- Speaker #0
en partenariat avec l'Institut Louis Bachelier et le FINDEVLAB.
- Speaker #1
Bonjour à tous, pour ce deuxième épisode de la quatrième saison de Take-Off, nous avons la chance de recevoir M. Asnein Eji. directeur général du groupe Action. Alors, une brève introduction sur votre parcours. Vous êtes né à Antananrivo, à Madagascar, issu d'une grande famille commerciale malgache d'origine indienne. Vous avez eu un parcours scolaire entre Madagascar et la France, où vous avez été diplômé à l'École supérieure de commerce de Paris, le SCP. Vous êtes aujourd'hui reconnu comme un leader économique influent à Madagascar et en Afrique en général, notamment à travers le groupe Action,
- Speaker #0
que vous dirigez.
- Speaker #1
Vous avez d'ailleurs été reconnu CEO of the Year. par le Média Jeune Afrique en 2022. Petite question introductive pour commencer. Quels éléments de votre parcours personnel ou familial ont été déterminants pour façonner votre vision entrepreneuriale aujourd'hui ?
- Speaker #0
Bonjour messieurs, merci de me recevoir ce matin. Je suis ravi d'échanger avec vous et de partager quelques bribes de mon expérience. Alors, les éléments pour vous citer, pour vous faire une liste de ce qui a forgé ce que je suis aujourd'hui, ça va nous prendre... plus de temps que la durée du podcast, mais il y a quelques éléments qui sont extrêmement importants. En Afrique, de façon générale, nous sommes tous des entrepreneurs. Les Africains, on aime tous être commerçants, on aime tous être entrepreneurs. Et donc, on baigne, et moi j'ai baigné dans cette culture entrepreneuriale dans ma famille, au sein de ma famille. Je suis d'une famille qui a une histoire entrepreneuriale depuis l'époque de mon grand-père. Et donc, quand tu baignes dans cette histoire depuis que t'es gamin, Tu sais très bien un peu comment ça se passe. Les dîners, ça se passe avec des discussions de business entre les tontons, dans la voiture, tu as toutes ces discussions. Donc voilà, tu apprends. Et puis feu mon papa, m'emmenais-moi très tôt aussi au bureau. Et puis j'étais payé à nettoyer le bureau, à faire des petites tâches comme ça, nettoyer la voiture en plein hiver. Voilà, j'ai appris un petit peu aussi comme ça. Et avoir cette motivation, cette volonté de faire. et de contribuer. L'un des éléments importants c'était cette culture familiale et entrepreneuriale. Un des autres éléments a été aussi les gens que j'ai rencontrés durant mon parcours scolaire, notamment en école de commerce. J'ai rencontré des entrepreneurs brillants. Et quand tu vois des gens qui sont extrêmement inspirants, des grands chefs d'entreprise, le parcours business m'a toujours inspiré depuis le jeune âge. Et ça a été conforté quand j'ai fait mes études. Et puis, j'étais tout simplement aussi intéressé par la chose business, la chose création de valeur, la chose… Quand tu vois, par exemple, dans mon pays, à Madagascar, que tu peux facilement créer un business, tu as tellement d'opportunités. J'avais toujours dans ma tête une foultitude d'idées. Je foisonnais en permanence en me disant, tiens, il y a ça à faire, il y a ça à faire. Dans mes échanges avec les copains en école de commerce ou même… Voilà un peu tout cet écosystème. Après, j'ai eu des éléments très personnels aussi qui ont été importants dans ma vie. Personnels au sens des phases un peu plus tristes de mon histoire, qui ont aussi fait ce que je suis et qui m'ont aussi poussé à rentrer dans le monde des affaires plus qu'autre chose.
- Speaker #2
Action, pour ceux qui ne connaîtraient pas, c'est un groupe à la fois familial et multisectoriel. Qui dit familial dit transmission. Est-ce que vous pouvez... brièvement introduire nos auditeurs à l'histoire de ce groupe en termes de couverture sectorielle, à la fois ce qui était fait avant que vous en preniez les rênes et les directions que vous souhaitiez y donner.
- Speaker #0
Alors, comme tu le disais en intro, c'était une aventure familiale. Nous venons d'un business textile. Nous étions des industriels dans le textile et avions aussi développé une activité de distribution automobile et d'importation et distribution... de matériaux de construction, de produits de première nécessité, de l'époque de mon grand-père, de mon père, de ses frères, de mes oncles, etc. Et moi, je suis rentré dans le feu business familial à mon retour d'école de commerce, puis je me suis rendu compte assez rapidement que je n'apporterais pas plus de valeur que ça, mon rôle dans un écosystème, somme toute, qui était très commercial. j'y voyais pas ma contribution et puis je ne voyais pas m'épanouir non plus à titre perso dans ce business et Et à partir de ce moment-là, j'ai commencé à développer plutôt des activités, tout ce qui est autour des infrastructures et des services. J'ai démarré en 1998 avec une première société dans une foncière de real estate, une sorte de RIT, ce qu'on appelle aujourd'hui un RIT. Et donc, on a construit beaucoup de paris d'activités, de locaux industriels, zones de stockage, plateformes, etc. Et puis aujourd'hui... Le groupe s'est développé sur 16 pays du continent. Nous sommes 12 000 personnes. Nous sommes dans trois grands verticaux. Le premier, les télécommunications. Le second, les services financés. Et le dernier, l'énergie. Pour rentrer un petit peu dans les détails sur chacun des clusters, le cluster télécommunications, nous faisons tout ce qui est. Nous sommes des opérateurs fixes et mobiles. Nous sommes le sixième opérateur du continent. 45 000 ans d'abonnés. Nous sommes présents sur sept pays du continent. en opérateur téléphonique. La deuxième partie dans les télécoms, c'est la partie digital infra. Nous avons une Tower Co. présente dans six pays. Nous sommes aussi dans les data centers et nous avons une activité fibre. Sur la partie services financiers, nous sommes présents sur la chaîne de valeur, mais plutôt mass market. Nous sommes le cinquième opérateur en fintech, en mobile money du continent. Nous avons un peu plus de 15 millions de clients sur cinq pays. Là où nous avons l'opération télécom. Mais c'est des activités qui sont quand même distinctes parce qu'on adresse beaucoup tout ce qui est inclusion financière, tout ce qui est loan, paiement aux marchands, en dehors de tout ce qui est transfert. Et nous avons aussi une banque dans notre cluster service financé. Nous avons la seconde plus grosse banque de Madagascar qui s'appelle la BMI. Et la troisième partie, c'est la partie énergie. Dans notre partie énergie, nous sommes des développeurs de parcs solaires, de centrales hydroélectriques. Nous avons aujourd'hui plus d'un gigawatt de projets embarqués. Nous avons construit, par exemple, nous sommes en train de construire un grand champ solaire à Kolda, l'un des plus gros au Sénégal, l'un des plus grands d'Afrique de l'Ouest. Nous venons de reprendre les activités de Néom en Zambie. Ils avaient un grand parc solaire. Nous étions en JV avec Green Yellow, mais qui a décidé de quitter l'Afrique. Donc, nous avons repris leurs actifs, etc. Donc, voilà, on fait pas mal d'activités aussi dans tout ce qui est... production d'énergie électrique sous le nom de Cluster Energy.
- Speaker #2
Et par curiosité, ça s'est substitué aux activités historiques dont vous nous parliez, ou au groupe familial concernant Madagascar et l'activité de distribution, etc.
- Speaker #0
Non, c'est un très bon point. Moi, j'ai rejoint en 97. Toutes les activités qui existent dans le groupe Action Art aujourd'hui n'existaient pas en 97. Je les ai soit créées, soit j'ai fait des rachats, mais tout a été monté, tout ce qui existe aujourd'hui, depuis 97. Et tout ce qui était legacy, distribution, textile, etc., a soit été cédé, soit été fermé. Donc, tu as été complètement… Complètement. En fait, à partir de 1997-1998, au fur et à mesure que j'ai développé les activités, on a aussi décidé de faire un reset stratégique, de se projeter complètement différemment. On s'est dit, tiens, aujourd'hui, quels sont les besoins du continent ? Quels sont les besoins d'Aragasca ? Comment on va pouvoir, nous, nous projeter et accompagner ce développement ? Quels sont les grands besoins ? L'inclusion digitale. l'inclusion financière, l'inclusion énergétique. On a maintenant notre vision, comment on peut la porter ? Vers quel axe on va développer et déployer cette vision ?
- Speaker #1
Vous avez commencé à l'aborder, on va un peu plus revenir sur votre expansion géographique. Vous êtes aujourd'hui présent dans énormément de pays en Afrique. On aimerait savoir, en fait, de Madagascar, comment vous avez planifié cette stratégie de développement géographique ? Vous avez cité les grands secteurs et en quelque sorte, vous avez... répondu à des besoins qui existaient en matière de développement. Mais pour aller un peu plus dans le détail, comment est-ce que vous avez réussi à pénétrer ces secteurs-là quand c'est très compétitif ? On reviendra un peu plus tard sur le secteur des télécoms spécifiquement, mais pour parler des services financiers et de l'énergie notamment, et de votre développement géographique en Afrique de l'Ouest notamment et en Afrique australe.
- Speaker #0
Alors, je vais te dire, c'est très opportuniste. C'est très opportuniste. On regarde qu'est-ce qu'il y a comme opportunité, qu'est-ce qu'il y a comme... Comme dit, quels sont les besoins ? On a une chance quand même incroyable sur le continent africain. On est 1,2 milliard en termes de population. Dans les 25 à 30 ans, on parle de doubler la population africaine. Et on a un potentiel énorme, on a une demande qui est énorme. En fait, le problème sur le continent, c'est comment tu vas adapter ton offre, c'est comment tu vas pouvoir répondre à la demande. C'est ça qui est génial. Et donc, quand tu me demandes comment je planifie mon expansion géographique, bien évidemment, ça peut être des opportunités. Je vous parlais tout à l'heure du retrait, enfin, quand Grignyllo a décidé de quitter l'Afrique, on a échangé ensemble. Et donc, là, c'était une opportunité. Dans chaque endroit où je voyage, j'échange avec les autorités, j'échange avec les uns et les autres, et je me rends compte, quand on présente notre value proposition, on est positionné sur des métiers qui sont à la base du développement économique. Tu ne peux pas développer un pays, tu ne peux pas développer un continent si tu n'as pas d'énergie, si tu n'as pas réglé les sujets d'accès au financement, et si tu n'as pas donné accès à des infrastructures digitales de qualité. Donc si tu veux, on est vraiment dans ce que j'appelle le triangle de la... prospérité, je le dis souvent, et c'est un écosystème qui se parle. Aujourd'hui, de plus en plus, on développe nos activités digitales, mais on les décarbone. Aujourd'hui, nos activités énergétiques sont connectées. Nos activités financements sont liées avec le digital, etc. C'est un triangle de prospérité qui se parle, qui se répond beaucoup, et il y a une demande qui est colossale sur le continent. Sur le développement, par contre, on fait attention à une chose, on a 54 pays, et j'ai une banque. Donc, nous, on vient d'Aragascar, donc je mets pour le moment l'Aragascar de côté, mais en termes de développement, sur les 53 pays restants, tu as une dizaine de pays, on va dire, où soit tu ne veux pas aller parce que c'est compliqué, que ce soit en accessibilité, en termes d'état de droit, en termes de monnaie, ou la monnaie en termes d'évaluation, etc. Il y a trop de fluctuations, des choses comme ça, donc tu sais que tu ne pourras pas suivre. Mais à part ça, tu as un terrain où tu as 35-40 pays, où tu as toutes ces opportunités dans le métier de l'énergie, des services financiers.
- Speaker #2
Justement, pour reprendre sur la question d'Emile, vous listez un peu les critères de go et no go. Là-dedans, quel rôle ? Donc, c'est des secteurs qui ont comme caractéristique des secteurs assez réglementés. Télécom et bancaire, plutôt dans la logique prudentielle, réglementaire. Et énergie, parce qu'il y a une logique de réseau qui fait que, du coup, vous êtes en lien avec les entreprises publiques qui gèrent ça. Est-ce que, dans la question de la qualité réglementaire, C'est un driver important. Est-ce qu'on peut quand même développer des opérations sans ? Et vous parliez de la question de la monnaie. Est-ce qu'il y a une question de taille de marché ? Est-ce qu'il y a des pays qui sont juste trop petits pour être adressés ? Est-ce qu'en fait, vous rentrez...
- Speaker #0
Écoute, je prends chacun de tes points. Le premier point, c'est le point réglementaire. Et tu l'as dit à juste titre, on est sur des métiers très réglementés. Dans les télécoms, c'est extrêmement réglementé, que ce soit en termes d'accès aux infrastructures essentielles, etc. C'est toute une série de réglementations. Si tu es dans des pays où ta réglementation ne te permet pas de développer ton espace économie, ou si la réglementation n'est pas respectée, etc., effectivement, c'est un no-go. Ou si tu as des pays qui sont encore très fermés en termes de monopole d'État, certains n'ont même pas l'opportunité de rentrer. Donc, évidemment, la régulation est un point important. Je rajoute, à côté de la régulation, un autre point quand même, c'est l'État de droit. Si tu as les pays où tu sais que tu vas avoir d'office des problèmes dès que tu démarres et que tout ce qui va être système judiciaire, tout ce qui va être renforcement de décision, etc., ne fonctionne pas bien, c'est un no-go. Voilà, ça c'est le premier point. Second point, c'est sur la partie taille de marché. Sur la taille de marché, il n'y a pas de petit pays pour nous ou de grand pays. Il y a des pays où tu peux avoir toi un impact, où tu peux apporter des choses. On a des pays avec des populations moins nombreuses. Je prends le cas des Comores. On travaille très, très bien aux Comores. Les Comores, c'est une population d'un tout petit peu plus d'un million d'habitants. Mais en fait, nous, on a une super opération télécom. On est hyper content. Ça marche très bien. C'est un super labo pour nous. Quand tu vois, par exemple, ce qu'on arrive à faire quand on lance un nouveau produit et service aux Comores, le take-up rate est immédiat. On arrive à faire des choses. mais hyper innovante, hyper en avance. Et ça nous permet aussi de comprendre un peu comment marchent les dynamiques. Et tiens, après, on va l'appliquer ailleurs, en Tanzanie, etc. Donc, au contraire, il y a des pays avec des populations plus petites qui nous permettent d'avoir une couverture, un reach plus rapide, quand même de tester des choses. Donc, on est très contents, nous. Après, bien sûr, suivant tes métiers, tu as une taille de marché, d'opportunités. Il y a des marchés qui, en fonction de la maturité... Tu vas aller dans un pays où tu as 3 millions d'habitants et tu as déjà 5 opérateurs télécoms, il n'y a pas d'écosystème pour toi, tu vois, tu n'as pas de place économie. Donc ça, c'est logique, mais globalement, on n'a pas là-dessus. Le troisième sujet, et celui-là est très important, et ça, je vais te donner mon point de vue sur la partie business opérationnelle moi-même, et puis après, il y a aussi la partie plus macro qui est un vrai sujet, je pense, pour le continent. Sur la partie business... effectivement moi par exemple il ya un pays que j'adore je suis toujours impressionné c'est le nigéria tu l'as cité il ya deux pays comme c'est le nigéria et l'éthiopie et on regardait un deal nous au nigéria en telco il ya il ya quelques il ya deux ans et on est tombé au moment de la dévaluation Et vraiment, pic pour Alcerc. On a commencé, je crois que la Naira était autour de 650-700. Il y avait déjà les deux marchés, mais bon, le delta n'était pas si grand. Et en quelques mois, enfin même pas, quelques semaines, la monnaie a dérapé et tu es tombé à 1300-1400 Naira contre dollar. Donc là, tout de suite, on s'est affolé, on s'est dit waouh Et tu vois, l'impact sur le business, c'est immédiat et ça va très, très vite. Donc là, on s'est fait peur. Effectivement, c'est un pays où… Ce n'est pas simple en termes de couverture de change, etc. Et à ce moment-là, j'ai pris la décision de ne pas poursuivre parce que je ne me sentais pas à l'aise. Donc, effectivement, pour nous, c'est un critère extrêmement important, ton change. Idem pour l'Ethiopie. L'Ethiopie, c'est une économie géniale. Enfin, c'est un pays qui demande à être découvert. C'est incroyable tout ce qui se fait en développement, en richesse, tout ce qui est produit localement. En parallèle, quand tu investis là-bas, Pour le moment, à mon sens, c'est un one-way ticket. Tu mets ton argent, mais tu ne sais pas comment et quand tu peux le sortir parce que tu as un marché d'échange qui est très contrôlé, tu as une balance des paiements qui est déséquilibrée, donc tu ne sais pas comment tu peux pouvoir sortir tes sous. Ce n'est pas évident.
- Speaker #2
C'est un peu ce que je vous ai dit pour le cours réglementaire, très strict dans la GPL et les monopoles d'État.
- Speaker #0
Absolument, absolument. Ça, c'est un sujet, tout ce qui est change, c'est un vrai sujet. Mais pour le développement même du continent, de toute façon, tant qu'on ne doit pas régler certains sujets sur le change, sur la stabilité, ça va être un vrai problème. Donc, on voit certains pays qui se sont, des économies qui se sont plus dollarisées, mais qui attirent beaucoup de capitaux à l'étranger, ça se développe, donc tant mieux. Mais il y a un vrai sujet, on regarde l'Afrique de l'Ouest, la zone CFA, elle a eu aussi l'avantage d'avoir cette monnaie qui est pegg, donc ça aide beaucoup, quoi qu'on dise.
- Speaker #1
Maintenant, essayez de faire un focus sur l'un des côtés du... le triangle de prospérité, si j'ose dire, les télécoms. Vous avez eu une croissance très rapide et, certains diraient, très agressive dans ce secteur-là et sur l'ensemble du continent. Vous avez commencé par le rachat de Telma, l'acteur historique, à Madagascar. Vous avez ensuite développé Telma au Comores, vous en parliez. Le rachat de Free à La Réunion en 2017. Ensuite, à partir de 2008, une vague de rachats dans des géographies qui étaient un peu nouvelles pour vous, avec Thibault au Sénégal. Togo Com au Togo et enfin Tigo en Tanzanie en 2022. Et le 27 novembre dernier, donc le 27 novembre 2024, vous avez lancé votre marque unifiée IAS. Alors dans ce secteur qui est ultra compétitif en Afrique, où on a des acteurs historiques, on a la relation avec le régulateur qui est souvent un peu compliquée, comment se positionne Action Télécom, IAS, face aux dynamiques en matière de technologie, d'infrastructures de réseau, mais aussi de mobile money ? Et quel est, selon vous, votre atout principal face aux opérateurs historiques, Telcorange, le groupe Miecom qui s'est désengagé, mais RTL aussi ?
- Speaker #0
L'histoire du groupe Action pour le Télécom a commencé par une sorte de, je dirais, de défiance, sans les nommer, d'un grand opérateur qui nous dit, mais c'est un métier qui est réservé à une sorte de club. et que des entrepreneurs, des petits entrepreneurs africains, qui ont été dits tels quels, n'auront pas la capacité, ni technique, ni financière, en termes de capital intensity, de pouvoir rentrer dans ce métier, et que je faisais une grande erreur de devoir, de considérer rentrer là-dedans, etc., du moins rentrer tout seul. Et donc j'en ai pris acte, et puis j'ai dit, bon, ok, très bien, donc tac, et j'ai commencé moi à développer mes activités dans les télécoms. Et finalement, Je pense qu'après une vingtaine d'années dans le secteur, on a développé notre format, un autre modèle d'opérateur, dans le sens où on a bousculé le paysage et avec un modèle beaucoup plus disruptif dans chacun de nos marchés. Et je vais te prendre quelques exemples. On est rentré au Sénégal il y a quelques années. Tu regardes l'impact qu'on a eu sur les prix, on est rentré au Sénégal avec mon ami et partenaire Xavier Niel, et quand on est rentré, on a regardé les prix, on s'est dit bon, ok, on en est où ? On a regardé les structures de prix, et tout le monde sait très bien, on a divisé littéralement au Sénégal les prix par trois. Et donc effectivement, on a eu un effet immédiat, les autres acteurs, il y a eu un alignement rapidement, parce que la concurrence s'aligne, c'est normal. Et donc, on a eu un impact réel, donc un modèle très disruptif. Je vais prendre l'exemple de la Tanzanie. On est arrivé et tout de suite, on a décidé d'augmenter notre couverture de 50 notre coverage à la région des Grands Lacs. On a dit qu'il faut qu'on accélère dans la région des Grands Lacs, dans la région du Sud mitoyenne avec le Mozambique, etc. Donc on est allé extrêmement vite. Ce que je veux dire par là, c'est que je pense qu'on a su démontrer, avant tout dans nos opérations, une parfaite maîtrise de toute la partie technique. Je reviendrai un petit peu dessus. Une grande agilité en termes de déploiement. Nous sommes allés très vite. En Tanzanie, on a repris l'opération mi-2022. et en 24 mois, on a réussi à faire notre reach en coverage de 50%. On a un modèle opérationnel extrêmement rapide, extrêmement nimble, très agile. Ça, c'est très important. Sur la partie technique, une de mes grandes fiertés, on se dit toujours que l'opérateur national ou africain n'arrivera pas à suivre en termes de technologie. Nous sommes les premiers le 26 juin 2020. Je suis très fier de cette date, parce que c'est la date de la fête de l'indépendance à Madagascar, avoir lancé la 5G sur le continent africain. Mes collègues de Vodacom et MTN ont lancé le 30 juin en Afrique du Sud. Non mais c'est important, tu vois ce que je veux dire, ça peut paraître simple aujourd'hui, mais c'est aller convaincre le régulateur, faire ton projet, ton pilote, aller négocier avec l'équipement entier, t'assurer. Et puis tout ça, je vous rappelle, on était en pleine période de Covid. C'était pas simple. En 2020, on a tendance à oublier toutes les restrictions. Notre développement sur le continent, moi, je peux te dire trois choses. C'est que, premièrement, on a développé, nous, beaucoup de réactivité et d'agilité. On a créé énormément d'impact. Et surtout, aujourd'hui, nos clients, on le dit, avec le lancement de IaaS, ils ont énormément d'enthousiasme sur notre value proposition. Énormément de répondance en se disant, tiens, maintenant... On répond avec une marque unifiée, on va avoir une value proposition unifiée. Et ça, c'est très important. Donc, on est extrêmement enthousiaste, on est très, très optimiste.
- Speaker #2
Pour remonter là-dessus, sur le rôle, disons, sur la place qu'occupent les acteurs nationaux, historiques dans ces métiers, il y a l'exemple, puisque vous mentionnez l'Ethiopie tout à l'heure, d'Ethio Telecom, qui a été pendant longtemps monopole d'État, et où finalement, il y a une licence SafariCom qui est arrivée en Ethiopie récemment, et dont on a vu qu'en fait, elle a plutôt... étendu le marché, parce que, comme vous disiez, le marché croit tellement qu'en fait, il y a de la place pour beaucoup de gens. Mais est-ce qu'il y a une espèce de fatalité historique ? Est-ce que, finalement, les électeurs nationaux et périclites et des groupes plutôt panafricains, parce qu'ils ont des économies d'échelle, etc., se développent ? Ou est-ce qu'il y a encore une place pour les électeurs nationaux, en général plutôt publics, sur ce marché ?
- Speaker #0
Écoute, t'as pas une réponse one size fits all sur tout, mais quand tu regardes quand même, Généralement, tu as des opérateurs historiques qui sont extrêmement successfull aujourd'hui mais ils font partie du groupe. Je prends l'exemple de Telma qui est un opérateur historique ou Togocom chez nous. Historiquement, je prends les noms historiques mais qui sont maintenant IAS Madagascar, IAS Togo. Ces deux acteurs étaient des incumbent opérateurs, d'accord ? Et donc le gouvernement malgache comme le gouvernement togolais sont rendus assez vite compte en se disant tiens... Si on veut redynamiser, rebooster et apporter une logique économique et business qui permettra d'accélérer l'innovation, qui permettra d'avoir une culture de la performance, qui permettra d'apporter de la formation à nos équipes, qui permettra d'avoir du savoir-faire, il faut qu'on privatise, qu'on fasse rentrer un partenaire stratégique. Et donc, il y a des gouvernements, des États qui ont réagi très vite. Et donc, par exemple, nous, dans notre cas, nous sommes rentrés au capital de TogoCom à l'époque, nous sommes rentrés au capital de Telma, et ça a permis à ces acteurs de devenir des acteurs. acteurs forts sur le pays. IAS Togo est le premier opérateur au Togo. IAS Madagascar est le premier opérateur à Madagascar aujourd'hui. On a déployé 4 câbles sous-marins, 12 000 km de fibre. En termes d'innovation, je vous en ai parlé tout à l'heure. Donc, non, il n'y a pas de fatalité pour les opérateurs historiques à partir du moment où ils font partie d'un grand groupe et où les gouvernements jouent le jeu et comprennent les enjeux. Maintenant, il y a des pays où Il y a encore des opérateurs historiques qui sont restés publics, legacy, et là, il y a plus de difficultés. On va prendre quelques exemples. On va prendre l'exemple de l'Afrique du Sud. Vous avez Telkom, South Africa, qui est encore, je dirais, un peu legacy, qui a quand même un certain nombre de difficultés. C'est un sujet que nous, nous avions regardé. Il y a d'autres pays, il y a encore des opérateurs legacy. En fait, chacun doit faire son job, d'accord ? Moi, je pense que le job de l'État n'est pas d'être au capital des sociétés. Le job de l'État, c'est de mettre en place la régulation, c'est de permettre de créer un écosystème pour faire venir les entreprises privées, c'est de promouvoir les investissements directs internationaux. en Afrique, panafricains, etc. Je crois que c'est ça.
- Speaker #2
Et juste par cas de délire, l'exemple de Yastogo, le gouvernement a gardé une participation résiduelle ou ça a été 100% privatisé ?
- Speaker #0
Non, le gouvernement est un partenaire important. Le gouvernement togolais a 49%. Il participe de façon très active à la gouvernance de l'entreprise et on se challenge, on avance énormément, que ce soit, quand vous regardez par exemple, ils ont été extrêmement exigeants, le gouvernement togolais, sur la partie qualité de service. Les KPIs que le régulateur a mis en termes de KPIs de qualité de service, c'est mieux que ce qui est demandé en Europe. En throughput sur le descendant en débit Internet de 25 mégas, tu ne trouves pas ça dans beaucoup de pays européens. Donc, ils nous ont mis un niveau d'exigence important et on a joué le jeu. Ils nous ont challengé au niveau du board. Et moi, je trouve que cette dynamique, elle est extrêmement structurante, elle est importante, elle est créatrice de valeurs pour l'écosystème.
- Speaker #1
Vous venez d'aborder le rôle de l'État et celui des entreprises. Chez Action, vous mettez souvent en avant le modèle d'entreprise inclusive et engagée. Comment cela se traduit concrètement dans vos activités et quels impacts vous observez sur vos équipes, vos clients et les communautés qui sont touchées par les différents services ? Vous l'avez rappelé, ce sont des services qui ont un enjeu fort au niveau du développement et de la prospérité en général des postes créatifs.
- Speaker #0
Tu sais, quand tu circules à Dakar, tu vas circuler à Tanna, tu circules à Dar es Salaam, et t'es vite frappé à un moment donné parce que tu as malheureusement encore des niveaux de disparité en termes de développement économique qui sont flagrants et qui sont choquants parfois. Tu te dis de toute façon tout ça, ça ne va pas être sustainable. Je vais très... extrêmement froid dans mon analyse, je vais dire, je ne vais même pas y mettre de la fègue, pour le moment, je vais juste être très basique. Si aujourd'hui, tu ne cherches pas à créer l'impact autour de toi, c'est-à-dire permettre à l'écosystème de grandir en termes d'économique, en termes sociaux, en termes d'éducation, de santé, si tu ne me permets pas, tes clients de demain, ils vont être où ? Qui va racheter nos abonnements téléphoniques ? Qui va consommer de l'énergie ? Si les gens n'ont pas les moyens, si les gens ne sont pas éduqués, ne sont pas formés, ne sont pas... Voilà. Donc, ne serait-ce que si tu es extrêmement froid et que tu prends du recul, tu te dis, ok, c'est mes clients de demain. Maintenant, moi, à titre personnel, j'ai eu énormément de chance. Je le dis, je le répète, j'ai été blessed. Et quand tu as eu cette chance, quand tu as eu cette opportunité, je n'ai rien à prouver. Je suis un homme accompli, j'ai développé, je continue de développer, je suis extrêmement motivé, extrêmement engagé. Mais à un moment donné, tu te retournes et tu te dis, mais qu'est-ce que je peux faire pour ma communauté ? Qu'est-ce que je peux faire pour mon pays ? Qu'est-ce que je peux faire pour ma population ? Qu'est-ce que je peux faire pour le continent ? Et c'est là où tu te dis, ok, sans être une ONG ou être un grand philanthrope, c'est basiquement de se dire, chaque fois que j'essaie de faire quelque chose, chaque fois que je développe un projet, j'y apporte toujours une dynamique. What's in it for the people ? Mon partenaire et ami Xavier Niel me disait, quand on faisait nos offres, il me dit, mais comment tu motives ton client à revenir ? Qu'est-ce qu'il y a pour lui ? Quand tu fais ton pricing, qu'est-ce qu'il y a pour lui ? Donne-lui plus, apporte-lui plus, et là, tu motiveras. Là, c'est très business, mais il a raison. Et même, moi, je te reprends cet exemple, quand on fait, nous, des investissements à un patte, on se dit avant tout, mais tiens, le client, pourquoi il viendra chez toi ? Et qu'est-ce que tu lui amènes comme valeur extra ? qui va juste au-delà de lui fournir le produit, d'aller au-delà de la valeur transactionnelle. Quand tu donneras puissance, tu créeras et ton client le ressentira automatiquement, premièrement, mais surtout ton écosystème, tes collaborateurs. On a mis en place un index d'impact chez Action depuis maintenant plus de cinq ans. On se fait chaque année auditer par un cabinet externe sur notre empreinte carbone, sur notre empreinte socio-économique, voir un petit peu comment on évolue chaque année, pays par pays, cluster par cluster. Et en parallèle, donc on a une note d'impact. En parallèle, on demande à chacune, et cette note d'impact est analysée sur différents axes, sur quatre grandes rubriques, la rubrique population, la rubrique innovation, la rubrique investissement, etc., et la rubrique environnement. Donc, voir sur chacun de nos métiers, comment on agit sur chacune de ces rubriques pour être sûr qu'on remplit, qu'on adresse ces... sans nous sensibiliser, avoir le mindset, l'état d'esprit de se dire Tiens, on va au-delà juste d'une valeur transactionnelle, on apporte beaucoup plus à l'écosystème. Je vais vous prendre deux exemples très simples, mais qui sont frappants. Au coma. On lance dans notre activité mobile monnaie, dans notre activité télécom, pardon, on se rend compte que nos distributeurs n'ont pas de couverture sociale et médicale. OK, on va voir la boîte d'assurance et de couverture sociale là-bas. On se dit, c'est quoi le deal qu'on peut faire ensemble pour nos agents ? On allait voir nos agents. On leur a dit, écoutez, nous, on vous paie la couverture, ça va coûter tant. On leur a dit, mais tu vends ça en plus. Tu vends ça en plus, cette extra mile que tu feras pour nous, ça doit aller dans les deux sens, il faut qu'elle ait envie aussi. Cette extra mile que tu as à faire, nous, on va te donner un bonus, mais on ne va pas te le payer en cash, on va te payer ta mutuelle, etc. Mais ça a marché du feu de Dieu, ce truc-là. Ça a marché du feu de Dieu et les gens étaient complètement engagés. Nos clients, qui sont nos distributeurs, étaient extrêmement engagés. Ça, c'est un des exemples. Un second exemple, on l'a lancé il y a maintenant quelques années. une activité dans notre cluster énergique qui s'appelle WeLight. On déploie une solution de mini-grid dans des villages, dans la ruralité profonde, où on apporte un champ solaire avec des batteries, et on développe un petit réseau poteau-bois et câbles électriques avec un compteur prépayé. Mais comment ces clients n'auraient même pas imaginé, pour les 50 prochaines années devant eux, mais facilement, avoir accès à un réseau électrique ? Là, ils ont une électricité stable, comme tout le monde, comme ici, qui fonctionne. À partir du matin, tu te lèves, jusqu'au soir, au moment de ton coucher. Pour ceux qui connaissent l'Afrique et ses enjeux, on a en moyenne 25%. Dans mon pays, à Madagascar, c'est 15% de taux de pénétration d'électricité. En Afrique, en moyenne, si je ne dis pas de bêtises, en Afrique subsaharienne, on parle de 35%. C'est ridicule. On est en 2024, on parle d'intelligence artificielle, on parle de ces enjeux-là dans le monde. Nous, on a encore ces enjeux à régler. Donc, tu as une responsabilité. C'est une mission sacrée que d'aller faire de l'impact et d'accompagner en tant que secteur privé. Tu dois accompagner. Gagne de l'argent. On se dit, OK, on accepte, nous, de rechigner un tout petit peu sur notre rentabilité. Mais derrière, tu crées un changement. En quelques années, on a fait 180 villages. C'est 500 000 personnes qui sont connectées à l'énergie électrique.
- Speaker #1
Pour rebondir là-dessus et prendre un peu de champ, on est un peu plus macro, comme on en discutait. L'histoire du groupe familial Action, qui s'appelle Action à l'époque, mais l'histoire du groupe familial est intéressante de ce point de vue-là parce que vous êtes passé en gros de l'industrie textile traditionnelle qui existait aussi au Nagreb et ailleurs sur le continent vers ce secteur du pointe, ce que vous appelez le triangle de la prospérité. Qu'est-ce que ça a dit ? Enfin, à quelle vue vous êtes forgé au-dessus du temps sur les leviers du développement économique en Afrique ? Je sais que vous avez pris quelques positions là-dessus, notamment dans la presse et notamment sur le rôle de l'industrie. Est-ce qu'il peut y avoir... Est-ce qu'on entend de plus en plus d'ici et là une espèce de stratégie de leapfrogging, de développement qui serait directement basé sur des services, en bénéficiant y compris des télécoms, en étant sous-traitant de services qui sont réalisables à distance pour les pays du Nord ? Ou est-ce que vous pensez que l'industrie est complètement centrale et instrumentale ? Et appliquée au continent, ça veut un peu tout rien dire parce qu'il y a des développements différents, mais vraiment appliquée à Madagascar, que vous connaissez particulièrement bien ?
- Speaker #0
Alors... L'histoire de l'évolution du business dans ma famille, depuis les 75 dernières années, je dirais, et je pense à l'image de ce qui se passe en Afrique. On passe d'un système où finalement certains métiers, certaines industries, étaient, disons-nous les choses, une forme de chasse gardée. Il était impensable. 60 ans sur le continent, d'avoir des entrepreneurs africains qui dirigeaient des ventes du continent. C'était une tendance globale, c'était soit des activités qui étaient gérées par les gouvernements, c'était des activités plutôt publiques, ou les boîtes des colonies, etc., à l'époque. Et donc, au fur et à mesure, sur le développement de nos activités, sur le business, on se rend compte qu'on est parti de commerce à industrie à commerce, et maintenant nous sommes dans des métiers d'infrastructure, etc. Mais c'est un peu ce que tu vois de plus en plus sur le continent africain. C'est que les Africains, les entrepreneurs africains, prennent leur destin en main. On le voit maintenant, on a des grands groupes télécoms africains, on a des grands groupes bancaires africains qui se constituent. Prends l'exemple en ce moment de la Société Générale qui cède une partie, une grosse partie de ses actifs sur le continent. Bon, ils sont en train, ils ont cédé à un certain nombre de pays, sans les citer en détail, mais la grande majorité, ce sont des acteurs panafricains qui reprèlent ces activités. Et ça, c'est top, c'est génial, je trouve. Qui de mieux connaît son métier, son pays, son marché, mieux qu'un fils du pays ? Et voilà, l'histoire de notre famille est un peu cette histoire du capitalisme africain qui aujourd'hui est totalement décomplexé, est extrêmement structuré, est extrêmement maintenant bien formé. et qui accélèrent et qui se développent. Et même maintenant, et ça je crois que c'est un point important, c'est que les gouvernements demandent et poussent à ce que ce soit des entrepreneurs du pays ou africains. Moi, dans chaque pays où je vais, les gens sont toujours touchés de savoir que je suis de Madagascar. C'est une chose extrêmement importante parce que l'Afrique se rencontre, l'Afrique échange, l'Afrique se prend en main et l'Afrique veut grandir ensemble. L'Afrique veut faire de la coopération sud-sud. C'est une thématique très importante. Des groupes privés africains prennent la main maintenant. Une seconde chose, et comme on ne s'interdit rien, on regarde tout les entrepreneurs africains. Et il y a des groupes brillants, que ce soit en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est, qui développent de nouvelles activités. Et tu parlais d'industrie tout à l'heure. Mais il est indéniable et indispensable d'industrialiser beaucoup plus le continent. d'industrialiser beaucoup plus. Je vous parlais d'Ethiopie tout à l'heure. C'est formidable ce qu'ils ont réalisé en industrie. Mais ils pourraient faire encore beaucoup mieux. Mais pour permettre cette industrialisation, après, il faudra voir en fonction de la maturité, de la technologie, de la maturité, de l'accès au marché, de la logistique, tous ces sujets. Mais pour moi, il est impensable de se dire qu'on doit passer à côté de l'industrialisation et qu'on doit leapfroguer. Non, absolument pas. Il faut qu'on crée des industries, il faut qu'on crée des jobs, il faut qu'on... paye des taxes, mais surtout, c'est que pour permettre de donner une stabilité, une croissance, une vision à toutes ces industries qu'on créera, que ce soit des industries pour des produits de consommation, etc., il faut qu'on ouvre notre marché. Il faut qu'on arrive à avoir ce marché unique africain. Il faut qu'on y arrive. Il faut qu'il y ait cette libre circulation. Pour moi, c'est clé. Dès qu'on aura réglé que aujourd'hui, de Dar es Salaam, je peux exporter le paquet de... pâte que j'ai manufacturée, que je peux l'exporter au Congo, c'est ça qui doit marcher. C'est ça qui va développer tous ces corridors de croissance, qui va développer la logistique, qui va développer les transferts financés, qui va développer l'énergie, etc. On a besoin de ça. Absolument, il faut développer l'industrialisation. Le continent a besoin de s'industrialiser.
- Speaker #2
Merci beaucoup pour tous ces éléments. On va maintenant aborder un sujet d'engagement plus personnel, la Fondation H. qui est une initiative de soutien aux artistes africains. Est-ce que vous pouvez nous parler des objectifs principaux de cette fondation ? Qu'est-ce qui vous a poussé à la créer ? Peut-être nous donner un exemple d'une réalisation dont vous êtes assez fier. Et comment ces actions s'inscrivent dans une stratégie plus large de valorisation du patrimoine culturel africain ?
- Speaker #0
Alors, ça a démarré il y a un peu plus d'une quinzaine d'années. Je suis collectionneur à titre personnel, je suis collectionneur d'art contemporain. Je collectionnais de l'art contemporain de façon générale et je collectionnais de l'art contemporain africain en particulier depuis une quinzaine d'années. Puis j'ai fait la rencontre de différents artistes dans mon pays, des artistes extrêmement talentueux. Il y a eu un artiste en particulier qui s'appelait Madame Zou, qui était remarquable. Et donc j'avais décidé à l'époque de l'accompagner, de l'aider, de la mécéner. Et je me suis rendu compte que l'impact que tu peux avoir sur quelqu'un qui a du talent, qui a un génie, mais qui n'a pas les moyens de l'exprimer parce que situation, économie, personnel, etc. Et quand tu lui enlèves de sa tête ses galères du quotidien en se disant, tiens, j'ai quelqu'un qui me mécène, qui m'accompagne et je sais que je vais pouvoir produire, je vais pouvoir créer, je vais pouvoir m'exprimer, je vais pouvoir transmettre, je vais pouvoir me confronter, exposer. Là, la personne se dit, je me libère. Et quand j'ai vu l'impact de ça, je voyais, on a inauguré notre nouvel espace il y a 18 mois à Tannin, et les gens, quand ils ont vu son travail, on a eu des commissaires internationaux, des gens du continent, des artistes du continent qui se sont dit, mais c'est génial, on ne la connaissait pas. Mais cette dame, je parle d'elle au passé, parce que malheureusement, pendant la période du Covid, elle nous a quittés. Mais tu as un véritable génie chez nos artistes, mais ils n'ont pas les moyens. C'est un parcours du combattant pour exprimer leur art. C'est un parcours du combattant en termes de formation, en termes d'écosystème. Il n'y a pas d'école d'art. Est-ce que tu as des écoles d'art ? Malheureusement, on n'en a pas. En termes d'écosystème, est-ce que tu as 500 000 galeries sur le continent ? Non. Est-ce que tu as des commissaires d'exposition ? Non. Est-ce que tu as des musées ? Pas beaucoup. Tu vois ? Non. Les gens, malgré eux, ils arrivent, on voit des artistes africains talentueux qui se développent sur le continent. Inka Chenibaré, El Anatsui, tous ces grands noms déjà et qui font briller. la culture africaine partout dans le monde. Je pourrais en citer plein d'autres. Mais il y en a encore tant qui pourraient venir grossir ses rangs et montrer ce dont on est capable. On a énormément de richesses, on veut l'exprimer. Donc, aider nos artistes, les accompagner, les confronter, moi je trouve que ça permet aux gens de comprendre, de s'ancrer dans leur origine, dans leur histoire, d'en être fiers, de s'approprier cette histoire. Parce que parfois, ces histoires ont été volées. Par contre, parfois, ces histoires ont été galvaudées, dévoyées. Et donc là, on leur permet de se réancrer, de pouvoir se retrouver pour permettre de mieux se projeter. Des réalisations dont je suis très fier, je pourrais t'en citer plein. Mais moi, ce qui me rend très heureux, on a ouvert notre nouvel espace à Tanna il y a 18 mois, je te le disais un peu plus tôt. C'est un espace qui a la fois, moi j'en suis très fier, tu vois, demi-mètre carré d'espace qui te permet d'avoir à la fois des espaces d'expo pour des grandes expositions temporaires que nous faisons. Nous avons une exposition en ce moment qui s'appelle Némoria, 22 artistes du continent, 22 artistes africains, qui est en déco avec un cheminement d'une expo qui a démarré à Bordeaux pendant la saison Africa 2020, et qui a derrière circulé à Yaoundé, à Abidjan, etc., qui est arrivé à Tanna. Et on a créé un fil comme ça et une expression sur le rapport de la femme à l'heure intimité, enfin peu importe. Mais là où je suis très fier, c'est que tu as un lieu d'exposition, mais en même temps, tu as un lieu de formation, parce qu'on fait énormément de formation pour les artistes, mais en même temps, on forme les enfants, on a des programmes de formation des enfants pour leur donner une nouvelle vocation, de se dire, tiens, regardez ces métiers. C'est des nouveaux métiers, vous avez tant à faire à vous exprimer différemment. Et donc, quand je vois les gamins débarquer le matin, tous les matins, on invite les gamins, les petites écoles primaires, tous les matins, ta... trois, quatre classes qui débarquent religieusement à 8h30 et on m'envoie de temps en temps des photos des gamins dans la cour et ils ont les mirettes avec des étoiles dans les yeux. Et ça, je suis très fier de ça. Je suis très fier de notre espace à Paris, dans le Marais, où on fait régulièrement, c'est un espace plus expérimental, où on permet à des artistes de s'exprimer, de créer dans cet espace et d'exposer. Et quand je vois l'accueil du public, les gens disent, mais c'est absolument génial. Là, c'est l'Afrique qui grandit. Là, c'est l'Afrique qui s'exprime. Là, c'est l'Afrique qui s'assure et qui montre sa singularité. Et c'est ça dont je suis très fier.
- Speaker #1
Dernière question, et pour vraiment dire là-dessus, c'est intéressant. D'abord, je veux dire que c'est admirable comme démarche. Je trouve ça formidable, le projet dans l'art contemporain. Quelle conclusion, en fond, c'est un peu la question à un million d'euros, mais quelle conclusion, à partir de ce sujet-là, vous avez tiré sur le caractère unitaire ou non de l'Afrique ? La possibilité d'un espace panafricain ou transafricain versus des logiques nationales, puisque vous décriviez à fond quelque chose d'assez local à Madagascar, en même temps dans lequel vous ramenez des artistes qui viennent d'ailleurs, la volonté aussi de faire un réseau à partir de cela, est-ce que c'était plus difficile que vous pensiez, au contraire plus facile que vous pensiez ? Est-ce que c'est augmenté par langue ?
- Speaker #0
Non, absolument pas. Je ne parle pas d'une Afrique unique, surtout pas. C'est une Afrique qui est plurielle, c'est une Afrique qui est diverse, et chaque... pays a sa spécificité, sa singularité, et c'est très important sans souvenir. En revanche, et je m'en rends compte, on a par exemple dans notre fondation un programme de résidence d'artistes. On fait venir chaque année une dizaine d'artistes à Tananarive pour créer, pour échanger, pour comprendre le pays, et puis derrière, produire et exposer. Et on se rend compte que Mais on a tellement d'artistes qui sont candidats et qui veulent venir parce que l'Afrique veut partager, l'Afrique veut échanger, c'est l'Afrique diverse, riche. On veut créer des passerelles, on ne veut pas créer des murs. On a envie d'échanger, de partager entre Africains et de se dire, on s'assume, on grandit ensemble. On s'en rend compte même dans le business. Mon ami Aliko Nangote nous avait réunis il y a quelques semaines à Kigali. pour parler des enjeux du développement économique sur le continent. On avait un parterre d'une cinquantaine de chefs d'entreprise du continent, mais des gens remarquables avec des parcours exceptionnels. Et sans citer Aliko Dangote lui-même, qui a fait une des raffineries modèles au monde, la plus grande raffinerie sur une technologie bien particulière. Ça, c'est une grande fierté. Et donc, je pense que maintenant... On s'est rendu compte que nous avons tous besoin de travailler ensemble, de se mobiliser, d'accompagner parce que le secteur privé est central dans le développement du compte. On a aussi de dire à tous nos gouvernements, nous sommes là et nous avons envie de travailler, de créer ces passerelles, d'échanger ensemble et de grandir ensemble. Donc ça c'est important pour nous et je me rends compte. que ce soit dans notre démarche artistique, dans notre démarche business, c'est que, je vous ai dit tantôt, le potentiel business est dingue. On est plus sur une gestion de la demande, comment on va la gérer, comment on va l'accompagner, etc. Mais on est surtout, il y a ce désir de travailler ensemble, le désir de faire des choses ensemble. Moi, il n'y a pas un pays où je vais où on me dit, maintenant, on ne veut pas avoir un malgache, etc. Mais bien au contraire, on est accueillis tous à bras ouverts. Et je le vois dans l'autre sens aussi. Je vois... les entrepreneurs africains qui circulent ici et là. Il y a une véritable motivation et une véritable volonté de créer de la synergie entre tous ces pays.
- Speaker #1
C'est vraiment la fin. Merci beaucoup, Sénégier.
- Speaker #0
Merci beaucoup. Merci beaucoup.