Speaker #0Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Vous écoutez la deuxième partie de mon épisode spécial consacré à l'intelligence artificielle en médecine. Dans l'épisode précédent, je vous ai présenté les résultats concrets du benchmark HealthBench d'OpenIA qui est l'étude de référence concernant l'état de connaissance de l'IA dans le domaine de la santé. Et je confronte dans cet épisode les affirmations très fortes de Laurent Alexandre que j'ai reçues dans ce podcast qui vous a fait beaucoup réagir et inquiéter face à ces données scientifiques. Alors dans la première partie, j'ai déjà décortiqué... Trois petits points. Est-ce que l'IA est meilleure que les médecins ? Puis la fameuse question de la complémentarité entre l'IA et le médecin. Et puis enfin, l'impact que cela pourrait avoir sur notre formation. Dans ce deuxième épisode, je poursuis cette analyse en me concentrant sur trois autres aspects tout aussi cruciaux. L'empathie et la relation soignant-patient. Puis la place des gestes techniques face aux robots. Et enfin, le futur de notre métier dans un système de soins en pleine mutation. Quatrième point. L'IA est plus empathique que nous. Ce que dit mon invité Laurent Alexandre, c'est l'un des points les plus frappants de son intervention, il affirme que déjà, ChatGPT est plus empathique que la majorité des médecins. Alors pourquoi ? Parce que ChatGPT, il est disponible jour et nuit. Il dit dans l'épisode que si vous avez une métastase, vous pouvez lui en parler pendant des heures et des heures, ça ne va jamais le saouler, ChatGPT. Et c'est vrai, particulièrement avec le mode vocal, vous pouvez converser avec lui. Il dit qu'il se souvient de tout. qui répond avec patience, qui formule mieux, plus calmement, plus gentiment. Et il ajoute, Alors, ce que montrent les études et le fameux document HealthBench, publié par OpenAI, qui évalue l'état de l'art de l'intelligence artificielle en santé, et bien, sur ce point, il faut reconnaître qu'il n'a pas tort. Plusieurs études, notamment celles publiées dans le JAMA, ont montré que des panels de professionnels de santé préféraient des réponses d'IA à celles de médecins en termes d'empathie, de qualité et de clarté. Alors ça, ça nous met quand même une sacrée douche. On pensait que la machine n'était pas empathique, qu'elle était froide, qu'elle était brutale. Eh bien, pas du tout. Dans le Health Bench, une partie des critères d'évaluation portaient sur la qualité de la communication, la structuration de la réponse. Le ton utilisé, l'adaptation au niveau du patient, etc. On l'a dit, il y a beaucoup, beaucoup de critères. Eh bien, en résumé, les meilleurs modèles obtiennent de très bons scores dans ces dimensions. Ils sont capables d'être clairs, rassurants, pédagogiques, parfois mieux que nous en fin de journée entre deux consultations. Alors à quoi ça correspond en pratique ? Bah, imaginez un patient anxieux, insomniaque, en pleine nuit qui tape son inquiétude dans le chat GPT. Bah, l'IA va lui répondre calmement, sans jugement, avec des mots rassurants. Elle va reformuler sa peur, la normaliser, proposer un conseil. Elle le fera sans jamais hausser le ton ni montrer d'agacement. N'importe lequel d'entre nous serait évidemment fatigué en fin de journée, distrait, parfois un peu sec, parfois même désagréable. C'est là qu'hésite la force de l'IA, il faut bien le dire. Elle ne fatigue pas, elle ne s'agace pas, elle ne raccourcit pas la fin de ses phrases. Elle a une constance émotionnelle qu'on n'a pas. Et pour certains patients, c'est vraiment apaisant. Mais est-ce que c'est vraiment de l'empathie ? Pas tout à fait, parce que l'IA simule l'empathie, elle produit une phrase douce parce qu'elle a appris que c'est ce qu'il faut dire. Mais en vérité, il est évident qu'elle ne ressent rien, qu'elle ne lit pas la détresse sur un visage de patient, elle ne perçoit pas la voix tremblante d'un interlocuteur en face de nous, elle ne peut pas adapter son regard, sa voix, sa posture, son silence au juste moment. Elle n'a pas de présence. Et c'est là qu'est la nuance. En pratique, pour mes confrères et mes confrères généralistes, oui, l'IA peut très bien communiquer, elle peut même aider à formuler des réponses plus apaisantes et plus claires. Mais notre rôle de soignant ne s'arrête pas là. Vous le savez tous, les médecins les plus âgés le savent très bien, que la qualité de présence, la qualité d'écoute, qui est un critère éminemment subjectif, granuleux, que ne peut pas rendre compte une machine, est hyper important. C'est toutes les études sur le care, l'importance du care qui a eu un grand essor dans le monde scientifique ces dernières années. L'importance d'une main posée, d'un regard. Tous les patients et tous les soignants le savent. Il y a des moments où un mot, un silence, un contact, un soupir ont plus de valeur qu'un paragraphe bien tourné par une intelligence artificielle. La vraie empathie, à mon sens, elle n'est pas dans les mots, elle est dans la relation incarnée. Cela dit, il ne faut pas s'endormir non plus. Si l'IA parle mieux que nous, écrivons mieux. Si elle rassure plus, apprenons à rassurer autrement. Ça va être un des enjeux de demain. L'enjeu, ça ne va plus être la tête bien faite, parce qu'on va se faire dépasser par l'IA, mais ça va être la qualité de présence. La qualité du langage non-verbal et cette intensité dans la qualité du soin. L'enjeu donc, ce n'est pas de défendre notre humanité en disant « on est humain » , c'est de la rendre plus précieuse encore, justement parce qu'elle ne peut pas être copiée. Donc mon analyse sur cette petite partie, l'IA simule bien l'empathie, mais la relation humaine incarnée reste, à mon sens, irremplaçable à l'heure actuelle dans bien des situations. Affirmation numéro 5. Les gestes techniques vont aussi être réalisés par des IA. On pensait évidemment qu'au niveau technique, au niveau cognitif, l'IA nous battait déjà, on en est maintenant sûr. Et on se disait dernièrement, ok, on pourra quand même se retrancher derrière des actes. Moi je fais des échographies, les chirurgiens disent oui, mais ça ne vous perd pas une cataracte, etc. Bon, ce que dit Laurent Alexandre ? Il s'attaque à un autre mythe, celui selon lequel les actes techniques resteraient à jamais entre les mains des humains. Il citait Elon Musk. qui prévoit que d'ici 5 ans, les robots humanoïdes opèrent mieux que les meilleurs chirurgiens. Et il ajoute même, dans l'entretien que j'ai eu avec lui, Laurent Alexandre, pas Elon Musk, pas encore. J'attends sa réponse là. Je plaisante. Moi aussi, je ne referai pas de chirurgie. On va être encore plus écrabouillé sur les gestes que sur l'intellect. Alors, où est-ce qu'on en est aujourd'hui, en pratique ? Bon, là encore, il ne faut pas balayer d'un revers de main ce qu'il a dit. Il n'est quand même pas complètement couillon. Il y a des projets énormes, il y a les projets stars à la John Hopkins qui ont déjà permis à l'heure actuelle à des robots de réaliser des sutures en autonomie sur des animaux, mieux que des humains. Nvidia, l'entreprise la plus... une des entreprises les plus grosses du monde, développe actuellement des systèmes d'exploitation robotique intelligents, capables de piloter des gestes, couplés à l'IA. Donc c'est pas des bras téléguidés comme le Da Vinci, c'est vraiment une IA couplée à un geste, pour opérer, faire des gestes techniques. Alors ? Que dit le Health Bench, le fameux document d'OpenAI ? Alors le benchmark, il ne teste pas les actes physiques, mais il montre quand même que l'IA peut déjà donner des recommandations opératoires cohérentes. Résumer un compte-rendu, pour en aider à donner des imageries de biologie, pour orienter une décision chirurgicale. L'IA sait déjà accompagner un geste technique, voire le planifier, mais à ce jour, elle ne sait pas l'exécuter. C'est quand même extrêmement complexe, mais à ce jour, elle n'y arrive pas. Je pense que beaucoup de gestes techniques vont, malheureusement ou heureusement, être remplacés par des IA. À quoi ça correspond en pratique ? Prenons un exemple concret, l'échographie, parce que j'adore ça. Aujourd'hui, une IA peut interpréter une image, aider à la détection de pathologies, proposer une synthèse, mais bientôt, elle pourra peut-être piloter la sonde, la guider automatiquement, voire l'autopositionner. Cependant, elle ne sent pas, elle n'a pas encore de retour à... Quand vous posez une sonde d'échographie sur un ventre, vous faites de l'échopalpation, vous sentez ce qu'il y a dessous. Et ça, à l'heure actuelle, c'est impossible. Elle n'a pas de jugement instantané. Surtout quand elle fasse un doute, à une résistance, à une expression du patient. Surtout, quelque chose de capital, c'est qu'elle n'assume pas le geste, ni ses complications. Encore une fois, on en revient sur le terrain de l'éthique, du juridique. Je ne sais pas, à l'heure actuelle, comment... on acceptera demain qu'une machine soit responsable de ça. Peut-être qu'on n'y arrivera jamais. Donc, le défi, il est moins technique, bien qu'il y ait des énormes difficultés que je viens de vous citer, que éthique et juridique. Donc, en pratique, non, les gestes techniques ne seront pas épargnés par l'IA. Oui, les gestes techniques seront de plus en plus assistés, augmentés, voire guidés par l'IA, à mon sens, mais non, nous ne sommes pas encore remplaçables. En pratique, Il va falloir s'adapter, apprendre à faire avec ces outils et pas contre. Il va falloir défendre ce que nous avons d'unique, à savoir le discernement en situation, la prise de décision en temps réel, la capacité à improviser face à l'imprévu. Imaginons un chirurgien au bloc opératoire qui fait face à un saignement, à une complication, mais je ne sais pas ce que peut faire l'IA à l'heure actuelle et j'ai du mal à imaginer un robot prendre une décision tout seul pour forcément un humain à côté qui... assume la décision de reprendre la main et donc qui a assumé la formation médicale qui va avec. Donc, dans un avenir proche, il faudra réfléchir à notre place dans un bloc ou ailleurs, où le robot sera peut-être meilleur que nous techniquement, mais pas humainement. Et encore une fois, ce que recommande mon invité, c'est de monter des startups. Rien ne nous empêche de co-créer ces outils avec les industriels, avec les géants ou les petits de la tech. Il y a plein de boîtes qui se montent là-dedans. Et c'était une des confusions de mon invité, je vais y revenir à la fin, c'est qu'il faut entreprendre pour ne pas se laisser dépasser, mais co-créer. Affirmation numéro 6, les médecins seront les assistantes sociales de demain. Alors là, c'est quand même violent. Ce que dit Laurent Alexandre, c'est peut-être l'aspect le plus brutal de sa vision. Selon lui, la médecine de demain pourra se scinder en deux camps. Une immense majorité de médecins déclassés, cantonnés à des tâches relationnelles ou administratives peu valorisées, et une minorité de médecins visionnaires devenus entrepreneurs, créateurs de start-up, leaders de la transformation numérique du soin. En gros, deux catégories de gens, ceux qui auront compris les enjeux, qui seront riches, peu nombreux. et les autres. Alors, que montre le document d'OpenAI, le HealthBench, et qu'est-ce que ça implique ? Alors, ce document, il ne parle pas directement des statuts sociaux ou de l'évolution de carrière, mais il montre quand même à quel point certaines tâches de notre métier sont en train d'être absorbées par l'IA. Diagnostics standardisés, tri de symptômes, réponse à des questions médicales simples, rédaction de comptes rendus, etc. Et donc, forcément, les rôles vont évoluer. Mais... Et rien dans ces données ne dit que les médecins vont tous devenir des exécutants sous-payés, ou que seuls quelques-uns s'en sortiront. Ce que les résultats suggèrent, c'est que le cœur du métier médical va changer. Ça, c'est sûr. Je pense qu'on s'en rend tous compte. Et que, en fait, ceux qui ne s'adapteront pas risqueront de se trouver défasés. Donc, en pratique, si tu exerces en tant que médecin généraliste, peut-être qu'une bonne partie de tes consultations sont des demandes simples, renouvellement d'ordonnances... petits symptômes, explications, etc., une IA pourra très rapidement traiter ces situations dans beaucoup de cas. Pas parfaitement, mais de mieux en mieux. Si tu fais exactement ce que l'IA sait faire, sans plus-value humaine, contextuelle ou relationnelle, alors ton utilité va baisser. C'est une évidence. En revanche, si tu sais travailler avec l'IA, l'utiliser comme un assistant puissant, Si tu es capable de naviguer dans les zones de complexité, de doute, de singularité humaine. Si tu sais coordonner, prioriser, superviser, accompagner. Alors, tu restes au centre du système. Donc en pratique, l'avenir ne sera pas forcément une dichotomie entre des start-upers millionnaires et des médecins assistants résignés. Mais ceux qui refuseront de s'adapter seront effectivement dépassés. Refuser l'IA, c'est un peu comme refuser l'internet en 2005. A l'inverse. L'embrasser aveuglément sans passer à son usage serait aussi dangereux. Le vrai enjeu, c'est de reconquérir du sens dans notre rôle médical. Et de le redéfinir à la hauteur de ce que l'IAC ne sait pas encore faire. C'est-à-dire, comprendre une personne dans sa complexité, décider avec elle, l'accompagner dans ses peurs, ses choix, ses paradoxes. Porter une responsabilité, on en a parlé. Assumer un doute, assumer de dire « je ne sais pas » . C'est là qu'on reste utile et irremplaçable. Ma brève analyse, tout dépendra de notre capacité à nous adapter individuellement et collectivement. Rien n'est joué. Nous arrivons à la conclusion de cet épisode sur l'intelligence artificielle, la médecine et nous. Qu'est-ce qu'il faut retenir de tout ça ? En conclusion, oui, l'intelligence artificielle progresse à une vitesse fulgurante. Oui, elle sait déjà faire mieux que nous sur beaucoup d'aspects très précis de notre métier. Oui, notre façon d'exercer va forcément changer. Mais non. la médecine ne va pas mourir. Non, nous ne sommes pas condamnés à devenir des pions, des machines humaines ou des exécutants transparents. Ce que montre le benchmark HealthBench d'OpenAI, c'est une image plus fine que celle très tranchée qu'on entend parfois. Je veux dire par là que l'IA est forte, mais elle n'est pas encore infaillible. Peut-être qu'elle ne le sera jamais. L'humain reste utile, mais à condition d'évoluer et de prendre en compte ces nouvelles technologies et de se... demander sans arrêt quelle est ma ressource qui ne peut pas être remplacée par l'IA pour que je la cultive au maximum. La complémentarité n'est pas automatique, mais elle peut devenir puissante si on la construit intelligemment. Notre rôle, à l'heure actuelle, ce n'est plus de tout savoir. Ça, c'était le cas de nos parents médecins. Notre rôle aujourd'hui, c'est d'apprendre à piloter l'IA, à encadrer, à contextualiser, à assumer ce que l'IA ne peut pas, à redevenir de vrais cliniciens. des décideurs. Ça, j'y tiens beaucoup. Je ne sais pas à l'heure actuelle comment l'IA peut palper un ventre, taper un réflexe. Ça me paraît inconcevable. Donc, à mon sens, le médecin de demain, ça sera... un excellent clinicien, un interrogatoire et un examen physique qui sera redevenu la pierre angulaire de la médecine pour bien orienter les patients et des facultés humaines qui devront être surdéveloppées par rapport à actuellement. Et ce n'est peut-être pas une si mauvaise nouvelle parce qu'on est quand même un petit peu sous-développés humainement dans le soin, j'ai l'impression. C'est pourquoi, en conclusion, moi je crois évidemment énormément à la médecine intégrative. C'est là que toutes les INM prennent leur place. Le yoga, la méditation, le Shinrin-yoku, la sophrologie, que sais-je, je ne sais pas comment les machines peuvent faire ça. Peut-être que c'est le moment de nous approprier tout ça, de pousser les études de toutes ces interventions non médicamenteuses pour les populariser. Parce que l'IA ne pourra pas faire ça. Surtout, tout ça doit nous inciter à rester des soignants humains dans un monde qui sera de plus en plus technologique, mais qui aura toujours besoin de discernement, d'écoute et de responsabilité. Une machine née actuellement. pas responsable. Ne fuyons pas cette révolution, ne la subissons pas non plus. Formons-nous, adaptons-nous, restons curieux, restons ouverts, restons extrêmement exigeants avec nous-mêmes. Diversifions-nous, montez des boîtes, montez des projets parallèles, ça ne fait qu'augmenter nos compétences humaines, techniques, et ça nous aide même en tant que soignants. Gardez la pêche, gardez l'optimisme, faites plein de choses et puis investissez les domaines que l'IA ne pourra pas vous voler. Je vous souhaite le meilleur et je vous dis à très vite dans un prochain épisode de Superdocteur. Bravo, vous êtes bien arrivé à la fin de cet entretien. J'espère qu'il vous a inspiré et apporté des clés utiles pour votre pratique. Pour ne rien manquer des prochains épisodes de Superdocteur, pensez à vous abonner dès maintenant. Si mon travail vous plaît, parlez-en autour de vous, à vos consoeurs, vos confrères et même à vos internes. Et si vous voulez me soutenir, laissez-moi une belle note de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. C'est rapide, ça m'aide énormément et surtout ça permet à d'autres médecins de découvrir ce contenu pour que l'on partage ensemble nos idées et améliorer nos pratiques. Merci pour votre écoute et à très bientôt !