- Speaker #0
Super Docteur, c'est le podcast des médecins généralistes. Le podcast qui vous transmet les recommandations de bonne pratique et les résultats des grandes études qui vont changer vos habitudes. Super Docteur, c'est la découverte de méthodes de soins innovantes et des interviews de soignants inspirants qui boosteront votre motivation. Un contenu court et pratique, chaque semaine, pour tous les médecins. Bonjour à tous et bienvenue dans Super Docteur. Dans le premier épisode de cette petite série, je vous ai parlé avec mon invité de Médecins Solidaires, une initiative médicale innovante qui propose de lutter contre les déserts médicaux. Dans ce deuxième et dernier épisode de cet entretien, je vous propose de parler avec mon invité des manières pratiques de s'inscrire dans cette association pour participer activement à cette aventure. Je vous remercie beaucoup d'être toujours plus nombreux à écouter ce podcast et comme d'habitude, si vous voulez m'aider simplement, il vous suffit de me mettre une belle note de 5 étoiles sur vos applis. Excellent, t'écoutes.
- Speaker #1
Vous mettez un point d'honneur aux valeurs. Il y a beaucoup de valeurs qui sont mises en avant dans votre collectif. Est-ce que tu peux m'en toucher un petit mot ? Ça m'a l'air très important pour vous.
- Speaker #2
Oui, c'était peut-être même, je crois, une des premières choses qu'on a fait, de définir un corpus de valeurs parce qu'on n'est pas dans un modèle classique, on est dans un modèle où on demande aux médecins un véritable engagement parce qu'ils vont être moins bien payés que ce qu'ils méritent. Pourquoi ils vont être moins bien payés que ceux qu'ils méritent ? Parce que malheureusement, on n'a pas les moyens de les payer plus. Non pas qu'on ne voudrait pas, mais parce que si on les payait plus, notre modèle économique ne fonctionnerait pas et donc on ne pourrait pas développer le projet. On est dans un projet qui veut être un projet d'immédiate efficacité et donc on fait avec le système tel qu'il est, avec ses défauts, avec ses insuffisances, mais on dit avec le système tel qu'il est, on met en place quelque chose qui fonctionne tout de suite. Et ça demande du coup une adhésion de la part des médecins de dire ok. Je sais que je mérite plus d'argent, surtout pour me déraciner pendant une semaine, loin de chez moi, c'est un effort. Je vais voir un certain nombre de patients. Et le salariat, c'est 1 000 euros la semaine. Je ne sais pas si je l'avais déjà dit, mais c'est…
- Speaker #1
D'accord. Le tarif chez toi, 1 000 euros la semaine pour aller remplacer dans un désert.
- Speaker #2
Voilà. Indépendamment du volume d'activité, parce que c'est plus simple pour nous en termes de budget prévisionnel, c'est plus simple en termes de réalisation des paiements et parce que c'est plus facile à véhiculer comme… narratif et comme explication que de dire il y a un fixe, un variable en fonction de ceci, cela. C'est 1000 euros la semaine. Le nombre de consultations est à peu près toujours le même. Il y a combien de consultations ? Alors, c'est entre 22 et 25. C'est trois consultations par heure. Avec même des consultations de 40 minutes pour l'ouverture des dossiers des patients porteurs d'ALD, de pathologie chronique. C'est vraiment un cadre serein qu'on a voulu comme tel en étant très conscient que... Le médecin qui faisait cet effort-là, il fallait qu'il soit dans un cadre d'exercice qui lui donne envie de revenir parce que la clé du projet, elle est dans la récurrence de l'engagement des médecins. Et donc, pour revenir à ce que je disais, comme on demande un engagement très fort aux médecins, il faut qu'il y ait une adhésion à une communauté de valeurs. Il faut qu'on dise, en fait, quand je m'engage dans ce projet, je m'engage dans quoi ? Ces gens-là, ce collectif, qu'est-ce qui les réunit ? Ce qui nous réunit, c'est cette envie farouche de défendre une médecine humaniste de proximité, dans un monde qui, à mon avis, on a plus besoin que jamais. Plus besoin que jamais dans la médecine, parce qu'on voit qu'il y a une financiarisation grandissante de la médecine, avec des prédateurs qui ont envie d'aller surfer sur ce marché de l'accès aux soins. Et pourtant, Dieu sait que je ne suis pas anticapitaliste, mais je trouve qu'il y a une nécessité peut-être de sacraliser le domaine de l'accès aux soins, de la santé. On ne peut pas faire de profit sur le malheur des gens. Ça, ça me paraît indécent. Et donc, je crois que c'est notre rôle, nous, en tant que médecins généralistes, de mettre cette barrière-là et de ne pas être dans une indignation juste de canapé, mais d'action en disant, on y va concrètement. On n'est pas juste à dire, il ne faut pas, il ne faut pas. On propose une alternative, mais qui nécessite un engagement humain.
- Speaker #1
Excellent, c'est clair, ça fait envie. Tu défends tellement bien ton projet, qui est d'ailleurs hyper vertueux. Ça fait plaisir de rencontrer des gens, des personnalités comme toi. J'imagine que ça n'a pas dû être de tout repos, parce que ton association gère quand même beaucoup de choses, notamment beaucoup d'administratifs,
- Speaker #0
de logistique.
- Speaker #1
Est-ce que tu peux me toucher à un mot, par exemple, sur un des défis principaux que tu as pu rencontrer dans ce noble projet ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr, c'est beaucoup de travail. Heureusement, je suis loin d'être tout seul. On a, comme je le disais tout à l'heure, j'en touchais un mot, mais on a construit une vraie équipe, puisque aujourd'hui, Médecins Solidaires, c'est 26 salariés, 16 dans les territoires, dans les centres de santé, nos coordinatrices qui sont donc salariées dans les territoires, 10 dans une équipe centrale. 10 salariés pour 7 centres de santé, c'est presque du luxe, c'est beaucoup, mais c'est parce qu'il y a une partie de cette activité qui est de gérer les centres existants. tout ce qu'il y a de ressources humaines vis-à-vis des coordinatrices, de nécessités administratives, comptables, informatiques, gestion des matériels, inventaires, etc. Et puis, il y a toute une autre partie qui est sur le déploiement des futurs centres de santé, la croissance du collectif, le suivi des médecins. Forcément, nous, on a un travail supplémentaire que n'ont pas les opérateurs de centres de santé habituels qui est que chaque semaine, notre médecin est différent. Autant te dire que sur le plan administratif, c'est un truc fou.
- Speaker #1
C'est le plus fou que tu aies à gérer, j'imagine.
- Speaker #2
Il y a des salariés, quelqu'un, entre la déclaration préalable à l'embauche, le contrat de travail, le solde de tout compte, le bulletin de salaire, le virement, etc. C'est très important comme travail.
- Speaker #1
C'est étonnant parce qu'on est dans un pays où l'administratif est hyper facilité. J'ai l'impression que c'est hyper simple. C'est très étonnant que tu rapportes ce problème.
- Speaker #2
Oui, je suis passé. Pardon, j'étais bien sur le premier degré.
- Speaker #1
C'était une petite... Une petite boutade qui a failli prendre l'eau. Est-ce que tu peux me raconter comme ça, par plaisir, une petite anecdote marquante ou un moment fort que tu as pu rencontrer dans ce projet, entre les gens qui viennent, les patients qui voient y arriver des médecins ? Est-ce que tu as une image comme ça à me partager qui t'a marqué dans ces dernières années ?
- Speaker #2
Oui, alors c'était quand on a ouvert notre premier centre de santé à Agen, donc c'était un projet très expérimental. Assez vertigineux, puisqu'on engageait une commune, les finances d'une commune, les habitants d'une commune, dans la location d'un cabinet modulaire pour deux ans. C'était une charge importante. Si le projet n'avait pas marché, eux, ils s'étaient engagés à louer le truc pendant deux ans. Il y a un moment où on a sauté dans le vide. On était dans les premières semaines de l'ouverture de ce projet expérimental. On recevait des premiers patients. Et puis, je vois arriver une patiente qui arrive et qui... avait un peu le morphotype de Marine Le Pen. C'est le moment du Covid, elle avait un masque, elle avait les yeux bleus, elle était blonde, avec les cheveux un peu au carré comme ça. Et elle arrivait de Montluçon, alors Montluçon, il faut se rendre compte, c'est à une heure du centre de santé où on était. Donc c'est quand même pas rien. En fait, elle nous dit qu'elle était en train d'attendre aux urgences de Montluçon et qu'elle a regardé sur Internet et qu'elle a vu qu'il y avait une place disponible dans notre centre de santé. et elle a fait la route. Et elle est venue et elle nous a dit mais en fait, pendant que moi j'étais en train d'attendre aux urgences d'un hôpital où il y avait des médecins étrangers qui n'entendaient pas, qui ne comprenaient pas ce que je leur disais et je vois que vous, vous venez là avec votre centre de santé, enfin, quelqu'un vient s'occuper de nous. Pendant que le gouvernement dépense des millions d'euros à l'étranger, etc., vous, au moins, vous occupez de nous. Alors, je ne partage pas du tout ce qu'elle peut penser, ce qu'il pouvait y avoir derrière comme message, mais je me suis dit, on est en train de faire de la politique. Mais on est en train de faire de la politique au sens utile du terme. C'est-à-dire qu'il y a une adéquation assez étonnante entre ce qui fait le vote RN et les territoires en manque de médecins. Hum. Seuls les médecins pourraient régler le problème, parce que c'est des territoires qui sont abandonnés par beaucoup d'infrastructures et des infrastructures médicales. Mais si tu veux, il y a là une personne qui était en colère, avec la sensation de ne faire que perdre des choses, chaque mois, chaque année, perdre l'accès à des infrastructures, perdre l'accès à du service public, perdre l'accès aux soins, perdre du terrain. Tous ces gens dans ces territoires, ils ont l'impression d'être... décrocher petit à petit. Et là, c'était la première fois depuis longtemps qu'elle avait le sentiment que quelqu'un venait raccrocher quelque chose. Et je me suis dit là, on fait de la politique, vraiment pas dans le sens politicien, mais dans le sens où si on arrive à développer un projet comme ça, qui vient tracter la fraternité, qui est en train de s'affaisser dans notre pays, comme beaucoup d'autres valeurs, peut-être, peut-être qu'on peut être l'amorce de quelque chose qui pourrait induire un changement dans la perception qu'on a des territoires ruraux, des territoires oubliés. C'est un peu long comme anecdote.
- Speaker #1
Très intéressant.
- Speaker #2
Elle est particulièrement en phase avec ce qu'on vit aussi en ce moment.
- Speaker #1
Oui, et puis ça illustre l'immensité de ce projet, en fait. Tu peux le réduire à quelque chose de très petit, c'est-à-dire un médecin qui vient remplacer quelqu'un dans une zone rurale. Et puis, quand tu grossis la loupe, tu vois qu'en fait, ça charrie, ça véhicule des idées politiques, économiques, etc. C'est hyper intéressant. Et j'imagine qu'il faut aussi assumer ça face aux... aux institutions locales, etc. Et j'espère que tu es entouré et que tu prends ce rôle aussi avec responsabilité. Martial, je te remercie infiniment. On va arriver à la fin de notre entretien. Est-ce que tu peux m'expliquer, pour terminer, en pratique, comment on fait quand on est médecin, généraliste, qu'on a envie de vous rejoindre ? Qu'est-ce qu'on fait en pratique, maintenant ?
- Speaker #2
Alors, en pratique, on se rend sur le site internet www.medecins-solidaire.com Là, on se renseigne un petit peu en naviguant sur notre site internet. On regarde un peu tous les contenus. Et puis, si on est toujours tenté, on clique sur l'onglet Devenir un médecin solidaire On remplit un formulaire. On prend un rendez-vous pour faire une visio avec un de nos sept médecins recruteurs. C'est une visio qui dure une petite vingtaine de minutes, qui n'engage à rien. À la fin de la visio, ça peut être Écoutez, je vais réfléchir On n'a pas encore pris la décision. Et puis, après, une fois que le recruteur… est passé et que le profil est validé, on accède à l'espace membre et là, on peut choisir sa semaine et c'est parti pour la grande aventure. Ne sous-estimons pas, chers confrères, chers consoeurs, le rôle que nous avons dans notre société dans laquelle l'ensemble des valeurs sont en train de s'affaisser. Nous sommes légitimes pour pouvoir tracter cette fraternité et la remettre à l'ordre du jour. Donc, engagez-vous au-delà de... délivrer du temps médical disponible, c'est aussi un projet d'engagement de société. Et on a cette légitimité-là et je crois qu'il faut qu'on s'en saisisse.
- Speaker #1
C'est super clair, je vais mettre toutes ces infos dans les notes de l'épisode et puis j'envoie une newsletter, le super récap en fin de semaine dans lequel je récapitule en une minute une petite fiche pratique de tout l'échange de la semaine et je mettrai tout le résumé dont on vient de parler et toutes les informations pratiques. Je te remercie infiniment. Martial, je te souhaite de continuer ton projet, de te développer. Et puis, à ce temps, en contact, moi, je pourrais te donner un coup de main si tu en as besoin de ces quatre. À bientôt.
- Speaker #2
Avec plaisir. À bientôt, Mathieu.
- Speaker #1
Bravo,
- Speaker #0
vous êtes bien arrivé à la fin de cet entretien. J'espère qu'il vous a inspiré et apporté des clés utiles pour votre pratique. Pour ne rien manquer des prochains épisodes de Super Docteur, pensez à vous abonner dès maintenant.
- Speaker #1
Si mon travail vous plaît,
- Speaker #0
parlez-en autour de vous, à vos consoeurs, vos confrères et même à vos internes. Et si vous voulez me soutenir, laissez-moi une belle note. de 5 étoiles sur votre application de podcast préférée. C'est rapide, ça m'aide énormément et surtout ça permet à d'autres médecins de découvrir ce contenu pour que l'on partage ensemble nos idées et améliorer nos pratiques. Merci pour votre écoute et à très bientôt.