S3E11 - Le marché des dettes souveraines - avec Mikael Eskenazi (JP Morgan) cover
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S3E11 - Le marché des dettes souveraines - avec Mikael Eskenazi (JP Morgan)

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47min |12/06/2024
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Description

Dans ce dernier épisode de la saison nous recevons Mikael Eskenazi, trader en emerging sovereign debt chez J.P. Morgan à Londres.


Après des expériences à la Banque Centrale Européenne et en conseil aux gouvernements chez Lazard, Mikael a rejoint un desk de trading, spécialisé dans les dettes souveraines émergentes. Il y. est notamment en charge du portefeuille MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient).


Mikael Eskenazi nous parle des caractéristiques de ce marché, des questions de liquidité et des termes des restructurations en cours et à venir.


Il évoque également la pénétration des données dans le trading, et l'évolution des profils des traders.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    en partenariat avec l'Institut Louis Bachelier et le FINDEV Lab.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de la saison 3 de Takeoff qui sera le dernier. Je m'appelle Wessim Jouni, j'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui Mickaël Eskenazi, VP chez JP Morgan et trader à Londres où nous nous trouvons, spécialiste de dette souveraine des pays émergents. On dit parfois High Yields, on y reviendra. Mickaël, bonjour et merci d'avoir accepté mon invitation.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    On va parler de la dimension finance de marché de cet écosystème, cette dimension finance de marché qu'on n'a pas encore eu l'occasion d'aborder dans ce podcast, la question de la liquidité, des indices, les datas pertinentes. le processus d'émission de dette, etc. Mais peut-être d'abord, pour vous présenter, vous avez commencé votre carrière à la BCE, puis vous êtes passé dans le conseil financier au gouvernement chez Lazare, avec notamment sous la houlette, disons, de Daniel Cohen, dont nous honorons ici à mémoire. Et je renvoie à l'épisode avec Anne-Laure Kichel pour celles et ceux qui se mettent y intéressent. Avant de rejoindre les desks de trading chez JP Morgan, pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix, ce qui vous plaît dans cette activité-là ?

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité. J'ai écouté vos podcasts, enfin quelques-uns en tout cas jusqu'à présent. C'est très intéressant et je pense que c'est en effet une partie du marché que vous explorez là où peu de gens se sont nécessairement explorés, particulièrement en français. Donc c'est toujours bien d'avoir ça. Et moi, je voudrais simplement commencer par dire, puisque vous me posez la question sur mon parcours, Lorsque souvent on va vers des recruteurs ou lorsqu'on parle à des universités, on entend de plus en plus le mot de non-linéarité, le parcours non-linéaire. Je pense vraiment que je suis complètement l'exemple de cette non-linéarité. J'ai commencé, j'ai une formation d'économiste, essentiellement même j'allais dire d'économétrie, donc assez technique. J'étais à la BCE pendant quelques années où je faisais vraiment du modeling, donc vraiment complètement différent de ce que je fais actuellement. J'ai fait un passage. assez court chez Lazare à Paris, où là, d'un coup, je suis rentré dans les pays émergents, mais vraiment côté conseil. Et puis, après cette expérience-là, c'est vrai que j'avais envie de passer marché. Et quand j'y repense, à mon avis, j'ai toujours voulu faire du marché. Je pense que quand même, je suis arrivé chez Lazare, j'avais cette impression-là qu'il y aurait un élément d'investissement ou en tout cas un élément qui se rapporterait comme ça à l'aspect marchand. Et sans doute qu'il y a eu des éléments comme ça dans leur passé. C'est vrai que moi, j'y étais dans une période qui était particulièrement calme, où on était sur des mandats qui n'étaient pas forcément transactionnels. Et donc quand je suis arrivé chez JP, je suis passé pendant un an en stratégie, donc vraiment complètement différent, on était dans une équipe où le but est essentiellement de donner du conseil aux investisseurs en buy side, et puis au bout d'un an, un an et demi, c'est vrai que j'avais envie d'avoir mon propre risque, et donc je suis passé en trading chez JP. Et donc le DEB sur lequel je suis, c'est un DEB qui fait de la dette souveraine émergente. Donc en fait, on traite essentiellement toute la dette des pays émergents, dette souveraine, c'est-à-dire la dette des pays, la dette des gouvernements, qui est libellée en hard currency, c'est-à-dire en dollars essentiellement. A peu près 85% de ce qu'on fait, c'est du dollar, mais aussi de l'euro et un peu de sterling et du yen.

  • Speaker #1

    Peut-être juste une toute petite question là-dessus avant qu'on rentre dans le cœur du sujet, parce que pour celles et ceux qui nous écoutent et qui se projettent dans ces métiers-là, on parle beaucoup de relocalisation, ces métiers d'aide de marché de Londres vers Paris, Londres étant historiquement la place du marché, est-ce que c'est encore largement en cours ? Est-ce que c'est assez limité en ampleur ?

  • Speaker #0

    La dynamique est toujours dans ce sens-là, mais je dirais quand même que... Si on regarde le flot de gens qui sont partis de Londres vers Paris, mais pas simplement Paris, il y a Francfort, il y a Milan et puis d'autres villes, contre le flot à Vert, c'est-à-dire des gens du continent qui viennent à Londres, on est encore quand même dans une certaine... Je ne veux pas dire domination parce que ce n'est pas vrai, mais on a quand même la majorité de flot qui est encore plutôt vers le Royaume-Uni. Alors, évidemment, à mon avis, c'est lié à deux choses principales. La première, c'est plutôt la formation quand même. C'est vrai qu'il y a encore beaucoup d'anglo-saxons qui font de la finance lorsqu'ils sont à l'université, et essentiellement pour eux la finance c'est de la finance de marché. Donc au fond vous avez fait de la finance à l'université, et puis le premier job que vous allez avoir c'est essentiellement soit un job de research, soit un job de trading, soit un job de sales. Donc c'est un métier qui est extrêmement internalisé pour les étudiants anglo-saxons. Et le deuxième point c'est que, contrairement aux étudiants français qui ont plutôt tendance à faire du conseil, en tout cas au départ, et le deuxième point c'est que quand même ces grandes banques américaines qui ont quand même comme JP comme nous ici qui avons une très grande activité de marché sont encore essentiellement localisées ici Mais on a envoyé une certaine partie de nos équipes à Paris. C'est vrai que ça s'est fait plutôt en sales. Les équipes de research sont plutôt ici. Et à mon avis, à part sur des produits vraiment continentaux, les équipes de trading sont encore plutôt ici. En tout cas, nous, en emerging market, on n'a pas de traders à Paris.

  • Speaker #1

    Pour rebondir sur cette segmentation que vous avez proposée, ça va nous permettre aussi d'un peu mieux expliquer tous ces métiers. C'est un écosystème un peu complexe dans lequel les gens ne se repèrent pas forcément. Donc vous, vous construisez à la fois des stratégies d'investissement et vous passez en même temps les ordres, tout en aussi les proposant, j'imagine, à des clients professionnels, puisque c'est un marché professionnel. Mais dans cet écosystème, il y a les sales, les comptes strategistes, le back-office, le front-office. Est-ce que vous pouvez en gros nous résumer la chaîne alimentaire de comment fonctionne un desk de trading ?

  • Speaker #0

    Mais d'abord, je pense que c'est important de dire quand même que cette histoire du mapping de l'industrie, c'est un problème que tous les, à mon avis, tous les juniors ont. Moi, je me souviens très bien quand j'étais étudiant, ça m'a pris des années de vraiment bien comprendre ce qui se passait dans toutes ces banques. Et les gens disent, mais moi, je travaille en finance. Et en fait, il y a 150 000 métiers en finance. Donc, en fait, pour faire très simple, une grande banque d'affaires comme nous et comme d'autres banques américaines, européennes ou asiatiques, c'est... La production est une activité privée, d'accord ? Donc une activité de conseil essentiellement, qu'on a nous ici et que d'autres banques ont, et une activité publique. Et l'activité publique en très grande majorité, d'accord ? Il y a d'autres métiers, mais la très grande majorité c'est ce qu'on appelle les activités de marché. Et les activités de marché sont essentiellement organisées autour d'une idée de front office et de middle office, ok ? Donc le front office en activité de marché c'est research, sales and trading. Ok, donc la research c'est clair, c'est les gens qui font du... qui font vraiment du travail approfondi, du travail d'analyse. Ce n'est pas de la recherche académique, mais c'est clairement un travail plus de temps long, où il y a beaucoup d'efforts qui sont faits en particulier sur la macro, en particulier sur tout ce qui est fixed income, mais il y a aussi une partie qui fait equity research, donc c'est un peu différent. Mais seulement ces gens-là sont des analystes. Après, on a les sales. Les sales, c'est les gens qui sont plutôt censés gérer la relation client. C'est vrai qu'il faut comprendre que pour la majorité des clients d'une grande banque d'affaires, prenons l'exemple de JP Morgan, pour la majorité des clients là, JP Morgan, c'est leur salesperson. C'est la personne avec laquelle ils vont interagir de façon quotidienne. Et puis, les traders. qui gèrent le risque, et dont le métier est essentiellement de donner de la liquidité aux clients, donc de permettre aux différents clients, qui sont pour simplifier des investisseurs, de pouvoir vendre ou de pouvoir acheter du risque en fonction de leur propre stratégie. Et donc un trader va essentiellement, selon le produit qu'il fait, être en mesure de donner soit ce qu'on appelle un bid, donc de pouvoir acheter un produit, ou alors une offre et donc de pouvoir vendre. Et vraiment pour rester sur le trader, moi quand j'ai commencé en trading, je me souviens très bien, un de mes mentors m'a expliqué, au fond il faut bien se figurer une sorte de grand marché de poissons. Mais en fait, ça paraît ça, mais c'est complètement ça. On est, dans ce marché de poissons, on est vraiment les marchands de poissons. Et on est là pour vendre et pour acheter du poisson. Et puis, la grande différence, en revanche, avec un marché de commodité classique, c'est que le prix de ce qu'on fait bouge énormément. Il bouge en fonction d'un certain nombre de facteurs. Et donc, notre rôle à nous, il est à la fois de servir nos clients, donc de leur permettre de mettre en place leur propre stratégie, même si parfois, ce n'est pas exactement ce qu'on veut faire nous. Donc, on va acheter tel ou tel produit.

  • Speaker #1

    On va passer des ordres qui vous sont de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fois, une fois qu'on a donné de la liquidité à nos clients, c'est de gérer notre propre risque. puisque évidemment nos books, nos balance sheets, si tu veux, sont remplis d'un certain nombre de risques sur lesquels nous on doit après mettre en place des edges, donc les edges c'est simplement des produits qu'on achète ou qu'on vend pour essentiellement consolider d'autres risques, et donc si vous voulez la gestion de ce risque-là prend énormément de temps. Alors maintenant il y a trois façons de monétiser ce qu'on fait. pour faire très rapide. Le premier point, c'est évidemment de produire un tout petit peu de marge sur tout le flow qu'on fait tous les jours. Alors là, les marges, elles sont petites, très petites. Et donc, c'est vraiment un métier de volume. La deuxième façon, c'est d'avoir simplement une bonne position sur un produit ou sur un autre et d'avoir raison essentiellement. Que ce soit d'être long, c'est-à-dire avoir le risque, ou d'être short, c'est-à-dire de ne pas avoir le risque. Et le troisième point, c'est de mettre en place des... ce qu'on appelle des Harveys techniquement. Il s'agit simplement d'avoir des vues sur la façon dont ces produits-là vont se comporter. Il y a un certain nombre de trades qu'on peut mettre en place, je ne rentre pas dans les détails ici, mais il y a un certain nombre de trades qui sont un peu techniques qu'on peut mettre en place, sur lesquels le trader va potentiellement bénéficier.

  • Speaker #1

    Et alors, si on élargit un peu la focale, donc ça c'était vraiment les métiers du desk de trading, si on élargit la focale aux activités de type une banque comme J.P., il y a aussi des gens qui gèrent des fonds, donc ça c'est un autre métier, et peut-être un tout petit focus sur les gens qui font de l'origination, qui est aussi une partie du DCM et qui connecte avec notre question des fixed income, donc qu'est-ce que vous pouvez nous en dire en gros ?

  • Speaker #0

    Complètement, donc il y a d'autres activités, comme vous le dites, c'est l'origination, donc tout ce qui est syndicate, d'accord ? Donc là ce sont des métiers dont le but est de produire, donc de nouveaux produits. Donc typiquement... Pour en tout cas ce que moi je vois presque tous les jours en ce moment, il s'agit de permettre aux différents pays d'émettre de nouveaux bons. Donc ça c'est vraiment un vrai métier qui est à part. Ce sont des gens qui travaillent de leur côté avec nos clients et à la fois qui travaillent aussi avec nous les traders parce que lorsque le nouveau bon est émis, le desk est en charge de trader ce bon au tout départ, donc de le mettre dans le marché. donc ça c'est une activité qui est très importante et qui est absolument centrale particulièrement en Energy Market en ce moment je suis sûr qu'on en parlera et puis les gestions de fonds alors ça c'est un peu différent parce que typiquement chez nous on a on a JP Morgan Asset Management et ça c'est la partie vraiment qui est de l'autre côté du mur donc ça ça peut être en fait nos clients eux ils font partie d'un métier comme je disais au départ de Buy Side donc eux ils font partie du groupe de gens qui sont des investisseurs et qui viennent chez les DAZ de trading pour mettre en place leur propre stratégie.

  • Speaker #1

    La caractéristique des produits sur lesquels vous posez des ordres, c'est qu'ils sont peu liquides. C'est souvent la caractéristique à laquelle on associe les emerging markets. Peut-être que vous pouvez nous expliquer concrètement, c'est-à-dire quoi peu liquide, c'est quoi la détention moyenne d'un titre pour un desk comme JP ? Et surtout, est-ce que c'est limite pour les professionnels à venir sur ces marchés, parce que la liquidité est quand même un gros enjeu, ou est-ce qu'au contraire c'est aussi là qu'il y a des opportunités d'arbitrage ?

  • Speaker #0

    Alors, La liquidité. Je proposerais une définition peut-être un peu plus de de practitioner, d'accord ? Une définition de quelqu'un qui est dans le marché. Et à mon avis, la liquidité, c'est quand il y a au même moment dans le marché à la fois des vendeurs et des acheteurs. Alors là, si on prend cette définition-là, c'est-à-dire de ce two-way-là dont je parle, est-ce que l'emerging market sauverait une dette ? Est-ce que ça, c'est liquide ? Je pense qu'il faut expliquer qu'on a eu, depuis deux ans, un très grand changement sur la façon dont nos marchés fonctionnent, qui est évidemment l'augmentation, on en parle en permanence, des taux d'intérêt globaux. Et qui ont fait quand même que pour certaines parties des clients qui voulaient regarder l'Emerging Market parce que nos yields étaient beaucoup plus élevés que la majorité du reste du marché il y a 2, 3, 4, 5 ans, aujourd'hui ça a un peu disparu. Et donc, ce qu'on a perdu depuis 2-3 ans, c'est tous ces clients-là qui nous regardaient et qui aujourd'hui, en fait, ils ont à peu près, si vous voulez, notre bénéfice relatif par rapport au marché développé est très faible. Et donc, ces gens-là, ils sont partis du marché. Et donc, la liquidité, parce que ces gens-là étaient les acheteurs. primaires, les acheteurs quotidiens de notre risque, et qui permettaient donc d'avoir ces acheteurs et ces vendeurs, ces acheteurs-là, ils ont disparu. Ils ont disparu depuis maintenant 2 ans, 2 ans et demi. Les flots de la part de cette partie-là du marché, c'est-à-dire des gens qui pouvaient regarder à la fois les marchés développés et qui s'étaient intéressés au marché en développement, on est au plus bas depuis 15 ans. Et donc oui, notre liquidité, en revenant à la définition que j'ai donnée juste avant, elle a beaucoup baissé.

  • Speaker #1

    On reviendra à la question des différentes catégories, des différentes poches de liquidité d'une part et différents titres qui sont tradés, mais juste peut-être une petite incite sur ce que vous venez de dire. Il y a eu cet assèchement des marchés émergents, parce qu'effectivement quand on a un taux sans risque à 5%, c'est plus facile d'acheter des titres du trésor américain. En même temps, on voit que les marchés sont en train de se rouvrir. On a vu l'émission de la Côte d'Ivoire, l'émission du Bénin, parce que ces pays ont besoin de se refinancer. Et c'est des marchés qui aussi ont vu très peu d'émissions ces dernières années. Et quand ces opérations se sont réalisées ces derniers mois, elles ont plutôt été très sursouscrites. Donc il y a quand même une forme d'appétence. Est-ce que vous pensez qu'on est quand même dans une phase de réouverture qui pourrait être bénéfique ? Évidemment, on va faire comme le disclaimer habituel, ceci n'est pas un conseil financier, c'est une analyse.

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que d'abord, vous me donnez l'occasion de le dire expressément. Et évidemment, on vous accueille dans les bureaux de JP Morgan. En effet, tout ce que je dis là, c'est évidemment ma vue personnelle et pas la vue de JP. Mais pour rebondir sur votre question et pour vous donner justement ma vue personnelle, vous avez raison, ces émissions-là ont très bien fonctionné. Je me rappelle très bien l'émission de Bénin il y a deux ou trois mois, je me souviens. C'était extrêmement sur-souscrit et ça a très bien fonctionné même ensuite. Donc en quoi il y avait beaucoup d'appétit pour ça. Les émissions de la Turquie sont toujours très bonnes, etc. Je pense que quand on regarde les yields auxquels ces trucs-là ont printé, c'était vraiment dans les hauts 8%, donc 8%, 3 quarts, presque 9%. donc un certain nombre de clients ont pris là en tout cas de compte ont pris la vue qu'au fond si les taux américains avaient été poussés au bout donc disons voilà on n'allait pas aller beaucoup plus haut que ça nos produits commencent à être assez intéressants. Parce que du coup, vous achetez quand même du Bénin, du Ivoricoz, donc on parle quand même du risque de WB, donc ce n'est pas aussi difficile que des risques single B, etc. Du coup, vous détenez un risque qui est relativement safe, on ne parle pas de crédit en défaut, et ça vous rapporte entre 8 et 9% par an. Donc oui, il y a eu beaucoup d'appétence pour ça. Et on continue d'ailleurs de regarder voir ça, notre marché continue de trader très largement sur cette idée-là. Et cette idée-là continue d'être développée tant que le marché garde l'hypothèse que, au fond, la Fed a fini, qu'on n'aura pas plus de hikes. Évidemment, le jour où ça, ça change, toute cette idée-là, que ces pays-là ont accès au marché, à mon avis, elle est terminée. Mais pour le moment, c'est une narrative.

  • Speaker #1

    Et c'est une narrative crédible, par ailleurs. Sans doute. Mais justement, pour revenir sur cette idée de ce spread qui diminue, spread étant en gros l'écart entre lesquels ces pays émettent, et disons le taux des US ou un taux sans risque, en fait, on voit qu'il y a cette catégorie, c'est pour ça que je faisais un incise en introduction sur le concept de high yield, c'est cette catégorie marché émergent. On voit bien que dans cette catégorie marché émergent, il commence à émerger des émetteurs réguliers qui sont en réalité WB, BBB, mais qui ont... une habitude des marchés qui sont, comme vous le disiez, relativement safe, et en même temps, il y a des bondes qui sont beaucoup plus distresses, des pays qui sont en crise. Est-ce qu'au fond, le concept théorique, cette espèce de big box des high yield a encore un sens, ou est-ce qu'il n'y a pas une segmentation de fait entre des segments qui n'ont rien à voir dans leur dynamique ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une très bonne façon d'approcher les choses, et c'est vrai que l'idée de dire high yield et IG, comme on disait avant, donc IG, investment grade, donc tous les trucs qui sont au-dessus de BBB, inclus. à mon avis c'est quelque chose qui doit être un petit peu revu en tout cas nous la façon dont on traite ça on traite sans doute plus comme ça On a à la fois dans l'investment grade, pour en dire juste un mot, même si ce n'est absolument pas du tout ce que je fais, mais pour en dire un mot, il y a vraiment le top du panier, des trucs qui traitent vraiment comme des très jurés américains. Qatar, etc. C'est des trucs vraiment qui sont là. Et puis on a le bas, les trucs qui sont triple bid, etc. En particulier si on a l'idée que potentiellement il va y avoir un downgrade, là on a plus de spread. et il se trouve que cette partie-là du marché a aussi beaucoup de besoins budgétaires, et donc cette partie-là du marché continue d'émettre de façon relativement régulière, et donc continue de mettre une certaine pression sur ses propres spreads, du fait du supply qui est fait dans le marché. Ça c'est sur le côté IG. Maintenant sur le côté high yield, c'est vrai qu'on a une différence existentielle entre d'un côté le BBB, Et quand je dis le double B, ça va du double B plus jusqu'au double B minus. On prend un exemple typique, c'est Oman et Maroc. Des trucs qui sont toujours high yield, mais qui ont vraiment une trajectoire vers l'investment grade. Et puis on a la partie à partir du single B. Et là, dans la partie single B, on était dans un marché il y a 5 ans où, au fond, les gens étaient à la recherche du yield, etc. Et donc, il y avait très soutenu. Et puis aujourd'hui, c'est une partie qui est plus problématique. Les gens ont été un petit peu traumatisés, à mon avis, par le nombre de défauts qu'on a eu depuis essentiellement le Covid. Et donc, c'est vrai qu'une partie des investisseurs ont arrêté de regarder ça. parce que pour ces gens-là, il y avait vraiment une envie d'avoir du yield, etc. Et puis aujourd'hui, ils comprennent qu'on est sur une asset class qui a vraiment un risque de défaut. Et ce risque de défaut qui était un peu abstrait jusqu'en 2019-2020, il s'est complètement matérialisé.

  • Speaker #1

    Mais du coup, sur le marché secondaire, il y a aussi des opportunités à faire parce qu'il y a une volatilité qui est très importante.

  • Speaker #0

    C'est la partie du marché qui a le mieux performé depuis octobre. Donc il faut bien comprendre que depuis octobre, le S&P, il est passé de... Enfin, je ne sais pas, on a dû faire 25-30%, grosso modo quelque chose comme ça. Donc évidemment, il y a eu une énorme appétence pour le risque. Et cette partie-là du marché qui était extrêmement mal pricée en octobre, avec beaucoup de gens qui pensaient que tous ces pays-là allaient exploser, enfin le meilleur exemple c'était l'Egypte, on parlait tous les jours à des gens qui expliquaient que l'Egypte allait faire défaut le lendemain. Et évidemment ça ne s'est pas passé, et donc cette partie-là du marché a très bien performé. Donc ça c'est vrai qu'il y a eu une appétence fondamentale et fantastique pour ces produits-là, même si aujourd'hui à mon avis on arrive un tout petit peu au bout.

  • Speaker #1

    Pour élargir, donc là on parle vraiment du fondamental, c'est-à-dire des titres de dette émis par des pays. Si on prend la catégorie plus générale aussi des produits structurés ou synthétiques qui sont créés, ce qui va nous permettre peut-être de, vous nous disiez un mot de l'EMBI Global Index qui est développé justement par JP Morgan. Mais plus globalement, il y a les CDS qui sont en gros des assurances sur des défauts et tout ça. Quelle part tous ces produits synthétiques représentent du trading ? Est-ce que c'est assez minorité ou en fait est-ce que c'est ça le gros du…

  • Speaker #0

    C'est un produit qui est fondamental. Et particulièrement chez JP Morgan, c'est un produit qui a beaucoup d'histoire chez nous. On a été une des premières banques à faire du CDS, donc il y a toujours eu un grand appétit pour faire du CDS, en particulier chez nous. Juste pour expliquer rapidement, vous l'avez dit, c'est une sorte d'assurance. Donc la valeur du CDS augmente lorsque la valeur du bon sous-jacent diminue, pour dire les choses assez simplement. C'est un produit dit synthétique, en effet. et donc différent du cash. Alors nous, on est un DES de cash, d'accord ? Donc on trade, une très grande partie de ce qu'on fait, c'est du bon, mais certains de nos traders, ce n'est pas mon cas, mais font du CDS aussi. Alors, le CDS, il est important, à mon avis, pour trois grandes raisons. Et quand je parle du CDS, j'allergis même jusqu'à l'index. Vous parliez de l'AMBI. Il y a une vraie demande pour ces produits-là d'abord parce qu'il y a une demande pour les hedges. Encore une fois, je parlais d'un produit qui permet de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup d'exposition à un produit. Disons beaucoup d'exposition par exemple à l'Afrique du Sud. Les élections arrivent, donc disons ça. Une des façons de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup de risque à l'Afrique du Sud, c'est d'acheter du CDS sud-africain. Et donc il y a une demande naturelle en fait pour ce type de produit. Le deuxième point, c'est que ces produits-là permettent aussi d'avoir ce qu'on appelle du CARI. Donc lorsqu'on détient un CDS, on reçoit des cash flows régulièrement pendant l'année, ce qui permet aussi dans des produits qui ne sont pas forcément des produits à défaut, revenons sur l'Afrique du Sud et sans doute à un moment donné sur la Turquie et sur d'autres produits, d'avoir en fait un cash flow sans avoir forcément d'exposition de défaut, si on pense qu'il n'y a pas de défaut. Et puis enfin, le troisième point, c'est que c'est un produit qui est beaucoup plus liquide que les bons. Il y a beaucoup moins de cash en jeu. Donc lorsqu'on achète un bon, il faut avoir le cash pour l'acheter. Lorsqu'on trade le CDS, il n'y a qu'une toute petite partie de cash qui est en jeu. Le reste n'est pas mis en jeu immédiatement, sans rentrer dans tous les détails. Et donc pour beaucoup d'acteurs, particulièrement pour les hedge funds, mais pour d'autres acteurs aussi, le CDS est une très bonne façon d'exprimer un risque général sans être trop intensif en termes de cash utilisé. Et donc pour des comptes qui sont... Je dirais les mêmes choses sur les ETF, sur les index, qu'on appelle aussi ETF, même si c'est légèrement plus cash intensive, mais les mêmes raisons sont utilisées. Je rajouterai que pour l'ETF... L'avantage, c'est que si on revient sur l'AMBI, par exemple, je ne me souviens plus exactement combien il y a de noms dedans, mais à mon avis, il y a 80 noms dedans, dans l'AMBI. Donc, ça permet aussi d'avoir, de prendre une vue de marché sur tous les pays émergents, sans avoir forcément à choisir un seul pays.

  • Speaker #1

    Au sein de ces titres très spéculatifs, donc vous disiez B et en dessous, on peut faire en gros deux catégories. Il y a des pays qui sont très... peut développer une dette qui aurait une capacité à y porter, la dette qui est limitée, donc ils ont un, deux bondes qui sont sur le marché, donc c'est assez risqué. Il y a des pays qui sont plutôt des pays à revenus intermédiaires, mais qui sont dans une conjoncture politico-financière compliquée. On peut penser à l'Egypte que vous mentionnez, la Tunisie, l'Argentine historiquement, l'Équateur, l'Ukraine aussi, pour des raisons qui sont indépendantes de leur montée. Est-ce que, du coup, sur ce type de pays-là, C'est très compliqué d'avoir des facteurs macro de type DSA ou PIB parce qu'au fond ils disent peu de choses. Est-ce que du coup votre métier implique aussi de lire l'actualité politique économique du pays, les négociations FMI, comprendre la situation politique du coup, puisque c'est ça ce que vous pratiquez finalement ?

  • Speaker #0

    Alors la réponse courte, c'est grand oui. D'accord, donc moi je dois passer au moins une heure tous les jours à lire les médias d'une dizaine de pays que je couvre et que je traite. donc ça c'est vraiment pour moi c'est devenu une routine donc toute l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient parce que vous on l'a pas dit mais vous êtes plutôt zone MENA moi je fais plutôt du MENA donc Afrique du Nord et puis aussi Moyen-Orient mon meilleur crédit c'est le Maroc donc c'est un double B mais sinon je fais essentiellement du single B et du triple C Mon crédit le plus tangent, pour le dire poliment, c'est le Liban. Donc des choses vraiment très compliquées. Vous comprenez pourquoi je passe du temps à lire la presse locale de tous ces pays. Mais pour vous répondre de façon un peu plus globale et de façon un peu plus complète, le métier de trader a une grande différence par rapport à un certain nombre d'autres métiers. c'est que quoi que vous fassiez dans la journée, vous parlez aux clients, vous tradez des bons, vous mettez en place des stratégies, vous perdez de l'argent, vous gagnez de l'argent, vous rentrez le soir chez vous et vous avez sur votre book, c'est-à-dire sur votre balance sheet, un risque. Et donc vous avez ce que moi j'appelle le overnight risk. C'est-à-dire que vous avez la mauvaise headline qui arrive le soir, vous avez le mauvais article qui arrive le lendemain matin, vous avez la mauvaise rumeur qui se répand dans le marché pendant que vous dormez, c'est pour votre pomme. Et ça c'est un métier qui, je pense qu'on peut en parler pendant des heures et des heures, mais les traders quand ils commencent, ils réalisent ça très vite. Et donc je pense que ça... Ça implique d'être en effet complètement intégré dans la vie politique du pays qu'on traite, d'avoir une très bonne compréhension de ce qui s'y passe, des différents risques, etc. Ça c'est sur la partie politique, sur la partie médias. Vous parlez de la DSA. Alors, la DSA, oui, c'est complètement ce qu'on fait. Moi, quand j'ai commencé en finance, personne ne faisait de DSA. Il y avait l'EFMI qui faisait ses DSA, et vous aviez les advisors, les gens comme Lazard, comme Rothschild, etc. Aujourd'hui, tout le monde fait des DSA. C'est devenu très à la mode, sans doute parce qu'on a eu beaucoup plus de défauts, et que la DSA reste fondamentalement l'outil qui permet de résumer les stocks, les flows, d'avoir une très bonne idée aussi de la compréhension d'un pays. Quand un pays n'est pas... n'est pas encore en situation de défaut, mais potentiellement pourrait y arriver. La DSA permet d'informer les types de risques et d'avoir une bonne idée de la timeline. Et puis lorsqu'évidemment ces pays-là ont fait défaut, la DSA, en particulier pour les pays à faible revenu, je pense évidemment au Ghana, Zambie, etc., la DSA est l'outil principal du résultat de la restructuration. Donc oui on fait ça, moi je dirais que ma différence sans doute contre d'autres traders c'est que je fais tout ça moi-même. Donc on a évidemment une équipe de research qui font ça aussi, mais moi en ce qui concerne les crédits que je trade moi-même et sans doute pour le desk aussi, c'est vrai que je passe pas mal de temps à faire ça. Donc c'est central, absolument central.

  • Speaker #1

    Alors justement, ça va connecter avec ce que vous venez de dire, parce que la DSA est aussi fondamentale. Quand le défaut advient pour négocier les termes de la restructuration, quand le défaut advient, les titres en général sont neutralisés. Il n'empêche qu'il peut quand même y avoir des opérations. Comment ça fonctionne ? Du coup, c'est des opérations privées, j'imagine, vous en direz plus. Et surtout, comment vous pricez le résultat de cette restructuration qui, par définition, n'est pas connue ? Est-ce que c'est aussi en se fondant sur la DSA ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, sur ce que vous dites, moi, je... Je dirais simplement que lorsque un pays en particulier fait défaut, les titres sont toujours sur le marché. Donc ça, c'est la spécificité des souverains. Les corpos, c'est différent. Sur les souverains, notre index, donc l'EMB, continue de garder ces titres-là dans l'index. Donc les titres Liban, qui ont fait défaut en 2020, si je me souviens bien, ils sont toujours dans l'index et ils tradent complètement. Les titres Ghana, qui ont fait défaut à la fin de 2022, ils sont complètement dans l'index et ils n'ont jamais arrêté de trader. Ce qui va se passer en revanche, c'est qu'on va passer d'un bon qui était avant défaut dans les 80-90, disons, Lorsque le marché va commencer à sentir qu'il y a un défaut qui arrive, on va régulièrement trader dans les 60, quelque chose comme ça, 60, les hauts 60, moi je me souviens, Ghana, on est à peu près là, et puis lorsqu'on a à un moment donné le défaut, on va trader beaucoup plus bas. Alors jusqu'où ? Ukraine en ce moment c'est dans la 20, parce que les produits qu'on trade, qui sont donc des bons, ça trade comme des bons, c'est-à-dire ça trade en yield, ça trade en spread, etc. Mais lorsqu'on commence à arriver sur des situations qui sont compliquées, on trade essentiellement en prix. Et là, en prix, on traite essentiellement presque plus comme une action. C'est-à-dire que le prix va de 0 à 100, essentiellement. Et donc là, le prix va être simplement une fonction de l'offre et de la demande. et l'offre et la demande va être une fonction de tous les facteurs dont on a parlé, mais tout ça pour dire que le prix va bouger très vite, très très vite. Donc typiquement sur un défaut, on va avoir vraiment un prix qui va passer, encore une fois, des hauts 80-90, on va très vite passer vers le 50-60, et puis lorsque le défaut arrive, et si le marché considère que le défaut peut durer, comme ça a été le cas malheureusement sur tous ces pays-là, Ghana, Zambie et d'autres, on peut arriver à des prix qui sont très bas et qui reflètent non seulement la probabilité d'europaiement, comme vous dites, mais qui reflètent plus structurellement la faible demande pour ce type de produit, qui reflètent que les gens n'en veulent pas. Alors maintenant, sur la partie comment est-ce que nous on traite ça ? Gardons en esprit que le bon reste toujours dans le marché. Et donc on est toujours dans la situation où en permanence, le rôle du marché va être essentiellement de comprendre quels vont être essentiellement les termes de la restructuration. non seulement les termes, mais aussi la timeline. Vous le dites, on ne veut pas avoir un produit qui va être immobilisé pendant trois ans. Donc si on dit la restructuration arrive dans trois ans, peu importe les termes, on n'en veut pas. Le prix restera très bas. Mais sinon, le but du marché sera toujours, en permanence, d'essayer d'arriver à ce qu'on appelle la recovery. Donc, je ne sais pas comment on dit ça en français.

  • Speaker #1

    La valeur de recouvrement.

  • Speaker #0

    La valeur de recouvrement, voilà. Final, qu'on obtiendra au moment de la restructuration. Et donc évidemment qu'au fur et à mesure du temps, au fur et à mesure que l'information arrive et est distribuée au marché, n'oublions pas qu'on est du côté public, donc on n'a absolument pas accès aux négociations qui sont faites avec les conseillers, on n'a pas accès à l'information privée du pays, donc on n'a pas forcément accès à toutes les données, etc. Donc on travaille avec des données publiques qui sont parfois très justes et puis parfois qui sont un peu du narratif. Donc je ne veux pas dire rumeurs, mais il y a un peu de ça. Et donc, en fonction de toutes ces données-là, le prix va être une fonction de ce que le marché va penser, que la valeur de recouvrement sera après la restructuration. Alors là, il y a plusieurs facteurs qui rentrent, mais en effet, pour les pays à haut revenu, à l'intérieur des pays émergents, c'est ce qu'on appelle les pays market access. l'ADSA joue un rôle fondamental, mais pas aussi fondamental que pour les pays à faible revenu, parce que l'ADSA du FMI est simplement un des facteurs qui rentreront en jeu dans la négociation finale entre le souverain, qui vient de faire défaut, et les créditeurs, qui détiennent une dette qui est en défaut. Lorsqu'on parle de pays à faible revenu, qu'on appelle dans le jargon des low income countries, donc des leaks, la DSA du FMI est absolument centrale. Parce que le but d'une restructuration sera de permettre aux souverains d'avoir une DSA dite soutenable. Et donc ça, ça va vraiment complètement conditionner les négociations avec les créditeurs. Et donc, un exemple précis, qui est le Ghana, que je peux prendre parce que c'est toujours en cours, évidemment que la DSA du FMI, sur laquelle le marché s'est calé le mieux possible, joue un rôle fondamental parce que cette DSA-là, DSA-là essentiellement, implique ce que sera la valeur de recouvrement après la restructuration. Évidemment, il y a un élément de négociation qui sera pris en compte entre le souverain, ses conseillers et les détenteurs de titres, mais les termes de cette restructuration devront être essentiellement à l'intérieur des contraintes de cette DSLA.

  • Speaker #1

    Sur un autre sujet, pour parler d'innovation financière, il y a de nouveaux instruments qui sont discutés, parfois même émis, les sustainable bonds, les SLB, les SCDI qui sont des instruments contingents dont le pay-off dépend de la situation économique du pays, contrairement au fixed income qui est le cœur du marché où le coupon est fixé à l'émission. Quel est votre point de vue financier, votre regard financier sur cette discussion qui est en permanence ongoing sur ces sujets-là, notamment eu égard à la conversation qu'on a eue sur la question de la liquidité, qui est souvent le reproche qu'on fait à celles et ceux qui veulent innover dans les produits financiers. Et notamment, on parle beaucoup de Greenium, est-ce qu'il y a à ce jour des poches de liquidité qui sont spécialisées pour des produits green qui sont suffisamment grosses pour qu'il y existe un avantage de prix pour émettre des produits green, ou est-ce que pour l'instant ça reste une bonne volonté du pays mais sans avantage financier à en tirer ?

  • Speaker #0

    Alors, peut-être le plus facile pour moi, c'est de mettre de côté le côté green, etc., qui est important. La contrainte d'ESG, essentiellement, c'est quelque chose qui a beaucoup grandi. Il y a un ensemble de nos clients et un ensemble des comptes qui sont sur le marché où la contrainte d'ESG est fondamentale. Donc, il y a une demande pour ce type de produit. Et d'ailleurs, je me souviens, pour donner une anecdote d'un client il y a plusieurs années qui me demandait Mais est-ce que vous pensez que le Liban va pouvoir faire une émission verte ? Comme quoi tout est possible. Comme quoi c'est important. Mais c'est vrai que dans les produits strictement high yield, en particulier dans les produits distressed, c'est vrai que c'est un sujet qui est un petit peu...

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai que pour rappeler, vous êtes quand même une partie du club où la question se pose un peu moins.

  • Speaker #0

    Voilà, ça se pose un peu moins. Tant mieux si un jour on peut y arriver. Et si un jour ces pays-là peuvent arriver, ce genre de questions comme ça, ce sera un immense succès. Mais actuellement, c'est vrai que... Et je parle vraiment du vrai distressed. Je ne parle pas simplement du... Je ne parle pas juste du single B, mais ça c'est un petit peu à part. Sur les produits contingents et les produits un peu plus complexes, il y a à la fois un besoin de liquidité, que vous avez rappelé, et encore une fois pour revenir à ce que je disais au départ, c'est-à-dire un produit qui va permettre d'avoir à peu près tout le temps des acheteurs et des vendeurs. Si on fait un produit qui est très complexe, qui est très intelligent, qui est un produit qui permet sans doute de répondre aux exigences de la DSA, aux exigences de la macro, aux exigences du FMI, et qui a l'air fantastique sur le papier, mais qui va finir dans des poches qui ne vont jamais en vendre, ou alors qui vont finir dans des poches de gens qui ne vont pas pouvoir les garder, et donc qui ne vont faire que les vendre, on ne peut pas être dans une situation de liquidité. Donc je pense que ça c'est une contrainte qui est fondamentale, parce que lorsqu'on parle de pays post-défaut, qui doivent retrouver l'accès au marché, et qu'on dit à ces pays-là, mais post-restructuration, vous allez pouvoir émettre, vous allez pouvoir avoir l'accès au marché des capitaux, et qu'on leur vend ce type de produit, et qu'ils découvrent qu'en fait la demande pour ce type de produit est très faible. Il ne faut pas mentir aux pays émergents. A mon avis, il faut garder en tête que... Si le but post-structuration, restructuration, c'est de permettre à ces pays-là de retrouver à un moment donné un accès au marché des capitaux, pas immédiatement mais dans le medium term, il faut qu'on leur promette des produits qui leur permettent d'avoir une yield curve, une courbe de taux d'intérêt dans le temps sur lesquels on pourra ensuite pricer de nouveaux bons et où il y a une demande naturelle. Sinon, si c'est pour avoir des trucs qui ne vont jamais trader, la contrainte de retour sur les marchés ne sera jamais satisfaite. Ça, c'est sur l'aspect de l'équité. Maintenant, on a des exemples de produits contingents. et qui ont bien fonctionné. L'exemple, évidemment, que tout le monde connaît, c'est l'exemple du warrant pour l'Ukraine. Pour faire très vite, en 2015, l'Ukraine a fait défaut, a restructuré, les créditeurs ont accepté un haircut, c'est-à-dire une réduction de la dette de 20%, donc 20% perdu, d'accord ? Et ces 20%-là ont été transformés dans un produit dont la valeur dépend de la croissance de l'Ukraine. Et pourquoi c'est vraiment un bon produit ? C'est que lorsqu'un pays défaut, fait défaut, Vous avez toujours une équipe de gens qui sont essentiellement du côté du souverain et du côté des conseillers, qui expliquent que la situation est catastrophique, que le pays est à genoux, et que par conséquent, il faut que le marché et les investisseurs acceptent des pertes particulièrement élevées. Et puis vous avez le côté du marché. qui vont toujours prendre l'inverse, qui vont expliquer qu'au fond le pire est derrière nous, que le pays vient de faire défaut, donc au fond il n'y a que la recovery qui est possible, que maintenant les partenaires officiels sont dedans, donc l'argent coule à flot, que les réformes vont être mises en place, etc. Le potentiel fantastique de pays à moyen terme. Et comment est-ce que... Et donc du coup, c'est très difficile de négocier comme ça, parce que vous avez une équipe de gens qui veulent absolument imposer des pertes parfois très difficiles à justifier, et puis une équipe de gens qui ne veulent absolument pas prendre de pertes à ce moment-là, parce que c'est le pire moment pour prendre des pertes. Parce que la situation ne fera que s'améliorer. Et donc, pour essayer de concilier ces deux équipes-là, et pour avoir quand même un deal, et pour permettre au pays de dépasser le défaut, on a des produits qui permettent... de faire en sorte que la perte qui est prise par le marché soit une certaine fonction de la performance macroéconomique d'un pays. Et quand je dis que c'est bien designé, c'est qu'il faut que ce soit à l'avantage de tout le monde, alors pas simplement que du marché. Alors est-ce qu'il y a un appétit pour ce type de produit ? Oui, pour les raisons que je viens de donner, c'est que ça peut permettre d'augmenter les chances de retrouver un deal et d'augmenter potentiellement les recoveries à moyen terme, et tout à la fois dans le cas contraire où le pays prendrait plus de temps pour mettre en place les réformes, pour se remettre quand même d'un événement relativement traumatisant qui reste quand même le défaut souverain. de ne pas avoir forcément à repayer autant ou aussi vite, et sans doute à avoir peut-être encore un peu plus de facilité de la part du marché pendant un peu plus longtemps. Donc oui, il y a une appétence. Et donc, la contrainte, c'est bien la suivante. D'un côté, il y a une besoin de liquidité, parce que ces produits-là ne peuvent pas être simplement des produits qui existent dans un Excel sheet ou dans un white paper. Donc il ne faut pas que ce soit des produits académiques. il faut que ce soit des produits qui puissent vraiment trader, et donc il faut que ce soit des produits qui soient dans l'index, pour que la majorité de nos clients puissent les regarder. Et il existe un certain nombre de contraintes pour que cela arrive. Et de notre côté... il faut que ces produits existent aussi. Parce qu'ils sont à l'avantage parfois du marché, parfois du souverain, mais ils permettent la plupart du temps de débloquer une situation qui est une situation de restructuration qui est complexe.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser, avant qu'on pose la dernière question sur la question des RH, ça me fait penser, parce que souvent, ces values recovery instruments, ces instruments financiers qui sont indexés sur la vitesse, disons, de recouvrement de l'économie considérée, sont indexés justement sur des matières premières ou des... des données objectivables pour aligner les intérêts et éviter les manipulations. Souvent, on associe mentalement marché émergent, dette souveraine et commodities. Est-ce que c'est un truc que vous regardez beaucoup et qui, de fait, est fondamental dans l'équation ? Le my commodities, donc les matières premières à la fois exportées par le pays et importées. J'en parle notamment parce qu'on a interviewé Pierre-Noël Giraud, qui est un des grands experts des matières premières dans ce podcast.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, encore une fois, réponse courte, absolument. C'est vrai que l'IM, les pays émergents, restent fondamentalement un ensemble de... En tout cas, il y a un très fort groupe de producteurs de commodités, que ce soit en effet cuivre, pétrole, phosphate, etc. Donc ça, c'est un élément central. mais il faut que ces pays puissent en bénéficier. Et c'est vrai que c'est compliqué, parce que jusqu'à présent, certains de ces pays-là, malgré l'existence de ces commodités-là, n'ont pas échappé à un endettement particulier, et parfois au défaut souvent. Donc évidemment, l'exemple de la Zambie, qui est un gros producteur de cuivre, ça ne l'a pas sauvé. Le Ghana, évidemment, coco et même pétrole, ça a été compliqué. Et donc c'est quelque chose qu'on regarde énormément. Mais je dirais qu'il faut aussi retourner la question. C'est pas simplement les exportateurs. Il y a aussi les importateurs. Et dans mon expérience, parce que moi je fais beaucoup essentiellement de l'Afrique du Nord, évidemment, beaucoup de pays qui sont très sensibles à l'augmentation du prix du pétrole, etc. Encore une fois, l'exemple parfait, ça a été la Tunisie sur le pétrole, ça a été l'Égypte sur le prix de la nourriture, etc. Ces pays-là ont été très sensibles. et le sont toujours.

  • Speaker #1

    En un mot pour expliquer, ça impacte leur balance des paiements et donc leur capacité à avoir des réserves pour non seulement avoir l'argent, mais surtout l'argent dans la bonne devise pour rembourser le...

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a deux grands problèmes essentiellement en IEM. C'est à la fois l'aspect de soutenabilité, donc là on en a parlé, c'est-à-dire la capacité pour un pays de continuer à honorer sa dette et d'avoir une trajectoire qui lui permette de continuer de servir sa dette. Et puis vous avez un élément de liquidité. Et ça, c'est un élément qui est un peu plus complexe, parce qu'il y a une liquidité, c'est la plupart du temps, ces pays-là, ils ont la dette libérée qui est en monnaie étrangère, et donc ils ne font pas de dollars, surtout si vous êtes un pays qui n'exporte pas de commodité. Et donc ces pays-là sont souvent très vulnérables, parce qu'ils ont toujours besoin d'avoir un stock de réserve, d'avoir leur stock de révers, d'avoir la monnaie qui soit au bon prix, etc. Mais tout ça pour dire que ces pays-là sont toujours très sensibles en termes de liquidité. Et ça, c'est particulièrement vrai pour les importateurs.

  • Speaker #1

    Dernière question, on a compris que ça reste un art et non pas encore une science parce qu'il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte, mais il y a quand même un contexte de technicisation croissante avec l'abondance des données qui sont disponibles et les capacités croissantes à les traiter. Quels sont les profils que vous recherchez dans vos équipes ? Est-ce que de plus en plus, c'est des gens qui ont des backgrounds de computer science, pourront être capables de faire des algorithmes, etc. ? Est-ce que c'est encore plutôt des économistes parce qu'il faut une connaissance du fondamental ? Est-ce que c'est des financiers parce que c'est quand même un métier de financier ? Est-ce que c'est n'importe qui qui a une bonne volonté et a envie de travailler beaucoup ? Est-ce que

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. A mon avis, ce qu'il faut dire d'abord sur la partie algorithme, c'est que c'est quelque chose qui est absolument en train d'être développé. Pas simplement par nous, mais par toutes les banques. Je dirais que ça s'applique sans doute à des produits plus liquides. Pour revenir finalement à ce qu'on disait au départ, pour les produits où ces acheteurs et ces vendeurs ne sont pas forcément dans le marché au même moment, où donc le prix du risque va être parfois très difficile à véritablement comprendre. Il y a très peu de transparence, parfois le prix augmente très vite ou baisse très vite pour des raisons simplement techniques du fait qu'il n'y a juste pas du tout de liquidité sur le marché. Et ces algorithmes-là, à mon avis, ils vont être développés, mais on n'est peut-être pas encore sur un marché où ces algorithmes-là ont le rôle central. En tout cas, vraiment sur la partie high yield. Est-ce que ça veut dire qu'on cherche nécessairement des gens qui sont des techniciens ? Alors, en tout cas, moi, je vais parler du trading, parce que sans doute qu'en research, il y a une vraie appétence pour des gens qui ont un background technique, que ce soit des économistes, mais que ce soit aussi des gens plus quantitatifs. Moi, je pense que le trading, ça peut être un métier technique, pas forcément mis en place, pas forcément incarné par des techniciens. Et là, je parle de l'IM et je parle en particulier de l'IM credit, c'est-à-dire ce que je fais moi. Pour faire très vite, à mon avis, ce qu'on recherche, c'est des gens qui sont bons, quel que soit à peu près leur background. Je pense que c'est vraiment la culture qu'on retrouve dans beaucoup de banques américaines, où, sans doute que c'est très important d'avoir fait les bonnes études, évidemment que ça reste une condition nécessaire. mais je dirais vraiment de façon, de mon expérience maintenant de ce type de culture-là, ça n'est absolument pas une condition suffisante. À mon avis, on recherche plutôt des gens qui sont des leaders dans ce qu'ils font. que ce soit des gens qui viennent de l'économie, de la finance, des maths, mais je veux dire, on a sur nos desks des gens qui ont fait de l'histoire, des gens qui ont fait de la biologie, donc des trucs qui sont quand même un petit peu différents. Mais parce qu'ils étaient très forts, parce qu'ils étaient très bons, parce qu'ils ont développé ce goût-là pour ce métier, parce que ce sont des travailleurs, c'est vrai qu'on cherche des gens qui sont quand même prêts à faire un vrai commitment pour ce boulot. donc je pense que c'est plus ce profil là après pour les juniors en particulier c'est vrai que pour le temps maintenant les banques elles embauchent essentiellement soit sur des summers soit sur des stages etc donc les juniors auront toujours au moins 3 et 6 mois pour faire leur preuve je pense que ça c'est vraiment l'aspect fondamental et donc je dirais que au lieu de partir du principe en disant on cherche ce type de profil il faut avoir fait ce type de background académique etc et encore une fois des gens comme vous des gens comme moi etc qui ont fait soit des grandes écoles, soit comme ça. On en a plein, attention, c'est absolument pas un handicap. Mais je dirais quand même que d'être là dans son stage, d'être proactif, d'être dans une capacité de travail... d'être à l'écoute, de poser les bonnes questions et de démontrer un apprentissage et parfois même une capacité de reproduction de la culture d'un desk, ça c'est vraiment les grands signaux qui fait que vous allez réussir sur le desk.

  • Speaker #1

    Ce sera le mot de la fin, merci beaucoup Mickaël. Merci à vous. Merci à tous et à toutes, ça a été un peu long mais parce que c'était passionnant, pour cet épisode un peu bonus de cette saison, n'hésitez pas à commenter sur votre application favorite de podcast. parce qu'on travaille d'ores et déjà sur la saison prochaine pour continuer d'innover et de remplir cet office et donc tout de suite pour conclure un petit extrait de l'épisode avec Pierre-Noël Giraud dont je parlais à l'instant

  • Speaker #2

    La malédiction des matières premières en fait c'est la malédiction de la rente par exemple si le prix du pétrole est à 80 dollars le baril l'extraction du pétrole en Arabie Saoudite ou dans la péninsule arabique en général C'est au maximum de 20 dollars le baril. Donc vous avez une rente absolument considérable. Donc cette rente est irréductible. Alors pourquoi est-ce que dans certains cas, et assez souvent, ça provoque ce qu'on appelle la malédiction de la rente ? Au lieu de stimuler le développement économique du pays, ça rentre. Ces ressources budgétaires pour la population... elles viennent du ciel en fait, c'est l'État qui a de l'argent. Le fait que ça vienne du ciel et que ça rentre directement dans les caisses de l'État, que ça n'a pas été prélevé sur la population, favorise le mauvais usage de la rente pétrolière, indépendamment de la corruption. On passe ça à des copains, en fait il y a une industrie nationale qui se constitue et qui vit de la redistribution de la rente, qui est un espèce de gaspillage. Un jour, il y a longtemps, à Libreville, au Gabon, pays pétrolier, j'ai essayé d'évaluer que devenait la rente pétrolière du Gabon. En détricotant tout le processus, quelle est la part de la rente qui a été privatisée par le fait que le contrat est très défavorable au pays ? Tout ça se retrouve en partie dans les poches de la compagnie internationale et une petite partie dans les poches de dirigeants corrompus. quelle est la part qui est consacrée à l'investissement pour l'avenir du pays et celle qui est consacrée à la consommation ? Celle qui est consacrée à l'investissement, est-ce que l'investissement est efficace ou est-ce que ça coûte trois fois plus cher de faire quelque chose que si c'était dans une économie compétitive, etc. En déclinant tout ça et à dire d'experts, j'arrivais à une évaluation très grossière que, en fait, à peine 15% de la rente était utilisée. pour le développement du pays.

Description

Dans ce dernier épisode de la saison nous recevons Mikael Eskenazi, trader en emerging sovereign debt chez J.P. Morgan à Londres.


Après des expériences à la Banque Centrale Européenne et en conseil aux gouvernements chez Lazard, Mikael a rejoint un desk de trading, spécialisé dans les dettes souveraines émergentes. Il y. est notamment en charge du portefeuille MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient).


Mikael Eskenazi nous parle des caractéristiques de ce marché, des questions de liquidité et des termes des restructurations en cours et à venir.


Il évoque également la pénétration des données dans le trading, et l'évolution des profils des traders.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    en partenariat avec l'Institut Louis Bachelier et le FINDEV Lab.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de la saison 3 de Takeoff qui sera le dernier. Je m'appelle Wessim Jouni, j'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui Mickaël Eskenazi, VP chez JP Morgan et trader à Londres où nous nous trouvons, spécialiste de dette souveraine des pays émergents. On dit parfois High Yields, on y reviendra. Mickaël, bonjour et merci d'avoir accepté mon invitation.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    On va parler de la dimension finance de marché de cet écosystème, cette dimension finance de marché qu'on n'a pas encore eu l'occasion d'aborder dans ce podcast, la question de la liquidité, des indices, les datas pertinentes. le processus d'émission de dette, etc. Mais peut-être d'abord, pour vous présenter, vous avez commencé votre carrière à la BCE, puis vous êtes passé dans le conseil financier au gouvernement chez Lazare, avec notamment sous la houlette, disons, de Daniel Cohen, dont nous honorons ici à mémoire. Et je renvoie à l'épisode avec Anne-Laure Kichel pour celles et ceux qui se mettent y intéressent. Avant de rejoindre les desks de trading chez JP Morgan, pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix, ce qui vous plaît dans cette activité-là ?

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité. J'ai écouté vos podcasts, enfin quelques-uns en tout cas jusqu'à présent. C'est très intéressant et je pense que c'est en effet une partie du marché que vous explorez là où peu de gens se sont nécessairement explorés, particulièrement en français. Donc c'est toujours bien d'avoir ça. Et moi, je voudrais simplement commencer par dire, puisque vous me posez la question sur mon parcours, Lorsque souvent on va vers des recruteurs ou lorsqu'on parle à des universités, on entend de plus en plus le mot de non-linéarité, le parcours non-linéaire. Je pense vraiment que je suis complètement l'exemple de cette non-linéarité. J'ai commencé, j'ai une formation d'économiste, essentiellement même j'allais dire d'économétrie, donc assez technique. J'étais à la BCE pendant quelques années où je faisais vraiment du modeling, donc vraiment complètement différent de ce que je fais actuellement. J'ai fait un passage. assez court chez Lazare à Paris, où là, d'un coup, je suis rentré dans les pays émergents, mais vraiment côté conseil. Et puis, après cette expérience-là, c'est vrai que j'avais envie de passer marché. Et quand j'y repense, à mon avis, j'ai toujours voulu faire du marché. Je pense que quand même, je suis arrivé chez Lazare, j'avais cette impression-là qu'il y aurait un élément d'investissement ou en tout cas un élément qui se rapporterait comme ça à l'aspect marchand. Et sans doute qu'il y a eu des éléments comme ça dans leur passé. C'est vrai que moi, j'y étais dans une période qui était particulièrement calme, où on était sur des mandats qui n'étaient pas forcément transactionnels. Et donc quand je suis arrivé chez JP, je suis passé pendant un an en stratégie, donc vraiment complètement différent, on était dans une équipe où le but est essentiellement de donner du conseil aux investisseurs en buy side, et puis au bout d'un an, un an et demi, c'est vrai que j'avais envie d'avoir mon propre risque, et donc je suis passé en trading chez JP. Et donc le DEB sur lequel je suis, c'est un DEB qui fait de la dette souveraine émergente. Donc en fait, on traite essentiellement toute la dette des pays émergents, dette souveraine, c'est-à-dire la dette des pays, la dette des gouvernements, qui est libellée en hard currency, c'est-à-dire en dollars essentiellement. A peu près 85% de ce qu'on fait, c'est du dollar, mais aussi de l'euro et un peu de sterling et du yen.

  • Speaker #1

    Peut-être juste une toute petite question là-dessus avant qu'on rentre dans le cœur du sujet, parce que pour celles et ceux qui nous écoutent et qui se projettent dans ces métiers-là, on parle beaucoup de relocalisation, ces métiers d'aide de marché de Londres vers Paris, Londres étant historiquement la place du marché, est-ce que c'est encore largement en cours ? Est-ce que c'est assez limité en ampleur ?

  • Speaker #0

    La dynamique est toujours dans ce sens-là, mais je dirais quand même que... Si on regarde le flot de gens qui sont partis de Londres vers Paris, mais pas simplement Paris, il y a Francfort, il y a Milan et puis d'autres villes, contre le flot à Vert, c'est-à-dire des gens du continent qui viennent à Londres, on est encore quand même dans une certaine... Je ne veux pas dire domination parce que ce n'est pas vrai, mais on a quand même la majorité de flot qui est encore plutôt vers le Royaume-Uni. Alors, évidemment, à mon avis, c'est lié à deux choses principales. La première, c'est plutôt la formation quand même. C'est vrai qu'il y a encore beaucoup d'anglo-saxons qui font de la finance lorsqu'ils sont à l'université, et essentiellement pour eux la finance c'est de la finance de marché. Donc au fond vous avez fait de la finance à l'université, et puis le premier job que vous allez avoir c'est essentiellement soit un job de research, soit un job de trading, soit un job de sales. Donc c'est un métier qui est extrêmement internalisé pour les étudiants anglo-saxons. Et le deuxième point c'est que, contrairement aux étudiants français qui ont plutôt tendance à faire du conseil, en tout cas au départ, et le deuxième point c'est que quand même ces grandes banques américaines qui ont quand même comme JP comme nous ici qui avons une très grande activité de marché sont encore essentiellement localisées ici Mais on a envoyé une certaine partie de nos équipes à Paris. C'est vrai que ça s'est fait plutôt en sales. Les équipes de research sont plutôt ici. Et à mon avis, à part sur des produits vraiment continentaux, les équipes de trading sont encore plutôt ici. En tout cas, nous, en emerging market, on n'a pas de traders à Paris.

  • Speaker #1

    Pour rebondir sur cette segmentation que vous avez proposée, ça va nous permettre aussi d'un peu mieux expliquer tous ces métiers. C'est un écosystème un peu complexe dans lequel les gens ne se repèrent pas forcément. Donc vous, vous construisez à la fois des stratégies d'investissement et vous passez en même temps les ordres, tout en aussi les proposant, j'imagine, à des clients professionnels, puisque c'est un marché professionnel. Mais dans cet écosystème, il y a les sales, les comptes strategistes, le back-office, le front-office. Est-ce que vous pouvez en gros nous résumer la chaîne alimentaire de comment fonctionne un desk de trading ?

  • Speaker #0

    Mais d'abord, je pense que c'est important de dire quand même que cette histoire du mapping de l'industrie, c'est un problème que tous les, à mon avis, tous les juniors ont. Moi, je me souviens très bien quand j'étais étudiant, ça m'a pris des années de vraiment bien comprendre ce qui se passait dans toutes ces banques. Et les gens disent, mais moi, je travaille en finance. Et en fait, il y a 150 000 métiers en finance. Donc, en fait, pour faire très simple, une grande banque d'affaires comme nous et comme d'autres banques américaines, européennes ou asiatiques, c'est... La production est une activité privée, d'accord ? Donc une activité de conseil essentiellement, qu'on a nous ici et que d'autres banques ont, et une activité publique. Et l'activité publique en très grande majorité, d'accord ? Il y a d'autres métiers, mais la très grande majorité c'est ce qu'on appelle les activités de marché. Et les activités de marché sont essentiellement organisées autour d'une idée de front office et de middle office, ok ? Donc le front office en activité de marché c'est research, sales and trading. Ok, donc la research c'est clair, c'est les gens qui font du... qui font vraiment du travail approfondi, du travail d'analyse. Ce n'est pas de la recherche académique, mais c'est clairement un travail plus de temps long, où il y a beaucoup d'efforts qui sont faits en particulier sur la macro, en particulier sur tout ce qui est fixed income, mais il y a aussi une partie qui fait equity research, donc c'est un peu différent. Mais seulement ces gens-là sont des analystes. Après, on a les sales. Les sales, c'est les gens qui sont plutôt censés gérer la relation client. C'est vrai qu'il faut comprendre que pour la majorité des clients d'une grande banque d'affaires, prenons l'exemple de JP Morgan, pour la majorité des clients là, JP Morgan, c'est leur salesperson. C'est la personne avec laquelle ils vont interagir de façon quotidienne. Et puis, les traders. qui gèrent le risque, et dont le métier est essentiellement de donner de la liquidité aux clients, donc de permettre aux différents clients, qui sont pour simplifier des investisseurs, de pouvoir vendre ou de pouvoir acheter du risque en fonction de leur propre stratégie. Et donc un trader va essentiellement, selon le produit qu'il fait, être en mesure de donner soit ce qu'on appelle un bid, donc de pouvoir acheter un produit, ou alors une offre et donc de pouvoir vendre. Et vraiment pour rester sur le trader, moi quand j'ai commencé en trading, je me souviens très bien, un de mes mentors m'a expliqué, au fond il faut bien se figurer une sorte de grand marché de poissons. Mais en fait, ça paraît ça, mais c'est complètement ça. On est, dans ce marché de poissons, on est vraiment les marchands de poissons. Et on est là pour vendre et pour acheter du poisson. Et puis, la grande différence, en revanche, avec un marché de commodité classique, c'est que le prix de ce qu'on fait bouge énormément. Il bouge en fonction d'un certain nombre de facteurs. Et donc, notre rôle à nous, il est à la fois de servir nos clients, donc de leur permettre de mettre en place leur propre stratégie, même si parfois, ce n'est pas exactement ce qu'on veut faire nous. Donc, on va acheter tel ou tel produit.

  • Speaker #1

    On va passer des ordres qui vous sont de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fois, une fois qu'on a donné de la liquidité à nos clients, c'est de gérer notre propre risque. puisque évidemment nos books, nos balance sheets, si tu veux, sont remplis d'un certain nombre de risques sur lesquels nous on doit après mettre en place des edges, donc les edges c'est simplement des produits qu'on achète ou qu'on vend pour essentiellement consolider d'autres risques, et donc si vous voulez la gestion de ce risque-là prend énormément de temps. Alors maintenant il y a trois façons de monétiser ce qu'on fait. pour faire très rapide. Le premier point, c'est évidemment de produire un tout petit peu de marge sur tout le flow qu'on fait tous les jours. Alors là, les marges, elles sont petites, très petites. Et donc, c'est vraiment un métier de volume. La deuxième façon, c'est d'avoir simplement une bonne position sur un produit ou sur un autre et d'avoir raison essentiellement. Que ce soit d'être long, c'est-à-dire avoir le risque, ou d'être short, c'est-à-dire de ne pas avoir le risque. Et le troisième point, c'est de mettre en place des... ce qu'on appelle des Harveys techniquement. Il s'agit simplement d'avoir des vues sur la façon dont ces produits-là vont se comporter. Il y a un certain nombre de trades qu'on peut mettre en place, je ne rentre pas dans les détails ici, mais il y a un certain nombre de trades qui sont un peu techniques qu'on peut mettre en place, sur lesquels le trader va potentiellement bénéficier.

  • Speaker #1

    Et alors, si on élargit un peu la focale, donc ça c'était vraiment les métiers du desk de trading, si on élargit la focale aux activités de type une banque comme J.P., il y a aussi des gens qui gèrent des fonds, donc ça c'est un autre métier, et peut-être un tout petit focus sur les gens qui font de l'origination, qui est aussi une partie du DCM et qui connecte avec notre question des fixed income, donc qu'est-ce que vous pouvez nous en dire en gros ?

  • Speaker #0

    Complètement, donc il y a d'autres activités, comme vous le dites, c'est l'origination, donc tout ce qui est syndicate, d'accord ? Donc là ce sont des métiers dont le but est de produire, donc de nouveaux produits. Donc typiquement... Pour en tout cas ce que moi je vois presque tous les jours en ce moment, il s'agit de permettre aux différents pays d'émettre de nouveaux bons. Donc ça c'est vraiment un vrai métier qui est à part. Ce sont des gens qui travaillent de leur côté avec nos clients et à la fois qui travaillent aussi avec nous les traders parce que lorsque le nouveau bon est émis, le desk est en charge de trader ce bon au tout départ, donc de le mettre dans le marché. donc ça c'est une activité qui est très importante et qui est absolument centrale particulièrement en Energy Market en ce moment je suis sûr qu'on en parlera et puis les gestions de fonds alors ça c'est un peu différent parce que typiquement chez nous on a on a JP Morgan Asset Management et ça c'est la partie vraiment qui est de l'autre côté du mur donc ça ça peut être en fait nos clients eux ils font partie d'un métier comme je disais au départ de Buy Side donc eux ils font partie du groupe de gens qui sont des investisseurs et qui viennent chez les DAZ de trading pour mettre en place leur propre stratégie.

  • Speaker #1

    La caractéristique des produits sur lesquels vous posez des ordres, c'est qu'ils sont peu liquides. C'est souvent la caractéristique à laquelle on associe les emerging markets. Peut-être que vous pouvez nous expliquer concrètement, c'est-à-dire quoi peu liquide, c'est quoi la détention moyenne d'un titre pour un desk comme JP ? Et surtout, est-ce que c'est limite pour les professionnels à venir sur ces marchés, parce que la liquidité est quand même un gros enjeu, ou est-ce qu'au contraire c'est aussi là qu'il y a des opportunités d'arbitrage ?

  • Speaker #0

    Alors, La liquidité. Je proposerais une définition peut-être un peu plus de de practitioner, d'accord ? Une définition de quelqu'un qui est dans le marché. Et à mon avis, la liquidité, c'est quand il y a au même moment dans le marché à la fois des vendeurs et des acheteurs. Alors là, si on prend cette définition-là, c'est-à-dire de ce two-way-là dont je parle, est-ce que l'emerging market sauverait une dette ? Est-ce que ça, c'est liquide ? Je pense qu'il faut expliquer qu'on a eu, depuis deux ans, un très grand changement sur la façon dont nos marchés fonctionnent, qui est évidemment l'augmentation, on en parle en permanence, des taux d'intérêt globaux. Et qui ont fait quand même que pour certaines parties des clients qui voulaient regarder l'Emerging Market parce que nos yields étaient beaucoup plus élevés que la majorité du reste du marché il y a 2, 3, 4, 5 ans, aujourd'hui ça a un peu disparu. Et donc, ce qu'on a perdu depuis 2-3 ans, c'est tous ces clients-là qui nous regardaient et qui aujourd'hui, en fait, ils ont à peu près, si vous voulez, notre bénéfice relatif par rapport au marché développé est très faible. Et donc, ces gens-là, ils sont partis du marché. Et donc, la liquidité, parce que ces gens-là étaient les acheteurs. primaires, les acheteurs quotidiens de notre risque, et qui permettaient donc d'avoir ces acheteurs et ces vendeurs, ces acheteurs-là, ils ont disparu. Ils ont disparu depuis maintenant 2 ans, 2 ans et demi. Les flots de la part de cette partie-là du marché, c'est-à-dire des gens qui pouvaient regarder à la fois les marchés développés et qui s'étaient intéressés au marché en développement, on est au plus bas depuis 15 ans. Et donc oui, notre liquidité, en revenant à la définition que j'ai donnée juste avant, elle a beaucoup baissé.

  • Speaker #1

    On reviendra à la question des différentes catégories, des différentes poches de liquidité d'une part et différents titres qui sont tradés, mais juste peut-être une petite incite sur ce que vous venez de dire. Il y a eu cet assèchement des marchés émergents, parce qu'effectivement quand on a un taux sans risque à 5%, c'est plus facile d'acheter des titres du trésor américain. En même temps, on voit que les marchés sont en train de se rouvrir. On a vu l'émission de la Côte d'Ivoire, l'émission du Bénin, parce que ces pays ont besoin de se refinancer. Et c'est des marchés qui aussi ont vu très peu d'émissions ces dernières années. Et quand ces opérations se sont réalisées ces derniers mois, elles ont plutôt été très sursouscrites. Donc il y a quand même une forme d'appétence. Est-ce que vous pensez qu'on est quand même dans une phase de réouverture qui pourrait être bénéfique ? Évidemment, on va faire comme le disclaimer habituel, ceci n'est pas un conseil financier, c'est une analyse.

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que d'abord, vous me donnez l'occasion de le dire expressément. Et évidemment, on vous accueille dans les bureaux de JP Morgan. En effet, tout ce que je dis là, c'est évidemment ma vue personnelle et pas la vue de JP. Mais pour rebondir sur votre question et pour vous donner justement ma vue personnelle, vous avez raison, ces émissions-là ont très bien fonctionné. Je me rappelle très bien l'émission de Bénin il y a deux ou trois mois, je me souviens. C'était extrêmement sur-souscrit et ça a très bien fonctionné même ensuite. Donc en quoi il y avait beaucoup d'appétit pour ça. Les émissions de la Turquie sont toujours très bonnes, etc. Je pense que quand on regarde les yields auxquels ces trucs-là ont printé, c'était vraiment dans les hauts 8%, donc 8%, 3 quarts, presque 9%. donc un certain nombre de clients ont pris là en tout cas de compte ont pris la vue qu'au fond si les taux américains avaient été poussés au bout donc disons voilà on n'allait pas aller beaucoup plus haut que ça nos produits commencent à être assez intéressants. Parce que du coup, vous achetez quand même du Bénin, du Ivoricoz, donc on parle quand même du risque de WB, donc ce n'est pas aussi difficile que des risques single B, etc. Du coup, vous détenez un risque qui est relativement safe, on ne parle pas de crédit en défaut, et ça vous rapporte entre 8 et 9% par an. Donc oui, il y a eu beaucoup d'appétence pour ça. Et on continue d'ailleurs de regarder voir ça, notre marché continue de trader très largement sur cette idée-là. Et cette idée-là continue d'être développée tant que le marché garde l'hypothèse que, au fond, la Fed a fini, qu'on n'aura pas plus de hikes. Évidemment, le jour où ça, ça change, toute cette idée-là, que ces pays-là ont accès au marché, à mon avis, elle est terminée. Mais pour le moment, c'est une narrative.

  • Speaker #1

    Et c'est une narrative crédible, par ailleurs. Sans doute. Mais justement, pour revenir sur cette idée de ce spread qui diminue, spread étant en gros l'écart entre lesquels ces pays émettent, et disons le taux des US ou un taux sans risque, en fait, on voit qu'il y a cette catégorie, c'est pour ça que je faisais un incise en introduction sur le concept de high yield, c'est cette catégorie marché émergent. On voit bien que dans cette catégorie marché émergent, il commence à émerger des émetteurs réguliers qui sont en réalité WB, BBB, mais qui ont... une habitude des marchés qui sont, comme vous le disiez, relativement safe, et en même temps, il y a des bondes qui sont beaucoup plus distresses, des pays qui sont en crise. Est-ce qu'au fond, le concept théorique, cette espèce de big box des high yield a encore un sens, ou est-ce qu'il n'y a pas une segmentation de fait entre des segments qui n'ont rien à voir dans leur dynamique ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une très bonne façon d'approcher les choses, et c'est vrai que l'idée de dire high yield et IG, comme on disait avant, donc IG, investment grade, donc tous les trucs qui sont au-dessus de BBB, inclus. à mon avis c'est quelque chose qui doit être un petit peu revu en tout cas nous la façon dont on traite ça on traite sans doute plus comme ça On a à la fois dans l'investment grade, pour en dire juste un mot, même si ce n'est absolument pas du tout ce que je fais, mais pour en dire un mot, il y a vraiment le top du panier, des trucs qui traitent vraiment comme des très jurés américains. Qatar, etc. C'est des trucs vraiment qui sont là. Et puis on a le bas, les trucs qui sont triple bid, etc. En particulier si on a l'idée que potentiellement il va y avoir un downgrade, là on a plus de spread. et il se trouve que cette partie-là du marché a aussi beaucoup de besoins budgétaires, et donc cette partie-là du marché continue d'émettre de façon relativement régulière, et donc continue de mettre une certaine pression sur ses propres spreads, du fait du supply qui est fait dans le marché. Ça c'est sur le côté IG. Maintenant sur le côté high yield, c'est vrai qu'on a une différence existentielle entre d'un côté le BBB, Et quand je dis le double B, ça va du double B plus jusqu'au double B minus. On prend un exemple typique, c'est Oman et Maroc. Des trucs qui sont toujours high yield, mais qui ont vraiment une trajectoire vers l'investment grade. Et puis on a la partie à partir du single B. Et là, dans la partie single B, on était dans un marché il y a 5 ans où, au fond, les gens étaient à la recherche du yield, etc. Et donc, il y avait très soutenu. Et puis aujourd'hui, c'est une partie qui est plus problématique. Les gens ont été un petit peu traumatisés, à mon avis, par le nombre de défauts qu'on a eu depuis essentiellement le Covid. Et donc, c'est vrai qu'une partie des investisseurs ont arrêté de regarder ça. parce que pour ces gens-là, il y avait vraiment une envie d'avoir du yield, etc. Et puis aujourd'hui, ils comprennent qu'on est sur une asset class qui a vraiment un risque de défaut. Et ce risque de défaut qui était un peu abstrait jusqu'en 2019-2020, il s'est complètement matérialisé.

  • Speaker #1

    Mais du coup, sur le marché secondaire, il y a aussi des opportunités à faire parce qu'il y a une volatilité qui est très importante.

  • Speaker #0

    C'est la partie du marché qui a le mieux performé depuis octobre. Donc il faut bien comprendre que depuis octobre, le S&P, il est passé de... Enfin, je ne sais pas, on a dû faire 25-30%, grosso modo quelque chose comme ça. Donc évidemment, il y a eu une énorme appétence pour le risque. Et cette partie-là du marché qui était extrêmement mal pricée en octobre, avec beaucoup de gens qui pensaient que tous ces pays-là allaient exploser, enfin le meilleur exemple c'était l'Egypte, on parlait tous les jours à des gens qui expliquaient que l'Egypte allait faire défaut le lendemain. Et évidemment ça ne s'est pas passé, et donc cette partie-là du marché a très bien performé. Donc ça c'est vrai qu'il y a eu une appétence fondamentale et fantastique pour ces produits-là, même si aujourd'hui à mon avis on arrive un tout petit peu au bout.

  • Speaker #1

    Pour élargir, donc là on parle vraiment du fondamental, c'est-à-dire des titres de dette émis par des pays. Si on prend la catégorie plus générale aussi des produits structurés ou synthétiques qui sont créés, ce qui va nous permettre peut-être de, vous nous disiez un mot de l'EMBI Global Index qui est développé justement par JP Morgan. Mais plus globalement, il y a les CDS qui sont en gros des assurances sur des défauts et tout ça. Quelle part tous ces produits synthétiques représentent du trading ? Est-ce que c'est assez minorité ou en fait est-ce que c'est ça le gros du…

  • Speaker #0

    C'est un produit qui est fondamental. Et particulièrement chez JP Morgan, c'est un produit qui a beaucoup d'histoire chez nous. On a été une des premières banques à faire du CDS, donc il y a toujours eu un grand appétit pour faire du CDS, en particulier chez nous. Juste pour expliquer rapidement, vous l'avez dit, c'est une sorte d'assurance. Donc la valeur du CDS augmente lorsque la valeur du bon sous-jacent diminue, pour dire les choses assez simplement. C'est un produit dit synthétique, en effet. et donc différent du cash. Alors nous, on est un DES de cash, d'accord ? Donc on trade, une très grande partie de ce qu'on fait, c'est du bon, mais certains de nos traders, ce n'est pas mon cas, mais font du CDS aussi. Alors, le CDS, il est important, à mon avis, pour trois grandes raisons. Et quand je parle du CDS, j'allergis même jusqu'à l'index. Vous parliez de l'AMBI. Il y a une vraie demande pour ces produits-là d'abord parce qu'il y a une demande pour les hedges. Encore une fois, je parlais d'un produit qui permet de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup d'exposition à un produit. Disons beaucoup d'exposition par exemple à l'Afrique du Sud. Les élections arrivent, donc disons ça. Une des façons de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup de risque à l'Afrique du Sud, c'est d'acheter du CDS sud-africain. Et donc il y a une demande naturelle en fait pour ce type de produit. Le deuxième point, c'est que ces produits-là permettent aussi d'avoir ce qu'on appelle du CARI. Donc lorsqu'on détient un CDS, on reçoit des cash flows régulièrement pendant l'année, ce qui permet aussi dans des produits qui ne sont pas forcément des produits à défaut, revenons sur l'Afrique du Sud et sans doute à un moment donné sur la Turquie et sur d'autres produits, d'avoir en fait un cash flow sans avoir forcément d'exposition de défaut, si on pense qu'il n'y a pas de défaut. Et puis enfin, le troisième point, c'est que c'est un produit qui est beaucoup plus liquide que les bons. Il y a beaucoup moins de cash en jeu. Donc lorsqu'on achète un bon, il faut avoir le cash pour l'acheter. Lorsqu'on trade le CDS, il n'y a qu'une toute petite partie de cash qui est en jeu. Le reste n'est pas mis en jeu immédiatement, sans rentrer dans tous les détails. Et donc pour beaucoup d'acteurs, particulièrement pour les hedge funds, mais pour d'autres acteurs aussi, le CDS est une très bonne façon d'exprimer un risque général sans être trop intensif en termes de cash utilisé. Et donc pour des comptes qui sont... Je dirais les mêmes choses sur les ETF, sur les index, qu'on appelle aussi ETF, même si c'est légèrement plus cash intensive, mais les mêmes raisons sont utilisées. Je rajouterai que pour l'ETF... L'avantage, c'est que si on revient sur l'AMBI, par exemple, je ne me souviens plus exactement combien il y a de noms dedans, mais à mon avis, il y a 80 noms dedans, dans l'AMBI. Donc, ça permet aussi d'avoir, de prendre une vue de marché sur tous les pays émergents, sans avoir forcément à choisir un seul pays.

  • Speaker #1

    Au sein de ces titres très spéculatifs, donc vous disiez B et en dessous, on peut faire en gros deux catégories. Il y a des pays qui sont très... peut développer une dette qui aurait une capacité à y porter, la dette qui est limitée, donc ils ont un, deux bondes qui sont sur le marché, donc c'est assez risqué. Il y a des pays qui sont plutôt des pays à revenus intermédiaires, mais qui sont dans une conjoncture politico-financière compliquée. On peut penser à l'Egypte que vous mentionnez, la Tunisie, l'Argentine historiquement, l'Équateur, l'Ukraine aussi, pour des raisons qui sont indépendantes de leur montée. Est-ce que, du coup, sur ce type de pays-là, C'est très compliqué d'avoir des facteurs macro de type DSA ou PIB parce qu'au fond ils disent peu de choses. Est-ce que du coup votre métier implique aussi de lire l'actualité politique économique du pays, les négociations FMI, comprendre la situation politique du coup, puisque c'est ça ce que vous pratiquez finalement ?

  • Speaker #0

    Alors la réponse courte, c'est grand oui. D'accord, donc moi je dois passer au moins une heure tous les jours à lire les médias d'une dizaine de pays que je couvre et que je traite. donc ça c'est vraiment pour moi c'est devenu une routine donc toute l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient parce que vous on l'a pas dit mais vous êtes plutôt zone MENA moi je fais plutôt du MENA donc Afrique du Nord et puis aussi Moyen-Orient mon meilleur crédit c'est le Maroc donc c'est un double B mais sinon je fais essentiellement du single B et du triple C Mon crédit le plus tangent, pour le dire poliment, c'est le Liban. Donc des choses vraiment très compliquées. Vous comprenez pourquoi je passe du temps à lire la presse locale de tous ces pays. Mais pour vous répondre de façon un peu plus globale et de façon un peu plus complète, le métier de trader a une grande différence par rapport à un certain nombre d'autres métiers. c'est que quoi que vous fassiez dans la journée, vous parlez aux clients, vous tradez des bons, vous mettez en place des stratégies, vous perdez de l'argent, vous gagnez de l'argent, vous rentrez le soir chez vous et vous avez sur votre book, c'est-à-dire sur votre balance sheet, un risque. Et donc vous avez ce que moi j'appelle le overnight risk. C'est-à-dire que vous avez la mauvaise headline qui arrive le soir, vous avez le mauvais article qui arrive le lendemain matin, vous avez la mauvaise rumeur qui se répand dans le marché pendant que vous dormez, c'est pour votre pomme. Et ça c'est un métier qui, je pense qu'on peut en parler pendant des heures et des heures, mais les traders quand ils commencent, ils réalisent ça très vite. Et donc je pense que ça... Ça implique d'être en effet complètement intégré dans la vie politique du pays qu'on traite, d'avoir une très bonne compréhension de ce qui s'y passe, des différents risques, etc. Ça c'est sur la partie politique, sur la partie médias. Vous parlez de la DSA. Alors, la DSA, oui, c'est complètement ce qu'on fait. Moi, quand j'ai commencé en finance, personne ne faisait de DSA. Il y avait l'EFMI qui faisait ses DSA, et vous aviez les advisors, les gens comme Lazard, comme Rothschild, etc. Aujourd'hui, tout le monde fait des DSA. C'est devenu très à la mode, sans doute parce qu'on a eu beaucoup plus de défauts, et que la DSA reste fondamentalement l'outil qui permet de résumer les stocks, les flows, d'avoir une très bonne idée aussi de la compréhension d'un pays. Quand un pays n'est pas... n'est pas encore en situation de défaut, mais potentiellement pourrait y arriver. La DSA permet d'informer les types de risques et d'avoir une bonne idée de la timeline. Et puis lorsqu'évidemment ces pays-là ont fait défaut, la DSA, en particulier pour les pays à faible revenu, je pense évidemment au Ghana, Zambie, etc., la DSA est l'outil principal du résultat de la restructuration. Donc oui on fait ça, moi je dirais que ma différence sans doute contre d'autres traders c'est que je fais tout ça moi-même. Donc on a évidemment une équipe de research qui font ça aussi, mais moi en ce qui concerne les crédits que je trade moi-même et sans doute pour le desk aussi, c'est vrai que je passe pas mal de temps à faire ça. Donc c'est central, absolument central.

  • Speaker #1

    Alors justement, ça va connecter avec ce que vous venez de dire, parce que la DSA est aussi fondamentale. Quand le défaut advient pour négocier les termes de la restructuration, quand le défaut advient, les titres en général sont neutralisés. Il n'empêche qu'il peut quand même y avoir des opérations. Comment ça fonctionne ? Du coup, c'est des opérations privées, j'imagine, vous en direz plus. Et surtout, comment vous pricez le résultat de cette restructuration qui, par définition, n'est pas connue ? Est-ce que c'est aussi en se fondant sur la DSA ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, sur ce que vous dites, moi, je... Je dirais simplement que lorsque un pays en particulier fait défaut, les titres sont toujours sur le marché. Donc ça, c'est la spécificité des souverains. Les corpos, c'est différent. Sur les souverains, notre index, donc l'EMB, continue de garder ces titres-là dans l'index. Donc les titres Liban, qui ont fait défaut en 2020, si je me souviens bien, ils sont toujours dans l'index et ils tradent complètement. Les titres Ghana, qui ont fait défaut à la fin de 2022, ils sont complètement dans l'index et ils n'ont jamais arrêté de trader. Ce qui va se passer en revanche, c'est qu'on va passer d'un bon qui était avant défaut dans les 80-90, disons, Lorsque le marché va commencer à sentir qu'il y a un défaut qui arrive, on va régulièrement trader dans les 60, quelque chose comme ça, 60, les hauts 60, moi je me souviens, Ghana, on est à peu près là, et puis lorsqu'on a à un moment donné le défaut, on va trader beaucoup plus bas. Alors jusqu'où ? Ukraine en ce moment c'est dans la 20, parce que les produits qu'on trade, qui sont donc des bons, ça trade comme des bons, c'est-à-dire ça trade en yield, ça trade en spread, etc. Mais lorsqu'on commence à arriver sur des situations qui sont compliquées, on trade essentiellement en prix. Et là, en prix, on traite essentiellement presque plus comme une action. C'est-à-dire que le prix va de 0 à 100, essentiellement. Et donc là, le prix va être simplement une fonction de l'offre et de la demande. et l'offre et la demande va être une fonction de tous les facteurs dont on a parlé, mais tout ça pour dire que le prix va bouger très vite, très très vite. Donc typiquement sur un défaut, on va avoir vraiment un prix qui va passer, encore une fois, des hauts 80-90, on va très vite passer vers le 50-60, et puis lorsque le défaut arrive, et si le marché considère que le défaut peut durer, comme ça a été le cas malheureusement sur tous ces pays-là, Ghana, Zambie et d'autres, on peut arriver à des prix qui sont très bas et qui reflètent non seulement la probabilité d'europaiement, comme vous dites, mais qui reflètent plus structurellement la faible demande pour ce type de produit, qui reflètent que les gens n'en veulent pas. Alors maintenant, sur la partie comment est-ce que nous on traite ça ? Gardons en esprit que le bon reste toujours dans le marché. Et donc on est toujours dans la situation où en permanence, le rôle du marché va être essentiellement de comprendre quels vont être essentiellement les termes de la restructuration. non seulement les termes, mais aussi la timeline. Vous le dites, on ne veut pas avoir un produit qui va être immobilisé pendant trois ans. Donc si on dit la restructuration arrive dans trois ans, peu importe les termes, on n'en veut pas. Le prix restera très bas. Mais sinon, le but du marché sera toujours, en permanence, d'essayer d'arriver à ce qu'on appelle la recovery. Donc, je ne sais pas comment on dit ça en français.

  • Speaker #1

    La valeur de recouvrement.

  • Speaker #0

    La valeur de recouvrement, voilà. Final, qu'on obtiendra au moment de la restructuration. Et donc évidemment qu'au fur et à mesure du temps, au fur et à mesure que l'information arrive et est distribuée au marché, n'oublions pas qu'on est du côté public, donc on n'a absolument pas accès aux négociations qui sont faites avec les conseillers, on n'a pas accès à l'information privée du pays, donc on n'a pas forcément accès à toutes les données, etc. Donc on travaille avec des données publiques qui sont parfois très justes et puis parfois qui sont un peu du narratif. Donc je ne veux pas dire rumeurs, mais il y a un peu de ça. Et donc, en fonction de toutes ces données-là, le prix va être une fonction de ce que le marché va penser, que la valeur de recouvrement sera après la restructuration. Alors là, il y a plusieurs facteurs qui rentrent, mais en effet, pour les pays à haut revenu, à l'intérieur des pays émergents, c'est ce qu'on appelle les pays market access. l'ADSA joue un rôle fondamental, mais pas aussi fondamental que pour les pays à faible revenu, parce que l'ADSA du FMI est simplement un des facteurs qui rentreront en jeu dans la négociation finale entre le souverain, qui vient de faire défaut, et les créditeurs, qui détiennent une dette qui est en défaut. Lorsqu'on parle de pays à faible revenu, qu'on appelle dans le jargon des low income countries, donc des leaks, la DSA du FMI est absolument centrale. Parce que le but d'une restructuration sera de permettre aux souverains d'avoir une DSA dite soutenable. Et donc ça, ça va vraiment complètement conditionner les négociations avec les créditeurs. Et donc, un exemple précis, qui est le Ghana, que je peux prendre parce que c'est toujours en cours, évidemment que la DSA du FMI, sur laquelle le marché s'est calé le mieux possible, joue un rôle fondamental parce que cette DSA-là, DSA-là essentiellement, implique ce que sera la valeur de recouvrement après la restructuration. Évidemment, il y a un élément de négociation qui sera pris en compte entre le souverain, ses conseillers et les détenteurs de titres, mais les termes de cette restructuration devront être essentiellement à l'intérieur des contraintes de cette DSLA.

  • Speaker #1

    Sur un autre sujet, pour parler d'innovation financière, il y a de nouveaux instruments qui sont discutés, parfois même émis, les sustainable bonds, les SLB, les SCDI qui sont des instruments contingents dont le pay-off dépend de la situation économique du pays, contrairement au fixed income qui est le cœur du marché où le coupon est fixé à l'émission. Quel est votre point de vue financier, votre regard financier sur cette discussion qui est en permanence ongoing sur ces sujets-là, notamment eu égard à la conversation qu'on a eue sur la question de la liquidité, qui est souvent le reproche qu'on fait à celles et ceux qui veulent innover dans les produits financiers. Et notamment, on parle beaucoup de Greenium, est-ce qu'il y a à ce jour des poches de liquidité qui sont spécialisées pour des produits green qui sont suffisamment grosses pour qu'il y existe un avantage de prix pour émettre des produits green, ou est-ce que pour l'instant ça reste une bonne volonté du pays mais sans avantage financier à en tirer ?

  • Speaker #0

    Alors, peut-être le plus facile pour moi, c'est de mettre de côté le côté green, etc., qui est important. La contrainte d'ESG, essentiellement, c'est quelque chose qui a beaucoup grandi. Il y a un ensemble de nos clients et un ensemble des comptes qui sont sur le marché où la contrainte d'ESG est fondamentale. Donc, il y a une demande pour ce type de produit. Et d'ailleurs, je me souviens, pour donner une anecdote d'un client il y a plusieurs années qui me demandait Mais est-ce que vous pensez que le Liban va pouvoir faire une émission verte ? Comme quoi tout est possible. Comme quoi c'est important. Mais c'est vrai que dans les produits strictement high yield, en particulier dans les produits distressed, c'est vrai que c'est un sujet qui est un petit peu...

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai que pour rappeler, vous êtes quand même une partie du club où la question se pose un peu moins.

  • Speaker #0

    Voilà, ça se pose un peu moins. Tant mieux si un jour on peut y arriver. Et si un jour ces pays-là peuvent arriver, ce genre de questions comme ça, ce sera un immense succès. Mais actuellement, c'est vrai que... Et je parle vraiment du vrai distressed. Je ne parle pas simplement du... Je ne parle pas juste du single B, mais ça c'est un petit peu à part. Sur les produits contingents et les produits un peu plus complexes, il y a à la fois un besoin de liquidité, que vous avez rappelé, et encore une fois pour revenir à ce que je disais au départ, c'est-à-dire un produit qui va permettre d'avoir à peu près tout le temps des acheteurs et des vendeurs. Si on fait un produit qui est très complexe, qui est très intelligent, qui est un produit qui permet sans doute de répondre aux exigences de la DSA, aux exigences de la macro, aux exigences du FMI, et qui a l'air fantastique sur le papier, mais qui va finir dans des poches qui ne vont jamais en vendre, ou alors qui vont finir dans des poches de gens qui ne vont pas pouvoir les garder, et donc qui ne vont faire que les vendre, on ne peut pas être dans une situation de liquidité. Donc je pense que ça c'est une contrainte qui est fondamentale, parce que lorsqu'on parle de pays post-défaut, qui doivent retrouver l'accès au marché, et qu'on dit à ces pays-là, mais post-restructuration, vous allez pouvoir émettre, vous allez pouvoir avoir l'accès au marché des capitaux, et qu'on leur vend ce type de produit, et qu'ils découvrent qu'en fait la demande pour ce type de produit est très faible. Il ne faut pas mentir aux pays émergents. A mon avis, il faut garder en tête que... Si le but post-structuration, restructuration, c'est de permettre à ces pays-là de retrouver à un moment donné un accès au marché des capitaux, pas immédiatement mais dans le medium term, il faut qu'on leur promette des produits qui leur permettent d'avoir une yield curve, une courbe de taux d'intérêt dans le temps sur lesquels on pourra ensuite pricer de nouveaux bons et où il y a une demande naturelle. Sinon, si c'est pour avoir des trucs qui ne vont jamais trader, la contrainte de retour sur les marchés ne sera jamais satisfaite. Ça, c'est sur l'aspect de l'équité. Maintenant, on a des exemples de produits contingents. et qui ont bien fonctionné. L'exemple, évidemment, que tout le monde connaît, c'est l'exemple du warrant pour l'Ukraine. Pour faire très vite, en 2015, l'Ukraine a fait défaut, a restructuré, les créditeurs ont accepté un haircut, c'est-à-dire une réduction de la dette de 20%, donc 20% perdu, d'accord ? Et ces 20%-là ont été transformés dans un produit dont la valeur dépend de la croissance de l'Ukraine. Et pourquoi c'est vraiment un bon produit ? C'est que lorsqu'un pays défaut, fait défaut, Vous avez toujours une équipe de gens qui sont essentiellement du côté du souverain et du côté des conseillers, qui expliquent que la situation est catastrophique, que le pays est à genoux, et que par conséquent, il faut que le marché et les investisseurs acceptent des pertes particulièrement élevées. Et puis vous avez le côté du marché. qui vont toujours prendre l'inverse, qui vont expliquer qu'au fond le pire est derrière nous, que le pays vient de faire défaut, donc au fond il n'y a que la recovery qui est possible, que maintenant les partenaires officiels sont dedans, donc l'argent coule à flot, que les réformes vont être mises en place, etc. Le potentiel fantastique de pays à moyen terme. Et comment est-ce que... Et donc du coup, c'est très difficile de négocier comme ça, parce que vous avez une équipe de gens qui veulent absolument imposer des pertes parfois très difficiles à justifier, et puis une équipe de gens qui ne veulent absolument pas prendre de pertes à ce moment-là, parce que c'est le pire moment pour prendre des pertes. Parce que la situation ne fera que s'améliorer. Et donc, pour essayer de concilier ces deux équipes-là, et pour avoir quand même un deal, et pour permettre au pays de dépasser le défaut, on a des produits qui permettent... de faire en sorte que la perte qui est prise par le marché soit une certaine fonction de la performance macroéconomique d'un pays. Et quand je dis que c'est bien designé, c'est qu'il faut que ce soit à l'avantage de tout le monde, alors pas simplement que du marché. Alors est-ce qu'il y a un appétit pour ce type de produit ? Oui, pour les raisons que je viens de donner, c'est que ça peut permettre d'augmenter les chances de retrouver un deal et d'augmenter potentiellement les recoveries à moyen terme, et tout à la fois dans le cas contraire où le pays prendrait plus de temps pour mettre en place les réformes, pour se remettre quand même d'un événement relativement traumatisant qui reste quand même le défaut souverain. de ne pas avoir forcément à repayer autant ou aussi vite, et sans doute à avoir peut-être encore un peu plus de facilité de la part du marché pendant un peu plus longtemps. Donc oui, il y a une appétence. Et donc, la contrainte, c'est bien la suivante. D'un côté, il y a une besoin de liquidité, parce que ces produits-là ne peuvent pas être simplement des produits qui existent dans un Excel sheet ou dans un white paper. Donc il ne faut pas que ce soit des produits académiques. il faut que ce soit des produits qui puissent vraiment trader, et donc il faut que ce soit des produits qui soient dans l'index, pour que la majorité de nos clients puissent les regarder. Et il existe un certain nombre de contraintes pour que cela arrive. Et de notre côté... il faut que ces produits existent aussi. Parce qu'ils sont à l'avantage parfois du marché, parfois du souverain, mais ils permettent la plupart du temps de débloquer une situation qui est une situation de restructuration qui est complexe.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser, avant qu'on pose la dernière question sur la question des RH, ça me fait penser, parce que souvent, ces values recovery instruments, ces instruments financiers qui sont indexés sur la vitesse, disons, de recouvrement de l'économie considérée, sont indexés justement sur des matières premières ou des... des données objectivables pour aligner les intérêts et éviter les manipulations. Souvent, on associe mentalement marché émergent, dette souveraine et commodities. Est-ce que c'est un truc que vous regardez beaucoup et qui, de fait, est fondamental dans l'équation ? Le my commodities, donc les matières premières à la fois exportées par le pays et importées. J'en parle notamment parce qu'on a interviewé Pierre-Noël Giraud, qui est un des grands experts des matières premières dans ce podcast.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, encore une fois, réponse courte, absolument. C'est vrai que l'IM, les pays émergents, restent fondamentalement un ensemble de... En tout cas, il y a un très fort groupe de producteurs de commodités, que ce soit en effet cuivre, pétrole, phosphate, etc. Donc ça, c'est un élément central. mais il faut que ces pays puissent en bénéficier. Et c'est vrai que c'est compliqué, parce que jusqu'à présent, certains de ces pays-là, malgré l'existence de ces commodités-là, n'ont pas échappé à un endettement particulier, et parfois au défaut souvent. Donc évidemment, l'exemple de la Zambie, qui est un gros producteur de cuivre, ça ne l'a pas sauvé. Le Ghana, évidemment, coco et même pétrole, ça a été compliqué. Et donc c'est quelque chose qu'on regarde énormément. Mais je dirais qu'il faut aussi retourner la question. C'est pas simplement les exportateurs. Il y a aussi les importateurs. Et dans mon expérience, parce que moi je fais beaucoup essentiellement de l'Afrique du Nord, évidemment, beaucoup de pays qui sont très sensibles à l'augmentation du prix du pétrole, etc. Encore une fois, l'exemple parfait, ça a été la Tunisie sur le pétrole, ça a été l'Égypte sur le prix de la nourriture, etc. Ces pays-là ont été très sensibles. et le sont toujours.

  • Speaker #1

    En un mot pour expliquer, ça impacte leur balance des paiements et donc leur capacité à avoir des réserves pour non seulement avoir l'argent, mais surtout l'argent dans la bonne devise pour rembourser le...

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a deux grands problèmes essentiellement en IEM. C'est à la fois l'aspect de soutenabilité, donc là on en a parlé, c'est-à-dire la capacité pour un pays de continuer à honorer sa dette et d'avoir une trajectoire qui lui permette de continuer de servir sa dette. Et puis vous avez un élément de liquidité. Et ça, c'est un élément qui est un peu plus complexe, parce qu'il y a une liquidité, c'est la plupart du temps, ces pays-là, ils ont la dette libérée qui est en monnaie étrangère, et donc ils ne font pas de dollars, surtout si vous êtes un pays qui n'exporte pas de commodité. Et donc ces pays-là sont souvent très vulnérables, parce qu'ils ont toujours besoin d'avoir un stock de réserve, d'avoir leur stock de révers, d'avoir la monnaie qui soit au bon prix, etc. Mais tout ça pour dire que ces pays-là sont toujours très sensibles en termes de liquidité. Et ça, c'est particulièrement vrai pour les importateurs.

  • Speaker #1

    Dernière question, on a compris que ça reste un art et non pas encore une science parce qu'il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte, mais il y a quand même un contexte de technicisation croissante avec l'abondance des données qui sont disponibles et les capacités croissantes à les traiter. Quels sont les profils que vous recherchez dans vos équipes ? Est-ce que de plus en plus, c'est des gens qui ont des backgrounds de computer science, pourront être capables de faire des algorithmes, etc. ? Est-ce que c'est encore plutôt des économistes parce qu'il faut une connaissance du fondamental ? Est-ce que c'est des financiers parce que c'est quand même un métier de financier ? Est-ce que c'est n'importe qui qui a une bonne volonté et a envie de travailler beaucoup ? Est-ce que

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. A mon avis, ce qu'il faut dire d'abord sur la partie algorithme, c'est que c'est quelque chose qui est absolument en train d'être développé. Pas simplement par nous, mais par toutes les banques. Je dirais que ça s'applique sans doute à des produits plus liquides. Pour revenir finalement à ce qu'on disait au départ, pour les produits où ces acheteurs et ces vendeurs ne sont pas forcément dans le marché au même moment, où donc le prix du risque va être parfois très difficile à véritablement comprendre. Il y a très peu de transparence, parfois le prix augmente très vite ou baisse très vite pour des raisons simplement techniques du fait qu'il n'y a juste pas du tout de liquidité sur le marché. Et ces algorithmes-là, à mon avis, ils vont être développés, mais on n'est peut-être pas encore sur un marché où ces algorithmes-là ont le rôle central. En tout cas, vraiment sur la partie high yield. Est-ce que ça veut dire qu'on cherche nécessairement des gens qui sont des techniciens ? Alors, en tout cas, moi, je vais parler du trading, parce que sans doute qu'en research, il y a une vraie appétence pour des gens qui ont un background technique, que ce soit des économistes, mais que ce soit aussi des gens plus quantitatifs. Moi, je pense que le trading, ça peut être un métier technique, pas forcément mis en place, pas forcément incarné par des techniciens. Et là, je parle de l'IM et je parle en particulier de l'IM credit, c'est-à-dire ce que je fais moi. Pour faire très vite, à mon avis, ce qu'on recherche, c'est des gens qui sont bons, quel que soit à peu près leur background. Je pense que c'est vraiment la culture qu'on retrouve dans beaucoup de banques américaines, où, sans doute que c'est très important d'avoir fait les bonnes études, évidemment que ça reste une condition nécessaire. mais je dirais vraiment de façon, de mon expérience maintenant de ce type de culture-là, ça n'est absolument pas une condition suffisante. À mon avis, on recherche plutôt des gens qui sont des leaders dans ce qu'ils font. que ce soit des gens qui viennent de l'économie, de la finance, des maths, mais je veux dire, on a sur nos desks des gens qui ont fait de l'histoire, des gens qui ont fait de la biologie, donc des trucs qui sont quand même un petit peu différents. Mais parce qu'ils étaient très forts, parce qu'ils étaient très bons, parce qu'ils ont développé ce goût-là pour ce métier, parce que ce sont des travailleurs, c'est vrai qu'on cherche des gens qui sont quand même prêts à faire un vrai commitment pour ce boulot. donc je pense que c'est plus ce profil là après pour les juniors en particulier c'est vrai que pour le temps maintenant les banques elles embauchent essentiellement soit sur des summers soit sur des stages etc donc les juniors auront toujours au moins 3 et 6 mois pour faire leur preuve je pense que ça c'est vraiment l'aspect fondamental et donc je dirais que au lieu de partir du principe en disant on cherche ce type de profil il faut avoir fait ce type de background académique etc et encore une fois des gens comme vous des gens comme moi etc qui ont fait soit des grandes écoles, soit comme ça. On en a plein, attention, c'est absolument pas un handicap. Mais je dirais quand même que d'être là dans son stage, d'être proactif, d'être dans une capacité de travail... d'être à l'écoute, de poser les bonnes questions et de démontrer un apprentissage et parfois même une capacité de reproduction de la culture d'un desk, ça c'est vraiment les grands signaux qui fait que vous allez réussir sur le desk.

  • Speaker #1

    Ce sera le mot de la fin, merci beaucoup Mickaël. Merci à vous. Merci à tous et à toutes, ça a été un peu long mais parce que c'était passionnant, pour cet épisode un peu bonus de cette saison, n'hésitez pas à commenter sur votre application favorite de podcast. parce qu'on travaille d'ores et déjà sur la saison prochaine pour continuer d'innover et de remplir cet office et donc tout de suite pour conclure un petit extrait de l'épisode avec Pierre-Noël Giraud dont je parlais à l'instant

  • Speaker #2

    La malédiction des matières premières en fait c'est la malédiction de la rente par exemple si le prix du pétrole est à 80 dollars le baril l'extraction du pétrole en Arabie Saoudite ou dans la péninsule arabique en général C'est au maximum de 20 dollars le baril. Donc vous avez une rente absolument considérable. Donc cette rente est irréductible. Alors pourquoi est-ce que dans certains cas, et assez souvent, ça provoque ce qu'on appelle la malédiction de la rente ? Au lieu de stimuler le développement économique du pays, ça rentre. Ces ressources budgétaires pour la population... elles viennent du ciel en fait, c'est l'État qui a de l'argent. Le fait que ça vienne du ciel et que ça rentre directement dans les caisses de l'État, que ça n'a pas été prélevé sur la population, favorise le mauvais usage de la rente pétrolière, indépendamment de la corruption. On passe ça à des copains, en fait il y a une industrie nationale qui se constitue et qui vit de la redistribution de la rente, qui est un espèce de gaspillage. Un jour, il y a longtemps, à Libreville, au Gabon, pays pétrolier, j'ai essayé d'évaluer que devenait la rente pétrolière du Gabon. En détricotant tout le processus, quelle est la part de la rente qui a été privatisée par le fait que le contrat est très défavorable au pays ? Tout ça se retrouve en partie dans les poches de la compagnie internationale et une petite partie dans les poches de dirigeants corrompus. quelle est la part qui est consacrée à l'investissement pour l'avenir du pays et celle qui est consacrée à la consommation ? Celle qui est consacrée à l'investissement, est-ce que l'investissement est efficace ou est-ce que ça coûte trois fois plus cher de faire quelque chose que si c'était dans une économie compétitive, etc. En déclinant tout ça et à dire d'experts, j'arrivais à une évaluation très grossière que, en fait, à peine 15% de la rente était utilisée. pour le développement du pays.

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Description

Dans ce dernier épisode de la saison nous recevons Mikael Eskenazi, trader en emerging sovereign debt chez J.P. Morgan à Londres.


Après des expériences à la Banque Centrale Européenne et en conseil aux gouvernements chez Lazard, Mikael a rejoint un desk de trading, spécialisé dans les dettes souveraines émergentes. Il y. est notamment en charge du portefeuille MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient).


Mikael Eskenazi nous parle des caractéristiques de ce marché, des questions de liquidité et des termes des restructurations en cours et à venir.


Il évoque également la pénétration des données dans le trading, et l'évolution des profils des traders.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    en partenariat avec l'Institut Louis Bachelier et le FINDEV Lab.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de la saison 3 de Takeoff qui sera le dernier. Je m'appelle Wessim Jouni, j'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui Mickaël Eskenazi, VP chez JP Morgan et trader à Londres où nous nous trouvons, spécialiste de dette souveraine des pays émergents. On dit parfois High Yields, on y reviendra. Mickaël, bonjour et merci d'avoir accepté mon invitation.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    On va parler de la dimension finance de marché de cet écosystème, cette dimension finance de marché qu'on n'a pas encore eu l'occasion d'aborder dans ce podcast, la question de la liquidité, des indices, les datas pertinentes. le processus d'émission de dette, etc. Mais peut-être d'abord, pour vous présenter, vous avez commencé votre carrière à la BCE, puis vous êtes passé dans le conseil financier au gouvernement chez Lazare, avec notamment sous la houlette, disons, de Daniel Cohen, dont nous honorons ici à mémoire. Et je renvoie à l'épisode avec Anne-Laure Kichel pour celles et ceux qui se mettent y intéressent. Avant de rejoindre les desks de trading chez JP Morgan, pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix, ce qui vous plaît dans cette activité-là ?

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité. J'ai écouté vos podcasts, enfin quelques-uns en tout cas jusqu'à présent. C'est très intéressant et je pense que c'est en effet une partie du marché que vous explorez là où peu de gens se sont nécessairement explorés, particulièrement en français. Donc c'est toujours bien d'avoir ça. Et moi, je voudrais simplement commencer par dire, puisque vous me posez la question sur mon parcours, Lorsque souvent on va vers des recruteurs ou lorsqu'on parle à des universités, on entend de plus en plus le mot de non-linéarité, le parcours non-linéaire. Je pense vraiment que je suis complètement l'exemple de cette non-linéarité. J'ai commencé, j'ai une formation d'économiste, essentiellement même j'allais dire d'économétrie, donc assez technique. J'étais à la BCE pendant quelques années où je faisais vraiment du modeling, donc vraiment complètement différent de ce que je fais actuellement. J'ai fait un passage. assez court chez Lazare à Paris, où là, d'un coup, je suis rentré dans les pays émergents, mais vraiment côté conseil. Et puis, après cette expérience-là, c'est vrai que j'avais envie de passer marché. Et quand j'y repense, à mon avis, j'ai toujours voulu faire du marché. Je pense que quand même, je suis arrivé chez Lazare, j'avais cette impression-là qu'il y aurait un élément d'investissement ou en tout cas un élément qui se rapporterait comme ça à l'aspect marchand. Et sans doute qu'il y a eu des éléments comme ça dans leur passé. C'est vrai que moi, j'y étais dans une période qui était particulièrement calme, où on était sur des mandats qui n'étaient pas forcément transactionnels. Et donc quand je suis arrivé chez JP, je suis passé pendant un an en stratégie, donc vraiment complètement différent, on était dans une équipe où le but est essentiellement de donner du conseil aux investisseurs en buy side, et puis au bout d'un an, un an et demi, c'est vrai que j'avais envie d'avoir mon propre risque, et donc je suis passé en trading chez JP. Et donc le DEB sur lequel je suis, c'est un DEB qui fait de la dette souveraine émergente. Donc en fait, on traite essentiellement toute la dette des pays émergents, dette souveraine, c'est-à-dire la dette des pays, la dette des gouvernements, qui est libellée en hard currency, c'est-à-dire en dollars essentiellement. A peu près 85% de ce qu'on fait, c'est du dollar, mais aussi de l'euro et un peu de sterling et du yen.

  • Speaker #1

    Peut-être juste une toute petite question là-dessus avant qu'on rentre dans le cœur du sujet, parce que pour celles et ceux qui nous écoutent et qui se projettent dans ces métiers-là, on parle beaucoup de relocalisation, ces métiers d'aide de marché de Londres vers Paris, Londres étant historiquement la place du marché, est-ce que c'est encore largement en cours ? Est-ce que c'est assez limité en ampleur ?

  • Speaker #0

    La dynamique est toujours dans ce sens-là, mais je dirais quand même que... Si on regarde le flot de gens qui sont partis de Londres vers Paris, mais pas simplement Paris, il y a Francfort, il y a Milan et puis d'autres villes, contre le flot à Vert, c'est-à-dire des gens du continent qui viennent à Londres, on est encore quand même dans une certaine... Je ne veux pas dire domination parce que ce n'est pas vrai, mais on a quand même la majorité de flot qui est encore plutôt vers le Royaume-Uni. Alors, évidemment, à mon avis, c'est lié à deux choses principales. La première, c'est plutôt la formation quand même. C'est vrai qu'il y a encore beaucoup d'anglo-saxons qui font de la finance lorsqu'ils sont à l'université, et essentiellement pour eux la finance c'est de la finance de marché. Donc au fond vous avez fait de la finance à l'université, et puis le premier job que vous allez avoir c'est essentiellement soit un job de research, soit un job de trading, soit un job de sales. Donc c'est un métier qui est extrêmement internalisé pour les étudiants anglo-saxons. Et le deuxième point c'est que, contrairement aux étudiants français qui ont plutôt tendance à faire du conseil, en tout cas au départ, et le deuxième point c'est que quand même ces grandes banques américaines qui ont quand même comme JP comme nous ici qui avons une très grande activité de marché sont encore essentiellement localisées ici Mais on a envoyé une certaine partie de nos équipes à Paris. C'est vrai que ça s'est fait plutôt en sales. Les équipes de research sont plutôt ici. Et à mon avis, à part sur des produits vraiment continentaux, les équipes de trading sont encore plutôt ici. En tout cas, nous, en emerging market, on n'a pas de traders à Paris.

  • Speaker #1

    Pour rebondir sur cette segmentation que vous avez proposée, ça va nous permettre aussi d'un peu mieux expliquer tous ces métiers. C'est un écosystème un peu complexe dans lequel les gens ne se repèrent pas forcément. Donc vous, vous construisez à la fois des stratégies d'investissement et vous passez en même temps les ordres, tout en aussi les proposant, j'imagine, à des clients professionnels, puisque c'est un marché professionnel. Mais dans cet écosystème, il y a les sales, les comptes strategistes, le back-office, le front-office. Est-ce que vous pouvez en gros nous résumer la chaîne alimentaire de comment fonctionne un desk de trading ?

  • Speaker #0

    Mais d'abord, je pense que c'est important de dire quand même que cette histoire du mapping de l'industrie, c'est un problème que tous les, à mon avis, tous les juniors ont. Moi, je me souviens très bien quand j'étais étudiant, ça m'a pris des années de vraiment bien comprendre ce qui se passait dans toutes ces banques. Et les gens disent, mais moi, je travaille en finance. Et en fait, il y a 150 000 métiers en finance. Donc, en fait, pour faire très simple, une grande banque d'affaires comme nous et comme d'autres banques américaines, européennes ou asiatiques, c'est... La production est une activité privée, d'accord ? Donc une activité de conseil essentiellement, qu'on a nous ici et que d'autres banques ont, et une activité publique. Et l'activité publique en très grande majorité, d'accord ? Il y a d'autres métiers, mais la très grande majorité c'est ce qu'on appelle les activités de marché. Et les activités de marché sont essentiellement organisées autour d'une idée de front office et de middle office, ok ? Donc le front office en activité de marché c'est research, sales and trading. Ok, donc la research c'est clair, c'est les gens qui font du... qui font vraiment du travail approfondi, du travail d'analyse. Ce n'est pas de la recherche académique, mais c'est clairement un travail plus de temps long, où il y a beaucoup d'efforts qui sont faits en particulier sur la macro, en particulier sur tout ce qui est fixed income, mais il y a aussi une partie qui fait equity research, donc c'est un peu différent. Mais seulement ces gens-là sont des analystes. Après, on a les sales. Les sales, c'est les gens qui sont plutôt censés gérer la relation client. C'est vrai qu'il faut comprendre que pour la majorité des clients d'une grande banque d'affaires, prenons l'exemple de JP Morgan, pour la majorité des clients là, JP Morgan, c'est leur salesperson. C'est la personne avec laquelle ils vont interagir de façon quotidienne. Et puis, les traders. qui gèrent le risque, et dont le métier est essentiellement de donner de la liquidité aux clients, donc de permettre aux différents clients, qui sont pour simplifier des investisseurs, de pouvoir vendre ou de pouvoir acheter du risque en fonction de leur propre stratégie. Et donc un trader va essentiellement, selon le produit qu'il fait, être en mesure de donner soit ce qu'on appelle un bid, donc de pouvoir acheter un produit, ou alors une offre et donc de pouvoir vendre. Et vraiment pour rester sur le trader, moi quand j'ai commencé en trading, je me souviens très bien, un de mes mentors m'a expliqué, au fond il faut bien se figurer une sorte de grand marché de poissons. Mais en fait, ça paraît ça, mais c'est complètement ça. On est, dans ce marché de poissons, on est vraiment les marchands de poissons. Et on est là pour vendre et pour acheter du poisson. Et puis, la grande différence, en revanche, avec un marché de commodité classique, c'est que le prix de ce qu'on fait bouge énormément. Il bouge en fonction d'un certain nombre de facteurs. Et donc, notre rôle à nous, il est à la fois de servir nos clients, donc de leur permettre de mettre en place leur propre stratégie, même si parfois, ce n'est pas exactement ce qu'on veut faire nous. Donc, on va acheter tel ou tel produit.

  • Speaker #1

    On va passer des ordres qui vous sont de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fois, une fois qu'on a donné de la liquidité à nos clients, c'est de gérer notre propre risque. puisque évidemment nos books, nos balance sheets, si tu veux, sont remplis d'un certain nombre de risques sur lesquels nous on doit après mettre en place des edges, donc les edges c'est simplement des produits qu'on achète ou qu'on vend pour essentiellement consolider d'autres risques, et donc si vous voulez la gestion de ce risque-là prend énormément de temps. Alors maintenant il y a trois façons de monétiser ce qu'on fait. pour faire très rapide. Le premier point, c'est évidemment de produire un tout petit peu de marge sur tout le flow qu'on fait tous les jours. Alors là, les marges, elles sont petites, très petites. Et donc, c'est vraiment un métier de volume. La deuxième façon, c'est d'avoir simplement une bonne position sur un produit ou sur un autre et d'avoir raison essentiellement. Que ce soit d'être long, c'est-à-dire avoir le risque, ou d'être short, c'est-à-dire de ne pas avoir le risque. Et le troisième point, c'est de mettre en place des... ce qu'on appelle des Harveys techniquement. Il s'agit simplement d'avoir des vues sur la façon dont ces produits-là vont se comporter. Il y a un certain nombre de trades qu'on peut mettre en place, je ne rentre pas dans les détails ici, mais il y a un certain nombre de trades qui sont un peu techniques qu'on peut mettre en place, sur lesquels le trader va potentiellement bénéficier.

  • Speaker #1

    Et alors, si on élargit un peu la focale, donc ça c'était vraiment les métiers du desk de trading, si on élargit la focale aux activités de type une banque comme J.P., il y a aussi des gens qui gèrent des fonds, donc ça c'est un autre métier, et peut-être un tout petit focus sur les gens qui font de l'origination, qui est aussi une partie du DCM et qui connecte avec notre question des fixed income, donc qu'est-ce que vous pouvez nous en dire en gros ?

  • Speaker #0

    Complètement, donc il y a d'autres activités, comme vous le dites, c'est l'origination, donc tout ce qui est syndicate, d'accord ? Donc là ce sont des métiers dont le but est de produire, donc de nouveaux produits. Donc typiquement... Pour en tout cas ce que moi je vois presque tous les jours en ce moment, il s'agit de permettre aux différents pays d'émettre de nouveaux bons. Donc ça c'est vraiment un vrai métier qui est à part. Ce sont des gens qui travaillent de leur côté avec nos clients et à la fois qui travaillent aussi avec nous les traders parce que lorsque le nouveau bon est émis, le desk est en charge de trader ce bon au tout départ, donc de le mettre dans le marché. donc ça c'est une activité qui est très importante et qui est absolument centrale particulièrement en Energy Market en ce moment je suis sûr qu'on en parlera et puis les gestions de fonds alors ça c'est un peu différent parce que typiquement chez nous on a on a JP Morgan Asset Management et ça c'est la partie vraiment qui est de l'autre côté du mur donc ça ça peut être en fait nos clients eux ils font partie d'un métier comme je disais au départ de Buy Side donc eux ils font partie du groupe de gens qui sont des investisseurs et qui viennent chez les DAZ de trading pour mettre en place leur propre stratégie.

  • Speaker #1

    La caractéristique des produits sur lesquels vous posez des ordres, c'est qu'ils sont peu liquides. C'est souvent la caractéristique à laquelle on associe les emerging markets. Peut-être que vous pouvez nous expliquer concrètement, c'est-à-dire quoi peu liquide, c'est quoi la détention moyenne d'un titre pour un desk comme JP ? Et surtout, est-ce que c'est limite pour les professionnels à venir sur ces marchés, parce que la liquidité est quand même un gros enjeu, ou est-ce qu'au contraire c'est aussi là qu'il y a des opportunités d'arbitrage ?

  • Speaker #0

    Alors, La liquidité. Je proposerais une définition peut-être un peu plus de de practitioner, d'accord ? Une définition de quelqu'un qui est dans le marché. Et à mon avis, la liquidité, c'est quand il y a au même moment dans le marché à la fois des vendeurs et des acheteurs. Alors là, si on prend cette définition-là, c'est-à-dire de ce two-way-là dont je parle, est-ce que l'emerging market sauverait une dette ? Est-ce que ça, c'est liquide ? Je pense qu'il faut expliquer qu'on a eu, depuis deux ans, un très grand changement sur la façon dont nos marchés fonctionnent, qui est évidemment l'augmentation, on en parle en permanence, des taux d'intérêt globaux. Et qui ont fait quand même que pour certaines parties des clients qui voulaient regarder l'Emerging Market parce que nos yields étaient beaucoup plus élevés que la majorité du reste du marché il y a 2, 3, 4, 5 ans, aujourd'hui ça a un peu disparu. Et donc, ce qu'on a perdu depuis 2-3 ans, c'est tous ces clients-là qui nous regardaient et qui aujourd'hui, en fait, ils ont à peu près, si vous voulez, notre bénéfice relatif par rapport au marché développé est très faible. Et donc, ces gens-là, ils sont partis du marché. Et donc, la liquidité, parce que ces gens-là étaient les acheteurs. primaires, les acheteurs quotidiens de notre risque, et qui permettaient donc d'avoir ces acheteurs et ces vendeurs, ces acheteurs-là, ils ont disparu. Ils ont disparu depuis maintenant 2 ans, 2 ans et demi. Les flots de la part de cette partie-là du marché, c'est-à-dire des gens qui pouvaient regarder à la fois les marchés développés et qui s'étaient intéressés au marché en développement, on est au plus bas depuis 15 ans. Et donc oui, notre liquidité, en revenant à la définition que j'ai donnée juste avant, elle a beaucoup baissé.

  • Speaker #1

    On reviendra à la question des différentes catégories, des différentes poches de liquidité d'une part et différents titres qui sont tradés, mais juste peut-être une petite incite sur ce que vous venez de dire. Il y a eu cet assèchement des marchés émergents, parce qu'effectivement quand on a un taux sans risque à 5%, c'est plus facile d'acheter des titres du trésor américain. En même temps, on voit que les marchés sont en train de se rouvrir. On a vu l'émission de la Côte d'Ivoire, l'émission du Bénin, parce que ces pays ont besoin de se refinancer. Et c'est des marchés qui aussi ont vu très peu d'émissions ces dernières années. Et quand ces opérations se sont réalisées ces derniers mois, elles ont plutôt été très sursouscrites. Donc il y a quand même une forme d'appétence. Est-ce que vous pensez qu'on est quand même dans une phase de réouverture qui pourrait être bénéfique ? Évidemment, on va faire comme le disclaimer habituel, ceci n'est pas un conseil financier, c'est une analyse.

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que d'abord, vous me donnez l'occasion de le dire expressément. Et évidemment, on vous accueille dans les bureaux de JP Morgan. En effet, tout ce que je dis là, c'est évidemment ma vue personnelle et pas la vue de JP. Mais pour rebondir sur votre question et pour vous donner justement ma vue personnelle, vous avez raison, ces émissions-là ont très bien fonctionné. Je me rappelle très bien l'émission de Bénin il y a deux ou trois mois, je me souviens. C'était extrêmement sur-souscrit et ça a très bien fonctionné même ensuite. Donc en quoi il y avait beaucoup d'appétit pour ça. Les émissions de la Turquie sont toujours très bonnes, etc. Je pense que quand on regarde les yields auxquels ces trucs-là ont printé, c'était vraiment dans les hauts 8%, donc 8%, 3 quarts, presque 9%. donc un certain nombre de clients ont pris là en tout cas de compte ont pris la vue qu'au fond si les taux américains avaient été poussés au bout donc disons voilà on n'allait pas aller beaucoup plus haut que ça nos produits commencent à être assez intéressants. Parce que du coup, vous achetez quand même du Bénin, du Ivoricoz, donc on parle quand même du risque de WB, donc ce n'est pas aussi difficile que des risques single B, etc. Du coup, vous détenez un risque qui est relativement safe, on ne parle pas de crédit en défaut, et ça vous rapporte entre 8 et 9% par an. Donc oui, il y a eu beaucoup d'appétence pour ça. Et on continue d'ailleurs de regarder voir ça, notre marché continue de trader très largement sur cette idée-là. Et cette idée-là continue d'être développée tant que le marché garde l'hypothèse que, au fond, la Fed a fini, qu'on n'aura pas plus de hikes. Évidemment, le jour où ça, ça change, toute cette idée-là, que ces pays-là ont accès au marché, à mon avis, elle est terminée. Mais pour le moment, c'est une narrative.

  • Speaker #1

    Et c'est une narrative crédible, par ailleurs. Sans doute. Mais justement, pour revenir sur cette idée de ce spread qui diminue, spread étant en gros l'écart entre lesquels ces pays émettent, et disons le taux des US ou un taux sans risque, en fait, on voit qu'il y a cette catégorie, c'est pour ça que je faisais un incise en introduction sur le concept de high yield, c'est cette catégorie marché émergent. On voit bien que dans cette catégorie marché émergent, il commence à émerger des émetteurs réguliers qui sont en réalité WB, BBB, mais qui ont... une habitude des marchés qui sont, comme vous le disiez, relativement safe, et en même temps, il y a des bondes qui sont beaucoup plus distresses, des pays qui sont en crise. Est-ce qu'au fond, le concept théorique, cette espèce de big box des high yield a encore un sens, ou est-ce qu'il n'y a pas une segmentation de fait entre des segments qui n'ont rien à voir dans leur dynamique ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une très bonne façon d'approcher les choses, et c'est vrai que l'idée de dire high yield et IG, comme on disait avant, donc IG, investment grade, donc tous les trucs qui sont au-dessus de BBB, inclus. à mon avis c'est quelque chose qui doit être un petit peu revu en tout cas nous la façon dont on traite ça on traite sans doute plus comme ça On a à la fois dans l'investment grade, pour en dire juste un mot, même si ce n'est absolument pas du tout ce que je fais, mais pour en dire un mot, il y a vraiment le top du panier, des trucs qui traitent vraiment comme des très jurés américains. Qatar, etc. C'est des trucs vraiment qui sont là. Et puis on a le bas, les trucs qui sont triple bid, etc. En particulier si on a l'idée que potentiellement il va y avoir un downgrade, là on a plus de spread. et il se trouve que cette partie-là du marché a aussi beaucoup de besoins budgétaires, et donc cette partie-là du marché continue d'émettre de façon relativement régulière, et donc continue de mettre une certaine pression sur ses propres spreads, du fait du supply qui est fait dans le marché. Ça c'est sur le côté IG. Maintenant sur le côté high yield, c'est vrai qu'on a une différence existentielle entre d'un côté le BBB, Et quand je dis le double B, ça va du double B plus jusqu'au double B minus. On prend un exemple typique, c'est Oman et Maroc. Des trucs qui sont toujours high yield, mais qui ont vraiment une trajectoire vers l'investment grade. Et puis on a la partie à partir du single B. Et là, dans la partie single B, on était dans un marché il y a 5 ans où, au fond, les gens étaient à la recherche du yield, etc. Et donc, il y avait très soutenu. Et puis aujourd'hui, c'est une partie qui est plus problématique. Les gens ont été un petit peu traumatisés, à mon avis, par le nombre de défauts qu'on a eu depuis essentiellement le Covid. Et donc, c'est vrai qu'une partie des investisseurs ont arrêté de regarder ça. parce que pour ces gens-là, il y avait vraiment une envie d'avoir du yield, etc. Et puis aujourd'hui, ils comprennent qu'on est sur une asset class qui a vraiment un risque de défaut. Et ce risque de défaut qui était un peu abstrait jusqu'en 2019-2020, il s'est complètement matérialisé.

  • Speaker #1

    Mais du coup, sur le marché secondaire, il y a aussi des opportunités à faire parce qu'il y a une volatilité qui est très importante.

  • Speaker #0

    C'est la partie du marché qui a le mieux performé depuis octobre. Donc il faut bien comprendre que depuis octobre, le S&P, il est passé de... Enfin, je ne sais pas, on a dû faire 25-30%, grosso modo quelque chose comme ça. Donc évidemment, il y a eu une énorme appétence pour le risque. Et cette partie-là du marché qui était extrêmement mal pricée en octobre, avec beaucoup de gens qui pensaient que tous ces pays-là allaient exploser, enfin le meilleur exemple c'était l'Egypte, on parlait tous les jours à des gens qui expliquaient que l'Egypte allait faire défaut le lendemain. Et évidemment ça ne s'est pas passé, et donc cette partie-là du marché a très bien performé. Donc ça c'est vrai qu'il y a eu une appétence fondamentale et fantastique pour ces produits-là, même si aujourd'hui à mon avis on arrive un tout petit peu au bout.

  • Speaker #1

    Pour élargir, donc là on parle vraiment du fondamental, c'est-à-dire des titres de dette émis par des pays. Si on prend la catégorie plus générale aussi des produits structurés ou synthétiques qui sont créés, ce qui va nous permettre peut-être de, vous nous disiez un mot de l'EMBI Global Index qui est développé justement par JP Morgan. Mais plus globalement, il y a les CDS qui sont en gros des assurances sur des défauts et tout ça. Quelle part tous ces produits synthétiques représentent du trading ? Est-ce que c'est assez minorité ou en fait est-ce que c'est ça le gros du…

  • Speaker #0

    C'est un produit qui est fondamental. Et particulièrement chez JP Morgan, c'est un produit qui a beaucoup d'histoire chez nous. On a été une des premières banques à faire du CDS, donc il y a toujours eu un grand appétit pour faire du CDS, en particulier chez nous. Juste pour expliquer rapidement, vous l'avez dit, c'est une sorte d'assurance. Donc la valeur du CDS augmente lorsque la valeur du bon sous-jacent diminue, pour dire les choses assez simplement. C'est un produit dit synthétique, en effet. et donc différent du cash. Alors nous, on est un DES de cash, d'accord ? Donc on trade, une très grande partie de ce qu'on fait, c'est du bon, mais certains de nos traders, ce n'est pas mon cas, mais font du CDS aussi. Alors, le CDS, il est important, à mon avis, pour trois grandes raisons. Et quand je parle du CDS, j'allergis même jusqu'à l'index. Vous parliez de l'AMBI. Il y a une vraie demande pour ces produits-là d'abord parce qu'il y a une demande pour les hedges. Encore une fois, je parlais d'un produit qui permet de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup d'exposition à un produit. Disons beaucoup d'exposition par exemple à l'Afrique du Sud. Les élections arrivent, donc disons ça. Une des façons de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup de risque à l'Afrique du Sud, c'est d'acheter du CDS sud-africain. Et donc il y a une demande naturelle en fait pour ce type de produit. Le deuxième point, c'est que ces produits-là permettent aussi d'avoir ce qu'on appelle du CARI. Donc lorsqu'on détient un CDS, on reçoit des cash flows régulièrement pendant l'année, ce qui permet aussi dans des produits qui ne sont pas forcément des produits à défaut, revenons sur l'Afrique du Sud et sans doute à un moment donné sur la Turquie et sur d'autres produits, d'avoir en fait un cash flow sans avoir forcément d'exposition de défaut, si on pense qu'il n'y a pas de défaut. Et puis enfin, le troisième point, c'est que c'est un produit qui est beaucoup plus liquide que les bons. Il y a beaucoup moins de cash en jeu. Donc lorsqu'on achète un bon, il faut avoir le cash pour l'acheter. Lorsqu'on trade le CDS, il n'y a qu'une toute petite partie de cash qui est en jeu. Le reste n'est pas mis en jeu immédiatement, sans rentrer dans tous les détails. Et donc pour beaucoup d'acteurs, particulièrement pour les hedge funds, mais pour d'autres acteurs aussi, le CDS est une très bonne façon d'exprimer un risque général sans être trop intensif en termes de cash utilisé. Et donc pour des comptes qui sont... Je dirais les mêmes choses sur les ETF, sur les index, qu'on appelle aussi ETF, même si c'est légèrement plus cash intensive, mais les mêmes raisons sont utilisées. Je rajouterai que pour l'ETF... L'avantage, c'est que si on revient sur l'AMBI, par exemple, je ne me souviens plus exactement combien il y a de noms dedans, mais à mon avis, il y a 80 noms dedans, dans l'AMBI. Donc, ça permet aussi d'avoir, de prendre une vue de marché sur tous les pays émergents, sans avoir forcément à choisir un seul pays.

  • Speaker #1

    Au sein de ces titres très spéculatifs, donc vous disiez B et en dessous, on peut faire en gros deux catégories. Il y a des pays qui sont très... peut développer une dette qui aurait une capacité à y porter, la dette qui est limitée, donc ils ont un, deux bondes qui sont sur le marché, donc c'est assez risqué. Il y a des pays qui sont plutôt des pays à revenus intermédiaires, mais qui sont dans une conjoncture politico-financière compliquée. On peut penser à l'Egypte que vous mentionnez, la Tunisie, l'Argentine historiquement, l'Équateur, l'Ukraine aussi, pour des raisons qui sont indépendantes de leur montée. Est-ce que, du coup, sur ce type de pays-là, C'est très compliqué d'avoir des facteurs macro de type DSA ou PIB parce qu'au fond ils disent peu de choses. Est-ce que du coup votre métier implique aussi de lire l'actualité politique économique du pays, les négociations FMI, comprendre la situation politique du coup, puisque c'est ça ce que vous pratiquez finalement ?

  • Speaker #0

    Alors la réponse courte, c'est grand oui. D'accord, donc moi je dois passer au moins une heure tous les jours à lire les médias d'une dizaine de pays que je couvre et que je traite. donc ça c'est vraiment pour moi c'est devenu une routine donc toute l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient parce que vous on l'a pas dit mais vous êtes plutôt zone MENA moi je fais plutôt du MENA donc Afrique du Nord et puis aussi Moyen-Orient mon meilleur crédit c'est le Maroc donc c'est un double B mais sinon je fais essentiellement du single B et du triple C Mon crédit le plus tangent, pour le dire poliment, c'est le Liban. Donc des choses vraiment très compliquées. Vous comprenez pourquoi je passe du temps à lire la presse locale de tous ces pays. Mais pour vous répondre de façon un peu plus globale et de façon un peu plus complète, le métier de trader a une grande différence par rapport à un certain nombre d'autres métiers. c'est que quoi que vous fassiez dans la journée, vous parlez aux clients, vous tradez des bons, vous mettez en place des stratégies, vous perdez de l'argent, vous gagnez de l'argent, vous rentrez le soir chez vous et vous avez sur votre book, c'est-à-dire sur votre balance sheet, un risque. Et donc vous avez ce que moi j'appelle le overnight risk. C'est-à-dire que vous avez la mauvaise headline qui arrive le soir, vous avez le mauvais article qui arrive le lendemain matin, vous avez la mauvaise rumeur qui se répand dans le marché pendant que vous dormez, c'est pour votre pomme. Et ça c'est un métier qui, je pense qu'on peut en parler pendant des heures et des heures, mais les traders quand ils commencent, ils réalisent ça très vite. Et donc je pense que ça... Ça implique d'être en effet complètement intégré dans la vie politique du pays qu'on traite, d'avoir une très bonne compréhension de ce qui s'y passe, des différents risques, etc. Ça c'est sur la partie politique, sur la partie médias. Vous parlez de la DSA. Alors, la DSA, oui, c'est complètement ce qu'on fait. Moi, quand j'ai commencé en finance, personne ne faisait de DSA. Il y avait l'EFMI qui faisait ses DSA, et vous aviez les advisors, les gens comme Lazard, comme Rothschild, etc. Aujourd'hui, tout le monde fait des DSA. C'est devenu très à la mode, sans doute parce qu'on a eu beaucoup plus de défauts, et que la DSA reste fondamentalement l'outil qui permet de résumer les stocks, les flows, d'avoir une très bonne idée aussi de la compréhension d'un pays. Quand un pays n'est pas... n'est pas encore en situation de défaut, mais potentiellement pourrait y arriver. La DSA permet d'informer les types de risques et d'avoir une bonne idée de la timeline. Et puis lorsqu'évidemment ces pays-là ont fait défaut, la DSA, en particulier pour les pays à faible revenu, je pense évidemment au Ghana, Zambie, etc., la DSA est l'outil principal du résultat de la restructuration. Donc oui on fait ça, moi je dirais que ma différence sans doute contre d'autres traders c'est que je fais tout ça moi-même. Donc on a évidemment une équipe de research qui font ça aussi, mais moi en ce qui concerne les crédits que je trade moi-même et sans doute pour le desk aussi, c'est vrai que je passe pas mal de temps à faire ça. Donc c'est central, absolument central.

  • Speaker #1

    Alors justement, ça va connecter avec ce que vous venez de dire, parce que la DSA est aussi fondamentale. Quand le défaut advient pour négocier les termes de la restructuration, quand le défaut advient, les titres en général sont neutralisés. Il n'empêche qu'il peut quand même y avoir des opérations. Comment ça fonctionne ? Du coup, c'est des opérations privées, j'imagine, vous en direz plus. Et surtout, comment vous pricez le résultat de cette restructuration qui, par définition, n'est pas connue ? Est-ce que c'est aussi en se fondant sur la DSA ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, sur ce que vous dites, moi, je... Je dirais simplement que lorsque un pays en particulier fait défaut, les titres sont toujours sur le marché. Donc ça, c'est la spécificité des souverains. Les corpos, c'est différent. Sur les souverains, notre index, donc l'EMB, continue de garder ces titres-là dans l'index. Donc les titres Liban, qui ont fait défaut en 2020, si je me souviens bien, ils sont toujours dans l'index et ils tradent complètement. Les titres Ghana, qui ont fait défaut à la fin de 2022, ils sont complètement dans l'index et ils n'ont jamais arrêté de trader. Ce qui va se passer en revanche, c'est qu'on va passer d'un bon qui était avant défaut dans les 80-90, disons, Lorsque le marché va commencer à sentir qu'il y a un défaut qui arrive, on va régulièrement trader dans les 60, quelque chose comme ça, 60, les hauts 60, moi je me souviens, Ghana, on est à peu près là, et puis lorsqu'on a à un moment donné le défaut, on va trader beaucoup plus bas. Alors jusqu'où ? Ukraine en ce moment c'est dans la 20, parce que les produits qu'on trade, qui sont donc des bons, ça trade comme des bons, c'est-à-dire ça trade en yield, ça trade en spread, etc. Mais lorsqu'on commence à arriver sur des situations qui sont compliquées, on trade essentiellement en prix. Et là, en prix, on traite essentiellement presque plus comme une action. C'est-à-dire que le prix va de 0 à 100, essentiellement. Et donc là, le prix va être simplement une fonction de l'offre et de la demande. et l'offre et la demande va être une fonction de tous les facteurs dont on a parlé, mais tout ça pour dire que le prix va bouger très vite, très très vite. Donc typiquement sur un défaut, on va avoir vraiment un prix qui va passer, encore une fois, des hauts 80-90, on va très vite passer vers le 50-60, et puis lorsque le défaut arrive, et si le marché considère que le défaut peut durer, comme ça a été le cas malheureusement sur tous ces pays-là, Ghana, Zambie et d'autres, on peut arriver à des prix qui sont très bas et qui reflètent non seulement la probabilité d'europaiement, comme vous dites, mais qui reflètent plus structurellement la faible demande pour ce type de produit, qui reflètent que les gens n'en veulent pas. Alors maintenant, sur la partie comment est-ce que nous on traite ça ? Gardons en esprit que le bon reste toujours dans le marché. Et donc on est toujours dans la situation où en permanence, le rôle du marché va être essentiellement de comprendre quels vont être essentiellement les termes de la restructuration. non seulement les termes, mais aussi la timeline. Vous le dites, on ne veut pas avoir un produit qui va être immobilisé pendant trois ans. Donc si on dit la restructuration arrive dans trois ans, peu importe les termes, on n'en veut pas. Le prix restera très bas. Mais sinon, le but du marché sera toujours, en permanence, d'essayer d'arriver à ce qu'on appelle la recovery. Donc, je ne sais pas comment on dit ça en français.

  • Speaker #1

    La valeur de recouvrement.

  • Speaker #0

    La valeur de recouvrement, voilà. Final, qu'on obtiendra au moment de la restructuration. Et donc évidemment qu'au fur et à mesure du temps, au fur et à mesure que l'information arrive et est distribuée au marché, n'oublions pas qu'on est du côté public, donc on n'a absolument pas accès aux négociations qui sont faites avec les conseillers, on n'a pas accès à l'information privée du pays, donc on n'a pas forcément accès à toutes les données, etc. Donc on travaille avec des données publiques qui sont parfois très justes et puis parfois qui sont un peu du narratif. Donc je ne veux pas dire rumeurs, mais il y a un peu de ça. Et donc, en fonction de toutes ces données-là, le prix va être une fonction de ce que le marché va penser, que la valeur de recouvrement sera après la restructuration. Alors là, il y a plusieurs facteurs qui rentrent, mais en effet, pour les pays à haut revenu, à l'intérieur des pays émergents, c'est ce qu'on appelle les pays market access. l'ADSA joue un rôle fondamental, mais pas aussi fondamental que pour les pays à faible revenu, parce que l'ADSA du FMI est simplement un des facteurs qui rentreront en jeu dans la négociation finale entre le souverain, qui vient de faire défaut, et les créditeurs, qui détiennent une dette qui est en défaut. Lorsqu'on parle de pays à faible revenu, qu'on appelle dans le jargon des low income countries, donc des leaks, la DSA du FMI est absolument centrale. Parce que le but d'une restructuration sera de permettre aux souverains d'avoir une DSA dite soutenable. Et donc ça, ça va vraiment complètement conditionner les négociations avec les créditeurs. Et donc, un exemple précis, qui est le Ghana, que je peux prendre parce que c'est toujours en cours, évidemment que la DSA du FMI, sur laquelle le marché s'est calé le mieux possible, joue un rôle fondamental parce que cette DSA-là, DSA-là essentiellement, implique ce que sera la valeur de recouvrement après la restructuration. Évidemment, il y a un élément de négociation qui sera pris en compte entre le souverain, ses conseillers et les détenteurs de titres, mais les termes de cette restructuration devront être essentiellement à l'intérieur des contraintes de cette DSLA.

  • Speaker #1

    Sur un autre sujet, pour parler d'innovation financière, il y a de nouveaux instruments qui sont discutés, parfois même émis, les sustainable bonds, les SLB, les SCDI qui sont des instruments contingents dont le pay-off dépend de la situation économique du pays, contrairement au fixed income qui est le cœur du marché où le coupon est fixé à l'émission. Quel est votre point de vue financier, votre regard financier sur cette discussion qui est en permanence ongoing sur ces sujets-là, notamment eu égard à la conversation qu'on a eue sur la question de la liquidité, qui est souvent le reproche qu'on fait à celles et ceux qui veulent innover dans les produits financiers. Et notamment, on parle beaucoup de Greenium, est-ce qu'il y a à ce jour des poches de liquidité qui sont spécialisées pour des produits green qui sont suffisamment grosses pour qu'il y existe un avantage de prix pour émettre des produits green, ou est-ce que pour l'instant ça reste une bonne volonté du pays mais sans avantage financier à en tirer ?

  • Speaker #0

    Alors, peut-être le plus facile pour moi, c'est de mettre de côté le côté green, etc., qui est important. La contrainte d'ESG, essentiellement, c'est quelque chose qui a beaucoup grandi. Il y a un ensemble de nos clients et un ensemble des comptes qui sont sur le marché où la contrainte d'ESG est fondamentale. Donc, il y a une demande pour ce type de produit. Et d'ailleurs, je me souviens, pour donner une anecdote d'un client il y a plusieurs années qui me demandait Mais est-ce que vous pensez que le Liban va pouvoir faire une émission verte ? Comme quoi tout est possible. Comme quoi c'est important. Mais c'est vrai que dans les produits strictement high yield, en particulier dans les produits distressed, c'est vrai que c'est un sujet qui est un petit peu...

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai que pour rappeler, vous êtes quand même une partie du club où la question se pose un peu moins.

  • Speaker #0

    Voilà, ça se pose un peu moins. Tant mieux si un jour on peut y arriver. Et si un jour ces pays-là peuvent arriver, ce genre de questions comme ça, ce sera un immense succès. Mais actuellement, c'est vrai que... Et je parle vraiment du vrai distressed. Je ne parle pas simplement du... Je ne parle pas juste du single B, mais ça c'est un petit peu à part. Sur les produits contingents et les produits un peu plus complexes, il y a à la fois un besoin de liquidité, que vous avez rappelé, et encore une fois pour revenir à ce que je disais au départ, c'est-à-dire un produit qui va permettre d'avoir à peu près tout le temps des acheteurs et des vendeurs. Si on fait un produit qui est très complexe, qui est très intelligent, qui est un produit qui permet sans doute de répondre aux exigences de la DSA, aux exigences de la macro, aux exigences du FMI, et qui a l'air fantastique sur le papier, mais qui va finir dans des poches qui ne vont jamais en vendre, ou alors qui vont finir dans des poches de gens qui ne vont pas pouvoir les garder, et donc qui ne vont faire que les vendre, on ne peut pas être dans une situation de liquidité. Donc je pense que ça c'est une contrainte qui est fondamentale, parce que lorsqu'on parle de pays post-défaut, qui doivent retrouver l'accès au marché, et qu'on dit à ces pays-là, mais post-restructuration, vous allez pouvoir émettre, vous allez pouvoir avoir l'accès au marché des capitaux, et qu'on leur vend ce type de produit, et qu'ils découvrent qu'en fait la demande pour ce type de produit est très faible. Il ne faut pas mentir aux pays émergents. A mon avis, il faut garder en tête que... Si le but post-structuration, restructuration, c'est de permettre à ces pays-là de retrouver à un moment donné un accès au marché des capitaux, pas immédiatement mais dans le medium term, il faut qu'on leur promette des produits qui leur permettent d'avoir une yield curve, une courbe de taux d'intérêt dans le temps sur lesquels on pourra ensuite pricer de nouveaux bons et où il y a une demande naturelle. Sinon, si c'est pour avoir des trucs qui ne vont jamais trader, la contrainte de retour sur les marchés ne sera jamais satisfaite. Ça, c'est sur l'aspect de l'équité. Maintenant, on a des exemples de produits contingents. et qui ont bien fonctionné. L'exemple, évidemment, que tout le monde connaît, c'est l'exemple du warrant pour l'Ukraine. Pour faire très vite, en 2015, l'Ukraine a fait défaut, a restructuré, les créditeurs ont accepté un haircut, c'est-à-dire une réduction de la dette de 20%, donc 20% perdu, d'accord ? Et ces 20%-là ont été transformés dans un produit dont la valeur dépend de la croissance de l'Ukraine. Et pourquoi c'est vraiment un bon produit ? C'est que lorsqu'un pays défaut, fait défaut, Vous avez toujours une équipe de gens qui sont essentiellement du côté du souverain et du côté des conseillers, qui expliquent que la situation est catastrophique, que le pays est à genoux, et que par conséquent, il faut que le marché et les investisseurs acceptent des pertes particulièrement élevées. Et puis vous avez le côté du marché. qui vont toujours prendre l'inverse, qui vont expliquer qu'au fond le pire est derrière nous, que le pays vient de faire défaut, donc au fond il n'y a que la recovery qui est possible, que maintenant les partenaires officiels sont dedans, donc l'argent coule à flot, que les réformes vont être mises en place, etc. Le potentiel fantastique de pays à moyen terme. Et comment est-ce que... Et donc du coup, c'est très difficile de négocier comme ça, parce que vous avez une équipe de gens qui veulent absolument imposer des pertes parfois très difficiles à justifier, et puis une équipe de gens qui ne veulent absolument pas prendre de pertes à ce moment-là, parce que c'est le pire moment pour prendre des pertes. Parce que la situation ne fera que s'améliorer. Et donc, pour essayer de concilier ces deux équipes-là, et pour avoir quand même un deal, et pour permettre au pays de dépasser le défaut, on a des produits qui permettent... de faire en sorte que la perte qui est prise par le marché soit une certaine fonction de la performance macroéconomique d'un pays. Et quand je dis que c'est bien designé, c'est qu'il faut que ce soit à l'avantage de tout le monde, alors pas simplement que du marché. Alors est-ce qu'il y a un appétit pour ce type de produit ? Oui, pour les raisons que je viens de donner, c'est que ça peut permettre d'augmenter les chances de retrouver un deal et d'augmenter potentiellement les recoveries à moyen terme, et tout à la fois dans le cas contraire où le pays prendrait plus de temps pour mettre en place les réformes, pour se remettre quand même d'un événement relativement traumatisant qui reste quand même le défaut souverain. de ne pas avoir forcément à repayer autant ou aussi vite, et sans doute à avoir peut-être encore un peu plus de facilité de la part du marché pendant un peu plus longtemps. Donc oui, il y a une appétence. Et donc, la contrainte, c'est bien la suivante. D'un côté, il y a une besoin de liquidité, parce que ces produits-là ne peuvent pas être simplement des produits qui existent dans un Excel sheet ou dans un white paper. Donc il ne faut pas que ce soit des produits académiques. il faut que ce soit des produits qui puissent vraiment trader, et donc il faut que ce soit des produits qui soient dans l'index, pour que la majorité de nos clients puissent les regarder. Et il existe un certain nombre de contraintes pour que cela arrive. Et de notre côté... il faut que ces produits existent aussi. Parce qu'ils sont à l'avantage parfois du marché, parfois du souverain, mais ils permettent la plupart du temps de débloquer une situation qui est une situation de restructuration qui est complexe.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser, avant qu'on pose la dernière question sur la question des RH, ça me fait penser, parce que souvent, ces values recovery instruments, ces instruments financiers qui sont indexés sur la vitesse, disons, de recouvrement de l'économie considérée, sont indexés justement sur des matières premières ou des... des données objectivables pour aligner les intérêts et éviter les manipulations. Souvent, on associe mentalement marché émergent, dette souveraine et commodities. Est-ce que c'est un truc que vous regardez beaucoup et qui, de fait, est fondamental dans l'équation ? Le my commodities, donc les matières premières à la fois exportées par le pays et importées. J'en parle notamment parce qu'on a interviewé Pierre-Noël Giraud, qui est un des grands experts des matières premières dans ce podcast.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, encore une fois, réponse courte, absolument. C'est vrai que l'IM, les pays émergents, restent fondamentalement un ensemble de... En tout cas, il y a un très fort groupe de producteurs de commodités, que ce soit en effet cuivre, pétrole, phosphate, etc. Donc ça, c'est un élément central. mais il faut que ces pays puissent en bénéficier. Et c'est vrai que c'est compliqué, parce que jusqu'à présent, certains de ces pays-là, malgré l'existence de ces commodités-là, n'ont pas échappé à un endettement particulier, et parfois au défaut souvent. Donc évidemment, l'exemple de la Zambie, qui est un gros producteur de cuivre, ça ne l'a pas sauvé. Le Ghana, évidemment, coco et même pétrole, ça a été compliqué. Et donc c'est quelque chose qu'on regarde énormément. Mais je dirais qu'il faut aussi retourner la question. C'est pas simplement les exportateurs. Il y a aussi les importateurs. Et dans mon expérience, parce que moi je fais beaucoup essentiellement de l'Afrique du Nord, évidemment, beaucoup de pays qui sont très sensibles à l'augmentation du prix du pétrole, etc. Encore une fois, l'exemple parfait, ça a été la Tunisie sur le pétrole, ça a été l'Égypte sur le prix de la nourriture, etc. Ces pays-là ont été très sensibles. et le sont toujours.

  • Speaker #1

    En un mot pour expliquer, ça impacte leur balance des paiements et donc leur capacité à avoir des réserves pour non seulement avoir l'argent, mais surtout l'argent dans la bonne devise pour rembourser le...

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a deux grands problèmes essentiellement en IEM. C'est à la fois l'aspect de soutenabilité, donc là on en a parlé, c'est-à-dire la capacité pour un pays de continuer à honorer sa dette et d'avoir une trajectoire qui lui permette de continuer de servir sa dette. Et puis vous avez un élément de liquidité. Et ça, c'est un élément qui est un peu plus complexe, parce qu'il y a une liquidité, c'est la plupart du temps, ces pays-là, ils ont la dette libérée qui est en monnaie étrangère, et donc ils ne font pas de dollars, surtout si vous êtes un pays qui n'exporte pas de commodité. Et donc ces pays-là sont souvent très vulnérables, parce qu'ils ont toujours besoin d'avoir un stock de réserve, d'avoir leur stock de révers, d'avoir la monnaie qui soit au bon prix, etc. Mais tout ça pour dire que ces pays-là sont toujours très sensibles en termes de liquidité. Et ça, c'est particulièrement vrai pour les importateurs.

  • Speaker #1

    Dernière question, on a compris que ça reste un art et non pas encore une science parce qu'il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte, mais il y a quand même un contexte de technicisation croissante avec l'abondance des données qui sont disponibles et les capacités croissantes à les traiter. Quels sont les profils que vous recherchez dans vos équipes ? Est-ce que de plus en plus, c'est des gens qui ont des backgrounds de computer science, pourront être capables de faire des algorithmes, etc. ? Est-ce que c'est encore plutôt des économistes parce qu'il faut une connaissance du fondamental ? Est-ce que c'est des financiers parce que c'est quand même un métier de financier ? Est-ce que c'est n'importe qui qui a une bonne volonté et a envie de travailler beaucoup ? Est-ce que

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. A mon avis, ce qu'il faut dire d'abord sur la partie algorithme, c'est que c'est quelque chose qui est absolument en train d'être développé. Pas simplement par nous, mais par toutes les banques. Je dirais que ça s'applique sans doute à des produits plus liquides. Pour revenir finalement à ce qu'on disait au départ, pour les produits où ces acheteurs et ces vendeurs ne sont pas forcément dans le marché au même moment, où donc le prix du risque va être parfois très difficile à véritablement comprendre. Il y a très peu de transparence, parfois le prix augmente très vite ou baisse très vite pour des raisons simplement techniques du fait qu'il n'y a juste pas du tout de liquidité sur le marché. Et ces algorithmes-là, à mon avis, ils vont être développés, mais on n'est peut-être pas encore sur un marché où ces algorithmes-là ont le rôle central. En tout cas, vraiment sur la partie high yield. Est-ce que ça veut dire qu'on cherche nécessairement des gens qui sont des techniciens ? Alors, en tout cas, moi, je vais parler du trading, parce que sans doute qu'en research, il y a une vraie appétence pour des gens qui ont un background technique, que ce soit des économistes, mais que ce soit aussi des gens plus quantitatifs. Moi, je pense que le trading, ça peut être un métier technique, pas forcément mis en place, pas forcément incarné par des techniciens. Et là, je parle de l'IM et je parle en particulier de l'IM credit, c'est-à-dire ce que je fais moi. Pour faire très vite, à mon avis, ce qu'on recherche, c'est des gens qui sont bons, quel que soit à peu près leur background. Je pense que c'est vraiment la culture qu'on retrouve dans beaucoup de banques américaines, où, sans doute que c'est très important d'avoir fait les bonnes études, évidemment que ça reste une condition nécessaire. mais je dirais vraiment de façon, de mon expérience maintenant de ce type de culture-là, ça n'est absolument pas une condition suffisante. À mon avis, on recherche plutôt des gens qui sont des leaders dans ce qu'ils font. que ce soit des gens qui viennent de l'économie, de la finance, des maths, mais je veux dire, on a sur nos desks des gens qui ont fait de l'histoire, des gens qui ont fait de la biologie, donc des trucs qui sont quand même un petit peu différents. Mais parce qu'ils étaient très forts, parce qu'ils étaient très bons, parce qu'ils ont développé ce goût-là pour ce métier, parce que ce sont des travailleurs, c'est vrai qu'on cherche des gens qui sont quand même prêts à faire un vrai commitment pour ce boulot. donc je pense que c'est plus ce profil là après pour les juniors en particulier c'est vrai que pour le temps maintenant les banques elles embauchent essentiellement soit sur des summers soit sur des stages etc donc les juniors auront toujours au moins 3 et 6 mois pour faire leur preuve je pense que ça c'est vraiment l'aspect fondamental et donc je dirais que au lieu de partir du principe en disant on cherche ce type de profil il faut avoir fait ce type de background académique etc et encore une fois des gens comme vous des gens comme moi etc qui ont fait soit des grandes écoles, soit comme ça. On en a plein, attention, c'est absolument pas un handicap. Mais je dirais quand même que d'être là dans son stage, d'être proactif, d'être dans une capacité de travail... d'être à l'écoute, de poser les bonnes questions et de démontrer un apprentissage et parfois même une capacité de reproduction de la culture d'un desk, ça c'est vraiment les grands signaux qui fait que vous allez réussir sur le desk.

  • Speaker #1

    Ce sera le mot de la fin, merci beaucoup Mickaël. Merci à vous. Merci à tous et à toutes, ça a été un peu long mais parce que c'était passionnant, pour cet épisode un peu bonus de cette saison, n'hésitez pas à commenter sur votre application favorite de podcast. parce qu'on travaille d'ores et déjà sur la saison prochaine pour continuer d'innover et de remplir cet office et donc tout de suite pour conclure un petit extrait de l'épisode avec Pierre-Noël Giraud dont je parlais à l'instant

  • Speaker #2

    La malédiction des matières premières en fait c'est la malédiction de la rente par exemple si le prix du pétrole est à 80 dollars le baril l'extraction du pétrole en Arabie Saoudite ou dans la péninsule arabique en général C'est au maximum de 20 dollars le baril. Donc vous avez une rente absolument considérable. Donc cette rente est irréductible. Alors pourquoi est-ce que dans certains cas, et assez souvent, ça provoque ce qu'on appelle la malédiction de la rente ? Au lieu de stimuler le développement économique du pays, ça rentre. Ces ressources budgétaires pour la population... elles viennent du ciel en fait, c'est l'État qui a de l'argent. Le fait que ça vienne du ciel et que ça rentre directement dans les caisses de l'État, que ça n'a pas été prélevé sur la population, favorise le mauvais usage de la rente pétrolière, indépendamment de la corruption. On passe ça à des copains, en fait il y a une industrie nationale qui se constitue et qui vit de la redistribution de la rente, qui est un espèce de gaspillage. Un jour, il y a longtemps, à Libreville, au Gabon, pays pétrolier, j'ai essayé d'évaluer que devenait la rente pétrolière du Gabon. En détricotant tout le processus, quelle est la part de la rente qui a été privatisée par le fait que le contrat est très défavorable au pays ? Tout ça se retrouve en partie dans les poches de la compagnie internationale et une petite partie dans les poches de dirigeants corrompus. quelle est la part qui est consacrée à l'investissement pour l'avenir du pays et celle qui est consacrée à la consommation ? Celle qui est consacrée à l'investissement, est-ce que l'investissement est efficace ou est-ce que ça coûte trois fois plus cher de faire quelque chose que si c'était dans une économie compétitive, etc. En déclinant tout ça et à dire d'experts, j'arrivais à une évaluation très grossière que, en fait, à peine 15% de la rente était utilisée. pour le développement du pays.

Description

Dans ce dernier épisode de la saison nous recevons Mikael Eskenazi, trader en emerging sovereign debt chez J.P. Morgan à Londres.


Après des expériences à la Banque Centrale Européenne et en conseil aux gouvernements chez Lazard, Mikael a rejoint un desk de trading, spécialisé dans les dettes souveraines émergentes. Il y. est notamment en charge du portefeuille MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient).


Mikael Eskenazi nous parle des caractéristiques de ce marché, des questions de liquidité et des termes des restructurations en cours et à venir.


Il évoque également la pénétration des données dans le trading, et l'évolution des profils des traders.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    en partenariat avec l'Institut Louis Bachelier et le FINDEV Lab.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de la saison 3 de Takeoff qui sera le dernier. Je m'appelle Wessim Jouni, j'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui Mickaël Eskenazi, VP chez JP Morgan et trader à Londres où nous nous trouvons, spécialiste de dette souveraine des pays émergents. On dit parfois High Yields, on y reviendra. Mickaël, bonjour et merci d'avoir accepté mon invitation.

  • Speaker #0

    Bonjour et merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    On va parler de la dimension finance de marché de cet écosystème, cette dimension finance de marché qu'on n'a pas encore eu l'occasion d'aborder dans ce podcast, la question de la liquidité, des indices, les datas pertinentes. le processus d'émission de dette, etc. Mais peut-être d'abord, pour vous présenter, vous avez commencé votre carrière à la BCE, puis vous êtes passé dans le conseil financier au gouvernement chez Lazare, avec notamment sous la houlette, disons, de Daniel Cohen, dont nous honorons ici à mémoire. Et je renvoie à l'épisode avec Anne-Laure Kichel pour celles et ceux qui se mettent y intéressent. Avant de rejoindre les desks de trading chez JP Morgan, pouvez-vous nous en dire plus sur ce choix, ce qui vous plaît dans cette activité-là ?

  • Speaker #0

    Écoutez, d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité. J'ai écouté vos podcasts, enfin quelques-uns en tout cas jusqu'à présent. C'est très intéressant et je pense que c'est en effet une partie du marché que vous explorez là où peu de gens se sont nécessairement explorés, particulièrement en français. Donc c'est toujours bien d'avoir ça. Et moi, je voudrais simplement commencer par dire, puisque vous me posez la question sur mon parcours, Lorsque souvent on va vers des recruteurs ou lorsqu'on parle à des universités, on entend de plus en plus le mot de non-linéarité, le parcours non-linéaire. Je pense vraiment que je suis complètement l'exemple de cette non-linéarité. J'ai commencé, j'ai une formation d'économiste, essentiellement même j'allais dire d'économétrie, donc assez technique. J'étais à la BCE pendant quelques années où je faisais vraiment du modeling, donc vraiment complètement différent de ce que je fais actuellement. J'ai fait un passage. assez court chez Lazare à Paris, où là, d'un coup, je suis rentré dans les pays émergents, mais vraiment côté conseil. Et puis, après cette expérience-là, c'est vrai que j'avais envie de passer marché. Et quand j'y repense, à mon avis, j'ai toujours voulu faire du marché. Je pense que quand même, je suis arrivé chez Lazare, j'avais cette impression-là qu'il y aurait un élément d'investissement ou en tout cas un élément qui se rapporterait comme ça à l'aspect marchand. Et sans doute qu'il y a eu des éléments comme ça dans leur passé. C'est vrai que moi, j'y étais dans une période qui était particulièrement calme, où on était sur des mandats qui n'étaient pas forcément transactionnels. Et donc quand je suis arrivé chez JP, je suis passé pendant un an en stratégie, donc vraiment complètement différent, on était dans une équipe où le but est essentiellement de donner du conseil aux investisseurs en buy side, et puis au bout d'un an, un an et demi, c'est vrai que j'avais envie d'avoir mon propre risque, et donc je suis passé en trading chez JP. Et donc le DEB sur lequel je suis, c'est un DEB qui fait de la dette souveraine émergente. Donc en fait, on traite essentiellement toute la dette des pays émergents, dette souveraine, c'est-à-dire la dette des pays, la dette des gouvernements, qui est libellée en hard currency, c'est-à-dire en dollars essentiellement. A peu près 85% de ce qu'on fait, c'est du dollar, mais aussi de l'euro et un peu de sterling et du yen.

  • Speaker #1

    Peut-être juste une toute petite question là-dessus avant qu'on rentre dans le cœur du sujet, parce que pour celles et ceux qui nous écoutent et qui se projettent dans ces métiers-là, on parle beaucoup de relocalisation, ces métiers d'aide de marché de Londres vers Paris, Londres étant historiquement la place du marché, est-ce que c'est encore largement en cours ? Est-ce que c'est assez limité en ampleur ?

  • Speaker #0

    La dynamique est toujours dans ce sens-là, mais je dirais quand même que... Si on regarde le flot de gens qui sont partis de Londres vers Paris, mais pas simplement Paris, il y a Francfort, il y a Milan et puis d'autres villes, contre le flot à Vert, c'est-à-dire des gens du continent qui viennent à Londres, on est encore quand même dans une certaine... Je ne veux pas dire domination parce que ce n'est pas vrai, mais on a quand même la majorité de flot qui est encore plutôt vers le Royaume-Uni. Alors, évidemment, à mon avis, c'est lié à deux choses principales. La première, c'est plutôt la formation quand même. C'est vrai qu'il y a encore beaucoup d'anglo-saxons qui font de la finance lorsqu'ils sont à l'université, et essentiellement pour eux la finance c'est de la finance de marché. Donc au fond vous avez fait de la finance à l'université, et puis le premier job que vous allez avoir c'est essentiellement soit un job de research, soit un job de trading, soit un job de sales. Donc c'est un métier qui est extrêmement internalisé pour les étudiants anglo-saxons. Et le deuxième point c'est que, contrairement aux étudiants français qui ont plutôt tendance à faire du conseil, en tout cas au départ, et le deuxième point c'est que quand même ces grandes banques américaines qui ont quand même comme JP comme nous ici qui avons une très grande activité de marché sont encore essentiellement localisées ici Mais on a envoyé une certaine partie de nos équipes à Paris. C'est vrai que ça s'est fait plutôt en sales. Les équipes de research sont plutôt ici. Et à mon avis, à part sur des produits vraiment continentaux, les équipes de trading sont encore plutôt ici. En tout cas, nous, en emerging market, on n'a pas de traders à Paris.

  • Speaker #1

    Pour rebondir sur cette segmentation que vous avez proposée, ça va nous permettre aussi d'un peu mieux expliquer tous ces métiers. C'est un écosystème un peu complexe dans lequel les gens ne se repèrent pas forcément. Donc vous, vous construisez à la fois des stratégies d'investissement et vous passez en même temps les ordres, tout en aussi les proposant, j'imagine, à des clients professionnels, puisque c'est un marché professionnel. Mais dans cet écosystème, il y a les sales, les comptes strategistes, le back-office, le front-office. Est-ce que vous pouvez en gros nous résumer la chaîne alimentaire de comment fonctionne un desk de trading ?

  • Speaker #0

    Mais d'abord, je pense que c'est important de dire quand même que cette histoire du mapping de l'industrie, c'est un problème que tous les, à mon avis, tous les juniors ont. Moi, je me souviens très bien quand j'étais étudiant, ça m'a pris des années de vraiment bien comprendre ce qui se passait dans toutes ces banques. Et les gens disent, mais moi, je travaille en finance. Et en fait, il y a 150 000 métiers en finance. Donc, en fait, pour faire très simple, une grande banque d'affaires comme nous et comme d'autres banques américaines, européennes ou asiatiques, c'est... La production est une activité privée, d'accord ? Donc une activité de conseil essentiellement, qu'on a nous ici et que d'autres banques ont, et une activité publique. Et l'activité publique en très grande majorité, d'accord ? Il y a d'autres métiers, mais la très grande majorité c'est ce qu'on appelle les activités de marché. Et les activités de marché sont essentiellement organisées autour d'une idée de front office et de middle office, ok ? Donc le front office en activité de marché c'est research, sales and trading. Ok, donc la research c'est clair, c'est les gens qui font du... qui font vraiment du travail approfondi, du travail d'analyse. Ce n'est pas de la recherche académique, mais c'est clairement un travail plus de temps long, où il y a beaucoup d'efforts qui sont faits en particulier sur la macro, en particulier sur tout ce qui est fixed income, mais il y a aussi une partie qui fait equity research, donc c'est un peu différent. Mais seulement ces gens-là sont des analystes. Après, on a les sales. Les sales, c'est les gens qui sont plutôt censés gérer la relation client. C'est vrai qu'il faut comprendre que pour la majorité des clients d'une grande banque d'affaires, prenons l'exemple de JP Morgan, pour la majorité des clients là, JP Morgan, c'est leur salesperson. C'est la personne avec laquelle ils vont interagir de façon quotidienne. Et puis, les traders. qui gèrent le risque, et dont le métier est essentiellement de donner de la liquidité aux clients, donc de permettre aux différents clients, qui sont pour simplifier des investisseurs, de pouvoir vendre ou de pouvoir acheter du risque en fonction de leur propre stratégie. Et donc un trader va essentiellement, selon le produit qu'il fait, être en mesure de donner soit ce qu'on appelle un bid, donc de pouvoir acheter un produit, ou alors une offre et donc de pouvoir vendre. Et vraiment pour rester sur le trader, moi quand j'ai commencé en trading, je me souviens très bien, un de mes mentors m'a expliqué, au fond il faut bien se figurer une sorte de grand marché de poissons. Mais en fait, ça paraît ça, mais c'est complètement ça. On est, dans ce marché de poissons, on est vraiment les marchands de poissons. Et on est là pour vendre et pour acheter du poisson. Et puis, la grande différence, en revanche, avec un marché de commodité classique, c'est que le prix de ce qu'on fait bouge énormément. Il bouge en fonction d'un certain nombre de facteurs. Et donc, notre rôle à nous, il est à la fois de servir nos clients, donc de leur permettre de mettre en place leur propre stratégie, même si parfois, ce n'est pas exactement ce qu'on veut faire nous. Donc, on va acheter tel ou tel produit.

  • Speaker #1

    On va passer des ordres qui vous sont de... Voilà.

  • Speaker #0

    Et à la fois, une fois qu'on a donné de la liquidité à nos clients, c'est de gérer notre propre risque. puisque évidemment nos books, nos balance sheets, si tu veux, sont remplis d'un certain nombre de risques sur lesquels nous on doit après mettre en place des edges, donc les edges c'est simplement des produits qu'on achète ou qu'on vend pour essentiellement consolider d'autres risques, et donc si vous voulez la gestion de ce risque-là prend énormément de temps. Alors maintenant il y a trois façons de monétiser ce qu'on fait. pour faire très rapide. Le premier point, c'est évidemment de produire un tout petit peu de marge sur tout le flow qu'on fait tous les jours. Alors là, les marges, elles sont petites, très petites. Et donc, c'est vraiment un métier de volume. La deuxième façon, c'est d'avoir simplement une bonne position sur un produit ou sur un autre et d'avoir raison essentiellement. Que ce soit d'être long, c'est-à-dire avoir le risque, ou d'être short, c'est-à-dire de ne pas avoir le risque. Et le troisième point, c'est de mettre en place des... ce qu'on appelle des Harveys techniquement. Il s'agit simplement d'avoir des vues sur la façon dont ces produits-là vont se comporter. Il y a un certain nombre de trades qu'on peut mettre en place, je ne rentre pas dans les détails ici, mais il y a un certain nombre de trades qui sont un peu techniques qu'on peut mettre en place, sur lesquels le trader va potentiellement bénéficier.

  • Speaker #1

    Et alors, si on élargit un peu la focale, donc ça c'était vraiment les métiers du desk de trading, si on élargit la focale aux activités de type une banque comme J.P., il y a aussi des gens qui gèrent des fonds, donc ça c'est un autre métier, et peut-être un tout petit focus sur les gens qui font de l'origination, qui est aussi une partie du DCM et qui connecte avec notre question des fixed income, donc qu'est-ce que vous pouvez nous en dire en gros ?

  • Speaker #0

    Complètement, donc il y a d'autres activités, comme vous le dites, c'est l'origination, donc tout ce qui est syndicate, d'accord ? Donc là ce sont des métiers dont le but est de produire, donc de nouveaux produits. Donc typiquement... Pour en tout cas ce que moi je vois presque tous les jours en ce moment, il s'agit de permettre aux différents pays d'émettre de nouveaux bons. Donc ça c'est vraiment un vrai métier qui est à part. Ce sont des gens qui travaillent de leur côté avec nos clients et à la fois qui travaillent aussi avec nous les traders parce que lorsque le nouveau bon est émis, le desk est en charge de trader ce bon au tout départ, donc de le mettre dans le marché. donc ça c'est une activité qui est très importante et qui est absolument centrale particulièrement en Energy Market en ce moment je suis sûr qu'on en parlera et puis les gestions de fonds alors ça c'est un peu différent parce que typiquement chez nous on a on a JP Morgan Asset Management et ça c'est la partie vraiment qui est de l'autre côté du mur donc ça ça peut être en fait nos clients eux ils font partie d'un métier comme je disais au départ de Buy Side donc eux ils font partie du groupe de gens qui sont des investisseurs et qui viennent chez les DAZ de trading pour mettre en place leur propre stratégie.

  • Speaker #1

    La caractéristique des produits sur lesquels vous posez des ordres, c'est qu'ils sont peu liquides. C'est souvent la caractéristique à laquelle on associe les emerging markets. Peut-être que vous pouvez nous expliquer concrètement, c'est-à-dire quoi peu liquide, c'est quoi la détention moyenne d'un titre pour un desk comme JP ? Et surtout, est-ce que c'est limite pour les professionnels à venir sur ces marchés, parce que la liquidité est quand même un gros enjeu, ou est-ce qu'au contraire c'est aussi là qu'il y a des opportunités d'arbitrage ?

  • Speaker #0

    Alors, La liquidité. Je proposerais une définition peut-être un peu plus de de practitioner, d'accord ? Une définition de quelqu'un qui est dans le marché. Et à mon avis, la liquidité, c'est quand il y a au même moment dans le marché à la fois des vendeurs et des acheteurs. Alors là, si on prend cette définition-là, c'est-à-dire de ce two-way-là dont je parle, est-ce que l'emerging market sauverait une dette ? Est-ce que ça, c'est liquide ? Je pense qu'il faut expliquer qu'on a eu, depuis deux ans, un très grand changement sur la façon dont nos marchés fonctionnent, qui est évidemment l'augmentation, on en parle en permanence, des taux d'intérêt globaux. Et qui ont fait quand même que pour certaines parties des clients qui voulaient regarder l'Emerging Market parce que nos yields étaient beaucoup plus élevés que la majorité du reste du marché il y a 2, 3, 4, 5 ans, aujourd'hui ça a un peu disparu. Et donc, ce qu'on a perdu depuis 2-3 ans, c'est tous ces clients-là qui nous regardaient et qui aujourd'hui, en fait, ils ont à peu près, si vous voulez, notre bénéfice relatif par rapport au marché développé est très faible. Et donc, ces gens-là, ils sont partis du marché. Et donc, la liquidité, parce que ces gens-là étaient les acheteurs. primaires, les acheteurs quotidiens de notre risque, et qui permettaient donc d'avoir ces acheteurs et ces vendeurs, ces acheteurs-là, ils ont disparu. Ils ont disparu depuis maintenant 2 ans, 2 ans et demi. Les flots de la part de cette partie-là du marché, c'est-à-dire des gens qui pouvaient regarder à la fois les marchés développés et qui s'étaient intéressés au marché en développement, on est au plus bas depuis 15 ans. Et donc oui, notre liquidité, en revenant à la définition que j'ai donnée juste avant, elle a beaucoup baissé.

  • Speaker #1

    On reviendra à la question des différentes catégories, des différentes poches de liquidité d'une part et différents titres qui sont tradés, mais juste peut-être une petite incite sur ce que vous venez de dire. Il y a eu cet assèchement des marchés émergents, parce qu'effectivement quand on a un taux sans risque à 5%, c'est plus facile d'acheter des titres du trésor américain. En même temps, on voit que les marchés sont en train de se rouvrir. On a vu l'émission de la Côte d'Ivoire, l'émission du Bénin, parce que ces pays ont besoin de se refinancer. Et c'est des marchés qui aussi ont vu très peu d'émissions ces dernières années. Et quand ces opérations se sont réalisées ces derniers mois, elles ont plutôt été très sursouscrites. Donc il y a quand même une forme d'appétence. Est-ce que vous pensez qu'on est quand même dans une phase de réouverture qui pourrait être bénéfique ? Évidemment, on va faire comme le disclaimer habituel, ceci n'est pas un conseil financier, c'est une analyse.

  • Speaker #0

    Oui, mais je pense que d'abord, vous me donnez l'occasion de le dire expressément. Et évidemment, on vous accueille dans les bureaux de JP Morgan. En effet, tout ce que je dis là, c'est évidemment ma vue personnelle et pas la vue de JP. Mais pour rebondir sur votre question et pour vous donner justement ma vue personnelle, vous avez raison, ces émissions-là ont très bien fonctionné. Je me rappelle très bien l'émission de Bénin il y a deux ou trois mois, je me souviens. C'était extrêmement sur-souscrit et ça a très bien fonctionné même ensuite. Donc en quoi il y avait beaucoup d'appétit pour ça. Les émissions de la Turquie sont toujours très bonnes, etc. Je pense que quand on regarde les yields auxquels ces trucs-là ont printé, c'était vraiment dans les hauts 8%, donc 8%, 3 quarts, presque 9%. donc un certain nombre de clients ont pris là en tout cas de compte ont pris la vue qu'au fond si les taux américains avaient été poussés au bout donc disons voilà on n'allait pas aller beaucoup plus haut que ça nos produits commencent à être assez intéressants. Parce que du coup, vous achetez quand même du Bénin, du Ivoricoz, donc on parle quand même du risque de WB, donc ce n'est pas aussi difficile que des risques single B, etc. Du coup, vous détenez un risque qui est relativement safe, on ne parle pas de crédit en défaut, et ça vous rapporte entre 8 et 9% par an. Donc oui, il y a eu beaucoup d'appétence pour ça. Et on continue d'ailleurs de regarder voir ça, notre marché continue de trader très largement sur cette idée-là. Et cette idée-là continue d'être développée tant que le marché garde l'hypothèse que, au fond, la Fed a fini, qu'on n'aura pas plus de hikes. Évidemment, le jour où ça, ça change, toute cette idée-là, que ces pays-là ont accès au marché, à mon avis, elle est terminée. Mais pour le moment, c'est une narrative.

  • Speaker #1

    Et c'est une narrative crédible, par ailleurs. Sans doute. Mais justement, pour revenir sur cette idée de ce spread qui diminue, spread étant en gros l'écart entre lesquels ces pays émettent, et disons le taux des US ou un taux sans risque, en fait, on voit qu'il y a cette catégorie, c'est pour ça que je faisais un incise en introduction sur le concept de high yield, c'est cette catégorie marché émergent. On voit bien que dans cette catégorie marché émergent, il commence à émerger des émetteurs réguliers qui sont en réalité WB, BBB, mais qui ont... une habitude des marchés qui sont, comme vous le disiez, relativement safe, et en même temps, il y a des bondes qui sont beaucoup plus distresses, des pays qui sont en crise. Est-ce qu'au fond, le concept théorique, cette espèce de big box des high yield a encore un sens, ou est-ce qu'il n'y a pas une segmentation de fait entre des segments qui n'ont rien à voir dans leur dynamique ?

  • Speaker #0

    Je pense que c'est une très bonne façon d'approcher les choses, et c'est vrai que l'idée de dire high yield et IG, comme on disait avant, donc IG, investment grade, donc tous les trucs qui sont au-dessus de BBB, inclus. à mon avis c'est quelque chose qui doit être un petit peu revu en tout cas nous la façon dont on traite ça on traite sans doute plus comme ça On a à la fois dans l'investment grade, pour en dire juste un mot, même si ce n'est absolument pas du tout ce que je fais, mais pour en dire un mot, il y a vraiment le top du panier, des trucs qui traitent vraiment comme des très jurés américains. Qatar, etc. C'est des trucs vraiment qui sont là. Et puis on a le bas, les trucs qui sont triple bid, etc. En particulier si on a l'idée que potentiellement il va y avoir un downgrade, là on a plus de spread. et il se trouve que cette partie-là du marché a aussi beaucoup de besoins budgétaires, et donc cette partie-là du marché continue d'émettre de façon relativement régulière, et donc continue de mettre une certaine pression sur ses propres spreads, du fait du supply qui est fait dans le marché. Ça c'est sur le côté IG. Maintenant sur le côté high yield, c'est vrai qu'on a une différence existentielle entre d'un côté le BBB, Et quand je dis le double B, ça va du double B plus jusqu'au double B minus. On prend un exemple typique, c'est Oman et Maroc. Des trucs qui sont toujours high yield, mais qui ont vraiment une trajectoire vers l'investment grade. Et puis on a la partie à partir du single B. Et là, dans la partie single B, on était dans un marché il y a 5 ans où, au fond, les gens étaient à la recherche du yield, etc. Et donc, il y avait très soutenu. Et puis aujourd'hui, c'est une partie qui est plus problématique. Les gens ont été un petit peu traumatisés, à mon avis, par le nombre de défauts qu'on a eu depuis essentiellement le Covid. Et donc, c'est vrai qu'une partie des investisseurs ont arrêté de regarder ça. parce que pour ces gens-là, il y avait vraiment une envie d'avoir du yield, etc. Et puis aujourd'hui, ils comprennent qu'on est sur une asset class qui a vraiment un risque de défaut. Et ce risque de défaut qui était un peu abstrait jusqu'en 2019-2020, il s'est complètement matérialisé.

  • Speaker #1

    Mais du coup, sur le marché secondaire, il y a aussi des opportunités à faire parce qu'il y a une volatilité qui est très importante.

  • Speaker #0

    C'est la partie du marché qui a le mieux performé depuis octobre. Donc il faut bien comprendre que depuis octobre, le S&P, il est passé de... Enfin, je ne sais pas, on a dû faire 25-30%, grosso modo quelque chose comme ça. Donc évidemment, il y a eu une énorme appétence pour le risque. Et cette partie-là du marché qui était extrêmement mal pricée en octobre, avec beaucoup de gens qui pensaient que tous ces pays-là allaient exploser, enfin le meilleur exemple c'était l'Egypte, on parlait tous les jours à des gens qui expliquaient que l'Egypte allait faire défaut le lendemain. Et évidemment ça ne s'est pas passé, et donc cette partie-là du marché a très bien performé. Donc ça c'est vrai qu'il y a eu une appétence fondamentale et fantastique pour ces produits-là, même si aujourd'hui à mon avis on arrive un tout petit peu au bout.

  • Speaker #1

    Pour élargir, donc là on parle vraiment du fondamental, c'est-à-dire des titres de dette émis par des pays. Si on prend la catégorie plus générale aussi des produits structurés ou synthétiques qui sont créés, ce qui va nous permettre peut-être de, vous nous disiez un mot de l'EMBI Global Index qui est développé justement par JP Morgan. Mais plus globalement, il y a les CDS qui sont en gros des assurances sur des défauts et tout ça. Quelle part tous ces produits synthétiques représentent du trading ? Est-ce que c'est assez minorité ou en fait est-ce que c'est ça le gros du…

  • Speaker #0

    C'est un produit qui est fondamental. Et particulièrement chez JP Morgan, c'est un produit qui a beaucoup d'histoire chez nous. On a été une des premières banques à faire du CDS, donc il y a toujours eu un grand appétit pour faire du CDS, en particulier chez nous. Juste pour expliquer rapidement, vous l'avez dit, c'est une sorte d'assurance. Donc la valeur du CDS augmente lorsque la valeur du bon sous-jacent diminue, pour dire les choses assez simplement. C'est un produit dit synthétique, en effet. et donc différent du cash. Alors nous, on est un DES de cash, d'accord ? Donc on trade, une très grande partie de ce qu'on fait, c'est du bon, mais certains de nos traders, ce n'est pas mon cas, mais font du CDS aussi. Alors, le CDS, il est important, à mon avis, pour trois grandes raisons. Et quand je parle du CDS, j'allergis même jusqu'à l'index. Vous parliez de l'AMBI. Il y a une vraie demande pour ces produits-là d'abord parce qu'il y a une demande pour les hedges. Encore une fois, je parlais d'un produit qui permet de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup d'exposition à un produit. Disons beaucoup d'exposition par exemple à l'Afrique du Sud. Les élections arrivent, donc disons ça. Une des façons de réduire son risque lorsqu'on a beaucoup de risque à l'Afrique du Sud, c'est d'acheter du CDS sud-africain. Et donc il y a une demande naturelle en fait pour ce type de produit. Le deuxième point, c'est que ces produits-là permettent aussi d'avoir ce qu'on appelle du CARI. Donc lorsqu'on détient un CDS, on reçoit des cash flows régulièrement pendant l'année, ce qui permet aussi dans des produits qui ne sont pas forcément des produits à défaut, revenons sur l'Afrique du Sud et sans doute à un moment donné sur la Turquie et sur d'autres produits, d'avoir en fait un cash flow sans avoir forcément d'exposition de défaut, si on pense qu'il n'y a pas de défaut. Et puis enfin, le troisième point, c'est que c'est un produit qui est beaucoup plus liquide que les bons. Il y a beaucoup moins de cash en jeu. Donc lorsqu'on achète un bon, il faut avoir le cash pour l'acheter. Lorsqu'on trade le CDS, il n'y a qu'une toute petite partie de cash qui est en jeu. Le reste n'est pas mis en jeu immédiatement, sans rentrer dans tous les détails. Et donc pour beaucoup d'acteurs, particulièrement pour les hedge funds, mais pour d'autres acteurs aussi, le CDS est une très bonne façon d'exprimer un risque général sans être trop intensif en termes de cash utilisé. Et donc pour des comptes qui sont... Je dirais les mêmes choses sur les ETF, sur les index, qu'on appelle aussi ETF, même si c'est légèrement plus cash intensive, mais les mêmes raisons sont utilisées. Je rajouterai que pour l'ETF... L'avantage, c'est que si on revient sur l'AMBI, par exemple, je ne me souviens plus exactement combien il y a de noms dedans, mais à mon avis, il y a 80 noms dedans, dans l'AMBI. Donc, ça permet aussi d'avoir, de prendre une vue de marché sur tous les pays émergents, sans avoir forcément à choisir un seul pays.

  • Speaker #1

    Au sein de ces titres très spéculatifs, donc vous disiez B et en dessous, on peut faire en gros deux catégories. Il y a des pays qui sont très... peut développer une dette qui aurait une capacité à y porter, la dette qui est limitée, donc ils ont un, deux bondes qui sont sur le marché, donc c'est assez risqué. Il y a des pays qui sont plutôt des pays à revenus intermédiaires, mais qui sont dans une conjoncture politico-financière compliquée. On peut penser à l'Egypte que vous mentionnez, la Tunisie, l'Argentine historiquement, l'Équateur, l'Ukraine aussi, pour des raisons qui sont indépendantes de leur montée. Est-ce que, du coup, sur ce type de pays-là, C'est très compliqué d'avoir des facteurs macro de type DSA ou PIB parce qu'au fond ils disent peu de choses. Est-ce que du coup votre métier implique aussi de lire l'actualité politique économique du pays, les négociations FMI, comprendre la situation politique du coup, puisque c'est ça ce que vous pratiquez finalement ?

  • Speaker #0

    Alors la réponse courte, c'est grand oui. D'accord, donc moi je dois passer au moins une heure tous les jours à lire les médias d'une dizaine de pays que je couvre et que je traite. donc ça c'est vraiment pour moi c'est devenu une routine donc toute l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient parce que vous on l'a pas dit mais vous êtes plutôt zone MENA moi je fais plutôt du MENA donc Afrique du Nord et puis aussi Moyen-Orient mon meilleur crédit c'est le Maroc donc c'est un double B mais sinon je fais essentiellement du single B et du triple C Mon crédit le plus tangent, pour le dire poliment, c'est le Liban. Donc des choses vraiment très compliquées. Vous comprenez pourquoi je passe du temps à lire la presse locale de tous ces pays. Mais pour vous répondre de façon un peu plus globale et de façon un peu plus complète, le métier de trader a une grande différence par rapport à un certain nombre d'autres métiers. c'est que quoi que vous fassiez dans la journée, vous parlez aux clients, vous tradez des bons, vous mettez en place des stratégies, vous perdez de l'argent, vous gagnez de l'argent, vous rentrez le soir chez vous et vous avez sur votre book, c'est-à-dire sur votre balance sheet, un risque. Et donc vous avez ce que moi j'appelle le overnight risk. C'est-à-dire que vous avez la mauvaise headline qui arrive le soir, vous avez le mauvais article qui arrive le lendemain matin, vous avez la mauvaise rumeur qui se répand dans le marché pendant que vous dormez, c'est pour votre pomme. Et ça c'est un métier qui, je pense qu'on peut en parler pendant des heures et des heures, mais les traders quand ils commencent, ils réalisent ça très vite. Et donc je pense que ça... Ça implique d'être en effet complètement intégré dans la vie politique du pays qu'on traite, d'avoir une très bonne compréhension de ce qui s'y passe, des différents risques, etc. Ça c'est sur la partie politique, sur la partie médias. Vous parlez de la DSA. Alors, la DSA, oui, c'est complètement ce qu'on fait. Moi, quand j'ai commencé en finance, personne ne faisait de DSA. Il y avait l'EFMI qui faisait ses DSA, et vous aviez les advisors, les gens comme Lazard, comme Rothschild, etc. Aujourd'hui, tout le monde fait des DSA. C'est devenu très à la mode, sans doute parce qu'on a eu beaucoup plus de défauts, et que la DSA reste fondamentalement l'outil qui permet de résumer les stocks, les flows, d'avoir une très bonne idée aussi de la compréhension d'un pays. Quand un pays n'est pas... n'est pas encore en situation de défaut, mais potentiellement pourrait y arriver. La DSA permet d'informer les types de risques et d'avoir une bonne idée de la timeline. Et puis lorsqu'évidemment ces pays-là ont fait défaut, la DSA, en particulier pour les pays à faible revenu, je pense évidemment au Ghana, Zambie, etc., la DSA est l'outil principal du résultat de la restructuration. Donc oui on fait ça, moi je dirais que ma différence sans doute contre d'autres traders c'est que je fais tout ça moi-même. Donc on a évidemment une équipe de research qui font ça aussi, mais moi en ce qui concerne les crédits que je trade moi-même et sans doute pour le desk aussi, c'est vrai que je passe pas mal de temps à faire ça. Donc c'est central, absolument central.

  • Speaker #1

    Alors justement, ça va connecter avec ce que vous venez de dire, parce que la DSA est aussi fondamentale. Quand le défaut advient pour négocier les termes de la restructuration, quand le défaut advient, les titres en général sont neutralisés. Il n'empêche qu'il peut quand même y avoir des opérations. Comment ça fonctionne ? Du coup, c'est des opérations privées, j'imagine, vous en direz plus. Et surtout, comment vous pricez le résultat de cette restructuration qui, par définition, n'est pas connue ? Est-ce que c'est aussi en se fondant sur la DSA ?

  • Speaker #0

    Alors d'abord, sur ce que vous dites, moi, je... Je dirais simplement que lorsque un pays en particulier fait défaut, les titres sont toujours sur le marché. Donc ça, c'est la spécificité des souverains. Les corpos, c'est différent. Sur les souverains, notre index, donc l'EMB, continue de garder ces titres-là dans l'index. Donc les titres Liban, qui ont fait défaut en 2020, si je me souviens bien, ils sont toujours dans l'index et ils tradent complètement. Les titres Ghana, qui ont fait défaut à la fin de 2022, ils sont complètement dans l'index et ils n'ont jamais arrêté de trader. Ce qui va se passer en revanche, c'est qu'on va passer d'un bon qui était avant défaut dans les 80-90, disons, Lorsque le marché va commencer à sentir qu'il y a un défaut qui arrive, on va régulièrement trader dans les 60, quelque chose comme ça, 60, les hauts 60, moi je me souviens, Ghana, on est à peu près là, et puis lorsqu'on a à un moment donné le défaut, on va trader beaucoup plus bas. Alors jusqu'où ? Ukraine en ce moment c'est dans la 20, parce que les produits qu'on trade, qui sont donc des bons, ça trade comme des bons, c'est-à-dire ça trade en yield, ça trade en spread, etc. Mais lorsqu'on commence à arriver sur des situations qui sont compliquées, on trade essentiellement en prix. Et là, en prix, on traite essentiellement presque plus comme une action. C'est-à-dire que le prix va de 0 à 100, essentiellement. Et donc là, le prix va être simplement une fonction de l'offre et de la demande. et l'offre et la demande va être une fonction de tous les facteurs dont on a parlé, mais tout ça pour dire que le prix va bouger très vite, très très vite. Donc typiquement sur un défaut, on va avoir vraiment un prix qui va passer, encore une fois, des hauts 80-90, on va très vite passer vers le 50-60, et puis lorsque le défaut arrive, et si le marché considère que le défaut peut durer, comme ça a été le cas malheureusement sur tous ces pays-là, Ghana, Zambie et d'autres, on peut arriver à des prix qui sont très bas et qui reflètent non seulement la probabilité d'europaiement, comme vous dites, mais qui reflètent plus structurellement la faible demande pour ce type de produit, qui reflètent que les gens n'en veulent pas. Alors maintenant, sur la partie comment est-ce que nous on traite ça ? Gardons en esprit que le bon reste toujours dans le marché. Et donc on est toujours dans la situation où en permanence, le rôle du marché va être essentiellement de comprendre quels vont être essentiellement les termes de la restructuration. non seulement les termes, mais aussi la timeline. Vous le dites, on ne veut pas avoir un produit qui va être immobilisé pendant trois ans. Donc si on dit la restructuration arrive dans trois ans, peu importe les termes, on n'en veut pas. Le prix restera très bas. Mais sinon, le but du marché sera toujours, en permanence, d'essayer d'arriver à ce qu'on appelle la recovery. Donc, je ne sais pas comment on dit ça en français.

  • Speaker #1

    La valeur de recouvrement.

  • Speaker #0

    La valeur de recouvrement, voilà. Final, qu'on obtiendra au moment de la restructuration. Et donc évidemment qu'au fur et à mesure du temps, au fur et à mesure que l'information arrive et est distribuée au marché, n'oublions pas qu'on est du côté public, donc on n'a absolument pas accès aux négociations qui sont faites avec les conseillers, on n'a pas accès à l'information privée du pays, donc on n'a pas forcément accès à toutes les données, etc. Donc on travaille avec des données publiques qui sont parfois très justes et puis parfois qui sont un peu du narratif. Donc je ne veux pas dire rumeurs, mais il y a un peu de ça. Et donc, en fonction de toutes ces données-là, le prix va être une fonction de ce que le marché va penser, que la valeur de recouvrement sera après la restructuration. Alors là, il y a plusieurs facteurs qui rentrent, mais en effet, pour les pays à haut revenu, à l'intérieur des pays émergents, c'est ce qu'on appelle les pays market access. l'ADSA joue un rôle fondamental, mais pas aussi fondamental que pour les pays à faible revenu, parce que l'ADSA du FMI est simplement un des facteurs qui rentreront en jeu dans la négociation finale entre le souverain, qui vient de faire défaut, et les créditeurs, qui détiennent une dette qui est en défaut. Lorsqu'on parle de pays à faible revenu, qu'on appelle dans le jargon des low income countries, donc des leaks, la DSA du FMI est absolument centrale. Parce que le but d'une restructuration sera de permettre aux souverains d'avoir une DSA dite soutenable. Et donc ça, ça va vraiment complètement conditionner les négociations avec les créditeurs. Et donc, un exemple précis, qui est le Ghana, que je peux prendre parce que c'est toujours en cours, évidemment que la DSA du FMI, sur laquelle le marché s'est calé le mieux possible, joue un rôle fondamental parce que cette DSA-là, DSA-là essentiellement, implique ce que sera la valeur de recouvrement après la restructuration. Évidemment, il y a un élément de négociation qui sera pris en compte entre le souverain, ses conseillers et les détenteurs de titres, mais les termes de cette restructuration devront être essentiellement à l'intérieur des contraintes de cette DSLA.

  • Speaker #1

    Sur un autre sujet, pour parler d'innovation financière, il y a de nouveaux instruments qui sont discutés, parfois même émis, les sustainable bonds, les SLB, les SCDI qui sont des instruments contingents dont le pay-off dépend de la situation économique du pays, contrairement au fixed income qui est le cœur du marché où le coupon est fixé à l'émission. Quel est votre point de vue financier, votre regard financier sur cette discussion qui est en permanence ongoing sur ces sujets-là, notamment eu égard à la conversation qu'on a eue sur la question de la liquidité, qui est souvent le reproche qu'on fait à celles et ceux qui veulent innover dans les produits financiers. Et notamment, on parle beaucoup de Greenium, est-ce qu'il y a à ce jour des poches de liquidité qui sont spécialisées pour des produits green qui sont suffisamment grosses pour qu'il y existe un avantage de prix pour émettre des produits green, ou est-ce que pour l'instant ça reste une bonne volonté du pays mais sans avantage financier à en tirer ?

  • Speaker #0

    Alors, peut-être le plus facile pour moi, c'est de mettre de côté le côté green, etc., qui est important. La contrainte d'ESG, essentiellement, c'est quelque chose qui a beaucoup grandi. Il y a un ensemble de nos clients et un ensemble des comptes qui sont sur le marché où la contrainte d'ESG est fondamentale. Donc, il y a une demande pour ce type de produit. Et d'ailleurs, je me souviens, pour donner une anecdote d'un client il y a plusieurs années qui me demandait Mais est-ce que vous pensez que le Liban va pouvoir faire une émission verte ? Comme quoi tout est possible. Comme quoi c'est important. Mais c'est vrai que dans les produits strictement high yield, en particulier dans les produits distressed, c'est vrai que c'est un sujet qui est un petit peu...

  • Speaker #1

    Mais c'est vrai que pour rappeler, vous êtes quand même une partie du club où la question se pose un peu moins.

  • Speaker #0

    Voilà, ça se pose un peu moins. Tant mieux si un jour on peut y arriver. Et si un jour ces pays-là peuvent arriver, ce genre de questions comme ça, ce sera un immense succès. Mais actuellement, c'est vrai que... Et je parle vraiment du vrai distressed. Je ne parle pas simplement du... Je ne parle pas juste du single B, mais ça c'est un petit peu à part. Sur les produits contingents et les produits un peu plus complexes, il y a à la fois un besoin de liquidité, que vous avez rappelé, et encore une fois pour revenir à ce que je disais au départ, c'est-à-dire un produit qui va permettre d'avoir à peu près tout le temps des acheteurs et des vendeurs. Si on fait un produit qui est très complexe, qui est très intelligent, qui est un produit qui permet sans doute de répondre aux exigences de la DSA, aux exigences de la macro, aux exigences du FMI, et qui a l'air fantastique sur le papier, mais qui va finir dans des poches qui ne vont jamais en vendre, ou alors qui vont finir dans des poches de gens qui ne vont pas pouvoir les garder, et donc qui ne vont faire que les vendre, on ne peut pas être dans une situation de liquidité. Donc je pense que ça c'est une contrainte qui est fondamentale, parce que lorsqu'on parle de pays post-défaut, qui doivent retrouver l'accès au marché, et qu'on dit à ces pays-là, mais post-restructuration, vous allez pouvoir émettre, vous allez pouvoir avoir l'accès au marché des capitaux, et qu'on leur vend ce type de produit, et qu'ils découvrent qu'en fait la demande pour ce type de produit est très faible. Il ne faut pas mentir aux pays émergents. A mon avis, il faut garder en tête que... Si le but post-structuration, restructuration, c'est de permettre à ces pays-là de retrouver à un moment donné un accès au marché des capitaux, pas immédiatement mais dans le medium term, il faut qu'on leur promette des produits qui leur permettent d'avoir une yield curve, une courbe de taux d'intérêt dans le temps sur lesquels on pourra ensuite pricer de nouveaux bons et où il y a une demande naturelle. Sinon, si c'est pour avoir des trucs qui ne vont jamais trader, la contrainte de retour sur les marchés ne sera jamais satisfaite. Ça, c'est sur l'aspect de l'équité. Maintenant, on a des exemples de produits contingents. et qui ont bien fonctionné. L'exemple, évidemment, que tout le monde connaît, c'est l'exemple du warrant pour l'Ukraine. Pour faire très vite, en 2015, l'Ukraine a fait défaut, a restructuré, les créditeurs ont accepté un haircut, c'est-à-dire une réduction de la dette de 20%, donc 20% perdu, d'accord ? Et ces 20%-là ont été transformés dans un produit dont la valeur dépend de la croissance de l'Ukraine. Et pourquoi c'est vraiment un bon produit ? C'est que lorsqu'un pays défaut, fait défaut, Vous avez toujours une équipe de gens qui sont essentiellement du côté du souverain et du côté des conseillers, qui expliquent que la situation est catastrophique, que le pays est à genoux, et que par conséquent, il faut que le marché et les investisseurs acceptent des pertes particulièrement élevées. Et puis vous avez le côté du marché. qui vont toujours prendre l'inverse, qui vont expliquer qu'au fond le pire est derrière nous, que le pays vient de faire défaut, donc au fond il n'y a que la recovery qui est possible, que maintenant les partenaires officiels sont dedans, donc l'argent coule à flot, que les réformes vont être mises en place, etc. Le potentiel fantastique de pays à moyen terme. Et comment est-ce que... Et donc du coup, c'est très difficile de négocier comme ça, parce que vous avez une équipe de gens qui veulent absolument imposer des pertes parfois très difficiles à justifier, et puis une équipe de gens qui ne veulent absolument pas prendre de pertes à ce moment-là, parce que c'est le pire moment pour prendre des pertes. Parce que la situation ne fera que s'améliorer. Et donc, pour essayer de concilier ces deux équipes-là, et pour avoir quand même un deal, et pour permettre au pays de dépasser le défaut, on a des produits qui permettent... de faire en sorte que la perte qui est prise par le marché soit une certaine fonction de la performance macroéconomique d'un pays. Et quand je dis que c'est bien designé, c'est qu'il faut que ce soit à l'avantage de tout le monde, alors pas simplement que du marché. Alors est-ce qu'il y a un appétit pour ce type de produit ? Oui, pour les raisons que je viens de donner, c'est que ça peut permettre d'augmenter les chances de retrouver un deal et d'augmenter potentiellement les recoveries à moyen terme, et tout à la fois dans le cas contraire où le pays prendrait plus de temps pour mettre en place les réformes, pour se remettre quand même d'un événement relativement traumatisant qui reste quand même le défaut souverain. de ne pas avoir forcément à repayer autant ou aussi vite, et sans doute à avoir peut-être encore un peu plus de facilité de la part du marché pendant un peu plus longtemps. Donc oui, il y a une appétence. Et donc, la contrainte, c'est bien la suivante. D'un côté, il y a une besoin de liquidité, parce que ces produits-là ne peuvent pas être simplement des produits qui existent dans un Excel sheet ou dans un white paper. Donc il ne faut pas que ce soit des produits académiques. il faut que ce soit des produits qui puissent vraiment trader, et donc il faut que ce soit des produits qui soient dans l'index, pour que la majorité de nos clients puissent les regarder. Et il existe un certain nombre de contraintes pour que cela arrive. Et de notre côté... il faut que ces produits existent aussi. Parce qu'ils sont à l'avantage parfois du marché, parfois du souverain, mais ils permettent la plupart du temps de débloquer une situation qui est une situation de restructuration qui est complexe.

  • Speaker #1

    Ça me fait penser, avant qu'on pose la dernière question sur la question des RH, ça me fait penser, parce que souvent, ces values recovery instruments, ces instruments financiers qui sont indexés sur la vitesse, disons, de recouvrement de l'économie considérée, sont indexés justement sur des matières premières ou des... des données objectivables pour aligner les intérêts et éviter les manipulations. Souvent, on associe mentalement marché émergent, dette souveraine et commodities. Est-ce que c'est un truc que vous regardez beaucoup et qui, de fait, est fondamental dans l'équation ? Le my commodities, donc les matières premières à la fois exportées par le pays et importées. J'en parle notamment parce qu'on a interviewé Pierre-Noël Giraud, qui est un des grands experts des matières premières dans ce podcast.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, encore une fois, réponse courte, absolument. C'est vrai que l'IM, les pays émergents, restent fondamentalement un ensemble de... En tout cas, il y a un très fort groupe de producteurs de commodités, que ce soit en effet cuivre, pétrole, phosphate, etc. Donc ça, c'est un élément central. mais il faut que ces pays puissent en bénéficier. Et c'est vrai que c'est compliqué, parce que jusqu'à présent, certains de ces pays-là, malgré l'existence de ces commodités-là, n'ont pas échappé à un endettement particulier, et parfois au défaut souvent. Donc évidemment, l'exemple de la Zambie, qui est un gros producteur de cuivre, ça ne l'a pas sauvé. Le Ghana, évidemment, coco et même pétrole, ça a été compliqué. Et donc c'est quelque chose qu'on regarde énormément. Mais je dirais qu'il faut aussi retourner la question. C'est pas simplement les exportateurs. Il y a aussi les importateurs. Et dans mon expérience, parce que moi je fais beaucoup essentiellement de l'Afrique du Nord, évidemment, beaucoup de pays qui sont très sensibles à l'augmentation du prix du pétrole, etc. Encore une fois, l'exemple parfait, ça a été la Tunisie sur le pétrole, ça a été l'Égypte sur le prix de la nourriture, etc. Ces pays-là ont été très sensibles. et le sont toujours.

  • Speaker #1

    En un mot pour expliquer, ça impacte leur balance des paiements et donc leur capacité à avoir des réserves pour non seulement avoir l'argent, mais surtout l'argent dans la bonne devise pour rembourser le...

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai qu'il y a deux grands problèmes essentiellement en IEM. C'est à la fois l'aspect de soutenabilité, donc là on en a parlé, c'est-à-dire la capacité pour un pays de continuer à honorer sa dette et d'avoir une trajectoire qui lui permette de continuer de servir sa dette. Et puis vous avez un élément de liquidité. Et ça, c'est un élément qui est un peu plus complexe, parce qu'il y a une liquidité, c'est la plupart du temps, ces pays-là, ils ont la dette libérée qui est en monnaie étrangère, et donc ils ne font pas de dollars, surtout si vous êtes un pays qui n'exporte pas de commodité. Et donc ces pays-là sont souvent très vulnérables, parce qu'ils ont toujours besoin d'avoir un stock de réserve, d'avoir leur stock de révers, d'avoir la monnaie qui soit au bon prix, etc. Mais tout ça pour dire que ces pays-là sont toujours très sensibles en termes de liquidité. Et ça, c'est particulièrement vrai pour les importateurs.

  • Speaker #1

    Dernière question, on a compris que ça reste un art et non pas encore une science parce qu'il y a beaucoup d'éléments à prendre en compte, mais il y a quand même un contexte de technicisation croissante avec l'abondance des données qui sont disponibles et les capacités croissantes à les traiter. Quels sont les profils que vous recherchez dans vos équipes ? Est-ce que de plus en plus, c'est des gens qui ont des backgrounds de computer science, pourront être capables de faire des algorithmes, etc. ? Est-ce que c'est encore plutôt des économistes parce qu'il faut une connaissance du fondamental ? Est-ce que c'est des financiers parce que c'est quand même un métier de financier ? Est-ce que c'est n'importe qui qui a une bonne volonté et a envie de travailler beaucoup ? Est-ce que

  • Speaker #0

    Oui, c'est une très bonne question. A mon avis, ce qu'il faut dire d'abord sur la partie algorithme, c'est que c'est quelque chose qui est absolument en train d'être développé. Pas simplement par nous, mais par toutes les banques. Je dirais que ça s'applique sans doute à des produits plus liquides. Pour revenir finalement à ce qu'on disait au départ, pour les produits où ces acheteurs et ces vendeurs ne sont pas forcément dans le marché au même moment, où donc le prix du risque va être parfois très difficile à véritablement comprendre. Il y a très peu de transparence, parfois le prix augmente très vite ou baisse très vite pour des raisons simplement techniques du fait qu'il n'y a juste pas du tout de liquidité sur le marché. Et ces algorithmes-là, à mon avis, ils vont être développés, mais on n'est peut-être pas encore sur un marché où ces algorithmes-là ont le rôle central. En tout cas, vraiment sur la partie high yield. Est-ce que ça veut dire qu'on cherche nécessairement des gens qui sont des techniciens ? Alors, en tout cas, moi, je vais parler du trading, parce que sans doute qu'en research, il y a une vraie appétence pour des gens qui ont un background technique, que ce soit des économistes, mais que ce soit aussi des gens plus quantitatifs. Moi, je pense que le trading, ça peut être un métier technique, pas forcément mis en place, pas forcément incarné par des techniciens. Et là, je parle de l'IM et je parle en particulier de l'IM credit, c'est-à-dire ce que je fais moi. Pour faire très vite, à mon avis, ce qu'on recherche, c'est des gens qui sont bons, quel que soit à peu près leur background. Je pense que c'est vraiment la culture qu'on retrouve dans beaucoup de banques américaines, où, sans doute que c'est très important d'avoir fait les bonnes études, évidemment que ça reste une condition nécessaire. mais je dirais vraiment de façon, de mon expérience maintenant de ce type de culture-là, ça n'est absolument pas une condition suffisante. À mon avis, on recherche plutôt des gens qui sont des leaders dans ce qu'ils font. que ce soit des gens qui viennent de l'économie, de la finance, des maths, mais je veux dire, on a sur nos desks des gens qui ont fait de l'histoire, des gens qui ont fait de la biologie, donc des trucs qui sont quand même un petit peu différents. Mais parce qu'ils étaient très forts, parce qu'ils étaient très bons, parce qu'ils ont développé ce goût-là pour ce métier, parce que ce sont des travailleurs, c'est vrai qu'on cherche des gens qui sont quand même prêts à faire un vrai commitment pour ce boulot. donc je pense que c'est plus ce profil là après pour les juniors en particulier c'est vrai que pour le temps maintenant les banques elles embauchent essentiellement soit sur des summers soit sur des stages etc donc les juniors auront toujours au moins 3 et 6 mois pour faire leur preuve je pense que ça c'est vraiment l'aspect fondamental et donc je dirais que au lieu de partir du principe en disant on cherche ce type de profil il faut avoir fait ce type de background académique etc et encore une fois des gens comme vous des gens comme moi etc qui ont fait soit des grandes écoles, soit comme ça. On en a plein, attention, c'est absolument pas un handicap. Mais je dirais quand même que d'être là dans son stage, d'être proactif, d'être dans une capacité de travail... d'être à l'écoute, de poser les bonnes questions et de démontrer un apprentissage et parfois même une capacité de reproduction de la culture d'un desk, ça c'est vraiment les grands signaux qui fait que vous allez réussir sur le desk.

  • Speaker #1

    Ce sera le mot de la fin, merci beaucoup Mickaël. Merci à vous. Merci à tous et à toutes, ça a été un peu long mais parce que c'était passionnant, pour cet épisode un peu bonus de cette saison, n'hésitez pas à commenter sur votre application favorite de podcast. parce qu'on travaille d'ores et déjà sur la saison prochaine pour continuer d'innover et de remplir cet office et donc tout de suite pour conclure un petit extrait de l'épisode avec Pierre-Noël Giraud dont je parlais à l'instant

  • Speaker #2

    La malédiction des matières premières en fait c'est la malédiction de la rente par exemple si le prix du pétrole est à 80 dollars le baril l'extraction du pétrole en Arabie Saoudite ou dans la péninsule arabique en général C'est au maximum de 20 dollars le baril. Donc vous avez une rente absolument considérable. Donc cette rente est irréductible. Alors pourquoi est-ce que dans certains cas, et assez souvent, ça provoque ce qu'on appelle la malédiction de la rente ? Au lieu de stimuler le développement économique du pays, ça rentre. Ces ressources budgétaires pour la population... elles viennent du ciel en fait, c'est l'État qui a de l'argent. Le fait que ça vienne du ciel et que ça rentre directement dans les caisses de l'État, que ça n'a pas été prélevé sur la population, favorise le mauvais usage de la rente pétrolière, indépendamment de la corruption. On passe ça à des copains, en fait il y a une industrie nationale qui se constitue et qui vit de la redistribution de la rente, qui est un espèce de gaspillage. Un jour, il y a longtemps, à Libreville, au Gabon, pays pétrolier, j'ai essayé d'évaluer que devenait la rente pétrolière du Gabon. En détricotant tout le processus, quelle est la part de la rente qui a été privatisée par le fait que le contrat est très défavorable au pays ? Tout ça se retrouve en partie dans les poches de la compagnie internationale et une petite partie dans les poches de dirigeants corrompus. quelle est la part qui est consacrée à l'investissement pour l'avenir du pays et celle qui est consacrée à la consommation ? Celle qui est consacrée à l'investissement, est-ce que l'investissement est efficace ou est-ce que ça coûte trois fois plus cher de faire quelque chose que si c'était dans une économie compétitive, etc. En déclinant tout ça et à dire d'experts, j'arrivais à une évaluation très grossière que, en fait, à peine 15% de la rente était utilisée. pour le développement du pays.

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