- Speaker #0
La Sportive Outdoor, le podcast. Bonjour à toutes et bienvenue sur La Sportive Outdoor. Aujourd'hui, je reçois Sandra Holtz. Sandra est psychologue du sport et écrit d'ailleurs les articles Psychologie et Prépa Mentale sur La Sportive Outdoor. Alors forcément, on aurait plein de sujets à aborder avec elle, mais on a choisi aujourd'hui de parler du plaisir dans le sport et je pense qu'on va apprendre plein de choses. Bienvenue Sandra.
- Speaker #1
Bonjour Laurène. Merci pour l'invitation, je suis ravie de pouvoir m'exprimer sur un sujet qui me tient à cœur.
- Speaker #0
Et bien déjà, est-ce que tu peux te présenter pour celles qui ne te connaîtraient pas ?
- Speaker #1
Alors, je vais dire que je suis essentiellement psychologue du sport. J'exerce depuis une vingtaine d'années maintenant au Creps de Strasbourg et depuis une petite dizaine d'années au centre médico-sportif de la Meno à Strasbourg aussi. Et dans les deux endroits... J'exerce finalement avec les deux casquettes en termes d'activité, à la fois celle de pratique d'accompagnement psychologique et puis de préparatrice mentale, essentiellement. Et puis en parallèle, il m'arrive aussi d'intervenir ponctuellement dans certains clubs par rapport à des demandes spécifiques. Je pense notamment récemment à des entraîneurs qui m'ont demandé de venir leur donner un petit coup de pouce. justement par rapport aux questions de motivation et de qu'est-ce qu'ils peuvent faire pour favoriser la pratique à long terme des participants.
- Speaker #0
Ok, intéressant. Et au niveau pratique sportive, pour qu'on apprenne à te connaître mieux, toi quel sport tu pratiques ?
- Speaker #1
Alors, j'ai pratiqué beaucoup de sports différents en compétition. Je vais en citer quelques-uns. Il y a eu... notamment la gymnastique artistique, l'équitation avec le saut d'obstacle, l'athlétisme, la course à pied sur route du 5 km au marathon et puis un petit peu de triathlon. Après, j'ai fait pas mal de sports hors compétition aussi, notamment le taekwondo, l'escalade, les danses de couple et la randonnée. Et là, depuis deux ans, en fait, je dis que je suis hors service dans mes disciplines favorites parce que j'ai une algodystrophie au niveau du genou. Et du coup, je découvre finalement l'univers du sport en salle. Ça me permet de bouger sans douleur. Et puis, c'est aussi finalement l'ouverture sur un univers que je connaissais très peu auparavant.
- Speaker #0
En deux mots, alors évidemment, on va approfondir. Mais pourquoi est-ce que le plaisir est vraiment un élément essentiel dans la pratique sportive ?
- Speaker #1
Alors, à cette question, moi, j'ai envie de te répondre que le plaisir, c'est un élément essentiel dans la pratique sportive, mais comme dans tous les domaines de la vie. Finalement, c'est ce qui donne envie de faire quelque chose, c'est ce qui donne du sens à nos actions, c'est ce qui va faire moteur. Et puis parfois, permettre d'accepter et aussi de surmonter les difficultés quand il y en a. Je crois qu'en quelques mots, le plaisir, c'est ce qui fait que les choses valent la peine d'être vécues dans le sport comme ailleurs.
- Speaker #0
C'est effectivement une bonne manière de voir les choses de base dès le début. Je me posais des questions sur les facteurs qui influencent ce plaisir. Est-ce que déjà le plaisir dans le sport c'est forcément lié au fait d'être performant dans un sport ? Ou est-ce que ça peut être décorrélé complètement des résultats ?
- Speaker #1
Alors je crois qu'effectivement ça peut être décorrélé complètement des résultats. Par exemple, on peut adorer nager pour les sensations que l'eau nous procure. Et on peut adorer nager sans jamais se poser la question de notre performance dans cette discipline. On peut ne jamais savoir quelle serait notre vitesse maximale sur 100 mètres par exemple. Voilà, ça c'est pour donner un exemple concret. Et après, dans mon métier, je pose justement très souvent la question des raisons qui ont amené une personne à débuter dans le sport et puis à continuer. Parce que justement, au début, souvent, la question de la performance, elle n'est pas encore là ou alors elle est moins là. Et notamment quand on débute pendant l'enfance ou pendant l'adolescence. Et du coup, quand on arrive à identifier ces raisons de démarrage de la pratique, ça permet vraiment de retrouver ce qu'on appelle les motivations initiales. Et du coup, ça permet d'identifier éventuellement les sources de plaisir qui ont trait à ce qu'on appelle la motivation intrinsèque, c'est-à-dire la motivation à pratiquer l'activité pour elle-même et pas dans le but d'obtenir quelque chose. Que ce quelque chose soit une augmentation de la confiance en soi, la satisfaction de faire plaisir à ses parents ou à son entraîneur, ou une médaille, etc. Ça, c'est plutôt des choses qui vont avoir trait finalement à ce qu'on appelle la motivation extrinsèque. Voilà, ça vient comme quelque chose que j'obtiens par le biais de la pratique de l'activité. Mais ce n'est pas l'activité en elle-même qui procure directement le plaisir, en fait.
- Speaker #0
Oui, d'accord. Et quels vont être les principaux facteurs qui vont soit favoriser, soit au contraire inhiber ce plaisir qu'on peut avoir dans une pratique sportive ?
- Speaker #1
Alors une fois que la pratique est enclenchée, je dirais, alors idéalement ça va être une pratique qu'on enclenche parce que vraiment on trouve du plaisir dans l'activité, que ce soit le plaisir des sensations que l'activité procure elle-même, que ce soit le fait de s'amuser. le fait d'apprendre sans cesse de nouvelles choses, c'est vraiment inhérent à l'activité, idéalement c'est ça. Et ce qui ensuite va permettre le maintien dans l'activité, là les recherches ont identifié trois grands types de facteurs. Le premier c'est la manière dont on va déterminer nos objectifs. Le deuxième c'est la manière dont on va analyser nos résultats, que ce soit à l'entraînement ou en compétition. Et le troisième facteur important, c'est ce qu'on appelle le climat motivationnel dans lequel on évolue. Et celui-là, il est essentiellement déterminé par l'entraîneur. Donc ça concerne surtout des pratiques sportives qui sont encadrées en fait. Et après, si je peux donner un petit exemple dans chacun de ces facteurs finalement, on se rend compte que les objectifs les plus motivants, forcément ça va être ceux qu'on choisit nous-mêmes plutôt que ceux qui éventuellement vont nous être imposés. Et du coup, moi, je pose souvent la question aux sportifs que j'accompagne, en particulier aux jeunes, avant une compétition, parce que généralement, ils viennent me voir par rapport aux questions de confiance ou gestion du stress avant. Et je leur demande souvent, mais toi, pour cette compétition, de quoi tu as envie ? Et c'est rare qu'ils se soient posé cette question, en fait, par rapport à la compétition. Et ça leur permet vraiment de se réapproprier les choses, souvent. Et après, je leur dis... C'est une question qui peut se poser avant chaque compétition. Les choses ne sont pas déterminées à l'avance ou par quelqu'un d'autre, ou figées dans le temps. Je crois que c'est important de le revoir régulièrement. Alors là, je donne l'exemple par rapport à la compétition, mais je crois que dans notre propre pratique, on peut peut-être régulièrement se reposer la question « là maintenant, de quoi est-ce que j'ai envie pour les semaines ou pour les mois à venir ? » Voilà, ça c'est la partie un petit peu objective. Après, ce qui va être essentiel aussi, c'est la manière dont on va, je dirais, un petit peu analyser nos résultats, qu'on les perçoive comme bons ou mauvais. Alors forcément, le plus délicat, c'est la manière dont on va comprendre les échecs. Voilà, par exemple, si je me dis que je n'ai pas réussi à aller au bout de mon trail parce que je suis nulle, il y a de fortes chances que ça, ça affecte ma confiance et donc que ça affecte ma motivation. Parce que si je suis nulle... je suis nulle, c'est comme ça en fait. Je ne vais rien pouvoir y changer si j'ai cette perception des choses, c'est complètement hors de mon contrôle finalement, et cette croyance-là, elle va être forcément délétère pour le plaisir et pour la motivation. Alors qu'à l'inverse, si je me dis, si je n'ai pas réussi à aller au bout, c'est peut-être parce que j'ai mal géré ma récupération la semaine d'avant, ou parce que j'ai mal géré mon alimentation, ou parce que je suis partie beaucoup trop vite, là, je vais facilement trouver des pistes d'amélioration. Et puis, je n'aurai qu'une envie, c'est d'aller les tester pour voir si cette fois-ci, ça fonctionne mieux. Voilà. Et du coup, là, ça va tout changer en termes de motivation, de confiance, de plaisir, si j'ai finalement des éléments sur lesquels je peux agir pour pouvoir progresser. Donc, cette partie-là, c'est souvent une partie assez sensible. Et puis, par rapport à ce que j'appelais le climat motivationnel instauré par l'entraîneur, là, on sait par exemple que pour favoriser le plaisir, il va falloir... favoriser l'autonomie, de la même manière, faire des feedbacks, des retours aussi réguliers par rapport au progrès réalisé, aussi minime soit-il.
- Speaker #0
Ok, intéressant, ça fait déjà pas mal de pistes. Et si on est justement dans une logique comme ça, on a une compétition, si on a cette pression de faire un résultat, on se dit, moi j'ai vraiment envie de mettre moins de 4 heures au marathon, ce genre de choses. Est-ce que ça peut aussi venir entraver ce plaisir et le limiter finalement ?
- Speaker #1
Complètement. En fait, ça, je dirais, c'est ce que j'observe le plus dans ma pratique au quotidien, en particulier chez les sportifs de haut niveau ou chez les sportifs amateurs qui font de la compétition. Et moi, j'ai carrément donné un nom à ça, j'appelle ça le piège des résultats. en fait le piège des résultats ou du résultat ce qui veut dire que en fait à un moment c'est comme si l'envie d'être à la hauteur de faire un résultat, un chrono, une place etc ça prenait toute la place à un moment on se rend compte que ça va devenir presque obsessionnel le sportif va se focaliser uniquement là-dessus et à un moment c'est comme si on passait de j'ai envie à « il faut » . Il faut que je sois bon, il faut que je montre, il faut que je prouve. Et finalement, ça vient écraser un petit peu le plaisir à pratiquer l'activité pour elle-même. Et du coup, finalement, c'est comme si ça nous est passé d'une motivation qui, au départ, était intrinsèque à une motivation extrinsèque où on pratique l'activité uniquement pour obtenir des gratifications extérieures.
- Speaker #0
Et ça, j'imagine...
- Speaker #1
Pardon.
- Speaker #0
Pardon, j'allais juste dire, j'imagine que ça peut arriver assez vite en fait ce basculement, qu'on ne s'en rend peut-être même pas compte vraiment soi-même, non ?
- Speaker #1
Oui, en général, on ne s'en rend pas compte, absolument pas. Et alors souvent, ça survient justement quand on commence à faire quelques résultats. Voilà, on tombe vite, très vite dans l'engrenage. Et du coup, j'avais un petit exemple d'une... Ça doit être il y a une bonne dizaine d'années maintenant, une judocate que j'avais accompagnée. et qui était venue me voir, je crois, au bout d'un an de galères, de contre-performances, de blessures, etc. Et quand on a repris les choses, il se trouvait qu'elle avait fait une magnifique performance. À un moment, elle avait été vice-championne du monde de junior dans sa catégorie. C'était à Miami, je me souviens. Et c'était quelque chose qu'elle n'attendait pas du tout. Elle ne s'attendait pas à être sélectionnée, et encore moins. à arriver en finale c'était quelque part un petit peu la bonne surprise donc jusque là tout se passait très bien et à compter de ce moment là elle m'a dit je suis rentrée en france en gros c'était terminé elle m'a dit je suis rentrée avec la pression de montrer que c'était pas un coup de chance que c'était pas un hasard que je méritais cette place et à partir de là et ben ça a été contre performance sur contre performance et elle en a complètement perdu le plaisir de sa pratique et pour renverser la situation En fait, ce qu'on a fait, c'est justement, je lui ai posé la question de à quel moment est-ce qu'elle avait commencé, pourquoi est-ce qu'elle avait aimé dans le judo. Et alors, je me rappelle, elle avait commencé à 9 ans. Elle, elle adorait se bagarrer, ça l'amusait, etc. Et du coup, on s'est dit, tiens, les prochains entraînements, tu vas y aller. En essayant de retrouver la petite fille que tu étais à 9 ans et la même envie de t'amuser. Et je crois que 15 jours après, elle refaisait un podium, en fait. Voilà, mais d'une manière complètement différente.
- Speaker #0
C'est incroyable l'effet que ça peut avoir. Et du coup, tu disais qu'il y avait cette motivation initiale qui était plus forte souvent étant jeune. Mais est-ce que ça veut dire que si on débute un sport plus tard, on va avoir nécessairement une relation différente avec le sport, le fait de prendre du plaisir dans le sport ou est-ce que ça dépend des cas ? Est-ce que ça a un impact, en tout cas, le fait d'avoir commencé un sport très jeune ?
- Speaker #1
Oui, alors je comprends la question. Je crois qu'effectivement, il n'y a pas de règle. On ne peut pas faire de généralité par rapport à ça. En revanche, effectivement, ce qui est certain, c'est que la relation au sport d'une personne, c'est toujours hyper singulier et influencé par plein de facteurs différents. Et en plus, cette relation qu'on peut avoir à un sport, elle n'est pas figée dans le temps. Elle peut complètement évoluer. Et dans cette évolution, effectivement, l'environnement social peut avoir un rôle non négligeable. En particulier... pour les personnes qui vont rechercher le plaisir, soit dans le fait d'être avec les autres, ou alors celles qui vont rechercher leur plaisir dans l'approbation des autres, voire dans les marques de reconnaissance sociale. D'autant plus qu'on est dans une société qui valorise non seulement le sport, mais aussi la quête du toujours plus. Donc c'est facile à un moment de basculer vers une motivation qui va être plus extrinsèque. et basculer vers la recherche de résultats. Après, chez les enfants, chez les adolescents, là, c'est sûr que le rôle des parents et le rôle d'entraîneur, il est quand même particulièrement important. Et alors, je le rappelle régulièrement aux parents avec qui j'ai la chance de pouvoir échanger. Parfois, il y en a qui prennent des consultations, justement, pour pouvoir discuter un petit peu de ce qui se passe pour leur enfant, de ce qu'ils peuvent observer. Et souvent... Bien sûr, ils ont ce souci de ne pas mettre de pression à l'enfant. Donc ils vont dire « ah mais c'est lui qui veut » ou « c'est elle qui veut, moi je ne mets pas de pression » . Je crois qu'il ne faut jamais perdre de vue qu'un enfant, il cherche à faire plaisir à ses parents. Voilà. Et il est extrêmement doué pour ça, pour repérer ce qui leur fait plaisir, même quand ce n'est pas exprimé. Et du coup, ça veut dire que, alors, quand on entraîne des enfants ou quand on est parent, je crois que c'est hyper important d'être au clair avec qu'est-ce que je souhaite, moi, pour cet enfant et quelle place je laisse à l'enfant pour qu'il puisse exprimer ses propres envies. Voilà. Et quand on sent qu'on est en difficulté avec ça, je crois que c'est important de se faire aider un petit peu. Et qu'au final, c'est un très joli cadeau qu'on fait à l'enfant de venir s'interroger sur ce qui se joue pour nous en tant qu'adulte.
- Speaker #0
Ça a l'air vraiment, mais tellement important. C'est vrai qu'en fait, même sans s'en rendre compte, finalement, il peut avoir un impact non négligeable. Et c'est génial que des parents se disent c'est bon, je vais aussi me faire accompagner moi pour accompagner mon enfant, en fait.
- Speaker #1
Complètement.
- Speaker #0
Et donc, on parlait donc. On est toujours sur la corrélation plaisir-performance. Donc, on voyait qu'il pouvait y avoir un effet délétère. Mais est-ce qu'à l'inverse, le fait de ressentir du plaisir pendant sa pratique sportive, ça a vraiment un impact sur les performances ?
- Speaker #1
Alors, c'est une question hyper intéressante. Et puis, elle va me permettre de parler un petit peu du fil rouge qui oriente ma pratique en préparation mentale, notamment. En fait, pendant très, très longtemps, en préparation mentale, On a cherché à lutter contre le stress. On se disait que c'est le stress, l'excès de stress qui explique les contre-performances. Et donc le stress est devenu l'ennemi numéro un à abattre en préparation mentale. Et puis en 2001, il y a des chercheurs en psychologie du sport qui ont cherché à comprendre ce qui différenciait les meilleures performances des moins bonnes performances sportives du point de vue émotionnel. Ils ont travaillé notamment pendant une année entière avec des tireurs à la carabine et ils ont fait à la fois des mesures physiologiques, objectives, par rapport à l'état émotionnel, à l'état d'activation, et puis ils ont aussi fait passer des questionnaires et laissé les tireurs s'exprimer sur leur vécu, sur leur ressenti. Et le résultat de cette étude a été surprenant pour tout le monde au départ, parce que bien sûr on s'imaginait que... les moins bonnes performances allaient être celles où il y avait le plus de stress et les meilleures, on se disait, c'est sûrement celles où il y a le moins de stress. Et en fait, la première chose dont on s'est rendu compte, c'est qu'à la fois dans les moins bonnes et les meilleures performances, le niveau de stress était à peu près équivalent. Voilà, déjà, il n'y avait pas de différence. Du coup, on a été un petit peu plus loin en disant, mais finalement, qu'est-ce qui fait qu'à un moment, la performance est meilleure ? Ce dont on s'est rendu compte, c'est que finalement, là où les performances étaient les meilleures, c'était là où il y avait le plus d'émotions positives, le plus d'envie, le plus de joie, le plus de plaisir, de sensations agréables, etc. Et à partir de là, on a commencé à se dire, mais au final, plutôt que de lutter contre le stress, on va peut-être plutôt chercher à renforcer les émotions positives et le plaisir ressenti.
- Speaker #0
On renverse totalement la manière de voir les choses. Pour celles qui veulent en savoir plus, tu as écrit un article sur ce sujet, sur le magazine La Sportive Outdoor, qui est vraiment intéressant. Et je trouve que c'est génial à tout niveau parce qu'en fait, ça renverse la manière de voir les choses, que ce soit dans le sport ou dans d'autres choses. Tu le disais au départ, le fait de prendre du plaisir dans une activité, quelle qu'elle soit, ce n'est pas que sportif. Et c'est vrai que le fait de voir les choses de cette manière, je trouve ça génial. C'est complètement aidant. Et donc, si on a le problème inverse, où là, en fait, le plaisir, il disparaît dans la pratique sportive, qu'est-ce qu'il y a comme effet, en fait ?
- Speaker #1
Alors, si le plaisir disparaît complètement, j'ai envie de dire que, de manière logique, la disparition du plaisir, elle va conduire à un arrêt de la pratique. Et que, si c'est assumé, le fait d'arrêter, ça ne pose absolument aucun problème. On peut parfaitement, à un moment donné, soit changer de sport, soit avoir des périodes sans sport dans sa vie et très bien vivre en fait. Ce qui nous apporte du plaisir dans la vie, ça peut aussi fluctuer. Et puis il y a des périodes où il y a d'autres choses qui peuvent prendre plus de place et où la pratique sportive perd le sens qu'elle avait et c'est ok. Et je pense notamment à l'exemple d'une jeune femme que j'avais accompagnée il y a quelques années. En fait, c'était suite à une séparation douloureuse, elle s'était investie corps et âme dans la nage en eau libre et dans le sport en salle. Et en fait, elle est arrivée très rapidement à un niveau international. Ça a duré un an. Et au bout d'une année... Elle a rencontré quelqu'un et en quelques mois, elle a complètement désinvesti son sport pour reconstruire avec bonheur une vie de couple et puis ensuite une vie de famille. Et finalement, quand on réfléchit, ce sont des schémas qui sont quand même assez fréquents, mais je dirais que pour lesquels tout est OK.
- Speaker #0
Oui, c'est ça. On n'est pas obligé de se forcer à continuer un sport parce qu'on le fait depuis toujours et quelque part... On s'oblige à le faire un peu par habitude si on n'y prend plus de plaisir. Mais si on sent qu'il y a un truc qui cloche, que dans le fond, on a quand même envie de continuer, mais on sent qu'à chaque entraînement, c'est poussif, on se galère, est-ce que ça peut être aussi parce qu'on est en surentraînement, qu'il y a un surmenage, ce genre de choses ?
- Speaker #1
Alors... Effectivement, là c'est un petit peu plus complexe. C'est finalement ces situations où il y a un peu d'ambivalence, on est tiraillé entre ce qu'on ressent, j'ai l'impression que je n'ai plus envie, que j'ai moins de plaisir, et puis d'autres choses finalement qui font que quand même on persiste. Et je crois que dans ce type de situation, la première question quand même, c'est de se dire qu'est-ce qui fait que je n'arrête pas ? Ne serait-ce que qu'est-ce qui fait que je ne fais pas une petite pause ? Qu'est-ce qui fait que je persiste ? Que je vais me forcer alors que, comme tu disais, c'est poussif et que je ne me sens pas forcément bien ? Je crois que ça, c'est déjà un premier point. Voilà. Qu'est-ce qui fait que je continue alors que ça n'a plus forcément de sens au regard de ce que je ressens ? Parfois, on a peur de faire une pause. Parce qu'on se dit, si ça se trouve, j'aimerais plus jamais ça. Et puis, parfois, on a peur de faire une pause ou de s'arrêter en se disant, je vais le regretter. Ou alors, on a peur aussi de décevoir. Que ce soit les gens avec qui on s'entraîne, un entraîneur, l'entourage dont on s'imagine qu'il attend tellement de choses de nous. Voilà. Et du coup, ça m'arrive effectivement de voir comme ça des sportifs qui ont tiré... sur la corde et pour qui, à un moment, il y a quand même forcément quelque chose qui va lâcher, soit du côté d'une blessure sérieuse, soit du côté, effectivement, de ce qu'on va appeler parfois un burn-out sportif ou sur entraînement sur le plan psychologique ou le syndrome d'épuisement psychologique du sportif. Mais à un moment, il y a quelque chose qui va casser, en fait. Voilà.
- Speaker #0
Ça peut avoir des conséquences. Oui, pardon, vas-y.
- Speaker #1
Oui, ça peut vraiment avoir à ce moment-là des... des conséquences qui peuvent être lourdes et puis vraiment des moments où ce n'est pas évident de remonter la pente. Et oui, par rapport à cette question de la baisse de plaisir, je crois que parfois, c'est aussi important de ne pas s'alarmer. Le plaisir, c'est quelque chose qui est fluctuant. La motivation aussi, on n'arrivera jamais à maîtriser ça totalement. Et je crois que c'est important là aussi de s'écouter, de le prendre en compte. Parfois, c'est juste passager. et puis finalement si on laisse faire ça revient très facilement et naturellement en revanche je crois qu'il ne faut vraiment pas hésiter soit à faire une pause, soit à réaménager le rythme d'entraînement ou le calendrier des compétitions et je pense notamment il y a une année ça fait très longtemps, ça doit faire 20 ans maintenant quasiment c'était un badiste qui m'avait été orientée par son entraîneur qui disait mais ça ne va pas du tout au niveau des compétitions c'est les montagnes russes en termes de performance et en fait en essayant de comprendre, en discutant On s'est rendu compte, ce badiste et moi, qu'il saturait très vite. Lui, faire des compétitions tous les week-ends ou toutes les deux semaines, ça ne lui convenait absolument pas. Et du coup, à partir du moment où il était saturé, où il y avait moins de plaisir, il s'énervait beaucoup plus facilement sur le terrain et du coup, ça donnait match perdu sur match perdu. Et on a pu avoir un échange avec l'entraîneur qui a été à l'écoute et qui a réaménagé le calendrier de compétition sur l'année entière. Et au final, c'est un jeune qui est parti à l'INSEP quand même. Ça, j'ai trouvé que c'était extrêmement intéressant parce que finalement, c'était l'allègement de la charge et l'écoute de son rythme à lui qui lui a permis d'avancer, de construire à sa façon et d'aller vers quelque chose qui était quand même du côté de la performance aussi.
- Speaker #0
C'est un point intéressant, c'est que ça veut dire aussi que c'est très individuel. La charge, par exemple, qu'on va pouvoir supporter, je veux dire, au-delà du physique, évidemment, mais psychologiquement. c'est aussi individuel et du coup ça montre aussi qu'il faut quand même vraiment apprendre à savoir ce qui nous convient à nous et pas forcément regarder ce qui convient aux voisins et qui va peut-être pas du tout nous aller quoi.
- Speaker #1
Oui, complètement. Et puis, je crois que c'est individuel à plein de niveaux. Alors, il y a l'aspect qui n'est pas le mien, l'aspect purement physiologique. C'est déjà une chose, quelle charge on peut supporter, à quel moment. Après, il y a forcément aussi, il faut qu'on prenne en compte finalement notre vie dans sa globalité. Par moment, la vie de famille, elle va prendre un peu plus de place, ou la vie professionnelle, etc. Tout se comprend aussi dans un équilibre global. Et après, moi je dis souvent, il y a l'aspect quand même émotionnel. Là aussi, on ne peut pas tous supporter la même chose. Émotionnellement, souvent une compétition, c'est quand même, c'est prenant. Et il y en a qui ne vont pas du tout pouvoir les enchaîner semaine après semaine ou tous les 15 jours. Voilà, là c'est à chacun de trouver le rythme qui lui va bien. Et qui peut, comme dit, fluctuer au fur et à mesure des étapes de la vie.
- Speaker #0
C'est ça, c'est individuel. Et en plus, même l'individu, au cours de sa vie, il ne va pas être tout le temps pareil. Et du coup, est-ce que tu as des techniques ou des outils qui peuvent aider un sportif à retrouver ou au moins à maintenir le plaisir dans sa pratique sportive ?
- Speaker #1
Alors oui, je pense notamment à un article que j'avais rédigé, notamment, je crois, sur cette question-là, où je parlais de ce que moi j'appelle le carnet de bord du positif. Alors ça, c'est un outil que j'aime beaucoup. Ce que je propose, c'est au départ, pendant 15 jours, 3 semaines, 1 mois, selon la fréquence de pratique, à la fin de chaque entraînement et ou compétition, de se dire, tiens, aujourd'hui, comment j'ai vécu les choses ? Où est-ce que je situerais mon plaisir sur une échelle entre 0 et 10 ? 0, aucun plaisir, et 10, c'était vraiment absolument génial. Voilà. Déjà, rien que de faire ça, une première phase d'observation, de voir où est-ce qu'on se situe, et puis à chaque fois de se dire, alors, quelle note je mettrais, et qu'est-ce qui a été le plus chouette aujourd'hui ? Qu'est-ce que j'ai le plus aimé ? Essayer de repérer les deux ou trois points principaux par rapport à ça. Et quand on le fait comme ça sur 15 jours, 3 semaines, à la fin, on se pose et puis on regarde. Qu'est-ce que ça a donné ? Qu'est-ce qui finalement... m'apporte le plus de plaisir ? Est-ce qu'il y a des choses qui reviennent régulièrement ? Est-ce que c'est très variable ? Je crois que c'est déjà une première étape. Et je pense d'ailleurs, je crois que je l'avais évoqué dans un des articles, à Clarisse, c'était une cycliste qui, elle, avait justement perdu quasiment tout plaisir, notamment à l'entraînement, parce qu'elle se mettait une pression dingue par rapport à des objectifs de performance. Et elle est venue à se dire, bon, pour y arriver... Il faut absolument que je sois hyper sérieuse. Et du coup, je vais faire tous mes entraînements toute seule. Comme ça, je ne suis pas perturbée par les autres. Et au final, quand je lui ai proposé de faire ce petit exercice, elle s'est rendue compte que ça, c'est quelque chose qui lui manquait. Que ça, c'était essentiel finalement dans sa pratique. Et à partir de là, elle a repris les entraînements en groupe. Et elle me disait, mais du coup, c'est beaucoup moins lassant. Je ne vois plus le temps passer. J'ai envie d'aller m'entraîner. Et ça a tout changé pour elle. Voilà, donc ce petit outil-là, moi, je le trouve assez fantastique. Et puis, une fois qu'on a, comme dit, identifié qu'est-ce qui est important pour moi, qu'est-ce que j'aime, on va essayer de renforcer ça ou de faire en sorte que ça existe plus souvent ou davantage. Voilà.
- Speaker #0
C'est intéressant parce que c'est un outil qui, finalement, semble tout simple, mais qui peut avoir des effets hyper bénéfiques à court et long terme, finalement.
- Speaker #1
Oui, complètement. Moi, c'est pour ça que je l'aime beaucoup parce qu'effectivement, il est déjà très simple à utiliser. Et en général, en plus, les sportifs à qui je le propose, ils trouvent que c'est assez plaisant de faire ce petit exercice. Et après, quand on sent que malgré tout, tout seul avec l'outil, c'est encore compliqué, on rame un petit peu, eh bien, rien. J'ai envie de dire que c'est des choses où rien qu'une séance de consultation, parfois, ça suffit à faire en sorte d'éclairer un peu plus les choses.
- Speaker #0
C'est ce que je me demandais, en fait, du coup. Comment est-ce que toi, ensuite, tu vas intervenir si quelqu'un... Il vient de consulter parce qu'il constate qu'il est dans cette phase où il n'a plus vraiment de plaisir en sa pratique. En même temps, il n'a pas non plus envie de tout laisser tomber parce qu'il sent que dans le fond, il y a quand même encore quelque chose qu'il aime bien. Quelles vont être pour toi les étapes ? Comment est-ce que tu vas réussir à l'accompagner ?
- Speaker #1
Alors, effectivement, ça m'arrive de plus en plus régulièrement de rencontrer des sportifs qui se sentent un peu perdus. parce qu'ils viennent en disant mais voilà j'ai moins d'envie j'ai moins de plaisir au secours qu'est ce qui se passe et souvent c'est effectivement c'est l'émotion qui est associé c'est la peur Voilà, parce que c'est hyper déstabilisant, surtout quand ça fait partie de notre équilibre. Et je crois que déjà dans ces cas-là, venir en parler...
- Speaker #0
C'est déjà un grand pas parce que venir en parler, ça veut dire reconnaître en fait ce qui est en train de se passer plutôt que de faire l'autruche et de mettre la tête dans le sable. Et forcément, ce n'est pas évident, surtout comme tu l'évoquais avant, quand on pratique une discipline depuis longtemps, qu'on y a investi parfois beaucoup de temps, beaucoup d'énergie, parfois beaucoup d'argent, qu'on a l'impression que les autres attendent des choses de nous par rapport à ça. Donc là déjà... Le cadre d'une consultation psychologique, c'est idéal parce que c'est rassurant. C'est l'endroit où on va pouvoir tout dire sans avoir peur, ni que ce soit répété, ni que ce soit jugé. Là, il n'y a aucune implication, aucun enjeu à quelque niveau que ce soit. Et c'est souvent ce que les sportifs apprécient dans ces moments-là. Ça m'est arrivé d'avoir des sportifs professionnels qui viennent nous consulter sur ce genre de questions en disant « Non, mais... » On a un psychologue au club ou un préparateur mental, mais je ne veux pas lui en parler parce que pour moi, il n'est pas indépendant et je veux pouvoir m'exprimer librement. Donc, il y a déjà cette première étape de dire, de reconnaître la difficulté. Et à partir de là, on va pouvoir commencer à réfléchir, à essayer de comprendre ensemble ce qui se passe. Et je dirais que dans ce type de situation, à partir de quelques questions simples, on arrive à comprendre ce qui peut se jouer. Et quand ce n'est pas le cas, j'utilise ce que j'appelle l'échelle de motivation dans le sport, qui a été mise au point par des chercheurs en psychologie du sport, qui permet d'identifier les sources de plaisir. Il y a aussi un questionnaire de surentraînement, des outils comme ça sur lesquels on peut s'appuyer ensuite pour pouvoir discuter, pour pouvoir réfléchir. Parce que parfois, ça fait peur. On se dit, oh là là, mais qu'est-ce que je vais dire ? Comment ? Voilà. Et quand je repense justement à ces derniers mois en me disant, il y en a de plus en plus, quand même, à qui ça arrive ? J'ai l'impression que ce qui génère le plus cette baisse de plaisir, ça peut être soit une saturation de l'activité, voilà, ça a été trop, soit il y a une fatigue importante à un moment donné, ou alors il y a cette focalisation sur les résultats. Et parfois, forcément, tout est lié. Et alors ça l'est encore plus quand même dans ces pratiques de sport d'endurance et de sport outdoor où finalement il n'y a pas de cadre à la pratique comme dans un sport co où on va s'entraîner 2, 3, 4 fois par semaine, les choses sont très cadrées et on ne va pas pouvoir déborder de ça. Alors que si on fait de la course à pied ou du vélo ou de la natation, on va bien plus facilement dériver et pouvoir aller trop loin à tel point qu'on va se dégoûter de quelque chose qu'on aimait au départ.
- Speaker #1
c'est débile mais je n'avais jamais pensé à ça effectivement on peut complètement dès qu'on fait du trail, du vélo on est libre on n'a pas d'équipe à avoir pour pratiquer donc on peut vite faire beaucoup trop en fait mais dans ce que tu dis en tout cas c'est toujours un peu le fait de faire trop qui va quand même en général engendrer ça engendrer une perte de plaisir ... trop ou alors le fait d'avoir cette pression de performance. Mais du coup, j'imagine que c'est un peu lié aussi au fait qu'on se met la pression, peut-être qu'on s'entraîne davantage, on veut toujours faire mieux.
- Speaker #0
Oui. D'accord. Et le trop, en fait, là aussi, on retrouve ces éléments-là. Le trop, ça peut être sur le plan physiologique parce que j'y suis allée trop vite, trop fort. Mais le trop, ça peut être parce qu'en ce moment, dans ma vie, il y a d'autres contraintes qui mettent aussi de la charge. Et du coup, là, c'est trop. Ou alors, ça va être sur le plan émotionnel aussi, où là, c'est pareil, je n'arrive pas à encaisser les émotions que ça génère comme ça régulièrement.
- Speaker #1
On vient au fait que ce soit individuel et que le trop de quelqu'un n'est pas forcément le trop de l'autre personne. Donc, on ne peut pas non plus se comparer en disant « Oui, mais ma copine au club, elle fait ça comme entraînement, elle n'a pas de problème, ce n'est pas normal que moi, je ne puisse pas suivre. » Ça peut juste être qu'individuellement, pour nous, ça ne colle pas.
- Speaker #0
Complètement. Ça c'est hyper important, pas se comparer aux autres et puis faire confiance à ce qu'on sent et à ce qu'on ressent. Se dire non, non, là il y a quelque chose qui va pas, il y a cette fatigue ou il y a cette baisse d'envie qui dure un petit peu, là voilà il se passe quelque chose. Et puis ce que j'ai remarqué aussi c'est que quand même souvent le fait de, alors soit de faire une pause complète, soit de vraiment lever le pied par rapport à la fréquence des entraînements, c'est souvent salutaire à deux endroits parce que ça va permettre Dans tous les cas de recharger les batteries. et on réfléchit mieux quand les batteries sont rechargées. Et en plus, on lève le nez du guidon et on va pouvoir prendre davantage de recul et comprendre plus facilement ce qui se passe. Ça veut dire que ça, souvent, c'est quand même hyper efficace. Mais là aussi, je remarque que souvent, seul, on a du mal à s'autoriser la coupure ou la pose ou le fait de lever le pied. On va se bagarrer avec nous-mêmes et c'est parfois hyper dur. à assumer, on va culpabiliser, etc. Et ça m'est arrivé récemment encore d'avoir une sportive qui me disait mais heureusement que tu me dis que là, il faut que je coupe parce que moi, c'est hyper important ce que tu me dis, je peux m'appuyer dessus. Si moi, je suis toute seule avec moi-même, je n'arriverai pas à le faire.
- Speaker #1
Le fait d'avoir quelqu'un d'extérieur qui dit non, mais c'est OK en fait de s'arrêter, c'est même bien. C'est vrai que finalement, c'est très important. On a toujours en plus des... Des peurs idiotes aussi de se dire non, je ne peux pas m'arrêter parce que je vais perdre le niveau que j'avais, alors qu'en vrai, on le retrouvera. Et potentiellement, ça peut être bien plus bénéfique d'avoir fait la coupure et ensuite de repartir. Donc, ce que tu disais, du coup, avec un tout un état d'esprit neuf aussi, plutôt que de continuer en enchaînant. Et au final, même le niveau, même si on parle de niveau physique, finalement, ça peut, comme tu le disais, le fait de prendre du plaisir comme ça, ça va avoir un impact. Le fait de ne pas en avoir, finalement, on ne s'arrête pas et ça va être pire. Oui,
- Speaker #0
en général, si on force les choses, il y a toujours un moment où, comme je disais tout à l'heure, ça va lâcher, ça va craquer. Alors que si on revient rechargé, en forme, avec de l'envie et encore plus au clair par rapport à ce qu'on a envie de faire, le niveau, on va le retrouver très, très rapidement.
- Speaker #1
C'est vraiment intéressant. Et si on est dans un club et qu'il y a un entraîneur, par exemple, Qu'est-ce que pourrait faire un entraîneur pour encourager cet état d'esprit, le fait que ces athlètes maintiennent vraiment cette part de plaisir dans leurs pratiques, même s'ils font de la compétition ?
- Speaker #0
Je reviens à ce que j'avais évoqué au début, à cette notion de climat motivationnel qui va dépendre beaucoup des pratiques de l'entraîneur. Ce climat peut être soit favorable, soit défavorable au maintien du plaisir, de l'activité dans le temps. L'idéal, c'est bien sûr d'opter pour des pratiques d'entraînement qui vont renforcer ce que j'ai appelé tout à l'heure la motivation intrinsèque, c'est-à-dire le plaisir de l'activité vraiment pour elle-même. Et en fait, on s'est rendu compte aussi que ce type de motivation génère en général déjà plus de plaisir, de manière plus stable, plus durable, mais aussi plus de performance finalement. Et du coup, en termes vraiment concrets par rapport à ce qu'un entraîneur peut faire à ce niveau, ça va être déjà... Tout simplement faire varier régulièrement les exercices pour éviter la lassitude. Ça va être aussi favoriser l'autonomie toujours en faisant participer les sportifs à certaines décisions, notamment les objectifs de compétition. Pourquoi pas, c'est hyper important que le sportif ait son mot à dire là-dedans et pas que ce soit imposé sans qu'on lui demande son avis. Ça peut être aussi favoriser l'autonomie en confiant des responsabilités. Et puis il y a tout le versant qui consiste à valoriser les progrès, les qualités personnelles, en étant hyper attentif au fait d'être équitable là-dedans, dans la distribution justement des gratifications, des valorisations. Ça je ne sais pas combien de... Notamment chez les adolescents, chez les jeunes adultes c'est encore plus. Ils sont hyper sensibles à ça et vraiment ça peut très rapidement abîmer le plaisir et la motivation chez eux. Et puis après, il y a aussi le fait justement d'évaluer en tant qu'entraîneur, en s'appuyant vraiment sur des critères de progrès personnel, sur des critères de maîtrise dans l'activité, plutôt que de mettre l'accent uniquement sur les victoires, les défaites, ou sur la comparaison avec les autres, que ce soit en compétition ou à l'entraînement. En fait, ça, c'est quelque chose qui est absolument délétère.
- Speaker #1
Ok, effectivement. Et pour terminer, alors tu nous as déjà donné pas mal de recommandations, mais si on veut synthétiser, quelles seraient tes recommandations pour des sportives qui nous écouteraient, qui se diraient « Ah, je suis quand même un petit peu dans ce cas-là, je commence à ressentir un peu moins de plaisir » . Quelles seraient un peu les grandes étapes ? Peut-être qu'il y a des petites choses à tester avant d'aller consulter. Qu'est-ce que tu leur recommanderais de faire ?
- Speaker #0
Alors... Je dirais que la première chose à faire, peut-être, c'est d'essayer de comprendre ce qui se passe. déjà soi-même, avec soi-même, avec des questions simples. Depuis quand ? Est-ce que je ressens moins de plaisir ? Comment est-ce que je comprends cette baisse-là ? Est-ce que j'ai l'impression que c'est lié à une lassitude, à une surcharge, à des vécus d'échecs successifs ? Ça, c'est quelque chose qu'on n'a pas évoqué aussi, mais voilà, c'est important aussi de faire attention à ne pas enchaîner les contre-performances ou les déceptions, etc. régulièrement de se mettre aussi dans des situations, que ce soit d'entraînement ou de compétition, qui soient faciles, voire très faciles, dans lesquelles on se sente à l'aise, pour pouvoir quand même préserver l'estime de soi. Ça, c'est vraiment important. Donc voilà, est-ce que j'ai eu plusieurs déceptions à la suite qui peuvent avoir un petit peu abîmé quand même mon envie ? Est-ce qu'il y a des tensions en ce moment dans le groupe avec lequel je m'entraîne ? Est-ce qu'il y a des tensions avec l'entraîneur ? Est-ce que je me sens en désaccord avec lui ? Et... Ce qui est intéressant aussi, c'est de se dire, est-ce que cette baisse de plaisir, elle existe juste dans mon sport ou est-ce que j'ai l'impression que ça existe dans d'autres domaines de ma vie aussi ? Est-ce qu'il y a de la fatigue qui se rajoute à ça ? Déjà, ça c'est des questions simples qu'on peut se poser et à partir des réponses qui vont se dégager, on va pouvoir soit imaginer déjà ses propres solutions, soit... utiliser pourquoi pas cet outil et de petits carnets de bord du positif pour essayer de clarifier encore un petit peu plus les choses. Parfois, simplement, on va se rendre compte que, tiens, il faut que je réaménage un petit peu ma pratique, que je me la réapproprie pour que tout me convienne mieux à nouveau. Et puis, pour d'autres, il faudra faire une petite coupure, une petite pause qui sera salutaire. On verra bien si, au terme de la coupure, on aura envie de revenir ou pas. Et si la réponse est non, ce n'est pas forcément très grave non plus.
- Speaker #1
En tout cas, sortir la tête, ne pas faire l'autruche, sortir la tête du sable, comme tu disais. D'accord. Première étape. Ça, c'est poser les questions. Et évidemment, si on ne s'en sort pas du coup tout seul, aller consulter un psychologue du sport semble être une bonne idée.
- Speaker #0
Oui, complètement. Et puis après, c'est… Quand on utilise notamment ce que j'aime bien dans ce petit carnet de bord du positif, quand on le fait assez régulièrement, on peut se rendre compte des moments où, ah tiens, mes notes de plaisir, elles baissent depuis 3, 4, 5 séances quand même. Quand c'est juste sur une séance ou deux, ce n'est pas grave, ce n'est pas alarmant. Mais quand on voit que ça commence à s'installer, là on peut se dire, ah attends, là effectivement, tout de suite, on se pose et on se demande, ok, qu'est-ce qui se passe ? Et c'est ce qui permet en général de retrouver le plus rapidement possible le plaisir. Si c'est possible de le retrouver et si c'est autre chose de plus compliqué, effectivement, là, on peut venir consulter peut-être.
- Speaker #1
Super, merci beaucoup pour tous tes conseils, Sandra. C'était vraiment un sujet, toi, qui te tenait à cœur. Et moi aussi, je dois dire, je trouve ça tellement important. Et parfois, c'est vrai que ce petit plaisir, on a tendance à le perdre. Et c'est vraiment dommage, parce qu'à la base, on pratique quand même un sport. Sauf qu'on est sportif de haut niveau, ça peut être encore différent. Mais là, les personnes qui nous écoutent, à la base, je pense, pratiquent un sport pour le plaisir. Donc, c'est important de garder ça. On peut retrouver tous tes conseils dans tes articles qui sont toujours hyper intéressants sur la sportive outdoor. Et puis, très certainement, d'autres interviews à venir sur d'autres sujets. Merci beaucoup, Sandra, en tout cas.
- Speaker #0
Avec plaisir.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté cet épisode. Si cela vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner au podcast et à mettre une bonne note sur les plateformes, cela nous aide. A bientôt !