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TCA etc - Comprendre et lutter contre les troubles alimentaires

Anorexie, boulimie, inceste : le combat de toute une vie – l’histoire de Cynthia E.149

Anorexie, boulimie, inceste : le combat de toute une vie – l’histoire de Cynthia E.149

1h14 |18/07/2025
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Description


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TW Inceste / suicide


Cynthia est venue vers moi avec une grande envie de témoigner.
L’envie de rendre visible la chronicisation des TCA, de la façon dont ils prennent place, voire racine, dans différentes sphères de la vie et la difficulté à être soignante quand on ne va pas très bien soi-même.

Au détour de notre échange, Cynthia témoigne également de l’inceste dont elle a été victime et du suicide de son père.
Nous évoquons toutes ces choses douloureuses et pourtant, je ressens beaucoup d’espoir, à la fois pour elle et venant d’elle.

Les questions de place et d’identité ont aussi fait partie de notre échange, qui je suis? À quoi je sers? Quelle place suis-je censée prendre? …. Toutes ces questions qui animent souvent les personnes souffrant de troubles alimentaires. 

Un immense merci à toi Cynthia pour cet échange et la façon dont il s’est poursuivi en off.

Au programme de cet épisode : 


Présentation de Cynthia

Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation 

La première phase d’anorexie 

Le déclencheur des crises de boulimie
TW mention de faits d’inceste 

Ce que Cynthia aimerait transmettre


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Cynthia dans le podcast TCA etc. Je suis très contente de prendre ce temps pour discuter avec toi ce matin.

  • Speaker #1

    Moi aussi,

  • Speaker #0

    un peu stressée mais contente aussi. Je crois que c'est normal à toutes les personnes qui auraient peut-être envie de venir discuter avec moi au micro. Ça peut être normal de ressentir un petit stress, mais en fait, assez rapidement, on oublie qu'on est en train d'enregistrer un podcast, on oublie qu'on est enregistré. Et voilà, l'idée, c'est qu'on discute toutes les deux. Et puis, comme je le dis souvent aux personnes qui viennent à mon micro, en fait, c'est impossible que tu te trompes. C'est impossible que tu dises à un moment donné quelque chose qui ne va pas parce qu'en fait, on vient parler de toi et que tu es donc la seule experte à ton sujet. C'est juste. Et donc, justement, pour entrer dans le vif du sujet, je te... propose de commencer par te présenter de la manière dont tu le souhaites.

  • Speaker #1

    Ok, alors je m'appelle Cynthia, je vis en Suisse, j'ai 48 ans et je suis infirmière anesthésiste dans un CHU depuis 20... pas tout à fait depuis 25 ans parce que j'ai eu un parcours professionnel avant de faire de l'anesthésie mais j'ai toujours été infirmière depuis effectivement 25 ans. Et puis, je souffre. de troubles du comportement alimentaire depuis l'âge de mes 17 ans donc on en est à 31 ans.

  • Speaker #0

    Ok, tu fais le compte des fois comme ça, tu te dis ah ok, ça y est, 30 ans,

  • Speaker #1

    31 ans. Ouais, puis ce qui m'a fait bizarre c'est que, alors ça fait un moment que j'ai passé cette étape-là, mais j'ai vécu plus de temps avec les TCA que sans et ça c'est un constat qui n'est pas très plaisant à avoir mais voilà.

  • Speaker #0

    Ouais, je te comprends. ça me fait écho à l'époque moi le tabac je sais pas si t'es fumeuse mais non tu vois déjà c'est bien un jour je me souviens j'avais fait le calcul et je m'étais dit mais attends là ça y est je vais passer enfin c'était le cas d'ailleurs à l'époque parce que j'ai arrêté à 34 ans et j'avais commencé à 14 ans donc en fait ça faisait 20 ans que je fumais je me suis dit mais attends j'ai 34 ans 34 ans j'ai passé plus de temps à fumer que à ne pas fumer c'est hyper flippant

  • Speaker #1

    On est d'accord, c'est un contexte qui dit mais non, et oui.

  • Speaker #0

    Ok, bon, on va rentrer dans le vif du sujet tranquillement sur les TCA, l'arrivée, le début, le pourquoi, le tout ça. Mais tu le sais puisque tu écoutes le podcast, j'aime bien aussi parler de avant. Et donc, je t'invite à, j'ai envie de te poser cette question, la fameuse question que je pose à chaque fois. Quelle est, quels sont ? tes souvenirs d'enfance en lien avec ton corps, le rapport à ton corps ? Alors des fois, il n'y a rien de particulier parce que justement, c'est un peu un autre sujet. Et le rapport à l'alimentation, qu'est-ce qui te revient spontanément quand tu repenses à ton enfance ?

  • Speaker #1

    Alors le premier souvenir qui me revient, c'est quand j'avais une dizaine d'années, je regardais mes cuisses et je me disais « Oh, j'ai des grosses cuisses ! » Ça, c'est vraiment un des premiers souvenirs que j'ai, alors que j'étais une enfant tout à fait normale, ni mince, ni grosse. Jamais eu trop de problèmes à ce niveau-là. Et c'est vrai que nous, dans notre famille, on a toujours eu un rapport à l'alimentation complètement perturbée. Dans le sens où mon père souffrait d'obésité, vraiment morbide. Et il était constamment au régime. Et en fait, il faisait des crises d'hyperphagie, donc ça ne marchait jamais. Et j'avais une maman, ça me fait toujours sourire quand tu parles de ces mamans des années 80. aussi une maman qui était perpétuellement au régime qui mettait son Marie au régime sur la demande de mon père. Et puis, ma mère a toujours été très mince. Mais on en a rediscuté encore dernièrement. Elle aussi, elle a un rapport à l'alimentation qui n'est pas du tout apaisé. Elle est aussi très regardante par rapport à son physique. Et puis, elle était aussi dans la restriction. durant toute mon enfance. Et c'est vrai qu'on a toujours baigné dans cette ambiance de régime. En plus, mon père, comme il ne supportait pas très bien les régimes, dès qu'on rentrait de l'école, il nous envoyait aller acheter des choses dans les boulangeries pour qu'il puisse compenser ce qu'il n'avait pas mangé jusque-là. Donc, c'est vrai que ça a toujours été une problématique centrale dans notre famille. Mais moi, je n'ai pas le souvenir d'avoir... Je me souviens de cette histoire de grosses cuisses et qu'à l'adolescence, je me forçais à manger des quatre heures sous prétexte que c'était bon pour moi alors que je n'avais pas forcément faim. Il y avait déjà quelque chose d'un petit peu perturbé.

  • Speaker #0

    Et qui est-ce qui disait que c'était bon pour toi ?

  • Speaker #1

    Moi-même. Je m'étais persuadée qu'à quatre heures, il fallait que je mange deux tartines et que Je bois 20. Un chocolat froid. Je ne sais pas d'où cette croyance me vient. Est-ce qu'une fois j'avais entendu ça ou je ne sais pas. Je me souviens très bien que sur les coups des 14 ans, c'était un rituel que je m'étais imposé. Et du coup, suite à ça, j'ai pris un petit peu de poids jusqu'à l'âge de mes 17 ans. Et en fait, il y a eu un gros déclic l'été de mes 17 ans où j'ai un de mes... très bon copain qui m'a dit « Oh, t'as pris du poids ! » La fameuse phrase qui te précipite le nez dedans, les premiers régimes. Mais c'était assez tardif.

  • Speaker #0

    En tout cas, même si l'apparition du trouble alimentaire était plus tardive, il y avait quelque chose de très ancré chez toi. C'est la tête qui décide. Tu voyais que c'était comme ça que ça fonctionnait chez toi. on t'avait inculqué que la tête était censée décider et que tu avais un exemple d'une personne qui y arrivait et une autre qui n'y arrivait pas. Donc ça, c'est pareil. Pour instaurer la notion de c'est une question de volonté et tout, j'imagine que c'était... Voilà, sans doute que pour toi, ce que tu en as compris, c'est que ta maman, elle, elle avait la volonté, elle y arrivait et c'était bien, c'était comme ça qu'il fallait faire et ton papa, lui, il n'y arrivait pas. Et du coup, comme il n'y arrivait pas, eh bien, il était considéré en obésité. Je trouve qu'il y a un truc déjà très dangereux qui peut s'installer dans la tête d'un enfant. Et cette histoire de goûter, c'est intéressant parce qu'on voit qu'il n'y avait pas d'écoute de toi. Il y avait des bonnes pratiques alimentaires que tu essayais de reproduire dans le plus ou dans le moins. Mais en fait, chez toi, il n'y avait pas du tout cette notion-là d'écoute de son corps et de ses besoins finalement. Chez toi, dans ta famille, je veux dire.

  • Speaker #1

    Complètement. Et puis surtout, ce qui est assez marquant, c'est qu'en plus, on avait une dynamique familiale qui était très compliquée, avec un père qui était très colérique. J'ai vraiment clivé entre ma mère, qui était pour moi, je l'idolâtrais, c'était la femme parfaite. En plus, c'est infirmière, donc voilà. Alors, le cliché papa médecin, mère infirmière. Donc, ça a toujours été mon idole. Il n'y a pas tellement d'autres. terme et mon père il ya eu des moments où je les détestais parce qu'il était assez maltraitant psychologiquement parlant avec nous enfin et avec moi il ya encore eu une étape supplémentaire qui a eu durant l'enfance avec des gestes incestueux donc ça ça complexifier

  • Speaker #0

    la chose ah ouais d'accord donc oui il ya aussi ce versant là qui vient s'ajouter pour toi oui ton père est toujours en vie

  • Speaker #1

    Non, il s'est suicidé quand j'avais 17 ans.

  • Speaker #0

    Quand tu avais 17 ans ? D'accord. Les fameux 17 ans.

  • Speaker #1

    Les fameux 17 ans. Et puis c'est vrai que ces 17 ans, l'été avant qu'il se suicide, là j'ai eu vraiment une première phase d'anorexie, où je ne mangeais plus rien, où j'ai été dans l'hyperactivité physique et tout. Ça c'était vraiment, je me souviens, relativement bien. C'était effectivement l'été. J'allais... On habitait dans une maison avec un étage, donc j'allais faire les étages le soir, la nuit, pour ingréer des calories. Et j'ai perdu 8 kilos à ce moment-là. Et puis en fait, mon père s'est suicidé le 1er décembre 94, pour dire comme en France. Et puis là, en fait, après, ça a coupé l'élan anorexique, j'ai envie de dire. Et par la suite, j'ai développé de la boulimie.

  • Speaker #0

    Ah ok, d'accord. Comment tu... Après, si t'es OK d'en parler, bien sûr, il y a tes obligations. Comment tu l'as vécu, ce suicide ?

  • Speaker #1

    Alors, c'était très, très compliqué parce qu'en même temps, comme il y avait des antécès, donc la relation avec mon père était très compliquée. Puis je ne savais plus trop où j'en étais. Je l'aime, je le déteste. Ce n'est pas tout simple dans la tête d'un enfant quand le parent est maltraitant sur plusieurs égards et pas une attitude de père. Beaucoup de tristesse, un gros choc parce qu'en plus de ça, il a fait ça. Je me souviens très bien, il a fait ça suite à une dispute avec ma mère. Moi, j'étais dans ma chambre à côté, il s'est tiré une balle dans la chambre à côté. Donc, oui, on a vécu ça en live. Donc, c'est déjà rien que l'événement lui-même, ça a provoqué un gros stress post-traumatique qui n'a pas du tout été diagnostiqué par la suite.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la bonne époque aussi. Je pense que tu serais peut-être prise en charge différemment sur cette question du trop-pour-poids.

  • Speaker #1

    honnêtement surtout que ben autant te dire comme c'est une mort violente ça arrivait en pleine nuit on a eu droit à la police qui débarque nous on est trois enfants moi je suis l'aîné on a été J'ai eu des interviews et même c'est plus mon terme interrogé pour savoir qu'est ce qui s'était passé sans en plus c'est marrant je me souviens que j'avais pas de figure enfin j'avais pas d'adulte avec moi quand j'ai quand j'ai été interrogé par la police Et puis, avec tout ce qui va autour, la levée du corps, enfin bref. Donc, ça, c'est vrai que c'était très violent sur le moment. Et puis, comme d'habitude, tu l'as assez bien repéré, moi, je suis quelqu'un de très cérébral, donc j'ai enfoui ça très loin, très profondément. Donc, je suis toujours partie du principe que ça ne m'avait pas tant impacté que ça. Et puis, par la suite, effectivement, il y a eu beaucoup de rêves. où je le voyais revenir et je ne voulais pas qu'il revienne. Pendant dix ans, j'ai rêvé qu'il revenait, qu'il n'était pas mort. Et j'avais cette espèce d'angoisse en me réveillant. Non, il est mort, il ne va pas revenir. Donc, je me suis un peu dispersée. Mais pour en revenir à ce que tu disais, enfin, à ce que tu me demandais plutôt, c'était très ambivalent mes sentiments. En même temps, c'était terrible qu'il ne soit plus là. Et en même temps, j'étais soulagée. Je ne peux pas dire autrement.

  • Speaker #0

    Oui, et ça, c'est difficile. Pour plein d'adultes, c'est difficile à admettre ces sentiments ambivalents encore plus vers les parents. Mais pour une ado, c'est complexe. Et des personnes étaient au courant, genre ta mère était au courant de ce qui s'était passé, des gestes incestuels. Tu dis des gestes incestuels, on parlait d'inceste en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que j'ai toujours un petit peu de peine à passer le pas du... c'est vrai que Pour moi, l'inceste, c'est le père ou quelqu'un de la famille qui vient toutes les nuits dans le lit de sa fille. Et moi, ça a été... Je n'ai peu de souvenirs. En fait, ce qui s'est passé, c'est que j'ai fait un blackout total par rapport à ces événements-là. Et je m'en suis souvenu seulement quand j'ai eu 35 ans, il y a 12 ans en arrière.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, au moment du suicide de ton père, tu sais que tu le détestes, mais finalement... c'est hyper confus et tu n'as pas de souvenir de ce qui s'est passé.

  • Speaker #1

    Je sais que je le déteste par moments et je sais qu'il me dégoûte. C'est horrible à dire ce terme par rapport à son propre père, mais il y a un sentiment comme ça. Je parle de ce dégoût parce que finalement, c'est un truc qui est encore hyper présent en moi. Dès que je m'imagine prendre du poids, je vois mon père. Je le vois pas non plus s'il se baladait nu dans la maison. Bref, c'était un peu choquant comme image. Et je me vois, pas moi, mais je le vois lui. J'ai fait une association comme ça d'images. Mais c'est vrai que c'est... Oui,

  • Speaker #0

    donc il y a quelque chose qui est relié à l'opulence alimentaire, la prise de poids, le... Tu as relié ça comme si au centre, ce qui les reliait, c'était le dégoût, mais c'est complètement relié à l'inceste finalement, à quelque chose aussi de... Il y a le mot dégouinant qui me vient dans les deux cas. Oui, c'est ça. C'est fou parce que ça me fait vraiment penser à une personne que j'avais accompagnée il y a quelques années, qui était dans une anorexie restrictive pure, complètement bloquée là-dedans. Et en fait, il y avait eu aussi... Alors, en tout cas, de ce dont elle se souvenait, il n'y avait pas de gestes posés, mais il y avait un climat ultra incestuel et quelque chose de vraiment pas adapté dans la posture, les regards du père et tout ça, et avec un papa qui faisait des crises d'hyperphagie. qui rentraient parfois tard le soir elles le revoyaient s'empiffrer devant le frigo et du coup il y avait quelque chose chez elles de très relié alimentation, sexualité il y avait quelque chose de très relié mais relié en plus pas sur le bon canal pas une sexualité normale et épanouissante une sexualité déviante de désagression sexuelle finalement oui quelque chose de très proche dans ce que tu racontes oui

  • Speaker #1

    tout à fait

  • Speaker #0

    Et donc, tu as commencé à en dire quelque chose. Tu disais que finalement, l'année de tes 17 ans, il y a d'abord l'anorexie qui s'est déclenchée. Je ne sais pas trop si c'est une jolie façon de le dire. En lien avec tout ce qui s'était mis en place avant, je pense qu'il y avait...

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Tu vois, il y a le contexte familial au sens large, c'est-à-dire les régimes et l'obsession du poids, du corps. Et même si tu ne t'en souvenais pas, en fait, c'était inscrit en toi l'inceste qui avait eu lieu. Et tu dis que le déclencheur, ça a été un peu la phrase de cette amie qui te dit « dis-moi, t'as grossi » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc là, tu perds rapidement du poids et finalement, ça dure quelques mois, si j'ai bien compris, entre l'été et décembre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et décembre, le suicide de ton père. Et là, des crises de boulimie arrivent.

  • Speaker #1

    Alors, pas tout de suite parce qu'en fait, ça a coupé un peu court à mes TCA transitoirement. Enfin, encore que. La première chose… C'est une anecdote, mais je m'en suis souvenu il y a peu de temps en arrière, donc c'est intéressant. La première chose que j'ai fait, le lendemain de son suicide, je suis allée me peser et j'ai vu que mon poids n'avait pas bougé. Et je me suis dit, bon, au moins ça.

  • Speaker #0

    Au moins ça.

  • Speaker #1

    Au moins ça.

  • Speaker #0

    Dans quel sens tu te disais au moins ça ?

  • Speaker #1

    Ça, ça n'a pas bougé. Ça, ça n'a pas changé.

  • Speaker #0

    Ah, ok.

  • Speaker #1

    Ça a été un élément rassurant. quelques heures après son suicide de me dire que mon poids n'avait pas bougé. Ça paraît débile dit comme ça, mais vraiment. Et en plus, c'est fou parce que je me suis souvenu il y a quelques mois en arrière de ce sentiment où je me suis dit, ça reste fixe dans mon quotidien parce que bien évidemment qu'en étant encore sous l'effet du stress, du choc plutôt, tu te dis bien que toute ta vie va changer. Là, je me suis dit, au moins le poids n'a pas bougé.

  • Speaker #0

    Donc déjà, là, tu t'accrochais au rocher du contrôle du poids.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je vais créer un espace de sécurité en essayant de maîtriser mon poids et mon corps.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, les mois qui ont suivi, ça a été… Je n'ai pas trop de souvenirs. C'est assez flou en plus, ces souvenirs à ce moment-là. Mais ce n'était pas une préoccupation centrale. Je n'ai pas bougé au niveau du poids, je continue à manger et tout. Par contre, ce qui était le déclencheur des crises de boulimie, c'est l'été suivant, je suis partie aux États-Unis pendant six semaines comme jeune fille au père. Et en fait, je suis partie parce que j'avais terminé en France, c'était le bac, c'était l'intermède, donc la fin du bac et puis le début de l'école d'infirmière. Et je suis partie contre mon gré en quelque sorte aux États-Unis. Parce que tout le monde dans ma famille me disait que c'était le moment de partir à l'étranger, que je n'aurais jamais d'autres occasions pour partir. Et en fait, je me suis vraiment soumise à la vie populaire, alors que dans mon cœur et même dans ma tête, je n'étais pas du tout prête à partir loin de ma famille. Ça a été terrible. Alors, j'ai appris plein de choses, je ne regrette pas. Postériori, de toute façon, ça ne sert à rien. C'était une séparation que j'ai hyper mal vécue. En plus, la famille qui m'a accueillie, autant la femme, c'était deux enfants en bas âge et puis un couple, autant la femme m'a très bien accueillie. C'était une ancienne collègue de ma mère. Donc, elle m'avait connue en Suisse. Et puis, le père, j'ai toujours eu cette impression qu'il me détestait, qu'il n'avait pas du tout envie que je sois là. Donc, il y avait de nouveau une situation où, par rapport à l'homme, je ne me sentais pas à ma place. Et là, effectivement, aux États-Unis, j'ai commencé à faire des crises de boulimie que je compensais par beaucoup de sport. J'ai commencé à me faire vomir quelques mois après être rentrée en Suisse, où là, effectivement, tu découvres le moyen pour gérer les crises. Et depuis, ça ne m'a plus quittée.

  • Speaker #0

    Plus jamais, il n'y a jamais eu même d'accalmie, de pause ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu des... période où je faisais moins de crises. Et puis c'est vrai qu'avant le Covid, j'étais à 2-3 crises par semaine, mais je n'ai jamais eu de long intermède sans crise de boulimie. Non, je n'ai jamais eu, peut-être quelques semaines, mais ça a toujours revenu. Et puis, il y a eu le Covid, et puis là, le Covid m'a décompensée. Et c'est depuis le Covid, en fait, je suis revenue à un stade où là, je suis repartie, en fait, j'ai envie de dire, plus dans une espèce d'anorexie restrictive, avec des crises d'hyperphagie le soir. Parce que c'est vrai que mon comportement par rapport à l'alimentation la journée ressemble, enfin, c'est tout à fait... l'anorexie quoi. Je mange mais j'ai beaucoup de peine à manger.

  • Speaker #0

    Et donc le soir il y a des compulsions qui arrivent ?

  • Speaker #1

    J'ai un espèce de rituel de crise là maintenant avec effectivement l'ingestion d'aliments en grande quantité puis après des vomissements quoi. Par contre c'est vrai que c'est un petit peu particulier mais moi mes crises de boulimie ça a toujours été comme ça je ne mange que des aliments que j'aime. Je cuisines, je prends du temps. Je suis... Voilà, j'ai jamais... Quand je lis des témoignages, j'écoute des gens qui peuvent manger des trucs congelés ou des trucs pas bons. Alors moi, c'est exclu, quoi. Ça doit être bon, ça doit être goûteux. Il y a beaucoup de légumes aussi dans mes crises.

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a quelque chose de contrôlé même dans tes crises.

  • Speaker #1

    Ouais. Et très centré sur le goût.

  • Speaker #0

    Ok. Parce que ça veut dire que tu as l'impression de rester connecté au goût des aliments, même passé les 3-4 premières bouchées ? Oui. Donc, est-ce que tu te sens quand même dans une perte de contrôle ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. Parce que c'est vrai que sur le moment, je n'ai pas l'impression de perdre le contrôle. L'impression que j'ai sur le moment, c'est que... Ah, enfin, je me fais plaisir, on y va, quoi.

  • Speaker #0

    Ok, mais ça peut être le cas, il y a plein de personnes qui vont avoir cette sensation-là, alors qu'elles ne sont pas du tout là pendant la crise. En réalité, souvent les crises se font devant la télé, des écrans, de manière à même pas trop être consciente de ce qu'on fait. Et souvent, il y a beaucoup de plaisir dans la préparation de la crise. Alors, toi tu cuisines, j'ai déjà entendu ça, mais c'est vrai que souvent c'est... on est plus dans une urgence qui monte tu vois t'as presque la tremblote et donc c'est plutôt l'achat des aliments et déjà ça y a beaucoup de plaisir parce que ça monte puis le moment où tu commences à ingérer les aliments t'as les premières bouchées puis ça y est enfin mais après souvent tu sens pas trop le goût des aliments tu sais pas quel goût ça a ça va hyper vite t'es plus vraiment là il y a quelque chose qui déconnecte toi tu dirais que tu restes là

  • Speaker #1

    Alors, je me déconnecte un petit peu parce que dans mon rituel de crise, je regarde des vidéos YouTube. Mais il faut que ce soit des vidéos qui m'intéressent et où j'apprenne des choses. Je ne peux pas juste m'abrutir l'esprit en regardant quelque chose qui ne m'intéresse pas. Donc, ça fait partie.

  • Speaker #0

    Donc, même là, en fait, ça veut dire que tu te souviens de ce que tu as regardé.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Non, mais en fait, il peut y avoir un… Je ne dis pas que les personnes ne se souviennent systématiquement pas. Mais elles peuvent ne pas... De toute façon, c'est complètement accessoire, en fait. Souvent, la vidéo, elle est là pour ne pas être juste en train de manger, pour ne pas trop se voir faire le truc. Et il peut y avoir presque des blackouts, des fois. Il y a des personnes qui ne se souviennent même pas de toute la crise. Tellement il y a un phénomène dissociatif qui revient à l'œuvre. Mais chez toi, ce n'est pas le cas. C'est à se demander si on peut vraiment appeler ça des crises, en fait.

  • Speaker #1

    C'était un petit peu la question de la psychiatre qui me suit actuellement. Parce que c'est vrai qu'en termes de quantité, alors c'est quand même des quantités qui sont plus que ce qu'on attend, ce qui est attendu. Et puis surtout, je me fais vomir après. Mais c'est vrai. Oui,

  • Speaker #0

    mais tu peux souffrir d'anorexie et te faire vomir après chaque repas. C'est vrai. Il y a des crises.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Bon, là, il y a quand même un volume alimentaire qui est conséquent.

  • Speaker #0

    Mais si ce volume alimentaire, on le mettait sur toute la journée ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce serait quand même peut-être un peu plus que mes besoins, je pense. Mais ce n'est pas beaucoup plus, effectivement.

  • Speaker #0

    Donc, je pense qu'il y a quelque chose de ce genre-là. Si tu manges très peu toute la journée, c'est normal que tu aies une énorme prise alimentaire. Et du coup, on peut associer ça à une crise parce que ça paraît énorme, mais finalement, et parce que c'est dit. Si tu gardais cette prise alimentaire, ce serait sans doute difficile à digérer, mais en fait, répartie sur une journée, c'est peut-être pas si déconnant que ça.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est vrai que c'est un peu, je trouve, vicieux, c'est peut-être un peu excessif comme terme, mais le côté restriction me fait, comment dire, j'allais dire me fait plaisir, c'est un peu, de nouveau c'est trop excessif, mais ça fait partie en fait de la crise, j'aime bien d'arriver à ma fin de journée en ayant cette sensation de faim et de me dire que là ça va être que du plaisir.

  • Speaker #0

    Mais en même temps. ce que tu vis dans ce plaisir de dire ah ça y est je vais passer à table, je vais manger tu pourrais le vivre trois fois par jour je sais que ça paraît fou mais en fait la faim naturelle c'est hyper agréable de passer à table en ayant faim et c'est trop cool, on se fait plaisir on mange une quantité qui est reliée à notre besoin on s'arrête parce qu'on a plus faim, plus envie on sait que dans quatre heures on remange donc tu vois il n'y a pas ce truc là et... Je sais que c'est difficile de l'imaginer, mais en fait, c'est un faux besoin, le besoin de crise. C'est quelque chose qui est construit de toutes pièces par la pathologie. Et sans doute que tu vivrais une vie super tranquille, riche, épanouissante, sans ces crises-là. Sans doute que ça ne te manquerait pas. C'est ça que je veux dire. On a toujours l'impression que ça manquerait, le fonctionnement. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que non. Je suis à peu près sûre.

  • Speaker #1

    Moi, je suis effectivement, c'est marrant parce que quand je t'entends, c'est d'ailleurs un petit peu ma problématique, c'est que j'ai l'impression d'avoir une personnalité multiple parce que tu as la partie non malade, tu dis, bah oui, bien sûr, surtout que tu as typiquement. Dernièrement, je suis partie chez ma cousine dix jours où là, elle est au courant. Donc, j'ai un cadre aussi rassurant et tout. Puis là, je ne fais pas de crise et je mange à ma faim et je suis bien.

  • Speaker #0

    Ça ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    J'y pense, mais comme un truc dont tu as l'habitude, tu ne fais pas quoi. Je ne sais pas comment dire, je n'ai pas de sensation de craving. Mais j'y pense.

  • Speaker #0

    Du coup, ça veut dire que tu manges plus que les quantités que tu manges dans ta vie habituelle. Et comment c'est ça pour toi ?

  • Speaker #1

    C'est stressant par moments. Je passe par plusieurs phases émotionnelles pendant le repas. Il y a des moments où je suis là. je mange trop, je mange trop, puis à d'autres moments, je me dis que c'est trop cool de bien manger, de ne pas avoir de limites. Et ça, c'est vraiment... Plusieurs émotions qui passent très rapidement de l'une à l'autre, en fait.

  • Speaker #0

    Et imagine, tu te retrouves pour une raison X ou Y, qu'il n'y a pas le choix, et tu te retrouves à vivre chez cette personne. Tu crois que ça se passerait comment ? Tu finirais par refaire des crises, tu penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que oui, quand même, au bout d'un moment. Sans aucune certitude. Je ne sais pas, parce qu'au final, si je peux tenir comme ça dix jours, deux semaines, sans que j'ai l'impression de complètement décompenser, je me dis que je pourrais tenir plus longtemps.

  • Speaker #0

    Et puis en fait, en t'écoutant, c'est ce que je me dis. Je me dis aussi que c'est compliqué de switcher d'une crise tous les jours à rien du tout. Et que même si déjà, tu te retrouvais à faire une crise toutes les deux semaines, ce serait juste incroyable. Tu te rends compte ? C'est 14 fois moins.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc, en tout cas, c'est intéressant quand tu dis que tu as l'impression d'être double. Oui, je crois que c'est normal. Déjà, en fait, il y a... Il y a la pathologie qui s'exprime, en fait, qui cherche à prendre beaucoup de place. Et de toute façon, tous et toutes, on est multiples. Moi, j'aime bien parler du fait qu'il y a plusieurs parties en nous et puis qu'ils chacune s'expriment. Ce qui est important et intéressant, à mon sens, et ce qui peut être aidant sur un travail de thérapie, c'est de s'imaginer ces différentes parties, mais toujours avoir en tête qu'elles œuvrent dans le même but. Et que ça peut paraître fou, mais la toit, qui est capable d'expérimenter ça chez ta cousine et de ne pas faire de crise pendant dix jours et de dire, bah ouais, c'est vrai, en fait, c'est cool. Et là, toi qui dis, non, mais moi, j'ai besoin de mes crises et qui a ce fonctionnement, tu vois, au quotidien. En fait, vous n'avez pas de but différent. Vous œuvrez ces parties-là, œuvrent dans le même but. Dans un but tourné vers toi. Même si ça peut paraître bizarre, des fois, on a des comportements un peu toxiques, mais qui sont sous-tendus. Malgré tout, par une intention positive en fait, vers soi. Moi, je ne suis pas du tout une adepte de ce qu'on appelle autodestruction et comment on dit, autosabotage. Je ne crois pas du tout à ça. Je crois qu'on utilise des chemins hyper détournés et un peu complexes, mais qu'en fait, on cherche toujours à se soulager, à se faire du bien. Je pense que c'est parti œuvre pour la même chose.

  • Speaker #1

    C'est intéressant d'avoir ton point de vue, parce que c'est vrai que ce n'est pas souvent qu'on entend cette manière de voir les choses.

  • Speaker #0

    Oui, mais en fait, ton TCA, il est protecteur.

  • Speaker #1

    Moi je pense oui. Vous êtes dans ton camp ? Oui. D'ailleurs j'ai commencé il y a quelques temps en arrière une thérapie avec une psychomotricienne qui fait des prises en charge de thérapies brèves. Je ne sais pas si tu connais, c'est 180°. Manifestement c'est quelque chose d'assez connu en France.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas, mais je vais aller chercher.

  • Speaker #1

    Alors ce n'est pas du tout spécialisé TCA mais… Mais là, j'avais besoin d'une prise en charge un peu différente, parce que, je ne suis pas sûre qu'on en parle là, mais le suivi actuel est très focalisé, focus TCA. Et c'est vrai qu'elle, sa grande question, quand je suis les premiers entretiens qu'on a eus, quand j'ai exposé ma problématique, c'est, mais si on vous enlève le TCA, comment ça va se passer ? Quel va être votre état mental ? Est-ce que vous n'allez pas vous... Vous vous développez, vous vous effondrez. Tu vois, il y a quand même une chose qui se passe quand je suis chez ma cousine, c'est que je me réjouis quand même de rentrer pour recommencer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est pour ça que je te posais la question sur « Ouais, ça te manque, voilà. » En fait, c'est important d'être lucide là-dessus aussi et de se dire « Non, ça va, ça se passe bien, mais peut-être parce que tu sais que… » C'est pour ça que je te disais aussi « Et si tu vivais là-bas, tu vois ? » Oui. J'ai regardé 180 degrés, effectivement. j'ai Je ne savais pas qu'on pouvait l'appeler comme ça. C'est l'outil Palo Alto.

  • Speaker #1

    Ah oui, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est un outil auquel j'ai été formée à l'époque. Ça fait longtemps. C'est parmi mes premières formations avec la PNL. Donc, oui, je connais. C'est intéressant. C'est génial. C'est assez complexe à prendre en main. Je ne sais pas s'il y a des thérapeutes qui nous écoutent et qui connaissent. Mais c'est vraiment super.

  • Speaker #1

    En tout cas, la thérapeute, elle est juste exceptionnelle. Puis c'est quelqu'un qui a peu de filtres, donc il dit des choses. C'est assez déroutant quand même. Moi, j'ai fait beaucoup de thérapie depuis l'âge de mes 17 ans. J'ai quand même un certain recul sur les différentes prises en charge et un certain avis sur le monde de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Sens-toi libre de dire exactement tout ce que tu as envie de dire parce que c'est ton espace et c'est important. Et parmi les sujets dont tu avais envie de parler justement dans ce podcast, c'était de la chronicisation des troubles alimentaires. Et on est en plein dedans aussi. Peut-être que je prends un peu trop les devants, mais j'ai envie de te questionner sur, à ton avis, pourquoi est-ce qu'il y a cet aspect chronique chez toi, mais chez plein de gens ? En fait, tu n'es pas du tout la seule dans cette situation. Et j'y pense parce que tu parles de toutes les prises en charge. ce que j'entends c'est que C'est pas faute d'avoir essayé. En fait, tu as fait plein de choses. Donc, comment tu comprends le fait que ça n'ait pas fonctionné ? Je mets de gros guillemets, mais je précise, les gens nous écoutent. Toute petite parenthèse et puis je te laisse me répondre. C'est juste que quand je dis ça n'a pas fonctionné, moi, j'aime bien l'idée du puzzle, en fait, et de pièces qu'on emboîte et qu'on ne peut pas voir le résultat tant qu'il n'y a pas toutes les pièces. Donc, c'est pour ça, je suis sûre qu'il y a des tas de trucs qui ne t'ont pas servi à rien. mais qui vont peut-être prendre sens un peu plus tard.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'espère, honnêtement, parce que c'est vrai que j'ai testé beaucoup de choses. Et puis, je suis aussi suivie par un médecin, un dictologue qui, effectivement, est adorable. Parce qu'à chaque fois que je l'ai en entretien, on se voit tous les deux, trois mois. Et maintenant, Cynthia, vous m'hallucinez parce que vous lâchez pas. C'est vrai que depuis l'âge de mes 18 ans, j'ai plus ou moins toujours été suivie par différents thérapeutes. Je pense que dans ma situation, ce qui a manqué, c'est de ne pas avoir un suivi spécialisé TCA d'emblée. Parce qu'en fait, suite au suicide de mon père, une année et demie après, j'ai dû être hospitalisée parce que j'avais des pensées suicidaires. Et puis là, il y a eu un suivi psychothérapeutique, mais pédopsychothérapeutique, qui a été mis en place avec une pédopsychiatre. Et je n'ai jamais caché mes TCA, mais je n'ai jamais... vraiment un suivi spécialisé jusqu'en automne 2023. Ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai été suivie quelques temps par une psychologue qui était dans un centre spécialisé troubles alimentaires ici en Suisse. Mais c'était un suivi d'une fois par mois. C'était un suivi assez superficiel parce qu'elle était plus référente pour l'association qu'à proprement parler psychologue individuelle. Donc, elle m'a un petit peu orientée vers d'autres types de thérapies qui pourraient m'aider. Et puis, j'ai fait une psychanalyse, j'ai été aussi suivie par une psychiatre. Quand j'ai eu les réminiscences de ce problème incestuel, ça s'est venu avec la psychiatre qui m'a fait de l'AMDR, j'ai fait de l'hypnose avec elle. Donc, j'ai vraiment eu un suivi. Je crois que je n'ai jamais trop lâché le suivi. Ce qui est dommage, c'est que ça n'a jamais été focus TCA, je pense, avec du coup... Tu es plus généraliste, en fait, j'ai l'impression, comme prise en charge. Parce que je me rends compte quand même d'une chose, c'est que cette maladie-là, elle est quand même très, très particulière, puis elle nécessite des compétences particulières des thérapeutes.

  • Speaker #0

    Ok. Et pour toi ? C'est vraiment ce qui explique la chronicisation, finalement, ce manque de prise en charge. Mais alors, en fait, il y a d'autres questions qui viennent de là. C'est pourquoi ce manque de prise en charge, du coup ? Tu dis que tu n'as pas caché tes TCA, alors pourquoi tu n'étais pas prise en charge ?

  • Speaker #1

    Alors, je pense qu'il y a une question d'époque. Parce que moi, les premiers suivis que j'ai eus, c'était dans les années... Fin des années 90. Donc, c'était pas... très, on n'en parlait pas tellement. En tout cas en Suisse, après voilà, moi j'ai mon focus suisse forcément, mais c'était pas quelque chose dont on parlait beaucoup. Et puis en fait, bon, il y a eu une autre problématique qui s'est ajoutée, c'est que dans le CHU où je travaille, il y a un service spécialisé pour TCA. Et c'est le seul dans la région où je vis qui fait des suivis spécialisés. Et en fait, ça me posait un gros problème, moi, d'avoir, en guillemets, mon employeur qui soit aussi mon soignant. C'est un peu résumé, mais j'ai mis beaucoup de temps à accepter de me faire suivre par cette structure qui me suit maintenant depuis plus d'une année. Parce que justement, déjà, j'avais peur que mes collègues commencent à aller voir mon dossier parce que forcément, il y aurait des traces de mon suivi, même si on n'a pas le droit de le faire en tant que soignant. on n'a pas le droit d'aller checker le dossier de nos collègues. Mais nous, en tant qu'infirmiers anesthésistes, on a accès à tous les dossiers patients. On est contrôlé, mais je ne pouvais pas avoir la certitude qu'il n'y ait pas une faille dans le système de sécurité. Je n'étais pas du tout prête, en tout cas avant ces derniers temps, à ce que ma maladie soit connue. par mes collègues.

  • Speaker #0

    Est-ce que d'une manière générale, tu vas peut-être trouver ma question un peu sauvrenie, mais je vais t'expliquer, est-ce que d'une manière générale, c'est compliqué pour toi de faire confiance ? Oui. Ça génère pas mal de peur. En fait, ce que tu disais par rapport à tes collègues, en fait, j'avais envie de te répondre, ouais, t'avais peur qu'ils soient abusifs, en fait. Tu vois, parce que c'est une forme d'abus de faire ça. Oui. D'aller checker. Tu vois, le dossier de la collègue, enfin, je me dis, il y a un côté, alors au-delà d'être illégale, c'est un peu délirant, tu vois. Tu te dis, mais attends, qui fait ça ? Ben ouais, mais en fait, peut-être qu'il y a quelque chose de très ancré chez toi autour du système abusif, tu vois, dont tu as été victime dans l'enfance.

  • Speaker #1

    Oui, et renforcé par 17 ans de concubinage avec un ex-compagnon abusif. Donc, oui.

  • Speaker #0

    Oui, OK. Il y a des choses qui se sont un peu, j'allais dire, évidemment répétées, dans le sens où, encore une fois, il y avait une amnésie traumatique qui faisait que tu ne pouvais pas mettre au travail. C'est compliqué de mettre quelque chose au travail dont on ne se souvient pas. Donc, en fait, ça te plonge ça dans, malheureusement, souvent, en tout cas, ça plonge souvent les gens dans un système de répétition.

  • Speaker #1

    OK.

  • Speaker #0

    C'est la question que je me demandais aussi tout à l'heure, justement, si tu vivais seule.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, effectivement, j'ai été mariée pendant peu de temps, mais pendant une année avec mon premier copain. Et puis nous, on s'est séparés en 2003. Puis après, j'ai connu celui qui a partagé ma vie un bon nombre d'années. Et puis avec lui, on s'est séparés en 2021. Et depuis, je vis seule. À part ça, je n'ai jamais vécu avec mon ex parce que... On avait une relation en dents de scie avec beaucoup de séparations, de remises en couple et tout. Et puis, bref, c'était une relation aussi où il avait d'autres femmes. Bref, c'est très compliqué comme relation. Et puis, du coup, on n'a jamais vécu ensemble. On a quand même été ensemble pendant 17 ans.

  • Speaker #0

    Ça t'arrangeait aussi quelque part de ne pas vivre avec lui, au-delà de la réalité de votre relation, mais par rapport aux troubles alimentaires ?

  • Speaker #1

    Oui, très clairement.

  • Speaker #0

    Il le savait, lui ?

  • Speaker #1

    Il le savait. Et puis, en fait, il l'a su au début. Puis après, j'ai commencé à lui mentir, à lui dire que je ne faisais plus de crise et tout ça. Parce qu'en fait, il m'a à un moment menacé que si je continuais à faire des crises, il m'a menacé par rapport à mes crises, en fait. Qu'il allait être violent avec moi si je faisais des crises.

  • Speaker #0

    Jusque-là, d'accord. Oui.

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu en plus de la violence physique de sa part, la violence sexuelle. Non, non, c'est allé assez loin, cette histoire.

  • Speaker #0

    Wow. C'est des choses que tu as pu mettre au travail ?

  • Speaker #1

    Oui. Que je suis en fait en train de travailler là, actuellement surtout, en fait. Parce que je me suis sentie très coupable par rapport à sa violence, surtout que, bien évidemment, après, je ne suis pas en train de minimiser ce qu'il a fait, mais je n'ai pas non plus toujours eu des attitudes correctes avec lui. Et puis, forcément, il m'était... sur tout le point, sur tout ce que je faisais de faux et de mal et de méchant vis-à-vis de lui pour pouvoir légitimer ses abus. Et ça, c'est encore compliqué de sortir de ça parce qu'effectivement, je me dis... Il y a toujours une part de moi qui me dit « je l'ai mérité, finalement » .

  • Speaker #0

    Et en même temps, c'est le système abusif.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    C'est comme ça que ça fonctionne. C'est comme ça que fonctionnent toutes les personnes qui usent de leur... pouvoir dans un système abusif. Et ça veut dire aussi que quand tu as eu la levée d'amnésie traumatique, tu étais avec cet homme-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai envie de dire entre autres grâce ou à cause de lui que j'ai eu cette levée. Je me suis souvenu un peu de tout ce qui s'est passé parce que en fait, je l'ai trompé. Il faut savoir que lui, je pense qu'il m'avait trompé avec une dizaine de femmes avant moi. Donc moi, je l'ai trompé. Il l'a extrêmement mal pris parce que c'était en plus un contexte particulier. Enfin bref. Et du coup, en fait, c'est là où sa violence, qui jusque-là était psychologique, s'est transformée en violence physique et sexuelle parce qu'il ne l'a pas du tout accepté. Et en fait, dans tout ce contexte d'hyper-violence, c'est là où tout à coup, j'ai eu des espèces de réminiscences. Effectivement, je me suis dit mais... Il y a un truc qui est en train de se passer et je me suis souvenu d'un ou deux événements avec mon père et je me suis dit mais c'est pas normal. Et en fait jusque là, si tu veux, les souvenirs ils étaient là, mais c'est comme si c'était normal. Et là tout à coup j'ai eu vraiment cette espèce de prise de conscience en me disant mais non, un père il commence pas à embrasser sa fille. En mettant sa langue, il ne commence pas à venir dans son lit et se frotter contre. Mais jusque-là, j'avais les souvenirs, mais pour moi, c'était complètement déconnecté de toute interprétation. Mais voilà, c'est apparu. C'est vraiment ressorti dans ce contexte d'hyper-violence et de viol.

  • Speaker #0

    Toute cette violence.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cette violence. Est-ce que tu arrives ? à t'accorder du soin parfois ?

  • Speaker #1

    Alors oui, j'adore me faire masser. Trop bien. Et puis en fait, c'est aussi marrant parce que mon côté soignant a aussi pris le pas par rapport au TCA et depuis toutes ces années, j'ai développé aussi des moyens pour prendre soin de moi, pour essayer de compenser les effets délétères de la maladie. Je me suis beaucoup informée par rapport aux risques de dénutrition. J'ai toujours accepté de me faire suivre. physiquement parlant par des gens à qui j'avais parlé de mes TCA. Je suis suivie par un gastro-entérologue, parce que évidemment avec les vomissements et tout ça, ça a des impacts importants sur ma santé. Et puis, j'adore lire. J'adore prendre du temps pour moi pour lire de la romantésie. Et puis, malgré tout ça, j'ai aussi un cercle social qui est peu étendu. Mais les amis que j'ai, c'est vraiment des personnes exceptionnelles. Ça me dit, je vais chez l'esthéticienne qui est devenue une de mes meilleures amies. Dans trois semaines, je vais chez ma coiffeuse qui est devenue une de mes meilleures amies. Il y a tout comme ça des choses que j'arrive à mettre en place pour effectivement prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant ce système de réparation finalement que tu mets en place, enfin de prévention et de réparation autour des TCA.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et alors, à la fois… Je trouve ça très chouette et très doux. Effectivement, je trouve que c'est un signe de... C'est une belle façon de prendre soin de soi. Je ne sais pas comment le dire différemment. Et à la fois, je te le partage, ce que ça m'a fait, je me suis dit, c'est comme si c'était intégré comme... Bon, c'est là. De toute façon, ça fait partie de moi. Tu vois, un peu un côté inéluctable, en fait.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors que pas nécessairement, mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu comme ça quand on a parlé. Alors qu'on peut très bien se dire, ok, temporairement, j'ai des troubles alimentaires et je sais qu'il y a des risques. Donc, en attendant de guérir, je vais prendre regard aux risques qu'il pourrait y avoir. Mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu en mode, c'est là, c'est comme ça, ça ne bougera pas. Mais il faut que je fasse attention à ce que ça peut abîmer chez moi. Ça te parle ou pas ça ?

  • Speaker #1

    Complètement. Je pense à un shift que j'ai fait dans mon esprit il y a une dizaine d'années en arrière, en me disant que de toute manière, ce sera toujours là. Mais qu'est-ce que je peux faire pour vivre avec ? C'est pour ça que pour moi, c'était important aussi de témoigner par rapport à mon vécu, parce que cette pensée de me dire que je mets en place des stratégies pour vivre avec mon TCA, c'est bien et ce n'est pas bien dans le sens où... effectivement il y a ce côté inéluctable qui est présent et puis je me sens coupable en quelque sorte de me dire que je suis la croyance que ce soit inéluctable mais en même temps là

  • Speaker #0

    encore est ce qu'il n'y a pas d'autres parties de toi qui disent d'autres choses est ce que tu n'as pas encore l'espoir de t'en sortir ?

  • Speaker #1

    alors si si j'ai encore l'espoir parce que sinon Sinon, je continuerai pas à faire ce que je fais, puis je laisserai tout tomber, puis je continuerai. Mais c'est de nouveau pas toute ma personne qui y croit. C'est vraiment une petite partie qui croit qu'il y a encore un moyen de sortir de ça.

  • Speaker #0

    Et elle ressemblerait à quoi ta vie, en étant sortie de ça ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup de peine à me projeter, je sais pas. J'aurais beaucoup plus de temps, ça c'est sûr, c'est assez chronophage ces crises de fin de journée. Et puis je pense que, où j'essaye de me projeter, c'est... Je suis en train de me réparer petit à petit de mon ancienne relation, et là j'ai une nouvelle envie de redécouvrir, enfin voilà, de retenter une nouvelle relation, parce que j'ai quand même conscience que pas tous les hommes sont comme mon ex, heureusement. Et puis ça me manque, tout simplement. C'est vrai que j'associe un peu à une projection de vie de couple, la vie sans TCA. Mais je n'ai pas envie d'attendre que je n'ai plus de TCA pour trouver un compagne. Attention, pour moi, sinon, on ne s'en sort jamais. Effectivement, j'ai un peu cette association vie sans TCA, mais vie avec un homme.

  • Speaker #0

    Ok, mais c'est intéressant. Peut-être même de creuser encore davantage, je ne sais pas, peut-être que ça ne te parlera pas, mais peut-être, je ne sais pas si tu aimes écrire, mais de se projeter vraiment dans... Là, c'est un peu flou, mais tu te dis, ok, je sais que j'aurai plus de temps, à quoi je l'utiliserai ? Comment tu imagines être, te sentir dans ton corps, au niveau énergie, au niveau de fatigue, dans ton travail ? Comment tu imagines que tu mangerais si tu n'avais pas de TCA ? À quoi ça ressemblerait ? Est-ce que tu y restes spontanément au restaurant ? Qu'est-ce que tu ferais avec ton chéri ? Si tu te projettes dans une vie de couple, est-ce que vous vivriez ensemble ? Est-ce que vous auriez du temps pour cuisiner ensemble ? Est-ce que tu vois ? De rendre ça... de t'imaginer un peu le film de ta vie sans ce trouble alimentaire, de rendre ça peut-être un peu plus palpable. Peut-être que ça viendrait un peu rééquilibrer les deux parties de « ouais, c'est inéluctable, je vais vivre avec ça jusqu'à la fin de mes jours » et le « non, non, en fait, il y a moyen de s'en sortir, de donner vie aussi à ça » .

  • Speaker #1

    Surtout que quand je t'entends parler, là, je me dis effectivement, tu vois, avec mon premier compagnon, on était fan de tous les… Les restaurants gastronomiques. Donc, on s'est fait tous les 1, 2, 3 étoiles Michelin de la région. Enfin, vraiment, c'était vraiment une passion qu'on avait en commun. Et ça, ça me manque, quoi.

  • Speaker #0

    Ah, chouette, ça. Mais oui. Mais de toute façon, il y a quelque chose d'un peu épicurien chez toi. Ça se sent, tu vois. Même quand tu dis ce que tu appelles tes crises, où effectivement, on peut se demander si ce sont des vraies crises. Tu cuisines, le goût est super important, c'est génial. Et en fait, ce serait développer encore davantage ça. Loin de peut-être une croyance qui est accrochée à toi, qui est reliée à ton père, et dans vraiment la compulsion alimentaire, le trop, le dégoût. En fait, sortir du trouble alimentaire, c'est au contraire être dans quelque chose plutôt proche du vrai plaisir de manger, dans le sens dégustation. dans le sens partage, c'est tout ça qui reprend vie finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est vrai que ça… Je l'ai encore un peu par moments, justement, je ne m'interdis pas de sortir, je ne m'interdis pas les restos, même si c'est quand même un petit peu plus compliqué ces dernières années, vu que le côté anorexique, je trouve, a pris beaucoup de place ces dernières années. Mais voilà, j'ai encore ce plaisir-là et puis… Je me l'accorde, même si pas autant que je le souhaiterais, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Il y a un autre sujet dont tu avais envie de parler, qui t'en a parlé déjà plusieurs fois. Tu as dit que tu étais soignante, tu es infirmière, anesthésiste. Et en fait, tu me disais que ce n'était pas simple, ça, parfois. Le fait de souffrir de troubles alimentaires alors que tu es soignante.

  • Speaker #1

    Oui. C'est surtout qu'en fait, c'est la psychiatre qui me suit actuellement qui effectivement m'a dit une fois, mais vous êtes beaucoup dans le contrôle. Puis c'est un petit peu compliqué de vous prendre en charge parce que vous avez beaucoup de connaissances par rapport à votre maladie et puis par rapport au système de santé. Et ça a été vraiment compliqué pour moi il y a une année et demie en arrière parce que j'ai été hospitalisée pendant cinq semaines. dans une clinique qui s'occupe des addictions et des TCA. Et j'ai été très... Enfin, disons qu'étant moi-même soignant, je sais que le système de santé, il est dysfonctionnel et que pas toutes les personnes qui soignent les autres personnes sont forcément bienveillantes. Et ça m'a d'autant plus choquée de me rendre compte que dans cette clinique, il y a eu des gens qui m'ont sorti des choses qui étaient complètement... aberrantes et qui, à mon avis, ne devraient pas faire partie de notre rôle de soignant. Exemple, moi j'ai des problèmes de dos. J'ai été opérée d'une scoliose quand j'étais adolescente, donc j'ai des tiges dans le dos. Et puis ça, ça nécessite une certaine... Je n'ai pas besoin de faire du sport, mais du mouvement. J'ai besoin de mouvement, parce que dès que je reste trop statique, j'ai des douleurs qui se réveillent et tout. J'explique ça dans le centre qui me suit, en disant, parce que là-bas, on n'avait pas le droit à deux balades par semaine, pas de sport ou quoi que ce soit. Il fallait, je crois, ils avaient mis une référence de BMI à plus que 20 ou 21 pour pouvoir faire du sport. J'étais à 19,5. Donc, je n'avais pas le droit à plus de deux balades par semaine et surtout, il ne fallait pas que je fasse de sport. Et quand j'explique ma problématique. avec des termes médicaux, où j'avais quand même l'impression que, vu mon rôle professionnel, on allait m'entendre. La seule chose qu'une des infirmières a réussi à me dire, c'est « c'est la maladie qui parle, tu as besoin de faire de l'activité physique, c'est la maladie qui parle » . Je ne crois pas, non. Et ça, c'est quand même plusieurs fois des choses que j'ai repérées chez les personnes qui m'ont soignée. Comme c'est quelque chose qui m'a sensibilisée parce que moi-même je soigne, je ne sais pas si... L'attitude que j'ai eue, qui justement leur faisait peut-être un effet miroir, a fait que du coup, elles étaient inconfortables à me prendre en charge. Et cette impression a été confirmée effectivement par la psychiatre qui me disait que c'était un petit peu plus compliqué pour elle, sans que ce soit une critique.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, je ne peux pas m'empêcher de rebondir sur ce que t'as dit la psychiatre en disant que vous êtes quand même beaucoup dans le contrôle. et vous avez beaucoup de connaissances sur la maladie. Alors, quelle autre maladie que les TCA peut s'appeler la maladie du contrôle ? Enfin, je veux dire, c'est juste... Si tu as l'habitude d'accompagner des personnes qui ont des troubles alimentaires, et a fortiori, du côté de l'anorexie, il y a du contrôle. C'est la maladie du contrôle, c'est ça en fait, de l'hyper-contrôle. Et le côté beaucoup de connaissances, c'est pareil. On est dans l'hyper-intellectualisation, de toute façon, dans ces pathologies, donc dans une recherche. aussi d'aller comprendre. Et encore plus si tu es dans une chronicité de ton trouble, tu te renseignes, tu cherches. Et du coup, c'est un peu surprenant. Moi, quand je t'ai entendu dire ça, je me suis dit, en fait, c'est quelqu'un qui n'a pas l'habitude de prendre en charge des troubles alimentaires. Moi, c'est ça que ça m'évoque. Parce que oui, c'est ça, c'est comme ça. Mais est-ce que tu disais par rapport au centre de prise en charge ? Je pense que c'est hyper complexe de prendre en charge l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est hyper complexe. Oui, oui. Et qu'en fait, en plus de ça, c'était un centre SP addicto TCA, et du coup, tu vois, on sent aussi le positionnement des personnes qui bossent en addicto, qui sont dans une méfiance de ce qui est amené par le patient. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #0

    enfin bon Vous essayez de nous rouler dans la farine. Il y a beaucoup ça dans ce truc. Les personnes qui souffrent d'anorexie, elles vont chercher à nous manipuler de toute façon pour arriver à leur fin. De la même manière qu'on va imaginer ça. Et ce n'est pas que de l'imagination, effectivement. C'est une personne qui est accro à des substances et qui va tout faire pour aller en chercher, tu vois. Et c'est ça que je vois. J'ai l'impression qu'il y avait vachement de méfiance et que c'était compliqué d'entrer en vraie relation quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, et puis moi, j'ai assez mal vécu parce que quand je m'occupe de mes patients, si je ne suis pas en relation avec eux, ça ne le fait pas, surtout qu'après, ils dorment et tout. C'est d'autant plus important que la phase avant de les endormir, il y a cette relation de confiance qui s'instaure. Alors, elle vaut ce qu'elle vaut parce que c'est vraiment sur très courte durée. Mais voilà, et ça, je n'ai pas retrouvé ça chez les soignants. Chez certains, oui. Je suis un petit peu dure. Pas chez tous, mais en tout cas, chez certains, oui. Mais ça, j'ai trouvé vraiment dommage. Parce que je sais qu'on peut faire différemment. Et que c'est la clé, je trouve, d'une prise en charge bienveillante et soignante. On ne doit pas être dans l'empathie absolue, mais tu dois accompagner l'autre où il se trouve. Il ne fallait pas avoir des espèces d'idées préconçues. Effectivement, toutes les anorexiques mentent. Bien sûr, et moi aussi, je me suis retrouvée à manipuler mon entourage pour pouvoir satisfaire mon trouble. Mais en tout cas, là, à ce moment-là, j'étais pas dans la manipulation. Oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a quand même la question de l'âge qui est un peu différente, je pense, qui devrait amener une prise en charge différente.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à redire et beaucoup de choses à changer sur ces prises en charge-là. Oui, je pense que c'est... Mais je pense aussi sincèrement que c'est très complexe. Franchement, la prise en charge notamment de l'anorexie, c'est quand même quelque chose de très complexe. Et puis, qui ramène en tant que soignant à une forme d'impuissance. Et en tant que soignant, on n'aime pas trop être impuissant. Parce que si on est devenu soignant, c'est qu'on veut, je mets des normes guillemets, mais on ne va pas sentir, on veut sauver les gens. Tu vois ? Bien sûr. Voilà, donc c'est hyper compliqué. Et je parle de moi aussi en disant ça. C'est vrai que moi... C'est une problématique, l'anorexie, qui est plus complexe, je trouve, à accompagner et plus énergivore.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    Mais après, je pense que chacun son vécu et ça dépend où on en est dans sa posture de soignant aussi, on va dire. Mais justement... J'ai envie de revenir sur cette posture de soignant, on en parlait un peu en off tout à l'heure, du fait que ça pouvait être aussi difficile d'être soignante, donc tu l'as dit, pour ta prise en charge, tu as l'impression que ça a joué des choses quand même avec les autres soignants, mais... aussi peut-être cette question de cette culpabilité, ces sentiments un peu bizarres de se dire je suis soignante, je prends soin des autres. Alors que moi, je souffre de cette pathologie-là, comme s'il y avait un peu un sentiment d'imposture.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Je pense que c'est pour ça aussi que ça a été très compliqué pour moi pendant des années, de franchir le pas d'en parler. Parce qu'effectivement, je me sens encore maintenant coupable de ne pas m'en être sortie. Comment je peux prétendre, moi, prendre soin des autres si je ne suis pas capable de prendre soin de moi ? Maintenant, j'ai aussi fait la part des choses. Je pense que ce qui m'aide, c'est que dans mon métier d'anesthésiste, je m'occupe principalement des enfants. Je fais bien la différence entre mes patients et moi. En anesthésiste, ce qui est topissime en tant que soignant, c'est que tu injectes un médicament et la personne n'a plus mal. C'est très on-off, c'est très valorisant comme ça. Mais mine de rien, ça reste quand même très compliqué parce qu'effectivement, je me sens... Oui, le fameux syndrome de l'imposteur qui est très à la mode en ce moment qu'on entend. Dans toutes les circonstances, c'est vrai que ça, c'est quelque chose qui est très présent chez moi.

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut parler, c'est ce que je te disais aussi en haut, je pense que ça peut parler à pas mal de personnes parce que j'ai pas de chiffres là-dessus, mais je serais pas étonnée qu'il y ait beaucoup de personnes qui souffrent de troubles alimentaires qui soient dans le prendre soin, déjà, statistiquement. Dans les TCA, 90% sont des femmes. Les métiers du prendre soin sont quand même principalement occupés par des femmes. Donc déjà, statistiquement, on a quand même pas mal de chances que ce soit le cas. Mais aussi parce que, je ne sais pas trop comment on peut l'expliquer, mais dans les troubles alimentaires, souvent, je trouve qu'on retrouve des personnalités comme ça, très tournées vers l'autre, à vouloir faire attention aux autres, avec un oubli de soi, un effacement de soi. aussi parce que prendre soin des autres, ça permet peut-être aussi de manière un peu volontaire, même si elle est inconsciente, de moins penser à ce qui nous pollue nous. Il y a plein de choses. Je pense qu'en fait, c'est fréquent, c'est hyper représenté. Et je pense que c'est très culpabilisant. Je ne sais pas si c'est culpabilisant de bon mot, mais de se dire, mais en fait, qui suis-je pour prendre soin des autres alors que moi, je suis dans cet état-là, je suis incapable de prendre soin de moi. C'est ça. en même temps alors que moi j'ai envie de me dire que c'est aussi ça peut-être qui te rend si capable d'empathie et tu vois de prendre soin quoi.

  • Speaker #1

    En tout cas dès que je laisse un petit peu ce côté syndrome de l'imposteur de côté c'est là où je me sens où j'ai l'impression d'avoir. que ma vie a du sens, en fait, tout simplement. Et c'est là où j'ai beaucoup de chance, parce que j'ai vraiment un métier qui me stresse beaucoup par moments, mais qui est vraiment un métier ressource, parce que j'adore ce que je fais, quoi. Oui. C'est génial.

  • Speaker #0

    C'est top. Ça se sent tellement, dans ta façon de le dire, ce visage, comme quelque chose de très posé, là, quand tu le dis.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vraiment un très chouette métier. Mon seul souhait, c'est que les gens puissent effectivement trouver une voie professionnelle qui les épanouisse. Alors bien sûr, le travail ne fait pas tout, mais quand ça peut être une source d'épanouissement, pas toujours, pas tous les jours, pas toutes les heures. Il y a des fois où je n'ai pas envie d'aller bosser, c'est que je suis comme tout le monde. Mais quand globalement, tu trouves un moyen pour t'épanouir. et de trouver ta place sur cette terre, je trouve que c'est vraiment un game changer.

  • Speaker #0

    Ça aussi c'est une question très présente, je trouve, chez les personnes qui souffrent de troubles alimentaires, cette question de la place.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est marrant parce que moi c'est vraiment un questionnement que j'ai et que j'ai souvent associé parce que, en tout cas chez moi, il y a un syndrome dépressif qui est associé au TCA. En plus, je fais de la résistance aux antidépresseurs donc j'ai essayé plusieurs antidépresseurs, ça n'a jamais fonctionné. Mais c'est vrai que les fois où j'ai eu des périodes où j'avais plus de pensées suicidaires, c'était vraiment ce côté, mais à quoi je sers ? Pourquoi je suis là ? En plus, moi, mes projets de vie, c'est d'avoir des enfants, je n'ai pas d'enfants. Donc, ça a toujours été un peu une question centrale dans ma vie. Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que je fais ? Est-ce que vraiment ça a du sens que je reste en vie ? Pourquoi souffrir finalement ? Et là, je dois avouer, à 48 ans, et c'est aussi pour ça que j'ai envie de dire aux gens de garder espoir, c'est que là, ok, je n'ai pas d'enfant, je n' Mes projets de vie tels que je les imaginais ne se sont pas forcément réalisés, mais grâce à mon activité professionnelle, là maintenant, par procuration, je m'occupe d'enfants. Et il n'y a rien de plus beau que de vous prenez l'enfant dans vos bras, parce que quand ils sont petits, et que les parents ne sont pas là, on les prend dans les bras, puis on les endort dans nos bras. Et puis on sent qu'ils lâchent et qu'ils nous font confiance, ça c'est des moments exceptionnels. Et voilà, ce n'est pas mon enfant, mais... Pendant un court instant, je peux m'occuper de cet enfant de la manière la plus bienveillante et de ce dont il a besoin à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Ce que tu dis sur la question de la place et ce côté associé à des idées suicidaires, mais qu'est-ce que je fous là ? Je ne sers à rien. C'est aussi quelque chose que j'ai beaucoup entendu chez les personnes victimes d'inceste. Je pense qu'il y a quand même quelque chose. Ça se comprend aussi assez facilement. sur ce flou dans la place quand tu vois à quel point justement l'inceste vient foutre le bordel dans la question de la place c'est à dire qu'on vient effacer les limites normales d'une famille tu vois, tu es censé être la fille et en fait le père te met à la place de femme alors que tu es sa fille tu vois, je veux dire on est sur les premières places fondamentales et fondatrices et on vient Voilà, foutre le bordel là-dedans et du coup ça peut engendrer tout un tas de questionnements autour de ça et puis surtout une mésestime de soi très très forte, d'inceste. Ah oui,

  • Speaker #1

    ah oui.

  • Speaker #0

    Donc c'est souvent très lié aussi.

  • Speaker #1

    Le problème c'est que cette mésestime elle est extrêmement présente puis elle renforce le trouble. C'est hallucinant. Moi, je vois, ça reste très compliqu�� pour moi d'avoir une bonne vision de ce que je suis et de ce que je fais. Souvent, je me dis, je suis nulle, je ne vaux rien, je suis con, je suis grosse, je suis moche. C'est vraiment un discours intérieur. Je voulais aussi en parler dans le sens où, même en ayant 48 ans, on est encore dans cette dynamique d'esprit de se trouver trop con, trop moche, trop bête, trop nulle.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a la possibilité d'agir aussi là-dessus.

  • Speaker #1

    Oui, et ça pèse quand même avec les années, moi je trouve quand même. Et ça, c'est chouette parce que moi, ce que j'ai compris avec le temps, c'est que ces pensées-là négatives, finalement, ne restent pas en tête. Et c'est ce que je fais maintenant, c'est quand elles me viennent en tête, je me dis OK, bon, ça va passer. Attends 5 minutes, 10 minutes. Et effectivement, c'est des pensées, ça passe. toute manière, à un moment donné, ça passe.

  • Speaker #0

    C'est clair, ce n'est pas la vérité absolue.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ce qu'on appelle la diffusion cognitive, ne plus fusionner avec ces pensées qui débarquent et avoir l'impression que c'est Dieu qui nous susurre la vérité à l'oreille. Non, non. Et c'est trop compliqué pour toi de les contredire ?

  • Speaker #1

    J'y arrive petit à petit. Mais bon, il y a encore certaines pensées où je n'y arrive pas, mais d'autres, entre autres. tout ce qui est en lien avec l'activité professionnelle, là maintenant j'arrive à me dire, non, je ne suis pas nulle, non, ce que je fais c'est bien, parce que justement à force d'avoir quand même des retours positifs, et là le regard des autres a quand même son importance, j'essaie de, enfin, je pense qu'on a souvent cette croyance de se dire, il ne faut pas attendre des autres qui nous aident à remonter notre propre estime, mais ça aide quand même, et ça a quand même son importance.

  • Speaker #0

    Oui, mais de toute façon, c'est comme ça qu'elle se construit. C'est aussi pour ça que dans le cadre de traumas infantiles, il y a des choses qui semblent très accrochées. C'est parce que quand on est petit, malléable et que ça se construit, on construit notre estime de nous en lien avec les personnes directement les plus proches. On est fait comme ça de toute façon. Donc, moi, je suis d'accord. Je trouve que... Tu vois, l'idée d'être complètement détaché du regard de l'autre, c'est complètement utopique. Et en fait, on en a besoin, on a besoin des autres pour vivre. Et je crois qu'on peut faire la nuance entre toute attente de l'autre qui viendrait nous guérir, nous sauver, nous réparer, et juste aller chercher aussi chez l'autre ce qu'il peut nous apporter dans ce chemin de guérison, de réparation, etc. Et donc, oui, ça peut être le regard bienveillant de l'autre, le fait qu'il y a cet autre qui est capable... Alors un collègue qui est capable de nous dire qu'on est compétent, un ami qui est capable de nous dire qu'on est intelligent, enfin tu vois, c'est hyper important je trouve. On a parlé de plein de trucs, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je trouve ça trop bien. Est-ce qu'il y a malgré tout un sujet sur lequel on n'est pas arrivé, quelque chose que tu te semblais important d'aborder pendant notre échange ?

  • Speaker #1

    Non, je crois qu'on a fait pas mal le tour. J'ai vraiment envie de dire aux personnes qui, effectivement, sont dans la chronicité, de ne pas abandonner malgré tout. Moi, maintenant, j'en suis rendue à un stade où j'essaye de me dire que... Les petites choses que je fais au quotidien, c'est déjà bien. Et d'aller chez l'esthéticienne, c'est bien. De sortir de chez soi, c'est bien aussi, parce que ça, c'est aussi un autre truc. L'isolement social en lien avec les TCA, je pense que c'est vraiment très délétère pour le trouble. Et moi, j'essaie de continuer à garder une vie sociale et de la nourrir. Et ça je pense que c'est aussi important de le garder en tête parce que c'est vrai qu'on aurait… si je m'écoutais je ne sortirais plus. Mais non, il ne faut pas s'écouter et comme je disais, ce type-là de pensée, ça reste 5-10 minutes, il faut juste attendre qu'elle passe et puis après on se remotive effectivement à faire des choses qui nous font du bien surtout que dès qu'on est dehors de chez soi, on se rend compte qu'on est bien aussi.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Merci de rappeler ça. Non, mais c'est vrai que la dimension sociale, elle est très, très impactée avec les troubles alimentaires. Et ça demande de l'énergie, en fait, de lutter contre, mais de rien. Donc, bravo à toi. Bravo à toi pour tout ça, finalement, pour quel parcours, quoi. Toutes ces années, parce que c'est pas juste le trouble alimentaire, on est bien d'accord. De toute façon, il a pris place en lien avec plein d'autres choses, mais que... Il y avait déjà des choses compliquées à gérer depuis le début, mais qu'en plus, tu as eu des souvenirs qui sont revenus, mais qu'en plus, il y a eu cette relation toxique. Et qu'en plus... Et voilà. Et en fait, mine de rien, tu es là. Tu es là, tu avances. Tu continues d'apporter aux autres par le biais de tes relations sociales, par le biais de ton travail, tout ça. Donc, bravo. C'est chouette. Je trouve qu'effectivement, c'est un joli message d'espoir. Merci. Un grand merci à toi pour être venue et échanger ici, pour la confiance que tu m'as accordée, parce que j'ai bien compris que ce n'était pas simple la confiance en plus, donc j'en suis d'autant plus honorée.

  • Speaker #1

    Je te suis quand même depuis très longtemps, alors je ne fais pas partie des gens qui manifestent beaucoup, parce que ce n'est pas trop mon genre, mais c'est vrai que... Je ne me serais pas, je ne t'aurais pas contacté si je n'avais pas eu la preuve en long et large, en travers de ta bienveillance, de ton empathie. J'aime bien parce que tu peux ne pas être d'accord avec les gens, tu le diras. Pour moi, c'est aussi un signe de confiance. J'aime beaucoup le fait qu'au-delà de respecter l'autre, tu te respectes toi-même dans tes interactions.

  • Speaker #0

    Wow, merci. C'est un magnifique retour. c'est important pour moi d'entendre ça merci beaucoup et merci pour les personnes qui nous écouteront et chez qui je suis sûre il y aura plein de résonance moi j'espère et surtout garder espoir merci

  • Speaker #2

    Cynthia un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode comme je te le dis souvent ton soutien est super important c'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui alors si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. effectivement tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté merci, merci beaucoup, c'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode, ciao

Chapters

  • Présentation de Cynthia

    01:34

  • Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation

    03:44

  • La première phase d’anorexie

    08:52

  • Le déclencheur des crises de boulimie

    17:50

  • TW mention de faits d’inceste

    43:29

  • Ce que Cynthia aimerait transmettre

    01:10:02

Description


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TW Inceste / suicide


Cynthia est venue vers moi avec une grande envie de témoigner.
L’envie de rendre visible la chronicisation des TCA, de la façon dont ils prennent place, voire racine, dans différentes sphères de la vie et la difficulté à être soignante quand on ne va pas très bien soi-même.

Au détour de notre échange, Cynthia témoigne également de l’inceste dont elle a été victime et du suicide de son père.
Nous évoquons toutes ces choses douloureuses et pourtant, je ressens beaucoup d’espoir, à la fois pour elle et venant d’elle.

Les questions de place et d’identité ont aussi fait partie de notre échange, qui je suis? À quoi je sers? Quelle place suis-je censée prendre? …. Toutes ces questions qui animent souvent les personnes souffrant de troubles alimentaires. 

Un immense merci à toi Cynthia pour cet échange et la façon dont il s’est poursuivi en off.

Au programme de cet épisode : 


Présentation de Cynthia

Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation 

La première phase d’anorexie 

Le déclencheur des crises de boulimie
TW mention de faits d’inceste 

Ce que Cynthia aimerait transmettre


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Cynthia dans le podcast TCA etc. Je suis très contente de prendre ce temps pour discuter avec toi ce matin.

  • Speaker #1

    Moi aussi,

  • Speaker #0

    un peu stressée mais contente aussi. Je crois que c'est normal à toutes les personnes qui auraient peut-être envie de venir discuter avec moi au micro. Ça peut être normal de ressentir un petit stress, mais en fait, assez rapidement, on oublie qu'on est en train d'enregistrer un podcast, on oublie qu'on est enregistré. Et voilà, l'idée, c'est qu'on discute toutes les deux. Et puis, comme je le dis souvent aux personnes qui viennent à mon micro, en fait, c'est impossible que tu te trompes. C'est impossible que tu dises à un moment donné quelque chose qui ne va pas parce qu'en fait, on vient parler de toi et que tu es donc la seule experte à ton sujet. C'est juste. Et donc, justement, pour entrer dans le vif du sujet, je te... propose de commencer par te présenter de la manière dont tu le souhaites.

  • Speaker #1

    Ok, alors je m'appelle Cynthia, je vis en Suisse, j'ai 48 ans et je suis infirmière anesthésiste dans un CHU depuis 20... pas tout à fait depuis 25 ans parce que j'ai eu un parcours professionnel avant de faire de l'anesthésie mais j'ai toujours été infirmière depuis effectivement 25 ans. Et puis, je souffre. de troubles du comportement alimentaire depuis l'âge de mes 17 ans donc on en est à 31 ans.

  • Speaker #0

    Ok, tu fais le compte des fois comme ça, tu te dis ah ok, ça y est, 30 ans,

  • Speaker #1

    31 ans. Ouais, puis ce qui m'a fait bizarre c'est que, alors ça fait un moment que j'ai passé cette étape-là, mais j'ai vécu plus de temps avec les TCA que sans et ça c'est un constat qui n'est pas très plaisant à avoir mais voilà.

  • Speaker #0

    Ouais, je te comprends. ça me fait écho à l'époque moi le tabac je sais pas si t'es fumeuse mais non tu vois déjà c'est bien un jour je me souviens j'avais fait le calcul et je m'étais dit mais attends là ça y est je vais passer enfin c'était le cas d'ailleurs à l'époque parce que j'ai arrêté à 34 ans et j'avais commencé à 14 ans donc en fait ça faisait 20 ans que je fumais je me suis dit mais attends j'ai 34 ans 34 ans j'ai passé plus de temps à fumer que à ne pas fumer c'est hyper flippant

  • Speaker #1

    On est d'accord, c'est un contexte qui dit mais non, et oui.

  • Speaker #0

    Ok, bon, on va rentrer dans le vif du sujet tranquillement sur les TCA, l'arrivée, le début, le pourquoi, le tout ça. Mais tu le sais puisque tu écoutes le podcast, j'aime bien aussi parler de avant. Et donc, je t'invite à, j'ai envie de te poser cette question, la fameuse question que je pose à chaque fois. Quelle est, quels sont ? tes souvenirs d'enfance en lien avec ton corps, le rapport à ton corps ? Alors des fois, il n'y a rien de particulier parce que justement, c'est un peu un autre sujet. Et le rapport à l'alimentation, qu'est-ce qui te revient spontanément quand tu repenses à ton enfance ?

  • Speaker #1

    Alors le premier souvenir qui me revient, c'est quand j'avais une dizaine d'années, je regardais mes cuisses et je me disais « Oh, j'ai des grosses cuisses ! » Ça, c'est vraiment un des premiers souvenirs que j'ai, alors que j'étais une enfant tout à fait normale, ni mince, ni grosse. Jamais eu trop de problèmes à ce niveau-là. Et c'est vrai que nous, dans notre famille, on a toujours eu un rapport à l'alimentation complètement perturbée. Dans le sens où mon père souffrait d'obésité, vraiment morbide. Et il était constamment au régime. Et en fait, il faisait des crises d'hyperphagie, donc ça ne marchait jamais. Et j'avais une maman, ça me fait toujours sourire quand tu parles de ces mamans des années 80. aussi une maman qui était perpétuellement au régime qui mettait son Marie au régime sur la demande de mon père. Et puis, ma mère a toujours été très mince. Mais on en a rediscuté encore dernièrement. Elle aussi, elle a un rapport à l'alimentation qui n'est pas du tout apaisé. Elle est aussi très regardante par rapport à son physique. Et puis, elle était aussi dans la restriction. durant toute mon enfance. Et c'est vrai qu'on a toujours baigné dans cette ambiance de régime. En plus, mon père, comme il ne supportait pas très bien les régimes, dès qu'on rentrait de l'école, il nous envoyait aller acheter des choses dans les boulangeries pour qu'il puisse compenser ce qu'il n'avait pas mangé jusque-là. Donc, c'est vrai que ça a toujours été une problématique centrale dans notre famille. Mais moi, je n'ai pas le souvenir d'avoir... Je me souviens de cette histoire de grosses cuisses et qu'à l'adolescence, je me forçais à manger des quatre heures sous prétexte que c'était bon pour moi alors que je n'avais pas forcément faim. Il y avait déjà quelque chose d'un petit peu perturbé.

  • Speaker #0

    Et qui est-ce qui disait que c'était bon pour toi ?

  • Speaker #1

    Moi-même. Je m'étais persuadée qu'à quatre heures, il fallait que je mange deux tartines et que Je bois 20. Un chocolat froid. Je ne sais pas d'où cette croyance me vient. Est-ce qu'une fois j'avais entendu ça ou je ne sais pas. Je me souviens très bien que sur les coups des 14 ans, c'était un rituel que je m'étais imposé. Et du coup, suite à ça, j'ai pris un petit peu de poids jusqu'à l'âge de mes 17 ans. Et en fait, il y a eu un gros déclic l'été de mes 17 ans où j'ai un de mes... très bon copain qui m'a dit « Oh, t'as pris du poids ! » La fameuse phrase qui te précipite le nez dedans, les premiers régimes. Mais c'était assez tardif.

  • Speaker #0

    En tout cas, même si l'apparition du trouble alimentaire était plus tardive, il y avait quelque chose de très ancré chez toi. C'est la tête qui décide. Tu voyais que c'était comme ça que ça fonctionnait chez toi. on t'avait inculqué que la tête était censée décider et que tu avais un exemple d'une personne qui y arrivait et une autre qui n'y arrivait pas. Donc ça, c'est pareil. Pour instaurer la notion de c'est une question de volonté et tout, j'imagine que c'était... Voilà, sans doute que pour toi, ce que tu en as compris, c'est que ta maman, elle, elle avait la volonté, elle y arrivait et c'était bien, c'était comme ça qu'il fallait faire et ton papa, lui, il n'y arrivait pas. Et du coup, comme il n'y arrivait pas, eh bien, il était considéré en obésité. Je trouve qu'il y a un truc déjà très dangereux qui peut s'installer dans la tête d'un enfant. Et cette histoire de goûter, c'est intéressant parce qu'on voit qu'il n'y avait pas d'écoute de toi. Il y avait des bonnes pratiques alimentaires que tu essayais de reproduire dans le plus ou dans le moins. Mais en fait, chez toi, il n'y avait pas du tout cette notion-là d'écoute de son corps et de ses besoins finalement. Chez toi, dans ta famille, je veux dire.

  • Speaker #1

    Complètement. Et puis surtout, ce qui est assez marquant, c'est qu'en plus, on avait une dynamique familiale qui était très compliquée, avec un père qui était très colérique. J'ai vraiment clivé entre ma mère, qui était pour moi, je l'idolâtrais, c'était la femme parfaite. En plus, c'est infirmière, donc voilà. Alors, le cliché papa médecin, mère infirmière. Donc, ça a toujours été mon idole. Il n'y a pas tellement d'autres. terme et mon père il ya eu des moments où je les détestais parce qu'il était assez maltraitant psychologiquement parlant avec nous enfin et avec moi il ya encore eu une étape supplémentaire qui a eu durant l'enfance avec des gestes incestueux donc ça ça complexifier

  • Speaker #0

    la chose ah ouais d'accord donc oui il ya aussi ce versant là qui vient s'ajouter pour toi oui ton père est toujours en vie

  • Speaker #1

    Non, il s'est suicidé quand j'avais 17 ans.

  • Speaker #0

    Quand tu avais 17 ans ? D'accord. Les fameux 17 ans.

  • Speaker #1

    Les fameux 17 ans. Et puis c'est vrai que ces 17 ans, l'été avant qu'il se suicide, là j'ai eu vraiment une première phase d'anorexie, où je ne mangeais plus rien, où j'ai été dans l'hyperactivité physique et tout. Ça c'était vraiment, je me souviens, relativement bien. C'était effectivement l'été. J'allais... On habitait dans une maison avec un étage, donc j'allais faire les étages le soir, la nuit, pour ingréer des calories. Et j'ai perdu 8 kilos à ce moment-là. Et puis en fait, mon père s'est suicidé le 1er décembre 94, pour dire comme en France. Et puis là, en fait, après, ça a coupé l'élan anorexique, j'ai envie de dire. Et par la suite, j'ai développé de la boulimie.

  • Speaker #0

    Ah ok, d'accord. Comment tu... Après, si t'es OK d'en parler, bien sûr, il y a tes obligations. Comment tu l'as vécu, ce suicide ?

  • Speaker #1

    Alors, c'était très, très compliqué parce qu'en même temps, comme il y avait des antécès, donc la relation avec mon père était très compliquée. Puis je ne savais plus trop où j'en étais. Je l'aime, je le déteste. Ce n'est pas tout simple dans la tête d'un enfant quand le parent est maltraitant sur plusieurs égards et pas une attitude de père. Beaucoup de tristesse, un gros choc parce qu'en plus de ça, il a fait ça. Je me souviens très bien, il a fait ça suite à une dispute avec ma mère. Moi, j'étais dans ma chambre à côté, il s'est tiré une balle dans la chambre à côté. Donc, oui, on a vécu ça en live. Donc, c'est déjà rien que l'événement lui-même, ça a provoqué un gros stress post-traumatique qui n'a pas du tout été diagnostiqué par la suite.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la bonne époque aussi. Je pense que tu serais peut-être prise en charge différemment sur cette question du trop-pour-poids.

  • Speaker #1

    honnêtement surtout que ben autant te dire comme c'est une mort violente ça arrivait en pleine nuit on a eu droit à la police qui débarque nous on est trois enfants moi je suis l'aîné on a été J'ai eu des interviews et même c'est plus mon terme interrogé pour savoir qu'est ce qui s'était passé sans en plus c'est marrant je me souviens que j'avais pas de figure enfin j'avais pas d'adulte avec moi quand j'ai quand j'ai été interrogé par la police Et puis, avec tout ce qui va autour, la levée du corps, enfin bref. Donc, ça, c'est vrai que c'était très violent sur le moment. Et puis, comme d'habitude, tu l'as assez bien repéré, moi, je suis quelqu'un de très cérébral, donc j'ai enfoui ça très loin, très profondément. Donc, je suis toujours partie du principe que ça ne m'avait pas tant impacté que ça. Et puis, par la suite, effectivement, il y a eu beaucoup de rêves. où je le voyais revenir et je ne voulais pas qu'il revienne. Pendant dix ans, j'ai rêvé qu'il revenait, qu'il n'était pas mort. Et j'avais cette espèce d'angoisse en me réveillant. Non, il est mort, il ne va pas revenir. Donc, je me suis un peu dispersée. Mais pour en revenir à ce que tu disais, enfin, à ce que tu me demandais plutôt, c'était très ambivalent mes sentiments. En même temps, c'était terrible qu'il ne soit plus là. Et en même temps, j'étais soulagée. Je ne peux pas dire autrement.

  • Speaker #0

    Oui, et ça, c'est difficile. Pour plein d'adultes, c'est difficile à admettre ces sentiments ambivalents encore plus vers les parents. Mais pour une ado, c'est complexe. Et des personnes étaient au courant, genre ta mère était au courant de ce qui s'était passé, des gestes incestuels. Tu dis des gestes incestuels, on parlait d'inceste en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que j'ai toujours un petit peu de peine à passer le pas du... c'est vrai que Pour moi, l'inceste, c'est le père ou quelqu'un de la famille qui vient toutes les nuits dans le lit de sa fille. Et moi, ça a été... Je n'ai peu de souvenirs. En fait, ce qui s'est passé, c'est que j'ai fait un blackout total par rapport à ces événements-là. Et je m'en suis souvenu seulement quand j'ai eu 35 ans, il y a 12 ans en arrière.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, au moment du suicide de ton père, tu sais que tu le détestes, mais finalement... c'est hyper confus et tu n'as pas de souvenir de ce qui s'est passé.

  • Speaker #1

    Je sais que je le déteste par moments et je sais qu'il me dégoûte. C'est horrible à dire ce terme par rapport à son propre père, mais il y a un sentiment comme ça. Je parle de ce dégoût parce que finalement, c'est un truc qui est encore hyper présent en moi. Dès que je m'imagine prendre du poids, je vois mon père. Je le vois pas non plus s'il se baladait nu dans la maison. Bref, c'était un peu choquant comme image. Et je me vois, pas moi, mais je le vois lui. J'ai fait une association comme ça d'images. Mais c'est vrai que c'est... Oui,

  • Speaker #0

    donc il y a quelque chose qui est relié à l'opulence alimentaire, la prise de poids, le... Tu as relié ça comme si au centre, ce qui les reliait, c'était le dégoût, mais c'est complètement relié à l'inceste finalement, à quelque chose aussi de... Il y a le mot dégouinant qui me vient dans les deux cas. Oui, c'est ça. C'est fou parce que ça me fait vraiment penser à une personne que j'avais accompagnée il y a quelques années, qui était dans une anorexie restrictive pure, complètement bloquée là-dedans. Et en fait, il y avait eu aussi... Alors, en tout cas, de ce dont elle se souvenait, il n'y avait pas de gestes posés, mais il y avait un climat ultra incestuel et quelque chose de vraiment pas adapté dans la posture, les regards du père et tout ça, et avec un papa qui faisait des crises d'hyperphagie. qui rentraient parfois tard le soir elles le revoyaient s'empiffrer devant le frigo et du coup il y avait quelque chose chez elles de très relié alimentation, sexualité il y avait quelque chose de très relié mais relié en plus pas sur le bon canal pas une sexualité normale et épanouissante une sexualité déviante de désagression sexuelle finalement oui quelque chose de très proche dans ce que tu racontes oui

  • Speaker #1

    tout à fait

  • Speaker #0

    Et donc, tu as commencé à en dire quelque chose. Tu disais que finalement, l'année de tes 17 ans, il y a d'abord l'anorexie qui s'est déclenchée. Je ne sais pas trop si c'est une jolie façon de le dire. En lien avec tout ce qui s'était mis en place avant, je pense qu'il y avait...

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Tu vois, il y a le contexte familial au sens large, c'est-à-dire les régimes et l'obsession du poids, du corps. Et même si tu ne t'en souvenais pas, en fait, c'était inscrit en toi l'inceste qui avait eu lieu. Et tu dis que le déclencheur, ça a été un peu la phrase de cette amie qui te dit « dis-moi, t'as grossi » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc là, tu perds rapidement du poids et finalement, ça dure quelques mois, si j'ai bien compris, entre l'été et décembre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et décembre, le suicide de ton père. Et là, des crises de boulimie arrivent.

  • Speaker #1

    Alors, pas tout de suite parce qu'en fait, ça a coupé un peu court à mes TCA transitoirement. Enfin, encore que. La première chose… C'est une anecdote, mais je m'en suis souvenu il y a peu de temps en arrière, donc c'est intéressant. La première chose que j'ai fait, le lendemain de son suicide, je suis allée me peser et j'ai vu que mon poids n'avait pas bougé. Et je me suis dit, bon, au moins ça.

  • Speaker #0

    Au moins ça.

  • Speaker #1

    Au moins ça.

  • Speaker #0

    Dans quel sens tu te disais au moins ça ?

  • Speaker #1

    Ça, ça n'a pas bougé. Ça, ça n'a pas changé.

  • Speaker #0

    Ah, ok.

  • Speaker #1

    Ça a été un élément rassurant. quelques heures après son suicide de me dire que mon poids n'avait pas bougé. Ça paraît débile dit comme ça, mais vraiment. Et en plus, c'est fou parce que je me suis souvenu il y a quelques mois en arrière de ce sentiment où je me suis dit, ça reste fixe dans mon quotidien parce que bien évidemment qu'en étant encore sous l'effet du stress, du choc plutôt, tu te dis bien que toute ta vie va changer. Là, je me suis dit, au moins le poids n'a pas bougé.

  • Speaker #0

    Donc déjà, là, tu t'accrochais au rocher du contrôle du poids.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je vais créer un espace de sécurité en essayant de maîtriser mon poids et mon corps.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, les mois qui ont suivi, ça a été… Je n'ai pas trop de souvenirs. C'est assez flou en plus, ces souvenirs à ce moment-là. Mais ce n'était pas une préoccupation centrale. Je n'ai pas bougé au niveau du poids, je continue à manger et tout. Par contre, ce qui était le déclencheur des crises de boulimie, c'est l'été suivant, je suis partie aux États-Unis pendant six semaines comme jeune fille au père. Et en fait, je suis partie parce que j'avais terminé en France, c'était le bac, c'était l'intermède, donc la fin du bac et puis le début de l'école d'infirmière. Et je suis partie contre mon gré en quelque sorte aux États-Unis. Parce que tout le monde dans ma famille me disait que c'était le moment de partir à l'étranger, que je n'aurais jamais d'autres occasions pour partir. Et en fait, je me suis vraiment soumise à la vie populaire, alors que dans mon cœur et même dans ma tête, je n'étais pas du tout prête à partir loin de ma famille. Ça a été terrible. Alors, j'ai appris plein de choses, je ne regrette pas. Postériori, de toute façon, ça ne sert à rien. C'était une séparation que j'ai hyper mal vécue. En plus, la famille qui m'a accueillie, autant la femme, c'était deux enfants en bas âge et puis un couple, autant la femme m'a très bien accueillie. C'était une ancienne collègue de ma mère. Donc, elle m'avait connue en Suisse. Et puis, le père, j'ai toujours eu cette impression qu'il me détestait, qu'il n'avait pas du tout envie que je sois là. Donc, il y avait de nouveau une situation où, par rapport à l'homme, je ne me sentais pas à ma place. Et là, effectivement, aux États-Unis, j'ai commencé à faire des crises de boulimie que je compensais par beaucoup de sport. J'ai commencé à me faire vomir quelques mois après être rentrée en Suisse, où là, effectivement, tu découvres le moyen pour gérer les crises. Et depuis, ça ne m'a plus quittée.

  • Speaker #0

    Plus jamais, il n'y a jamais eu même d'accalmie, de pause ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu des... période où je faisais moins de crises. Et puis c'est vrai qu'avant le Covid, j'étais à 2-3 crises par semaine, mais je n'ai jamais eu de long intermède sans crise de boulimie. Non, je n'ai jamais eu, peut-être quelques semaines, mais ça a toujours revenu. Et puis, il y a eu le Covid, et puis là, le Covid m'a décompensée. Et c'est depuis le Covid, en fait, je suis revenue à un stade où là, je suis repartie, en fait, j'ai envie de dire, plus dans une espèce d'anorexie restrictive, avec des crises d'hyperphagie le soir. Parce que c'est vrai que mon comportement par rapport à l'alimentation la journée ressemble, enfin, c'est tout à fait... l'anorexie quoi. Je mange mais j'ai beaucoup de peine à manger.

  • Speaker #0

    Et donc le soir il y a des compulsions qui arrivent ?

  • Speaker #1

    J'ai un espèce de rituel de crise là maintenant avec effectivement l'ingestion d'aliments en grande quantité puis après des vomissements quoi. Par contre c'est vrai que c'est un petit peu particulier mais moi mes crises de boulimie ça a toujours été comme ça je ne mange que des aliments que j'aime. Je cuisines, je prends du temps. Je suis... Voilà, j'ai jamais... Quand je lis des témoignages, j'écoute des gens qui peuvent manger des trucs congelés ou des trucs pas bons. Alors moi, c'est exclu, quoi. Ça doit être bon, ça doit être goûteux. Il y a beaucoup de légumes aussi dans mes crises.

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a quelque chose de contrôlé même dans tes crises.

  • Speaker #1

    Ouais. Et très centré sur le goût.

  • Speaker #0

    Ok. Parce que ça veut dire que tu as l'impression de rester connecté au goût des aliments, même passé les 3-4 premières bouchées ? Oui. Donc, est-ce que tu te sens quand même dans une perte de contrôle ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. Parce que c'est vrai que sur le moment, je n'ai pas l'impression de perdre le contrôle. L'impression que j'ai sur le moment, c'est que... Ah, enfin, je me fais plaisir, on y va, quoi.

  • Speaker #0

    Ok, mais ça peut être le cas, il y a plein de personnes qui vont avoir cette sensation-là, alors qu'elles ne sont pas du tout là pendant la crise. En réalité, souvent les crises se font devant la télé, des écrans, de manière à même pas trop être consciente de ce qu'on fait. Et souvent, il y a beaucoup de plaisir dans la préparation de la crise. Alors, toi tu cuisines, j'ai déjà entendu ça, mais c'est vrai que souvent c'est... on est plus dans une urgence qui monte tu vois t'as presque la tremblote et donc c'est plutôt l'achat des aliments et déjà ça y a beaucoup de plaisir parce que ça monte puis le moment où tu commences à ingérer les aliments t'as les premières bouchées puis ça y est enfin mais après souvent tu sens pas trop le goût des aliments tu sais pas quel goût ça a ça va hyper vite t'es plus vraiment là il y a quelque chose qui déconnecte toi tu dirais que tu restes là

  • Speaker #1

    Alors, je me déconnecte un petit peu parce que dans mon rituel de crise, je regarde des vidéos YouTube. Mais il faut que ce soit des vidéos qui m'intéressent et où j'apprenne des choses. Je ne peux pas juste m'abrutir l'esprit en regardant quelque chose qui ne m'intéresse pas. Donc, ça fait partie.

  • Speaker #0

    Donc, même là, en fait, ça veut dire que tu te souviens de ce que tu as regardé.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Non, mais en fait, il peut y avoir un… Je ne dis pas que les personnes ne se souviennent systématiquement pas. Mais elles peuvent ne pas... De toute façon, c'est complètement accessoire, en fait. Souvent, la vidéo, elle est là pour ne pas être juste en train de manger, pour ne pas trop se voir faire le truc. Et il peut y avoir presque des blackouts, des fois. Il y a des personnes qui ne se souviennent même pas de toute la crise. Tellement il y a un phénomène dissociatif qui revient à l'œuvre. Mais chez toi, ce n'est pas le cas. C'est à se demander si on peut vraiment appeler ça des crises, en fait.

  • Speaker #1

    C'était un petit peu la question de la psychiatre qui me suit actuellement. Parce que c'est vrai qu'en termes de quantité, alors c'est quand même des quantités qui sont plus que ce qu'on attend, ce qui est attendu. Et puis surtout, je me fais vomir après. Mais c'est vrai. Oui,

  • Speaker #0

    mais tu peux souffrir d'anorexie et te faire vomir après chaque repas. C'est vrai. Il y a des crises.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Bon, là, il y a quand même un volume alimentaire qui est conséquent.

  • Speaker #0

    Mais si ce volume alimentaire, on le mettait sur toute la journée ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce serait quand même peut-être un peu plus que mes besoins, je pense. Mais ce n'est pas beaucoup plus, effectivement.

  • Speaker #0

    Donc, je pense qu'il y a quelque chose de ce genre-là. Si tu manges très peu toute la journée, c'est normal que tu aies une énorme prise alimentaire. Et du coup, on peut associer ça à une crise parce que ça paraît énorme, mais finalement, et parce que c'est dit. Si tu gardais cette prise alimentaire, ce serait sans doute difficile à digérer, mais en fait, répartie sur une journée, c'est peut-être pas si déconnant que ça.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est vrai que c'est un peu, je trouve, vicieux, c'est peut-être un peu excessif comme terme, mais le côté restriction me fait, comment dire, j'allais dire me fait plaisir, c'est un peu, de nouveau c'est trop excessif, mais ça fait partie en fait de la crise, j'aime bien d'arriver à ma fin de journée en ayant cette sensation de faim et de me dire que là ça va être que du plaisir.

  • Speaker #0

    Mais en même temps. ce que tu vis dans ce plaisir de dire ah ça y est je vais passer à table, je vais manger tu pourrais le vivre trois fois par jour je sais que ça paraît fou mais en fait la faim naturelle c'est hyper agréable de passer à table en ayant faim et c'est trop cool, on se fait plaisir on mange une quantité qui est reliée à notre besoin on s'arrête parce qu'on a plus faim, plus envie on sait que dans quatre heures on remange donc tu vois il n'y a pas ce truc là et... Je sais que c'est difficile de l'imaginer, mais en fait, c'est un faux besoin, le besoin de crise. C'est quelque chose qui est construit de toutes pièces par la pathologie. Et sans doute que tu vivrais une vie super tranquille, riche, épanouissante, sans ces crises-là. Sans doute que ça ne te manquerait pas. C'est ça que je veux dire. On a toujours l'impression que ça manquerait, le fonctionnement. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que non. Je suis à peu près sûre.

  • Speaker #1

    Moi, je suis effectivement, c'est marrant parce que quand je t'entends, c'est d'ailleurs un petit peu ma problématique, c'est que j'ai l'impression d'avoir une personnalité multiple parce que tu as la partie non malade, tu dis, bah oui, bien sûr, surtout que tu as typiquement. Dernièrement, je suis partie chez ma cousine dix jours où là, elle est au courant. Donc, j'ai un cadre aussi rassurant et tout. Puis là, je ne fais pas de crise et je mange à ma faim et je suis bien.

  • Speaker #0

    Ça ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    J'y pense, mais comme un truc dont tu as l'habitude, tu ne fais pas quoi. Je ne sais pas comment dire, je n'ai pas de sensation de craving. Mais j'y pense.

  • Speaker #0

    Du coup, ça veut dire que tu manges plus que les quantités que tu manges dans ta vie habituelle. Et comment c'est ça pour toi ?

  • Speaker #1

    C'est stressant par moments. Je passe par plusieurs phases émotionnelles pendant le repas. Il y a des moments où je suis là. je mange trop, je mange trop, puis à d'autres moments, je me dis que c'est trop cool de bien manger, de ne pas avoir de limites. Et ça, c'est vraiment... Plusieurs émotions qui passent très rapidement de l'une à l'autre, en fait.

  • Speaker #0

    Et imagine, tu te retrouves pour une raison X ou Y, qu'il n'y a pas le choix, et tu te retrouves à vivre chez cette personne. Tu crois que ça se passerait comment ? Tu finirais par refaire des crises, tu penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que oui, quand même, au bout d'un moment. Sans aucune certitude. Je ne sais pas, parce qu'au final, si je peux tenir comme ça dix jours, deux semaines, sans que j'ai l'impression de complètement décompenser, je me dis que je pourrais tenir plus longtemps.

  • Speaker #0

    Et puis en fait, en t'écoutant, c'est ce que je me dis. Je me dis aussi que c'est compliqué de switcher d'une crise tous les jours à rien du tout. Et que même si déjà, tu te retrouvais à faire une crise toutes les deux semaines, ce serait juste incroyable. Tu te rends compte ? C'est 14 fois moins.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc, en tout cas, c'est intéressant quand tu dis que tu as l'impression d'être double. Oui, je crois que c'est normal. Déjà, en fait, il y a... Il y a la pathologie qui s'exprime, en fait, qui cherche à prendre beaucoup de place. Et de toute façon, tous et toutes, on est multiples. Moi, j'aime bien parler du fait qu'il y a plusieurs parties en nous et puis qu'ils chacune s'expriment. Ce qui est important et intéressant, à mon sens, et ce qui peut être aidant sur un travail de thérapie, c'est de s'imaginer ces différentes parties, mais toujours avoir en tête qu'elles œuvrent dans le même but. Et que ça peut paraître fou, mais la toit, qui est capable d'expérimenter ça chez ta cousine et de ne pas faire de crise pendant dix jours et de dire, bah ouais, c'est vrai, en fait, c'est cool. Et là, toi qui dis, non, mais moi, j'ai besoin de mes crises et qui a ce fonctionnement, tu vois, au quotidien. En fait, vous n'avez pas de but différent. Vous œuvrez ces parties-là, œuvrent dans le même but. Dans un but tourné vers toi. Même si ça peut paraître bizarre, des fois, on a des comportements un peu toxiques, mais qui sont sous-tendus. Malgré tout, par une intention positive en fait, vers soi. Moi, je ne suis pas du tout une adepte de ce qu'on appelle autodestruction et comment on dit, autosabotage. Je ne crois pas du tout à ça. Je crois qu'on utilise des chemins hyper détournés et un peu complexes, mais qu'en fait, on cherche toujours à se soulager, à se faire du bien. Je pense que c'est parti œuvre pour la même chose.

  • Speaker #1

    C'est intéressant d'avoir ton point de vue, parce que c'est vrai que ce n'est pas souvent qu'on entend cette manière de voir les choses.

  • Speaker #0

    Oui, mais en fait, ton TCA, il est protecteur.

  • Speaker #1

    Moi je pense oui. Vous êtes dans ton camp ? Oui. D'ailleurs j'ai commencé il y a quelques temps en arrière une thérapie avec une psychomotricienne qui fait des prises en charge de thérapies brèves. Je ne sais pas si tu connais, c'est 180°. Manifestement c'est quelque chose d'assez connu en France.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas, mais je vais aller chercher.

  • Speaker #1

    Alors ce n'est pas du tout spécialisé TCA mais… Mais là, j'avais besoin d'une prise en charge un peu différente, parce que, je ne suis pas sûre qu'on en parle là, mais le suivi actuel est très focalisé, focus TCA. Et c'est vrai qu'elle, sa grande question, quand je suis les premiers entretiens qu'on a eus, quand j'ai exposé ma problématique, c'est, mais si on vous enlève le TCA, comment ça va se passer ? Quel va être votre état mental ? Est-ce que vous n'allez pas vous... Vous vous développez, vous vous effondrez. Tu vois, il y a quand même une chose qui se passe quand je suis chez ma cousine, c'est que je me réjouis quand même de rentrer pour recommencer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est pour ça que je te posais la question sur « Ouais, ça te manque, voilà. » En fait, c'est important d'être lucide là-dessus aussi et de se dire « Non, ça va, ça se passe bien, mais peut-être parce que tu sais que… » C'est pour ça que je te disais aussi « Et si tu vivais là-bas, tu vois ? » Oui. J'ai regardé 180 degrés, effectivement. j'ai Je ne savais pas qu'on pouvait l'appeler comme ça. C'est l'outil Palo Alto.

  • Speaker #1

    Ah oui, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est un outil auquel j'ai été formée à l'époque. Ça fait longtemps. C'est parmi mes premières formations avec la PNL. Donc, oui, je connais. C'est intéressant. C'est génial. C'est assez complexe à prendre en main. Je ne sais pas s'il y a des thérapeutes qui nous écoutent et qui connaissent. Mais c'est vraiment super.

  • Speaker #1

    En tout cas, la thérapeute, elle est juste exceptionnelle. Puis c'est quelqu'un qui a peu de filtres, donc il dit des choses. C'est assez déroutant quand même. Moi, j'ai fait beaucoup de thérapie depuis l'âge de mes 17 ans. J'ai quand même un certain recul sur les différentes prises en charge et un certain avis sur le monde de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Sens-toi libre de dire exactement tout ce que tu as envie de dire parce que c'est ton espace et c'est important. Et parmi les sujets dont tu avais envie de parler justement dans ce podcast, c'était de la chronicisation des troubles alimentaires. Et on est en plein dedans aussi. Peut-être que je prends un peu trop les devants, mais j'ai envie de te questionner sur, à ton avis, pourquoi est-ce qu'il y a cet aspect chronique chez toi, mais chez plein de gens ? En fait, tu n'es pas du tout la seule dans cette situation. Et j'y pense parce que tu parles de toutes les prises en charge. ce que j'entends c'est que C'est pas faute d'avoir essayé. En fait, tu as fait plein de choses. Donc, comment tu comprends le fait que ça n'ait pas fonctionné ? Je mets de gros guillemets, mais je précise, les gens nous écoutent. Toute petite parenthèse et puis je te laisse me répondre. C'est juste que quand je dis ça n'a pas fonctionné, moi, j'aime bien l'idée du puzzle, en fait, et de pièces qu'on emboîte et qu'on ne peut pas voir le résultat tant qu'il n'y a pas toutes les pièces. Donc, c'est pour ça, je suis sûre qu'il y a des tas de trucs qui ne t'ont pas servi à rien. mais qui vont peut-être prendre sens un peu plus tard.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'espère, honnêtement, parce que c'est vrai que j'ai testé beaucoup de choses. Et puis, je suis aussi suivie par un médecin, un dictologue qui, effectivement, est adorable. Parce qu'à chaque fois que je l'ai en entretien, on se voit tous les deux, trois mois. Et maintenant, Cynthia, vous m'hallucinez parce que vous lâchez pas. C'est vrai que depuis l'âge de mes 18 ans, j'ai plus ou moins toujours été suivie par différents thérapeutes. Je pense que dans ma situation, ce qui a manqué, c'est de ne pas avoir un suivi spécialisé TCA d'emblée. Parce qu'en fait, suite au suicide de mon père, une année et demie après, j'ai dû être hospitalisée parce que j'avais des pensées suicidaires. Et puis là, il y a eu un suivi psychothérapeutique, mais pédopsychothérapeutique, qui a été mis en place avec une pédopsychiatre. Et je n'ai jamais caché mes TCA, mais je n'ai jamais... vraiment un suivi spécialisé jusqu'en automne 2023. Ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai été suivie quelques temps par une psychologue qui était dans un centre spécialisé troubles alimentaires ici en Suisse. Mais c'était un suivi d'une fois par mois. C'était un suivi assez superficiel parce qu'elle était plus référente pour l'association qu'à proprement parler psychologue individuelle. Donc, elle m'a un petit peu orientée vers d'autres types de thérapies qui pourraient m'aider. Et puis, j'ai fait une psychanalyse, j'ai été aussi suivie par une psychiatre. Quand j'ai eu les réminiscences de ce problème incestuel, ça s'est venu avec la psychiatre qui m'a fait de l'AMDR, j'ai fait de l'hypnose avec elle. Donc, j'ai vraiment eu un suivi. Je crois que je n'ai jamais trop lâché le suivi. Ce qui est dommage, c'est que ça n'a jamais été focus TCA, je pense, avec du coup... Tu es plus généraliste, en fait, j'ai l'impression, comme prise en charge. Parce que je me rends compte quand même d'une chose, c'est que cette maladie-là, elle est quand même très, très particulière, puis elle nécessite des compétences particulières des thérapeutes.

  • Speaker #0

    Ok. Et pour toi ? C'est vraiment ce qui explique la chronicisation, finalement, ce manque de prise en charge. Mais alors, en fait, il y a d'autres questions qui viennent de là. C'est pourquoi ce manque de prise en charge, du coup ? Tu dis que tu n'as pas caché tes TCA, alors pourquoi tu n'étais pas prise en charge ?

  • Speaker #1

    Alors, je pense qu'il y a une question d'époque. Parce que moi, les premiers suivis que j'ai eus, c'était dans les années... Fin des années 90. Donc, c'était pas... très, on n'en parlait pas tellement. En tout cas en Suisse, après voilà, moi j'ai mon focus suisse forcément, mais c'était pas quelque chose dont on parlait beaucoup. Et puis en fait, bon, il y a eu une autre problématique qui s'est ajoutée, c'est que dans le CHU où je travaille, il y a un service spécialisé pour TCA. Et c'est le seul dans la région où je vis qui fait des suivis spécialisés. Et en fait, ça me posait un gros problème, moi, d'avoir, en guillemets, mon employeur qui soit aussi mon soignant. C'est un peu résumé, mais j'ai mis beaucoup de temps à accepter de me faire suivre par cette structure qui me suit maintenant depuis plus d'une année. Parce que justement, déjà, j'avais peur que mes collègues commencent à aller voir mon dossier parce que forcément, il y aurait des traces de mon suivi, même si on n'a pas le droit de le faire en tant que soignant. on n'a pas le droit d'aller checker le dossier de nos collègues. Mais nous, en tant qu'infirmiers anesthésistes, on a accès à tous les dossiers patients. On est contrôlé, mais je ne pouvais pas avoir la certitude qu'il n'y ait pas une faille dans le système de sécurité. Je n'étais pas du tout prête, en tout cas avant ces derniers temps, à ce que ma maladie soit connue. par mes collègues.

  • Speaker #0

    Est-ce que d'une manière générale, tu vas peut-être trouver ma question un peu sauvrenie, mais je vais t'expliquer, est-ce que d'une manière générale, c'est compliqué pour toi de faire confiance ? Oui. Ça génère pas mal de peur. En fait, ce que tu disais par rapport à tes collègues, en fait, j'avais envie de te répondre, ouais, t'avais peur qu'ils soient abusifs, en fait. Tu vois, parce que c'est une forme d'abus de faire ça. Oui. D'aller checker. Tu vois, le dossier de la collègue, enfin, je me dis, il y a un côté, alors au-delà d'être illégale, c'est un peu délirant, tu vois. Tu te dis, mais attends, qui fait ça ? Ben ouais, mais en fait, peut-être qu'il y a quelque chose de très ancré chez toi autour du système abusif, tu vois, dont tu as été victime dans l'enfance.

  • Speaker #1

    Oui, et renforcé par 17 ans de concubinage avec un ex-compagnon abusif. Donc, oui.

  • Speaker #0

    Oui, OK. Il y a des choses qui se sont un peu, j'allais dire, évidemment répétées, dans le sens où, encore une fois, il y avait une amnésie traumatique qui faisait que tu ne pouvais pas mettre au travail. C'est compliqué de mettre quelque chose au travail dont on ne se souvient pas. Donc, en fait, ça te plonge ça dans, malheureusement, souvent, en tout cas, ça plonge souvent les gens dans un système de répétition.

  • Speaker #1

    OK.

  • Speaker #0

    C'est la question que je me demandais aussi tout à l'heure, justement, si tu vivais seule.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, effectivement, j'ai été mariée pendant peu de temps, mais pendant une année avec mon premier copain. Et puis nous, on s'est séparés en 2003. Puis après, j'ai connu celui qui a partagé ma vie un bon nombre d'années. Et puis avec lui, on s'est séparés en 2021. Et depuis, je vis seule. À part ça, je n'ai jamais vécu avec mon ex parce que... On avait une relation en dents de scie avec beaucoup de séparations, de remises en couple et tout. Et puis, bref, c'était une relation aussi où il avait d'autres femmes. Bref, c'est très compliqué comme relation. Et puis, du coup, on n'a jamais vécu ensemble. On a quand même été ensemble pendant 17 ans.

  • Speaker #0

    Ça t'arrangeait aussi quelque part de ne pas vivre avec lui, au-delà de la réalité de votre relation, mais par rapport aux troubles alimentaires ?

  • Speaker #1

    Oui, très clairement.

  • Speaker #0

    Il le savait, lui ?

  • Speaker #1

    Il le savait. Et puis, en fait, il l'a su au début. Puis après, j'ai commencé à lui mentir, à lui dire que je ne faisais plus de crise et tout ça. Parce qu'en fait, il m'a à un moment menacé que si je continuais à faire des crises, il m'a menacé par rapport à mes crises, en fait. Qu'il allait être violent avec moi si je faisais des crises.

  • Speaker #0

    Jusque-là, d'accord. Oui.

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu en plus de la violence physique de sa part, la violence sexuelle. Non, non, c'est allé assez loin, cette histoire.

  • Speaker #0

    Wow. C'est des choses que tu as pu mettre au travail ?

  • Speaker #1

    Oui. Que je suis en fait en train de travailler là, actuellement surtout, en fait. Parce que je me suis sentie très coupable par rapport à sa violence, surtout que, bien évidemment, après, je ne suis pas en train de minimiser ce qu'il a fait, mais je n'ai pas non plus toujours eu des attitudes correctes avec lui. Et puis, forcément, il m'était... sur tout le point, sur tout ce que je faisais de faux et de mal et de méchant vis-à-vis de lui pour pouvoir légitimer ses abus. Et ça, c'est encore compliqué de sortir de ça parce qu'effectivement, je me dis... Il y a toujours une part de moi qui me dit « je l'ai mérité, finalement » .

  • Speaker #0

    Et en même temps, c'est le système abusif.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    C'est comme ça que ça fonctionne. C'est comme ça que fonctionnent toutes les personnes qui usent de leur... pouvoir dans un système abusif. Et ça veut dire aussi que quand tu as eu la levée d'amnésie traumatique, tu étais avec cet homme-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai envie de dire entre autres grâce ou à cause de lui que j'ai eu cette levée. Je me suis souvenu un peu de tout ce qui s'est passé parce que en fait, je l'ai trompé. Il faut savoir que lui, je pense qu'il m'avait trompé avec une dizaine de femmes avant moi. Donc moi, je l'ai trompé. Il l'a extrêmement mal pris parce que c'était en plus un contexte particulier. Enfin bref. Et du coup, en fait, c'est là où sa violence, qui jusque-là était psychologique, s'est transformée en violence physique et sexuelle parce qu'il ne l'a pas du tout accepté. Et en fait, dans tout ce contexte d'hyper-violence, c'est là où tout à coup, j'ai eu des espèces de réminiscences. Effectivement, je me suis dit mais... Il y a un truc qui est en train de se passer et je me suis souvenu d'un ou deux événements avec mon père et je me suis dit mais c'est pas normal. Et en fait jusque là, si tu veux, les souvenirs ils étaient là, mais c'est comme si c'était normal. Et là tout à coup j'ai eu vraiment cette espèce de prise de conscience en me disant mais non, un père il commence pas à embrasser sa fille. En mettant sa langue, il ne commence pas à venir dans son lit et se frotter contre. Mais jusque-là, j'avais les souvenirs, mais pour moi, c'était complètement déconnecté de toute interprétation. Mais voilà, c'est apparu. C'est vraiment ressorti dans ce contexte d'hyper-violence et de viol.

  • Speaker #0

    Toute cette violence.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cette violence. Est-ce que tu arrives ? à t'accorder du soin parfois ?

  • Speaker #1

    Alors oui, j'adore me faire masser. Trop bien. Et puis en fait, c'est aussi marrant parce que mon côté soignant a aussi pris le pas par rapport au TCA et depuis toutes ces années, j'ai développé aussi des moyens pour prendre soin de moi, pour essayer de compenser les effets délétères de la maladie. Je me suis beaucoup informée par rapport aux risques de dénutrition. J'ai toujours accepté de me faire suivre. physiquement parlant par des gens à qui j'avais parlé de mes TCA. Je suis suivie par un gastro-entérologue, parce que évidemment avec les vomissements et tout ça, ça a des impacts importants sur ma santé. Et puis, j'adore lire. J'adore prendre du temps pour moi pour lire de la romantésie. Et puis, malgré tout ça, j'ai aussi un cercle social qui est peu étendu. Mais les amis que j'ai, c'est vraiment des personnes exceptionnelles. Ça me dit, je vais chez l'esthéticienne qui est devenue une de mes meilleures amies. Dans trois semaines, je vais chez ma coiffeuse qui est devenue une de mes meilleures amies. Il y a tout comme ça des choses que j'arrive à mettre en place pour effectivement prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant ce système de réparation finalement que tu mets en place, enfin de prévention et de réparation autour des TCA.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et alors, à la fois… Je trouve ça très chouette et très doux. Effectivement, je trouve que c'est un signe de... C'est une belle façon de prendre soin de soi. Je ne sais pas comment le dire différemment. Et à la fois, je te le partage, ce que ça m'a fait, je me suis dit, c'est comme si c'était intégré comme... Bon, c'est là. De toute façon, ça fait partie de moi. Tu vois, un peu un côté inéluctable, en fait.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors que pas nécessairement, mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu comme ça quand on a parlé. Alors qu'on peut très bien se dire, ok, temporairement, j'ai des troubles alimentaires et je sais qu'il y a des risques. Donc, en attendant de guérir, je vais prendre regard aux risques qu'il pourrait y avoir. Mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu en mode, c'est là, c'est comme ça, ça ne bougera pas. Mais il faut que je fasse attention à ce que ça peut abîmer chez moi. Ça te parle ou pas ça ?

  • Speaker #1

    Complètement. Je pense à un shift que j'ai fait dans mon esprit il y a une dizaine d'années en arrière, en me disant que de toute manière, ce sera toujours là. Mais qu'est-ce que je peux faire pour vivre avec ? C'est pour ça que pour moi, c'était important aussi de témoigner par rapport à mon vécu, parce que cette pensée de me dire que je mets en place des stratégies pour vivre avec mon TCA, c'est bien et ce n'est pas bien dans le sens où... effectivement il y a ce côté inéluctable qui est présent et puis je me sens coupable en quelque sorte de me dire que je suis la croyance que ce soit inéluctable mais en même temps là

  • Speaker #0

    encore est ce qu'il n'y a pas d'autres parties de toi qui disent d'autres choses est ce que tu n'as pas encore l'espoir de t'en sortir ?

  • Speaker #1

    alors si si j'ai encore l'espoir parce que sinon Sinon, je continuerai pas à faire ce que je fais, puis je laisserai tout tomber, puis je continuerai. Mais c'est de nouveau pas toute ma personne qui y croit. C'est vraiment une petite partie qui croit qu'il y a encore un moyen de sortir de ça.

  • Speaker #0

    Et elle ressemblerait à quoi ta vie, en étant sortie de ça ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup de peine à me projeter, je sais pas. J'aurais beaucoup plus de temps, ça c'est sûr, c'est assez chronophage ces crises de fin de journée. Et puis je pense que, où j'essaye de me projeter, c'est... Je suis en train de me réparer petit à petit de mon ancienne relation, et là j'ai une nouvelle envie de redécouvrir, enfin voilà, de retenter une nouvelle relation, parce que j'ai quand même conscience que pas tous les hommes sont comme mon ex, heureusement. Et puis ça me manque, tout simplement. C'est vrai que j'associe un peu à une projection de vie de couple, la vie sans TCA. Mais je n'ai pas envie d'attendre que je n'ai plus de TCA pour trouver un compagne. Attention, pour moi, sinon, on ne s'en sort jamais. Effectivement, j'ai un peu cette association vie sans TCA, mais vie avec un homme.

  • Speaker #0

    Ok, mais c'est intéressant. Peut-être même de creuser encore davantage, je ne sais pas, peut-être que ça ne te parlera pas, mais peut-être, je ne sais pas si tu aimes écrire, mais de se projeter vraiment dans... Là, c'est un peu flou, mais tu te dis, ok, je sais que j'aurai plus de temps, à quoi je l'utiliserai ? Comment tu imagines être, te sentir dans ton corps, au niveau énergie, au niveau de fatigue, dans ton travail ? Comment tu imagines que tu mangerais si tu n'avais pas de TCA ? À quoi ça ressemblerait ? Est-ce que tu y restes spontanément au restaurant ? Qu'est-ce que tu ferais avec ton chéri ? Si tu te projettes dans une vie de couple, est-ce que vous vivriez ensemble ? Est-ce que vous auriez du temps pour cuisiner ensemble ? Est-ce que tu vois ? De rendre ça... de t'imaginer un peu le film de ta vie sans ce trouble alimentaire, de rendre ça peut-être un peu plus palpable. Peut-être que ça viendrait un peu rééquilibrer les deux parties de « ouais, c'est inéluctable, je vais vivre avec ça jusqu'à la fin de mes jours » et le « non, non, en fait, il y a moyen de s'en sortir, de donner vie aussi à ça » .

  • Speaker #1

    Surtout que quand je t'entends parler, là, je me dis effectivement, tu vois, avec mon premier compagnon, on était fan de tous les… Les restaurants gastronomiques. Donc, on s'est fait tous les 1, 2, 3 étoiles Michelin de la région. Enfin, vraiment, c'était vraiment une passion qu'on avait en commun. Et ça, ça me manque, quoi.

  • Speaker #0

    Ah, chouette, ça. Mais oui. Mais de toute façon, il y a quelque chose d'un peu épicurien chez toi. Ça se sent, tu vois. Même quand tu dis ce que tu appelles tes crises, où effectivement, on peut se demander si ce sont des vraies crises. Tu cuisines, le goût est super important, c'est génial. Et en fait, ce serait développer encore davantage ça. Loin de peut-être une croyance qui est accrochée à toi, qui est reliée à ton père, et dans vraiment la compulsion alimentaire, le trop, le dégoût. En fait, sortir du trouble alimentaire, c'est au contraire être dans quelque chose plutôt proche du vrai plaisir de manger, dans le sens dégustation. dans le sens partage, c'est tout ça qui reprend vie finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est vrai que ça… Je l'ai encore un peu par moments, justement, je ne m'interdis pas de sortir, je ne m'interdis pas les restos, même si c'est quand même un petit peu plus compliqué ces dernières années, vu que le côté anorexique, je trouve, a pris beaucoup de place ces dernières années. Mais voilà, j'ai encore ce plaisir-là et puis… Je me l'accorde, même si pas autant que je le souhaiterais, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Il y a un autre sujet dont tu avais envie de parler, qui t'en a parlé déjà plusieurs fois. Tu as dit que tu étais soignante, tu es infirmière, anesthésiste. Et en fait, tu me disais que ce n'était pas simple, ça, parfois. Le fait de souffrir de troubles alimentaires alors que tu es soignante.

  • Speaker #1

    Oui. C'est surtout qu'en fait, c'est la psychiatre qui me suit actuellement qui effectivement m'a dit une fois, mais vous êtes beaucoup dans le contrôle. Puis c'est un petit peu compliqué de vous prendre en charge parce que vous avez beaucoup de connaissances par rapport à votre maladie et puis par rapport au système de santé. Et ça a été vraiment compliqué pour moi il y a une année et demie en arrière parce que j'ai été hospitalisée pendant cinq semaines. dans une clinique qui s'occupe des addictions et des TCA. Et j'ai été très... Enfin, disons qu'étant moi-même soignant, je sais que le système de santé, il est dysfonctionnel et que pas toutes les personnes qui soignent les autres personnes sont forcément bienveillantes. Et ça m'a d'autant plus choquée de me rendre compte que dans cette clinique, il y a eu des gens qui m'ont sorti des choses qui étaient complètement... aberrantes et qui, à mon avis, ne devraient pas faire partie de notre rôle de soignant. Exemple, moi j'ai des problèmes de dos. J'ai été opérée d'une scoliose quand j'étais adolescente, donc j'ai des tiges dans le dos. Et puis ça, ça nécessite une certaine... Je n'ai pas besoin de faire du sport, mais du mouvement. J'ai besoin de mouvement, parce que dès que je reste trop statique, j'ai des douleurs qui se réveillent et tout. J'explique ça dans le centre qui me suit, en disant, parce que là-bas, on n'avait pas le droit à deux balades par semaine, pas de sport ou quoi que ce soit. Il fallait, je crois, ils avaient mis une référence de BMI à plus que 20 ou 21 pour pouvoir faire du sport. J'étais à 19,5. Donc, je n'avais pas le droit à plus de deux balades par semaine et surtout, il ne fallait pas que je fasse de sport. Et quand j'explique ma problématique. avec des termes médicaux, où j'avais quand même l'impression que, vu mon rôle professionnel, on allait m'entendre. La seule chose qu'une des infirmières a réussi à me dire, c'est « c'est la maladie qui parle, tu as besoin de faire de l'activité physique, c'est la maladie qui parle » . Je ne crois pas, non. Et ça, c'est quand même plusieurs fois des choses que j'ai repérées chez les personnes qui m'ont soignée. Comme c'est quelque chose qui m'a sensibilisée parce que moi-même je soigne, je ne sais pas si... L'attitude que j'ai eue, qui justement leur faisait peut-être un effet miroir, a fait que du coup, elles étaient inconfortables à me prendre en charge. Et cette impression a été confirmée effectivement par la psychiatre qui me disait que c'était un petit peu plus compliqué pour elle, sans que ce soit une critique.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, je ne peux pas m'empêcher de rebondir sur ce que t'as dit la psychiatre en disant que vous êtes quand même beaucoup dans le contrôle. et vous avez beaucoup de connaissances sur la maladie. Alors, quelle autre maladie que les TCA peut s'appeler la maladie du contrôle ? Enfin, je veux dire, c'est juste... Si tu as l'habitude d'accompagner des personnes qui ont des troubles alimentaires, et a fortiori, du côté de l'anorexie, il y a du contrôle. C'est la maladie du contrôle, c'est ça en fait, de l'hyper-contrôle. Et le côté beaucoup de connaissances, c'est pareil. On est dans l'hyper-intellectualisation, de toute façon, dans ces pathologies, donc dans une recherche. aussi d'aller comprendre. Et encore plus si tu es dans une chronicité de ton trouble, tu te renseignes, tu cherches. Et du coup, c'est un peu surprenant. Moi, quand je t'ai entendu dire ça, je me suis dit, en fait, c'est quelqu'un qui n'a pas l'habitude de prendre en charge des troubles alimentaires. Moi, c'est ça que ça m'évoque. Parce que oui, c'est ça, c'est comme ça. Mais est-ce que tu disais par rapport au centre de prise en charge ? Je pense que c'est hyper complexe de prendre en charge l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est hyper complexe. Oui, oui. Et qu'en fait, en plus de ça, c'était un centre SP addicto TCA, et du coup, tu vois, on sent aussi le positionnement des personnes qui bossent en addicto, qui sont dans une méfiance de ce qui est amené par le patient. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #0

    enfin bon Vous essayez de nous rouler dans la farine. Il y a beaucoup ça dans ce truc. Les personnes qui souffrent d'anorexie, elles vont chercher à nous manipuler de toute façon pour arriver à leur fin. De la même manière qu'on va imaginer ça. Et ce n'est pas que de l'imagination, effectivement. C'est une personne qui est accro à des substances et qui va tout faire pour aller en chercher, tu vois. Et c'est ça que je vois. J'ai l'impression qu'il y avait vachement de méfiance et que c'était compliqué d'entrer en vraie relation quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, et puis moi, j'ai assez mal vécu parce que quand je m'occupe de mes patients, si je ne suis pas en relation avec eux, ça ne le fait pas, surtout qu'après, ils dorment et tout. C'est d'autant plus important que la phase avant de les endormir, il y a cette relation de confiance qui s'instaure. Alors, elle vaut ce qu'elle vaut parce que c'est vraiment sur très courte durée. Mais voilà, et ça, je n'ai pas retrouvé ça chez les soignants. Chez certains, oui. Je suis un petit peu dure. Pas chez tous, mais en tout cas, chez certains, oui. Mais ça, j'ai trouvé vraiment dommage. Parce que je sais qu'on peut faire différemment. Et que c'est la clé, je trouve, d'une prise en charge bienveillante et soignante. On ne doit pas être dans l'empathie absolue, mais tu dois accompagner l'autre où il se trouve. Il ne fallait pas avoir des espèces d'idées préconçues. Effectivement, toutes les anorexiques mentent. Bien sûr, et moi aussi, je me suis retrouvée à manipuler mon entourage pour pouvoir satisfaire mon trouble. Mais en tout cas, là, à ce moment-là, j'étais pas dans la manipulation. Oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a quand même la question de l'âge qui est un peu différente, je pense, qui devrait amener une prise en charge différente.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à redire et beaucoup de choses à changer sur ces prises en charge-là. Oui, je pense que c'est... Mais je pense aussi sincèrement que c'est très complexe. Franchement, la prise en charge notamment de l'anorexie, c'est quand même quelque chose de très complexe. Et puis, qui ramène en tant que soignant à une forme d'impuissance. Et en tant que soignant, on n'aime pas trop être impuissant. Parce que si on est devenu soignant, c'est qu'on veut, je mets des normes guillemets, mais on ne va pas sentir, on veut sauver les gens. Tu vois ? Bien sûr. Voilà, donc c'est hyper compliqué. Et je parle de moi aussi en disant ça. C'est vrai que moi... C'est une problématique, l'anorexie, qui est plus complexe, je trouve, à accompagner et plus énergivore.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    Mais après, je pense que chacun son vécu et ça dépend où on en est dans sa posture de soignant aussi, on va dire. Mais justement... J'ai envie de revenir sur cette posture de soignant, on en parlait un peu en off tout à l'heure, du fait que ça pouvait être aussi difficile d'être soignante, donc tu l'as dit, pour ta prise en charge, tu as l'impression que ça a joué des choses quand même avec les autres soignants, mais... aussi peut-être cette question de cette culpabilité, ces sentiments un peu bizarres de se dire je suis soignante, je prends soin des autres. Alors que moi, je souffre de cette pathologie-là, comme s'il y avait un peu un sentiment d'imposture.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Je pense que c'est pour ça aussi que ça a été très compliqué pour moi pendant des années, de franchir le pas d'en parler. Parce qu'effectivement, je me sens encore maintenant coupable de ne pas m'en être sortie. Comment je peux prétendre, moi, prendre soin des autres si je ne suis pas capable de prendre soin de moi ? Maintenant, j'ai aussi fait la part des choses. Je pense que ce qui m'aide, c'est que dans mon métier d'anesthésiste, je m'occupe principalement des enfants. Je fais bien la différence entre mes patients et moi. En anesthésiste, ce qui est topissime en tant que soignant, c'est que tu injectes un médicament et la personne n'a plus mal. C'est très on-off, c'est très valorisant comme ça. Mais mine de rien, ça reste quand même très compliqué parce qu'effectivement, je me sens... Oui, le fameux syndrome de l'imposteur qui est très à la mode en ce moment qu'on entend. Dans toutes les circonstances, c'est vrai que ça, c'est quelque chose qui est très présent chez moi.

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut parler, c'est ce que je te disais aussi en haut, je pense que ça peut parler à pas mal de personnes parce que j'ai pas de chiffres là-dessus, mais je serais pas étonnée qu'il y ait beaucoup de personnes qui souffrent de troubles alimentaires qui soient dans le prendre soin, déjà, statistiquement. Dans les TCA, 90% sont des femmes. Les métiers du prendre soin sont quand même principalement occupés par des femmes. Donc déjà, statistiquement, on a quand même pas mal de chances que ce soit le cas. Mais aussi parce que, je ne sais pas trop comment on peut l'expliquer, mais dans les troubles alimentaires, souvent, je trouve qu'on retrouve des personnalités comme ça, très tournées vers l'autre, à vouloir faire attention aux autres, avec un oubli de soi, un effacement de soi. aussi parce que prendre soin des autres, ça permet peut-être aussi de manière un peu volontaire, même si elle est inconsciente, de moins penser à ce qui nous pollue nous. Il y a plein de choses. Je pense qu'en fait, c'est fréquent, c'est hyper représenté. Et je pense que c'est très culpabilisant. Je ne sais pas si c'est culpabilisant de bon mot, mais de se dire, mais en fait, qui suis-je pour prendre soin des autres alors que moi, je suis dans cet état-là, je suis incapable de prendre soin de moi. C'est ça. en même temps alors que moi j'ai envie de me dire que c'est aussi ça peut-être qui te rend si capable d'empathie et tu vois de prendre soin quoi.

  • Speaker #1

    En tout cas dès que je laisse un petit peu ce côté syndrome de l'imposteur de côté c'est là où je me sens où j'ai l'impression d'avoir. que ma vie a du sens, en fait, tout simplement. Et c'est là où j'ai beaucoup de chance, parce que j'ai vraiment un métier qui me stresse beaucoup par moments, mais qui est vraiment un métier ressource, parce que j'adore ce que je fais, quoi. Oui. C'est génial.

  • Speaker #0

    C'est top. Ça se sent tellement, dans ta façon de le dire, ce visage, comme quelque chose de très posé, là, quand tu le dis.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vraiment un très chouette métier. Mon seul souhait, c'est que les gens puissent effectivement trouver une voie professionnelle qui les épanouisse. Alors bien sûr, le travail ne fait pas tout, mais quand ça peut être une source d'épanouissement, pas toujours, pas tous les jours, pas toutes les heures. Il y a des fois où je n'ai pas envie d'aller bosser, c'est que je suis comme tout le monde. Mais quand globalement, tu trouves un moyen pour t'épanouir. et de trouver ta place sur cette terre, je trouve que c'est vraiment un game changer.

  • Speaker #0

    Ça aussi c'est une question très présente, je trouve, chez les personnes qui souffrent de troubles alimentaires, cette question de la place.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est marrant parce que moi c'est vraiment un questionnement que j'ai et que j'ai souvent associé parce que, en tout cas chez moi, il y a un syndrome dépressif qui est associé au TCA. En plus, je fais de la résistance aux antidépresseurs donc j'ai essayé plusieurs antidépresseurs, ça n'a jamais fonctionné. Mais c'est vrai que les fois où j'ai eu des périodes où j'avais plus de pensées suicidaires, c'était vraiment ce côté, mais à quoi je sers ? Pourquoi je suis là ? En plus, moi, mes projets de vie, c'est d'avoir des enfants, je n'ai pas d'enfants. Donc, ça a toujours été un peu une question centrale dans ma vie. Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que je fais ? Est-ce que vraiment ça a du sens que je reste en vie ? Pourquoi souffrir finalement ? Et là, je dois avouer, à 48 ans, et c'est aussi pour ça que j'ai envie de dire aux gens de garder espoir, c'est que là, ok, je n'ai pas d'enfant, je n' Mes projets de vie tels que je les imaginais ne se sont pas forcément réalisés, mais grâce à mon activité professionnelle, là maintenant, par procuration, je m'occupe d'enfants. Et il n'y a rien de plus beau que de vous prenez l'enfant dans vos bras, parce que quand ils sont petits, et que les parents ne sont pas là, on les prend dans les bras, puis on les endort dans nos bras. Et puis on sent qu'ils lâchent et qu'ils nous font confiance, ça c'est des moments exceptionnels. Et voilà, ce n'est pas mon enfant, mais... Pendant un court instant, je peux m'occuper de cet enfant de la manière la plus bienveillante et de ce dont il a besoin à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Ce que tu dis sur la question de la place et ce côté associé à des idées suicidaires, mais qu'est-ce que je fous là ? Je ne sers à rien. C'est aussi quelque chose que j'ai beaucoup entendu chez les personnes victimes d'inceste. Je pense qu'il y a quand même quelque chose. Ça se comprend aussi assez facilement. sur ce flou dans la place quand tu vois à quel point justement l'inceste vient foutre le bordel dans la question de la place c'est à dire qu'on vient effacer les limites normales d'une famille tu vois, tu es censé être la fille et en fait le père te met à la place de femme alors que tu es sa fille tu vois, je veux dire on est sur les premières places fondamentales et fondatrices et on vient Voilà, foutre le bordel là-dedans et du coup ça peut engendrer tout un tas de questionnements autour de ça et puis surtout une mésestime de soi très très forte, d'inceste. Ah oui,

  • Speaker #1

    ah oui.

  • Speaker #0

    Donc c'est souvent très lié aussi.

  • Speaker #1

    Le problème c'est que cette mésestime elle est extrêmement présente puis elle renforce le trouble. C'est hallucinant. Moi, je vois, ça reste très compliqu�� pour moi d'avoir une bonne vision de ce que je suis et de ce que je fais. Souvent, je me dis, je suis nulle, je ne vaux rien, je suis con, je suis grosse, je suis moche. C'est vraiment un discours intérieur. Je voulais aussi en parler dans le sens où, même en ayant 48 ans, on est encore dans cette dynamique d'esprit de se trouver trop con, trop moche, trop bête, trop nulle.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a la possibilité d'agir aussi là-dessus.

  • Speaker #1

    Oui, et ça pèse quand même avec les années, moi je trouve quand même. Et ça, c'est chouette parce que moi, ce que j'ai compris avec le temps, c'est que ces pensées-là négatives, finalement, ne restent pas en tête. Et c'est ce que je fais maintenant, c'est quand elles me viennent en tête, je me dis OK, bon, ça va passer. Attends 5 minutes, 10 minutes. Et effectivement, c'est des pensées, ça passe. toute manière, à un moment donné, ça passe.

  • Speaker #0

    C'est clair, ce n'est pas la vérité absolue.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ce qu'on appelle la diffusion cognitive, ne plus fusionner avec ces pensées qui débarquent et avoir l'impression que c'est Dieu qui nous susurre la vérité à l'oreille. Non, non. Et c'est trop compliqué pour toi de les contredire ?

  • Speaker #1

    J'y arrive petit à petit. Mais bon, il y a encore certaines pensées où je n'y arrive pas, mais d'autres, entre autres. tout ce qui est en lien avec l'activité professionnelle, là maintenant j'arrive à me dire, non, je ne suis pas nulle, non, ce que je fais c'est bien, parce que justement à force d'avoir quand même des retours positifs, et là le regard des autres a quand même son importance, j'essaie de, enfin, je pense qu'on a souvent cette croyance de se dire, il ne faut pas attendre des autres qui nous aident à remonter notre propre estime, mais ça aide quand même, et ça a quand même son importance.

  • Speaker #0

    Oui, mais de toute façon, c'est comme ça qu'elle se construit. C'est aussi pour ça que dans le cadre de traumas infantiles, il y a des choses qui semblent très accrochées. C'est parce que quand on est petit, malléable et que ça se construit, on construit notre estime de nous en lien avec les personnes directement les plus proches. On est fait comme ça de toute façon. Donc, moi, je suis d'accord. Je trouve que... Tu vois, l'idée d'être complètement détaché du regard de l'autre, c'est complètement utopique. Et en fait, on en a besoin, on a besoin des autres pour vivre. Et je crois qu'on peut faire la nuance entre toute attente de l'autre qui viendrait nous guérir, nous sauver, nous réparer, et juste aller chercher aussi chez l'autre ce qu'il peut nous apporter dans ce chemin de guérison, de réparation, etc. Et donc, oui, ça peut être le regard bienveillant de l'autre, le fait qu'il y a cet autre qui est capable... Alors un collègue qui est capable de nous dire qu'on est compétent, un ami qui est capable de nous dire qu'on est intelligent, enfin tu vois, c'est hyper important je trouve. On a parlé de plein de trucs, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je trouve ça trop bien. Est-ce qu'il y a malgré tout un sujet sur lequel on n'est pas arrivé, quelque chose que tu te semblais important d'aborder pendant notre échange ?

  • Speaker #1

    Non, je crois qu'on a fait pas mal le tour. J'ai vraiment envie de dire aux personnes qui, effectivement, sont dans la chronicité, de ne pas abandonner malgré tout. Moi, maintenant, j'en suis rendue à un stade où j'essaye de me dire que... Les petites choses que je fais au quotidien, c'est déjà bien. Et d'aller chez l'esthéticienne, c'est bien. De sortir de chez soi, c'est bien aussi, parce que ça, c'est aussi un autre truc. L'isolement social en lien avec les TCA, je pense que c'est vraiment très délétère pour le trouble. Et moi, j'essaie de continuer à garder une vie sociale et de la nourrir. Et ça je pense que c'est aussi important de le garder en tête parce que c'est vrai qu'on aurait… si je m'écoutais je ne sortirais plus. Mais non, il ne faut pas s'écouter et comme je disais, ce type-là de pensée, ça reste 5-10 minutes, il faut juste attendre qu'elle passe et puis après on se remotive effectivement à faire des choses qui nous font du bien surtout que dès qu'on est dehors de chez soi, on se rend compte qu'on est bien aussi.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Merci de rappeler ça. Non, mais c'est vrai que la dimension sociale, elle est très, très impactée avec les troubles alimentaires. Et ça demande de l'énergie, en fait, de lutter contre, mais de rien. Donc, bravo à toi. Bravo à toi pour tout ça, finalement, pour quel parcours, quoi. Toutes ces années, parce que c'est pas juste le trouble alimentaire, on est bien d'accord. De toute façon, il a pris place en lien avec plein d'autres choses, mais que... Il y avait déjà des choses compliquées à gérer depuis le début, mais qu'en plus, tu as eu des souvenirs qui sont revenus, mais qu'en plus, il y a eu cette relation toxique. Et qu'en plus... Et voilà. Et en fait, mine de rien, tu es là. Tu es là, tu avances. Tu continues d'apporter aux autres par le biais de tes relations sociales, par le biais de ton travail, tout ça. Donc, bravo. C'est chouette. Je trouve qu'effectivement, c'est un joli message d'espoir. Merci. Un grand merci à toi pour être venue et échanger ici, pour la confiance que tu m'as accordée, parce que j'ai bien compris que ce n'était pas simple la confiance en plus, donc j'en suis d'autant plus honorée.

  • Speaker #1

    Je te suis quand même depuis très longtemps, alors je ne fais pas partie des gens qui manifestent beaucoup, parce que ce n'est pas trop mon genre, mais c'est vrai que... Je ne me serais pas, je ne t'aurais pas contacté si je n'avais pas eu la preuve en long et large, en travers de ta bienveillance, de ton empathie. J'aime bien parce que tu peux ne pas être d'accord avec les gens, tu le diras. Pour moi, c'est aussi un signe de confiance. J'aime beaucoup le fait qu'au-delà de respecter l'autre, tu te respectes toi-même dans tes interactions.

  • Speaker #0

    Wow, merci. C'est un magnifique retour. c'est important pour moi d'entendre ça merci beaucoup et merci pour les personnes qui nous écouteront et chez qui je suis sûre il y aura plein de résonance moi j'espère et surtout garder espoir merci

  • Speaker #2

    Cynthia un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode comme je te le dis souvent ton soutien est super important c'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui alors si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. effectivement tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté merci, merci beaucoup, c'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode, ciao

Chapters

  • Présentation de Cynthia

    01:34

  • Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation

    03:44

  • La première phase d’anorexie

    08:52

  • Le déclencheur des crises de boulimie

    17:50

  • TW mention de faits d’inceste

    43:29

  • Ce que Cynthia aimerait transmettre

    01:10:02

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TW Inceste / suicide


Cynthia est venue vers moi avec une grande envie de témoigner.
L’envie de rendre visible la chronicisation des TCA, de la façon dont ils prennent place, voire racine, dans différentes sphères de la vie et la difficulté à être soignante quand on ne va pas très bien soi-même.

Au détour de notre échange, Cynthia témoigne également de l’inceste dont elle a été victime et du suicide de son père.
Nous évoquons toutes ces choses douloureuses et pourtant, je ressens beaucoup d’espoir, à la fois pour elle et venant d’elle.

Les questions de place et d’identité ont aussi fait partie de notre échange, qui je suis? À quoi je sers? Quelle place suis-je censée prendre? …. Toutes ces questions qui animent souvent les personnes souffrant de troubles alimentaires. 

Un immense merci à toi Cynthia pour cet échange et la façon dont il s’est poursuivi en off.

Au programme de cet épisode : 


Présentation de Cynthia

Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation 

La première phase d’anorexie 

Le déclencheur des crises de boulimie
TW mention de faits d’inceste 

Ce que Cynthia aimerait transmettre


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Cynthia dans le podcast TCA etc. Je suis très contente de prendre ce temps pour discuter avec toi ce matin.

  • Speaker #1

    Moi aussi,

  • Speaker #0

    un peu stressée mais contente aussi. Je crois que c'est normal à toutes les personnes qui auraient peut-être envie de venir discuter avec moi au micro. Ça peut être normal de ressentir un petit stress, mais en fait, assez rapidement, on oublie qu'on est en train d'enregistrer un podcast, on oublie qu'on est enregistré. Et voilà, l'idée, c'est qu'on discute toutes les deux. Et puis, comme je le dis souvent aux personnes qui viennent à mon micro, en fait, c'est impossible que tu te trompes. C'est impossible que tu dises à un moment donné quelque chose qui ne va pas parce qu'en fait, on vient parler de toi et que tu es donc la seule experte à ton sujet. C'est juste. Et donc, justement, pour entrer dans le vif du sujet, je te... propose de commencer par te présenter de la manière dont tu le souhaites.

  • Speaker #1

    Ok, alors je m'appelle Cynthia, je vis en Suisse, j'ai 48 ans et je suis infirmière anesthésiste dans un CHU depuis 20... pas tout à fait depuis 25 ans parce que j'ai eu un parcours professionnel avant de faire de l'anesthésie mais j'ai toujours été infirmière depuis effectivement 25 ans. Et puis, je souffre. de troubles du comportement alimentaire depuis l'âge de mes 17 ans donc on en est à 31 ans.

  • Speaker #0

    Ok, tu fais le compte des fois comme ça, tu te dis ah ok, ça y est, 30 ans,

  • Speaker #1

    31 ans. Ouais, puis ce qui m'a fait bizarre c'est que, alors ça fait un moment que j'ai passé cette étape-là, mais j'ai vécu plus de temps avec les TCA que sans et ça c'est un constat qui n'est pas très plaisant à avoir mais voilà.

  • Speaker #0

    Ouais, je te comprends. ça me fait écho à l'époque moi le tabac je sais pas si t'es fumeuse mais non tu vois déjà c'est bien un jour je me souviens j'avais fait le calcul et je m'étais dit mais attends là ça y est je vais passer enfin c'était le cas d'ailleurs à l'époque parce que j'ai arrêté à 34 ans et j'avais commencé à 14 ans donc en fait ça faisait 20 ans que je fumais je me suis dit mais attends j'ai 34 ans 34 ans j'ai passé plus de temps à fumer que à ne pas fumer c'est hyper flippant

  • Speaker #1

    On est d'accord, c'est un contexte qui dit mais non, et oui.

  • Speaker #0

    Ok, bon, on va rentrer dans le vif du sujet tranquillement sur les TCA, l'arrivée, le début, le pourquoi, le tout ça. Mais tu le sais puisque tu écoutes le podcast, j'aime bien aussi parler de avant. Et donc, je t'invite à, j'ai envie de te poser cette question, la fameuse question que je pose à chaque fois. Quelle est, quels sont ? tes souvenirs d'enfance en lien avec ton corps, le rapport à ton corps ? Alors des fois, il n'y a rien de particulier parce que justement, c'est un peu un autre sujet. Et le rapport à l'alimentation, qu'est-ce qui te revient spontanément quand tu repenses à ton enfance ?

  • Speaker #1

    Alors le premier souvenir qui me revient, c'est quand j'avais une dizaine d'années, je regardais mes cuisses et je me disais « Oh, j'ai des grosses cuisses ! » Ça, c'est vraiment un des premiers souvenirs que j'ai, alors que j'étais une enfant tout à fait normale, ni mince, ni grosse. Jamais eu trop de problèmes à ce niveau-là. Et c'est vrai que nous, dans notre famille, on a toujours eu un rapport à l'alimentation complètement perturbée. Dans le sens où mon père souffrait d'obésité, vraiment morbide. Et il était constamment au régime. Et en fait, il faisait des crises d'hyperphagie, donc ça ne marchait jamais. Et j'avais une maman, ça me fait toujours sourire quand tu parles de ces mamans des années 80. aussi une maman qui était perpétuellement au régime qui mettait son Marie au régime sur la demande de mon père. Et puis, ma mère a toujours été très mince. Mais on en a rediscuté encore dernièrement. Elle aussi, elle a un rapport à l'alimentation qui n'est pas du tout apaisé. Elle est aussi très regardante par rapport à son physique. Et puis, elle était aussi dans la restriction. durant toute mon enfance. Et c'est vrai qu'on a toujours baigné dans cette ambiance de régime. En plus, mon père, comme il ne supportait pas très bien les régimes, dès qu'on rentrait de l'école, il nous envoyait aller acheter des choses dans les boulangeries pour qu'il puisse compenser ce qu'il n'avait pas mangé jusque-là. Donc, c'est vrai que ça a toujours été une problématique centrale dans notre famille. Mais moi, je n'ai pas le souvenir d'avoir... Je me souviens de cette histoire de grosses cuisses et qu'à l'adolescence, je me forçais à manger des quatre heures sous prétexte que c'était bon pour moi alors que je n'avais pas forcément faim. Il y avait déjà quelque chose d'un petit peu perturbé.

  • Speaker #0

    Et qui est-ce qui disait que c'était bon pour toi ?

  • Speaker #1

    Moi-même. Je m'étais persuadée qu'à quatre heures, il fallait que je mange deux tartines et que Je bois 20. Un chocolat froid. Je ne sais pas d'où cette croyance me vient. Est-ce qu'une fois j'avais entendu ça ou je ne sais pas. Je me souviens très bien que sur les coups des 14 ans, c'était un rituel que je m'étais imposé. Et du coup, suite à ça, j'ai pris un petit peu de poids jusqu'à l'âge de mes 17 ans. Et en fait, il y a eu un gros déclic l'été de mes 17 ans où j'ai un de mes... très bon copain qui m'a dit « Oh, t'as pris du poids ! » La fameuse phrase qui te précipite le nez dedans, les premiers régimes. Mais c'était assez tardif.

  • Speaker #0

    En tout cas, même si l'apparition du trouble alimentaire était plus tardive, il y avait quelque chose de très ancré chez toi. C'est la tête qui décide. Tu voyais que c'était comme ça que ça fonctionnait chez toi. on t'avait inculqué que la tête était censée décider et que tu avais un exemple d'une personne qui y arrivait et une autre qui n'y arrivait pas. Donc ça, c'est pareil. Pour instaurer la notion de c'est une question de volonté et tout, j'imagine que c'était... Voilà, sans doute que pour toi, ce que tu en as compris, c'est que ta maman, elle, elle avait la volonté, elle y arrivait et c'était bien, c'était comme ça qu'il fallait faire et ton papa, lui, il n'y arrivait pas. Et du coup, comme il n'y arrivait pas, eh bien, il était considéré en obésité. Je trouve qu'il y a un truc déjà très dangereux qui peut s'installer dans la tête d'un enfant. Et cette histoire de goûter, c'est intéressant parce qu'on voit qu'il n'y avait pas d'écoute de toi. Il y avait des bonnes pratiques alimentaires que tu essayais de reproduire dans le plus ou dans le moins. Mais en fait, chez toi, il n'y avait pas du tout cette notion-là d'écoute de son corps et de ses besoins finalement. Chez toi, dans ta famille, je veux dire.

  • Speaker #1

    Complètement. Et puis surtout, ce qui est assez marquant, c'est qu'en plus, on avait une dynamique familiale qui était très compliquée, avec un père qui était très colérique. J'ai vraiment clivé entre ma mère, qui était pour moi, je l'idolâtrais, c'était la femme parfaite. En plus, c'est infirmière, donc voilà. Alors, le cliché papa médecin, mère infirmière. Donc, ça a toujours été mon idole. Il n'y a pas tellement d'autres. terme et mon père il ya eu des moments où je les détestais parce qu'il était assez maltraitant psychologiquement parlant avec nous enfin et avec moi il ya encore eu une étape supplémentaire qui a eu durant l'enfance avec des gestes incestueux donc ça ça complexifier

  • Speaker #0

    la chose ah ouais d'accord donc oui il ya aussi ce versant là qui vient s'ajouter pour toi oui ton père est toujours en vie

  • Speaker #1

    Non, il s'est suicidé quand j'avais 17 ans.

  • Speaker #0

    Quand tu avais 17 ans ? D'accord. Les fameux 17 ans.

  • Speaker #1

    Les fameux 17 ans. Et puis c'est vrai que ces 17 ans, l'été avant qu'il se suicide, là j'ai eu vraiment une première phase d'anorexie, où je ne mangeais plus rien, où j'ai été dans l'hyperactivité physique et tout. Ça c'était vraiment, je me souviens, relativement bien. C'était effectivement l'été. J'allais... On habitait dans une maison avec un étage, donc j'allais faire les étages le soir, la nuit, pour ingréer des calories. Et j'ai perdu 8 kilos à ce moment-là. Et puis en fait, mon père s'est suicidé le 1er décembre 94, pour dire comme en France. Et puis là, en fait, après, ça a coupé l'élan anorexique, j'ai envie de dire. Et par la suite, j'ai développé de la boulimie.

  • Speaker #0

    Ah ok, d'accord. Comment tu... Après, si t'es OK d'en parler, bien sûr, il y a tes obligations. Comment tu l'as vécu, ce suicide ?

  • Speaker #1

    Alors, c'était très, très compliqué parce qu'en même temps, comme il y avait des antécès, donc la relation avec mon père était très compliquée. Puis je ne savais plus trop où j'en étais. Je l'aime, je le déteste. Ce n'est pas tout simple dans la tête d'un enfant quand le parent est maltraitant sur plusieurs égards et pas une attitude de père. Beaucoup de tristesse, un gros choc parce qu'en plus de ça, il a fait ça. Je me souviens très bien, il a fait ça suite à une dispute avec ma mère. Moi, j'étais dans ma chambre à côté, il s'est tiré une balle dans la chambre à côté. Donc, oui, on a vécu ça en live. Donc, c'est déjà rien que l'événement lui-même, ça a provoqué un gros stress post-traumatique qui n'a pas du tout été diagnostiqué par la suite.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la bonne époque aussi. Je pense que tu serais peut-être prise en charge différemment sur cette question du trop-pour-poids.

  • Speaker #1

    honnêtement surtout que ben autant te dire comme c'est une mort violente ça arrivait en pleine nuit on a eu droit à la police qui débarque nous on est trois enfants moi je suis l'aîné on a été J'ai eu des interviews et même c'est plus mon terme interrogé pour savoir qu'est ce qui s'était passé sans en plus c'est marrant je me souviens que j'avais pas de figure enfin j'avais pas d'adulte avec moi quand j'ai quand j'ai été interrogé par la police Et puis, avec tout ce qui va autour, la levée du corps, enfin bref. Donc, ça, c'est vrai que c'était très violent sur le moment. Et puis, comme d'habitude, tu l'as assez bien repéré, moi, je suis quelqu'un de très cérébral, donc j'ai enfoui ça très loin, très profondément. Donc, je suis toujours partie du principe que ça ne m'avait pas tant impacté que ça. Et puis, par la suite, effectivement, il y a eu beaucoup de rêves. où je le voyais revenir et je ne voulais pas qu'il revienne. Pendant dix ans, j'ai rêvé qu'il revenait, qu'il n'était pas mort. Et j'avais cette espèce d'angoisse en me réveillant. Non, il est mort, il ne va pas revenir. Donc, je me suis un peu dispersée. Mais pour en revenir à ce que tu disais, enfin, à ce que tu me demandais plutôt, c'était très ambivalent mes sentiments. En même temps, c'était terrible qu'il ne soit plus là. Et en même temps, j'étais soulagée. Je ne peux pas dire autrement.

  • Speaker #0

    Oui, et ça, c'est difficile. Pour plein d'adultes, c'est difficile à admettre ces sentiments ambivalents encore plus vers les parents. Mais pour une ado, c'est complexe. Et des personnes étaient au courant, genre ta mère était au courant de ce qui s'était passé, des gestes incestuels. Tu dis des gestes incestuels, on parlait d'inceste en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que j'ai toujours un petit peu de peine à passer le pas du... c'est vrai que Pour moi, l'inceste, c'est le père ou quelqu'un de la famille qui vient toutes les nuits dans le lit de sa fille. Et moi, ça a été... Je n'ai peu de souvenirs. En fait, ce qui s'est passé, c'est que j'ai fait un blackout total par rapport à ces événements-là. Et je m'en suis souvenu seulement quand j'ai eu 35 ans, il y a 12 ans en arrière.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, au moment du suicide de ton père, tu sais que tu le détestes, mais finalement... c'est hyper confus et tu n'as pas de souvenir de ce qui s'est passé.

  • Speaker #1

    Je sais que je le déteste par moments et je sais qu'il me dégoûte. C'est horrible à dire ce terme par rapport à son propre père, mais il y a un sentiment comme ça. Je parle de ce dégoût parce que finalement, c'est un truc qui est encore hyper présent en moi. Dès que je m'imagine prendre du poids, je vois mon père. Je le vois pas non plus s'il se baladait nu dans la maison. Bref, c'était un peu choquant comme image. Et je me vois, pas moi, mais je le vois lui. J'ai fait une association comme ça d'images. Mais c'est vrai que c'est... Oui,

  • Speaker #0

    donc il y a quelque chose qui est relié à l'opulence alimentaire, la prise de poids, le... Tu as relié ça comme si au centre, ce qui les reliait, c'était le dégoût, mais c'est complètement relié à l'inceste finalement, à quelque chose aussi de... Il y a le mot dégouinant qui me vient dans les deux cas. Oui, c'est ça. C'est fou parce que ça me fait vraiment penser à une personne que j'avais accompagnée il y a quelques années, qui était dans une anorexie restrictive pure, complètement bloquée là-dedans. Et en fait, il y avait eu aussi... Alors, en tout cas, de ce dont elle se souvenait, il n'y avait pas de gestes posés, mais il y avait un climat ultra incestuel et quelque chose de vraiment pas adapté dans la posture, les regards du père et tout ça, et avec un papa qui faisait des crises d'hyperphagie. qui rentraient parfois tard le soir elles le revoyaient s'empiffrer devant le frigo et du coup il y avait quelque chose chez elles de très relié alimentation, sexualité il y avait quelque chose de très relié mais relié en plus pas sur le bon canal pas une sexualité normale et épanouissante une sexualité déviante de désagression sexuelle finalement oui quelque chose de très proche dans ce que tu racontes oui

  • Speaker #1

    tout à fait

  • Speaker #0

    Et donc, tu as commencé à en dire quelque chose. Tu disais que finalement, l'année de tes 17 ans, il y a d'abord l'anorexie qui s'est déclenchée. Je ne sais pas trop si c'est une jolie façon de le dire. En lien avec tout ce qui s'était mis en place avant, je pense qu'il y avait...

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Tu vois, il y a le contexte familial au sens large, c'est-à-dire les régimes et l'obsession du poids, du corps. Et même si tu ne t'en souvenais pas, en fait, c'était inscrit en toi l'inceste qui avait eu lieu. Et tu dis que le déclencheur, ça a été un peu la phrase de cette amie qui te dit « dis-moi, t'as grossi » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc là, tu perds rapidement du poids et finalement, ça dure quelques mois, si j'ai bien compris, entre l'été et décembre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et décembre, le suicide de ton père. Et là, des crises de boulimie arrivent.

  • Speaker #1

    Alors, pas tout de suite parce qu'en fait, ça a coupé un peu court à mes TCA transitoirement. Enfin, encore que. La première chose… C'est une anecdote, mais je m'en suis souvenu il y a peu de temps en arrière, donc c'est intéressant. La première chose que j'ai fait, le lendemain de son suicide, je suis allée me peser et j'ai vu que mon poids n'avait pas bougé. Et je me suis dit, bon, au moins ça.

  • Speaker #0

    Au moins ça.

  • Speaker #1

    Au moins ça.

  • Speaker #0

    Dans quel sens tu te disais au moins ça ?

  • Speaker #1

    Ça, ça n'a pas bougé. Ça, ça n'a pas changé.

  • Speaker #0

    Ah, ok.

  • Speaker #1

    Ça a été un élément rassurant. quelques heures après son suicide de me dire que mon poids n'avait pas bougé. Ça paraît débile dit comme ça, mais vraiment. Et en plus, c'est fou parce que je me suis souvenu il y a quelques mois en arrière de ce sentiment où je me suis dit, ça reste fixe dans mon quotidien parce que bien évidemment qu'en étant encore sous l'effet du stress, du choc plutôt, tu te dis bien que toute ta vie va changer. Là, je me suis dit, au moins le poids n'a pas bougé.

  • Speaker #0

    Donc déjà, là, tu t'accrochais au rocher du contrôle du poids.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je vais créer un espace de sécurité en essayant de maîtriser mon poids et mon corps.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, les mois qui ont suivi, ça a été… Je n'ai pas trop de souvenirs. C'est assez flou en plus, ces souvenirs à ce moment-là. Mais ce n'était pas une préoccupation centrale. Je n'ai pas bougé au niveau du poids, je continue à manger et tout. Par contre, ce qui était le déclencheur des crises de boulimie, c'est l'été suivant, je suis partie aux États-Unis pendant six semaines comme jeune fille au père. Et en fait, je suis partie parce que j'avais terminé en France, c'était le bac, c'était l'intermède, donc la fin du bac et puis le début de l'école d'infirmière. Et je suis partie contre mon gré en quelque sorte aux États-Unis. Parce que tout le monde dans ma famille me disait que c'était le moment de partir à l'étranger, que je n'aurais jamais d'autres occasions pour partir. Et en fait, je me suis vraiment soumise à la vie populaire, alors que dans mon cœur et même dans ma tête, je n'étais pas du tout prête à partir loin de ma famille. Ça a été terrible. Alors, j'ai appris plein de choses, je ne regrette pas. Postériori, de toute façon, ça ne sert à rien. C'était une séparation que j'ai hyper mal vécue. En plus, la famille qui m'a accueillie, autant la femme, c'était deux enfants en bas âge et puis un couple, autant la femme m'a très bien accueillie. C'était une ancienne collègue de ma mère. Donc, elle m'avait connue en Suisse. Et puis, le père, j'ai toujours eu cette impression qu'il me détestait, qu'il n'avait pas du tout envie que je sois là. Donc, il y avait de nouveau une situation où, par rapport à l'homme, je ne me sentais pas à ma place. Et là, effectivement, aux États-Unis, j'ai commencé à faire des crises de boulimie que je compensais par beaucoup de sport. J'ai commencé à me faire vomir quelques mois après être rentrée en Suisse, où là, effectivement, tu découvres le moyen pour gérer les crises. Et depuis, ça ne m'a plus quittée.

  • Speaker #0

    Plus jamais, il n'y a jamais eu même d'accalmie, de pause ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu des... période où je faisais moins de crises. Et puis c'est vrai qu'avant le Covid, j'étais à 2-3 crises par semaine, mais je n'ai jamais eu de long intermède sans crise de boulimie. Non, je n'ai jamais eu, peut-être quelques semaines, mais ça a toujours revenu. Et puis, il y a eu le Covid, et puis là, le Covid m'a décompensée. Et c'est depuis le Covid, en fait, je suis revenue à un stade où là, je suis repartie, en fait, j'ai envie de dire, plus dans une espèce d'anorexie restrictive, avec des crises d'hyperphagie le soir. Parce que c'est vrai que mon comportement par rapport à l'alimentation la journée ressemble, enfin, c'est tout à fait... l'anorexie quoi. Je mange mais j'ai beaucoup de peine à manger.

  • Speaker #0

    Et donc le soir il y a des compulsions qui arrivent ?

  • Speaker #1

    J'ai un espèce de rituel de crise là maintenant avec effectivement l'ingestion d'aliments en grande quantité puis après des vomissements quoi. Par contre c'est vrai que c'est un petit peu particulier mais moi mes crises de boulimie ça a toujours été comme ça je ne mange que des aliments que j'aime. Je cuisines, je prends du temps. Je suis... Voilà, j'ai jamais... Quand je lis des témoignages, j'écoute des gens qui peuvent manger des trucs congelés ou des trucs pas bons. Alors moi, c'est exclu, quoi. Ça doit être bon, ça doit être goûteux. Il y a beaucoup de légumes aussi dans mes crises.

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a quelque chose de contrôlé même dans tes crises.

  • Speaker #1

    Ouais. Et très centré sur le goût.

  • Speaker #0

    Ok. Parce que ça veut dire que tu as l'impression de rester connecté au goût des aliments, même passé les 3-4 premières bouchées ? Oui. Donc, est-ce que tu te sens quand même dans une perte de contrôle ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. Parce que c'est vrai que sur le moment, je n'ai pas l'impression de perdre le contrôle. L'impression que j'ai sur le moment, c'est que... Ah, enfin, je me fais plaisir, on y va, quoi.

  • Speaker #0

    Ok, mais ça peut être le cas, il y a plein de personnes qui vont avoir cette sensation-là, alors qu'elles ne sont pas du tout là pendant la crise. En réalité, souvent les crises se font devant la télé, des écrans, de manière à même pas trop être consciente de ce qu'on fait. Et souvent, il y a beaucoup de plaisir dans la préparation de la crise. Alors, toi tu cuisines, j'ai déjà entendu ça, mais c'est vrai que souvent c'est... on est plus dans une urgence qui monte tu vois t'as presque la tremblote et donc c'est plutôt l'achat des aliments et déjà ça y a beaucoup de plaisir parce que ça monte puis le moment où tu commences à ingérer les aliments t'as les premières bouchées puis ça y est enfin mais après souvent tu sens pas trop le goût des aliments tu sais pas quel goût ça a ça va hyper vite t'es plus vraiment là il y a quelque chose qui déconnecte toi tu dirais que tu restes là

  • Speaker #1

    Alors, je me déconnecte un petit peu parce que dans mon rituel de crise, je regarde des vidéos YouTube. Mais il faut que ce soit des vidéos qui m'intéressent et où j'apprenne des choses. Je ne peux pas juste m'abrutir l'esprit en regardant quelque chose qui ne m'intéresse pas. Donc, ça fait partie.

  • Speaker #0

    Donc, même là, en fait, ça veut dire que tu te souviens de ce que tu as regardé.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Non, mais en fait, il peut y avoir un… Je ne dis pas que les personnes ne se souviennent systématiquement pas. Mais elles peuvent ne pas... De toute façon, c'est complètement accessoire, en fait. Souvent, la vidéo, elle est là pour ne pas être juste en train de manger, pour ne pas trop se voir faire le truc. Et il peut y avoir presque des blackouts, des fois. Il y a des personnes qui ne se souviennent même pas de toute la crise. Tellement il y a un phénomène dissociatif qui revient à l'œuvre. Mais chez toi, ce n'est pas le cas. C'est à se demander si on peut vraiment appeler ça des crises, en fait.

  • Speaker #1

    C'était un petit peu la question de la psychiatre qui me suit actuellement. Parce que c'est vrai qu'en termes de quantité, alors c'est quand même des quantités qui sont plus que ce qu'on attend, ce qui est attendu. Et puis surtout, je me fais vomir après. Mais c'est vrai. Oui,

  • Speaker #0

    mais tu peux souffrir d'anorexie et te faire vomir après chaque repas. C'est vrai. Il y a des crises.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Bon, là, il y a quand même un volume alimentaire qui est conséquent.

  • Speaker #0

    Mais si ce volume alimentaire, on le mettait sur toute la journée ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce serait quand même peut-être un peu plus que mes besoins, je pense. Mais ce n'est pas beaucoup plus, effectivement.

  • Speaker #0

    Donc, je pense qu'il y a quelque chose de ce genre-là. Si tu manges très peu toute la journée, c'est normal que tu aies une énorme prise alimentaire. Et du coup, on peut associer ça à une crise parce que ça paraît énorme, mais finalement, et parce que c'est dit. Si tu gardais cette prise alimentaire, ce serait sans doute difficile à digérer, mais en fait, répartie sur une journée, c'est peut-être pas si déconnant que ça.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est vrai que c'est un peu, je trouve, vicieux, c'est peut-être un peu excessif comme terme, mais le côté restriction me fait, comment dire, j'allais dire me fait plaisir, c'est un peu, de nouveau c'est trop excessif, mais ça fait partie en fait de la crise, j'aime bien d'arriver à ma fin de journée en ayant cette sensation de faim et de me dire que là ça va être que du plaisir.

  • Speaker #0

    Mais en même temps. ce que tu vis dans ce plaisir de dire ah ça y est je vais passer à table, je vais manger tu pourrais le vivre trois fois par jour je sais que ça paraît fou mais en fait la faim naturelle c'est hyper agréable de passer à table en ayant faim et c'est trop cool, on se fait plaisir on mange une quantité qui est reliée à notre besoin on s'arrête parce qu'on a plus faim, plus envie on sait que dans quatre heures on remange donc tu vois il n'y a pas ce truc là et... Je sais que c'est difficile de l'imaginer, mais en fait, c'est un faux besoin, le besoin de crise. C'est quelque chose qui est construit de toutes pièces par la pathologie. Et sans doute que tu vivrais une vie super tranquille, riche, épanouissante, sans ces crises-là. Sans doute que ça ne te manquerait pas. C'est ça que je veux dire. On a toujours l'impression que ça manquerait, le fonctionnement. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que non. Je suis à peu près sûre.

  • Speaker #1

    Moi, je suis effectivement, c'est marrant parce que quand je t'entends, c'est d'ailleurs un petit peu ma problématique, c'est que j'ai l'impression d'avoir une personnalité multiple parce que tu as la partie non malade, tu dis, bah oui, bien sûr, surtout que tu as typiquement. Dernièrement, je suis partie chez ma cousine dix jours où là, elle est au courant. Donc, j'ai un cadre aussi rassurant et tout. Puis là, je ne fais pas de crise et je mange à ma faim et je suis bien.

  • Speaker #0

    Ça ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    J'y pense, mais comme un truc dont tu as l'habitude, tu ne fais pas quoi. Je ne sais pas comment dire, je n'ai pas de sensation de craving. Mais j'y pense.

  • Speaker #0

    Du coup, ça veut dire que tu manges plus que les quantités que tu manges dans ta vie habituelle. Et comment c'est ça pour toi ?

  • Speaker #1

    C'est stressant par moments. Je passe par plusieurs phases émotionnelles pendant le repas. Il y a des moments où je suis là. je mange trop, je mange trop, puis à d'autres moments, je me dis que c'est trop cool de bien manger, de ne pas avoir de limites. Et ça, c'est vraiment... Plusieurs émotions qui passent très rapidement de l'une à l'autre, en fait.

  • Speaker #0

    Et imagine, tu te retrouves pour une raison X ou Y, qu'il n'y a pas le choix, et tu te retrouves à vivre chez cette personne. Tu crois que ça se passerait comment ? Tu finirais par refaire des crises, tu penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que oui, quand même, au bout d'un moment. Sans aucune certitude. Je ne sais pas, parce qu'au final, si je peux tenir comme ça dix jours, deux semaines, sans que j'ai l'impression de complètement décompenser, je me dis que je pourrais tenir plus longtemps.

  • Speaker #0

    Et puis en fait, en t'écoutant, c'est ce que je me dis. Je me dis aussi que c'est compliqué de switcher d'une crise tous les jours à rien du tout. Et que même si déjà, tu te retrouvais à faire une crise toutes les deux semaines, ce serait juste incroyable. Tu te rends compte ? C'est 14 fois moins.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc, en tout cas, c'est intéressant quand tu dis que tu as l'impression d'être double. Oui, je crois que c'est normal. Déjà, en fait, il y a... Il y a la pathologie qui s'exprime, en fait, qui cherche à prendre beaucoup de place. Et de toute façon, tous et toutes, on est multiples. Moi, j'aime bien parler du fait qu'il y a plusieurs parties en nous et puis qu'ils chacune s'expriment. Ce qui est important et intéressant, à mon sens, et ce qui peut être aidant sur un travail de thérapie, c'est de s'imaginer ces différentes parties, mais toujours avoir en tête qu'elles œuvrent dans le même but. Et que ça peut paraître fou, mais la toit, qui est capable d'expérimenter ça chez ta cousine et de ne pas faire de crise pendant dix jours et de dire, bah ouais, c'est vrai, en fait, c'est cool. Et là, toi qui dis, non, mais moi, j'ai besoin de mes crises et qui a ce fonctionnement, tu vois, au quotidien. En fait, vous n'avez pas de but différent. Vous œuvrez ces parties-là, œuvrent dans le même but. Dans un but tourné vers toi. Même si ça peut paraître bizarre, des fois, on a des comportements un peu toxiques, mais qui sont sous-tendus. Malgré tout, par une intention positive en fait, vers soi. Moi, je ne suis pas du tout une adepte de ce qu'on appelle autodestruction et comment on dit, autosabotage. Je ne crois pas du tout à ça. Je crois qu'on utilise des chemins hyper détournés et un peu complexes, mais qu'en fait, on cherche toujours à se soulager, à se faire du bien. Je pense que c'est parti œuvre pour la même chose.

  • Speaker #1

    C'est intéressant d'avoir ton point de vue, parce que c'est vrai que ce n'est pas souvent qu'on entend cette manière de voir les choses.

  • Speaker #0

    Oui, mais en fait, ton TCA, il est protecteur.

  • Speaker #1

    Moi je pense oui. Vous êtes dans ton camp ? Oui. D'ailleurs j'ai commencé il y a quelques temps en arrière une thérapie avec une psychomotricienne qui fait des prises en charge de thérapies brèves. Je ne sais pas si tu connais, c'est 180°. Manifestement c'est quelque chose d'assez connu en France.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas, mais je vais aller chercher.

  • Speaker #1

    Alors ce n'est pas du tout spécialisé TCA mais… Mais là, j'avais besoin d'une prise en charge un peu différente, parce que, je ne suis pas sûre qu'on en parle là, mais le suivi actuel est très focalisé, focus TCA. Et c'est vrai qu'elle, sa grande question, quand je suis les premiers entretiens qu'on a eus, quand j'ai exposé ma problématique, c'est, mais si on vous enlève le TCA, comment ça va se passer ? Quel va être votre état mental ? Est-ce que vous n'allez pas vous... Vous vous développez, vous vous effondrez. Tu vois, il y a quand même une chose qui se passe quand je suis chez ma cousine, c'est que je me réjouis quand même de rentrer pour recommencer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est pour ça que je te posais la question sur « Ouais, ça te manque, voilà. » En fait, c'est important d'être lucide là-dessus aussi et de se dire « Non, ça va, ça se passe bien, mais peut-être parce que tu sais que… » C'est pour ça que je te disais aussi « Et si tu vivais là-bas, tu vois ? » Oui. J'ai regardé 180 degrés, effectivement. j'ai Je ne savais pas qu'on pouvait l'appeler comme ça. C'est l'outil Palo Alto.

  • Speaker #1

    Ah oui, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est un outil auquel j'ai été formée à l'époque. Ça fait longtemps. C'est parmi mes premières formations avec la PNL. Donc, oui, je connais. C'est intéressant. C'est génial. C'est assez complexe à prendre en main. Je ne sais pas s'il y a des thérapeutes qui nous écoutent et qui connaissent. Mais c'est vraiment super.

  • Speaker #1

    En tout cas, la thérapeute, elle est juste exceptionnelle. Puis c'est quelqu'un qui a peu de filtres, donc il dit des choses. C'est assez déroutant quand même. Moi, j'ai fait beaucoup de thérapie depuis l'âge de mes 17 ans. J'ai quand même un certain recul sur les différentes prises en charge et un certain avis sur le monde de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Sens-toi libre de dire exactement tout ce que tu as envie de dire parce que c'est ton espace et c'est important. Et parmi les sujets dont tu avais envie de parler justement dans ce podcast, c'était de la chronicisation des troubles alimentaires. Et on est en plein dedans aussi. Peut-être que je prends un peu trop les devants, mais j'ai envie de te questionner sur, à ton avis, pourquoi est-ce qu'il y a cet aspect chronique chez toi, mais chez plein de gens ? En fait, tu n'es pas du tout la seule dans cette situation. Et j'y pense parce que tu parles de toutes les prises en charge. ce que j'entends c'est que C'est pas faute d'avoir essayé. En fait, tu as fait plein de choses. Donc, comment tu comprends le fait que ça n'ait pas fonctionné ? Je mets de gros guillemets, mais je précise, les gens nous écoutent. Toute petite parenthèse et puis je te laisse me répondre. C'est juste que quand je dis ça n'a pas fonctionné, moi, j'aime bien l'idée du puzzle, en fait, et de pièces qu'on emboîte et qu'on ne peut pas voir le résultat tant qu'il n'y a pas toutes les pièces. Donc, c'est pour ça, je suis sûre qu'il y a des tas de trucs qui ne t'ont pas servi à rien. mais qui vont peut-être prendre sens un peu plus tard.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'espère, honnêtement, parce que c'est vrai que j'ai testé beaucoup de choses. Et puis, je suis aussi suivie par un médecin, un dictologue qui, effectivement, est adorable. Parce qu'à chaque fois que je l'ai en entretien, on se voit tous les deux, trois mois. Et maintenant, Cynthia, vous m'hallucinez parce que vous lâchez pas. C'est vrai que depuis l'âge de mes 18 ans, j'ai plus ou moins toujours été suivie par différents thérapeutes. Je pense que dans ma situation, ce qui a manqué, c'est de ne pas avoir un suivi spécialisé TCA d'emblée. Parce qu'en fait, suite au suicide de mon père, une année et demie après, j'ai dû être hospitalisée parce que j'avais des pensées suicidaires. Et puis là, il y a eu un suivi psychothérapeutique, mais pédopsychothérapeutique, qui a été mis en place avec une pédopsychiatre. Et je n'ai jamais caché mes TCA, mais je n'ai jamais... vraiment un suivi spécialisé jusqu'en automne 2023. Ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai été suivie quelques temps par une psychologue qui était dans un centre spécialisé troubles alimentaires ici en Suisse. Mais c'était un suivi d'une fois par mois. C'était un suivi assez superficiel parce qu'elle était plus référente pour l'association qu'à proprement parler psychologue individuelle. Donc, elle m'a un petit peu orientée vers d'autres types de thérapies qui pourraient m'aider. Et puis, j'ai fait une psychanalyse, j'ai été aussi suivie par une psychiatre. Quand j'ai eu les réminiscences de ce problème incestuel, ça s'est venu avec la psychiatre qui m'a fait de l'AMDR, j'ai fait de l'hypnose avec elle. Donc, j'ai vraiment eu un suivi. Je crois que je n'ai jamais trop lâché le suivi. Ce qui est dommage, c'est que ça n'a jamais été focus TCA, je pense, avec du coup... Tu es plus généraliste, en fait, j'ai l'impression, comme prise en charge. Parce que je me rends compte quand même d'une chose, c'est que cette maladie-là, elle est quand même très, très particulière, puis elle nécessite des compétences particulières des thérapeutes.

  • Speaker #0

    Ok. Et pour toi ? C'est vraiment ce qui explique la chronicisation, finalement, ce manque de prise en charge. Mais alors, en fait, il y a d'autres questions qui viennent de là. C'est pourquoi ce manque de prise en charge, du coup ? Tu dis que tu n'as pas caché tes TCA, alors pourquoi tu n'étais pas prise en charge ?

  • Speaker #1

    Alors, je pense qu'il y a une question d'époque. Parce que moi, les premiers suivis que j'ai eus, c'était dans les années... Fin des années 90. Donc, c'était pas... très, on n'en parlait pas tellement. En tout cas en Suisse, après voilà, moi j'ai mon focus suisse forcément, mais c'était pas quelque chose dont on parlait beaucoup. Et puis en fait, bon, il y a eu une autre problématique qui s'est ajoutée, c'est que dans le CHU où je travaille, il y a un service spécialisé pour TCA. Et c'est le seul dans la région où je vis qui fait des suivis spécialisés. Et en fait, ça me posait un gros problème, moi, d'avoir, en guillemets, mon employeur qui soit aussi mon soignant. C'est un peu résumé, mais j'ai mis beaucoup de temps à accepter de me faire suivre par cette structure qui me suit maintenant depuis plus d'une année. Parce que justement, déjà, j'avais peur que mes collègues commencent à aller voir mon dossier parce que forcément, il y aurait des traces de mon suivi, même si on n'a pas le droit de le faire en tant que soignant. on n'a pas le droit d'aller checker le dossier de nos collègues. Mais nous, en tant qu'infirmiers anesthésistes, on a accès à tous les dossiers patients. On est contrôlé, mais je ne pouvais pas avoir la certitude qu'il n'y ait pas une faille dans le système de sécurité. Je n'étais pas du tout prête, en tout cas avant ces derniers temps, à ce que ma maladie soit connue. par mes collègues.

  • Speaker #0

    Est-ce que d'une manière générale, tu vas peut-être trouver ma question un peu sauvrenie, mais je vais t'expliquer, est-ce que d'une manière générale, c'est compliqué pour toi de faire confiance ? Oui. Ça génère pas mal de peur. En fait, ce que tu disais par rapport à tes collègues, en fait, j'avais envie de te répondre, ouais, t'avais peur qu'ils soient abusifs, en fait. Tu vois, parce que c'est une forme d'abus de faire ça. Oui. D'aller checker. Tu vois, le dossier de la collègue, enfin, je me dis, il y a un côté, alors au-delà d'être illégale, c'est un peu délirant, tu vois. Tu te dis, mais attends, qui fait ça ? Ben ouais, mais en fait, peut-être qu'il y a quelque chose de très ancré chez toi autour du système abusif, tu vois, dont tu as été victime dans l'enfance.

  • Speaker #1

    Oui, et renforcé par 17 ans de concubinage avec un ex-compagnon abusif. Donc, oui.

  • Speaker #0

    Oui, OK. Il y a des choses qui se sont un peu, j'allais dire, évidemment répétées, dans le sens où, encore une fois, il y avait une amnésie traumatique qui faisait que tu ne pouvais pas mettre au travail. C'est compliqué de mettre quelque chose au travail dont on ne se souvient pas. Donc, en fait, ça te plonge ça dans, malheureusement, souvent, en tout cas, ça plonge souvent les gens dans un système de répétition.

  • Speaker #1

    OK.

  • Speaker #0

    C'est la question que je me demandais aussi tout à l'heure, justement, si tu vivais seule.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, effectivement, j'ai été mariée pendant peu de temps, mais pendant une année avec mon premier copain. Et puis nous, on s'est séparés en 2003. Puis après, j'ai connu celui qui a partagé ma vie un bon nombre d'années. Et puis avec lui, on s'est séparés en 2021. Et depuis, je vis seule. À part ça, je n'ai jamais vécu avec mon ex parce que... On avait une relation en dents de scie avec beaucoup de séparations, de remises en couple et tout. Et puis, bref, c'était une relation aussi où il avait d'autres femmes. Bref, c'est très compliqué comme relation. Et puis, du coup, on n'a jamais vécu ensemble. On a quand même été ensemble pendant 17 ans.

  • Speaker #0

    Ça t'arrangeait aussi quelque part de ne pas vivre avec lui, au-delà de la réalité de votre relation, mais par rapport aux troubles alimentaires ?

  • Speaker #1

    Oui, très clairement.

  • Speaker #0

    Il le savait, lui ?

  • Speaker #1

    Il le savait. Et puis, en fait, il l'a su au début. Puis après, j'ai commencé à lui mentir, à lui dire que je ne faisais plus de crise et tout ça. Parce qu'en fait, il m'a à un moment menacé que si je continuais à faire des crises, il m'a menacé par rapport à mes crises, en fait. Qu'il allait être violent avec moi si je faisais des crises.

  • Speaker #0

    Jusque-là, d'accord. Oui.

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu en plus de la violence physique de sa part, la violence sexuelle. Non, non, c'est allé assez loin, cette histoire.

  • Speaker #0

    Wow. C'est des choses que tu as pu mettre au travail ?

  • Speaker #1

    Oui. Que je suis en fait en train de travailler là, actuellement surtout, en fait. Parce que je me suis sentie très coupable par rapport à sa violence, surtout que, bien évidemment, après, je ne suis pas en train de minimiser ce qu'il a fait, mais je n'ai pas non plus toujours eu des attitudes correctes avec lui. Et puis, forcément, il m'était... sur tout le point, sur tout ce que je faisais de faux et de mal et de méchant vis-à-vis de lui pour pouvoir légitimer ses abus. Et ça, c'est encore compliqué de sortir de ça parce qu'effectivement, je me dis... Il y a toujours une part de moi qui me dit « je l'ai mérité, finalement » .

  • Speaker #0

    Et en même temps, c'est le système abusif.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    C'est comme ça que ça fonctionne. C'est comme ça que fonctionnent toutes les personnes qui usent de leur... pouvoir dans un système abusif. Et ça veut dire aussi que quand tu as eu la levée d'amnésie traumatique, tu étais avec cet homme-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai envie de dire entre autres grâce ou à cause de lui que j'ai eu cette levée. Je me suis souvenu un peu de tout ce qui s'est passé parce que en fait, je l'ai trompé. Il faut savoir que lui, je pense qu'il m'avait trompé avec une dizaine de femmes avant moi. Donc moi, je l'ai trompé. Il l'a extrêmement mal pris parce que c'était en plus un contexte particulier. Enfin bref. Et du coup, en fait, c'est là où sa violence, qui jusque-là était psychologique, s'est transformée en violence physique et sexuelle parce qu'il ne l'a pas du tout accepté. Et en fait, dans tout ce contexte d'hyper-violence, c'est là où tout à coup, j'ai eu des espèces de réminiscences. Effectivement, je me suis dit mais... Il y a un truc qui est en train de se passer et je me suis souvenu d'un ou deux événements avec mon père et je me suis dit mais c'est pas normal. Et en fait jusque là, si tu veux, les souvenirs ils étaient là, mais c'est comme si c'était normal. Et là tout à coup j'ai eu vraiment cette espèce de prise de conscience en me disant mais non, un père il commence pas à embrasser sa fille. En mettant sa langue, il ne commence pas à venir dans son lit et se frotter contre. Mais jusque-là, j'avais les souvenirs, mais pour moi, c'était complètement déconnecté de toute interprétation. Mais voilà, c'est apparu. C'est vraiment ressorti dans ce contexte d'hyper-violence et de viol.

  • Speaker #0

    Toute cette violence.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cette violence. Est-ce que tu arrives ? à t'accorder du soin parfois ?

  • Speaker #1

    Alors oui, j'adore me faire masser. Trop bien. Et puis en fait, c'est aussi marrant parce que mon côté soignant a aussi pris le pas par rapport au TCA et depuis toutes ces années, j'ai développé aussi des moyens pour prendre soin de moi, pour essayer de compenser les effets délétères de la maladie. Je me suis beaucoup informée par rapport aux risques de dénutrition. J'ai toujours accepté de me faire suivre. physiquement parlant par des gens à qui j'avais parlé de mes TCA. Je suis suivie par un gastro-entérologue, parce que évidemment avec les vomissements et tout ça, ça a des impacts importants sur ma santé. Et puis, j'adore lire. J'adore prendre du temps pour moi pour lire de la romantésie. Et puis, malgré tout ça, j'ai aussi un cercle social qui est peu étendu. Mais les amis que j'ai, c'est vraiment des personnes exceptionnelles. Ça me dit, je vais chez l'esthéticienne qui est devenue une de mes meilleures amies. Dans trois semaines, je vais chez ma coiffeuse qui est devenue une de mes meilleures amies. Il y a tout comme ça des choses que j'arrive à mettre en place pour effectivement prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant ce système de réparation finalement que tu mets en place, enfin de prévention et de réparation autour des TCA.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et alors, à la fois… Je trouve ça très chouette et très doux. Effectivement, je trouve que c'est un signe de... C'est une belle façon de prendre soin de soi. Je ne sais pas comment le dire différemment. Et à la fois, je te le partage, ce que ça m'a fait, je me suis dit, c'est comme si c'était intégré comme... Bon, c'est là. De toute façon, ça fait partie de moi. Tu vois, un peu un côté inéluctable, en fait.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors que pas nécessairement, mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu comme ça quand on a parlé. Alors qu'on peut très bien se dire, ok, temporairement, j'ai des troubles alimentaires et je sais qu'il y a des risques. Donc, en attendant de guérir, je vais prendre regard aux risques qu'il pourrait y avoir. Mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu en mode, c'est là, c'est comme ça, ça ne bougera pas. Mais il faut que je fasse attention à ce que ça peut abîmer chez moi. Ça te parle ou pas ça ?

  • Speaker #1

    Complètement. Je pense à un shift que j'ai fait dans mon esprit il y a une dizaine d'années en arrière, en me disant que de toute manière, ce sera toujours là. Mais qu'est-ce que je peux faire pour vivre avec ? C'est pour ça que pour moi, c'était important aussi de témoigner par rapport à mon vécu, parce que cette pensée de me dire que je mets en place des stratégies pour vivre avec mon TCA, c'est bien et ce n'est pas bien dans le sens où... effectivement il y a ce côté inéluctable qui est présent et puis je me sens coupable en quelque sorte de me dire que je suis la croyance que ce soit inéluctable mais en même temps là

  • Speaker #0

    encore est ce qu'il n'y a pas d'autres parties de toi qui disent d'autres choses est ce que tu n'as pas encore l'espoir de t'en sortir ?

  • Speaker #1

    alors si si j'ai encore l'espoir parce que sinon Sinon, je continuerai pas à faire ce que je fais, puis je laisserai tout tomber, puis je continuerai. Mais c'est de nouveau pas toute ma personne qui y croit. C'est vraiment une petite partie qui croit qu'il y a encore un moyen de sortir de ça.

  • Speaker #0

    Et elle ressemblerait à quoi ta vie, en étant sortie de ça ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup de peine à me projeter, je sais pas. J'aurais beaucoup plus de temps, ça c'est sûr, c'est assez chronophage ces crises de fin de journée. Et puis je pense que, où j'essaye de me projeter, c'est... Je suis en train de me réparer petit à petit de mon ancienne relation, et là j'ai une nouvelle envie de redécouvrir, enfin voilà, de retenter une nouvelle relation, parce que j'ai quand même conscience que pas tous les hommes sont comme mon ex, heureusement. Et puis ça me manque, tout simplement. C'est vrai que j'associe un peu à une projection de vie de couple, la vie sans TCA. Mais je n'ai pas envie d'attendre que je n'ai plus de TCA pour trouver un compagne. Attention, pour moi, sinon, on ne s'en sort jamais. Effectivement, j'ai un peu cette association vie sans TCA, mais vie avec un homme.

  • Speaker #0

    Ok, mais c'est intéressant. Peut-être même de creuser encore davantage, je ne sais pas, peut-être que ça ne te parlera pas, mais peut-être, je ne sais pas si tu aimes écrire, mais de se projeter vraiment dans... Là, c'est un peu flou, mais tu te dis, ok, je sais que j'aurai plus de temps, à quoi je l'utiliserai ? Comment tu imagines être, te sentir dans ton corps, au niveau énergie, au niveau de fatigue, dans ton travail ? Comment tu imagines que tu mangerais si tu n'avais pas de TCA ? À quoi ça ressemblerait ? Est-ce que tu y restes spontanément au restaurant ? Qu'est-ce que tu ferais avec ton chéri ? Si tu te projettes dans une vie de couple, est-ce que vous vivriez ensemble ? Est-ce que vous auriez du temps pour cuisiner ensemble ? Est-ce que tu vois ? De rendre ça... de t'imaginer un peu le film de ta vie sans ce trouble alimentaire, de rendre ça peut-être un peu plus palpable. Peut-être que ça viendrait un peu rééquilibrer les deux parties de « ouais, c'est inéluctable, je vais vivre avec ça jusqu'à la fin de mes jours » et le « non, non, en fait, il y a moyen de s'en sortir, de donner vie aussi à ça » .

  • Speaker #1

    Surtout que quand je t'entends parler, là, je me dis effectivement, tu vois, avec mon premier compagnon, on était fan de tous les… Les restaurants gastronomiques. Donc, on s'est fait tous les 1, 2, 3 étoiles Michelin de la région. Enfin, vraiment, c'était vraiment une passion qu'on avait en commun. Et ça, ça me manque, quoi.

  • Speaker #0

    Ah, chouette, ça. Mais oui. Mais de toute façon, il y a quelque chose d'un peu épicurien chez toi. Ça se sent, tu vois. Même quand tu dis ce que tu appelles tes crises, où effectivement, on peut se demander si ce sont des vraies crises. Tu cuisines, le goût est super important, c'est génial. Et en fait, ce serait développer encore davantage ça. Loin de peut-être une croyance qui est accrochée à toi, qui est reliée à ton père, et dans vraiment la compulsion alimentaire, le trop, le dégoût. En fait, sortir du trouble alimentaire, c'est au contraire être dans quelque chose plutôt proche du vrai plaisir de manger, dans le sens dégustation. dans le sens partage, c'est tout ça qui reprend vie finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est vrai que ça… Je l'ai encore un peu par moments, justement, je ne m'interdis pas de sortir, je ne m'interdis pas les restos, même si c'est quand même un petit peu plus compliqué ces dernières années, vu que le côté anorexique, je trouve, a pris beaucoup de place ces dernières années. Mais voilà, j'ai encore ce plaisir-là et puis… Je me l'accorde, même si pas autant que je le souhaiterais, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Il y a un autre sujet dont tu avais envie de parler, qui t'en a parlé déjà plusieurs fois. Tu as dit que tu étais soignante, tu es infirmière, anesthésiste. Et en fait, tu me disais que ce n'était pas simple, ça, parfois. Le fait de souffrir de troubles alimentaires alors que tu es soignante.

  • Speaker #1

    Oui. C'est surtout qu'en fait, c'est la psychiatre qui me suit actuellement qui effectivement m'a dit une fois, mais vous êtes beaucoup dans le contrôle. Puis c'est un petit peu compliqué de vous prendre en charge parce que vous avez beaucoup de connaissances par rapport à votre maladie et puis par rapport au système de santé. Et ça a été vraiment compliqué pour moi il y a une année et demie en arrière parce que j'ai été hospitalisée pendant cinq semaines. dans une clinique qui s'occupe des addictions et des TCA. Et j'ai été très... Enfin, disons qu'étant moi-même soignant, je sais que le système de santé, il est dysfonctionnel et que pas toutes les personnes qui soignent les autres personnes sont forcément bienveillantes. Et ça m'a d'autant plus choquée de me rendre compte que dans cette clinique, il y a eu des gens qui m'ont sorti des choses qui étaient complètement... aberrantes et qui, à mon avis, ne devraient pas faire partie de notre rôle de soignant. Exemple, moi j'ai des problèmes de dos. J'ai été opérée d'une scoliose quand j'étais adolescente, donc j'ai des tiges dans le dos. Et puis ça, ça nécessite une certaine... Je n'ai pas besoin de faire du sport, mais du mouvement. J'ai besoin de mouvement, parce que dès que je reste trop statique, j'ai des douleurs qui se réveillent et tout. J'explique ça dans le centre qui me suit, en disant, parce que là-bas, on n'avait pas le droit à deux balades par semaine, pas de sport ou quoi que ce soit. Il fallait, je crois, ils avaient mis une référence de BMI à plus que 20 ou 21 pour pouvoir faire du sport. J'étais à 19,5. Donc, je n'avais pas le droit à plus de deux balades par semaine et surtout, il ne fallait pas que je fasse de sport. Et quand j'explique ma problématique. avec des termes médicaux, où j'avais quand même l'impression que, vu mon rôle professionnel, on allait m'entendre. La seule chose qu'une des infirmières a réussi à me dire, c'est « c'est la maladie qui parle, tu as besoin de faire de l'activité physique, c'est la maladie qui parle » . Je ne crois pas, non. Et ça, c'est quand même plusieurs fois des choses que j'ai repérées chez les personnes qui m'ont soignée. Comme c'est quelque chose qui m'a sensibilisée parce que moi-même je soigne, je ne sais pas si... L'attitude que j'ai eue, qui justement leur faisait peut-être un effet miroir, a fait que du coup, elles étaient inconfortables à me prendre en charge. Et cette impression a été confirmée effectivement par la psychiatre qui me disait que c'était un petit peu plus compliqué pour elle, sans que ce soit une critique.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, je ne peux pas m'empêcher de rebondir sur ce que t'as dit la psychiatre en disant que vous êtes quand même beaucoup dans le contrôle. et vous avez beaucoup de connaissances sur la maladie. Alors, quelle autre maladie que les TCA peut s'appeler la maladie du contrôle ? Enfin, je veux dire, c'est juste... Si tu as l'habitude d'accompagner des personnes qui ont des troubles alimentaires, et a fortiori, du côté de l'anorexie, il y a du contrôle. C'est la maladie du contrôle, c'est ça en fait, de l'hyper-contrôle. Et le côté beaucoup de connaissances, c'est pareil. On est dans l'hyper-intellectualisation, de toute façon, dans ces pathologies, donc dans une recherche. aussi d'aller comprendre. Et encore plus si tu es dans une chronicité de ton trouble, tu te renseignes, tu cherches. Et du coup, c'est un peu surprenant. Moi, quand je t'ai entendu dire ça, je me suis dit, en fait, c'est quelqu'un qui n'a pas l'habitude de prendre en charge des troubles alimentaires. Moi, c'est ça que ça m'évoque. Parce que oui, c'est ça, c'est comme ça. Mais est-ce que tu disais par rapport au centre de prise en charge ? Je pense que c'est hyper complexe de prendre en charge l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est hyper complexe. Oui, oui. Et qu'en fait, en plus de ça, c'était un centre SP addicto TCA, et du coup, tu vois, on sent aussi le positionnement des personnes qui bossent en addicto, qui sont dans une méfiance de ce qui est amené par le patient. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #0

    enfin bon Vous essayez de nous rouler dans la farine. Il y a beaucoup ça dans ce truc. Les personnes qui souffrent d'anorexie, elles vont chercher à nous manipuler de toute façon pour arriver à leur fin. De la même manière qu'on va imaginer ça. Et ce n'est pas que de l'imagination, effectivement. C'est une personne qui est accro à des substances et qui va tout faire pour aller en chercher, tu vois. Et c'est ça que je vois. J'ai l'impression qu'il y avait vachement de méfiance et que c'était compliqué d'entrer en vraie relation quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, et puis moi, j'ai assez mal vécu parce que quand je m'occupe de mes patients, si je ne suis pas en relation avec eux, ça ne le fait pas, surtout qu'après, ils dorment et tout. C'est d'autant plus important que la phase avant de les endormir, il y a cette relation de confiance qui s'instaure. Alors, elle vaut ce qu'elle vaut parce que c'est vraiment sur très courte durée. Mais voilà, et ça, je n'ai pas retrouvé ça chez les soignants. Chez certains, oui. Je suis un petit peu dure. Pas chez tous, mais en tout cas, chez certains, oui. Mais ça, j'ai trouvé vraiment dommage. Parce que je sais qu'on peut faire différemment. Et que c'est la clé, je trouve, d'une prise en charge bienveillante et soignante. On ne doit pas être dans l'empathie absolue, mais tu dois accompagner l'autre où il se trouve. Il ne fallait pas avoir des espèces d'idées préconçues. Effectivement, toutes les anorexiques mentent. Bien sûr, et moi aussi, je me suis retrouvée à manipuler mon entourage pour pouvoir satisfaire mon trouble. Mais en tout cas, là, à ce moment-là, j'étais pas dans la manipulation. Oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a quand même la question de l'âge qui est un peu différente, je pense, qui devrait amener une prise en charge différente.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à redire et beaucoup de choses à changer sur ces prises en charge-là. Oui, je pense que c'est... Mais je pense aussi sincèrement que c'est très complexe. Franchement, la prise en charge notamment de l'anorexie, c'est quand même quelque chose de très complexe. Et puis, qui ramène en tant que soignant à une forme d'impuissance. Et en tant que soignant, on n'aime pas trop être impuissant. Parce que si on est devenu soignant, c'est qu'on veut, je mets des normes guillemets, mais on ne va pas sentir, on veut sauver les gens. Tu vois ? Bien sûr. Voilà, donc c'est hyper compliqué. Et je parle de moi aussi en disant ça. C'est vrai que moi... C'est une problématique, l'anorexie, qui est plus complexe, je trouve, à accompagner et plus énergivore.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    Mais après, je pense que chacun son vécu et ça dépend où on en est dans sa posture de soignant aussi, on va dire. Mais justement... J'ai envie de revenir sur cette posture de soignant, on en parlait un peu en off tout à l'heure, du fait que ça pouvait être aussi difficile d'être soignante, donc tu l'as dit, pour ta prise en charge, tu as l'impression que ça a joué des choses quand même avec les autres soignants, mais... aussi peut-être cette question de cette culpabilité, ces sentiments un peu bizarres de se dire je suis soignante, je prends soin des autres. Alors que moi, je souffre de cette pathologie-là, comme s'il y avait un peu un sentiment d'imposture.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Je pense que c'est pour ça aussi que ça a été très compliqué pour moi pendant des années, de franchir le pas d'en parler. Parce qu'effectivement, je me sens encore maintenant coupable de ne pas m'en être sortie. Comment je peux prétendre, moi, prendre soin des autres si je ne suis pas capable de prendre soin de moi ? Maintenant, j'ai aussi fait la part des choses. Je pense que ce qui m'aide, c'est que dans mon métier d'anesthésiste, je m'occupe principalement des enfants. Je fais bien la différence entre mes patients et moi. En anesthésiste, ce qui est topissime en tant que soignant, c'est que tu injectes un médicament et la personne n'a plus mal. C'est très on-off, c'est très valorisant comme ça. Mais mine de rien, ça reste quand même très compliqué parce qu'effectivement, je me sens... Oui, le fameux syndrome de l'imposteur qui est très à la mode en ce moment qu'on entend. Dans toutes les circonstances, c'est vrai que ça, c'est quelque chose qui est très présent chez moi.

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut parler, c'est ce que je te disais aussi en haut, je pense que ça peut parler à pas mal de personnes parce que j'ai pas de chiffres là-dessus, mais je serais pas étonnée qu'il y ait beaucoup de personnes qui souffrent de troubles alimentaires qui soient dans le prendre soin, déjà, statistiquement. Dans les TCA, 90% sont des femmes. Les métiers du prendre soin sont quand même principalement occupés par des femmes. Donc déjà, statistiquement, on a quand même pas mal de chances que ce soit le cas. Mais aussi parce que, je ne sais pas trop comment on peut l'expliquer, mais dans les troubles alimentaires, souvent, je trouve qu'on retrouve des personnalités comme ça, très tournées vers l'autre, à vouloir faire attention aux autres, avec un oubli de soi, un effacement de soi. aussi parce que prendre soin des autres, ça permet peut-être aussi de manière un peu volontaire, même si elle est inconsciente, de moins penser à ce qui nous pollue nous. Il y a plein de choses. Je pense qu'en fait, c'est fréquent, c'est hyper représenté. Et je pense que c'est très culpabilisant. Je ne sais pas si c'est culpabilisant de bon mot, mais de se dire, mais en fait, qui suis-je pour prendre soin des autres alors que moi, je suis dans cet état-là, je suis incapable de prendre soin de moi. C'est ça. en même temps alors que moi j'ai envie de me dire que c'est aussi ça peut-être qui te rend si capable d'empathie et tu vois de prendre soin quoi.

  • Speaker #1

    En tout cas dès que je laisse un petit peu ce côté syndrome de l'imposteur de côté c'est là où je me sens où j'ai l'impression d'avoir. que ma vie a du sens, en fait, tout simplement. Et c'est là où j'ai beaucoup de chance, parce que j'ai vraiment un métier qui me stresse beaucoup par moments, mais qui est vraiment un métier ressource, parce que j'adore ce que je fais, quoi. Oui. C'est génial.

  • Speaker #0

    C'est top. Ça se sent tellement, dans ta façon de le dire, ce visage, comme quelque chose de très posé, là, quand tu le dis.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vraiment un très chouette métier. Mon seul souhait, c'est que les gens puissent effectivement trouver une voie professionnelle qui les épanouisse. Alors bien sûr, le travail ne fait pas tout, mais quand ça peut être une source d'épanouissement, pas toujours, pas tous les jours, pas toutes les heures. Il y a des fois où je n'ai pas envie d'aller bosser, c'est que je suis comme tout le monde. Mais quand globalement, tu trouves un moyen pour t'épanouir. et de trouver ta place sur cette terre, je trouve que c'est vraiment un game changer.

  • Speaker #0

    Ça aussi c'est une question très présente, je trouve, chez les personnes qui souffrent de troubles alimentaires, cette question de la place.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est marrant parce que moi c'est vraiment un questionnement que j'ai et que j'ai souvent associé parce que, en tout cas chez moi, il y a un syndrome dépressif qui est associé au TCA. En plus, je fais de la résistance aux antidépresseurs donc j'ai essayé plusieurs antidépresseurs, ça n'a jamais fonctionné. Mais c'est vrai que les fois où j'ai eu des périodes où j'avais plus de pensées suicidaires, c'était vraiment ce côté, mais à quoi je sers ? Pourquoi je suis là ? En plus, moi, mes projets de vie, c'est d'avoir des enfants, je n'ai pas d'enfants. Donc, ça a toujours été un peu une question centrale dans ma vie. Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que je fais ? Est-ce que vraiment ça a du sens que je reste en vie ? Pourquoi souffrir finalement ? Et là, je dois avouer, à 48 ans, et c'est aussi pour ça que j'ai envie de dire aux gens de garder espoir, c'est que là, ok, je n'ai pas d'enfant, je n' Mes projets de vie tels que je les imaginais ne se sont pas forcément réalisés, mais grâce à mon activité professionnelle, là maintenant, par procuration, je m'occupe d'enfants. Et il n'y a rien de plus beau que de vous prenez l'enfant dans vos bras, parce que quand ils sont petits, et que les parents ne sont pas là, on les prend dans les bras, puis on les endort dans nos bras. Et puis on sent qu'ils lâchent et qu'ils nous font confiance, ça c'est des moments exceptionnels. Et voilà, ce n'est pas mon enfant, mais... Pendant un court instant, je peux m'occuper de cet enfant de la manière la plus bienveillante et de ce dont il a besoin à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Ce que tu dis sur la question de la place et ce côté associé à des idées suicidaires, mais qu'est-ce que je fous là ? Je ne sers à rien. C'est aussi quelque chose que j'ai beaucoup entendu chez les personnes victimes d'inceste. Je pense qu'il y a quand même quelque chose. Ça se comprend aussi assez facilement. sur ce flou dans la place quand tu vois à quel point justement l'inceste vient foutre le bordel dans la question de la place c'est à dire qu'on vient effacer les limites normales d'une famille tu vois, tu es censé être la fille et en fait le père te met à la place de femme alors que tu es sa fille tu vois, je veux dire on est sur les premières places fondamentales et fondatrices et on vient Voilà, foutre le bordel là-dedans et du coup ça peut engendrer tout un tas de questionnements autour de ça et puis surtout une mésestime de soi très très forte, d'inceste. Ah oui,

  • Speaker #1

    ah oui.

  • Speaker #0

    Donc c'est souvent très lié aussi.

  • Speaker #1

    Le problème c'est que cette mésestime elle est extrêmement présente puis elle renforce le trouble. C'est hallucinant. Moi, je vois, ça reste très compliqu�� pour moi d'avoir une bonne vision de ce que je suis et de ce que je fais. Souvent, je me dis, je suis nulle, je ne vaux rien, je suis con, je suis grosse, je suis moche. C'est vraiment un discours intérieur. Je voulais aussi en parler dans le sens où, même en ayant 48 ans, on est encore dans cette dynamique d'esprit de se trouver trop con, trop moche, trop bête, trop nulle.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a la possibilité d'agir aussi là-dessus.

  • Speaker #1

    Oui, et ça pèse quand même avec les années, moi je trouve quand même. Et ça, c'est chouette parce que moi, ce que j'ai compris avec le temps, c'est que ces pensées-là négatives, finalement, ne restent pas en tête. Et c'est ce que je fais maintenant, c'est quand elles me viennent en tête, je me dis OK, bon, ça va passer. Attends 5 minutes, 10 minutes. Et effectivement, c'est des pensées, ça passe. toute manière, à un moment donné, ça passe.

  • Speaker #0

    C'est clair, ce n'est pas la vérité absolue.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ce qu'on appelle la diffusion cognitive, ne plus fusionner avec ces pensées qui débarquent et avoir l'impression que c'est Dieu qui nous susurre la vérité à l'oreille. Non, non. Et c'est trop compliqué pour toi de les contredire ?

  • Speaker #1

    J'y arrive petit à petit. Mais bon, il y a encore certaines pensées où je n'y arrive pas, mais d'autres, entre autres. tout ce qui est en lien avec l'activité professionnelle, là maintenant j'arrive à me dire, non, je ne suis pas nulle, non, ce que je fais c'est bien, parce que justement à force d'avoir quand même des retours positifs, et là le regard des autres a quand même son importance, j'essaie de, enfin, je pense qu'on a souvent cette croyance de se dire, il ne faut pas attendre des autres qui nous aident à remonter notre propre estime, mais ça aide quand même, et ça a quand même son importance.

  • Speaker #0

    Oui, mais de toute façon, c'est comme ça qu'elle se construit. C'est aussi pour ça que dans le cadre de traumas infantiles, il y a des choses qui semblent très accrochées. C'est parce que quand on est petit, malléable et que ça se construit, on construit notre estime de nous en lien avec les personnes directement les plus proches. On est fait comme ça de toute façon. Donc, moi, je suis d'accord. Je trouve que... Tu vois, l'idée d'être complètement détaché du regard de l'autre, c'est complètement utopique. Et en fait, on en a besoin, on a besoin des autres pour vivre. Et je crois qu'on peut faire la nuance entre toute attente de l'autre qui viendrait nous guérir, nous sauver, nous réparer, et juste aller chercher aussi chez l'autre ce qu'il peut nous apporter dans ce chemin de guérison, de réparation, etc. Et donc, oui, ça peut être le regard bienveillant de l'autre, le fait qu'il y a cet autre qui est capable... Alors un collègue qui est capable de nous dire qu'on est compétent, un ami qui est capable de nous dire qu'on est intelligent, enfin tu vois, c'est hyper important je trouve. On a parlé de plein de trucs, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je trouve ça trop bien. Est-ce qu'il y a malgré tout un sujet sur lequel on n'est pas arrivé, quelque chose que tu te semblais important d'aborder pendant notre échange ?

  • Speaker #1

    Non, je crois qu'on a fait pas mal le tour. J'ai vraiment envie de dire aux personnes qui, effectivement, sont dans la chronicité, de ne pas abandonner malgré tout. Moi, maintenant, j'en suis rendue à un stade où j'essaye de me dire que... Les petites choses que je fais au quotidien, c'est déjà bien. Et d'aller chez l'esthéticienne, c'est bien. De sortir de chez soi, c'est bien aussi, parce que ça, c'est aussi un autre truc. L'isolement social en lien avec les TCA, je pense que c'est vraiment très délétère pour le trouble. Et moi, j'essaie de continuer à garder une vie sociale et de la nourrir. Et ça je pense que c'est aussi important de le garder en tête parce que c'est vrai qu'on aurait… si je m'écoutais je ne sortirais plus. Mais non, il ne faut pas s'écouter et comme je disais, ce type-là de pensée, ça reste 5-10 minutes, il faut juste attendre qu'elle passe et puis après on se remotive effectivement à faire des choses qui nous font du bien surtout que dès qu'on est dehors de chez soi, on se rend compte qu'on est bien aussi.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Merci de rappeler ça. Non, mais c'est vrai que la dimension sociale, elle est très, très impactée avec les troubles alimentaires. Et ça demande de l'énergie, en fait, de lutter contre, mais de rien. Donc, bravo à toi. Bravo à toi pour tout ça, finalement, pour quel parcours, quoi. Toutes ces années, parce que c'est pas juste le trouble alimentaire, on est bien d'accord. De toute façon, il a pris place en lien avec plein d'autres choses, mais que... Il y avait déjà des choses compliquées à gérer depuis le début, mais qu'en plus, tu as eu des souvenirs qui sont revenus, mais qu'en plus, il y a eu cette relation toxique. Et qu'en plus... Et voilà. Et en fait, mine de rien, tu es là. Tu es là, tu avances. Tu continues d'apporter aux autres par le biais de tes relations sociales, par le biais de ton travail, tout ça. Donc, bravo. C'est chouette. Je trouve qu'effectivement, c'est un joli message d'espoir. Merci. Un grand merci à toi pour être venue et échanger ici, pour la confiance que tu m'as accordée, parce que j'ai bien compris que ce n'était pas simple la confiance en plus, donc j'en suis d'autant plus honorée.

  • Speaker #1

    Je te suis quand même depuis très longtemps, alors je ne fais pas partie des gens qui manifestent beaucoup, parce que ce n'est pas trop mon genre, mais c'est vrai que... Je ne me serais pas, je ne t'aurais pas contacté si je n'avais pas eu la preuve en long et large, en travers de ta bienveillance, de ton empathie. J'aime bien parce que tu peux ne pas être d'accord avec les gens, tu le diras. Pour moi, c'est aussi un signe de confiance. J'aime beaucoup le fait qu'au-delà de respecter l'autre, tu te respectes toi-même dans tes interactions.

  • Speaker #0

    Wow, merci. C'est un magnifique retour. c'est important pour moi d'entendre ça merci beaucoup et merci pour les personnes qui nous écouteront et chez qui je suis sûre il y aura plein de résonance moi j'espère et surtout garder espoir merci

  • Speaker #2

    Cynthia un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode comme je te le dis souvent ton soutien est super important c'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui alors si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. effectivement tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté merci, merci beaucoup, c'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode, ciao

Chapters

  • Présentation de Cynthia

    01:34

  • Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation

    03:44

  • La première phase d’anorexie

    08:52

  • Le déclencheur des crises de boulimie

    17:50

  • TW mention de faits d’inceste

    43:29

  • Ce que Cynthia aimerait transmettre

    01:10:02

Description


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TW Inceste / suicide


Cynthia est venue vers moi avec une grande envie de témoigner.
L’envie de rendre visible la chronicisation des TCA, de la façon dont ils prennent place, voire racine, dans différentes sphères de la vie et la difficulté à être soignante quand on ne va pas très bien soi-même.

Au détour de notre échange, Cynthia témoigne également de l’inceste dont elle a été victime et du suicide de son père.
Nous évoquons toutes ces choses douloureuses et pourtant, je ressens beaucoup d’espoir, à la fois pour elle et venant d’elle.

Les questions de place et d’identité ont aussi fait partie de notre échange, qui je suis? À quoi je sers? Quelle place suis-je censée prendre? …. Toutes ces questions qui animent souvent les personnes souffrant de troubles alimentaires. 

Un immense merci à toi Cynthia pour cet échange et la façon dont il s’est poursuivi en off.

Au programme de cet épisode : 


Présentation de Cynthia

Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation 

La première phase d’anorexie 

Le déclencheur des crises de boulimie
TW mention de faits d’inceste 

Ce que Cynthia aimerait transmettre


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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Cynthia dans le podcast TCA etc. Je suis très contente de prendre ce temps pour discuter avec toi ce matin.

  • Speaker #1

    Moi aussi,

  • Speaker #0

    un peu stressée mais contente aussi. Je crois que c'est normal à toutes les personnes qui auraient peut-être envie de venir discuter avec moi au micro. Ça peut être normal de ressentir un petit stress, mais en fait, assez rapidement, on oublie qu'on est en train d'enregistrer un podcast, on oublie qu'on est enregistré. Et voilà, l'idée, c'est qu'on discute toutes les deux. Et puis, comme je le dis souvent aux personnes qui viennent à mon micro, en fait, c'est impossible que tu te trompes. C'est impossible que tu dises à un moment donné quelque chose qui ne va pas parce qu'en fait, on vient parler de toi et que tu es donc la seule experte à ton sujet. C'est juste. Et donc, justement, pour entrer dans le vif du sujet, je te... propose de commencer par te présenter de la manière dont tu le souhaites.

  • Speaker #1

    Ok, alors je m'appelle Cynthia, je vis en Suisse, j'ai 48 ans et je suis infirmière anesthésiste dans un CHU depuis 20... pas tout à fait depuis 25 ans parce que j'ai eu un parcours professionnel avant de faire de l'anesthésie mais j'ai toujours été infirmière depuis effectivement 25 ans. Et puis, je souffre. de troubles du comportement alimentaire depuis l'âge de mes 17 ans donc on en est à 31 ans.

  • Speaker #0

    Ok, tu fais le compte des fois comme ça, tu te dis ah ok, ça y est, 30 ans,

  • Speaker #1

    31 ans. Ouais, puis ce qui m'a fait bizarre c'est que, alors ça fait un moment que j'ai passé cette étape-là, mais j'ai vécu plus de temps avec les TCA que sans et ça c'est un constat qui n'est pas très plaisant à avoir mais voilà.

  • Speaker #0

    Ouais, je te comprends. ça me fait écho à l'époque moi le tabac je sais pas si t'es fumeuse mais non tu vois déjà c'est bien un jour je me souviens j'avais fait le calcul et je m'étais dit mais attends là ça y est je vais passer enfin c'était le cas d'ailleurs à l'époque parce que j'ai arrêté à 34 ans et j'avais commencé à 14 ans donc en fait ça faisait 20 ans que je fumais je me suis dit mais attends j'ai 34 ans 34 ans j'ai passé plus de temps à fumer que à ne pas fumer c'est hyper flippant

  • Speaker #1

    On est d'accord, c'est un contexte qui dit mais non, et oui.

  • Speaker #0

    Ok, bon, on va rentrer dans le vif du sujet tranquillement sur les TCA, l'arrivée, le début, le pourquoi, le tout ça. Mais tu le sais puisque tu écoutes le podcast, j'aime bien aussi parler de avant. Et donc, je t'invite à, j'ai envie de te poser cette question, la fameuse question que je pose à chaque fois. Quelle est, quels sont ? tes souvenirs d'enfance en lien avec ton corps, le rapport à ton corps ? Alors des fois, il n'y a rien de particulier parce que justement, c'est un peu un autre sujet. Et le rapport à l'alimentation, qu'est-ce qui te revient spontanément quand tu repenses à ton enfance ?

  • Speaker #1

    Alors le premier souvenir qui me revient, c'est quand j'avais une dizaine d'années, je regardais mes cuisses et je me disais « Oh, j'ai des grosses cuisses ! » Ça, c'est vraiment un des premiers souvenirs que j'ai, alors que j'étais une enfant tout à fait normale, ni mince, ni grosse. Jamais eu trop de problèmes à ce niveau-là. Et c'est vrai que nous, dans notre famille, on a toujours eu un rapport à l'alimentation complètement perturbée. Dans le sens où mon père souffrait d'obésité, vraiment morbide. Et il était constamment au régime. Et en fait, il faisait des crises d'hyperphagie, donc ça ne marchait jamais. Et j'avais une maman, ça me fait toujours sourire quand tu parles de ces mamans des années 80. aussi une maman qui était perpétuellement au régime qui mettait son Marie au régime sur la demande de mon père. Et puis, ma mère a toujours été très mince. Mais on en a rediscuté encore dernièrement. Elle aussi, elle a un rapport à l'alimentation qui n'est pas du tout apaisé. Elle est aussi très regardante par rapport à son physique. Et puis, elle était aussi dans la restriction. durant toute mon enfance. Et c'est vrai qu'on a toujours baigné dans cette ambiance de régime. En plus, mon père, comme il ne supportait pas très bien les régimes, dès qu'on rentrait de l'école, il nous envoyait aller acheter des choses dans les boulangeries pour qu'il puisse compenser ce qu'il n'avait pas mangé jusque-là. Donc, c'est vrai que ça a toujours été une problématique centrale dans notre famille. Mais moi, je n'ai pas le souvenir d'avoir... Je me souviens de cette histoire de grosses cuisses et qu'à l'adolescence, je me forçais à manger des quatre heures sous prétexte que c'était bon pour moi alors que je n'avais pas forcément faim. Il y avait déjà quelque chose d'un petit peu perturbé.

  • Speaker #0

    Et qui est-ce qui disait que c'était bon pour toi ?

  • Speaker #1

    Moi-même. Je m'étais persuadée qu'à quatre heures, il fallait que je mange deux tartines et que Je bois 20. Un chocolat froid. Je ne sais pas d'où cette croyance me vient. Est-ce qu'une fois j'avais entendu ça ou je ne sais pas. Je me souviens très bien que sur les coups des 14 ans, c'était un rituel que je m'étais imposé. Et du coup, suite à ça, j'ai pris un petit peu de poids jusqu'à l'âge de mes 17 ans. Et en fait, il y a eu un gros déclic l'été de mes 17 ans où j'ai un de mes... très bon copain qui m'a dit « Oh, t'as pris du poids ! » La fameuse phrase qui te précipite le nez dedans, les premiers régimes. Mais c'était assez tardif.

  • Speaker #0

    En tout cas, même si l'apparition du trouble alimentaire était plus tardive, il y avait quelque chose de très ancré chez toi. C'est la tête qui décide. Tu voyais que c'était comme ça que ça fonctionnait chez toi. on t'avait inculqué que la tête était censée décider et que tu avais un exemple d'une personne qui y arrivait et une autre qui n'y arrivait pas. Donc ça, c'est pareil. Pour instaurer la notion de c'est une question de volonté et tout, j'imagine que c'était... Voilà, sans doute que pour toi, ce que tu en as compris, c'est que ta maman, elle, elle avait la volonté, elle y arrivait et c'était bien, c'était comme ça qu'il fallait faire et ton papa, lui, il n'y arrivait pas. Et du coup, comme il n'y arrivait pas, eh bien, il était considéré en obésité. Je trouve qu'il y a un truc déjà très dangereux qui peut s'installer dans la tête d'un enfant. Et cette histoire de goûter, c'est intéressant parce qu'on voit qu'il n'y avait pas d'écoute de toi. Il y avait des bonnes pratiques alimentaires que tu essayais de reproduire dans le plus ou dans le moins. Mais en fait, chez toi, il n'y avait pas du tout cette notion-là d'écoute de son corps et de ses besoins finalement. Chez toi, dans ta famille, je veux dire.

  • Speaker #1

    Complètement. Et puis surtout, ce qui est assez marquant, c'est qu'en plus, on avait une dynamique familiale qui était très compliquée, avec un père qui était très colérique. J'ai vraiment clivé entre ma mère, qui était pour moi, je l'idolâtrais, c'était la femme parfaite. En plus, c'est infirmière, donc voilà. Alors, le cliché papa médecin, mère infirmière. Donc, ça a toujours été mon idole. Il n'y a pas tellement d'autres. terme et mon père il ya eu des moments où je les détestais parce qu'il était assez maltraitant psychologiquement parlant avec nous enfin et avec moi il ya encore eu une étape supplémentaire qui a eu durant l'enfance avec des gestes incestueux donc ça ça complexifier

  • Speaker #0

    la chose ah ouais d'accord donc oui il ya aussi ce versant là qui vient s'ajouter pour toi oui ton père est toujours en vie

  • Speaker #1

    Non, il s'est suicidé quand j'avais 17 ans.

  • Speaker #0

    Quand tu avais 17 ans ? D'accord. Les fameux 17 ans.

  • Speaker #1

    Les fameux 17 ans. Et puis c'est vrai que ces 17 ans, l'été avant qu'il se suicide, là j'ai eu vraiment une première phase d'anorexie, où je ne mangeais plus rien, où j'ai été dans l'hyperactivité physique et tout. Ça c'était vraiment, je me souviens, relativement bien. C'était effectivement l'été. J'allais... On habitait dans une maison avec un étage, donc j'allais faire les étages le soir, la nuit, pour ingréer des calories. Et j'ai perdu 8 kilos à ce moment-là. Et puis en fait, mon père s'est suicidé le 1er décembre 94, pour dire comme en France. Et puis là, en fait, après, ça a coupé l'élan anorexique, j'ai envie de dire. Et par la suite, j'ai développé de la boulimie.

  • Speaker #0

    Ah ok, d'accord. Comment tu... Après, si t'es OK d'en parler, bien sûr, il y a tes obligations. Comment tu l'as vécu, ce suicide ?

  • Speaker #1

    Alors, c'était très, très compliqué parce qu'en même temps, comme il y avait des antécès, donc la relation avec mon père était très compliquée. Puis je ne savais plus trop où j'en étais. Je l'aime, je le déteste. Ce n'est pas tout simple dans la tête d'un enfant quand le parent est maltraitant sur plusieurs égards et pas une attitude de père. Beaucoup de tristesse, un gros choc parce qu'en plus de ça, il a fait ça. Je me souviens très bien, il a fait ça suite à une dispute avec ma mère. Moi, j'étais dans ma chambre à côté, il s'est tiré une balle dans la chambre à côté. Donc, oui, on a vécu ça en live. Donc, c'est déjà rien que l'événement lui-même, ça a provoqué un gros stress post-traumatique qui n'a pas du tout été diagnostiqué par la suite.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas la bonne époque aussi. Je pense que tu serais peut-être prise en charge différemment sur cette question du trop-pour-poids.

  • Speaker #1

    honnêtement surtout que ben autant te dire comme c'est une mort violente ça arrivait en pleine nuit on a eu droit à la police qui débarque nous on est trois enfants moi je suis l'aîné on a été J'ai eu des interviews et même c'est plus mon terme interrogé pour savoir qu'est ce qui s'était passé sans en plus c'est marrant je me souviens que j'avais pas de figure enfin j'avais pas d'adulte avec moi quand j'ai quand j'ai été interrogé par la police Et puis, avec tout ce qui va autour, la levée du corps, enfin bref. Donc, ça, c'est vrai que c'était très violent sur le moment. Et puis, comme d'habitude, tu l'as assez bien repéré, moi, je suis quelqu'un de très cérébral, donc j'ai enfoui ça très loin, très profondément. Donc, je suis toujours partie du principe que ça ne m'avait pas tant impacté que ça. Et puis, par la suite, effectivement, il y a eu beaucoup de rêves. où je le voyais revenir et je ne voulais pas qu'il revienne. Pendant dix ans, j'ai rêvé qu'il revenait, qu'il n'était pas mort. Et j'avais cette espèce d'angoisse en me réveillant. Non, il est mort, il ne va pas revenir. Donc, je me suis un peu dispersée. Mais pour en revenir à ce que tu disais, enfin, à ce que tu me demandais plutôt, c'était très ambivalent mes sentiments. En même temps, c'était terrible qu'il ne soit plus là. Et en même temps, j'étais soulagée. Je ne peux pas dire autrement.

  • Speaker #0

    Oui, et ça, c'est difficile. Pour plein d'adultes, c'est difficile à admettre ces sentiments ambivalents encore plus vers les parents. Mais pour une ado, c'est complexe. Et des personnes étaient au courant, genre ta mère était au courant de ce qui s'était passé, des gestes incestuels. Tu dis des gestes incestuels, on parlait d'inceste en fait.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai que j'ai toujours un petit peu de peine à passer le pas du... c'est vrai que Pour moi, l'inceste, c'est le père ou quelqu'un de la famille qui vient toutes les nuits dans le lit de sa fille. Et moi, ça a été... Je n'ai peu de souvenirs. En fait, ce qui s'est passé, c'est que j'ai fait un blackout total par rapport à ces événements-là. Et je m'en suis souvenu seulement quand j'ai eu 35 ans, il y a 12 ans en arrière.

  • Speaker #0

    D'accord. Donc, au moment du suicide de ton père, tu sais que tu le détestes, mais finalement... c'est hyper confus et tu n'as pas de souvenir de ce qui s'est passé.

  • Speaker #1

    Je sais que je le déteste par moments et je sais qu'il me dégoûte. C'est horrible à dire ce terme par rapport à son propre père, mais il y a un sentiment comme ça. Je parle de ce dégoût parce que finalement, c'est un truc qui est encore hyper présent en moi. Dès que je m'imagine prendre du poids, je vois mon père. Je le vois pas non plus s'il se baladait nu dans la maison. Bref, c'était un peu choquant comme image. Et je me vois, pas moi, mais je le vois lui. J'ai fait une association comme ça d'images. Mais c'est vrai que c'est... Oui,

  • Speaker #0

    donc il y a quelque chose qui est relié à l'opulence alimentaire, la prise de poids, le... Tu as relié ça comme si au centre, ce qui les reliait, c'était le dégoût, mais c'est complètement relié à l'inceste finalement, à quelque chose aussi de... Il y a le mot dégouinant qui me vient dans les deux cas. Oui, c'est ça. C'est fou parce que ça me fait vraiment penser à une personne que j'avais accompagnée il y a quelques années, qui était dans une anorexie restrictive pure, complètement bloquée là-dedans. Et en fait, il y avait eu aussi... Alors, en tout cas, de ce dont elle se souvenait, il n'y avait pas de gestes posés, mais il y avait un climat ultra incestuel et quelque chose de vraiment pas adapté dans la posture, les regards du père et tout ça, et avec un papa qui faisait des crises d'hyperphagie. qui rentraient parfois tard le soir elles le revoyaient s'empiffrer devant le frigo et du coup il y avait quelque chose chez elles de très relié alimentation, sexualité il y avait quelque chose de très relié mais relié en plus pas sur le bon canal pas une sexualité normale et épanouissante une sexualité déviante de désagression sexuelle finalement oui quelque chose de très proche dans ce que tu racontes oui

  • Speaker #1

    tout à fait

  • Speaker #0

    Et donc, tu as commencé à en dire quelque chose. Tu disais que finalement, l'année de tes 17 ans, il y a d'abord l'anorexie qui s'est déclenchée. Je ne sais pas trop si c'est une jolie façon de le dire. En lien avec tout ce qui s'était mis en place avant, je pense qu'il y avait...

  • Speaker #1

    Tout à fait.

  • Speaker #0

    Tu vois, il y a le contexte familial au sens large, c'est-à-dire les régimes et l'obsession du poids, du corps. Et même si tu ne t'en souvenais pas, en fait, c'était inscrit en toi l'inceste qui avait eu lieu. Et tu dis que le déclencheur, ça a été un peu la phrase de cette amie qui te dit « dis-moi, t'as grossi » .

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc là, tu perds rapidement du poids et finalement, ça dure quelques mois, si j'ai bien compris, entre l'été et décembre.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et décembre, le suicide de ton père. Et là, des crises de boulimie arrivent.

  • Speaker #1

    Alors, pas tout de suite parce qu'en fait, ça a coupé un peu court à mes TCA transitoirement. Enfin, encore que. La première chose… C'est une anecdote, mais je m'en suis souvenu il y a peu de temps en arrière, donc c'est intéressant. La première chose que j'ai fait, le lendemain de son suicide, je suis allée me peser et j'ai vu que mon poids n'avait pas bougé. Et je me suis dit, bon, au moins ça.

  • Speaker #0

    Au moins ça.

  • Speaker #1

    Au moins ça.

  • Speaker #0

    Dans quel sens tu te disais au moins ça ?

  • Speaker #1

    Ça, ça n'a pas bougé. Ça, ça n'a pas changé.

  • Speaker #0

    Ah, ok.

  • Speaker #1

    Ça a été un élément rassurant. quelques heures après son suicide de me dire que mon poids n'avait pas bougé. Ça paraît débile dit comme ça, mais vraiment. Et en plus, c'est fou parce que je me suis souvenu il y a quelques mois en arrière de ce sentiment où je me suis dit, ça reste fixe dans mon quotidien parce que bien évidemment qu'en étant encore sous l'effet du stress, du choc plutôt, tu te dis bien que toute ta vie va changer. Là, je me suis dit, au moins le poids n'a pas bougé.

  • Speaker #0

    Donc déjà, là, tu t'accrochais au rocher du contrôle du poids.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Je vais créer un espace de sécurité en essayant de maîtriser mon poids et mon corps.

  • Speaker #1

    Et puis du coup, les mois qui ont suivi, ça a été… Je n'ai pas trop de souvenirs. C'est assez flou en plus, ces souvenirs à ce moment-là. Mais ce n'était pas une préoccupation centrale. Je n'ai pas bougé au niveau du poids, je continue à manger et tout. Par contre, ce qui était le déclencheur des crises de boulimie, c'est l'été suivant, je suis partie aux États-Unis pendant six semaines comme jeune fille au père. Et en fait, je suis partie parce que j'avais terminé en France, c'était le bac, c'était l'intermède, donc la fin du bac et puis le début de l'école d'infirmière. Et je suis partie contre mon gré en quelque sorte aux États-Unis. Parce que tout le monde dans ma famille me disait que c'était le moment de partir à l'étranger, que je n'aurais jamais d'autres occasions pour partir. Et en fait, je me suis vraiment soumise à la vie populaire, alors que dans mon cœur et même dans ma tête, je n'étais pas du tout prête à partir loin de ma famille. Ça a été terrible. Alors, j'ai appris plein de choses, je ne regrette pas. Postériori, de toute façon, ça ne sert à rien. C'était une séparation que j'ai hyper mal vécue. En plus, la famille qui m'a accueillie, autant la femme, c'était deux enfants en bas âge et puis un couple, autant la femme m'a très bien accueillie. C'était une ancienne collègue de ma mère. Donc, elle m'avait connue en Suisse. Et puis, le père, j'ai toujours eu cette impression qu'il me détestait, qu'il n'avait pas du tout envie que je sois là. Donc, il y avait de nouveau une situation où, par rapport à l'homme, je ne me sentais pas à ma place. Et là, effectivement, aux États-Unis, j'ai commencé à faire des crises de boulimie que je compensais par beaucoup de sport. J'ai commencé à me faire vomir quelques mois après être rentrée en Suisse, où là, effectivement, tu découvres le moyen pour gérer les crises. Et depuis, ça ne m'a plus quittée.

  • Speaker #0

    Plus jamais, il n'y a jamais eu même d'accalmie, de pause ?

  • Speaker #1

    Alors, il y a eu des... période où je faisais moins de crises. Et puis c'est vrai qu'avant le Covid, j'étais à 2-3 crises par semaine, mais je n'ai jamais eu de long intermède sans crise de boulimie. Non, je n'ai jamais eu, peut-être quelques semaines, mais ça a toujours revenu. Et puis, il y a eu le Covid, et puis là, le Covid m'a décompensée. Et c'est depuis le Covid, en fait, je suis revenue à un stade où là, je suis repartie, en fait, j'ai envie de dire, plus dans une espèce d'anorexie restrictive, avec des crises d'hyperphagie le soir. Parce que c'est vrai que mon comportement par rapport à l'alimentation la journée ressemble, enfin, c'est tout à fait... l'anorexie quoi. Je mange mais j'ai beaucoup de peine à manger.

  • Speaker #0

    Et donc le soir il y a des compulsions qui arrivent ?

  • Speaker #1

    J'ai un espèce de rituel de crise là maintenant avec effectivement l'ingestion d'aliments en grande quantité puis après des vomissements quoi. Par contre c'est vrai que c'est un petit peu particulier mais moi mes crises de boulimie ça a toujours été comme ça je ne mange que des aliments que j'aime. Je cuisines, je prends du temps. Je suis... Voilà, j'ai jamais... Quand je lis des témoignages, j'écoute des gens qui peuvent manger des trucs congelés ou des trucs pas bons. Alors moi, c'est exclu, quoi. Ça doit être bon, ça doit être goûteux. Il y a beaucoup de légumes aussi dans mes crises.

  • Speaker #0

    Je dirais qu'il y a quelque chose de contrôlé même dans tes crises.

  • Speaker #1

    Ouais. Et très centré sur le goût.

  • Speaker #0

    Ok. Parce que ça veut dire que tu as l'impression de rester connecté au goût des aliments, même passé les 3-4 premières bouchées ? Oui. Donc, est-ce que tu te sens quand même dans une perte de contrôle ?

  • Speaker #1

    C'est une bonne question. Parce que c'est vrai que sur le moment, je n'ai pas l'impression de perdre le contrôle. L'impression que j'ai sur le moment, c'est que... Ah, enfin, je me fais plaisir, on y va, quoi.

  • Speaker #0

    Ok, mais ça peut être le cas, il y a plein de personnes qui vont avoir cette sensation-là, alors qu'elles ne sont pas du tout là pendant la crise. En réalité, souvent les crises se font devant la télé, des écrans, de manière à même pas trop être consciente de ce qu'on fait. Et souvent, il y a beaucoup de plaisir dans la préparation de la crise. Alors, toi tu cuisines, j'ai déjà entendu ça, mais c'est vrai que souvent c'est... on est plus dans une urgence qui monte tu vois t'as presque la tremblote et donc c'est plutôt l'achat des aliments et déjà ça y a beaucoup de plaisir parce que ça monte puis le moment où tu commences à ingérer les aliments t'as les premières bouchées puis ça y est enfin mais après souvent tu sens pas trop le goût des aliments tu sais pas quel goût ça a ça va hyper vite t'es plus vraiment là il y a quelque chose qui déconnecte toi tu dirais que tu restes là

  • Speaker #1

    Alors, je me déconnecte un petit peu parce que dans mon rituel de crise, je regarde des vidéos YouTube. Mais il faut que ce soit des vidéos qui m'intéressent et où j'apprenne des choses. Je ne peux pas juste m'abrutir l'esprit en regardant quelque chose qui ne m'intéresse pas. Donc, ça fait partie.

  • Speaker #0

    Donc, même là, en fait, ça veut dire que tu te souviens de ce que tu as regardé.

  • Speaker #1

    Ah oui ?

  • Speaker #0

    Non, mais en fait, il peut y avoir un… Je ne dis pas que les personnes ne se souviennent systématiquement pas. Mais elles peuvent ne pas... De toute façon, c'est complètement accessoire, en fait. Souvent, la vidéo, elle est là pour ne pas être juste en train de manger, pour ne pas trop se voir faire le truc. Et il peut y avoir presque des blackouts, des fois. Il y a des personnes qui ne se souviennent même pas de toute la crise. Tellement il y a un phénomène dissociatif qui revient à l'œuvre. Mais chez toi, ce n'est pas le cas. C'est à se demander si on peut vraiment appeler ça des crises, en fait.

  • Speaker #1

    C'était un petit peu la question de la psychiatre qui me suit actuellement. Parce que c'est vrai qu'en termes de quantité, alors c'est quand même des quantités qui sont plus que ce qu'on attend, ce qui est attendu. Et puis surtout, je me fais vomir après. Mais c'est vrai. Oui,

  • Speaker #0

    mais tu peux souffrir d'anorexie et te faire vomir après chaque repas. C'est vrai. Il y a des crises.

  • Speaker #1

    C'est vrai. Bon, là, il y a quand même un volume alimentaire qui est conséquent.

  • Speaker #0

    Mais si ce volume alimentaire, on le mettait sur toute la journée ?

  • Speaker #1

    Je pense que ce serait quand même peut-être un peu plus que mes besoins, je pense. Mais ce n'est pas beaucoup plus, effectivement.

  • Speaker #0

    Donc, je pense qu'il y a quelque chose de ce genre-là. Si tu manges très peu toute la journée, c'est normal que tu aies une énorme prise alimentaire. Et du coup, on peut associer ça à une crise parce que ça paraît énorme, mais finalement, et parce que c'est dit. Si tu gardais cette prise alimentaire, ce serait sans doute difficile à digérer, mais en fait, répartie sur une journée, c'est peut-être pas si déconnant que ça.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est vrai que c'est un peu, je trouve, vicieux, c'est peut-être un peu excessif comme terme, mais le côté restriction me fait, comment dire, j'allais dire me fait plaisir, c'est un peu, de nouveau c'est trop excessif, mais ça fait partie en fait de la crise, j'aime bien d'arriver à ma fin de journée en ayant cette sensation de faim et de me dire que là ça va être que du plaisir.

  • Speaker #0

    Mais en même temps. ce que tu vis dans ce plaisir de dire ah ça y est je vais passer à table, je vais manger tu pourrais le vivre trois fois par jour je sais que ça paraît fou mais en fait la faim naturelle c'est hyper agréable de passer à table en ayant faim et c'est trop cool, on se fait plaisir on mange une quantité qui est reliée à notre besoin on s'arrête parce qu'on a plus faim, plus envie on sait que dans quatre heures on remange donc tu vois il n'y a pas ce truc là et... Je sais que c'est difficile de l'imaginer, mais en fait, c'est un faux besoin, le besoin de crise. C'est quelque chose qui est construit de toutes pièces par la pathologie. Et sans doute que tu vivrais une vie super tranquille, riche, épanouissante, sans ces crises-là. Sans doute que ça ne te manquerait pas. C'est ça que je veux dire. On a toujours l'impression que ça manquerait, le fonctionnement. Oui,

  • Speaker #1

    oui.

  • Speaker #0

    Moi, je pense que non. Je suis à peu près sûre.

  • Speaker #1

    Moi, je suis effectivement, c'est marrant parce que quand je t'entends, c'est d'ailleurs un petit peu ma problématique, c'est que j'ai l'impression d'avoir une personnalité multiple parce que tu as la partie non malade, tu dis, bah oui, bien sûr, surtout que tu as typiquement. Dernièrement, je suis partie chez ma cousine dix jours où là, elle est au courant. Donc, j'ai un cadre aussi rassurant et tout. Puis là, je ne fais pas de crise et je mange à ma faim et je suis bien.

  • Speaker #0

    Ça ne te manque pas ?

  • Speaker #1

    J'y pense, mais comme un truc dont tu as l'habitude, tu ne fais pas quoi. Je ne sais pas comment dire, je n'ai pas de sensation de craving. Mais j'y pense.

  • Speaker #0

    Du coup, ça veut dire que tu manges plus que les quantités que tu manges dans ta vie habituelle. Et comment c'est ça pour toi ?

  • Speaker #1

    C'est stressant par moments. Je passe par plusieurs phases émotionnelles pendant le repas. Il y a des moments où je suis là. je mange trop, je mange trop, puis à d'autres moments, je me dis que c'est trop cool de bien manger, de ne pas avoir de limites. Et ça, c'est vraiment... Plusieurs émotions qui passent très rapidement de l'une à l'autre, en fait.

  • Speaker #0

    Et imagine, tu te retrouves pour une raison X ou Y, qu'il n'y a pas le choix, et tu te retrouves à vivre chez cette personne. Tu crois que ça se passerait comment ? Tu finirais par refaire des crises, tu penses ?

  • Speaker #1

    Je pense que oui, quand même, au bout d'un moment. Sans aucune certitude. Je ne sais pas, parce qu'au final, si je peux tenir comme ça dix jours, deux semaines, sans que j'ai l'impression de complètement décompenser, je me dis que je pourrais tenir plus longtemps.

  • Speaker #0

    Et puis en fait, en t'écoutant, c'est ce que je me dis. Je me dis aussi que c'est compliqué de switcher d'une crise tous les jours à rien du tout. Et que même si déjà, tu te retrouvais à faire une crise toutes les deux semaines, ce serait juste incroyable. Tu te rends compte ? C'est 14 fois moins.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Donc, en tout cas, c'est intéressant quand tu dis que tu as l'impression d'être double. Oui, je crois que c'est normal. Déjà, en fait, il y a... Il y a la pathologie qui s'exprime, en fait, qui cherche à prendre beaucoup de place. Et de toute façon, tous et toutes, on est multiples. Moi, j'aime bien parler du fait qu'il y a plusieurs parties en nous et puis qu'ils chacune s'expriment. Ce qui est important et intéressant, à mon sens, et ce qui peut être aidant sur un travail de thérapie, c'est de s'imaginer ces différentes parties, mais toujours avoir en tête qu'elles œuvrent dans le même but. Et que ça peut paraître fou, mais la toit, qui est capable d'expérimenter ça chez ta cousine et de ne pas faire de crise pendant dix jours et de dire, bah ouais, c'est vrai, en fait, c'est cool. Et là, toi qui dis, non, mais moi, j'ai besoin de mes crises et qui a ce fonctionnement, tu vois, au quotidien. En fait, vous n'avez pas de but différent. Vous œuvrez ces parties-là, œuvrent dans le même but. Dans un but tourné vers toi. Même si ça peut paraître bizarre, des fois, on a des comportements un peu toxiques, mais qui sont sous-tendus. Malgré tout, par une intention positive en fait, vers soi. Moi, je ne suis pas du tout une adepte de ce qu'on appelle autodestruction et comment on dit, autosabotage. Je ne crois pas du tout à ça. Je crois qu'on utilise des chemins hyper détournés et un peu complexes, mais qu'en fait, on cherche toujours à se soulager, à se faire du bien. Je pense que c'est parti œuvre pour la même chose.

  • Speaker #1

    C'est intéressant d'avoir ton point de vue, parce que c'est vrai que ce n'est pas souvent qu'on entend cette manière de voir les choses.

  • Speaker #0

    Oui, mais en fait, ton TCA, il est protecteur.

  • Speaker #1

    Moi je pense oui. Vous êtes dans ton camp ? Oui. D'ailleurs j'ai commencé il y a quelques temps en arrière une thérapie avec une psychomotricienne qui fait des prises en charge de thérapies brèves. Je ne sais pas si tu connais, c'est 180°. Manifestement c'est quelque chose d'assez connu en France.

  • Speaker #0

    Je ne connais pas, mais je vais aller chercher.

  • Speaker #1

    Alors ce n'est pas du tout spécialisé TCA mais… Mais là, j'avais besoin d'une prise en charge un peu différente, parce que, je ne suis pas sûre qu'on en parle là, mais le suivi actuel est très focalisé, focus TCA. Et c'est vrai qu'elle, sa grande question, quand je suis les premiers entretiens qu'on a eus, quand j'ai exposé ma problématique, c'est, mais si on vous enlève le TCA, comment ça va se passer ? Quel va être votre état mental ? Est-ce que vous n'allez pas vous... Vous vous développez, vous vous effondrez. Tu vois, il y a quand même une chose qui se passe quand je suis chez ma cousine, c'est que je me réjouis quand même de rentrer pour recommencer.

  • Speaker #0

    Oui, c'est pour ça que je te posais la question sur « Ouais, ça te manque, voilà. » En fait, c'est important d'être lucide là-dessus aussi et de se dire « Non, ça va, ça se passe bien, mais peut-être parce que tu sais que… » C'est pour ça que je te disais aussi « Et si tu vivais là-bas, tu vois ? » Oui. J'ai regardé 180 degrés, effectivement. j'ai Je ne savais pas qu'on pouvait l'appeler comme ça. C'est l'outil Palo Alto.

  • Speaker #1

    Ah oui, OK.

  • Speaker #0

    Et c'est un outil auquel j'ai été formée à l'époque. Ça fait longtemps. C'est parmi mes premières formations avec la PNL. Donc, oui, je connais. C'est intéressant. C'est génial. C'est assez complexe à prendre en main. Je ne sais pas s'il y a des thérapeutes qui nous écoutent et qui connaissent. Mais c'est vraiment super.

  • Speaker #1

    En tout cas, la thérapeute, elle est juste exceptionnelle. Puis c'est quelqu'un qui a peu de filtres, donc il dit des choses. C'est assez déroutant quand même. Moi, j'ai fait beaucoup de thérapie depuis l'âge de mes 17 ans. J'ai quand même un certain recul sur les différentes prises en charge et un certain avis sur le monde de la psychiatrie.

  • Speaker #0

    Sens-toi libre de dire exactement tout ce que tu as envie de dire parce que c'est ton espace et c'est important. Et parmi les sujets dont tu avais envie de parler justement dans ce podcast, c'était de la chronicisation des troubles alimentaires. Et on est en plein dedans aussi. Peut-être que je prends un peu trop les devants, mais j'ai envie de te questionner sur, à ton avis, pourquoi est-ce qu'il y a cet aspect chronique chez toi, mais chez plein de gens ? En fait, tu n'es pas du tout la seule dans cette situation. Et j'y pense parce que tu parles de toutes les prises en charge. ce que j'entends c'est que C'est pas faute d'avoir essayé. En fait, tu as fait plein de choses. Donc, comment tu comprends le fait que ça n'ait pas fonctionné ? Je mets de gros guillemets, mais je précise, les gens nous écoutent. Toute petite parenthèse et puis je te laisse me répondre. C'est juste que quand je dis ça n'a pas fonctionné, moi, j'aime bien l'idée du puzzle, en fait, et de pièces qu'on emboîte et qu'on ne peut pas voir le résultat tant qu'il n'y a pas toutes les pièces. Donc, c'est pour ça, je suis sûre qu'il y a des tas de trucs qui ne t'ont pas servi à rien. mais qui vont peut-être prendre sens un peu plus tard.

  • Speaker #1

    C'est ce que j'espère, honnêtement, parce que c'est vrai que j'ai testé beaucoup de choses. Et puis, je suis aussi suivie par un médecin, un dictologue qui, effectivement, est adorable. Parce qu'à chaque fois que je l'ai en entretien, on se voit tous les deux, trois mois. Et maintenant, Cynthia, vous m'hallucinez parce que vous lâchez pas. C'est vrai que depuis l'âge de mes 18 ans, j'ai plus ou moins toujours été suivie par différents thérapeutes. Je pense que dans ma situation, ce qui a manqué, c'est de ne pas avoir un suivi spécialisé TCA d'emblée. Parce qu'en fait, suite au suicide de mon père, une année et demie après, j'ai dû être hospitalisée parce que j'avais des pensées suicidaires. Et puis là, il y a eu un suivi psychothérapeutique, mais pédopsychothérapeutique, qui a été mis en place avec une pédopsychiatre. Et je n'ai jamais caché mes TCA, mais je n'ai jamais... vraiment un suivi spécialisé jusqu'en automne 2023. Ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai été suivie quelques temps par une psychologue qui était dans un centre spécialisé troubles alimentaires ici en Suisse. Mais c'était un suivi d'une fois par mois. C'était un suivi assez superficiel parce qu'elle était plus référente pour l'association qu'à proprement parler psychologue individuelle. Donc, elle m'a un petit peu orientée vers d'autres types de thérapies qui pourraient m'aider. Et puis, j'ai fait une psychanalyse, j'ai été aussi suivie par une psychiatre. Quand j'ai eu les réminiscences de ce problème incestuel, ça s'est venu avec la psychiatre qui m'a fait de l'AMDR, j'ai fait de l'hypnose avec elle. Donc, j'ai vraiment eu un suivi. Je crois que je n'ai jamais trop lâché le suivi. Ce qui est dommage, c'est que ça n'a jamais été focus TCA, je pense, avec du coup... Tu es plus généraliste, en fait, j'ai l'impression, comme prise en charge. Parce que je me rends compte quand même d'une chose, c'est que cette maladie-là, elle est quand même très, très particulière, puis elle nécessite des compétences particulières des thérapeutes.

  • Speaker #0

    Ok. Et pour toi ? C'est vraiment ce qui explique la chronicisation, finalement, ce manque de prise en charge. Mais alors, en fait, il y a d'autres questions qui viennent de là. C'est pourquoi ce manque de prise en charge, du coup ? Tu dis que tu n'as pas caché tes TCA, alors pourquoi tu n'étais pas prise en charge ?

  • Speaker #1

    Alors, je pense qu'il y a une question d'époque. Parce que moi, les premiers suivis que j'ai eus, c'était dans les années... Fin des années 90. Donc, c'était pas... très, on n'en parlait pas tellement. En tout cas en Suisse, après voilà, moi j'ai mon focus suisse forcément, mais c'était pas quelque chose dont on parlait beaucoup. Et puis en fait, bon, il y a eu une autre problématique qui s'est ajoutée, c'est que dans le CHU où je travaille, il y a un service spécialisé pour TCA. Et c'est le seul dans la région où je vis qui fait des suivis spécialisés. Et en fait, ça me posait un gros problème, moi, d'avoir, en guillemets, mon employeur qui soit aussi mon soignant. C'est un peu résumé, mais j'ai mis beaucoup de temps à accepter de me faire suivre par cette structure qui me suit maintenant depuis plus d'une année. Parce que justement, déjà, j'avais peur que mes collègues commencent à aller voir mon dossier parce que forcément, il y aurait des traces de mon suivi, même si on n'a pas le droit de le faire en tant que soignant. on n'a pas le droit d'aller checker le dossier de nos collègues. Mais nous, en tant qu'infirmiers anesthésistes, on a accès à tous les dossiers patients. On est contrôlé, mais je ne pouvais pas avoir la certitude qu'il n'y ait pas une faille dans le système de sécurité. Je n'étais pas du tout prête, en tout cas avant ces derniers temps, à ce que ma maladie soit connue. par mes collègues.

  • Speaker #0

    Est-ce que d'une manière générale, tu vas peut-être trouver ma question un peu sauvrenie, mais je vais t'expliquer, est-ce que d'une manière générale, c'est compliqué pour toi de faire confiance ? Oui. Ça génère pas mal de peur. En fait, ce que tu disais par rapport à tes collègues, en fait, j'avais envie de te répondre, ouais, t'avais peur qu'ils soient abusifs, en fait. Tu vois, parce que c'est une forme d'abus de faire ça. Oui. D'aller checker. Tu vois, le dossier de la collègue, enfin, je me dis, il y a un côté, alors au-delà d'être illégale, c'est un peu délirant, tu vois. Tu te dis, mais attends, qui fait ça ? Ben ouais, mais en fait, peut-être qu'il y a quelque chose de très ancré chez toi autour du système abusif, tu vois, dont tu as été victime dans l'enfance.

  • Speaker #1

    Oui, et renforcé par 17 ans de concubinage avec un ex-compagnon abusif. Donc, oui.

  • Speaker #0

    Oui, OK. Il y a des choses qui se sont un peu, j'allais dire, évidemment répétées, dans le sens où, encore une fois, il y avait une amnésie traumatique qui faisait que tu ne pouvais pas mettre au travail. C'est compliqué de mettre quelque chose au travail dont on ne se souvient pas. Donc, en fait, ça te plonge ça dans, malheureusement, souvent, en tout cas, ça plonge souvent les gens dans un système de répétition.

  • Speaker #1

    OK.

  • Speaker #0

    C'est la question que je me demandais aussi tout à l'heure, justement, si tu vivais seule.

  • Speaker #1

    Oui. Oui, effectivement, j'ai été mariée pendant peu de temps, mais pendant une année avec mon premier copain. Et puis nous, on s'est séparés en 2003. Puis après, j'ai connu celui qui a partagé ma vie un bon nombre d'années. Et puis avec lui, on s'est séparés en 2021. Et depuis, je vis seule. À part ça, je n'ai jamais vécu avec mon ex parce que... On avait une relation en dents de scie avec beaucoup de séparations, de remises en couple et tout. Et puis, bref, c'était une relation aussi où il avait d'autres femmes. Bref, c'est très compliqué comme relation. Et puis, du coup, on n'a jamais vécu ensemble. On a quand même été ensemble pendant 17 ans.

  • Speaker #0

    Ça t'arrangeait aussi quelque part de ne pas vivre avec lui, au-delà de la réalité de votre relation, mais par rapport aux troubles alimentaires ?

  • Speaker #1

    Oui, très clairement.

  • Speaker #0

    Il le savait, lui ?

  • Speaker #1

    Il le savait. Et puis, en fait, il l'a su au début. Puis après, j'ai commencé à lui mentir, à lui dire que je ne faisais plus de crise et tout ça. Parce qu'en fait, il m'a à un moment menacé que si je continuais à faire des crises, il m'a menacé par rapport à mes crises, en fait. Qu'il allait être violent avec moi si je faisais des crises.

  • Speaker #0

    Jusque-là, d'accord. Oui.

  • Speaker #1

    Oui, il y a eu en plus de la violence physique de sa part, la violence sexuelle. Non, non, c'est allé assez loin, cette histoire.

  • Speaker #0

    Wow. C'est des choses que tu as pu mettre au travail ?

  • Speaker #1

    Oui. Que je suis en fait en train de travailler là, actuellement surtout, en fait. Parce que je me suis sentie très coupable par rapport à sa violence, surtout que, bien évidemment, après, je ne suis pas en train de minimiser ce qu'il a fait, mais je n'ai pas non plus toujours eu des attitudes correctes avec lui. Et puis, forcément, il m'était... sur tout le point, sur tout ce que je faisais de faux et de mal et de méchant vis-à-vis de lui pour pouvoir légitimer ses abus. Et ça, c'est encore compliqué de sortir de ça parce qu'effectivement, je me dis... Il y a toujours une part de moi qui me dit « je l'ai mérité, finalement » .

  • Speaker #0

    Et en même temps, c'est le système abusif.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    C'est comme ça que ça fonctionne. C'est comme ça que fonctionnent toutes les personnes qui usent de leur... pouvoir dans un système abusif. Et ça veut dire aussi que quand tu as eu la levée d'amnésie traumatique, tu étais avec cet homme-là.

  • Speaker #1

    Oui, j'ai envie de dire entre autres grâce ou à cause de lui que j'ai eu cette levée. Je me suis souvenu un peu de tout ce qui s'est passé parce que en fait, je l'ai trompé. Il faut savoir que lui, je pense qu'il m'avait trompé avec une dizaine de femmes avant moi. Donc moi, je l'ai trompé. Il l'a extrêmement mal pris parce que c'était en plus un contexte particulier. Enfin bref. Et du coup, en fait, c'est là où sa violence, qui jusque-là était psychologique, s'est transformée en violence physique et sexuelle parce qu'il ne l'a pas du tout accepté. Et en fait, dans tout ce contexte d'hyper-violence, c'est là où tout à coup, j'ai eu des espèces de réminiscences. Effectivement, je me suis dit mais... Il y a un truc qui est en train de se passer et je me suis souvenu d'un ou deux événements avec mon père et je me suis dit mais c'est pas normal. Et en fait jusque là, si tu veux, les souvenirs ils étaient là, mais c'est comme si c'était normal. Et là tout à coup j'ai eu vraiment cette espèce de prise de conscience en me disant mais non, un père il commence pas à embrasser sa fille. En mettant sa langue, il ne commence pas à venir dans son lit et se frotter contre. Mais jusque-là, j'avais les souvenirs, mais pour moi, c'était complètement déconnecté de toute interprétation. Mais voilà, c'est apparu. C'est vraiment ressorti dans ce contexte d'hyper-violence et de viol.

  • Speaker #0

    Toute cette violence.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Cette violence. Est-ce que tu arrives ? à t'accorder du soin parfois ?

  • Speaker #1

    Alors oui, j'adore me faire masser. Trop bien. Et puis en fait, c'est aussi marrant parce que mon côté soignant a aussi pris le pas par rapport au TCA et depuis toutes ces années, j'ai développé aussi des moyens pour prendre soin de moi, pour essayer de compenser les effets délétères de la maladie. Je me suis beaucoup informée par rapport aux risques de dénutrition. J'ai toujours accepté de me faire suivre. physiquement parlant par des gens à qui j'avais parlé de mes TCA. Je suis suivie par un gastro-entérologue, parce que évidemment avec les vomissements et tout ça, ça a des impacts importants sur ma santé. Et puis, j'adore lire. J'adore prendre du temps pour moi pour lire de la romantésie. Et puis, malgré tout ça, j'ai aussi un cercle social qui est peu étendu. Mais les amis que j'ai, c'est vraiment des personnes exceptionnelles. Ça me dit, je vais chez l'esthéticienne qui est devenue une de mes meilleures amies. Dans trois semaines, je vais chez ma coiffeuse qui est devenue une de mes meilleures amies. Il y a tout comme ça des choses que j'arrive à mettre en place pour effectivement prendre soin de moi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant ce système de réparation finalement que tu mets en place, enfin de prévention et de réparation autour des TCA.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Et alors, à la fois… Je trouve ça très chouette et très doux. Effectivement, je trouve que c'est un signe de... C'est une belle façon de prendre soin de soi. Je ne sais pas comment le dire différemment. Et à la fois, je te le partage, ce que ça m'a fait, je me suis dit, c'est comme si c'était intégré comme... Bon, c'est là. De toute façon, ça fait partie de moi. Tu vois, un peu un côté inéluctable, en fait.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Alors que pas nécessairement, mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu comme ça quand on a parlé. Alors qu'on peut très bien se dire, ok, temporairement, j'ai des troubles alimentaires et je sais qu'il y a des risques. Donc, en attendant de guérir, je vais prendre regard aux risques qu'il pourrait y avoir. Mais je ne sais pas pourquoi ça a résonné un peu en mode, c'est là, c'est comme ça, ça ne bougera pas. Mais il faut que je fasse attention à ce que ça peut abîmer chez moi. Ça te parle ou pas ça ?

  • Speaker #1

    Complètement. Je pense à un shift que j'ai fait dans mon esprit il y a une dizaine d'années en arrière, en me disant que de toute manière, ce sera toujours là. Mais qu'est-ce que je peux faire pour vivre avec ? C'est pour ça que pour moi, c'était important aussi de témoigner par rapport à mon vécu, parce que cette pensée de me dire que je mets en place des stratégies pour vivre avec mon TCA, c'est bien et ce n'est pas bien dans le sens où... effectivement il y a ce côté inéluctable qui est présent et puis je me sens coupable en quelque sorte de me dire que je suis la croyance que ce soit inéluctable mais en même temps là

  • Speaker #0

    encore est ce qu'il n'y a pas d'autres parties de toi qui disent d'autres choses est ce que tu n'as pas encore l'espoir de t'en sortir ?

  • Speaker #1

    alors si si j'ai encore l'espoir parce que sinon Sinon, je continuerai pas à faire ce que je fais, puis je laisserai tout tomber, puis je continuerai. Mais c'est de nouveau pas toute ma personne qui y croit. C'est vraiment une petite partie qui croit qu'il y a encore un moyen de sortir de ça.

  • Speaker #0

    Et elle ressemblerait à quoi ta vie, en étant sortie de ça ?

  • Speaker #1

    J'ai beaucoup de peine à me projeter, je sais pas. J'aurais beaucoup plus de temps, ça c'est sûr, c'est assez chronophage ces crises de fin de journée. Et puis je pense que, où j'essaye de me projeter, c'est... Je suis en train de me réparer petit à petit de mon ancienne relation, et là j'ai une nouvelle envie de redécouvrir, enfin voilà, de retenter une nouvelle relation, parce que j'ai quand même conscience que pas tous les hommes sont comme mon ex, heureusement. Et puis ça me manque, tout simplement. C'est vrai que j'associe un peu à une projection de vie de couple, la vie sans TCA. Mais je n'ai pas envie d'attendre que je n'ai plus de TCA pour trouver un compagne. Attention, pour moi, sinon, on ne s'en sort jamais. Effectivement, j'ai un peu cette association vie sans TCA, mais vie avec un homme.

  • Speaker #0

    Ok, mais c'est intéressant. Peut-être même de creuser encore davantage, je ne sais pas, peut-être que ça ne te parlera pas, mais peut-être, je ne sais pas si tu aimes écrire, mais de se projeter vraiment dans... Là, c'est un peu flou, mais tu te dis, ok, je sais que j'aurai plus de temps, à quoi je l'utiliserai ? Comment tu imagines être, te sentir dans ton corps, au niveau énergie, au niveau de fatigue, dans ton travail ? Comment tu imagines que tu mangerais si tu n'avais pas de TCA ? À quoi ça ressemblerait ? Est-ce que tu y restes spontanément au restaurant ? Qu'est-ce que tu ferais avec ton chéri ? Si tu te projettes dans une vie de couple, est-ce que vous vivriez ensemble ? Est-ce que vous auriez du temps pour cuisiner ensemble ? Est-ce que tu vois ? De rendre ça... de t'imaginer un peu le film de ta vie sans ce trouble alimentaire, de rendre ça peut-être un peu plus palpable. Peut-être que ça viendrait un peu rééquilibrer les deux parties de « ouais, c'est inéluctable, je vais vivre avec ça jusqu'à la fin de mes jours » et le « non, non, en fait, il y a moyen de s'en sortir, de donner vie aussi à ça » .

  • Speaker #1

    Surtout que quand je t'entends parler, là, je me dis effectivement, tu vois, avec mon premier compagnon, on était fan de tous les… Les restaurants gastronomiques. Donc, on s'est fait tous les 1, 2, 3 étoiles Michelin de la région. Enfin, vraiment, c'était vraiment une passion qu'on avait en commun. Et ça, ça me manque, quoi.

  • Speaker #0

    Ah, chouette, ça. Mais oui. Mais de toute façon, il y a quelque chose d'un peu épicurien chez toi. Ça se sent, tu vois. Même quand tu dis ce que tu appelles tes crises, où effectivement, on peut se demander si ce sont des vraies crises. Tu cuisines, le goût est super important, c'est génial. Et en fait, ce serait développer encore davantage ça. Loin de peut-être une croyance qui est accrochée à toi, qui est reliée à ton père, et dans vraiment la compulsion alimentaire, le trop, le dégoût. En fait, sortir du trouble alimentaire, c'est au contraire être dans quelque chose plutôt proche du vrai plaisir de manger, dans le sens dégustation. dans le sens partage, c'est tout ça qui reprend vie finalement.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est vrai que ça… Je l'ai encore un peu par moments, justement, je ne m'interdis pas de sortir, je ne m'interdis pas les restos, même si c'est quand même un petit peu plus compliqué ces dernières années, vu que le côté anorexique, je trouve, a pris beaucoup de place ces dernières années. Mais voilà, j'ai encore ce plaisir-là et puis… Je me l'accorde, même si pas autant que je le souhaiterais, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Il y a un autre sujet dont tu avais envie de parler, qui t'en a parlé déjà plusieurs fois. Tu as dit que tu étais soignante, tu es infirmière, anesthésiste. Et en fait, tu me disais que ce n'était pas simple, ça, parfois. Le fait de souffrir de troubles alimentaires alors que tu es soignante.

  • Speaker #1

    Oui. C'est surtout qu'en fait, c'est la psychiatre qui me suit actuellement qui effectivement m'a dit une fois, mais vous êtes beaucoup dans le contrôle. Puis c'est un petit peu compliqué de vous prendre en charge parce que vous avez beaucoup de connaissances par rapport à votre maladie et puis par rapport au système de santé. Et ça a été vraiment compliqué pour moi il y a une année et demie en arrière parce que j'ai été hospitalisée pendant cinq semaines. dans une clinique qui s'occupe des addictions et des TCA. Et j'ai été très... Enfin, disons qu'étant moi-même soignant, je sais que le système de santé, il est dysfonctionnel et que pas toutes les personnes qui soignent les autres personnes sont forcément bienveillantes. Et ça m'a d'autant plus choquée de me rendre compte que dans cette clinique, il y a eu des gens qui m'ont sorti des choses qui étaient complètement... aberrantes et qui, à mon avis, ne devraient pas faire partie de notre rôle de soignant. Exemple, moi j'ai des problèmes de dos. J'ai été opérée d'une scoliose quand j'étais adolescente, donc j'ai des tiges dans le dos. Et puis ça, ça nécessite une certaine... Je n'ai pas besoin de faire du sport, mais du mouvement. J'ai besoin de mouvement, parce que dès que je reste trop statique, j'ai des douleurs qui se réveillent et tout. J'explique ça dans le centre qui me suit, en disant, parce que là-bas, on n'avait pas le droit à deux balades par semaine, pas de sport ou quoi que ce soit. Il fallait, je crois, ils avaient mis une référence de BMI à plus que 20 ou 21 pour pouvoir faire du sport. J'étais à 19,5. Donc, je n'avais pas le droit à plus de deux balades par semaine et surtout, il ne fallait pas que je fasse de sport. Et quand j'explique ma problématique. avec des termes médicaux, où j'avais quand même l'impression que, vu mon rôle professionnel, on allait m'entendre. La seule chose qu'une des infirmières a réussi à me dire, c'est « c'est la maladie qui parle, tu as besoin de faire de l'activité physique, c'est la maladie qui parle » . Je ne crois pas, non. Et ça, c'est quand même plusieurs fois des choses que j'ai repérées chez les personnes qui m'ont soignée. Comme c'est quelque chose qui m'a sensibilisée parce que moi-même je soigne, je ne sais pas si... L'attitude que j'ai eue, qui justement leur faisait peut-être un effet miroir, a fait que du coup, elles étaient inconfortables à me prendre en charge. Et cette impression a été confirmée effectivement par la psychiatre qui me disait que c'était un petit peu plus compliqué pour elle, sans que ce soit une critique.

  • Speaker #0

    Mais en même temps, je ne peux pas m'empêcher de rebondir sur ce que t'as dit la psychiatre en disant que vous êtes quand même beaucoup dans le contrôle. et vous avez beaucoup de connaissances sur la maladie. Alors, quelle autre maladie que les TCA peut s'appeler la maladie du contrôle ? Enfin, je veux dire, c'est juste... Si tu as l'habitude d'accompagner des personnes qui ont des troubles alimentaires, et a fortiori, du côté de l'anorexie, il y a du contrôle. C'est la maladie du contrôle, c'est ça en fait, de l'hyper-contrôle. Et le côté beaucoup de connaissances, c'est pareil. On est dans l'hyper-intellectualisation, de toute façon, dans ces pathologies, donc dans une recherche. aussi d'aller comprendre. Et encore plus si tu es dans une chronicité de ton trouble, tu te renseignes, tu cherches. Et du coup, c'est un peu surprenant. Moi, quand je t'ai entendu dire ça, je me suis dit, en fait, c'est quelqu'un qui n'a pas l'habitude de prendre en charge des troubles alimentaires. Moi, c'est ça que ça m'évoque. Parce que oui, c'est ça, c'est comme ça. Mais est-ce que tu disais par rapport au centre de prise en charge ? Je pense que c'est hyper complexe de prendre en charge l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Je pense que c'est hyper complexe. Oui, oui. Et qu'en fait, en plus de ça, c'était un centre SP addicto TCA, et du coup, tu vois, on sent aussi le positionnement des personnes qui bossent en addicto, qui sont dans une méfiance de ce qui est amené par le patient. Oui,

  • Speaker #1

    complètement.

  • Speaker #0

    enfin bon Vous essayez de nous rouler dans la farine. Il y a beaucoup ça dans ce truc. Les personnes qui souffrent d'anorexie, elles vont chercher à nous manipuler de toute façon pour arriver à leur fin. De la même manière qu'on va imaginer ça. Et ce n'est pas que de l'imagination, effectivement. C'est une personne qui est accro à des substances et qui va tout faire pour aller en chercher, tu vois. Et c'est ça que je vois. J'ai l'impression qu'il y avait vachement de méfiance et que c'était compliqué d'entrer en vraie relation quelque part.

  • Speaker #1

    Oui, et puis moi, j'ai assez mal vécu parce que quand je m'occupe de mes patients, si je ne suis pas en relation avec eux, ça ne le fait pas, surtout qu'après, ils dorment et tout. C'est d'autant plus important que la phase avant de les endormir, il y a cette relation de confiance qui s'instaure. Alors, elle vaut ce qu'elle vaut parce que c'est vraiment sur très courte durée. Mais voilà, et ça, je n'ai pas retrouvé ça chez les soignants. Chez certains, oui. Je suis un petit peu dure. Pas chez tous, mais en tout cas, chez certains, oui. Mais ça, j'ai trouvé vraiment dommage. Parce que je sais qu'on peut faire différemment. Et que c'est la clé, je trouve, d'une prise en charge bienveillante et soignante. On ne doit pas être dans l'empathie absolue, mais tu dois accompagner l'autre où il se trouve. Il ne fallait pas avoir des espèces d'idées préconçues. Effectivement, toutes les anorexiques mentent. Bien sûr, et moi aussi, je me suis retrouvée à manipuler mon entourage pour pouvoir satisfaire mon trouble. Mais en tout cas, là, à ce moment-là, j'étais pas dans la manipulation. Oui,

  • Speaker #0

    et puis il y a quand même la question de l'âge qui est un peu différente, je pense, qui devrait amener une prise en charge différente.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à redire et beaucoup de choses à changer sur ces prises en charge-là. Oui, je pense que c'est... Mais je pense aussi sincèrement que c'est très complexe. Franchement, la prise en charge notamment de l'anorexie, c'est quand même quelque chose de très complexe. Et puis, qui ramène en tant que soignant à une forme d'impuissance. Et en tant que soignant, on n'aime pas trop être impuissant. Parce que si on est devenu soignant, c'est qu'on veut, je mets des normes guillemets, mais on ne va pas sentir, on veut sauver les gens. Tu vois ? Bien sûr. Voilà, donc c'est hyper compliqué. Et je parle de moi aussi en disant ça. C'est vrai que moi... C'est une problématique, l'anorexie, qui est plus complexe, je trouve, à accompagner et plus énergivore.

  • Speaker #1

    Complètement.

  • Speaker #0

    Mais après, je pense que chacun son vécu et ça dépend où on en est dans sa posture de soignant aussi, on va dire. Mais justement... J'ai envie de revenir sur cette posture de soignant, on en parlait un peu en off tout à l'heure, du fait que ça pouvait être aussi difficile d'être soignante, donc tu l'as dit, pour ta prise en charge, tu as l'impression que ça a joué des choses quand même avec les autres soignants, mais... aussi peut-être cette question de cette culpabilité, ces sentiments un peu bizarres de se dire je suis soignante, je prends soin des autres. Alors que moi, je souffre de cette pathologie-là, comme s'il y avait un peu un sentiment d'imposture.

  • Speaker #1

    Oui, complètement. Je pense que c'est pour ça aussi que ça a été très compliqué pour moi pendant des années, de franchir le pas d'en parler. Parce qu'effectivement, je me sens encore maintenant coupable de ne pas m'en être sortie. Comment je peux prétendre, moi, prendre soin des autres si je ne suis pas capable de prendre soin de moi ? Maintenant, j'ai aussi fait la part des choses. Je pense que ce qui m'aide, c'est que dans mon métier d'anesthésiste, je m'occupe principalement des enfants. Je fais bien la différence entre mes patients et moi. En anesthésiste, ce qui est topissime en tant que soignant, c'est que tu injectes un médicament et la personne n'a plus mal. C'est très on-off, c'est très valorisant comme ça. Mais mine de rien, ça reste quand même très compliqué parce qu'effectivement, je me sens... Oui, le fameux syndrome de l'imposteur qui est très à la mode en ce moment qu'on entend. Dans toutes les circonstances, c'est vrai que ça, c'est quelque chose qui est très présent chez moi.

  • Speaker #0

    Je pense que ça peut parler, c'est ce que je te disais aussi en haut, je pense que ça peut parler à pas mal de personnes parce que j'ai pas de chiffres là-dessus, mais je serais pas étonnée qu'il y ait beaucoup de personnes qui souffrent de troubles alimentaires qui soient dans le prendre soin, déjà, statistiquement. Dans les TCA, 90% sont des femmes. Les métiers du prendre soin sont quand même principalement occupés par des femmes. Donc déjà, statistiquement, on a quand même pas mal de chances que ce soit le cas. Mais aussi parce que, je ne sais pas trop comment on peut l'expliquer, mais dans les troubles alimentaires, souvent, je trouve qu'on retrouve des personnalités comme ça, très tournées vers l'autre, à vouloir faire attention aux autres, avec un oubli de soi, un effacement de soi. aussi parce que prendre soin des autres, ça permet peut-être aussi de manière un peu volontaire, même si elle est inconsciente, de moins penser à ce qui nous pollue nous. Il y a plein de choses. Je pense qu'en fait, c'est fréquent, c'est hyper représenté. Et je pense que c'est très culpabilisant. Je ne sais pas si c'est culpabilisant de bon mot, mais de se dire, mais en fait, qui suis-je pour prendre soin des autres alors que moi, je suis dans cet état-là, je suis incapable de prendre soin de moi. C'est ça. en même temps alors que moi j'ai envie de me dire que c'est aussi ça peut-être qui te rend si capable d'empathie et tu vois de prendre soin quoi.

  • Speaker #1

    En tout cas dès que je laisse un petit peu ce côté syndrome de l'imposteur de côté c'est là où je me sens où j'ai l'impression d'avoir. que ma vie a du sens, en fait, tout simplement. Et c'est là où j'ai beaucoup de chance, parce que j'ai vraiment un métier qui me stresse beaucoup par moments, mais qui est vraiment un métier ressource, parce que j'adore ce que je fais, quoi. Oui. C'est génial.

  • Speaker #0

    C'est top. Ça se sent tellement, dans ta façon de le dire, ce visage, comme quelque chose de très posé, là, quand tu le dis.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vraiment un très chouette métier. Mon seul souhait, c'est que les gens puissent effectivement trouver une voie professionnelle qui les épanouisse. Alors bien sûr, le travail ne fait pas tout, mais quand ça peut être une source d'épanouissement, pas toujours, pas tous les jours, pas toutes les heures. Il y a des fois où je n'ai pas envie d'aller bosser, c'est que je suis comme tout le monde. Mais quand globalement, tu trouves un moyen pour t'épanouir. et de trouver ta place sur cette terre, je trouve que c'est vraiment un game changer.

  • Speaker #0

    Ça aussi c'est une question très présente, je trouve, chez les personnes qui souffrent de troubles alimentaires, cette question de la place.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est marrant parce que moi c'est vraiment un questionnement que j'ai et que j'ai souvent associé parce que, en tout cas chez moi, il y a un syndrome dépressif qui est associé au TCA. En plus, je fais de la résistance aux antidépresseurs donc j'ai essayé plusieurs antidépresseurs, ça n'a jamais fonctionné. Mais c'est vrai que les fois où j'ai eu des périodes où j'avais plus de pensées suicidaires, c'était vraiment ce côté, mais à quoi je sers ? Pourquoi je suis là ? En plus, moi, mes projets de vie, c'est d'avoir des enfants, je n'ai pas d'enfants. Donc, ça a toujours été un peu une question centrale dans ma vie. Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce que je fais ? Est-ce que vraiment ça a du sens que je reste en vie ? Pourquoi souffrir finalement ? Et là, je dois avouer, à 48 ans, et c'est aussi pour ça que j'ai envie de dire aux gens de garder espoir, c'est que là, ok, je n'ai pas d'enfant, je n' Mes projets de vie tels que je les imaginais ne se sont pas forcément réalisés, mais grâce à mon activité professionnelle, là maintenant, par procuration, je m'occupe d'enfants. Et il n'y a rien de plus beau que de vous prenez l'enfant dans vos bras, parce que quand ils sont petits, et que les parents ne sont pas là, on les prend dans les bras, puis on les endort dans nos bras. Et puis on sent qu'ils lâchent et qu'ils nous font confiance, ça c'est des moments exceptionnels. Et voilà, ce n'est pas mon enfant, mais... Pendant un court instant, je peux m'occuper de cet enfant de la manière la plus bienveillante et de ce dont il a besoin à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Ce que tu dis sur la question de la place et ce côté associé à des idées suicidaires, mais qu'est-ce que je fous là ? Je ne sers à rien. C'est aussi quelque chose que j'ai beaucoup entendu chez les personnes victimes d'inceste. Je pense qu'il y a quand même quelque chose. Ça se comprend aussi assez facilement. sur ce flou dans la place quand tu vois à quel point justement l'inceste vient foutre le bordel dans la question de la place c'est à dire qu'on vient effacer les limites normales d'une famille tu vois, tu es censé être la fille et en fait le père te met à la place de femme alors que tu es sa fille tu vois, je veux dire on est sur les premières places fondamentales et fondatrices et on vient Voilà, foutre le bordel là-dedans et du coup ça peut engendrer tout un tas de questionnements autour de ça et puis surtout une mésestime de soi très très forte, d'inceste. Ah oui,

  • Speaker #1

    ah oui.

  • Speaker #0

    Donc c'est souvent très lié aussi.

  • Speaker #1

    Le problème c'est que cette mésestime elle est extrêmement présente puis elle renforce le trouble. C'est hallucinant. Moi, je vois, ça reste très compliqu�� pour moi d'avoir une bonne vision de ce que je suis et de ce que je fais. Souvent, je me dis, je suis nulle, je ne vaux rien, je suis con, je suis grosse, je suis moche. C'est vraiment un discours intérieur. Je voulais aussi en parler dans le sens où, même en ayant 48 ans, on est encore dans cette dynamique d'esprit de se trouver trop con, trop moche, trop bête, trop nulle.

  • Speaker #0

    Oui, mais il y a la possibilité d'agir aussi là-dessus.

  • Speaker #1

    Oui, et ça pèse quand même avec les années, moi je trouve quand même. Et ça, c'est chouette parce que moi, ce que j'ai compris avec le temps, c'est que ces pensées-là négatives, finalement, ne restent pas en tête. Et c'est ce que je fais maintenant, c'est quand elles me viennent en tête, je me dis OK, bon, ça va passer. Attends 5 minutes, 10 minutes. Et effectivement, c'est des pensées, ça passe. toute manière, à un moment donné, ça passe.

  • Speaker #0

    C'est clair, ce n'est pas la vérité absolue.

  • Speaker #1

    Non.

  • Speaker #0

    Ce qu'on appelle la diffusion cognitive, ne plus fusionner avec ces pensées qui débarquent et avoir l'impression que c'est Dieu qui nous susurre la vérité à l'oreille. Non, non. Et c'est trop compliqué pour toi de les contredire ?

  • Speaker #1

    J'y arrive petit à petit. Mais bon, il y a encore certaines pensées où je n'y arrive pas, mais d'autres, entre autres. tout ce qui est en lien avec l'activité professionnelle, là maintenant j'arrive à me dire, non, je ne suis pas nulle, non, ce que je fais c'est bien, parce que justement à force d'avoir quand même des retours positifs, et là le regard des autres a quand même son importance, j'essaie de, enfin, je pense qu'on a souvent cette croyance de se dire, il ne faut pas attendre des autres qui nous aident à remonter notre propre estime, mais ça aide quand même, et ça a quand même son importance.

  • Speaker #0

    Oui, mais de toute façon, c'est comme ça qu'elle se construit. C'est aussi pour ça que dans le cadre de traumas infantiles, il y a des choses qui semblent très accrochées. C'est parce que quand on est petit, malléable et que ça se construit, on construit notre estime de nous en lien avec les personnes directement les plus proches. On est fait comme ça de toute façon. Donc, moi, je suis d'accord. Je trouve que... Tu vois, l'idée d'être complètement détaché du regard de l'autre, c'est complètement utopique. Et en fait, on en a besoin, on a besoin des autres pour vivre. Et je crois qu'on peut faire la nuance entre toute attente de l'autre qui viendrait nous guérir, nous sauver, nous réparer, et juste aller chercher aussi chez l'autre ce qu'il peut nous apporter dans ce chemin de guérison, de réparation, etc. Et donc, oui, ça peut être le regard bienveillant de l'autre, le fait qu'il y a cet autre qui est capable... Alors un collègue qui est capable de nous dire qu'on est compétent, un ami qui est capable de nous dire qu'on est intelligent, enfin tu vois, c'est hyper important je trouve. On a parlé de plein de trucs, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Je trouve ça trop bien. Est-ce qu'il y a malgré tout un sujet sur lequel on n'est pas arrivé, quelque chose que tu te semblais important d'aborder pendant notre échange ?

  • Speaker #1

    Non, je crois qu'on a fait pas mal le tour. J'ai vraiment envie de dire aux personnes qui, effectivement, sont dans la chronicité, de ne pas abandonner malgré tout. Moi, maintenant, j'en suis rendue à un stade où j'essaye de me dire que... Les petites choses que je fais au quotidien, c'est déjà bien. Et d'aller chez l'esthéticienne, c'est bien. De sortir de chez soi, c'est bien aussi, parce que ça, c'est aussi un autre truc. L'isolement social en lien avec les TCA, je pense que c'est vraiment très délétère pour le trouble. Et moi, j'essaie de continuer à garder une vie sociale et de la nourrir. Et ça je pense que c'est aussi important de le garder en tête parce que c'est vrai qu'on aurait… si je m'écoutais je ne sortirais plus. Mais non, il ne faut pas s'écouter et comme je disais, ce type-là de pensée, ça reste 5-10 minutes, il faut juste attendre qu'elle passe et puis après on se remotive effectivement à faire des choses qui nous font du bien surtout que dès qu'on est dehors de chez soi, on se rend compte qu'on est bien aussi.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Merci de rappeler ça. Non, mais c'est vrai que la dimension sociale, elle est très, très impactée avec les troubles alimentaires. Et ça demande de l'énergie, en fait, de lutter contre, mais de rien. Donc, bravo à toi. Bravo à toi pour tout ça, finalement, pour quel parcours, quoi. Toutes ces années, parce que c'est pas juste le trouble alimentaire, on est bien d'accord. De toute façon, il a pris place en lien avec plein d'autres choses, mais que... Il y avait déjà des choses compliquées à gérer depuis le début, mais qu'en plus, tu as eu des souvenirs qui sont revenus, mais qu'en plus, il y a eu cette relation toxique. Et qu'en plus... Et voilà. Et en fait, mine de rien, tu es là. Tu es là, tu avances. Tu continues d'apporter aux autres par le biais de tes relations sociales, par le biais de ton travail, tout ça. Donc, bravo. C'est chouette. Je trouve qu'effectivement, c'est un joli message d'espoir. Merci. Un grand merci à toi pour être venue et échanger ici, pour la confiance que tu m'as accordée, parce que j'ai bien compris que ce n'était pas simple la confiance en plus, donc j'en suis d'autant plus honorée.

  • Speaker #1

    Je te suis quand même depuis très longtemps, alors je ne fais pas partie des gens qui manifestent beaucoup, parce que ce n'est pas trop mon genre, mais c'est vrai que... Je ne me serais pas, je ne t'aurais pas contacté si je n'avais pas eu la preuve en long et large, en travers de ta bienveillance, de ton empathie. J'aime bien parce que tu peux ne pas être d'accord avec les gens, tu le diras. Pour moi, c'est aussi un signe de confiance. J'aime beaucoup le fait qu'au-delà de respecter l'autre, tu te respectes toi-même dans tes interactions.

  • Speaker #0

    Wow, merci. C'est un magnifique retour. c'est important pour moi d'entendre ça merci beaucoup et merci pour les personnes qui nous écouteront et chez qui je suis sûre il y aura plein de résonance moi j'espère et surtout garder espoir merci

  • Speaker #2

    Cynthia un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode comme je te le dis souvent ton soutien est super important c'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui alors si mon contenu t'apporte de l'aide, d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast, en parler autour de toi, à tes proches mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. effectivement tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté merci, merci beaucoup, c'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode, ciao

Chapters

  • Présentation de Cynthia

    01:34

  • Ses souvenirs d’enfant autour du corps et de l’alimentation

    03:44

  • La première phase d’anorexie

    08:52

  • Le déclencheur des crises de boulimie

    17:50

  • TW mention de faits d’inceste

    43:29

  • Ce que Cynthia aimerait transmettre

    01:10:02

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