a été difficile ? Est-ce que finalement, tu t'en es sortie parce que peut-être tu t'étais déjà créée un peu un réseau lors de tes stages ?
- Speaker #1
Euh... Un peu au culot, j'ai eu mon stage à Lyon Sprint, puisque j'ai candidaté comme ça, sur le pouce, pour un stage en troisième année de fac. Et en fait, finalement, c'est une histoire qui s'est bien déroulée et qui a continué. Ils m'ont suivie sur mon master. Donc du coup, j'étais avec eux. J'étais déjà embauchée à ce moment-là et je faisais mon master à côté à Lyon. Plus, moi, il y avait un match entre les deux endroits. La fac était à 500 mètres du vélodrome, donc c'était assez incroyable. Et j'ai fait mon DE avec eux aussi, également. Et ensuite, j'ai pris une année un peu plus cool. Et là, c'est parce que justement, il y avait une équipe nationale chez Lyon Sprint. Il y avait des athlètes que j'ai fait monter chez les professionnels. Et donc, j'ai créé des contacts avec l'équipe professionnelle comme j'ai qu'en test, qui par la suite m'a embauchée. Donc après, une fois qu'on y est, c'est assez simple d'y rester. Mais il faut réussir à rentrer. Après, c'est à partir du moment où on a quand même... Un bon dossier scolaire, un passif de haut niveau, ça aide aussi forcément. Oui,
- Speaker #0
forcément. Et juste pour expliquer, cette équipe pro a disparu, c'est bien ça ?
- Speaker #1
Oui. Là, ils sont en liquidation judiciaire. Et donc, l'équipe ne repartira pas en 2025.
- Speaker #0
OK. Et est-ce que tu peux nous parler davantage de ta philosophie d'entraînement ? Quelles sont les grandes lignes de ta philosophie pour entraîner des athlètes ?
- Speaker #1
Là-dedans, il y a un peu deux choses. Parce que sur la partie plutôt management, je dirais que je suis plutôt quelqu'un d'assez participatif. J'aime quand mes athlètes comprennent pourquoi ils font les choses. Quand ils aiment faire les choses aussi, donc d'être vraiment à l'écoute là-dessus, ils vont avoir le cœur à l'ouvrage et ils vont comprendre pourquoi. Et quand on a un peu tous ces filons, c'est comme ça que l'athlète croit en son projet qui se construit lui-même au final. Et ça, c'est comme ça que ça marche le mieux, peu importe en fait ce qu'on va faire. Et du coup, c'est quelque chose d'assez participatif. On va dire vraiment dans l'échange à hauteur, il n'y a pas d'histoire de hiérarchie, même avec les jeunes, même si des fois, il faudrait un peu plus directif. Mais voilà, ça reste quelque chose d'un échange entre deux personnes. Moi, je suis là pour l'accompagner à réussir. Et après, sur la partie entraînement... J'ai plutôt une vision du cycliste de haut niveau comme déjà la base où il est un humain. Il doit savoir faire les mouvements physiques que font un humain normal, avoir une santé mentale d'un humain normal, être juste déjà bien. Et ensuite, on en fait un athlète, un athlète qui est capable de courir, de lancer un poids, de faire du vélo, de faire du cloche-pied, de nager. Et ensuite, on en fait un cycliste de haut niveau. Et j'ai vraiment cette démarche-là qui se traduit hyper concrètement vis-à-vis des blessures, où quand on est blessé, on a déjà essayé de retrouver la mobilité classique de base. Ensuite, on va essayer de refaire du sport de manière générale. Et ensuite, on va redevenir un athlète de haut niveau.
- Speaker #0
C'est intéressant, tu pars vraiment d'une base et tu rajoutes des couches, tu rajoutes des compétences.
- Speaker #1
C'est ça, mais après, on voit des cyclistes qui ont fait du cyclisme toute leur vie et qui s'arrêtent. pas faire un cloche-pied. Il y a forcément un moment où ce sera problématique pour le corps humain.
- Speaker #0
Ça va déclencher des blessures, parce que ça génère d'autres problèmes, c'est ça ?
- Speaker #1
Notamment, oui.
- Speaker #0
Ça veut dire aussi que tu places l'équilibre de la personne vraiment en priorité, avant de venir ajouter tes couches plus cyclistes au niveau. C'est bien ça, si j'ai bien compris.
- Speaker #1
Oui, c'est vraiment ça. Le fait de, comme sur la récupération, déjà bien dormir, bien manger. Après, on verra si tu fais de la cryothérapie, si tu fais des massages, si tu fais toutes ces autres choses qui découlent. Mais si la base n'est pas solide, on ne peut pas construire des choses au risque de se blesser. Si l'athlète, mentalement, n'est pas prêt à s'engager dans des séances costaudes, ça ne sert à rien d'y aller et de l'envoyer au casse-pipe.
- Speaker #0
Ça paraît très logique dit comme ça. Je pense que ce n'est pas si simple à appliquer, mais effectivement, tu prends vraiment la base. Et ensuite, tu viens rajouter autre chose et de la complexité. Mais c'est vrai qu'on revient toujours finalement aux fondamentaux nutrition, sommeil et sentir bien mentalement. Alors moi, j'y fais du vélo, mais j'y connais absolument rien en entraînement vélo, parce que juste je fais du vélo. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu les grands types de séances que tu prévois dans des entraînements ? Que ce soit cyclisme ou d'ailleurs autre sport type renforcement musculaire.
- Speaker #1
Et du coup, c'est un peu dans la même logique, le fonctionnement de l'entraînement à l'échelle d'une année en vélo. C'est-à-dire que déjà, il y a la partie, à partir, on va dire que peu importe qu'on fasse des cyclos sportifs, qu'on fasse du haut niveau, qu'on fasse... La saison, elle est plutôt l'été. En tout cas, ça commence à courir. Chez les pros, c'est un peu différent, mais à partir de mars même, il commence à y avoir des cyclos sportifs jusqu'à fin septembre, il y a un peu des courses, des compètes. En trail, c'est un peu pareil, un peu le schéma identique. En triathlon, dans beaucoup de disciplines, on retrouve ça. Et donc, on a la partie hivernale où souvent, déjà, il y a une partie où on va venir récupérer de ce qui s'est passé l'année d'avant, ce qu'on appelle souvent la coupure. Et après, il y a toute une partie plutôt de prépa physique générale. Donc voilà, construire le sportif qui soit capable d'encaisser des volumes, d'encaisser des intensités sans se laisser. Donc nous, dans le vélo, ça passe par quand même pas mal de volumes à vélo à basse intensité, beaucoup de renfaux musculaires, de muscu même, maintenant ça devient de plus en plus OK. C'était une discipline, on va dire, qui avait un peu du mal, qui était un peu fâchée avec la musculation jusque-là, et là, ça y est, ça commence à être vraiment bien intégré. de la course à pied, ça peut être de la natation, ça peut être des sports un peu qui vont venir travailler déjà d'autres groupes musculaires que les jambes, qui sont quand même le groupe musculaire principal en vélo, et faire attaquer la base de volume à vélo. Et ça, c'est une période qui va être plus ou moins longue quand commence la saison. Ça va surtout s'articuler autour de ça. Et du coup, une fois qu'on a fait cette première base de préparation physique générale, On va attaquer du plus spécifique. Et là, ça va être plutôt des intensités spécifiques soit au profil de l'athlète, soit aux courses qu'il va vouloir viser. On va essayer quand même d'un petit peu tout balayer. Mais en ciblant selon chacun. Si je fais une cyclo sportive, ça ne va pas être les mêmes intensités que si je cours en fédéral junior ou si je fais de la piste ou si je fais de l'ultra, des choses comme ça.
- Speaker #0
Tu fais d'abord vraiment une base et puis ensuite, tu intègres les spécificités du... programme de chacun. Et comment sont définis le planning de l'année finalement ? Est-ce que ça, c'est quelque chose où il y a beaucoup d'échanges avec l'athlète ? Tu lui proposes quelque chose et il te donne un peu son avis. Comment est-ce que vous en parlez ?
- Speaker #1
Il y a une double casquette, c'est-à-dire qu'il y a la partie équipe. Donc, en fait, le directeur sportif de la structure, le manager, le sponsor, peu importe. Enfin, voilà, c'est un peu le... le même schéma dans plusieurs disciplines. Et là, il va y avoir un calendrier qui est plus ou moins imposé, mais qui, par contre, en principe, est plus ou moins quand même souple. On va pouvoir faire des choix à l'intérieur de ce calendrier, qui est quand même la base générale. On ne va pas non plus pouvoir faire, par exemple, des courses qui ne seraient pas au programme de l'équipe. C'est très compliqué. Et ensuite, il y a un travail avec l'entraîneur par rapport aux qualités, par rapport à là où la personne veut être en forme, veut réussir. C'est une discussion. Ça, en principe, c'est les athlètes, eux, ils ont des choses qu'ils voient. Après, il faut voir, est-ce que c'est possible ? Est-ce qu'en termes de timing, deux objectifs qui seraient trop proches, ça peut être compliqué, de hiérarchiser un peu, en fait, les compétitions dans ce calendrier qui nous est proposé. Et après, à partir de là, le reste s'organise, puisqu'une fois qu'on a déjà placé les dates de compétition en vélo, on court beaucoup. Une fois qu'on a placé les dates de compétition, les périodes de récup... un peu d'affûtage, etc., il reste après quelques semaines où on peut faire des rappels de certaines qualités physiques. Alors, de plus en plus, on se bat pour qu'il y ait moins de compétition, mais ça ne va pas toujours dans cette direction.
- Speaker #0
Ça donne quoi, à peu près, au niveau rythme de compétition ? C'est tous les combien ?
- Speaker #1
Il y a encore 10 ans, de mars à septembre, ça courait tous les week-ends.
- Speaker #0
Ah oui, c'est énorme.
- Speaker #1
Oui. Là, maintenant, un peu moins. Je pense qu'il y a des... Les athlètes essayent quand même d'avoir un week-end de récup au minimum tous les deux mois. Et tous les mois, je pense que ce n'est pas de trop. Après, ça dépend aussi si on est sur des jeunes qui courent juste le week-end, samedi ou dimanche, ou samedi et dimanche, ou si on est sur des athlètes professionnels qui vont aller faire une course par étape de trois, quatre, cinq jours, une semaine, deux semaines, sept semaines.
- Speaker #0
Dans tous les cas, ça reste quand même dense. Je ne me rendais pas compte que c'était aussi dense. Est-ce que cet aspect, parce que du coup, c'est ce que tu expliquais, c'est que tu dois gérer, il y a la partie équipe, la partie individu au sein de l'équipe. Est-ce que ça, c'est difficile à gérer, le fait d'avoir des individus au sein d'une équipe avec un objectif commun, mais aussi les personnalités de chacun, les envies de chacun et peut-être des profils différents ?
- Speaker #1
Il y a vraiment, effectivement, les objectifs de l'équipe et les objectifs de l'athlète individuellement. et qui, mélangés avec une équipe de six coureurs, peuvent avoir des objectifs qui sont contradictoires ou trop similaires de tous les deux vouloir gagner la course. Il n'y a qu'une place de premier. Il va falloir gérer ça correctement. En plus, le vélo, c'est quand même un sport de cohésion. sport collectif au final, même s'il n'y en a qu'un qui finit devant. Ça reste une équipe. Et ça, après, c'est tout un travail de cohésion grâce aux stages justement de préparation. Il y a tout un travail qui est fait à ce moment-là. Selon les profils de l'équipe, ça change chaque année en fait. C'est un peu... On peut retrouver de tout. Je pense que rien n'est... Moi, je n'ai pas encore entendu. en tout cas eu de situations ingérables. Je pense qu'il faut juste réussir à nous savoir s'adapter pour que ça puisse matcher avec les personnalités du groupe. Et après, ça, ça se joue aussi dans le recrutement par rapport au profil qu'on va venir recruter. Des fois, on va essayer de ne pas faire de mauvais assortiment.
- Speaker #0
C'est là que c'est aussi hyper intéressant. Je trouve que c'est qu'au-delà de l'aspect juste sportif, être bon dans son sport. Il y a quand même toute une logique aussi de personnalité où c'est pas que la personnalité de quelqu'un n'est pas bien, c'est juste que ça n'ira pas avec l'autre personne et il faut arriver à faire avancer tout ce petit monde-là. J'imagine que c'est quand même pas simple.
- Speaker #1
Après, c'est comme une équipe dans un travail quelconque dans un bureau où on ne va peut-être pas être amis, mais il va falloir quand même réussir à travailler ensemble. Et ça, c'est des qualités qui, même chez les jeunes, peuvent être acquéries.
- Speaker #0
Tu parlais des jeunes, justement. Est-ce que tu as une approche ? spécifiques pour accompagner des juniors dans leur formation ?
- Speaker #1
C'est vraiment différent en termes de coaching parce que déjà, ils sont à l'école. Ils sont plus professionnels. Ils ont l'école et qui plus est, la catégorie des juniors, ils ont le bac, qui est quand même une année hyper charnière, aussi bien en termes de vélo qu'en termes d'école, puisque junior, après, c'est ce qui va découler sur les années où on va rentrer chez les élites, en DN ou chez les pros. Voilà. Et c'est un peu... C'est quelque chose qu'il faut vraiment prendre en compte, ce qui est essentiel, que ce soit dans le calendrier par rapport aux dates, que ce soit dans la gestion des deux, parce que du coup, il y a un autre élément encore, qui sont les parents. Et si on veut que le jeune puisse continuer à faire son projet, à tenir la route, il faut que ça roule aussi bien sur l'école que sur l'aspect sportif. Il faut que ça roule sur les deux. Et l'aspect de l'école... doit quand même rester prioritaire, même sur des athlètes de très haut niveau, c'est quand même délicat. On n'est jamais à l'abri d'une blessure, d'un retour en arrière, et au moins le bac, ça reste quand même une base qui est relativement essentielle.
- Speaker #0
Oui, bien sûr. Et c'est aussi à toi, même si les parents ont ce rôle, mais aussi de leur faire comprendre ça, j'imagine, pour qu'ils entendent ce message de plusieurs personnes différentes.
- Speaker #1
C'est ça. Et le coach, il a vraiment un rôle. Pour le jeune, il est une forme d'autorité, mais il n'est pas un parent. Et du coup, ça fait des relations où on parle de nutrition avec les jeunes beaucoup au pôle. Il y a des fois, il y a des choses que les parents rabâchent depuis des années. Et parce que nous, on l'a dit, c'est le vélo, ça va être accepté beaucoup plus facilement.
- Speaker #0
Oui, c'est bien. Ça fait la personne extérieure qu'on arrive à écouter.
- Speaker #1
C'est un peu le consultant.
- Speaker #0
Au niveau nutrition, d'ailleurs, est-ce que du coup, je y pense maintenant, quand tu le mentionnes, il y a des choses spéciales, des formations qui leur sont apportées sur ces sujets-là ?
- Speaker #1
Les jeunes qui sont au pôle à Marseille, complètement. C'est vraiment l'idée de les former en tant que cyclistes dans la culture du vélo, dans sa pratique, dans les bons fonctionnements. Et forcément, c'est des sujets qu'on aborde. Mais dans tous les cas, au sein des équipes, c'est ce qu'on parlait tout à l'heure. en termes de récupération, on fait la base, c'est le sommeil et l'alimentation. Donc, on est obligé à un moment de parler de sommeil, de parler d'alimentation. Et l'alimentation, c'est un des ceux sur lesquels on peut jouer le plus facilement possible. Alors, dans le monde professionnel, il y a carrément des nutritionnistes, mais déjà, à l'échelle des juniors, c'est important de les sensibiliser, de leur montrer que c'est important en leur en parlant et de leur faire acquérir les bases dans leur alimentation. Surtout eux qui se développent et qui ont vraiment besoin de beaucoup d'énergie pour pratiquer le sport et grandir. Et puis de dompter aussi avec le fait que quand on est encore jeune, qu'on a 16, 17, 18 ans, on va facilement manger ce que nos parents nous donnent. Et c'est bien aussi à un moment de savoir si besoin, le remettre en question avec des connaissances.
- Speaker #0
L'idée, c'est vraiment de leur faire acquérir des bases et des réflexes qui font qu'ensuite, ils vont pouvoir vraiment décider eux-mêmes de comment ils gèrent, mais que ce soit plus juste leurs parents qui leur donnent des instructions.
- Speaker #1
C'est ça, c'est vraiment l'étendre vers l'autonomie. Moi, c'est l'objectif qu'en sortie de junior... qu'ils soient autonomes le plus possible dans leur pratique du vélo.
- Speaker #0
Intéressant. On va parler maintenant de la place des femmes dans le milieu du cyclisme. On s'est souvent perçus comme un milieu assez masculin. Est-ce que c'est quelque chose que tu ressens en tant qu'entraîneur ou que tu as ressenti par le passé ?
- Speaker #1
Oui, forcément, dans le sens où je crois que là, il n'y a pas d'autres équipes junior où il y a une femme en tant que directeur sportif en France. En tout cas... Pas à ma connaissance. C'est toujours quelque chose qui... Ça a été un sujet à mon arrivée à Marseille. Et je pense que peu importe où je serai, ça le sera toujours. En plus, je suis jeune, donc une femme jeune.
- Speaker #0
C'est ça, double peine.
- Speaker #1
Mais après, avec les jeunes, en tout cas, il y a vraiment... Je n'ai jamais eu de problème. Comme tout entraîneur nouveau, il faut créer cette relation entraîneur-entraîné de confiance. Mais ça, je pense que je sois un homme ou une femme, ça ne change pas. et parfois un peu plus je dirais chez les personnes avec plus d'âge un peu les anciens dans les clubs c'est plutôt à ce niveau là des fois il y a des réticences mais après quand on leur montre qu'on sait bien faire notre travail en principe ça
- Speaker #0
finit par se décanter quand même c'est quand même chouette de se dire que ils ont osé de faire confiance et qu'ils s'en sont pas tenus à des préjugés qu'ils auraient pu avoir justement sur femmes et jeunes ça faisait beaucoup... Là, ils t'ont fait confiance et là, tu sers un peu de pionnière, donc c'est trop bien.
- Speaker #1
Ouais, c'est chouette. Après, ça a été quand même souvent le cas. Donc, oui, ça devrait être un bon sujet, presque.
- Speaker #0
Ça devrait, ouais. Effectivement, je rêve un moment de ne pas avoir à poser ce genre de questions parce qu'en fait, ce serait trop bien que les gens disent Ben non, il n'y a aucun souci Mais c'est vrai que souvent, ce n'est quand même pas trop le cas. Et est-ce que tu as vu des évolutions quand même dans... Déjà, tu es directrice sportive, donc déjà forcément il y a une évolution. Mais est-ce qu'en général, tu as observé des évolutions concernant la place des femmes dans le cyclisme, aussi bien en tant qu'athlète qu'en tant qu'équipe en fait ?
- Speaker #1
Dans le vélo, le cyclisme féminin à l'UCI est en train de vraiment beaucoup se développer et les équipes se rendent compte de l'importance quand même d'avoir un staff féminin dans une équipe féminine. Donc forcément, ça a ouvert beaucoup de portes à cet endroit-là par ça, par le fait qu'il y ait plus de considération des athlètes cyclistes féminines via la loi qui est passée sur les salaires, etc. Et donc, les équipes cyclistes ont pris plus de place. Et donc, ça a été important de mettre du staff féminin dans les équipes cyclistes. Par exemple, j'ai eu une bourse pour passer mon DE, une bourse d'aide, parce que j'étais une femme. donc ça a ses avantages ça a ses avantages mais voilà donc oui ça se développe je trouve assez vite et c'est bien et après il faut que ça se développe aussi maintenant dans le monde masculin parce que se développer moi on m'a souvent catégorisé t'es une nana tu vas coacher des nanas oui je vais coacher des nanas mais pas que je peux aussi coacher des hommes
- Speaker #0
C'est vrai que c'est... Enfin, ça, je trouve ça génial, parce qu'on se pose pas la question dans l'autre sens, quoi.
- Speaker #1
Non, mais c'est ça, on se serait jamais posé la question dans l'autre sens, quoi. Donc...
- Speaker #0
Ça va, mais il y a encore un peu de boulot.
- Speaker #1
Il y a encore un peu de boulot, mais ça commence à se démocratiser. Après, il y a des métiers dans le vélo où, sur de la communication, sur les kinés, sur des choses comme ça, où je pense que les ratios, si on peut le dire, sont beaucoup plus à l'équilibre. Ouais.
- Speaker #0
Ouais, mais en fait, du coup, là, ça laisse encore un peu les femmes danser les rôles un peu genre soins et communications qui sont un peu classiquement féminins. Mais c'est vrai que c'est très bien qu'elles fassent ça. Mais c'est vrai que c'est chouette de voir aussi d'autres métiers dits masculins, tu vois, de base, où ça bouge aussi, on fait confiance aux femmes.
- Speaker #1
J'ai déjà vu des équipes où il y avait des mécanos femmes à Komuji. On avait une des vacataires qui venait et qui était une mécano nana aux terrasses du lac. J'ai bossé, la mécano est une femme.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. Ça fait trop plaisir quand même. Et là, dans les athlètes que tu entraînes, c'est homme et femme ?
- Speaker #1
À Marseille, je ne me coupe que des lignes en homme. Après, j'ai gardé ma société de coaching à côté pour conserver Victoire Jonchret, qui est chez les pros en féminine, et quelques athlètes, sa sœur, qui est la famille. Sa sœur qui est à Chambéry, a l'ADN féminine, qui est en équipe de franges de New York aussi. Ça m'a permis de garder quelques athlètes féminines, mais parce que c'est un peu le hasard que j'étais à Komuji avant, qui a fait que...
- Speaker #0
Oui, bien sûr. Pour toi, est-ce qu'il y a une différence à entraîner des hommes et des femmes ?
- Speaker #1
C'est vraiment un caractère. Sur l'aspect mental, c'est vraiment un caractère qu'on entraîne. On va avoir des caractères similaires. J'ai déjà eu des victoires qui ressemblent vraiment à Virvil, un athlète que j'avais avant. Et en termes de fonctionnement, c'est similaire. Et des fois... il va y avoir des similitudes et des fois des différences. Donc je ne vois pas vraiment de notion là-dessus. Sur l'aspect physique, forcément en termes de données, il y a des différences physiologiques, ça c'est évident. Il y a le cycle menstruel à prendre vraiment en compte chez les filles qui est essentiel et je pense que c'est aussi pour ça que souvent on a apprécié d'avoir une femme en tant qu'entraîneur pour les femmes parce qu'elle est peut-être plus sensible à ces sujets-là. Et c'est aussi pour des filles qui sont jeunes plus simple d'en parler. avec Claire, 26 ans, qu'avec
- Speaker #0
Yves, cette vente Paul, 50 ans.
- Speaker #1
C'est ça ? Est-ce que je peux comprendre ?
- Speaker #0
Complètement,
- Speaker #1
oui. Après, sur les qualités techniques, je pense qu'on est à l'égalité parfaite également avec des différences. Des fois, c'est une qualité, des fois, c'est un défaut chez l'athlète, mais pas spécialement chez la femme ou non. Et voilà.
- Speaker #0
Oui, tu coaches des individus, quoi. Et avec leur personnalité.
- Speaker #1
Exact.
- Speaker #0
Et quels sont tes rêves pour l'avenir ? Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?
- Speaker #1
Là, avec Marseille, on est en train de faire un peu évoluer le pôle de formation et de recréer une énorme structure junior. Eux, ils étaient une équipe très bien classée en 2022 et les choses ont fait qu'à l'heure actuelle, ce n'est plus le cas et ce serait bien de réussir à retrouver ce niveau sportif. Et justement, c'est là que... que le poste que j'ai récupéré est hyper intéressant puisque c'est l'idée de justement cette année construire le projet 2026. Donc là, on est en train de construire ça et j'ai hâte de voir en 2026 ce que ça va donner et on va dire à plus long terme, en 2027, 2028, le temps que la mayonnaise prenne, on va dire. Et ça, c'est un projet qui sera vraiment fait à ma sauce. On m'a donné un budget et on m'a un peu laissé carte blanche dans le remaniement de ce que j'avais envie de faire et j'ai trouvé ça. incroyable et j'ai hâte de voir ce que ça va donner et j'espère qu'on pourra vraiment valider nos objectifs là-dessus.
- Speaker #0
C'est hyper excitant comme projet.
- Speaker #1
Ouais,
- Speaker #0
vraiment. Du coup, ça donne envie, on va suivre ça. Et pour terminer, j'ai toujours une petite question traditionnelle, mais est-ce que tu aurais des conseils à donner à une femme qui voudrait devenir entraîneur de cyclisme, qui oserait peut-être justement pas trop se lancer parce que milieu masculin, elle ne sait pas trop si elle réussira à avoir sa place.
- Speaker #1
que justement il faut oser et il ne faut pas ne pas oser et que dans tous les cas pour être un bon entraîneur il faut réussir à savoir ses qualités et ses défauts et réussir à s'en servir ou pour les défauts aller consolider pour que ça n'en soit plus ou en tout cas qu'il soit géré correctement que ce soit, moi je sais que j'ai eu beaucoup de stress au début de tout ce monde qui cogitait autour de moi et et de toute cette responsabilité qu'on a d'avoir un athlète entre ses mains et de réussir déjà à prendre du recul sur les choses et à se connaître déjà très bien soi-même avant d'essayer d'aller connaître quelqu'un d'autre ça je pense que c'est un point très important pour
- Speaker #0
être un bon entraîneur tout court en fait super conseil effectivement ça a l'air très logique et bah merci beaucoup vraiment pour ton temps, pour cette interview c'était super intéressant de découvrir ton métier et ton métier en tant que femme du coup Donc, merci. Et puis, on va te suivre sur les aventures du Vélo Club La Pomme. Et à bientôt pour de nouvelles interviews sur la Sportive Outdoor.
- Speaker #1
Merci beaucoup à toi.
- Speaker #0
Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes. Cela nous aide. À bientôt.