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"Je ne voulais plus survivre, je voulais vivre" Camille raconte sa guérison de l'anorexie E.181 cover
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TCA etc - Comprendre et lutter contre les troubles alimentaires

"Je ne voulais plus survivre, je voulais vivre" Camille raconte sa guérison de l'anorexie E.181

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1h18 |21/11/2025|

427

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Description


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Camille livre un témoignage sincère et nuancé sur son parcours face à l’anorexie.


De la danse classique à l’hospitalisation, elle revient sur les mécanismes de contrôle, le déni, la peur de grossir, et le long chemin vers plus de liberté intérieure.


Au fil de l’échange, elle revient sur les signes ignorés, le rôle de son entourage, la foi, les rechutes, et le long processus de réappropriation du corps et de la nourriture.
Son récit met en lumière les dimensions physiques, psychologiques et relationnelles de l’anorexie, et offre un regard lucide sur la réalité du rétablissement.


1000 merci Camille 🙏



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Milsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres, bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Je suis trop contente d'accueillir en direct à la maison Camille qui revient me voir parce que, mais à coups de pas, je le dis quand même au début du podcast, on a déjà enregistré toutes les deux il y a plusieurs mois. Tu te rappelles ?

  • Speaker #1

    avril-mai.

  • Speaker #0

    Et donc j'ai perdu l'enregistrement. Voilà, je m'en suis beaucoup voulue. Mais comme Camille est trop sympa et trop motivée, elle revient. Et du coup, je me dis en plus, il y a des choses qui ont forcément changé, bougé. Donc c'est trop bien. Tu vas pouvoir me raconter ça. Je te propose de commencer par te présenter.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Camille, j'ai 23 ans. Je vis à Rouen depuis un mois et demi, ça a changé depuis la dernière fois. Je suis originaire du Nord, mais depuis le début de l'année on me dit d'où tu viens et à chaque fois je ne sais pas répondre entre Lille, Angers, Rouen, je suis perdue. Et j'ai commencé des études en psychomote à la rentrée, en mode reprise d'études, et j'ai arrêté depuis la rentrée, il y a une semaine, et c'est très cool. Je suis très contente d'avoir commencé, découvert et arrêté, j'ai envie de dire attend, de ne pas avoir cherché à continuer alors que je ne me sentais pas à ma place et voilà, fin de m'être écoutée. Et c'était un peu mon constat de début d'année de m'être dit, ça il y a 3-4 ans, même 2 ans, j'aurais juste persévéré en me disant Camille t'as commencé, tu vas au bout, alors qu'en fait c'est pas grave de se tromper quoi.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. je pense que ça fera écho même pour des personnes vachement plus âgées que toi en fait c'est vachement dur en fait de s'écouter faire ce constat et dire ok j'arrête et de pas le vivre comme un échec mais au contraire et

  • Speaker #2

    puis un peu le truc dans la classe j'étais avec quand même beaucoup de filles de 18-19 ans et donc déjà pour elles j'étais une ancêtre de revenir là en première année à 23 ans et donc quand en plus je leur dis au bout d'un mois bon en fait les filles j'arrête Elle était un peu en mode, mais Camille, c'est quoi sa vie, quoi ? Et en même temps, il y en a plein qui m'ont dit... Il y en a deux qui m'ont dit, moi, j'ai trop envie d'arrêter aussi, mais je n'arrêterai pas parce que ça ne se fait pas, quoi. Parce qu'il faut aller au bout, parce que machin...

  • Speaker #0

    Alors que c'est trois ans, c'est bien ça.

  • Speaker #2

    Oui. Trois ans, c'est long, quand même.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Ah, mais sur l'ancêtre, ça me rappelle des souvenirs, parce que moi, j'ai voulu reprendre psycho quand j'avais 33, 34. Et donc... J'ai réussi à entrer directement en licence 2. Mais bon, du coup, elles avaient 19 ans au lieu de 18. C'était horrible. Je pense que c'est une des pires expériences de ma vie. Donc, j'ai vite arrêté. Et non pas parce que les études ne me plaisaient pas. Encore que je trouvais que ça me semblait très éloigné de la psycho. En réalité, un truc basique même pour de la L2. Mais l'ambiance et tout, je trouvais ça dur. Mais bon, bref. Du coup, là maintenant,

  • Speaker #2

    je suis en mode recherche d'emploi, avec des pistes qui s'ouvrent.

  • Speaker #0

    Trop bien. Et du coup, t'étais venue il y a quelques mois témoigner à mon micro pour parler d'un truc qui a occupé ta vie pas mal à un moment donné, qui a pris un peu de place.

  • Speaker #2

    J'ai presque l'impression, je me disais aujourd'hui, j'ai l'impression que c'était pas ma vie. Je sais pas comment dire. Ça me paraît tellement lointain de qui je suis aujourd'hui, de comment je vois la vie.

  • Speaker #0

    Oui, on va en parler quand même un peu. Du coup, ça peut être drôle justement de réactiver ces souvenirs-là alors qu'ils te paraissent si lointains. Généralement, ce n'est pas du tout désagréable. Au contraire, c'est plutôt trop bien de se dire c'est vrai que ma vie ressemblait à ça. Et donc il y a une question que j'aime bien poser pour commencer en préambule du podcast, c'est de savoir quel type de petite fille tu étais toi, dans le rapport à ton corps et à la nourriture. Quel souvenir tu as de l'enfance ?

  • Speaker #2

    Dans mon rapport à mon corps, j'étais une petite fille qui avait l'impression que son corps la trahissait, parce qu'il grandissait très vite. J'ai sauté une classe et pourtant j'étais quand même la plus grande de ma classe. J'ai très vite eu un corps d'ado, alors que moi dans ma tête j'étais une petite fille qui jouait à la poupée et ça lui allait très bien. Donc ce sentiment de ce que je montre et ce que mon corps montre... est complètement différent de qui je me sens à l'intérieur. Et une petite fille qui a grandi en faisant de la danse classique et qui du coup était tout le temps confrontée face au miroir de moi mon corps est un corps d'ado alors que mes copines qui sont à la barre à côté de moi ont encore des corps de petites filles, donc sans forme, tout fin. Donc ouais, plutôt pas... Enfin je pense aussi dans un environnement familial où le corps les garçons étaient très sportifs du coup... c'est pas vraiment une question, les filles plutôt enfin en tout cas avec maman pas bien dans son corps, ma grande soeur c'était aussi une question, enfin je pense que le corps féminin est un truc où de toute façon on est pas bien dans notre corps quoi ouais c'est presque,

  • Speaker #0

    ça fait partie des casques qu'on doit cocher, ouais ouais il y a presque, il y a beaucoup d'injonctions sur le corps des femmes mais c'est vrai qu'on pourrait presque se dire que c'est presque une injonction d'être mal dans sa peau quoi oui c'est ça en fait,

  • Speaker #2

    mais du coup c'était pas quand j'étais petite c'était pas une question, juste c'était bon bah je suis mal dans mon corps mais c'est comme ça quoi c'est normal entre guillemets et ça jouait sur ton alimentation ? et mon alimentation quand j'étais petite vraiment pas je pense plutôt j'ai trois grands frères et soeurs donc c'était plutôt style famille nombreuse les gros plats familiaux donc un soir lasagne, le lendemain un soir tartiflette, le lendemain un soir crêpe En tout cas, plutôt dans la famille, on aime bien manger, c'est cool. Et voilà. Et moi, je suis plutôt très gourmande. Ouais, j'adore le petit-déj et le goûter. Voilà. Et en même temps, un peu... C'est marrant, un truc qui m'est souvent revenu, c'est que papa, le matin, il partait assez tôt au travail et il nous préparait toujours le petit-déj. Donc quand on descendait, le petit-déj était prêt sur la table. Donc ils savaient, Sylvain prend trois tartines comme ça et deux tartines comme ça, Camille prend trois comme ça à la confiture. Et en fait, moi j'aimais pas le pain, mais je sais pas, au petit déj c'est du pain, donc en fait tu dis rien et tu manges ton pain. Et en grandissant, je me suis mise à cacher mon pain que je mangeais pas, parce que j'osais pas dire que j'aimais pas le pain, puisque papa il était trop mignon à me préparer ma tartine, donc j'allais pas lui dire, en fait ce que tu me prépares j'aime pas. Et en même temps, enfin, en tout cas, un truc avec du recul, je me dis, c'est pas tout à fait normal comme comportement. Enfin, en tout cas, ça peut poser des questions. De, enfin, c'est ça, des enjeux autour de l'alimentation. De, faut pas que je dise que j'aime pas parce que ça va décevoir et ils vont s'inquiéter. Et en même temps, c'est pas que je veux pas prendre de petits-déj, c'est que j'aime pas le pain. Mais y'a pas d'autre solution, enfin...

  • Speaker #0

    Peur de décevoir et peur d'inquiéter.

  • Speaker #2

    Ouais. Peur de prendre trop de place. Ouais. Peur d'être un poids.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que la symbolique des mots que tu utilises, la trop de place, un poids. Ouais. Ok. Donc tu dis finalement, ton rapport à l'alimentation, il était plutôt lambda. Jusqu'à quel âge tu dirais que c'est resté comme ça ? Ou si je le demandais autrement, à partir de quel âge c'est devenu compliqué ?

  • Speaker #2

    À partir de 14 ans. De l'entrée en seconde. Mi-seconde.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Et où je me souviens hyper bien du jour où je me suis dit ok, je vais perdre du poids. Et du coup, je vais diminuer, enfin, je vais arrêter de prendre un goûter. J'étais dans un lycée où tous les récrés de l'après-midi, on avait un pain au chocolat et une pomme en goûter. Ça devait être dans la scolarité quoi. À la récré, on avait tout, je cherchais notre pain au chocolat. Je me suis fait hyper bien du jour où je me suis dit, ok, je ne prendrai plus qu'une pomme. Alors que le début de l'année, je prenais un pain au chocolat comme tout le monde et...

  • Speaker #0

    Et il s'est passé un truc en particulier pour que tu te dises ça un jour ?

  • Speaker #2

    Bah je pense que le... ce truc de petite fille de je suis pas bien dans mon corps mais c'est comme ça est devenu trop fort, enfin en tout cas le c'est comme ça ne marchait plus. Et c'était plutôt un truc de je suis pas bien dans mon corps, je suis pas bien à l'école, enfin j'aime... Je n'étais pas... Enfin, ce que je te disais tout à l'heure, mais le système scolaire, ce n'était pas si facile. J'ai des copines qui sont plus fines que moi. À la danse, je comprends bien que si je maigris, j'aurai des meilleurs rôles et que j'avancerai dans les places. Donc si je m'aigris, en fait, tout va s'arranger, puisque je serai mieux dans mon corps, je serai comme mes copines.

  • Speaker #0

    Ta vie sera meilleure, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis à la danse, je comprends bien, est-ce que tu lis entre les lignes ou est-ce que ça t'est clairement dit ? On est clairement félicité quand on perd du poids et qu'on mincit. Dès petite, tu dirais, ou c'est un truc qui s'est vraiment installé à l'adolescence ? Au moment où,

  • Speaker #2

    entre guillemets, ça... peut devenir sérieux. Quand on est petit, c'est l'activité du mercredi, c'est mignon, mais on danse pour le plaisir. En grandissant, il y a toute la technique qui arrive, tout le côté performance, où du coup, soit tu veux que ça reste une activité du mercredi, va trouver une autre école de danse, soit tu veux que ça devienne limite ton métier, ou en tout cas que ça prenne une vraie grosse place dans ta vie, du coup, il faut se donner les moyens. Et ça passe aussi par l'apparence de ton corps, quoi. Par le corps que tu maîtrises. Toi,

  • Speaker #0

    t'envisageais d'en faire ton métier, à un moment donné, peut-être ?

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Ouais. En tout cas, je me souviens un peu de titre, regarder les grandes, en me disant un jour ce sera moi la grande, et un jour je serai danseuse, quoi. Pas. Finalement. Et je crois que j'aurais pas été très heureuse dans cette vie-là. Mais... Ouais, en tout cas, c'était un univers où, si la prof entend qu'en sortant du cours, on a prévu d'aller manger une pizza entre filles du cours, on se fait démonter en mode, en fait, les filles, vous allez manger une salade, quoi. Donc, c'est pas clairement dit tout en étant...

  • Speaker #0

    C'est quand même assez clair. Ça semble assez clair. Ça, plus le fait d'être félicité quand vous perdez du poids. Ouais, OK. Après, c'est quand même assez connu dans le milieu de la danse, et particulièrement de la danse classique. Je n'ai pas l'impression que ce soit parti pour évoluer, ça, pour le moment.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression qu'il y a quand même de plus en plus de cours pour adultes qui ouvrent en mode détente, quoi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, oui.

  • Speaker #2

    Mais sur ce truc, en tout cas, oui, ce qui compte dans la danse classique, c'est ce qu'on montre, ce qu'on donne à voir, que ça ait l'air beau, harmonieux. Donc en fait, de savoir que t'as les pieds en sang derrière tes pointes, on s'en fout, tant que tes pointes sont belles. Oui,

  • Speaker #0

    mais on part aussi avec un gros parti pris, qui serait que si le corps n'est pas filiforme, alors c'est moins beau, voire pas du tout, mais pas harmonieux.

  • Speaker #2

    En fait, il faut être tous pareils. On s'en fout de l'individu, quoi. Il faut que l'individu soit fondu dans la masse. Et donc, le plus facile, c'est de se dire, si vous êtes tous filiformes, vous serez toutes pareilles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce qu'en fait, je n'avais jamais entendu ça comme ça par rapport aussi au pourquoi être si mince voire maigre quand on pratique ce sport. Ok, donc tu penses qu'il y a eu un cumul, tu le disais, il y avait quand même un mal-être depuis petite, dans la famille, le corps des femmes, c'était quand même un sujet.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #0

    Bon, tu as grandi dans la même société que dans laquelle on vit actuellement, donc il y a aussi un gros sujet à plein de niveaux. La danse classique, c'est vrai que tu cumulais quelques petits trucs quand même.

  • Speaker #2

    Et puis je pense qu'on s'aime bien là comme ça, mais c'est aussi arrivé à la période où je suis la dernière de mes frères et soeurs. Et donc je me suis retrouvée toute seule, enfin mes frères et soeurs sont tous partis, je me suis retrouvée toute seule entre les parents, avec beaucoup de tension dans leur relation entre eux. Et donc moi, un peu un truc de, il ne faut pas que j'en rajoute, quoi. Il faut que je sois parfaite, que je ne prenne pas trop de place, que je ne les dérange pas. Donc, je vais faire ma vie de mon côté. Et c'est ça, un peu ce truc de, dans le cadre familial, je vais m'effacer pour ne pas déranger, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Tu disais qu'avec le recul, maintenant, tu te souviens très bien de ce jour.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Où tu as dit, ok, je ne vais plus manger que la pomme au goûter, finir le pain au chocolat. Et pour toi, c'est le début, finalement. C'est le bouton on de tout ce qui se passe derrière, des troubles alimentaires, tout ça.

  • Speaker #3

    Oui, vraiment.

  • Speaker #2

    Ça a commencé petit, en me disant, ok, j'arrête de grignoter, je ne sais pas quoi. Je pense que ça peut arriver à plein d'ados sans que ça bascule derrière. Des ados qui se disent, pendant deux semaines, je fais un régime, et en fait, c'est trop bien de manger. Ça bascule pas, mais ouais, je pense que c'est le début.

  • Speaker #0

    Ouais. Et comment ça se... Comment ça se passe ? Comment ça s'enchaîne ? Combien de temps ça prend aussi, finalement ? Avant, déjà, la première question qui me vient par rapport à cette question du temps, c'est de me dire combien de temps avant que ça devienne vraiment un truc pathologique, à ton avis ? Est-ce que tu as l'impression d'avoir vite basculé ?

  • Speaker #2

    Je ne sais pas. Parce qu'en fait, j'ai l'impression que même quand un an et demi plus tard, je me suis retrouvée à l'hôpital, pour moi, ce n'était pas pathologique. Enfin, pour moi, c'était normal. Donc, je n'avais pas du tout conscience de... Ouais, de quand c'est devenu problématique. Donc je sais pas du tout, j'essaierai pas de dire.

  • Speaker #0

    Ouais, t'as pas l'impression qu'il y a un moment où, parce que tu disais ça a commencé par des petites choses, tiens je vais pas prendre de goûter, je vais pas faire ci, à partir de quel moment t'as l'impression d'avoir mis en place des grosses restrictions par exemple, tu vois et combien de temps ça a pris ?

  • Speaker #2

    Je me souviens de l'été... L'histoire du pain au chocolat, c'était à la Toussaint de mon année de seconde. Et donc l'été, à la fin de la seconde, je me souviens qu'en scouts, du coup, à un moment où j'étais en collectivité, où ça questionnait. En tout cas, j'étais pas comme tout le monde. Je mangeais pas comme tout le monde. Et que ça a interpellé les filles autour de moi en me disant « Mais Camille, t'as rien mangé alors qu'on a couru toute la matinée. » Mais je sais pas si c'est à ce moment-là... Ou si c'était déjà avant, mais comme j'étais, entre guillemets, anonyme à la cantine ou quoi, ça ne ressortait pas forcément.

  • Speaker #0

    Et ta perte de poids n'a pas été trop flagrante et rapide ? C'est ça aussi qui peut parfois alarmer autour.

  • Speaker #2

    Je pense qu'entre la Toussaint et l'été, ça va. J'ai aussi commencé beaucoup plus de sport. Et donc je pense que mon corps s'est plus musclé, ça ne se voyait pas forcément. Entre l'été et Noël d'après, ça a été dégringolade d'un coup. Je pense que quand ça a commencé à être un peu connu, parce que du coup mes chefs scouts ont prévenu mes parents, en mode, remarquez ça chez Camille, c'est peut-être pas inquiétant, mais en tout cas on vous prévient. Du coup il y a un peu eu un truc de, maintenant que les parents sont au courant, j'ai plus à essayer de cacher ou faire dans mon coin. Et du coup, ça a été porte ouverte. Je ne fais plus d'efforts, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Là où ça aurait pu être l'inverse, en fait, où tu te dis « Ah non, non, non, il faut à tout prix que je les rassure, que je leur montre que non, c'est pas vrai, tout va bien. » En fait, non, là, ça a été un peu... T'as lâché, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Je pense que du coup, ça devait déjà être bien installé.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais oui, ça a plutôt été un truc de... Avant, je faisais... Par exemple, je mangeais pas du tout à la cantine, mais du coup, le soir, je mangeais un peu pour pas que les parents s'inquiètent, machin. Là, puisque de toute façon, ils étaient au courant et déjà inquiets, bon bah, autant qu'ils soient inquiets légitimement, quoi. Et donc, plus d'efforts, ni à la maison, ni à la cantine. Et donc là, ça a été trois mois de grosses, grosses dégringolades sur le poids, sur l'énergie, sur le moral, sur tout, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu te souviens comment tu te sentais ? Dans les différentes étapes, tu parlais de cette première étape entre la Toussaint et l'été. Comment tu vivais la perte de poids ? Est-ce que c'était grisant pour toi de te voir perdre du poids ?

  • Speaker #2

    Je me sentais hyper puissante. Je sentais que je progressais dans tout, dans le sport, à la danse. Je me suis mise à la course à pied alors que je n'avais jamais couru de ma vie. Et comme du coup, j'allais courir hyper souvent, j'ai progressé très vite. À la danse de fête, je voyais que je passais du troisième rang au deuxième rang, du deuxième rang au premier rang. À l'école, j'avais l'impression que tout était plus facile. Je ne sais pas, je travaillais moins ou plus efficacement, je ne sais pas trop comment, mais en tout cas, un boom de mes résultats scolaires. Et oui, même dans les relations. Un truc, enfin, ouais, tout était plus simple, quoi. C'est fou, c'est étonnant même. Ouais. Bah, je pense que ça n'avait pas encore d'impact sur mon énergie. Enfin, pas trop.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #2

    Et du coup...

  • Speaker #0

    Ouais. On peut se demander ce qui se jouait au niveau hormonal, tu vois, sur des décharges d'adrénaline aussi, un peu. Qu'est-ce qui... Enfin, malgré tout, peut-être qu'il y avait encore un... Il y avait quand même un impact. très certainement sur ton énergie, mais il y avait quelque chose qui venait prendre le... Oui,

  • Speaker #2

    qui était plus fort.

  • Speaker #0

    Oui, ou qui venait pallier, tu vois, à ça, et qui te donnait aussi peut-être cette sensation. Je sais pas, c'est vrai que c'est surprenant. Et tu dis qu'il y a eu après le moment des gringolades, où là justement, t'as eu l'impression de perdre toute ton énergie.

  • Speaker #2

    Oui, pour le coup là, trois mois vraiment très durs, trois, quatre mois, de plus d'énergie, plus on veut rien faire, plus... Enfin, hyper irascible, ça se dit.

  • Speaker #0

    Oui, en tout cas,

  • Speaker #2

    dans les relations avec les gens, du coup, c'était difficile parce que tout le monde me saoulait, parce que ce n'était pas comme je voulais que ce soit et que je n'avais pas le contrôle sur ce que les gens font, sur ce que les gens disent. Et donc, pour moi, c'était assez insupportable de ne pas pouvoir tout contrôler et où, du coup, de fait, je sentais que ça avait un impact sur mon entourage. qui s'inquiétaient pour moi, qui ne savaient pas quoi faire. Et du coup, forcément, quand tu es entre papa et maman, que tu ne manges pas grand-chose, forcément, un coup, ils essayent de rien dire, l'autre coup, ils s'énervent, l'autre coup, ils pleurent. Ils essayent de faire quelque chose.

  • Speaker #0

    Là, il y avait beaucoup d'inquiétude. Oui. Et tu continuais tout à l'heure, tu as parlé un peu des scouts. Oui. Donc là, ma question que j'allais te poser, c'est... est-ce que tu continuais d'y aller ? Mais peut-être qu'on peut faire aussi une parenthèse et parler de l'importance que ça a toujours eu dans ta vie. Parce que quand on avait enregistré la première fois, je pense que je t'avais posé plein de questions. Et je me dis, malgré tout, c'est intéressant d'en parler parce que je t'avais posé des questions aussi sur... Ah ouais, mais attends, mais en quoi ça consiste, les scouts ? J'étais tellement surprise que tu m'en parles. Et genre, mais est-ce qu'il y a un lien avec la religion et tout ça ? Toutes ces questions qu'on peut se poser. Mais en tout cas... Toi, c'est quelque chose qui est entré dans ta vie très jeune ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'ai commencé à 7-8 ans, quand on peut commencer. Et ouais, c'est toujours resté, et encore aujourd'hui, hyper important. Je pense que les deux trucs principaux, c'est vraiment les amitiés. J'étais dans un groupe non-mix, donc on n'était qu'avec des filles. Et en gros, de mes 7 à mes 18 ans, on se voyait... Enfin, deux, trois fois par mois, tout le week-end, avec les mêmes filles avec qui on a grandi. Et donc, il y en a forcément avec qui ça passe moins bien. Mais c'est aussi des lieux où... Par exemple, par rapport au lycée, où les relations peuvent être quand même assez superficielles. Moi, je ne m'y retrouvais pas trop, quoi. Au scout, on est nature, quoi. On peut ne pas se laver pendant trois jours. Ce n'est pas ça qui fait qu'on ne va plus être copine. Et donc c'était un lieu hyper important pour moi dans cette dimension-là des relations. Et dans le côté, au scout tout est possible. On peut rêver grand, on peut faire des projets que normalement on ne fait pas à 15 ans, mais là juste on a un foulard autour du cou et on est 15, donc en fait on va le faire et ça va marcher. De se dépasser dans... Je sais pas, si on fait un camp itinérant, marcher 20 km par jour avec un sac sur le dos, on se soutient les uns les autres, on se dépasse. Si c'est, je sais pas, aller animer un truc dans une maison de retraite, c'est pas toujours facile de parler devant les gens, mais on apprend et on se dépasse. Donc ouais, un peu ce truc où tout est possible. Et du coup, même quand ça va pas, en fait, tout reste possible. Et donc, quand ça dépasse, ça restait une bulle d'air. Ouais.

  • Speaker #0

    Ouais, et finalement, il y a eu un rôle important quand même, parce que ce sont tes chefs scouts qui sont allés alerter tes parents.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc, s'il n'y avait pas eu cet espace-là, enfin, c'est pas ta prof de danse.

  • Speaker #2

    Mais non.

  • Speaker #0

    Tu aurais pu aller alerter tes parents, tu vois. Ouais,

  • Speaker #2

    ouais. Ouais, c'est sûr. En tout cas, c'était aussi un lieu où j'étais importante, enfin, où scouts chaque jeune est important pour qui il est. Sans rien approuver, c'est pas parce que t'as 18 badges que t'es plus important que le petit nouveau qui vient d'arriver. Et donc de fait, je pense que ça c'était hyper important pour moi de savoir que je compte dans un groupe pour des plus vieux qui nous accompagnent, pour des filles de mon âge. C'est génial les scouts.

  • Speaker #0

    Ouais, ça a l'air. Et du coup, tu m'avais expliqué qu'il y avait différents types de scouts.

  • Speaker #2

    Ouais. C'est ça. Il y a... En gros, il y a un peu plein de scouts selon les différentes religions, et du coup aussi des scouts laïcs. Et un peu les plus connus en France, enfin ceux dont on peut souvent entendre parler, c'est les scouts et guides de France, les SUF et les scouts d'Europe. Donc ça, c'est trois mouvements de la branche des scouts catholiques. On dit comme ça. Et donc, qui sont, à la base, c'était un seul... Enfin, il n'y avait qu'une forme de scoutisme. Et puis, au fur et à mesure des années, ça s'est un peu différencié selon les gens qui l'ont tenu à droite, à gauche. Et je dirais que ce qui différencie beaucoup, c'est la place de la foi et de la religion dans ces trois mouvements-là. Par exemple, les Scooters Guide de France, c'est un mouvement ouvert à tous. Donc, en fait, dans les faits... Je pense que plus de la moitié des jeunes ne sont pas du tout catho, enfin, ont grandi ou pas dans des familles catho, mais ça n'a pas de place dans la revue, et ils trouvent tout à fait leur place quand même. Là où, par exemple, les scouts d'Europe, c'est beaucoup plus important. Enfin, je pense que si tu as grandi dans une famille pas catho et que tu n'as pas les codes, tu ne t'y retrouves pas. Donc c'est différentes approches, ça touche différents types de jeunes. Il y a toujours une petite guéguerre entre les deux, mais je dirais pas lesquelles sont les meilleures.

  • Speaker #0

    Ok, bon, parenthèse refermée, mais c'est important d'en parler parce que je sais à quel point ça a été et c'est encore important dans ta vie. Et donc, on revient justement à cette phase-là de dégringolade et les questions qui me viennent, c'est... Ok, tu sens que ton énergie est en train de te lâcher, mais est-ce que tu continues d'aller à la danse ? Est-ce que tu continues d'aller le week-end entre scouts ? Comment ça va ? Comment ça se passe pour toi à ce moment-là ?

  • Speaker #2

    Je continue tout comme s'il ne se passait rien, voire plus. J'étais plutôt dans un rythme... Le lundi soir, j'avais danse et flûte. Le mardi, j'avais chorale. Le mercredi, j'avais danse, orchestre et badminton. Le jeudi, j'avais... Une, deux ou trois activités par soir, donc plutôt avec un rythme effréné, enfin même trop rythmé quoi. Mais je continue à tout faire et je continue à être première de classe et je continue, enfin, il y a un truc où, je sais pas, avec le recul, je sais pas comment c'est possible, mais en tout cas je continue à assumer tout de ma vie, mais en étant éteinte.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est le perfectionnisme à son paroxysme aussi. qu'on retrouve beaucoup dans l'anorexie. Et ce que tu dis, ça me fait penser aussi aux personnes à qui on fait des examens sanguins, alors qu'elles sont en grave sous-poids. Les examens sanguins sont nickels. Et ça, c'est hyper fréquent. C'est un peu un truc basique qu'on observe beaucoup. Et ça me fait penser à ça, à cette phase que tu traverses où tu es portée par ce truc-là, ce sentiment de puissance. Et en fait... le perfectionnisme de l'anorexie vient nourrir celui de la bonne élève et inversement enfin voilà c'est un truc de fou quoi et où je pense,

  • Speaker #2

    enfin je sens que s'il y a un petit truc du rouage qui s'arrête ou qui change, tout s'écroule donc il peut pas y avoir un changement,

  • Speaker #0

    donc il faut de la rigidité donc en fait il faut que ça tienne, donc ça tient je crois me souvenir d'un truc en discutant avec toi d'un... Peut-être que je vais un peu vite, mais si jamais tu avais d'autres choses à ajouter, c'est pas grave, on s'en fout de ne pas respecter un ordre chronologique, on reviendra en arrière. Mais je me souviens, je crois me souvenir qu'un jour, tu ne peux plus sortir de ton lit en fait.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Et tu devais aller à la danse, je crois justement, et tu étais incapable d'y aller.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Ça, ça arrive tout début janvier et juste après.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Après des vacances de Noël, du coup, un peu vénère en famille. Tous les frères et sœurs rentrent pour les vacances, ils ne m'ont pas vu depuis 4-5 mois, donc ils tombent un peu des nues en me voyant physiquement, en me voyant moralement, donc ils ne comprennent pas ce qui se passe. Moi, je mange à peine 3 pommes par jour et rien d'autre. Je suis une dictatrice, quoi. Pendant que dans ma relation, ils ont un peu pris cher, les frères et sœurs. Ouais, donc après des vacances de Noël vraiment dures, moi je me dis la rentrée va reprendre, je vais reprendre mon rythme et tout va bien se passer, de toute façon c'est comme ça, et en fait, en fait pas, et donc ouais je me retrouve dans mon lit le matin, je dois partir à la danse et en fait je peux pas me lever, parce que mon corps tient plus debout quoi, donc je sais pas si c'est le rythme des vacances, si c'est d'avoir vu les frères et sœurs, si c'est... Le trop, c'était le bout.

  • Speaker #0

    Tu avais atteint la limite de ton corps aussi.

  • Speaker #2

    Et en même temps...

  • Speaker #0

    Moi je me dis juste, je vais faire une sieste et ce sera...

  • Speaker #1

    Et puis tout ira bien. Ah oui, mais le déni, parlons-en du déni. D'ailleurs, c'est ce que tu me disais tout à l'heure. Toi, t'avais pas l'impression d'avoir de problème finalement.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Tu voyais ton corps tel qu'il était à ce moment-là, tu penses ?

  • Speaker #0

    Je le voyais énorme. Je pense qu'il n'était pas comme ça.

  • Speaker #1

    Tu le voyais énorme. Pour toi, il était nécessaire de perdre encore du poids.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais. Ah oui, je me voyais pas... Enfin, je me souviens des frères et sœurs qui osaient pas me prendre dans les bras en me disant « Mais en fait, si on te touche, on va te casser » . Moi, je captais pas. Enfin, je me disais « Mais qu'est-ce que tu racontes ? » À la limite, c'est moi qui vais t'écraser parce que je prends trop de place, quoi. Mais de... Ouais, de vraiment pas voir. Et du coup, après cette sieste qui n'a pas... Malheureusement, pas tout résolu. J'envoie un SMS à maman parce qu'en fait je suis incapable de descendre les escaliers donc je peux pas aller la voir en vrai. Et donc c'est ça qui est assez étrange, c'est que je lui envoie un message en lui disant je crois qu'il faut m'emmener à l'hôpital. Et donc comme si, enfin à la fois je sens qu'il y a une urgence ou qu'il y a un truc qui va pas et en même temps...

  • Speaker #1

    Ouais peut-être une urgence physique, peut-être que tu pensais que c'était purement somatique quoi à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça. L'urgence de là, mon corps est très fatigué.

  • Speaker #1

    C'est bizarre, j'ai peut-être une petite carence. Et en même temps,

  • Speaker #0

    direct après lui avoir envoyé ce message, je regrette en me disant qu'il va me dire que je suis fatiguée, qu'il doit ralentir alors que je ne dois pas ralentir. Mais oui, en tout cas, un décalage énorme entre la réalité et dans ma tête.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, tu le perçois, ce décalage-là ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais aujourd'hui, c'est possible pour toi de te dire, à ce moment-là, j'étais déjà bien malade, j'étais au fin fond. Mais j'imagine qu'il t'a fallu du temps pour admettre ça.

  • Speaker #0

    Oui, il m'a fallu des mois, c'est sûr. Peut-être des années pour capter la profondeur. Ouais, sur le coup, c'est marrant parce que je me souviens, du coup j'ai été hospitalisée en urgence, et je me souviens me dire, en fait je suis juste fatiguée, je vais me reposer et je rentrerai à la maison. Et dire ça à mes copines, en mode, je suis pas là ce week-end au week-end scout parce qu'on m'oblige à rester à l'hôpital, mais en trois semaines je suis là quoi, enfin un truc... Et d'être incapable d'intégrer que c'était pas que ça. Et de me retrouver dans un service avec des filles toutes plus maigres les unes que les autres. Et vraiment, je me dis, mais qu'est-ce que je fous là ? En fait, je prends la place d'une fille qui en aurait besoin.

  • Speaker #1

    Tes copines, elles te disaient quoi, elles ? Parce qu'elles ont dû te voir changer aussi au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Mes copines, il y a un peu eu toutes les réactions. Les copines du lycée, ça a plutôt été de... Je ne sais pas quoi faire pour toi, je disparais de ta vie. Ça a été hyper dur sur le coup. Aujourd'hui, je le comprends. Je pense qu'elles se sont protégées et que je ne savais pas quoi faire. Elles ont continué leur vie d'ado. Les copines des scouts, je pense que dès le début, dès le jour où je suis rentrée à l'hôpital, elles m'ont fait comprendre qu'elles avaient plutôt capté ce qui se passait. Et qu'à aucun moment elle me lâcherait. Et qu'à aucun moment elle lâcherait la conviction que je m'en sortirais un jour. Et de fait, c'est assez fou. En tout cas pendant des années, ça a été des socles sur lesquels, quand moi j'y croyais pas ou plus, elles étaient là et elles y croyaient pour moi. Tous en sachant parfois dire, en fait la Camille c'est pas de notre sort, là machin, fin. En se protégeant aussi elle-même, parce que ce n'était pas mes petits.

  • Speaker #1

    Tu dis des années, donc tu nous spoiles un peu sur la suite. Ça a été long, sans blague. Comment se passe, tu parles de janvier là, où c'est un peu le début de l'autre côté, j'ai envie de dire. Ou quelque part, même si j'imagine que tu étais encore dans le déni, il y a quand même un truc physiquement qui essaie de te sortir du déni. et du coup Je ne sais pas combien de temps ça... Non, ce n'est même pas ça ma question. Je ne sais même pas comment te poser la question. C'est un peu comme toi, tu auras envie de le raconter, mais... Ça a été quoi les étapes finalement que tu pourrais nommer dans cette guérison, tu vois, cette sortie de l'anorexie ?

  • Speaker #0

    Il y en a eu beaucoup !

  • Speaker #1

    Bah ouais, j'imagine. Et puis c'est pas facile, tu te demandes de presque conceptualiser, tu vois, un truc que toi t'as vécu.

  • Speaker #0

    Je pense que l'une des premières étapes, ça a été... Du coup, j'ai été hospitalisée en urgence. Je suis restée deux mois et demi. J'ai très vite compris que pour sortir, il fallait que j'atteigne un poids, le poids qu'il voulait quoi. Et que pour reprendre du poids, il fallait manger. Donc j'ai mangé, j'ai repris du poids, je suis sortie. Et je me suis dit, du coup, il faut que je mange pour pouvoir sortir, pour pouvoir recommencer plus loin et plus fort. Parce que je n'ai pas été assez loin. Donc c'est ce qui s'est passé. Je suis sortie et ça a été encore pire. Mon corps a tenu encore plus loin. Je suis réarrivée aux urgences un mois et demi après être sortie de l'hôpital. Et en arrivant aux urgences, un médecin me dit « je ne sais pas comment c'est possible que vous soyez encore vivante » . À ce moment-là, j'ai capté que je pouvais mourir. Je pense que ça m'a sortie de ma toute-puissance. Le mec ne me connaît pas, juste il m'a vu arriver, il m'a pesé, fait trois prises de sang et pris ma tension. Et donc je pense que ça m'a emmenée dans une autre dimension, puisque ce qui est sorti direct c'est moi je ne veux pas mourir. Donc je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas comment je vais m'en sortir, mais lui il me dit je ne sais pas comment vous êtes vivante et moi je veux être vivante. Et donc je pense que ça a ancré un truc qui ensuite est toujours resté là. De, moi je veux être une vivante quoi. Et donc ça prendra des chemins pas toujours les plus directs, mais j'ai envie de vivre au fond. Et oui, ça a ensuite toujours mené mon chemin.

  • Speaker #1

    Ok. Et du coup, il y a eu plusieurs hospices comme ça, des allers-retours ?

  • Speaker #0

    Du coup, la deuxième hospice, je suis restée 5 mois.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'était long.

  • Speaker #1

    T'étais sur l'île à l'époque ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Pour le coup, dans un service hyper spécialisé, avec des professionnels vraiment... vraiment bien. C'était dur, mais c'était une prise en charge bénéfique. J'étais pas juste enfermée entre quatre murs et gavée sans accompagnement. Et en sortant... Du coup, après, j'ai redoublé mon année de première puisque je n'avais pas été en cours, enfin, quasi pas de l'année. Et donc, toute la fin de mon année lycée, j'étais à l'hôpital deux jours, trois jours par semaine et deux jours en cours. Et donc, je faisais ce qu'il fallait pour ne pas être réhospitalisée à plein temps, quoi, en gros.

  • Speaker #1

    Ouais, tu maintenais le truc, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Mais parce que j'étais pesée deux fois par semaine à l'hôpital et que du coup, il fallait... Il fallait faire ce qu'il faut, quoi. Mais tout en étant...

  • Speaker #1

    Mais tout en ne voulant toujours pas grossir. Enfin, tu lâchais pas, quoi. Il y a un truc, tu lâchais pas. Non,

  • Speaker #0

    je lâchais pas. Moralement, ça allait vraiment pas. Pour le coup... Parce que du coup, j'avais plus cette possibilité de tenir par la restriction totale.

  • Speaker #1

    C'est ça. T'es dans un espèce d'entre-deux où finalement, t'es un peu nulle part, quoi. Oui, c'est ça. Oui.

  • Speaker #0

    Ouais, plus, du coup, d'être deux jours par semaine au lycée, en fait, les autres ne comprennent pas, moi je ne comprends pas non plus.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais j'étais interne, en sortant du coup, je suis devenue interne, et donc du coup la journée j'étais à l'hôpital, et le soir je revenais à l'internat au lycée. Et ça c'était vraiment des chouettes moments, j'étais dans une chambre avec une très bonne copine, et je pense que c'est ce qui m'a permis de tenir à peu près, d'avoir ces moments-là.

  • Speaker #1

    L'amitié, encore.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et je suis dans ma chambre avec une copine de scout.

  • Speaker #1

    En plus ! Incroyable.

  • Speaker #0

    Donc ouais, ça passe comme ça. Et en terminale, le Covid arrive. En même temps, un mois avant mes 18 ans. Et donc à ce moment-là, le jour de mes 18 ans, je me dis Ok Camille, c'est terminé. En fait, t'as vu, ça fait 2-3 ans que ça dure. Maintenant t'as 18 ans, t'es une grande fille, c'est fini. Donc du jour au lendemain, je mange normalement, je cours un peu moins, enfin, en tout cas dans mes comportements de ce qui est visible. Ça va bien, quoi.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Et apparemment, mes prélèveurs ne comprennent pas ce qui se passe, mais...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Mais... Et ça tient un mois et demi, je pense. Ce qui est quand même pas mal.

  • Speaker #1

    Ok. Mais quand tu dis... Petite précision, parce que tu dis de l'extérieur... Voilà, de l'extérieur, c'était comme ça. À l'intérieur, c'était comment ?

  • Speaker #0

    À l'intérieur, c'était une haine de mon corps. Enfin...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Très violente, quoi. Et en même temps, un... Un truc de... Enfin, le désir de vivre bien, enfin je sais pas comment dire. Et comme si du coup il y avait un truc de bon, en fait j'ai tellement envie de vivre et d'avoir une vie normale que pendant un temps, je mets de côté tout ce qui... Enfin si l'anorexie était là, c'est qu'elle me permettait des choses quoi. Donc je mets de côté tout ce qui est d'habitude sauvé par l'anorexie. Je sais pas trop comment dire.

  • Speaker #1

    Ouais ouais.

  • Speaker #0

    Et je pense, enfin pendant le confinement, tous les frères et sœurs sont rentrés à la maison. Je pense que ça m'a aussi aidée. Ça fait trois ans qu'on n'a pas vécu ensemble. J'ai envie que ces moments soient chouettes entre nous. Et pas que ce soit Camille n'a encore rien mangé, Camille est partie courir. Et en même temps, se retrouver en famille, ce n'est pas facile quand les grands sont partis. Et donc, dès qu'au bout d'un mois, les tensions dans la famille sont revenues un peu au grand galop, et donc moi, c'est ça qui a repris. Et donc, je me suis réarrêtée du jour au lendemain de manger. Et donc, après ça, fin du lycée, je me dis, qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Et je me dis, j'ai été voir une conseillère d'orientation qui me dit, ah mais vous serez une super psychomotricienne.

  • Speaker #1

    Tiens, tiens.

  • Speaker #0

    donc ok super ça on donne une voie toute tracée très bien donc je postule je suis prise et je pense qu'à ce moment là je capte, enfin en tout cas je me dis en fait je peux pas aller dans cette formation alors que moi même je suis incapable de regarder mon corps et que mes émotions c'est la tempête et ça n'existe pas pour moi enfin en tout cas je capte que c'est pas du tout le bon timing ouais Et que j'ai besoin, j'ai été prise dans une école à Lille, donc à côté de chez mes parents, et en fait j'ai besoin de partir. Je pense que je ne me le dis pas consciemment, mais que c'était j'ai besoin de partir pour ne plus être surveillée et pour pouvoir recommencer ma vie. ma course est freinée à la maigreur, au contrôle. Je pars dans une autre formation qui était très chouette à Angers, à 700 km de chez les parents.

  • Speaker #1

    Mais dans une ville magnifique.

  • Speaker #0

    Dans une ville magnifique. qui deviendra ma ville préférée voilà merci donc j'arrive à Angers où je connais rien, personne et donc liberté absolue et là ça repart de plus belle et là ça repart de plus belle liberté absolue et du coup en sécurité totale parce que je connais personne et donc qui dit en sécurité il dit besoin de contrôle et donc donc c'est ça Camille qui doit faire ses courses toute seule Non mais c'est ça.

  • Speaker #1

    C'est ça, quand tu dis liberté, liberté totale, tu avais la totale liberté de t'enfermer comme tu voulais, de t'emprisonner dans l'anorexie, parce qu'en fait, c'est ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est l'illusion de la liberté.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quel enfer.

  • Speaker #0

    Et donc, oui, ça repart de plus belle. Et je crois qu'à ce moment-là, ce qui est hyper dur, c'est que j'ai conscience que ce n'est pas ce que je veux pour ma vie, mais que je ne peux rien faire contre. Et donc, je me vois aller courir 15 bornes tous les soirs. Je me vois manger pas du tout assez, enfin, quasi rien.

  • Speaker #1

    Et cette haine de ton corps, elle est toujours là ? Ou tu as l'impression qu'elle est un peu moins là dès que tu reprends le contrôle, en fait ? Oui, c'est ça qui est terrible. Non, mais c'est ça qui est terrible, effectivement. Tu disais... Il y a l'envie de revivre autrement, enfin de vivre, et en même temps si tu essaies de vivre et donc de lâcher un peu, tu as une haine féroce de toi-même qui arrive, mais qui est insupportable. portable à vivre. Après, les personnes qui nous écoutent sont majoritairement des gens qui sont passés par les troubles alimentaires et qui savent de quoi on parle. Mais quand on n'est pas passé par là, c'est difficile de décrire ce que ça peut faire.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et en fait, j'ai hâte de mon corps. s'incarne sur mon corps mais c'est elle de moi je suis de comment je suis je voudrais être dans un autre corps, dans une autre personne quelqu'un d'autre c'est horrible et donc tu dis,

  • Speaker #1

    parce que c'est quand même hyper important parce que tu dis que t'as cette conscience et d'ailleurs c'est aussi horrible à vivre de dire je veux pas ça c'est l'enfer mais j'ai pas le choix, je sais pas comment faire autrement et ça dure combien de temps ? cette espèce d'entre-deux ?

  • Speaker #0

    Ça dure longtemps. En tout cas, quand j'arrive à Angers, je pense que ça dure 5-6 mois, le temps de reperdre suffisamment de poids pour que mon corps me dit stop. En mars-avril, l'école me renvoie chez moi en me disant qu'Amy... Pour nous, ça n'a pas de sens que tu viennes en cours et que tu sois première de classe alors que tu ne tiens plus debout. Donc viens prendre soin de toi et tu reviendras en cours quand ce sera possible pour toi. Et donc je rentre chez les parents, qui m'emmènent à l'hôpital. Et là, je refuse d'être hospitalisée. Comme j'étais majeure, mes parents n'avaient plus leur mot à dire. Et en même temps, je me dis, du coup, si je refuse, c'est ma responsabilité. Et du coup, ça va un peu mieux, mais en fait, dans un entre-deux, si l'anorexie est là, il y a une raison, donc je ne peux pas la faire disparaître du jour au lendemain. Et en même temps, il faut que ça parte, puisque je ne peux pas vivre comme ça. Et donc là, je dirais que du coup, c'est 4-5 ans de cet entre-deux où il y a plein de périodes où ça ne va pas du tout. Mais quand ça commence à vraiment ne pas aller du tout, je reprends un peu, je remonte un peu la barre. Et du coup, ça va un peu mieux pour tenir.

  • Speaker #1

    Oui, et encore quand tu dis quand ça ne va pas du tout, c'est que ton poids chute. C'est ça,

  • Speaker #0

    quand tu dis tu reprends mon poids chute ou mon énergie ne me permet plus d'avoir un quotidien normal.

  • Speaker #1

    Mais finalement, toutes les phases où tu as ce quotidien normal et que ça tient à peu près. Est-ce que pour autant ça va bien ?

  • Speaker #0

    Ah non ! C'est plus des comportements anorexiques qui prennent toute la place, mais ça va pas.

  • Speaker #1

    4-5 ans comme ça. Et qu'est-ce qui fait que... Je sais bien que c'est pas... Ah j'ai eu tel déclic tel jour à telle heure. Parfois si, il y a quand même un déclic important ou plusieurs. Mais dans ton cas, qu'est-ce qui a fait ? qu'à un moment donné, ça a été possible de sortir de ce fonctionnement-là. Est-ce que tu avais de l'aide quand même aussi, un suivi psy ou autre ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais un suivi psy. Avec qui, c'est marrant, je ne comprenais pas du tout sur le coup. Et en fait, aujourd'hui, je trouve ça hyper smart comme méthode. Mais je suis arrivée en lui disant, je suis anorexique, il faut m'aider. Et je crois qu'on n'a quasi jamais parlé de l'anorexie. Parce qu'en fait, c'était pas vraiment ça le problème. En tout cas, il y a des choses à aller voir là-dedans. Oui, la question c'est d'où ça vient. Donc ça, c'était des lieux hyper précieux. Et en fait, il y a eu plein de petits déclics, de rencontres avec des gens, de moments dans ma foi où ça m'aidait à avancer, deux de choses que je vive et qui me rallument dans le fait que ça vaut le coup de vivre et d'être en forme pour pouvoir vivre des choses comme ça. Plein de petits trucs. Et en fait, je finis mes études, après je bosse un an et en fait, à la fois le fonctionnement de la structure, je ne m'y suis pas retrouvée. Il y a des trucs dans la structure qui vous excèdent. que c'était pas forcément sain, moi, le fait que ça aille pas bien, bah du coup, en fait, ça se répercutait au boulot, enfin voilà. Et donc, j'arrête le travail en mode, je sais pas si on peut parler de burn-out, mais en tout cas, un peu comme à ce cours de danse où j'ai pas pu aller, quoi. Un matin, j'ai pas pu me lever pour aller au travail.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et du coup, un peu, j'ai l'impression de retoucher le fond. À ce moment-là, en fait maintenant c'est ma vie d'adulte, c'est plus Camille de 16 ans qui en fait est chez ses parents et ne gère pas trop sa vie. Là c'est Camille de 21 ans qui, si je ne fais rien pour moi, personne ne fera rien pour moi et ce n'est pas ça que je veux pour ma vie. Et donc je pense que tous les petits déclics d'avant... Cette envie de vivre pour de vrai, elle est toujours restée là. Je pense qu'au fur et à mesure, elle a pris de plus en plus de place. Au moment où j'arrête mon travail, j'ai ma première nièce qui naît. Je suis sa marraine. Et donc en fait, c'est... Enfin, tout le long de la grossesse, quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé qu'ils attendaient un bébé, ça a été incroyable. En tout cas, ça a vraiment eu un impact sur mon quotidien. De me dire, mais Camille, tu vas être la marraine de ce bébé qui, pour l'instant, fait 25 grammes dans un ventre. Et donc, tu peux pas vivre à moitié, tu peux pas...

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Enfin, tu peux pas ne pas aller bien, quoi. Et donc j'arrête le travail et Gabriel, ma nièce, naît et je me retrouve avec ce petit bébé dans les bras. Il y a vraiment un truc en moi qui s'ancre de « en fait Gabriel ne me connaîtra pas malade » . Et c'est pas pour elle, mais c'est parce que moi j'ai envie d'être une femme debout, d'être un exemple, je sais pas, mais en tout cas un modèle parmi plein d'autres de femmes épanouies pour cette petite fille qui vient de naître. Et donc, je vais me donner tous les moyens qu'il faut pour en sortir pour de bon, quoi. Je viens de passer une semaine avec elle. Trop bien. Elle a un an et demi. Je pense que ça a vraiment été ça, le switch, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, comme tu dis, c'est intéressant. C'est le déclic qui est venu mettre en route tous les autres, quoi. Quelque part, ça se... Ça s'est colmaté pour pouvoir faire un truc suffisamment gros pour y aller.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas changé ma vie du jour au lendemain.

  • Speaker #1

    Tu t'es pas réveillée en mangeant normalement, en étant bien dans le bureau.

  • Speaker #0

    En regardant dans le bureau.

  • Speaker #1

    Incroyable. Il y a plein de gens qui vont arrêter l'écoute maintenant. Merde ! Toujours pas là, la solution !

  • Speaker #0

    Non, mais par contre... Ça a ancré en moi ce truc de je vais me donner les moyens, quoi qu'il arrive, je suis prête à tout. Et je sais que ça va être difficile, que je vais passer des soirs à pleurer après avoir mangé, que je vais détester tous ceux qui seront contents de me voir en forme, parce que pour moi être en forme ça veut dire avoir repris du poids, ça veut dire je sais pas quoi, mais c'est pas grave. En tout cas, je sais que ce ne sera pas ça toute ma vie.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est important. Et je ne sais pas trop d'où ça devenait de savoir ça, mais c'est vachement important de pouvoir en avoir conscience que la guérison, surtout d'anorexie, je dirais, parce que peut-être que pour boulimie, hyperphagie... Je ne dirais pas tout à fait la même chose parce que les symptômes sont tellement envahissants, les crises, que ça fait une grosse plus-value déjà quand ça diminue et que ça s'arrête. Et même si le chemin continue d'être un peu complexe dans l'image de soi, dans plein de trucs, tu as cette grosse plus-value. Mais d'avoir conscience que quand tu te lances dans ce chemin de guérison, que tous les trucs compliqués que tu vas vivre, ce ne sont pas les trucs que tu te coltines à de vitam aeternam.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Que oui, tu vas avoir besoin de reprendre du poids, mais que ça va s'arrêter, que tu ne vas pas grossir sans t'arrêter jusqu'à la fin de ta vie. Tu vois, qu'il y a plein de choses qui appartiennent à des phases de guérison. Mais c'est fou en fait que tu aies eu conscience de ça.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que toutes les journées passées à l'hôpital de jour, ce que disent les médecins, en fait, à un moment ça rentre. On ne les croit pas sur le coup, mais ça imprègne quand même. De voir des copines de mon âge qui en fait sont bien dans leur corps, ou en tout cas comme toutes les... Oui, en tout cas que ça n'empêche pas de vivre,

  • Speaker #1

    de ne pas toujours aimer telle ou telle partie de leur corps.

  • Speaker #0

    D'avoir des exemples autour de moi de jeunes filles et de femmes épanouies dans leur vie, je pense que ça a ancré en moi un truc de moi aussi je peux. Je ne suis pas différente, je ne suis pas plus bizarre que les autres, et donc moi aussi ça arrivera.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te souviens de... je sais pas comment... comment t'as fait... tu vois c'est un peu en mode... ouais c'est ça, qu'est-ce qui toi t'a été utile, comment t'as fait pour lutter contre cette peur de grossir ? Parce que j'imagine bien que t'avais cette envie de vivre, de retrouver une vie normale, et que tu savais que ça passerait par le fait de manger, et que ça allait passer aussi par le fait de reprendre du poids. Comment t'as fait pour gérer ça ?

  • Speaker #0

    J'ai décidé de prendre un an off, un an où je ne travaillais pas, où je ne faisais pas d'études, et où c'était ça, c'était ton job. Oui, c'était ça mon job. Un peu dur à expliquer autour de moi, mais en tout cas je sentais que ça demande tellement d'énergie et tellement d'investissement que si je devais la mettre ailleurs, je n'y arriverais pas. Donc ça a été ce premier choix, et après de reprendre tout mon parcours et de me dire ok, ça c'est pas travaillé, ça il reste un enjeu, ça machin, et de quoi j'ai besoin pour le cadrer et m'aider à avancer. Et donc j'ai repris un suivi à l'hôpital de jour à Angers. J'ai commencé un suivi avec une psychomote, qui revient. J'ai continué avec la psy que je voyais. J'ai été voir une psy qui faisait de l'EMDR. Et voilà, c'est déjà pas mal je crois. Et chaque personne que j'allais voir, je lui disais, avec toi c'est ça que je veux bosser. Avec la dame qui faisait de l'EMDR, j'ai été la voir en lui disant « Je sais que tel moment, tel moment, tel moment, ça a ancré en moi des croyances limitantes, des je sais pas quoi, donc allez, on bosse sur ça pour que moi ça me libère derrière. » J'allais voir la psychomote en lui disant « Le problème, c'est que j'ai besoin de capter comment est mon corps aujourd'hui, de capter mes émotions, comment ça marche, de machin. » Avec la psychomote, on bosse ça. Avec l'hôpital de jour, j'ai besoin d'avoir une diététicienne qui me dit Un repas complet, c'est ça, ça, ça, et je l'applique derrière. Vraiment ce truc de me dire de quoi j'ai besoin, je le mets en place et je le suis coûte que coûte. Et quand j'ai envie de lâcher, je pense à ce petit bébé qui était dans mes bras.

  • Speaker #1

    Et à la petite fille qu'elle deviendra. C'est l'exemple que tu as envie d'être pour elle.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'était hyper joyeux. Même quand je pleurais après, en rentrant d'une sortie resto avec des copines parce que j'étais en PLS d'avoir pris une boule de glace au dessert et que je me disais que ça y est, j'allais reprendre 25 kilos et que c'était dramatique. En fait, il y avait quelque chose d'assez joyeux là-dedans parce que je savais que ça m'emmènerait vers une vie, vers la vie que j'ai envie d'avoir. Et que j'étais hyper entourée par des copains, par les frères et sœurs. qui me disaient qu'ils étaient trop fiers de moi. Et voilà, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a quand même un truc fort chez toi, déjà d'un amour de la vie et d'une envie de vivre. Tu vois, un truc qui semble ne pas s'être éteint. Et aussi d'une foi en toi et dans la guérison, sans doute portée aussi par tes proches, parce que tu le disais, tes copines... des scouts te l'ont verbalisé en fait qu'elles croyaient au fait que tu allais guérir de ça et qu'elles seraient là peu importe le temps que ça prendrait et est-ce que c'est cette foi en toi communicante tu vois qui t'a permis mais en tout cas il y a comme un truc de ok je vais vers là je vais y arriver et finalement chaque pas que je fais même s'il est un peu douloureux je sais que ça m'emmène vers ça donc c'est chouette Et c'est fou, j'imagine que c'est hyper porteur, mais je trouve ça un peu fou. Tout le monde n'est pas doté de ça.

  • Speaker #0

    De fait, c'est assez souvent ce qu'on me renvoie. Quand je rencontre des gens que je discute, à chaque fois, ils sont assez étonnés de me dire, mais Camille, d'où ça vient ? Je ne sais pas trop.

  • Speaker #1

    Comme une espèce de confiance intrinsèque, en fait. Alors une confiance en toi, en la vie, dans les autres, j'en sais rien finalement. Mais comme un... Est-ce que c'est pas comme ça qu'on appelle les gens qui sont optimistes ? Est-ce que c'est pas ce mot-là qu'on met sur ce que ça va fonctionner ? Je sais pas. Je ne me considère pas du tout comme étant une personne optimiste, malheureusement. Donc j'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui le sont. Mais en tout cas, je perçois que c'est... Je pense que ça a été quelque chose de vraiment aidant, quoi.

  • Speaker #0

    pour toi. Je pense que la place de la foi dans ma vie a aussi un énorme rôle. Je ne suis pas sûre de me retrouver dans l'église d'aujourd'hui. Il y a plein de trucs qui me dérangent et qui me mettent en colère. Mais le message... Le message du Christ transmis dans la religion chrétienne avec lequel j'ai grandi, c'est vraiment un message d'espérance. Derrière la pire des misères, la pire des souffrances, il y a la vie qui peut surgir. Et je pense que, mine de rien, ça a ancré un truc en moi. Là, c'est un peu le fond du trou, mais derrière, il peut y avoir la vie. C'est quoi le chemin pour ça ? Ça peut être un peu long.

  • Speaker #1

    Ouais, mais je pense qu'effectivement, ça fait sens, le fait que c'est sûrement... C'est sûrement, j'en sais rien. En tout cas, on peut imaginer que ça vienne de là. Et tu vois, en t'écoutant, je me disais, bah ouais, je pense qu'il y a encore des tas de gens qui sont croyants, de différentes religions, mais il y en a quand même beaucoup moins qu'il y a 100, 200 ans. Et mine de rien, ça joue quelque chose aussi dans notre façon d'appréhender la vie. et ce qui nous arrive. Et je pense qu'on peut être athée, mais développer ça d'une autre manière, tu vois. Mais encore, faut-il qu'on nous l'amène aussi dans l'enfance. Et c'est vrai que quand tu nais dans une famille qui a une foi, dans une religion ou une autre, du coup, tu as la transmission de choses comme ça, je pense.

  • Speaker #0

    Je pense aussi, en fait, d'avoir eu plein de moments de... Bon allez, je me donne les moyens, ça va un peu mieux. Oui, c'est dur. Et puis d'un coup je lâche. Et du coup en fait, ce qui a été dur dans les efforts, ça n'a servi à rien. Il faut recommencer de zéro, machin. Il y a un peu eu le truc de, du coup maintenant soit j'y vais pour de bon, soit j'y vais pas quoi. Mais d'arrêter de faire ces petits allers-retours.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que tu penses quand même qu'ils t'ont aidé ces allers-retours ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, c'est sûr.

  • Speaker #1

    En termes aussi de ce que t'as pu expérimenter dans des moments où mine de rien ça allait un peu mieux.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, c'est sûr. et puis de comprendre Je pense qu'au début, je partais de « si j'arrête de manger, c'est juste que je suis pas bien dans mon corps » . La fois suivante, j'ai compris que « ok, si j'arrête de manger, c'est parce que je suis trop pleine de plein d'émotions, je sais pas quoi en faire et donc je cherche le vide ailleurs » . La fois d'après, j'ai compris que... Donc en fait, à chaque fois, ça m'a donné des clés de compréhension de pourquoi ce trouble est là. Et c'est pas juste que je suis pas bien dans mon corps, parce qu'il y a plein d'ados pas bien dans leur corps, c'est pas pour ça qu'elles arrêtent de manger, quoi. Et donc, je pense que... Une fois qu'il y avait suffisamment de bases, de compréhensions, de clés à droite à gauche, c'est ça, il y a un moment où c'était l'heure.

  • Speaker #1

    C'est cool parce qu'elle est quand même venue, enfin ça a dû te paraître long, mais elle est venue tôt quand même cette heure. Même si je comprends, on parlait quand même tout à l'heure de 4-5 ans, c'est hyper long. Mais je veux dire, moi je l'accompagne des personnes. qui se comptent des troubles alimentaires depuis 20 ans, 30 ans, tu vois.

  • Speaker #0

    Eh ben, c'est sûr. Oui, ça m'est apparu. Je pense qu'entre la toussain dont on parlait, là.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et la faim, il y a eu, je sais pas, 8 ans, peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    7-8 ans.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est long. C'est quand même... À l'échelle de ta vie, ça reste...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Enfin, je veux dire, c'est un tiers de ta vie, quand même.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Tu vois, dit comme ça... Mais dis-toi que moi, j'ai passé... Moi, je viens d'avoir 40 ans, On a les troubles alimentaires, tu vois.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Donc, bon.

  • Speaker #0

    Et en tout cas, je me sens... À chaque fois que je regarde d'où je viens et mon parcours, je suis impressionnée par tous les gens qui ont été sur ma route, quoi. Autant les copains que les inconnus du train qui te lâchent une petite phrase et ça change toute ta semaine, que les médecins, les psys qui m'ont accompagnée. Enfin, je me suis jamais retrouvée face à un con. Et en fait, je pense que... Ou alors tu les as pas entendues,

  • Speaker #1

    parce que j'ai du mal à voir qu'il n'y ait jamais eu de phrases pas ouf ou quoi, mais peut-être que ça s'est juste pas imprimé chez toi.

  • Speaker #0

    En tout cas, les autres compensaient suffisamment pour que Céline ne compte pas. Et donc de fait, je me sens hyper chanceuse de ça.

  • Speaker #1

    Moi, je me demande tout ce qui t'attend, parce que je me dis... Tu es jeune ! T'as déjà vécu beaucoup de choses, finalement. Et tu pars avec une base, je pense, quand même relativement solide de connaissances de toi que plein de gens n'ont même pas à 40 ans, je pense. Donc c'est cool. Enfin, je sais pas comment tu vois ça. Est-ce qu'aujourd'hui, t'es en mesure de te dire « Ouais, ça m'a quand même apporté. » cette maladie, même si ça t'a forcément enlevé, ça t'a ôté des choses aussi peut-être des moments de vie mais à fond

  • Speaker #0

    En tout cas, aujourd'hui, c'est ouf, là ça fait des mois que je me lève le matin en me disant en fait je suis trop heureuse d'être la femme que je suis, dans mon caractère, dans mes valeurs, dans mon corps, dans mes activités, et en fait c'est tellement reposant de ne pas avoir cette question dans la tête en permanence de est-ce qu'il faudrait que je change, qu'est-ce que machin, qu'est-ce que truc, je suis là quoi,

  • Speaker #1

    et ça c'est ouf. Non mais c'est fou, c'est incroyable, non mais en vrai pour moi ça fait la boucle aussi avec ce qu'on s'est dit au tout début sur la question de la place, en fait à plein de moments dans ton discours, dans ton récit, j'ai entendu la question de la place, tu vois, et dès toute petite en fait dans ta place dans la fratrie et ta place avec tes parents et la place que tu ne voulais pas prendre pour pas déranger, pour pas voilà, et en fait là tu dis bah aujourd'hui juste en fait je suis là.

  • Speaker #0

    il y a un truc de de fait ma place je l'ai j'ai pas à me contorsionner pour rentrer dans un truc ouais bah je suis là ça c'était marquant en début d'année parce que du coup j'ai commencé la formation en petit commode je suis revenue en septembre et donc hyper vite je capte qu'en fait je me sens pas à ma place Je me demande ce que je fais là, je passe les cours à dire que ça m'intéresse pas et à faire du coloriage. Mais ma tête, enfin donc mon cœur me dit Camille, stop, c'est pas grave. Ma tête me dit en fait t'as commencé, donc tu vas au bout et voilà. Et donc au bout de trois semaines, crise d'angoisse avant d'aller en cours le matin, en rentrant de cours le soir, parce qu'en fait je sais plus faire quoi, de pas être à ma place. Et consciemment, je me dis, mais en fait là, d'habitude, j'aurais arrêté de manger pour pouvoir continuer. Et du coup, je me dis, merde, maintenant que ça, ce n'est plus une option, comment je vais faire pour tenir dans cet environnement ? Et donc, en fait, c'est que du coup, il faut changer l'environnement. Mais c'était hyper... J'ai trouvé ça ouf d'avoir conscience de ça et de me dire... Et donc, vraiment, tous mes pas de séparatettes, de me dire, je vais devoir commencer à fumer. Je suis en plus que ça coûte cher,

  • Speaker #1

    vraiment drogue, je sais pas où je vais pouvoir la trouver.

  • Speaker #0

    C'est ça, en tout cas de me dire ok, quelle autre stratégie je vais trouver pour essayer de tenir dans un environnement dans lequel je suis bien. C'est fou. Et donc assez vite j'ai conclu qu'il fallait changer l'environnement.

  • Speaker #1

    Non mais en même temps ça venait de chercher sur le perfectionnisme quoi, je veux dire c'est pas rien. Ça venait de chercher sur la bonne élève, sur d'être à la hauteur de ce qu'on attend de toi tu vois. Parce que abandonner, j'utilise ce mot-là volontairement, alors qu'en vrai, je ne suis pas sûre qu'on puisse mettre ce mot-là sur ce qui s'est passé, mais je viens volontairement abandonner cette reprise d'études. C'était peut-être décevoir ou pas être là où on t'attendait. Franchement, je pense que ça venait de chercher sur des trucs hyper compliqués. Donc, c'est assez dingue. C'est dingue de voir les mécanismes qui se mettent en place. c'est trop intéressant, mais c'est fou aussi que tu aies pu les conscientiser et prendre ça en main enfin tu vois, te décaler et choisir une autre solution si vite c'est sûr,

  • Speaker #0

    et en appelant la décision de moi à moi était hyper paisible et très... je me suis remise à dormir et tout allait bien quand j'ai décidé que j'allais arrêter Le moment où il faut appeler les parents, les copains, aller voir le directeur, et assumer ça devant l'autre, je n'étais pas aussi paisible. Je me rappelais de ce qui est important, c'est d'être alignée avec moi, et les autres y comprendront. En tout cas, je n'ai rien à leur prouver. Mais de fait, ce n'était pas si simple.

  • Speaker #1

    Non, j'imagine bien. J'imagine bien. En fait, c'était... C'était simple et évident, mais compliqué dans la mise en œuvre finalement, ou en tout cas dans ce que tu projetais de la mise en œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, dans un truc de... Je pense que ça a aussi été, et c'est aussi parce qu'il y a plein de gens qui ne sont pas du tout au courant que j'ai arrêté, donc je vais continuer à le dire au fur et à mesure. C'est la peur que les autres se disent... ah merde mais c'est que Camille elle va pas bien et qu'elle réarrête un truc alors qu'en fait je vais bien c'est plutôt le signe inverse même ouais c'est ça mais que j'ai pas le courage d'avoir encore ce regard sur moi de les autres s'inquiètent moi je t'informe que j'ai arrêté l'école que je vais chercher un travail tout va bien c'est pas grave mais C'est normal, je pense, que les autres continuent à s'inquiéter parce qu'ils t'aiment,

  • Speaker #1

    qu'ils veulent ton bonheur et qu'on ne peut pas s'empêcher en tant qu'autre de projeter nos trucs sur les autres et donc ils projettent.

  • Speaker #0

    Et donc qu'à chaque fois que je retrouve des copains que je n'ai pas vus depuis 3-4 mois, ils me font une tape un peu prolongée dans le dos pour voir si on sent beaucoup mes omoplates ou si ça va. Enfin, plein de petits signes de... En fait, ça arrête. Moi, j'ai l'impression que c'était il y a 40 000 ans. Dans la vie des autres, ça reste un sujet d'inquiétude encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais ça ne le sera pas toute la vie.

  • Speaker #0

    J'espère.

  • Speaker #1

    Non. Non, non. Enfin, de mon expérience, non. Mais parce que je me souviens de ça et de... Moi, j'ai des souvenirs, c'est intéressant que tu parles de ça. Je me souviens de repas avec certains membres de ma famille où je me forçais à manger au-dessus de mes besoins.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    alors que en plus si tu veux c'était post-anorexie mais oula j'étais loin d'être guérie parce que finalement j'en suis sortie que très très longtemps après ça mais j'ai été longtemps dans des entre-deux, des espèces de semi-guérison puis j'ai basculé plutôt vers la boulimie, enfin bref en tout cas les personnes avaient peur de l'anorexie, de la maigreur et donc fallait que je leur montre que je mangeais et du coup je me revois manger plus que ce que j'aurais mangé juste pour dire ok ça va bien, voyez ça va bien ... Ah ouais, si je prends une toute petite part, parce que j'ai pas très faim, est-ce qu'ils vont pas se dire, oh là là c'est parti, Flavie elle ressombre ? Bon, aujourd'hui, c'est un non-sujet, mais bon, c'était il y a très longtemps, moi pour le coup, c'était vraiment il y a très longtemps l'anorexie, mais voilà, je prends une petite part ou une grosse part, les gens se disent pas, tiens, est-ce que, voilà, c'est ancré, ok pour tout le monde, mais ouais. C'est pas le même rapport au temps, effectivement, pour toi et pour eux, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et qu'en fait j'ai tellement de fois dit non mais ça y est c'est fini ça va bien alors que pas du tout mais en moi je savais que c'était pas vrai et du coup pour eux c'est la même chose il y a 3 ans et aujourd'hui en moi c'est pas du tout la même chose.

  • Speaker #1

    C'est marrant ce que tu dis ça fait faire le lien avec un truc qu'on entend souvent le rapport entre une personne qui souffre d'anorexie et une personne qui a des problèmes de toxicomanie. Et du mensonge, en fait. Et de la difficulté aussi pour les proches. Par rapport à ça. Bon, bah écoute, je pense qu'on a fait le tour de pas mal de choses. Il y a une question que j'aime bien poser. La dernière question que j'aime poser aux personnes que je reçois dans le podcast, c'est de savoir ce que tu pourrais dire aux personnes qui nous écoutent. Qu'est-ce que t'aurais envie de dire à des personnes qui sont peut-être encore en plein dans la guerre que tu as connue, dans cette détestation de soi ? Que ce... Peu importe le trouble alimentaire, quel qu'il soit. Peu importe les symptômes finalement qui s'expriment, mais dans cette difficulté.

  • Speaker #0

    Eh ben plein de choses ! Que c'est dur, enfin que c'est l'enfer à vivre. Mais que l'enfer dure pas toujours. Enfin en tout cas, peut ne pas toujours durer. J'ai l'impression qu'on m'a jamais dit que c'était dur ce que je vivais. Et donc de me dire, bah ouais juste, c'est moi le problème, enfin... Alors qu'en fait, c'est horrible, en vrai, c'est un quotidien, c'est l'enfer, quoi. Mais que c'est possible de retrouver la vie pour de vrai. Et que, je pense, moi je me sentais hyper coupable de tous ces moments de rechute, de remontée, de, en fait, c'est parce que je suis pas assez forte, parce que je me suis pas accrochée, alors qu'en fait, je pense vraiment que juste, ça fait partie du chemin. Enfin, que des fois, on a besoin de retomber un peu pour capter... Des trucs pour comprendre ce qui nous manque, ce qu'on gagne, ce qu'on achète. Et pour derrière pouvoir remonter. Que c'est en marche d'escalier. Que ce n'est pas tout d'un coup du jour au lendemain. En baguette magique.

  • Speaker #1

    Et je dirais en marche d'escalier. J'aime bien l'image de l'escalier avec des fois des gros paliers. Et puis des fois tu as l'impression de redescendre quelques marches.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que le jour... où j'ai arrêté d'avoir honte d'être malade, où j'ai capté que j'étais malade et que du coup, ce n'était pas ma faute. Ça a été assez énorme de la place du regard des autres. En fait, des fois, je me justifiais un peu en disant « Non mais je suis malade, ce n'est pas de ma faute, je n'ai pas à faire d'efforts puisque c'est comme ça. » Mais aussi, en tout cas, ça a enlevé beaucoup de culpabilité. De me dire « J'y peux rien. » J'y peux rien d'être malade, par contre c'est ma responsabilité de me donner les moyens pour en sortir. Avec plus ou moins de temps et plus ou moins de moyens à disposition, mais... Ouais, je dirais ça je crois.

  • Speaker #1

    bah écoute merci c'est très chouette ouais ça j'ai l'impression que le message en fait j'espère que ça se ressent c'est vrai que les personnes n'ont pas l'image mais mais du coup tu es rayonnante mais déjà il y a quelques mois quand je t'avais vue c'était ça aussi tu vois beaucoup de il y a beaucoup de vie chez toi en fait je ne sais pas trop comment le dire différemment tu vois dans les yeux le sourire il y a vraiment quelque chose et je pense aussi que ça s'entend dans notre échange même juste à l'oral du fait que il y a cette énergie cet élan vital, c'est ça tu vois en toi, qui est fort mais en fait ce qu'on retrouve moi j'ai l'impression chez beaucoup de personnes qui souffrent d'anorexie derrière derrière tout ce qui vient masquer ça en réalité moi je me souviens de ça au fin fond de moi et Et je sais que ça se retrouve, je sais que c'est là, en fait j'ai envie de dire, il faut vachement de courage pour souffrir d'anorexie.

  • Speaker #0

    Bah ouais, j'ai vraiment l'impression de... j'avais tellement envie de vivre mais je ne savais juste pas comment faire. Et donc c'est quand même cet élan de vie qui était le moteur, pas dans le bon sens, mais de tout derrière. Qu'en fait ça a à un moment été mon moyen de survivre. dans un environnement, dans un contexte mais oui,

  • Speaker #1

    c'est un moyen de survie, c'est sûr, le trouble alimentaire mais survie, pas de vie quand on a envie de vivre et pas juste de survivre c'est pas la bonne solution écoute,

  • Speaker #0

    merci beaucoup d'être revenue donc c'était au plus bel zèle de France c'est ça,

  • Speaker #1

    ça donne l'occasion aussi de, enfin bon, c'est plutôt t'étais sur Angers et t'en as profité pour venir me voir, je vais pas faire genre t'es venue pour moi mais en tout cas Voilà, heureusement qu'Angers est une belle ville.

  • Speaker #0

    Grâce à ça, on a pu réenregistrer cet épisode. Merci beaucoup. Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast. en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Camille

    01:24

  • Son rapport au corps et à la nourriture dans l’enfance

    05:03

  • Le moment où c’est devenu un problème

    08:44

  • La dégringolade

    26:20

  • Le switch

    49:50

  • Ce que ce parcours avec les TCA lui a apporté

    01:04:40

  • Ce que Camille aimerait vous dire

    01:12:43

Description


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Camille livre un témoignage sincère et nuancé sur son parcours face à l’anorexie.


De la danse classique à l’hospitalisation, elle revient sur les mécanismes de contrôle, le déni, la peur de grossir, et le long chemin vers plus de liberté intérieure.


Au fil de l’échange, elle revient sur les signes ignorés, le rôle de son entourage, la foi, les rechutes, et le long processus de réappropriation du corps et de la nourriture.
Son récit met en lumière les dimensions physiques, psychologiques et relationnelles de l’anorexie, et offre un regard lucide sur la réalité du rétablissement.


1000 merci Camille 🙏



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Milsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres, bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Je suis trop contente d'accueillir en direct à la maison Camille qui revient me voir parce que, mais à coups de pas, je le dis quand même au début du podcast, on a déjà enregistré toutes les deux il y a plusieurs mois. Tu te rappelles ?

  • Speaker #1

    avril-mai.

  • Speaker #0

    Et donc j'ai perdu l'enregistrement. Voilà, je m'en suis beaucoup voulue. Mais comme Camille est trop sympa et trop motivée, elle revient. Et du coup, je me dis en plus, il y a des choses qui ont forcément changé, bougé. Donc c'est trop bien. Tu vas pouvoir me raconter ça. Je te propose de commencer par te présenter.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Camille, j'ai 23 ans. Je vis à Rouen depuis un mois et demi, ça a changé depuis la dernière fois. Je suis originaire du Nord, mais depuis le début de l'année on me dit d'où tu viens et à chaque fois je ne sais pas répondre entre Lille, Angers, Rouen, je suis perdue. Et j'ai commencé des études en psychomote à la rentrée, en mode reprise d'études, et j'ai arrêté depuis la rentrée, il y a une semaine, et c'est très cool. Je suis très contente d'avoir commencé, découvert et arrêté, j'ai envie de dire attend, de ne pas avoir cherché à continuer alors que je ne me sentais pas à ma place et voilà, fin de m'être écoutée. Et c'était un peu mon constat de début d'année de m'être dit, ça il y a 3-4 ans, même 2 ans, j'aurais juste persévéré en me disant Camille t'as commencé, tu vas au bout, alors qu'en fait c'est pas grave de se tromper quoi.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. je pense que ça fera écho même pour des personnes vachement plus âgées que toi en fait c'est vachement dur en fait de s'écouter faire ce constat et dire ok j'arrête et de pas le vivre comme un échec mais au contraire et

  • Speaker #2

    puis un peu le truc dans la classe j'étais avec quand même beaucoup de filles de 18-19 ans et donc déjà pour elles j'étais une ancêtre de revenir là en première année à 23 ans et donc quand en plus je leur dis au bout d'un mois bon en fait les filles j'arrête Elle était un peu en mode, mais Camille, c'est quoi sa vie, quoi ? Et en même temps, il y en a plein qui m'ont dit... Il y en a deux qui m'ont dit, moi, j'ai trop envie d'arrêter aussi, mais je n'arrêterai pas parce que ça ne se fait pas, quoi. Parce qu'il faut aller au bout, parce que machin...

  • Speaker #0

    Alors que c'est trois ans, c'est bien ça.

  • Speaker #2

    Oui. Trois ans, c'est long, quand même.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Ah, mais sur l'ancêtre, ça me rappelle des souvenirs, parce que moi, j'ai voulu reprendre psycho quand j'avais 33, 34. Et donc... J'ai réussi à entrer directement en licence 2. Mais bon, du coup, elles avaient 19 ans au lieu de 18. C'était horrible. Je pense que c'est une des pires expériences de ma vie. Donc, j'ai vite arrêté. Et non pas parce que les études ne me plaisaient pas. Encore que je trouvais que ça me semblait très éloigné de la psycho. En réalité, un truc basique même pour de la L2. Mais l'ambiance et tout, je trouvais ça dur. Mais bon, bref. Du coup, là maintenant,

  • Speaker #2

    je suis en mode recherche d'emploi, avec des pistes qui s'ouvrent.

  • Speaker #0

    Trop bien. Et du coup, t'étais venue il y a quelques mois témoigner à mon micro pour parler d'un truc qui a occupé ta vie pas mal à un moment donné, qui a pris un peu de place.

  • Speaker #2

    J'ai presque l'impression, je me disais aujourd'hui, j'ai l'impression que c'était pas ma vie. Je sais pas comment dire. Ça me paraît tellement lointain de qui je suis aujourd'hui, de comment je vois la vie.

  • Speaker #0

    Oui, on va en parler quand même un peu. Du coup, ça peut être drôle justement de réactiver ces souvenirs-là alors qu'ils te paraissent si lointains. Généralement, ce n'est pas du tout désagréable. Au contraire, c'est plutôt trop bien de se dire c'est vrai que ma vie ressemblait à ça. Et donc il y a une question que j'aime bien poser pour commencer en préambule du podcast, c'est de savoir quel type de petite fille tu étais toi, dans le rapport à ton corps et à la nourriture. Quel souvenir tu as de l'enfance ?

  • Speaker #2

    Dans mon rapport à mon corps, j'étais une petite fille qui avait l'impression que son corps la trahissait, parce qu'il grandissait très vite. J'ai sauté une classe et pourtant j'étais quand même la plus grande de ma classe. J'ai très vite eu un corps d'ado, alors que moi dans ma tête j'étais une petite fille qui jouait à la poupée et ça lui allait très bien. Donc ce sentiment de ce que je montre et ce que mon corps montre... est complètement différent de qui je me sens à l'intérieur. Et une petite fille qui a grandi en faisant de la danse classique et qui du coup était tout le temps confrontée face au miroir de moi mon corps est un corps d'ado alors que mes copines qui sont à la barre à côté de moi ont encore des corps de petites filles, donc sans forme, tout fin. Donc ouais, plutôt pas... Enfin je pense aussi dans un environnement familial où le corps les garçons étaient très sportifs du coup... c'est pas vraiment une question, les filles plutôt enfin en tout cas avec maman pas bien dans son corps, ma grande soeur c'était aussi une question, enfin je pense que le corps féminin est un truc où de toute façon on est pas bien dans notre corps quoi ouais c'est presque,

  • Speaker #0

    ça fait partie des casques qu'on doit cocher, ouais ouais il y a presque, il y a beaucoup d'injonctions sur le corps des femmes mais c'est vrai qu'on pourrait presque se dire que c'est presque une injonction d'être mal dans sa peau quoi oui c'est ça en fait,

  • Speaker #2

    mais du coup c'était pas quand j'étais petite c'était pas une question, juste c'était bon bah je suis mal dans mon corps mais c'est comme ça quoi c'est normal entre guillemets et ça jouait sur ton alimentation ? et mon alimentation quand j'étais petite vraiment pas je pense plutôt j'ai trois grands frères et soeurs donc c'était plutôt style famille nombreuse les gros plats familiaux donc un soir lasagne, le lendemain un soir tartiflette, le lendemain un soir crêpe En tout cas, plutôt dans la famille, on aime bien manger, c'est cool. Et voilà. Et moi, je suis plutôt très gourmande. Ouais, j'adore le petit-déj et le goûter. Voilà. Et en même temps, un peu... C'est marrant, un truc qui m'est souvent revenu, c'est que papa, le matin, il partait assez tôt au travail et il nous préparait toujours le petit-déj. Donc quand on descendait, le petit-déj était prêt sur la table. Donc ils savaient, Sylvain prend trois tartines comme ça et deux tartines comme ça, Camille prend trois comme ça à la confiture. Et en fait, moi j'aimais pas le pain, mais je sais pas, au petit déj c'est du pain, donc en fait tu dis rien et tu manges ton pain. Et en grandissant, je me suis mise à cacher mon pain que je mangeais pas, parce que j'osais pas dire que j'aimais pas le pain, puisque papa il était trop mignon à me préparer ma tartine, donc j'allais pas lui dire, en fait ce que tu me prépares j'aime pas. Et en même temps, enfin, en tout cas, un truc avec du recul, je me dis, c'est pas tout à fait normal comme comportement. Enfin, en tout cas, ça peut poser des questions. De, enfin, c'est ça, des enjeux autour de l'alimentation. De, faut pas que je dise que j'aime pas parce que ça va décevoir et ils vont s'inquiéter. Et en même temps, c'est pas que je veux pas prendre de petits-déj, c'est que j'aime pas le pain. Mais y'a pas d'autre solution, enfin...

  • Speaker #0

    Peur de décevoir et peur d'inquiéter.

  • Speaker #2

    Ouais. Peur de prendre trop de place. Ouais. Peur d'être un poids.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que la symbolique des mots que tu utilises, la trop de place, un poids. Ouais. Ok. Donc tu dis finalement, ton rapport à l'alimentation, il était plutôt lambda. Jusqu'à quel âge tu dirais que c'est resté comme ça ? Ou si je le demandais autrement, à partir de quel âge c'est devenu compliqué ?

  • Speaker #2

    À partir de 14 ans. De l'entrée en seconde. Mi-seconde.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Et où je me souviens hyper bien du jour où je me suis dit ok, je vais perdre du poids. Et du coup, je vais diminuer, enfin, je vais arrêter de prendre un goûter. J'étais dans un lycée où tous les récrés de l'après-midi, on avait un pain au chocolat et une pomme en goûter. Ça devait être dans la scolarité quoi. À la récré, on avait tout, je cherchais notre pain au chocolat. Je me suis fait hyper bien du jour où je me suis dit, ok, je ne prendrai plus qu'une pomme. Alors que le début de l'année, je prenais un pain au chocolat comme tout le monde et...

  • Speaker #0

    Et il s'est passé un truc en particulier pour que tu te dises ça un jour ?

  • Speaker #2

    Bah je pense que le... ce truc de petite fille de je suis pas bien dans mon corps mais c'est comme ça est devenu trop fort, enfin en tout cas le c'est comme ça ne marchait plus. Et c'était plutôt un truc de je suis pas bien dans mon corps, je suis pas bien à l'école, enfin j'aime... Je n'étais pas... Enfin, ce que je te disais tout à l'heure, mais le système scolaire, ce n'était pas si facile. J'ai des copines qui sont plus fines que moi. À la danse, je comprends bien que si je maigris, j'aurai des meilleurs rôles et que j'avancerai dans les places. Donc si je m'aigris, en fait, tout va s'arranger, puisque je serai mieux dans mon corps, je serai comme mes copines.

  • Speaker #0

    Ta vie sera meilleure, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis à la danse, je comprends bien, est-ce que tu lis entre les lignes ou est-ce que ça t'est clairement dit ? On est clairement félicité quand on perd du poids et qu'on mincit. Dès petite, tu dirais, ou c'est un truc qui s'est vraiment installé à l'adolescence ? Au moment où,

  • Speaker #2

    entre guillemets, ça... peut devenir sérieux. Quand on est petit, c'est l'activité du mercredi, c'est mignon, mais on danse pour le plaisir. En grandissant, il y a toute la technique qui arrive, tout le côté performance, où du coup, soit tu veux que ça reste une activité du mercredi, va trouver une autre école de danse, soit tu veux que ça devienne limite ton métier, ou en tout cas que ça prenne une vraie grosse place dans ta vie, du coup, il faut se donner les moyens. Et ça passe aussi par l'apparence de ton corps, quoi. Par le corps que tu maîtrises. Toi,

  • Speaker #0

    t'envisageais d'en faire ton métier, à un moment donné, peut-être ?

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Ouais. En tout cas, je me souviens un peu de titre, regarder les grandes, en me disant un jour ce sera moi la grande, et un jour je serai danseuse, quoi. Pas. Finalement. Et je crois que j'aurais pas été très heureuse dans cette vie-là. Mais... Ouais, en tout cas, c'était un univers où, si la prof entend qu'en sortant du cours, on a prévu d'aller manger une pizza entre filles du cours, on se fait démonter en mode, en fait, les filles, vous allez manger une salade, quoi. Donc, c'est pas clairement dit tout en étant...

  • Speaker #0

    C'est quand même assez clair. Ça semble assez clair. Ça, plus le fait d'être félicité quand vous perdez du poids. Ouais, OK. Après, c'est quand même assez connu dans le milieu de la danse, et particulièrement de la danse classique. Je n'ai pas l'impression que ce soit parti pour évoluer, ça, pour le moment.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression qu'il y a quand même de plus en plus de cours pour adultes qui ouvrent en mode détente, quoi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, oui.

  • Speaker #2

    Mais sur ce truc, en tout cas, oui, ce qui compte dans la danse classique, c'est ce qu'on montre, ce qu'on donne à voir, que ça ait l'air beau, harmonieux. Donc en fait, de savoir que t'as les pieds en sang derrière tes pointes, on s'en fout, tant que tes pointes sont belles. Oui,

  • Speaker #0

    mais on part aussi avec un gros parti pris, qui serait que si le corps n'est pas filiforme, alors c'est moins beau, voire pas du tout, mais pas harmonieux.

  • Speaker #2

    En fait, il faut être tous pareils. On s'en fout de l'individu, quoi. Il faut que l'individu soit fondu dans la masse. Et donc, le plus facile, c'est de se dire, si vous êtes tous filiformes, vous serez toutes pareilles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce qu'en fait, je n'avais jamais entendu ça comme ça par rapport aussi au pourquoi être si mince voire maigre quand on pratique ce sport. Ok, donc tu penses qu'il y a eu un cumul, tu le disais, il y avait quand même un mal-être depuis petite, dans la famille, le corps des femmes, c'était quand même un sujet.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #0

    Bon, tu as grandi dans la même société que dans laquelle on vit actuellement, donc il y a aussi un gros sujet à plein de niveaux. La danse classique, c'est vrai que tu cumulais quelques petits trucs quand même.

  • Speaker #2

    Et puis je pense qu'on s'aime bien là comme ça, mais c'est aussi arrivé à la période où je suis la dernière de mes frères et soeurs. Et donc je me suis retrouvée toute seule, enfin mes frères et soeurs sont tous partis, je me suis retrouvée toute seule entre les parents, avec beaucoup de tension dans leur relation entre eux. Et donc moi, un peu un truc de, il ne faut pas que j'en rajoute, quoi. Il faut que je sois parfaite, que je ne prenne pas trop de place, que je ne les dérange pas. Donc, je vais faire ma vie de mon côté. Et c'est ça, un peu ce truc de, dans le cadre familial, je vais m'effacer pour ne pas déranger, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Tu disais qu'avec le recul, maintenant, tu te souviens très bien de ce jour.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Où tu as dit, ok, je ne vais plus manger que la pomme au goûter, finir le pain au chocolat. Et pour toi, c'est le début, finalement. C'est le bouton on de tout ce qui se passe derrière, des troubles alimentaires, tout ça.

  • Speaker #3

    Oui, vraiment.

  • Speaker #2

    Ça a commencé petit, en me disant, ok, j'arrête de grignoter, je ne sais pas quoi. Je pense que ça peut arriver à plein d'ados sans que ça bascule derrière. Des ados qui se disent, pendant deux semaines, je fais un régime, et en fait, c'est trop bien de manger. Ça bascule pas, mais ouais, je pense que c'est le début.

  • Speaker #0

    Ouais. Et comment ça se... Comment ça se passe ? Comment ça s'enchaîne ? Combien de temps ça prend aussi, finalement ? Avant, déjà, la première question qui me vient par rapport à cette question du temps, c'est de me dire combien de temps avant que ça devienne vraiment un truc pathologique, à ton avis ? Est-ce que tu as l'impression d'avoir vite basculé ?

  • Speaker #2

    Je ne sais pas. Parce qu'en fait, j'ai l'impression que même quand un an et demi plus tard, je me suis retrouvée à l'hôpital, pour moi, ce n'était pas pathologique. Enfin, pour moi, c'était normal. Donc, je n'avais pas du tout conscience de... Ouais, de quand c'est devenu problématique. Donc je sais pas du tout, j'essaierai pas de dire.

  • Speaker #0

    Ouais, t'as pas l'impression qu'il y a un moment où, parce que tu disais ça a commencé par des petites choses, tiens je vais pas prendre de goûter, je vais pas faire ci, à partir de quel moment t'as l'impression d'avoir mis en place des grosses restrictions par exemple, tu vois et combien de temps ça a pris ?

  • Speaker #2

    Je me souviens de l'été... L'histoire du pain au chocolat, c'était à la Toussaint de mon année de seconde. Et donc l'été, à la fin de la seconde, je me souviens qu'en scouts, du coup, à un moment où j'étais en collectivité, où ça questionnait. En tout cas, j'étais pas comme tout le monde. Je mangeais pas comme tout le monde. Et que ça a interpellé les filles autour de moi en me disant « Mais Camille, t'as rien mangé alors qu'on a couru toute la matinée. » Mais je sais pas si c'est à ce moment-là... Ou si c'était déjà avant, mais comme j'étais, entre guillemets, anonyme à la cantine ou quoi, ça ne ressortait pas forcément.

  • Speaker #0

    Et ta perte de poids n'a pas été trop flagrante et rapide ? C'est ça aussi qui peut parfois alarmer autour.

  • Speaker #2

    Je pense qu'entre la Toussaint et l'été, ça va. J'ai aussi commencé beaucoup plus de sport. Et donc je pense que mon corps s'est plus musclé, ça ne se voyait pas forcément. Entre l'été et Noël d'après, ça a été dégringolade d'un coup. Je pense que quand ça a commencé à être un peu connu, parce que du coup mes chefs scouts ont prévenu mes parents, en mode, remarquez ça chez Camille, c'est peut-être pas inquiétant, mais en tout cas on vous prévient. Du coup il y a un peu eu un truc de, maintenant que les parents sont au courant, j'ai plus à essayer de cacher ou faire dans mon coin. Et du coup, ça a été porte ouverte. Je ne fais plus d'efforts, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Là où ça aurait pu être l'inverse, en fait, où tu te dis « Ah non, non, non, il faut à tout prix que je les rassure, que je leur montre que non, c'est pas vrai, tout va bien. » En fait, non, là, ça a été un peu... T'as lâché, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Je pense que du coup, ça devait déjà être bien installé.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais oui, ça a plutôt été un truc de... Avant, je faisais... Par exemple, je mangeais pas du tout à la cantine, mais du coup, le soir, je mangeais un peu pour pas que les parents s'inquiètent, machin. Là, puisque de toute façon, ils étaient au courant et déjà inquiets, bon bah, autant qu'ils soient inquiets légitimement, quoi. Et donc, plus d'efforts, ni à la maison, ni à la cantine. Et donc là, ça a été trois mois de grosses, grosses dégringolades sur le poids, sur l'énergie, sur le moral, sur tout, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu te souviens comment tu te sentais ? Dans les différentes étapes, tu parlais de cette première étape entre la Toussaint et l'été. Comment tu vivais la perte de poids ? Est-ce que c'était grisant pour toi de te voir perdre du poids ?

  • Speaker #2

    Je me sentais hyper puissante. Je sentais que je progressais dans tout, dans le sport, à la danse. Je me suis mise à la course à pied alors que je n'avais jamais couru de ma vie. Et comme du coup, j'allais courir hyper souvent, j'ai progressé très vite. À la danse de fête, je voyais que je passais du troisième rang au deuxième rang, du deuxième rang au premier rang. À l'école, j'avais l'impression que tout était plus facile. Je ne sais pas, je travaillais moins ou plus efficacement, je ne sais pas trop comment, mais en tout cas, un boom de mes résultats scolaires. Et oui, même dans les relations. Un truc, enfin, ouais, tout était plus simple, quoi. C'est fou, c'est étonnant même. Ouais. Bah, je pense que ça n'avait pas encore d'impact sur mon énergie. Enfin, pas trop.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #2

    Et du coup...

  • Speaker #0

    Ouais. On peut se demander ce qui se jouait au niveau hormonal, tu vois, sur des décharges d'adrénaline aussi, un peu. Qu'est-ce qui... Enfin, malgré tout, peut-être qu'il y avait encore un... Il y avait quand même un impact. très certainement sur ton énergie, mais il y avait quelque chose qui venait prendre le... Oui,

  • Speaker #2

    qui était plus fort.

  • Speaker #0

    Oui, ou qui venait pallier, tu vois, à ça, et qui te donnait aussi peut-être cette sensation. Je sais pas, c'est vrai que c'est surprenant. Et tu dis qu'il y a eu après le moment des gringolades, où là justement, t'as eu l'impression de perdre toute ton énergie.

  • Speaker #2

    Oui, pour le coup là, trois mois vraiment très durs, trois, quatre mois, de plus d'énergie, plus on veut rien faire, plus... Enfin, hyper irascible, ça se dit.

  • Speaker #0

    Oui, en tout cas,

  • Speaker #2

    dans les relations avec les gens, du coup, c'était difficile parce que tout le monde me saoulait, parce que ce n'était pas comme je voulais que ce soit et que je n'avais pas le contrôle sur ce que les gens font, sur ce que les gens disent. Et donc, pour moi, c'était assez insupportable de ne pas pouvoir tout contrôler et où, du coup, de fait, je sentais que ça avait un impact sur mon entourage. qui s'inquiétaient pour moi, qui ne savaient pas quoi faire. Et du coup, forcément, quand tu es entre papa et maman, que tu ne manges pas grand-chose, forcément, un coup, ils essayent de rien dire, l'autre coup, ils s'énervent, l'autre coup, ils pleurent. Ils essayent de faire quelque chose.

  • Speaker #0

    Là, il y avait beaucoup d'inquiétude. Oui. Et tu continuais tout à l'heure, tu as parlé un peu des scouts. Oui. Donc là, ma question que j'allais te poser, c'est... est-ce que tu continuais d'y aller ? Mais peut-être qu'on peut faire aussi une parenthèse et parler de l'importance que ça a toujours eu dans ta vie. Parce que quand on avait enregistré la première fois, je pense que je t'avais posé plein de questions. Et je me dis, malgré tout, c'est intéressant d'en parler parce que je t'avais posé des questions aussi sur... Ah ouais, mais attends, mais en quoi ça consiste, les scouts ? J'étais tellement surprise que tu m'en parles. Et genre, mais est-ce qu'il y a un lien avec la religion et tout ça ? Toutes ces questions qu'on peut se poser. Mais en tout cas... Toi, c'est quelque chose qui est entré dans ta vie très jeune ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'ai commencé à 7-8 ans, quand on peut commencer. Et ouais, c'est toujours resté, et encore aujourd'hui, hyper important. Je pense que les deux trucs principaux, c'est vraiment les amitiés. J'étais dans un groupe non-mix, donc on n'était qu'avec des filles. Et en gros, de mes 7 à mes 18 ans, on se voyait... Enfin, deux, trois fois par mois, tout le week-end, avec les mêmes filles avec qui on a grandi. Et donc, il y en a forcément avec qui ça passe moins bien. Mais c'est aussi des lieux où... Par exemple, par rapport au lycée, où les relations peuvent être quand même assez superficielles. Moi, je ne m'y retrouvais pas trop, quoi. Au scout, on est nature, quoi. On peut ne pas se laver pendant trois jours. Ce n'est pas ça qui fait qu'on ne va plus être copine. Et donc c'était un lieu hyper important pour moi dans cette dimension-là des relations. Et dans le côté, au scout tout est possible. On peut rêver grand, on peut faire des projets que normalement on ne fait pas à 15 ans, mais là juste on a un foulard autour du cou et on est 15, donc en fait on va le faire et ça va marcher. De se dépasser dans... Je sais pas, si on fait un camp itinérant, marcher 20 km par jour avec un sac sur le dos, on se soutient les uns les autres, on se dépasse. Si c'est, je sais pas, aller animer un truc dans une maison de retraite, c'est pas toujours facile de parler devant les gens, mais on apprend et on se dépasse. Donc ouais, un peu ce truc où tout est possible. Et du coup, même quand ça va pas, en fait, tout reste possible. Et donc, quand ça dépasse, ça restait une bulle d'air. Ouais.

  • Speaker #0

    Ouais, et finalement, il y a eu un rôle important quand même, parce que ce sont tes chefs scouts qui sont allés alerter tes parents.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc, s'il n'y avait pas eu cet espace-là, enfin, c'est pas ta prof de danse.

  • Speaker #2

    Mais non.

  • Speaker #0

    Tu aurais pu aller alerter tes parents, tu vois. Ouais,

  • Speaker #2

    ouais. Ouais, c'est sûr. En tout cas, c'était aussi un lieu où j'étais importante, enfin, où scouts chaque jeune est important pour qui il est. Sans rien approuver, c'est pas parce que t'as 18 badges que t'es plus important que le petit nouveau qui vient d'arriver. Et donc de fait, je pense que ça c'était hyper important pour moi de savoir que je compte dans un groupe pour des plus vieux qui nous accompagnent, pour des filles de mon âge. C'est génial les scouts.

  • Speaker #0

    Ouais, ça a l'air. Et du coup, tu m'avais expliqué qu'il y avait différents types de scouts.

  • Speaker #2

    Ouais. C'est ça. Il y a... En gros, il y a un peu plein de scouts selon les différentes religions, et du coup aussi des scouts laïcs. Et un peu les plus connus en France, enfin ceux dont on peut souvent entendre parler, c'est les scouts et guides de France, les SUF et les scouts d'Europe. Donc ça, c'est trois mouvements de la branche des scouts catholiques. On dit comme ça. Et donc, qui sont, à la base, c'était un seul... Enfin, il n'y avait qu'une forme de scoutisme. Et puis, au fur et à mesure des années, ça s'est un peu différencié selon les gens qui l'ont tenu à droite, à gauche. Et je dirais que ce qui différencie beaucoup, c'est la place de la foi et de la religion dans ces trois mouvements-là. Par exemple, les Scooters Guide de France, c'est un mouvement ouvert à tous. Donc, en fait, dans les faits... Je pense que plus de la moitié des jeunes ne sont pas du tout catho, enfin, ont grandi ou pas dans des familles catho, mais ça n'a pas de place dans la revue, et ils trouvent tout à fait leur place quand même. Là où, par exemple, les scouts d'Europe, c'est beaucoup plus important. Enfin, je pense que si tu as grandi dans une famille pas catho et que tu n'as pas les codes, tu ne t'y retrouves pas. Donc c'est différentes approches, ça touche différents types de jeunes. Il y a toujours une petite guéguerre entre les deux, mais je dirais pas lesquelles sont les meilleures.

  • Speaker #0

    Ok, bon, parenthèse refermée, mais c'est important d'en parler parce que je sais à quel point ça a été et c'est encore important dans ta vie. Et donc, on revient justement à cette phase-là de dégringolade et les questions qui me viennent, c'est... Ok, tu sens que ton énergie est en train de te lâcher, mais est-ce que tu continues d'aller à la danse ? Est-ce que tu continues d'aller le week-end entre scouts ? Comment ça va ? Comment ça se passe pour toi à ce moment-là ?

  • Speaker #2

    Je continue tout comme s'il ne se passait rien, voire plus. J'étais plutôt dans un rythme... Le lundi soir, j'avais danse et flûte. Le mardi, j'avais chorale. Le mercredi, j'avais danse, orchestre et badminton. Le jeudi, j'avais... Une, deux ou trois activités par soir, donc plutôt avec un rythme effréné, enfin même trop rythmé quoi. Mais je continue à tout faire et je continue à être première de classe et je continue, enfin, il y a un truc où, je sais pas, avec le recul, je sais pas comment c'est possible, mais en tout cas je continue à assumer tout de ma vie, mais en étant éteinte.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est le perfectionnisme à son paroxysme aussi. qu'on retrouve beaucoup dans l'anorexie. Et ce que tu dis, ça me fait penser aussi aux personnes à qui on fait des examens sanguins, alors qu'elles sont en grave sous-poids. Les examens sanguins sont nickels. Et ça, c'est hyper fréquent. C'est un peu un truc basique qu'on observe beaucoup. Et ça me fait penser à ça, à cette phase que tu traverses où tu es portée par ce truc-là, ce sentiment de puissance. Et en fait... le perfectionnisme de l'anorexie vient nourrir celui de la bonne élève et inversement enfin voilà c'est un truc de fou quoi et où je pense,

  • Speaker #2

    enfin je sens que s'il y a un petit truc du rouage qui s'arrête ou qui change, tout s'écroule donc il peut pas y avoir un changement,

  • Speaker #0

    donc il faut de la rigidité donc en fait il faut que ça tienne, donc ça tient je crois me souvenir d'un truc en discutant avec toi d'un... Peut-être que je vais un peu vite, mais si jamais tu avais d'autres choses à ajouter, c'est pas grave, on s'en fout de ne pas respecter un ordre chronologique, on reviendra en arrière. Mais je me souviens, je crois me souvenir qu'un jour, tu ne peux plus sortir de ton lit en fait.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Et tu devais aller à la danse, je crois justement, et tu étais incapable d'y aller.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Ça, ça arrive tout début janvier et juste après.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Après des vacances de Noël, du coup, un peu vénère en famille. Tous les frères et sœurs rentrent pour les vacances, ils ne m'ont pas vu depuis 4-5 mois, donc ils tombent un peu des nues en me voyant physiquement, en me voyant moralement, donc ils ne comprennent pas ce qui se passe. Moi, je mange à peine 3 pommes par jour et rien d'autre. Je suis une dictatrice, quoi. Pendant que dans ma relation, ils ont un peu pris cher, les frères et sœurs. Ouais, donc après des vacances de Noël vraiment dures, moi je me dis la rentrée va reprendre, je vais reprendre mon rythme et tout va bien se passer, de toute façon c'est comme ça, et en fait, en fait pas, et donc ouais je me retrouve dans mon lit le matin, je dois partir à la danse et en fait je peux pas me lever, parce que mon corps tient plus debout quoi, donc je sais pas si c'est le rythme des vacances, si c'est d'avoir vu les frères et sœurs, si c'est... Le trop, c'était le bout.

  • Speaker #0

    Tu avais atteint la limite de ton corps aussi.

  • Speaker #2

    Et en même temps...

  • Speaker #0

    Moi je me dis juste, je vais faire une sieste et ce sera...

  • Speaker #1

    Et puis tout ira bien. Ah oui, mais le déni, parlons-en du déni. D'ailleurs, c'est ce que tu me disais tout à l'heure. Toi, t'avais pas l'impression d'avoir de problème finalement.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Tu voyais ton corps tel qu'il était à ce moment-là, tu penses ?

  • Speaker #0

    Je le voyais énorme. Je pense qu'il n'était pas comme ça.

  • Speaker #1

    Tu le voyais énorme. Pour toi, il était nécessaire de perdre encore du poids.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais. Ah oui, je me voyais pas... Enfin, je me souviens des frères et sœurs qui osaient pas me prendre dans les bras en me disant « Mais en fait, si on te touche, on va te casser » . Moi, je captais pas. Enfin, je me disais « Mais qu'est-ce que tu racontes ? » À la limite, c'est moi qui vais t'écraser parce que je prends trop de place, quoi. Mais de... Ouais, de vraiment pas voir. Et du coup, après cette sieste qui n'a pas... Malheureusement, pas tout résolu. J'envoie un SMS à maman parce qu'en fait je suis incapable de descendre les escaliers donc je peux pas aller la voir en vrai. Et donc c'est ça qui est assez étrange, c'est que je lui envoie un message en lui disant je crois qu'il faut m'emmener à l'hôpital. Et donc comme si, enfin à la fois je sens qu'il y a une urgence ou qu'il y a un truc qui va pas et en même temps...

  • Speaker #1

    Ouais peut-être une urgence physique, peut-être que tu pensais que c'était purement somatique quoi à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça. L'urgence de là, mon corps est très fatigué.

  • Speaker #1

    C'est bizarre, j'ai peut-être une petite carence. Et en même temps,

  • Speaker #0

    direct après lui avoir envoyé ce message, je regrette en me disant qu'il va me dire que je suis fatiguée, qu'il doit ralentir alors que je ne dois pas ralentir. Mais oui, en tout cas, un décalage énorme entre la réalité et dans ma tête.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, tu le perçois, ce décalage-là ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais aujourd'hui, c'est possible pour toi de te dire, à ce moment-là, j'étais déjà bien malade, j'étais au fin fond. Mais j'imagine qu'il t'a fallu du temps pour admettre ça.

  • Speaker #0

    Oui, il m'a fallu des mois, c'est sûr. Peut-être des années pour capter la profondeur. Ouais, sur le coup, c'est marrant parce que je me souviens, du coup j'ai été hospitalisée en urgence, et je me souviens me dire, en fait je suis juste fatiguée, je vais me reposer et je rentrerai à la maison. Et dire ça à mes copines, en mode, je suis pas là ce week-end au week-end scout parce qu'on m'oblige à rester à l'hôpital, mais en trois semaines je suis là quoi, enfin un truc... Et d'être incapable d'intégrer que c'était pas que ça. Et de me retrouver dans un service avec des filles toutes plus maigres les unes que les autres. Et vraiment, je me dis, mais qu'est-ce que je fous là ? En fait, je prends la place d'une fille qui en aurait besoin.

  • Speaker #1

    Tes copines, elles te disaient quoi, elles ? Parce qu'elles ont dû te voir changer aussi au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Mes copines, il y a un peu eu toutes les réactions. Les copines du lycée, ça a plutôt été de... Je ne sais pas quoi faire pour toi, je disparais de ta vie. Ça a été hyper dur sur le coup. Aujourd'hui, je le comprends. Je pense qu'elles se sont protégées et que je ne savais pas quoi faire. Elles ont continué leur vie d'ado. Les copines des scouts, je pense que dès le début, dès le jour où je suis rentrée à l'hôpital, elles m'ont fait comprendre qu'elles avaient plutôt capté ce qui se passait. Et qu'à aucun moment elle me lâcherait. Et qu'à aucun moment elle lâcherait la conviction que je m'en sortirais un jour. Et de fait, c'est assez fou. En tout cas pendant des années, ça a été des socles sur lesquels, quand moi j'y croyais pas ou plus, elles étaient là et elles y croyaient pour moi. Tous en sachant parfois dire, en fait la Camille c'est pas de notre sort, là machin, fin. En se protégeant aussi elle-même, parce que ce n'était pas mes petits.

  • Speaker #1

    Tu dis des années, donc tu nous spoiles un peu sur la suite. Ça a été long, sans blague. Comment se passe, tu parles de janvier là, où c'est un peu le début de l'autre côté, j'ai envie de dire. Ou quelque part, même si j'imagine que tu étais encore dans le déni, il y a quand même un truc physiquement qui essaie de te sortir du déni. et du coup Je ne sais pas combien de temps ça... Non, ce n'est même pas ça ma question. Je ne sais même pas comment te poser la question. C'est un peu comme toi, tu auras envie de le raconter, mais... Ça a été quoi les étapes finalement que tu pourrais nommer dans cette guérison, tu vois, cette sortie de l'anorexie ?

  • Speaker #0

    Il y en a eu beaucoup !

  • Speaker #1

    Bah ouais, j'imagine. Et puis c'est pas facile, tu te demandes de presque conceptualiser, tu vois, un truc que toi t'as vécu.

  • Speaker #0

    Je pense que l'une des premières étapes, ça a été... Du coup, j'ai été hospitalisée en urgence. Je suis restée deux mois et demi. J'ai très vite compris que pour sortir, il fallait que j'atteigne un poids, le poids qu'il voulait quoi. Et que pour reprendre du poids, il fallait manger. Donc j'ai mangé, j'ai repris du poids, je suis sortie. Et je me suis dit, du coup, il faut que je mange pour pouvoir sortir, pour pouvoir recommencer plus loin et plus fort. Parce que je n'ai pas été assez loin. Donc c'est ce qui s'est passé. Je suis sortie et ça a été encore pire. Mon corps a tenu encore plus loin. Je suis réarrivée aux urgences un mois et demi après être sortie de l'hôpital. Et en arrivant aux urgences, un médecin me dit « je ne sais pas comment c'est possible que vous soyez encore vivante » . À ce moment-là, j'ai capté que je pouvais mourir. Je pense que ça m'a sortie de ma toute-puissance. Le mec ne me connaît pas, juste il m'a vu arriver, il m'a pesé, fait trois prises de sang et pris ma tension. Et donc je pense que ça m'a emmenée dans une autre dimension, puisque ce qui est sorti direct c'est moi je ne veux pas mourir. Donc je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas comment je vais m'en sortir, mais lui il me dit je ne sais pas comment vous êtes vivante et moi je veux être vivante. Et donc je pense que ça a ancré un truc qui ensuite est toujours resté là. De, moi je veux être une vivante quoi. Et donc ça prendra des chemins pas toujours les plus directs, mais j'ai envie de vivre au fond. Et oui, ça a ensuite toujours mené mon chemin.

  • Speaker #1

    Ok. Et du coup, il y a eu plusieurs hospices comme ça, des allers-retours ?

  • Speaker #0

    Du coup, la deuxième hospice, je suis restée 5 mois.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'était long.

  • Speaker #1

    T'étais sur l'île à l'époque ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Pour le coup, dans un service hyper spécialisé, avec des professionnels vraiment... vraiment bien. C'était dur, mais c'était une prise en charge bénéfique. J'étais pas juste enfermée entre quatre murs et gavée sans accompagnement. Et en sortant... Du coup, après, j'ai redoublé mon année de première puisque je n'avais pas été en cours, enfin, quasi pas de l'année. Et donc, toute la fin de mon année lycée, j'étais à l'hôpital deux jours, trois jours par semaine et deux jours en cours. Et donc, je faisais ce qu'il fallait pour ne pas être réhospitalisée à plein temps, quoi, en gros.

  • Speaker #1

    Ouais, tu maintenais le truc, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Mais parce que j'étais pesée deux fois par semaine à l'hôpital et que du coup, il fallait... Il fallait faire ce qu'il faut, quoi. Mais tout en étant...

  • Speaker #1

    Mais tout en ne voulant toujours pas grossir. Enfin, tu lâchais pas, quoi. Il y a un truc, tu lâchais pas. Non,

  • Speaker #0

    je lâchais pas. Moralement, ça allait vraiment pas. Pour le coup... Parce que du coup, j'avais plus cette possibilité de tenir par la restriction totale.

  • Speaker #1

    C'est ça. T'es dans un espèce d'entre-deux où finalement, t'es un peu nulle part, quoi. Oui, c'est ça. Oui.

  • Speaker #0

    Ouais, plus, du coup, d'être deux jours par semaine au lycée, en fait, les autres ne comprennent pas, moi je ne comprends pas non plus.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais j'étais interne, en sortant du coup, je suis devenue interne, et donc du coup la journée j'étais à l'hôpital, et le soir je revenais à l'internat au lycée. Et ça c'était vraiment des chouettes moments, j'étais dans une chambre avec une très bonne copine, et je pense que c'est ce qui m'a permis de tenir à peu près, d'avoir ces moments-là.

  • Speaker #1

    L'amitié, encore.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et je suis dans ma chambre avec une copine de scout.

  • Speaker #1

    En plus ! Incroyable.

  • Speaker #0

    Donc ouais, ça passe comme ça. Et en terminale, le Covid arrive. En même temps, un mois avant mes 18 ans. Et donc à ce moment-là, le jour de mes 18 ans, je me dis Ok Camille, c'est terminé. En fait, t'as vu, ça fait 2-3 ans que ça dure. Maintenant t'as 18 ans, t'es une grande fille, c'est fini. Donc du jour au lendemain, je mange normalement, je cours un peu moins, enfin, en tout cas dans mes comportements de ce qui est visible. Ça va bien, quoi.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Et apparemment, mes prélèveurs ne comprennent pas ce qui se passe, mais...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Mais... Et ça tient un mois et demi, je pense. Ce qui est quand même pas mal.

  • Speaker #1

    Ok. Mais quand tu dis... Petite précision, parce que tu dis de l'extérieur... Voilà, de l'extérieur, c'était comme ça. À l'intérieur, c'était comment ?

  • Speaker #0

    À l'intérieur, c'était une haine de mon corps. Enfin...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Très violente, quoi. Et en même temps, un... Un truc de... Enfin, le désir de vivre bien, enfin je sais pas comment dire. Et comme si du coup il y avait un truc de bon, en fait j'ai tellement envie de vivre et d'avoir une vie normale que pendant un temps, je mets de côté tout ce qui... Enfin si l'anorexie était là, c'est qu'elle me permettait des choses quoi. Donc je mets de côté tout ce qui est d'habitude sauvé par l'anorexie. Je sais pas trop comment dire.

  • Speaker #1

    Ouais ouais.

  • Speaker #0

    Et je pense, enfin pendant le confinement, tous les frères et sœurs sont rentrés à la maison. Je pense que ça m'a aussi aidée. Ça fait trois ans qu'on n'a pas vécu ensemble. J'ai envie que ces moments soient chouettes entre nous. Et pas que ce soit Camille n'a encore rien mangé, Camille est partie courir. Et en même temps, se retrouver en famille, ce n'est pas facile quand les grands sont partis. Et donc, dès qu'au bout d'un mois, les tensions dans la famille sont revenues un peu au grand galop, et donc moi, c'est ça qui a repris. Et donc, je me suis réarrêtée du jour au lendemain de manger. Et donc, après ça, fin du lycée, je me dis, qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Et je me dis, j'ai été voir une conseillère d'orientation qui me dit, ah mais vous serez une super psychomotricienne.

  • Speaker #1

    Tiens, tiens.

  • Speaker #0

    donc ok super ça on donne une voie toute tracée très bien donc je postule je suis prise et je pense qu'à ce moment là je capte, enfin en tout cas je me dis en fait je peux pas aller dans cette formation alors que moi même je suis incapable de regarder mon corps et que mes émotions c'est la tempête et ça n'existe pas pour moi enfin en tout cas je capte que c'est pas du tout le bon timing ouais Et que j'ai besoin, j'ai été prise dans une école à Lille, donc à côté de chez mes parents, et en fait j'ai besoin de partir. Je pense que je ne me le dis pas consciemment, mais que c'était j'ai besoin de partir pour ne plus être surveillée et pour pouvoir recommencer ma vie. ma course est freinée à la maigreur, au contrôle. Je pars dans une autre formation qui était très chouette à Angers, à 700 km de chez les parents.

  • Speaker #1

    Mais dans une ville magnifique.

  • Speaker #0

    Dans une ville magnifique. qui deviendra ma ville préférée voilà merci donc j'arrive à Angers où je connais rien, personne et donc liberté absolue et là ça repart de plus belle et là ça repart de plus belle liberté absolue et du coup en sécurité totale parce que je connais personne et donc qui dit en sécurité il dit besoin de contrôle et donc donc c'est ça Camille qui doit faire ses courses toute seule Non mais c'est ça.

  • Speaker #1

    C'est ça, quand tu dis liberté, liberté totale, tu avais la totale liberté de t'enfermer comme tu voulais, de t'emprisonner dans l'anorexie, parce qu'en fait, c'est ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est l'illusion de la liberté.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quel enfer.

  • Speaker #0

    Et donc, oui, ça repart de plus belle. Et je crois qu'à ce moment-là, ce qui est hyper dur, c'est que j'ai conscience que ce n'est pas ce que je veux pour ma vie, mais que je ne peux rien faire contre. Et donc, je me vois aller courir 15 bornes tous les soirs. Je me vois manger pas du tout assez, enfin, quasi rien.

  • Speaker #1

    Et cette haine de ton corps, elle est toujours là ? Ou tu as l'impression qu'elle est un peu moins là dès que tu reprends le contrôle, en fait ? Oui, c'est ça qui est terrible. Non, mais c'est ça qui est terrible, effectivement. Tu disais... Il y a l'envie de revivre autrement, enfin de vivre, et en même temps si tu essaies de vivre et donc de lâcher un peu, tu as une haine féroce de toi-même qui arrive, mais qui est insupportable. portable à vivre. Après, les personnes qui nous écoutent sont majoritairement des gens qui sont passés par les troubles alimentaires et qui savent de quoi on parle. Mais quand on n'est pas passé par là, c'est difficile de décrire ce que ça peut faire.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et en fait, j'ai hâte de mon corps. s'incarne sur mon corps mais c'est elle de moi je suis de comment je suis je voudrais être dans un autre corps, dans une autre personne quelqu'un d'autre c'est horrible et donc tu dis,

  • Speaker #1

    parce que c'est quand même hyper important parce que tu dis que t'as cette conscience et d'ailleurs c'est aussi horrible à vivre de dire je veux pas ça c'est l'enfer mais j'ai pas le choix, je sais pas comment faire autrement et ça dure combien de temps ? cette espèce d'entre-deux ?

  • Speaker #0

    Ça dure longtemps. En tout cas, quand j'arrive à Angers, je pense que ça dure 5-6 mois, le temps de reperdre suffisamment de poids pour que mon corps me dit stop. En mars-avril, l'école me renvoie chez moi en me disant qu'Amy... Pour nous, ça n'a pas de sens que tu viennes en cours et que tu sois première de classe alors que tu ne tiens plus debout. Donc viens prendre soin de toi et tu reviendras en cours quand ce sera possible pour toi. Et donc je rentre chez les parents, qui m'emmènent à l'hôpital. Et là, je refuse d'être hospitalisée. Comme j'étais majeure, mes parents n'avaient plus leur mot à dire. Et en même temps, je me dis, du coup, si je refuse, c'est ma responsabilité. Et du coup, ça va un peu mieux, mais en fait, dans un entre-deux, si l'anorexie est là, il y a une raison, donc je ne peux pas la faire disparaître du jour au lendemain. Et en même temps, il faut que ça parte, puisque je ne peux pas vivre comme ça. Et donc là, je dirais que du coup, c'est 4-5 ans de cet entre-deux où il y a plein de périodes où ça ne va pas du tout. Mais quand ça commence à vraiment ne pas aller du tout, je reprends un peu, je remonte un peu la barre. Et du coup, ça va un peu mieux pour tenir.

  • Speaker #1

    Oui, et encore quand tu dis quand ça ne va pas du tout, c'est que ton poids chute. C'est ça,

  • Speaker #0

    quand tu dis tu reprends mon poids chute ou mon énergie ne me permet plus d'avoir un quotidien normal.

  • Speaker #1

    Mais finalement, toutes les phases où tu as ce quotidien normal et que ça tient à peu près. Est-ce que pour autant ça va bien ?

  • Speaker #0

    Ah non ! C'est plus des comportements anorexiques qui prennent toute la place, mais ça va pas.

  • Speaker #1

    4-5 ans comme ça. Et qu'est-ce qui fait que... Je sais bien que c'est pas... Ah j'ai eu tel déclic tel jour à telle heure. Parfois si, il y a quand même un déclic important ou plusieurs. Mais dans ton cas, qu'est-ce qui a fait ? qu'à un moment donné, ça a été possible de sortir de ce fonctionnement-là. Est-ce que tu avais de l'aide quand même aussi, un suivi psy ou autre ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais un suivi psy. Avec qui, c'est marrant, je ne comprenais pas du tout sur le coup. Et en fait, aujourd'hui, je trouve ça hyper smart comme méthode. Mais je suis arrivée en lui disant, je suis anorexique, il faut m'aider. Et je crois qu'on n'a quasi jamais parlé de l'anorexie. Parce qu'en fait, c'était pas vraiment ça le problème. En tout cas, il y a des choses à aller voir là-dedans. Oui, la question c'est d'où ça vient. Donc ça, c'était des lieux hyper précieux. Et en fait, il y a eu plein de petits déclics, de rencontres avec des gens, de moments dans ma foi où ça m'aidait à avancer, deux de choses que je vive et qui me rallument dans le fait que ça vaut le coup de vivre et d'être en forme pour pouvoir vivre des choses comme ça. Plein de petits trucs. Et en fait, je finis mes études, après je bosse un an et en fait, à la fois le fonctionnement de la structure, je ne m'y suis pas retrouvée. Il y a des trucs dans la structure qui vous excèdent. que c'était pas forcément sain, moi, le fait que ça aille pas bien, bah du coup, en fait, ça se répercutait au boulot, enfin voilà. Et donc, j'arrête le travail en mode, je sais pas si on peut parler de burn-out, mais en tout cas, un peu comme à ce cours de danse où j'ai pas pu aller, quoi. Un matin, j'ai pas pu me lever pour aller au travail.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et du coup, un peu, j'ai l'impression de retoucher le fond. À ce moment-là, en fait maintenant c'est ma vie d'adulte, c'est plus Camille de 16 ans qui en fait est chez ses parents et ne gère pas trop sa vie. Là c'est Camille de 21 ans qui, si je ne fais rien pour moi, personne ne fera rien pour moi et ce n'est pas ça que je veux pour ma vie. Et donc je pense que tous les petits déclics d'avant... Cette envie de vivre pour de vrai, elle est toujours restée là. Je pense qu'au fur et à mesure, elle a pris de plus en plus de place. Au moment où j'arrête mon travail, j'ai ma première nièce qui naît. Je suis sa marraine. Et donc en fait, c'est... Enfin, tout le long de la grossesse, quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé qu'ils attendaient un bébé, ça a été incroyable. En tout cas, ça a vraiment eu un impact sur mon quotidien. De me dire, mais Camille, tu vas être la marraine de ce bébé qui, pour l'instant, fait 25 grammes dans un ventre. Et donc, tu peux pas vivre à moitié, tu peux pas...

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Enfin, tu peux pas ne pas aller bien, quoi. Et donc j'arrête le travail et Gabriel, ma nièce, naît et je me retrouve avec ce petit bébé dans les bras. Il y a vraiment un truc en moi qui s'ancre de « en fait Gabriel ne me connaîtra pas malade » . Et c'est pas pour elle, mais c'est parce que moi j'ai envie d'être une femme debout, d'être un exemple, je sais pas, mais en tout cas un modèle parmi plein d'autres de femmes épanouies pour cette petite fille qui vient de naître. Et donc, je vais me donner tous les moyens qu'il faut pour en sortir pour de bon, quoi. Je viens de passer une semaine avec elle. Trop bien. Elle a un an et demi. Je pense que ça a vraiment été ça, le switch, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, comme tu dis, c'est intéressant. C'est le déclic qui est venu mettre en route tous les autres, quoi. Quelque part, ça se... Ça s'est colmaté pour pouvoir faire un truc suffisamment gros pour y aller.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas changé ma vie du jour au lendemain.

  • Speaker #1

    Tu t'es pas réveillée en mangeant normalement, en étant bien dans le bureau.

  • Speaker #0

    En regardant dans le bureau.

  • Speaker #1

    Incroyable. Il y a plein de gens qui vont arrêter l'écoute maintenant. Merde ! Toujours pas là, la solution !

  • Speaker #0

    Non, mais par contre... Ça a ancré en moi ce truc de je vais me donner les moyens, quoi qu'il arrive, je suis prête à tout. Et je sais que ça va être difficile, que je vais passer des soirs à pleurer après avoir mangé, que je vais détester tous ceux qui seront contents de me voir en forme, parce que pour moi être en forme ça veut dire avoir repris du poids, ça veut dire je sais pas quoi, mais c'est pas grave. En tout cas, je sais que ce ne sera pas ça toute ma vie.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est important. Et je ne sais pas trop d'où ça devenait de savoir ça, mais c'est vachement important de pouvoir en avoir conscience que la guérison, surtout d'anorexie, je dirais, parce que peut-être que pour boulimie, hyperphagie... Je ne dirais pas tout à fait la même chose parce que les symptômes sont tellement envahissants, les crises, que ça fait une grosse plus-value déjà quand ça diminue et que ça s'arrête. Et même si le chemin continue d'être un peu complexe dans l'image de soi, dans plein de trucs, tu as cette grosse plus-value. Mais d'avoir conscience que quand tu te lances dans ce chemin de guérison, que tous les trucs compliqués que tu vas vivre, ce ne sont pas les trucs que tu te coltines à de vitam aeternam.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Que oui, tu vas avoir besoin de reprendre du poids, mais que ça va s'arrêter, que tu ne vas pas grossir sans t'arrêter jusqu'à la fin de ta vie. Tu vois, qu'il y a plein de choses qui appartiennent à des phases de guérison. Mais c'est fou en fait que tu aies eu conscience de ça.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que toutes les journées passées à l'hôpital de jour, ce que disent les médecins, en fait, à un moment ça rentre. On ne les croit pas sur le coup, mais ça imprègne quand même. De voir des copines de mon âge qui en fait sont bien dans leur corps, ou en tout cas comme toutes les... Oui, en tout cas que ça n'empêche pas de vivre,

  • Speaker #1

    de ne pas toujours aimer telle ou telle partie de leur corps.

  • Speaker #0

    D'avoir des exemples autour de moi de jeunes filles et de femmes épanouies dans leur vie, je pense que ça a ancré en moi un truc de moi aussi je peux. Je ne suis pas différente, je ne suis pas plus bizarre que les autres, et donc moi aussi ça arrivera.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te souviens de... je sais pas comment... comment t'as fait... tu vois c'est un peu en mode... ouais c'est ça, qu'est-ce qui toi t'a été utile, comment t'as fait pour lutter contre cette peur de grossir ? Parce que j'imagine bien que t'avais cette envie de vivre, de retrouver une vie normale, et que tu savais que ça passerait par le fait de manger, et que ça allait passer aussi par le fait de reprendre du poids. Comment t'as fait pour gérer ça ?

  • Speaker #0

    J'ai décidé de prendre un an off, un an où je ne travaillais pas, où je ne faisais pas d'études, et où c'était ça, c'était ton job. Oui, c'était ça mon job. Un peu dur à expliquer autour de moi, mais en tout cas je sentais que ça demande tellement d'énergie et tellement d'investissement que si je devais la mettre ailleurs, je n'y arriverais pas. Donc ça a été ce premier choix, et après de reprendre tout mon parcours et de me dire ok, ça c'est pas travaillé, ça il reste un enjeu, ça machin, et de quoi j'ai besoin pour le cadrer et m'aider à avancer. Et donc j'ai repris un suivi à l'hôpital de jour à Angers. J'ai commencé un suivi avec une psychomote, qui revient. J'ai continué avec la psy que je voyais. J'ai été voir une psy qui faisait de l'EMDR. Et voilà, c'est déjà pas mal je crois. Et chaque personne que j'allais voir, je lui disais, avec toi c'est ça que je veux bosser. Avec la dame qui faisait de l'EMDR, j'ai été la voir en lui disant « Je sais que tel moment, tel moment, tel moment, ça a ancré en moi des croyances limitantes, des je sais pas quoi, donc allez, on bosse sur ça pour que moi ça me libère derrière. » J'allais voir la psychomote en lui disant « Le problème, c'est que j'ai besoin de capter comment est mon corps aujourd'hui, de capter mes émotions, comment ça marche, de machin. » Avec la psychomote, on bosse ça. Avec l'hôpital de jour, j'ai besoin d'avoir une diététicienne qui me dit Un repas complet, c'est ça, ça, ça, et je l'applique derrière. Vraiment ce truc de me dire de quoi j'ai besoin, je le mets en place et je le suis coûte que coûte. Et quand j'ai envie de lâcher, je pense à ce petit bébé qui était dans mes bras.

  • Speaker #1

    Et à la petite fille qu'elle deviendra. C'est l'exemple que tu as envie d'être pour elle.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'était hyper joyeux. Même quand je pleurais après, en rentrant d'une sortie resto avec des copines parce que j'étais en PLS d'avoir pris une boule de glace au dessert et que je me disais que ça y est, j'allais reprendre 25 kilos et que c'était dramatique. En fait, il y avait quelque chose d'assez joyeux là-dedans parce que je savais que ça m'emmènerait vers une vie, vers la vie que j'ai envie d'avoir. Et que j'étais hyper entourée par des copains, par les frères et sœurs. qui me disaient qu'ils étaient trop fiers de moi. Et voilà, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a quand même un truc fort chez toi, déjà d'un amour de la vie et d'une envie de vivre. Tu vois, un truc qui semble ne pas s'être éteint. Et aussi d'une foi en toi et dans la guérison, sans doute portée aussi par tes proches, parce que tu le disais, tes copines... des scouts te l'ont verbalisé en fait qu'elles croyaient au fait que tu allais guérir de ça et qu'elles seraient là peu importe le temps que ça prendrait et est-ce que c'est cette foi en toi communicante tu vois qui t'a permis mais en tout cas il y a comme un truc de ok je vais vers là je vais y arriver et finalement chaque pas que je fais même s'il est un peu douloureux je sais que ça m'emmène vers ça donc c'est chouette Et c'est fou, j'imagine que c'est hyper porteur, mais je trouve ça un peu fou. Tout le monde n'est pas doté de ça.

  • Speaker #0

    De fait, c'est assez souvent ce qu'on me renvoie. Quand je rencontre des gens que je discute, à chaque fois, ils sont assez étonnés de me dire, mais Camille, d'où ça vient ? Je ne sais pas trop.

  • Speaker #1

    Comme une espèce de confiance intrinsèque, en fait. Alors une confiance en toi, en la vie, dans les autres, j'en sais rien finalement. Mais comme un... Est-ce que c'est pas comme ça qu'on appelle les gens qui sont optimistes ? Est-ce que c'est pas ce mot-là qu'on met sur ce que ça va fonctionner ? Je sais pas. Je ne me considère pas du tout comme étant une personne optimiste, malheureusement. Donc j'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui le sont. Mais en tout cas, je perçois que c'est... Je pense que ça a été quelque chose de vraiment aidant, quoi.

  • Speaker #0

    pour toi. Je pense que la place de la foi dans ma vie a aussi un énorme rôle. Je ne suis pas sûre de me retrouver dans l'église d'aujourd'hui. Il y a plein de trucs qui me dérangent et qui me mettent en colère. Mais le message... Le message du Christ transmis dans la religion chrétienne avec lequel j'ai grandi, c'est vraiment un message d'espérance. Derrière la pire des misères, la pire des souffrances, il y a la vie qui peut surgir. Et je pense que, mine de rien, ça a ancré un truc en moi. Là, c'est un peu le fond du trou, mais derrière, il peut y avoir la vie. C'est quoi le chemin pour ça ? Ça peut être un peu long.

  • Speaker #1

    Ouais, mais je pense qu'effectivement, ça fait sens, le fait que c'est sûrement... C'est sûrement, j'en sais rien. En tout cas, on peut imaginer que ça vienne de là. Et tu vois, en t'écoutant, je me disais, bah ouais, je pense qu'il y a encore des tas de gens qui sont croyants, de différentes religions, mais il y en a quand même beaucoup moins qu'il y a 100, 200 ans. Et mine de rien, ça joue quelque chose aussi dans notre façon d'appréhender la vie. et ce qui nous arrive. Et je pense qu'on peut être athée, mais développer ça d'une autre manière, tu vois. Mais encore, faut-il qu'on nous l'amène aussi dans l'enfance. Et c'est vrai que quand tu nais dans une famille qui a une foi, dans une religion ou une autre, du coup, tu as la transmission de choses comme ça, je pense.

  • Speaker #0

    Je pense aussi, en fait, d'avoir eu plein de moments de... Bon allez, je me donne les moyens, ça va un peu mieux. Oui, c'est dur. Et puis d'un coup je lâche. Et du coup en fait, ce qui a été dur dans les efforts, ça n'a servi à rien. Il faut recommencer de zéro, machin. Il y a un peu eu le truc de, du coup maintenant soit j'y vais pour de bon, soit j'y vais pas quoi. Mais d'arrêter de faire ces petits allers-retours.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que tu penses quand même qu'ils t'ont aidé ces allers-retours ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, c'est sûr.

  • Speaker #1

    En termes aussi de ce que t'as pu expérimenter dans des moments où mine de rien ça allait un peu mieux.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, c'est sûr. et puis de comprendre Je pense qu'au début, je partais de « si j'arrête de manger, c'est juste que je suis pas bien dans mon corps » . La fois suivante, j'ai compris que « ok, si j'arrête de manger, c'est parce que je suis trop pleine de plein d'émotions, je sais pas quoi en faire et donc je cherche le vide ailleurs » . La fois d'après, j'ai compris que... Donc en fait, à chaque fois, ça m'a donné des clés de compréhension de pourquoi ce trouble est là. Et c'est pas juste que je suis pas bien dans mon corps, parce qu'il y a plein d'ados pas bien dans leur corps, c'est pas pour ça qu'elles arrêtent de manger, quoi. Et donc, je pense que... Une fois qu'il y avait suffisamment de bases, de compréhensions, de clés à droite à gauche, c'est ça, il y a un moment où c'était l'heure.

  • Speaker #1

    C'est cool parce qu'elle est quand même venue, enfin ça a dû te paraître long, mais elle est venue tôt quand même cette heure. Même si je comprends, on parlait quand même tout à l'heure de 4-5 ans, c'est hyper long. Mais je veux dire, moi je l'accompagne des personnes. qui se comptent des troubles alimentaires depuis 20 ans, 30 ans, tu vois.

  • Speaker #0

    Eh ben, c'est sûr. Oui, ça m'est apparu. Je pense qu'entre la toussain dont on parlait, là.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et la faim, il y a eu, je sais pas, 8 ans, peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    7-8 ans.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est long. C'est quand même... À l'échelle de ta vie, ça reste...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Enfin, je veux dire, c'est un tiers de ta vie, quand même.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Tu vois, dit comme ça... Mais dis-toi que moi, j'ai passé... Moi, je viens d'avoir 40 ans, On a les troubles alimentaires, tu vois.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Donc, bon.

  • Speaker #0

    Et en tout cas, je me sens... À chaque fois que je regarde d'où je viens et mon parcours, je suis impressionnée par tous les gens qui ont été sur ma route, quoi. Autant les copains que les inconnus du train qui te lâchent une petite phrase et ça change toute ta semaine, que les médecins, les psys qui m'ont accompagnée. Enfin, je me suis jamais retrouvée face à un con. Et en fait, je pense que... Ou alors tu les as pas entendues,

  • Speaker #1

    parce que j'ai du mal à voir qu'il n'y ait jamais eu de phrases pas ouf ou quoi, mais peut-être que ça s'est juste pas imprimé chez toi.

  • Speaker #0

    En tout cas, les autres compensaient suffisamment pour que Céline ne compte pas. Et donc de fait, je me sens hyper chanceuse de ça.

  • Speaker #1

    Moi, je me demande tout ce qui t'attend, parce que je me dis... Tu es jeune ! T'as déjà vécu beaucoup de choses, finalement. Et tu pars avec une base, je pense, quand même relativement solide de connaissances de toi que plein de gens n'ont même pas à 40 ans, je pense. Donc c'est cool. Enfin, je sais pas comment tu vois ça. Est-ce qu'aujourd'hui, t'es en mesure de te dire « Ouais, ça m'a quand même apporté. » cette maladie, même si ça t'a forcément enlevé, ça t'a ôté des choses aussi peut-être des moments de vie mais à fond

  • Speaker #0

    En tout cas, aujourd'hui, c'est ouf, là ça fait des mois que je me lève le matin en me disant en fait je suis trop heureuse d'être la femme que je suis, dans mon caractère, dans mes valeurs, dans mon corps, dans mes activités, et en fait c'est tellement reposant de ne pas avoir cette question dans la tête en permanence de est-ce qu'il faudrait que je change, qu'est-ce que machin, qu'est-ce que truc, je suis là quoi,

  • Speaker #1

    et ça c'est ouf. Non mais c'est fou, c'est incroyable, non mais en vrai pour moi ça fait la boucle aussi avec ce qu'on s'est dit au tout début sur la question de la place, en fait à plein de moments dans ton discours, dans ton récit, j'ai entendu la question de la place, tu vois, et dès toute petite en fait dans ta place dans la fratrie et ta place avec tes parents et la place que tu ne voulais pas prendre pour pas déranger, pour pas voilà, et en fait là tu dis bah aujourd'hui juste en fait je suis là.

  • Speaker #0

    il y a un truc de de fait ma place je l'ai j'ai pas à me contorsionner pour rentrer dans un truc ouais bah je suis là ça c'était marquant en début d'année parce que du coup j'ai commencé la formation en petit commode je suis revenue en septembre et donc hyper vite je capte qu'en fait je me sens pas à ma place Je me demande ce que je fais là, je passe les cours à dire que ça m'intéresse pas et à faire du coloriage. Mais ma tête, enfin donc mon cœur me dit Camille, stop, c'est pas grave. Ma tête me dit en fait t'as commencé, donc tu vas au bout et voilà. Et donc au bout de trois semaines, crise d'angoisse avant d'aller en cours le matin, en rentrant de cours le soir, parce qu'en fait je sais plus faire quoi, de pas être à ma place. Et consciemment, je me dis, mais en fait là, d'habitude, j'aurais arrêté de manger pour pouvoir continuer. Et du coup, je me dis, merde, maintenant que ça, ce n'est plus une option, comment je vais faire pour tenir dans cet environnement ? Et donc, en fait, c'est que du coup, il faut changer l'environnement. Mais c'était hyper... J'ai trouvé ça ouf d'avoir conscience de ça et de me dire... Et donc, vraiment, tous mes pas de séparatettes, de me dire, je vais devoir commencer à fumer. Je suis en plus que ça coûte cher,

  • Speaker #1

    vraiment drogue, je sais pas où je vais pouvoir la trouver.

  • Speaker #0

    C'est ça, en tout cas de me dire ok, quelle autre stratégie je vais trouver pour essayer de tenir dans un environnement dans lequel je suis bien. C'est fou. Et donc assez vite j'ai conclu qu'il fallait changer l'environnement.

  • Speaker #1

    Non mais en même temps ça venait de chercher sur le perfectionnisme quoi, je veux dire c'est pas rien. Ça venait de chercher sur la bonne élève, sur d'être à la hauteur de ce qu'on attend de toi tu vois. Parce que abandonner, j'utilise ce mot-là volontairement, alors qu'en vrai, je ne suis pas sûre qu'on puisse mettre ce mot-là sur ce qui s'est passé, mais je viens volontairement abandonner cette reprise d'études. C'était peut-être décevoir ou pas être là où on t'attendait. Franchement, je pense que ça venait de chercher sur des trucs hyper compliqués. Donc, c'est assez dingue. C'est dingue de voir les mécanismes qui se mettent en place. c'est trop intéressant, mais c'est fou aussi que tu aies pu les conscientiser et prendre ça en main enfin tu vois, te décaler et choisir une autre solution si vite c'est sûr,

  • Speaker #0

    et en appelant la décision de moi à moi était hyper paisible et très... je me suis remise à dormir et tout allait bien quand j'ai décidé que j'allais arrêter Le moment où il faut appeler les parents, les copains, aller voir le directeur, et assumer ça devant l'autre, je n'étais pas aussi paisible. Je me rappelais de ce qui est important, c'est d'être alignée avec moi, et les autres y comprendront. En tout cas, je n'ai rien à leur prouver. Mais de fait, ce n'était pas si simple.

  • Speaker #1

    Non, j'imagine bien. J'imagine bien. En fait, c'était... C'était simple et évident, mais compliqué dans la mise en œuvre finalement, ou en tout cas dans ce que tu projetais de la mise en œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, dans un truc de... Je pense que ça a aussi été, et c'est aussi parce qu'il y a plein de gens qui ne sont pas du tout au courant que j'ai arrêté, donc je vais continuer à le dire au fur et à mesure. C'est la peur que les autres se disent... ah merde mais c'est que Camille elle va pas bien et qu'elle réarrête un truc alors qu'en fait je vais bien c'est plutôt le signe inverse même ouais c'est ça mais que j'ai pas le courage d'avoir encore ce regard sur moi de les autres s'inquiètent moi je t'informe que j'ai arrêté l'école que je vais chercher un travail tout va bien c'est pas grave mais C'est normal, je pense, que les autres continuent à s'inquiéter parce qu'ils t'aiment,

  • Speaker #1

    qu'ils veulent ton bonheur et qu'on ne peut pas s'empêcher en tant qu'autre de projeter nos trucs sur les autres et donc ils projettent.

  • Speaker #0

    Et donc qu'à chaque fois que je retrouve des copains que je n'ai pas vus depuis 3-4 mois, ils me font une tape un peu prolongée dans le dos pour voir si on sent beaucoup mes omoplates ou si ça va. Enfin, plein de petits signes de... En fait, ça arrête. Moi, j'ai l'impression que c'était il y a 40 000 ans. Dans la vie des autres, ça reste un sujet d'inquiétude encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais ça ne le sera pas toute la vie.

  • Speaker #0

    J'espère.

  • Speaker #1

    Non. Non, non. Enfin, de mon expérience, non. Mais parce que je me souviens de ça et de... Moi, j'ai des souvenirs, c'est intéressant que tu parles de ça. Je me souviens de repas avec certains membres de ma famille où je me forçais à manger au-dessus de mes besoins.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    alors que en plus si tu veux c'était post-anorexie mais oula j'étais loin d'être guérie parce que finalement j'en suis sortie que très très longtemps après ça mais j'ai été longtemps dans des entre-deux, des espèces de semi-guérison puis j'ai basculé plutôt vers la boulimie, enfin bref en tout cas les personnes avaient peur de l'anorexie, de la maigreur et donc fallait que je leur montre que je mangeais et du coup je me revois manger plus que ce que j'aurais mangé juste pour dire ok ça va bien, voyez ça va bien ... Ah ouais, si je prends une toute petite part, parce que j'ai pas très faim, est-ce qu'ils vont pas se dire, oh là là c'est parti, Flavie elle ressombre ? Bon, aujourd'hui, c'est un non-sujet, mais bon, c'était il y a très longtemps, moi pour le coup, c'était vraiment il y a très longtemps l'anorexie, mais voilà, je prends une petite part ou une grosse part, les gens se disent pas, tiens, est-ce que, voilà, c'est ancré, ok pour tout le monde, mais ouais. C'est pas le même rapport au temps, effectivement, pour toi et pour eux, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et qu'en fait j'ai tellement de fois dit non mais ça y est c'est fini ça va bien alors que pas du tout mais en moi je savais que c'était pas vrai et du coup pour eux c'est la même chose il y a 3 ans et aujourd'hui en moi c'est pas du tout la même chose.

  • Speaker #1

    C'est marrant ce que tu dis ça fait faire le lien avec un truc qu'on entend souvent le rapport entre une personne qui souffre d'anorexie et une personne qui a des problèmes de toxicomanie. Et du mensonge, en fait. Et de la difficulté aussi pour les proches. Par rapport à ça. Bon, bah écoute, je pense qu'on a fait le tour de pas mal de choses. Il y a une question que j'aime bien poser. La dernière question que j'aime poser aux personnes que je reçois dans le podcast, c'est de savoir ce que tu pourrais dire aux personnes qui nous écoutent. Qu'est-ce que t'aurais envie de dire à des personnes qui sont peut-être encore en plein dans la guerre que tu as connue, dans cette détestation de soi ? Que ce... Peu importe le trouble alimentaire, quel qu'il soit. Peu importe les symptômes finalement qui s'expriment, mais dans cette difficulté.

  • Speaker #0

    Eh ben plein de choses ! Que c'est dur, enfin que c'est l'enfer à vivre. Mais que l'enfer dure pas toujours. Enfin en tout cas, peut ne pas toujours durer. J'ai l'impression qu'on m'a jamais dit que c'était dur ce que je vivais. Et donc de me dire, bah ouais juste, c'est moi le problème, enfin... Alors qu'en fait, c'est horrible, en vrai, c'est un quotidien, c'est l'enfer, quoi. Mais que c'est possible de retrouver la vie pour de vrai. Et que, je pense, moi je me sentais hyper coupable de tous ces moments de rechute, de remontée, de, en fait, c'est parce que je suis pas assez forte, parce que je me suis pas accrochée, alors qu'en fait, je pense vraiment que juste, ça fait partie du chemin. Enfin, que des fois, on a besoin de retomber un peu pour capter... Des trucs pour comprendre ce qui nous manque, ce qu'on gagne, ce qu'on achète. Et pour derrière pouvoir remonter. Que c'est en marche d'escalier. Que ce n'est pas tout d'un coup du jour au lendemain. En baguette magique.

  • Speaker #1

    Et je dirais en marche d'escalier. J'aime bien l'image de l'escalier avec des fois des gros paliers. Et puis des fois tu as l'impression de redescendre quelques marches.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que le jour... où j'ai arrêté d'avoir honte d'être malade, où j'ai capté que j'étais malade et que du coup, ce n'était pas ma faute. Ça a été assez énorme de la place du regard des autres. En fait, des fois, je me justifiais un peu en disant « Non mais je suis malade, ce n'est pas de ma faute, je n'ai pas à faire d'efforts puisque c'est comme ça. » Mais aussi, en tout cas, ça a enlevé beaucoup de culpabilité. De me dire « J'y peux rien. » J'y peux rien d'être malade, par contre c'est ma responsabilité de me donner les moyens pour en sortir. Avec plus ou moins de temps et plus ou moins de moyens à disposition, mais... Ouais, je dirais ça je crois.

  • Speaker #1

    bah écoute merci c'est très chouette ouais ça j'ai l'impression que le message en fait j'espère que ça se ressent c'est vrai que les personnes n'ont pas l'image mais mais du coup tu es rayonnante mais déjà il y a quelques mois quand je t'avais vue c'était ça aussi tu vois beaucoup de il y a beaucoup de vie chez toi en fait je ne sais pas trop comment le dire différemment tu vois dans les yeux le sourire il y a vraiment quelque chose et je pense aussi que ça s'entend dans notre échange même juste à l'oral du fait que il y a cette énergie cet élan vital, c'est ça tu vois en toi, qui est fort mais en fait ce qu'on retrouve moi j'ai l'impression chez beaucoup de personnes qui souffrent d'anorexie derrière derrière tout ce qui vient masquer ça en réalité moi je me souviens de ça au fin fond de moi et Et je sais que ça se retrouve, je sais que c'est là, en fait j'ai envie de dire, il faut vachement de courage pour souffrir d'anorexie.

  • Speaker #0

    Bah ouais, j'ai vraiment l'impression de... j'avais tellement envie de vivre mais je ne savais juste pas comment faire. Et donc c'est quand même cet élan de vie qui était le moteur, pas dans le bon sens, mais de tout derrière. Qu'en fait ça a à un moment été mon moyen de survivre. dans un environnement, dans un contexte mais oui,

  • Speaker #1

    c'est un moyen de survie, c'est sûr, le trouble alimentaire mais survie, pas de vie quand on a envie de vivre et pas juste de survivre c'est pas la bonne solution écoute,

  • Speaker #0

    merci beaucoup d'être revenue donc c'était au plus bel zèle de France c'est ça,

  • Speaker #1

    ça donne l'occasion aussi de, enfin bon, c'est plutôt t'étais sur Angers et t'en as profité pour venir me voir, je vais pas faire genre t'es venue pour moi mais en tout cas Voilà, heureusement qu'Angers est une belle ville.

  • Speaker #0

    Grâce à ça, on a pu réenregistrer cet épisode. Merci beaucoup. Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast. en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Camille

    01:24

  • Son rapport au corps et à la nourriture dans l’enfance

    05:03

  • Le moment où c’est devenu un problème

    08:44

  • La dégringolade

    26:20

  • Le switch

    49:50

  • Ce que ce parcours avec les TCA lui a apporté

    01:04:40

  • Ce que Camille aimerait vous dire

    01:12:43

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Camille livre un témoignage sincère et nuancé sur son parcours face à l’anorexie.


De la danse classique à l’hospitalisation, elle revient sur les mécanismes de contrôle, le déni, la peur de grossir, et le long chemin vers plus de liberté intérieure.


Au fil de l’échange, elle revient sur les signes ignorés, le rôle de son entourage, la foi, les rechutes, et le long processus de réappropriation du corps et de la nourriture.
Son récit met en lumière les dimensions physiques, psychologiques et relationnelles de l’anorexie, et offre un regard lucide sur la réalité du rétablissement.


1000 merci Camille 🙏



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Milsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres, bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Je suis trop contente d'accueillir en direct à la maison Camille qui revient me voir parce que, mais à coups de pas, je le dis quand même au début du podcast, on a déjà enregistré toutes les deux il y a plusieurs mois. Tu te rappelles ?

  • Speaker #1

    avril-mai.

  • Speaker #0

    Et donc j'ai perdu l'enregistrement. Voilà, je m'en suis beaucoup voulue. Mais comme Camille est trop sympa et trop motivée, elle revient. Et du coup, je me dis en plus, il y a des choses qui ont forcément changé, bougé. Donc c'est trop bien. Tu vas pouvoir me raconter ça. Je te propose de commencer par te présenter.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Camille, j'ai 23 ans. Je vis à Rouen depuis un mois et demi, ça a changé depuis la dernière fois. Je suis originaire du Nord, mais depuis le début de l'année on me dit d'où tu viens et à chaque fois je ne sais pas répondre entre Lille, Angers, Rouen, je suis perdue. Et j'ai commencé des études en psychomote à la rentrée, en mode reprise d'études, et j'ai arrêté depuis la rentrée, il y a une semaine, et c'est très cool. Je suis très contente d'avoir commencé, découvert et arrêté, j'ai envie de dire attend, de ne pas avoir cherché à continuer alors que je ne me sentais pas à ma place et voilà, fin de m'être écoutée. Et c'était un peu mon constat de début d'année de m'être dit, ça il y a 3-4 ans, même 2 ans, j'aurais juste persévéré en me disant Camille t'as commencé, tu vas au bout, alors qu'en fait c'est pas grave de se tromper quoi.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. je pense que ça fera écho même pour des personnes vachement plus âgées que toi en fait c'est vachement dur en fait de s'écouter faire ce constat et dire ok j'arrête et de pas le vivre comme un échec mais au contraire et

  • Speaker #2

    puis un peu le truc dans la classe j'étais avec quand même beaucoup de filles de 18-19 ans et donc déjà pour elles j'étais une ancêtre de revenir là en première année à 23 ans et donc quand en plus je leur dis au bout d'un mois bon en fait les filles j'arrête Elle était un peu en mode, mais Camille, c'est quoi sa vie, quoi ? Et en même temps, il y en a plein qui m'ont dit... Il y en a deux qui m'ont dit, moi, j'ai trop envie d'arrêter aussi, mais je n'arrêterai pas parce que ça ne se fait pas, quoi. Parce qu'il faut aller au bout, parce que machin...

  • Speaker #0

    Alors que c'est trois ans, c'est bien ça.

  • Speaker #2

    Oui. Trois ans, c'est long, quand même.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Ah, mais sur l'ancêtre, ça me rappelle des souvenirs, parce que moi, j'ai voulu reprendre psycho quand j'avais 33, 34. Et donc... J'ai réussi à entrer directement en licence 2. Mais bon, du coup, elles avaient 19 ans au lieu de 18. C'était horrible. Je pense que c'est une des pires expériences de ma vie. Donc, j'ai vite arrêté. Et non pas parce que les études ne me plaisaient pas. Encore que je trouvais que ça me semblait très éloigné de la psycho. En réalité, un truc basique même pour de la L2. Mais l'ambiance et tout, je trouvais ça dur. Mais bon, bref. Du coup, là maintenant,

  • Speaker #2

    je suis en mode recherche d'emploi, avec des pistes qui s'ouvrent.

  • Speaker #0

    Trop bien. Et du coup, t'étais venue il y a quelques mois témoigner à mon micro pour parler d'un truc qui a occupé ta vie pas mal à un moment donné, qui a pris un peu de place.

  • Speaker #2

    J'ai presque l'impression, je me disais aujourd'hui, j'ai l'impression que c'était pas ma vie. Je sais pas comment dire. Ça me paraît tellement lointain de qui je suis aujourd'hui, de comment je vois la vie.

  • Speaker #0

    Oui, on va en parler quand même un peu. Du coup, ça peut être drôle justement de réactiver ces souvenirs-là alors qu'ils te paraissent si lointains. Généralement, ce n'est pas du tout désagréable. Au contraire, c'est plutôt trop bien de se dire c'est vrai que ma vie ressemblait à ça. Et donc il y a une question que j'aime bien poser pour commencer en préambule du podcast, c'est de savoir quel type de petite fille tu étais toi, dans le rapport à ton corps et à la nourriture. Quel souvenir tu as de l'enfance ?

  • Speaker #2

    Dans mon rapport à mon corps, j'étais une petite fille qui avait l'impression que son corps la trahissait, parce qu'il grandissait très vite. J'ai sauté une classe et pourtant j'étais quand même la plus grande de ma classe. J'ai très vite eu un corps d'ado, alors que moi dans ma tête j'étais une petite fille qui jouait à la poupée et ça lui allait très bien. Donc ce sentiment de ce que je montre et ce que mon corps montre... est complètement différent de qui je me sens à l'intérieur. Et une petite fille qui a grandi en faisant de la danse classique et qui du coup était tout le temps confrontée face au miroir de moi mon corps est un corps d'ado alors que mes copines qui sont à la barre à côté de moi ont encore des corps de petites filles, donc sans forme, tout fin. Donc ouais, plutôt pas... Enfin je pense aussi dans un environnement familial où le corps les garçons étaient très sportifs du coup... c'est pas vraiment une question, les filles plutôt enfin en tout cas avec maman pas bien dans son corps, ma grande soeur c'était aussi une question, enfin je pense que le corps féminin est un truc où de toute façon on est pas bien dans notre corps quoi ouais c'est presque,

  • Speaker #0

    ça fait partie des casques qu'on doit cocher, ouais ouais il y a presque, il y a beaucoup d'injonctions sur le corps des femmes mais c'est vrai qu'on pourrait presque se dire que c'est presque une injonction d'être mal dans sa peau quoi oui c'est ça en fait,

  • Speaker #2

    mais du coup c'était pas quand j'étais petite c'était pas une question, juste c'était bon bah je suis mal dans mon corps mais c'est comme ça quoi c'est normal entre guillemets et ça jouait sur ton alimentation ? et mon alimentation quand j'étais petite vraiment pas je pense plutôt j'ai trois grands frères et soeurs donc c'était plutôt style famille nombreuse les gros plats familiaux donc un soir lasagne, le lendemain un soir tartiflette, le lendemain un soir crêpe En tout cas, plutôt dans la famille, on aime bien manger, c'est cool. Et voilà. Et moi, je suis plutôt très gourmande. Ouais, j'adore le petit-déj et le goûter. Voilà. Et en même temps, un peu... C'est marrant, un truc qui m'est souvent revenu, c'est que papa, le matin, il partait assez tôt au travail et il nous préparait toujours le petit-déj. Donc quand on descendait, le petit-déj était prêt sur la table. Donc ils savaient, Sylvain prend trois tartines comme ça et deux tartines comme ça, Camille prend trois comme ça à la confiture. Et en fait, moi j'aimais pas le pain, mais je sais pas, au petit déj c'est du pain, donc en fait tu dis rien et tu manges ton pain. Et en grandissant, je me suis mise à cacher mon pain que je mangeais pas, parce que j'osais pas dire que j'aimais pas le pain, puisque papa il était trop mignon à me préparer ma tartine, donc j'allais pas lui dire, en fait ce que tu me prépares j'aime pas. Et en même temps, enfin, en tout cas, un truc avec du recul, je me dis, c'est pas tout à fait normal comme comportement. Enfin, en tout cas, ça peut poser des questions. De, enfin, c'est ça, des enjeux autour de l'alimentation. De, faut pas que je dise que j'aime pas parce que ça va décevoir et ils vont s'inquiéter. Et en même temps, c'est pas que je veux pas prendre de petits-déj, c'est que j'aime pas le pain. Mais y'a pas d'autre solution, enfin...

  • Speaker #0

    Peur de décevoir et peur d'inquiéter.

  • Speaker #2

    Ouais. Peur de prendre trop de place. Ouais. Peur d'être un poids.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que la symbolique des mots que tu utilises, la trop de place, un poids. Ouais. Ok. Donc tu dis finalement, ton rapport à l'alimentation, il était plutôt lambda. Jusqu'à quel âge tu dirais que c'est resté comme ça ? Ou si je le demandais autrement, à partir de quel âge c'est devenu compliqué ?

  • Speaker #2

    À partir de 14 ans. De l'entrée en seconde. Mi-seconde.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Et où je me souviens hyper bien du jour où je me suis dit ok, je vais perdre du poids. Et du coup, je vais diminuer, enfin, je vais arrêter de prendre un goûter. J'étais dans un lycée où tous les récrés de l'après-midi, on avait un pain au chocolat et une pomme en goûter. Ça devait être dans la scolarité quoi. À la récré, on avait tout, je cherchais notre pain au chocolat. Je me suis fait hyper bien du jour où je me suis dit, ok, je ne prendrai plus qu'une pomme. Alors que le début de l'année, je prenais un pain au chocolat comme tout le monde et...

  • Speaker #0

    Et il s'est passé un truc en particulier pour que tu te dises ça un jour ?

  • Speaker #2

    Bah je pense que le... ce truc de petite fille de je suis pas bien dans mon corps mais c'est comme ça est devenu trop fort, enfin en tout cas le c'est comme ça ne marchait plus. Et c'était plutôt un truc de je suis pas bien dans mon corps, je suis pas bien à l'école, enfin j'aime... Je n'étais pas... Enfin, ce que je te disais tout à l'heure, mais le système scolaire, ce n'était pas si facile. J'ai des copines qui sont plus fines que moi. À la danse, je comprends bien que si je maigris, j'aurai des meilleurs rôles et que j'avancerai dans les places. Donc si je m'aigris, en fait, tout va s'arranger, puisque je serai mieux dans mon corps, je serai comme mes copines.

  • Speaker #0

    Ta vie sera meilleure, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis à la danse, je comprends bien, est-ce que tu lis entre les lignes ou est-ce que ça t'est clairement dit ? On est clairement félicité quand on perd du poids et qu'on mincit. Dès petite, tu dirais, ou c'est un truc qui s'est vraiment installé à l'adolescence ? Au moment où,

  • Speaker #2

    entre guillemets, ça... peut devenir sérieux. Quand on est petit, c'est l'activité du mercredi, c'est mignon, mais on danse pour le plaisir. En grandissant, il y a toute la technique qui arrive, tout le côté performance, où du coup, soit tu veux que ça reste une activité du mercredi, va trouver une autre école de danse, soit tu veux que ça devienne limite ton métier, ou en tout cas que ça prenne une vraie grosse place dans ta vie, du coup, il faut se donner les moyens. Et ça passe aussi par l'apparence de ton corps, quoi. Par le corps que tu maîtrises. Toi,

  • Speaker #0

    t'envisageais d'en faire ton métier, à un moment donné, peut-être ?

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Ouais. En tout cas, je me souviens un peu de titre, regarder les grandes, en me disant un jour ce sera moi la grande, et un jour je serai danseuse, quoi. Pas. Finalement. Et je crois que j'aurais pas été très heureuse dans cette vie-là. Mais... Ouais, en tout cas, c'était un univers où, si la prof entend qu'en sortant du cours, on a prévu d'aller manger une pizza entre filles du cours, on se fait démonter en mode, en fait, les filles, vous allez manger une salade, quoi. Donc, c'est pas clairement dit tout en étant...

  • Speaker #0

    C'est quand même assez clair. Ça semble assez clair. Ça, plus le fait d'être félicité quand vous perdez du poids. Ouais, OK. Après, c'est quand même assez connu dans le milieu de la danse, et particulièrement de la danse classique. Je n'ai pas l'impression que ce soit parti pour évoluer, ça, pour le moment.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression qu'il y a quand même de plus en plus de cours pour adultes qui ouvrent en mode détente, quoi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, oui.

  • Speaker #2

    Mais sur ce truc, en tout cas, oui, ce qui compte dans la danse classique, c'est ce qu'on montre, ce qu'on donne à voir, que ça ait l'air beau, harmonieux. Donc en fait, de savoir que t'as les pieds en sang derrière tes pointes, on s'en fout, tant que tes pointes sont belles. Oui,

  • Speaker #0

    mais on part aussi avec un gros parti pris, qui serait que si le corps n'est pas filiforme, alors c'est moins beau, voire pas du tout, mais pas harmonieux.

  • Speaker #2

    En fait, il faut être tous pareils. On s'en fout de l'individu, quoi. Il faut que l'individu soit fondu dans la masse. Et donc, le plus facile, c'est de se dire, si vous êtes tous filiformes, vous serez toutes pareilles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce qu'en fait, je n'avais jamais entendu ça comme ça par rapport aussi au pourquoi être si mince voire maigre quand on pratique ce sport. Ok, donc tu penses qu'il y a eu un cumul, tu le disais, il y avait quand même un mal-être depuis petite, dans la famille, le corps des femmes, c'était quand même un sujet.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #0

    Bon, tu as grandi dans la même société que dans laquelle on vit actuellement, donc il y a aussi un gros sujet à plein de niveaux. La danse classique, c'est vrai que tu cumulais quelques petits trucs quand même.

  • Speaker #2

    Et puis je pense qu'on s'aime bien là comme ça, mais c'est aussi arrivé à la période où je suis la dernière de mes frères et soeurs. Et donc je me suis retrouvée toute seule, enfin mes frères et soeurs sont tous partis, je me suis retrouvée toute seule entre les parents, avec beaucoup de tension dans leur relation entre eux. Et donc moi, un peu un truc de, il ne faut pas que j'en rajoute, quoi. Il faut que je sois parfaite, que je ne prenne pas trop de place, que je ne les dérange pas. Donc, je vais faire ma vie de mon côté. Et c'est ça, un peu ce truc de, dans le cadre familial, je vais m'effacer pour ne pas déranger, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Tu disais qu'avec le recul, maintenant, tu te souviens très bien de ce jour.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Où tu as dit, ok, je ne vais plus manger que la pomme au goûter, finir le pain au chocolat. Et pour toi, c'est le début, finalement. C'est le bouton on de tout ce qui se passe derrière, des troubles alimentaires, tout ça.

  • Speaker #3

    Oui, vraiment.

  • Speaker #2

    Ça a commencé petit, en me disant, ok, j'arrête de grignoter, je ne sais pas quoi. Je pense que ça peut arriver à plein d'ados sans que ça bascule derrière. Des ados qui se disent, pendant deux semaines, je fais un régime, et en fait, c'est trop bien de manger. Ça bascule pas, mais ouais, je pense que c'est le début.

  • Speaker #0

    Ouais. Et comment ça se... Comment ça se passe ? Comment ça s'enchaîne ? Combien de temps ça prend aussi, finalement ? Avant, déjà, la première question qui me vient par rapport à cette question du temps, c'est de me dire combien de temps avant que ça devienne vraiment un truc pathologique, à ton avis ? Est-ce que tu as l'impression d'avoir vite basculé ?

  • Speaker #2

    Je ne sais pas. Parce qu'en fait, j'ai l'impression que même quand un an et demi plus tard, je me suis retrouvée à l'hôpital, pour moi, ce n'était pas pathologique. Enfin, pour moi, c'était normal. Donc, je n'avais pas du tout conscience de... Ouais, de quand c'est devenu problématique. Donc je sais pas du tout, j'essaierai pas de dire.

  • Speaker #0

    Ouais, t'as pas l'impression qu'il y a un moment où, parce que tu disais ça a commencé par des petites choses, tiens je vais pas prendre de goûter, je vais pas faire ci, à partir de quel moment t'as l'impression d'avoir mis en place des grosses restrictions par exemple, tu vois et combien de temps ça a pris ?

  • Speaker #2

    Je me souviens de l'été... L'histoire du pain au chocolat, c'était à la Toussaint de mon année de seconde. Et donc l'été, à la fin de la seconde, je me souviens qu'en scouts, du coup, à un moment où j'étais en collectivité, où ça questionnait. En tout cas, j'étais pas comme tout le monde. Je mangeais pas comme tout le monde. Et que ça a interpellé les filles autour de moi en me disant « Mais Camille, t'as rien mangé alors qu'on a couru toute la matinée. » Mais je sais pas si c'est à ce moment-là... Ou si c'était déjà avant, mais comme j'étais, entre guillemets, anonyme à la cantine ou quoi, ça ne ressortait pas forcément.

  • Speaker #0

    Et ta perte de poids n'a pas été trop flagrante et rapide ? C'est ça aussi qui peut parfois alarmer autour.

  • Speaker #2

    Je pense qu'entre la Toussaint et l'été, ça va. J'ai aussi commencé beaucoup plus de sport. Et donc je pense que mon corps s'est plus musclé, ça ne se voyait pas forcément. Entre l'été et Noël d'après, ça a été dégringolade d'un coup. Je pense que quand ça a commencé à être un peu connu, parce que du coup mes chefs scouts ont prévenu mes parents, en mode, remarquez ça chez Camille, c'est peut-être pas inquiétant, mais en tout cas on vous prévient. Du coup il y a un peu eu un truc de, maintenant que les parents sont au courant, j'ai plus à essayer de cacher ou faire dans mon coin. Et du coup, ça a été porte ouverte. Je ne fais plus d'efforts, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Là où ça aurait pu être l'inverse, en fait, où tu te dis « Ah non, non, non, il faut à tout prix que je les rassure, que je leur montre que non, c'est pas vrai, tout va bien. » En fait, non, là, ça a été un peu... T'as lâché, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Je pense que du coup, ça devait déjà être bien installé.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais oui, ça a plutôt été un truc de... Avant, je faisais... Par exemple, je mangeais pas du tout à la cantine, mais du coup, le soir, je mangeais un peu pour pas que les parents s'inquiètent, machin. Là, puisque de toute façon, ils étaient au courant et déjà inquiets, bon bah, autant qu'ils soient inquiets légitimement, quoi. Et donc, plus d'efforts, ni à la maison, ni à la cantine. Et donc là, ça a été trois mois de grosses, grosses dégringolades sur le poids, sur l'énergie, sur le moral, sur tout, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu te souviens comment tu te sentais ? Dans les différentes étapes, tu parlais de cette première étape entre la Toussaint et l'été. Comment tu vivais la perte de poids ? Est-ce que c'était grisant pour toi de te voir perdre du poids ?

  • Speaker #2

    Je me sentais hyper puissante. Je sentais que je progressais dans tout, dans le sport, à la danse. Je me suis mise à la course à pied alors que je n'avais jamais couru de ma vie. Et comme du coup, j'allais courir hyper souvent, j'ai progressé très vite. À la danse de fête, je voyais que je passais du troisième rang au deuxième rang, du deuxième rang au premier rang. À l'école, j'avais l'impression que tout était plus facile. Je ne sais pas, je travaillais moins ou plus efficacement, je ne sais pas trop comment, mais en tout cas, un boom de mes résultats scolaires. Et oui, même dans les relations. Un truc, enfin, ouais, tout était plus simple, quoi. C'est fou, c'est étonnant même. Ouais. Bah, je pense que ça n'avait pas encore d'impact sur mon énergie. Enfin, pas trop.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #2

    Et du coup...

  • Speaker #0

    Ouais. On peut se demander ce qui se jouait au niveau hormonal, tu vois, sur des décharges d'adrénaline aussi, un peu. Qu'est-ce qui... Enfin, malgré tout, peut-être qu'il y avait encore un... Il y avait quand même un impact. très certainement sur ton énergie, mais il y avait quelque chose qui venait prendre le... Oui,

  • Speaker #2

    qui était plus fort.

  • Speaker #0

    Oui, ou qui venait pallier, tu vois, à ça, et qui te donnait aussi peut-être cette sensation. Je sais pas, c'est vrai que c'est surprenant. Et tu dis qu'il y a eu après le moment des gringolades, où là justement, t'as eu l'impression de perdre toute ton énergie.

  • Speaker #2

    Oui, pour le coup là, trois mois vraiment très durs, trois, quatre mois, de plus d'énergie, plus on veut rien faire, plus... Enfin, hyper irascible, ça se dit.

  • Speaker #0

    Oui, en tout cas,

  • Speaker #2

    dans les relations avec les gens, du coup, c'était difficile parce que tout le monde me saoulait, parce que ce n'était pas comme je voulais que ce soit et que je n'avais pas le contrôle sur ce que les gens font, sur ce que les gens disent. Et donc, pour moi, c'était assez insupportable de ne pas pouvoir tout contrôler et où, du coup, de fait, je sentais que ça avait un impact sur mon entourage. qui s'inquiétaient pour moi, qui ne savaient pas quoi faire. Et du coup, forcément, quand tu es entre papa et maman, que tu ne manges pas grand-chose, forcément, un coup, ils essayent de rien dire, l'autre coup, ils s'énervent, l'autre coup, ils pleurent. Ils essayent de faire quelque chose.

  • Speaker #0

    Là, il y avait beaucoup d'inquiétude. Oui. Et tu continuais tout à l'heure, tu as parlé un peu des scouts. Oui. Donc là, ma question que j'allais te poser, c'est... est-ce que tu continuais d'y aller ? Mais peut-être qu'on peut faire aussi une parenthèse et parler de l'importance que ça a toujours eu dans ta vie. Parce que quand on avait enregistré la première fois, je pense que je t'avais posé plein de questions. Et je me dis, malgré tout, c'est intéressant d'en parler parce que je t'avais posé des questions aussi sur... Ah ouais, mais attends, mais en quoi ça consiste, les scouts ? J'étais tellement surprise que tu m'en parles. Et genre, mais est-ce qu'il y a un lien avec la religion et tout ça ? Toutes ces questions qu'on peut se poser. Mais en tout cas... Toi, c'est quelque chose qui est entré dans ta vie très jeune ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'ai commencé à 7-8 ans, quand on peut commencer. Et ouais, c'est toujours resté, et encore aujourd'hui, hyper important. Je pense que les deux trucs principaux, c'est vraiment les amitiés. J'étais dans un groupe non-mix, donc on n'était qu'avec des filles. Et en gros, de mes 7 à mes 18 ans, on se voyait... Enfin, deux, trois fois par mois, tout le week-end, avec les mêmes filles avec qui on a grandi. Et donc, il y en a forcément avec qui ça passe moins bien. Mais c'est aussi des lieux où... Par exemple, par rapport au lycée, où les relations peuvent être quand même assez superficielles. Moi, je ne m'y retrouvais pas trop, quoi. Au scout, on est nature, quoi. On peut ne pas se laver pendant trois jours. Ce n'est pas ça qui fait qu'on ne va plus être copine. Et donc c'était un lieu hyper important pour moi dans cette dimension-là des relations. Et dans le côté, au scout tout est possible. On peut rêver grand, on peut faire des projets que normalement on ne fait pas à 15 ans, mais là juste on a un foulard autour du cou et on est 15, donc en fait on va le faire et ça va marcher. De se dépasser dans... Je sais pas, si on fait un camp itinérant, marcher 20 km par jour avec un sac sur le dos, on se soutient les uns les autres, on se dépasse. Si c'est, je sais pas, aller animer un truc dans une maison de retraite, c'est pas toujours facile de parler devant les gens, mais on apprend et on se dépasse. Donc ouais, un peu ce truc où tout est possible. Et du coup, même quand ça va pas, en fait, tout reste possible. Et donc, quand ça dépasse, ça restait une bulle d'air. Ouais.

  • Speaker #0

    Ouais, et finalement, il y a eu un rôle important quand même, parce que ce sont tes chefs scouts qui sont allés alerter tes parents.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc, s'il n'y avait pas eu cet espace-là, enfin, c'est pas ta prof de danse.

  • Speaker #2

    Mais non.

  • Speaker #0

    Tu aurais pu aller alerter tes parents, tu vois. Ouais,

  • Speaker #2

    ouais. Ouais, c'est sûr. En tout cas, c'était aussi un lieu où j'étais importante, enfin, où scouts chaque jeune est important pour qui il est. Sans rien approuver, c'est pas parce que t'as 18 badges que t'es plus important que le petit nouveau qui vient d'arriver. Et donc de fait, je pense que ça c'était hyper important pour moi de savoir que je compte dans un groupe pour des plus vieux qui nous accompagnent, pour des filles de mon âge. C'est génial les scouts.

  • Speaker #0

    Ouais, ça a l'air. Et du coup, tu m'avais expliqué qu'il y avait différents types de scouts.

  • Speaker #2

    Ouais. C'est ça. Il y a... En gros, il y a un peu plein de scouts selon les différentes religions, et du coup aussi des scouts laïcs. Et un peu les plus connus en France, enfin ceux dont on peut souvent entendre parler, c'est les scouts et guides de France, les SUF et les scouts d'Europe. Donc ça, c'est trois mouvements de la branche des scouts catholiques. On dit comme ça. Et donc, qui sont, à la base, c'était un seul... Enfin, il n'y avait qu'une forme de scoutisme. Et puis, au fur et à mesure des années, ça s'est un peu différencié selon les gens qui l'ont tenu à droite, à gauche. Et je dirais que ce qui différencie beaucoup, c'est la place de la foi et de la religion dans ces trois mouvements-là. Par exemple, les Scooters Guide de France, c'est un mouvement ouvert à tous. Donc, en fait, dans les faits... Je pense que plus de la moitié des jeunes ne sont pas du tout catho, enfin, ont grandi ou pas dans des familles catho, mais ça n'a pas de place dans la revue, et ils trouvent tout à fait leur place quand même. Là où, par exemple, les scouts d'Europe, c'est beaucoup plus important. Enfin, je pense que si tu as grandi dans une famille pas catho et que tu n'as pas les codes, tu ne t'y retrouves pas. Donc c'est différentes approches, ça touche différents types de jeunes. Il y a toujours une petite guéguerre entre les deux, mais je dirais pas lesquelles sont les meilleures.

  • Speaker #0

    Ok, bon, parenthèse refermée, mais c'est important d'en parler parce que je sais à quel point ça a été et c'est encore important dans ta vie. Et donc, on revient justement à cette phase-là de dégringolade et les questions qui me viennent, c'est... Ok, tu sens que ton énergie est en train de te lâcher, mais est-ce que tu continues d'aller à la danse ? Est-ce que tu continues d'aller le week-end entre scouts ? Comment ça va ? Comment ça se passe pour toi à ce moment-là ?

  • Speaker #2

    Je continue tout comme s'il ne se passait rien, voire plus. J'étais plutôt dans un rythme... Le lundi soir, j'avais danse et flûte. Le mardi, j'avais chorale. Le mercredi, j'avais danse, orchestre et badminton. Le jeudi, j'avais... Une, deux ou trois activités par soir, donc plutôt avec un rythme effréné, enfin même trop rythmé quoi. Mais je continue à tout faire et je continue à être première de classe et je continue, enfin, il y a un truc où, je sais pas, avec le recul, je sais pas comment c'est possible, mais en tout cas je continue à assumer tout de ma vie, mais en étant éteinte.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est le perfectionnisme à son paroxysme aussi. qu'on retrouve beaucoup dans l'anorexie. Et ce que tu dis, ça me fait penser aussi aux personnes à qui on fait des examens sanguins, alors qu'elles sont en grave sous-poids. Les examens sanguins sont nickels. Et ça, c'est hyper fréquent. C'est un peu un truc basique qu'on observe beaucoup. Et ça me fait penser à ça, à cette phase que tu traverses où tu es portée par ce truc-là, ce sentiment de puissance. Et en fait... le perfectionnisme de l'anorexie vient nourrir celui de la bonne élève et inversement enfin voilà c'est un truc de fou quoi et où je pense,

  • Speaker #2

    enfin je sens que s'il y a un petit truc du rouage qui s'arrête ou qui change, tout s'écroule donc il peut pas y avoir un changement,

  • Speaker #0

    donc il faut de la rigidité donc en fait il faut que ça tienne, donc ça tient je crois me souvenir d'un truc en discutant avec toi d'un... Peut-être que je vais un peu vite, mais si jamais tu avais d'autres choses à ajouter, c'est pas grave, on s'en fout de ne pas respecter un ordre chronologique, on reviendra en arrière. Mais je me souviens, je crois me souvenir qu'un jour, tu ne peux plus sortir de ton lit en fait.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Et tu devais aller à la danse, je crois justement, et tu étais incapable d'y aller.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Ça, ça arrive tout début janvier et juste après.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Après des vacances de Noël, du coup, un peu vénère en famille. Tous les frères et sœurs rentrent pour les vacances, ils ne m'ont pas vu depuis 4-5 mois, donc ils tombent un peu des nues en me voyant physiquement, en me voyant moralement, donc ils ne comprennent pas ce qui se passe. Moi, je mange à peine 3 pommes par jour et rien d'autre. Je suis une dictatrice, quoi. Pendant que dans ma relation, ils ont un peu pris cher, les frères et sœurs. Ouais, donc après des vacances de Noël vraiment dures, moi je me dis la rentrée va reprendre, je vais reprendre mon rythme et tout va bien se passer, de toute façon c'est comme ça, et en fait, en fait pas, et donc ouais je me retrouve dans mon lit le matin, je dois partir à la danse et en fait je peux pas me lever, parce que mon corps tient plus debout quoi, donc je sais pas si c'est le rythme des vacances, si c'est d'avoir vu les frères et sœurs, si c'est... Le trop, c'était le bout.

  • Speaker #0

    Tu avais atteint la limite de ton corps aussi.

  • Speaker #2

    Et en même temps...

  • Speaker #0

    Moi je me dis juste, je vais faire une sieste et ce sera...

  • Speaker #1

    Et puis tout ira bien. Ah oui, mais le déni, parlons-en du déni. D'ailleurs, c'est ce que tu me disais tout à l'heure. Toi, t'avais pas l'impression d'avoir de problème finalement.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Tu voyais ton corps tel qu'il était à ce moment-là, tu penses ?

  • Speaker #0

    Je le voyais énorme. Je pense qu'il n'était pas comme ça.

  • Speaker #1

    Tu le voyais énorme. Pour toi, il était nécessaire de perdre encore du poids.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais. Ah oui, je me voyais pas... Enfin, je me souviens des frères et sœurs qui osaient pas me prendre dans les bras en me disant « Mais en fait, si on te touche, on va te casser » . Moi, je captais pas. Enfin, je me disais « Mais qu'est-ce que tu racontes ? » À la limite, c'est moi qui vais t'écraser parce que je prends trop de place, quoi. Mais de... Ouais, de vraiment pas voir. Et du coup, après cette sieste qui n'a pas... Malheureusement, pas tout résolu. J'envoie un SMS à maman parce qu'en fait je suis incapable de descendre les escaliers donc je peux pas aller la voir en vrai. Et donc c'est ça qui est assez étrange, c'est que je lui envoie un message en lui disant je crois qu'il faut m'emmener à l'hôpital. Et donc comme si, enfin à la fois je sens qu'il y a une urgence ou qu'il y a un truc qui va pas et en même temps...

  • Speaker #1

    Ouais peut-être une urgence physique, peut-être que tu pensais que c'était purement somatique quoi à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça. L'urgence de là, mon corps est très fatigué.

  • Speaker #1

    C'est bizarre, j'ai peut-être une petite carence. Et en même temps,

  • Speaker #0

    direct après lui avoir envoyé ce message, je regrette en me disant qu'il va me dire que je suis fatiguée, qu'il doit ralentir alors que je ne dois pas ralentir. Mais oui, en tout cas, un décalage énorme entre la réalité et dans ma tête.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, tu le perçois, ce décalage-là ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais aujourd'hui, c'est possible pour toi de te dire, à ce moment-là, j'étais déjà bien malade, j'étais au fin fond. Mais j'imagine qu'il t'a fallu du temps pour admettre ça.

  • Speaker #0

    Oui, il m'a fallu des mois, c'est sûr. Peut-être des années pour capter la profondeur. Ouais, sur le coup, c'est marrant parce que je me souviens, du coup j'ai été hospitalisée en urgence, et je me souviens me dire, en fait je suis juste fatiguée, je vais me reposer et je rentrerai à la maison. Et dire ça à mes copines, en mode, je suis pas là ce week-end au week-end scout parce qu'on m'oblige à rester à l'hôpital, mais en trois semaines je suis là quoi, enfin un truc... Et d'être incapable d'intégrer que c'était pas que ça. Et de me retrouver dans un service avec des filles toutes plus maigres les unes que les autres. Et vraiment, je me dis, mais qu'est-ce que je fous là ? En fait, je prends la place d'une fille qui en aurait besoin.

  • Speaker #1

    Tes copines, elles te disaient quoi, elles ? Parce qu'elles ont dû te voir changer aussi au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Mes copines, il y a un peu eu toutes les réactions. Les copines du lycée, ça a plutôt été de... Je ne sais pas quoi faire pour toi, je disparais de ta vie. Ça a été hyper dur sur le coup. Aujourd'hui, je le comprends. Je pense qu'elles se sont protégées et que je ne savais pas quoi faire. Elles ont continué leur vie d'ado. Les copines des scouts, je pense que dès le début, dès le jour où je suis rentrée à l'hôpital, elles m'ont fait comprendre qu'elles avaient plutôt capté ce qui se passait. Et qu'à aucun moment elle me lâcherait. Et qu'à aucun moment elle lâcherait la conviction que je m'en sortirais un jour. Et de fait, c'est assez fou. En tout cas pendant des années, ça a été des socles sur lesquels, quand moi j'y croyais pas ou plus, elles étaient là et elles y croyaient pour moi. Tous en sachant parfois dire, en fait la Camille c'est pas de notre sort, là machin, fin. En se protégeant aussi elle-même, parce que ce n'était pas mes petits.

  • Speaker #1

    Tu dis des années, donc tu nous spoiles un peu sur la suite. Ça a été long, sans blague. Comment se passe, tu parles de janvier là, où c'est un peu le début de l'autre côté, j'ai envie de dire. Ou quelque part, même si j'imagine que tu étais encore dans le déni, il y a quand même un truc physiquement qui essaie de te sortir du déni. et du coup Je ne sais pas combien de temps ça... Non, ce n'est même pas ça ma question. Je ne sais même pas comment te poser la question. C'est un peu comme toi, tu auras envie de le raconter, mais... Ça a été quoi les étapes finalement que tu pourrais nommer dans cette guérison, tu vois, cette sortie de l'anorexie ?

  • Speaker #0

    Il y en a eu beaucoup !

  • Speaker #1

    Bah ouais, j'imagine. Et puis c'est pas facile, tu te demandes de presque conceptualiser, tu vois, un truc que toi t'as vécu.

  • Speaker #0

    Je pense que l'une des premières étapes, ça a été... Du coup, j'ai été hospitalisée en urgence. Je suis restée deux mois et demi. J'ai très vite compris que pour sortir, il fallait que j'atteigne un poids, le poids qu'il voulait quoi. Et que pour reprendre du poids, il fallait manger. Donc j'ai mangé, j'ai repris du poids, je suis sortie. Et je me suis dit, du coup, il faut que je mange pour pouvoir sortir, pour pouvoir recommencer plus loin et plus fort. Parce que je n'ai pas été assez loin. Donc c'est ce qui s'est passé. Je suis sortie et ça a été encore pire. Mon corps a tenu encore plus loin. Je suis réarrivée aux urgences un mois et demi après être sortie de l'hôpital. Et en arrivant aux urgences, un médecin me dit « je ne sais pas comment c'est possible que vous soyez encore vivante » . À ce moment-là, j'ai capté que je pouvais mourir. Je pense que ça m'a sortie de ma toute-puissance. Le mec ne me connaît pas, juste il m'a vu arriver, il m'a pesé, fait trois prises de sang et pris ma tension. Et donc je pense que ça m'a emmenée dans une autre dimension, puisque ce qui est sorti direct c'est moi je ne veux pas mourir. Donc je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas comment je vais m'en sortir, mais lui il me dit je ne sais pas comment vous êtes vivante et moi je veux être vivante. Et donc je pense que ça a ancré un truc qui ensuite est toujours resté là. De, moi je veux être une vivante quoi. Et donc ça prendra des chemins pas toujours les plus directs, mais j'ai envie de vivre au fond. Et oui, ça a ensuite toujours mené mon chemin.

  • Speaker #1

    Ok. Et du coup, il y a eu plusieurs hospices comme ça, des allers-retours ?

  • Speaker #0

    Du coup, la deuxième hospice, je suis restée 5 mois.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'était long.

  • Speaker #1

    T'étais sur l'île à l'époque ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Pour le coup, dans un service hyper spécialisé, avec des professionnels vraiment... vraiment bien. C'était dur, mais c'était une prise en charge bénéfique. J'étais pas juste enfermée entre quatre murs et gavée sans accompagnement. Et en sortant... Du coup, après, j'ai redoublé mon année de première puisque je n'avais pas été en cours, enfin, quasi pas de l'année. Et donc, toute la fin de mon année lycée, j'étais à l'hôpital deux jours, trois jours par semaine et deux jours en cours. Et donc, je faisais ce qu'il fallait pour ne pas être réhospitalisée à plein temps, quoi, en gros.

  • Speaker #1

    Ouais, tu maintenais le truc, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Mais parce que j'étais pesée deux fois par semaine à l'hôpital et que du coup, il fallait... Il fallait faire ce qu'il faut, quoi. Mais tout en étant...

  • Speaker #1

    Mais tout en ne voulant toujours pas grossir. Enfin, tu lâchais pas, quoi. Il y a un truc, tu lâchais pas. Non,

  • Speaker #0

    je lâchais pas. Moralement, ça allait vraiment pas. Pour le coup... Parce que du coup, j'avais plus cette possibilité de tenir par la restriction totale.

  • Speaker #1

    C'est ça. T'es dans un espèce d'entre-deux où finalement, t'es un peu nulle part, quoi. Oui, c'est ça. Oui.

  • Speaker #0

    Ouais, plus, du coup, d'être deux jours par semaine au lycée, en fait, les autres ne comprennent pas, moi je ne comprends pas non plus.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais j'étais interne, en sortant du coup, je suis devenue interne, et donc du coup la journée j'étais à l'hôpital, et le soir je revenais à l'internat au lycée. Et ça c'était vraiment des chouettes moments, j'étais dans une chambre avec une très bonne copine, et je pense que c'est ce qui m'a permis de tenir à peu près, d'avoir ces moments-là.

  • Speaker #1

    L'amitié, encore.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et je suis dans ma chambre avec une copine de scout.

  • Speaker #1

    En plus ! Incroyable.

  • Speaker #0

    Donc ouais, ça passe comme ça. Et en terminale, le Covid arrive. En même temps, un mois avant mes 18 ans. Et donc à ce moment-là, le jour de mes 18 ans, je me dis Ok Camille, c'est terminé. En fait, t'as vu, ça fait 2-3 ans que ça dure. Maintenant t'as 18 ans, t'es une grande fille, c'est fini. Donc du jour au lendemain, je mange normalement, je cours un peu moins, enfin, en tout cas dans mes comportements de ce qui est visible. Ça va bien, quoi.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Et apparemment, mes prélèveurs ne comprennent pas ce qui se passe, mais...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Mais... Et ça tient un mois et demi, je pense. Ce qui est quand même pas mal.

  • Speaker #1

    Ok. Mais quand tu dis... Petite précision, parce que tu dis de l'extérieur... Voilà, de l'extérieur, c'était comme ça. À l'intérieur, c'était comment ?

  • Speaker #0

    À l'intérieur, c'était une haine de mon corps. Enfin...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Très violente, quoi. Et en même temps, un... Un truc de... Enfin, le désir de vivre bien, enfin je sais pas comment dire. Et comme si du coup il y avait un truc de bon, en fait j'ai tellement envie de vivre et d'avoir une vie normale que pendant un temps, je mets de côté tout ce qui... Enfin si l'anorexie était là, c'est qu'elle me permettait des choses quoi. Donc je mets de côté tout ce qui est d'habitude sauvé par l'anorexie. Je sais pas trop comment dire.

  • Speaker #1

    Ouais ouais.

  • Speaker #0

    Et je pense, enfin pendant le confinement, tous les frères et sœurs sont rentrés à la maison. Je pense que ça m'a aussi aidée. Ça fait trois ans qu'on n'a pas vécu ensemble. J'ai envie que ces moments soient chouettes entre nous. Et pas que ce soit Camille n'a encore rien mangé, Camille est partie courir. Et en même temps, se retrouver en famille, ce n'est pas facile quand les grands sont partis. Et donc, dès qu'au bout d'un mois, les tensions dans la famille sont revenues un peu au grand galop, et donc moi, c'est ça qui a repris. Et donc, je me suis réarrêtée du jour au lendemain de manger. Et donc, après ça, fin du lycée, je me dis, qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Et je me dis, j'ai été voir une conseillère d'orientation qui me dit, ah mais vous serez une super psychomotricienne.

  • Speaker #1

    Tiens, tiens.

  • Speaker #0

    donc ok super ça on donne une voie toute tracée très bien donc je postule je suis prise et je pense qu'à ce moment là je capte, enfin en tout cas je me dis en fait je peux pas aller dans cette formation alors que moi même je suis incapable de regarder mon corps et que mes émotions c'est la tempête et ça n'existe pas pour moi enfin en tout cas je capte que c'est pas du tout le bon timing ouais Et que j'ai besoin, j'ai été prise dans une école à Lille, donc à côté de chez mes parents, et en fait j'ai besoin de partir. Je pense que je ne me le dis pas consciemment, mais que c'était j'ai besoin de partir pour ne plus être surveillée et pour pouvoir recommencer ma vie. ma course est freinée à la maigreur, au contrôle. Je pars dans une autre formation qui était très chouette à Angers, à 700 km de chez les parents.

  • Speaker #1

    Mais dans une ville magnifique.

  • Speaker #0

    Dans une ville magnifique. qui deviendra ma ville préférée voilà merci donc j'arrive à Angers où je connais rien, personne et donc liberté absolue et là ça repart de plus belle et là ça repart de plus belle liberté absolue et du coup en sécurité totale parce que je connais personne et donc qui dit en sécurité il dit besoin de contrôle et donc donc c'est ça Camille qui doit faire ses courses toute seule Non mais c'est ça.

  • Speaker #1

    C'est ça, quand tu dis liberté, liberté totale, tu avais la totale liberté de t'enfermer comme tu voulais, de t'emprisonner dans l'anorexie, parce qu'en fait, c'est ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est l'illusion de la liberté.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quel enfer.

  • Speaker #0

    Et donc, oui, ça repart de plus belle. Et je crois qu'à ce moment-là, ce qui est hyper dur, c'est que j'ai conscience que ce n'est pas ce que je veux pour ma vie, mais que je ne peux rien faire contre. Et donc, je me vois aller courir 15 bornes tous les soirs. Je me vois manger pas du tout assez, enfin, quasi rien.

  • Speaker #1

    Et cette haine de ton corps, elle est toujours là ? Ou tu as l'impression qu'elle est un peu moins là dès que tu reprends le contrôle, en fait ? Oui, c'est ça qui est terrible. Non, mais c'est ça qui est terrible, effectivement. Tu disais... Il y a l'envie de revivre autrement, enfin de vivre, et en même temps si tu essaies de vivre et donc de lâcher un peu, tu as une haine féroce de toi-même qui arrive, mais qui est insupportable. portable à vivre. Après, les personnes qui nous écoutent sont majoritairement des gens qui sont passés par les troubles alimentaires et qui savent de quoi on parle. Mais quand on n'est pas passé par là, c'est difficile de décrire ce que ça peut faire.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et en fait, j'ai hâte de mon corps. s'incarne sur mon corps mais c'est elle de moi je suis de comment je suis je voudrais être dans un autre corps, dans une autre personne quelqu'un d'autre c'est horrible et donc tu dis,

  • Speaker #1

    parce que c'est quand même hyper important parce que tu dis que t'as cette conscience et d'ailleurs c'est aussi horrible à vivre de dire je veux pas ça c'est l'enfer mais j'ai pas le choix, je sais pas comment faire autrement et ça dure combien de temps ? cette espèce d'entre-deux ?

  • Speaker #0

    Ça dure longtemps. En tout cas, quand j'arrive à Angers, je pense que ça dure 5-6 mois, le temps de reperdre suffisamment de poids pour que mon corps me dit stop. En mars-avril, l'école me renvoie chez moi en me disant qu'Amy... Pour nous, ça n'a pas de sens que tu viennes en cours et que tu sois première de classe alors que tu ne tiens plus debout. Donc viens prendre soin de toi et tu reviendras en cours quand ce sera possible pour toi. Et donc je rentre chez les parents, qui m'emmènent à l'hôpital. Et là, je refuse d'être hospitalisée. Comme j'étais majeure, mes parents n'avaient plus leur mot à dire. Et en même temps, je me dis, du coup, si je refuse, c'est ma responsabilité. Et du coup, ça va un peu mieux, mais en fait, dans un entre-deux, si l'anorexie est là, il y a une raison, donc je ne peux pas la faire disparaître du jour au lendemain. Et en même temps, il faut que ça parte, puisque je ne peux pas vivre comme ça. Et donc là, je dirais que du coup, c'est 4-5 ans de cet entre-deux où il y a plein de périodes où ça ne va pas du tout. Mais quand ça commence à vraiment ne pas aller du tout, je reprends un peu, je remonte un peu la barre. Et du coup, ça va un peu mieux pour tenir.

  • Speaker #1

    Oui, et encore quand tu dis quand ça ne va pas du tout, c'est que ton poids chute. C'est ça,

  • Speaker #0

    quand tu dis tu reprends mon poids chute ou mon énergie ne me permet plus d'avoir un quotidien normal.

  • Speaker #1

    Mais finalement, toutes les phases où tu as ce quotidien normal et que ça tient à peu près. Est-ce que pour autant ça va bien ?

  • Speaker #0

    Ah non ! C'est plus des comportements anorexiques qui prennent toute la place, mais ça va pas.

  • Speaker #1

    4-5 ans comme ça. Et qu'est-ce qui fait que... Je sais bien que c'est pas... Ah j'ai eu tel déclic tel jour à telle heure. Parfois si, il y a quand même un déclic important ou plusieurs. Mais dans ton cas, qu'est-ce qui a fait ? qu'à un moment donné, ça a été possible de sortir de ce fonctionnement-là. Est-ce que tu avais de l'aide quand même aussi, un suivi psy ou autre ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais un suivi psy. Avec qui, c'est marrant, je ne comprenais pas du tout sur le coup. Et en fait, aujourd'hui, je trouve ça hyper smart comme méthode. Mais je suis arrivée en lui disant, je suis anorexique, il faut m'aider. Et je crois qu'on n'a quasi jamais parlé de l'anorexie. Parce qu'en fait, c'était pas vraiment ça le problème. En tout cas, il y a des choses à aller voir là-dedans. Oui, la question c'est d'où ça vient. Donc ça, c'était des lieux hyper précieux. Et en fait, il y a eu plein de petits déclics, de rencontres avec des gens, de moments dans ma foi où ça m'aidait à avancer, deux de choses que je vive et qui me rallument dans le fait que ça vaut le coup de vivre et d'être en forme pour pouvoir vivre des choses comme ça. Plein de petits trucs. Et en fait, je finis mes études, après je bosse un an et en fait, à la fois le fonctionnement de la structure, je ne m'y suis pas retrouvée. Il y a des trucs dans la structure qui vous excèdent. que c'était pas forcément sain, moi, le fait que ça aille pas bien, bah du coup, en fait, ça se répercutait au boulot, enfin voilà. Et donc, j'arrête le travail en mode, je sais pas si on peut parler de burn-out, mais en tout cas, un peu comme à ce cours de danse où j'ai pas pu aller, quoi. Un matin, j'ai pas pu me lever pour aller au travail.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et du coup, un peu, j'ai l'impression de retoucher le fond. À ce moment-là, en fait maintenant c'est ma vie d'adulte, c'est plus Camille de 16 ans qui en fait est chez ses parents et ne gère pas trop sa vie. Là c'est Camille de 21 ans qui, si je ne fais rien pour moi, personne ne fera rien pour moi et ce n'est pas ça que je veux pour ma vie. Et donc je pense que tous les petits déclics d'avant... Cette envie de vivre pour de vrai, elle est toujours restée là. Je pense qu'au fur et à mesure, elle a pris de plus en plus de place. Au moment où j'arrête mon travail, j'ai ma première nièce qui naît. Je suis sa marraine. Et donc en fait, c'est... Enfin, tout le long de la grossesse, quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé qu'ils attendaient un bébé, ça a été incroyable. En tout cas, ça a vraiment eu un impact sur mon quotidien. De me dire, mais Camille, tu vas être la marraine de ce bébé qui, pour l'instant, fait 25 grammes dans un ventre. Et donc, tu peux pas vivre à moitié, tu peux pas...

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Enfin, tu peux pas ne pas aller bien, quoi. Et donc j'arrête le travail et Gabriel, ma nièce, naît et je me retrouve avec ce petit bébé dans les bras. Il y a vraiment un truc en moi qui s'ancre de « en fait Gabriel ne me connaîtra pas malade » . Et c'est pas pour elle, mais c'est parce que moi j'ai envie d'être une femme debout, d'être un exemple, je sais pas, mais en tout cas un modèle parmi plein d'autres de femmes épanouies pour cette petite fille qui vient de naître. Et donc, je vais me donner tous les moyens qu'il faut pour en sortir pour de bon, quoi. Je viens de passer une semaine avec elle. Trop bien. Elle a un an et demi. Je pense que ça a vraiment été ça, le switch, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, comme tu dis, c'est intéressant. C'est le déclic qui est venu mettre en route tous les autres, quoi. Quelque part, ça se... Ça s'est colmaté pour pouvoir faire un truc suffisamment gros pour y aller.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas changé ma vie du jour au lendemain.

  • Speaker #1

    Tu t'es pas réveillée en mangeant normalement, en étant bien dans le bureau.

  • Speaker #0

    En regardant dans le bureau.

  • Speaker #1

    Incroyable. Il y a plein de gens qui vont arrêter l'écoute maintenant. Merde ! Toujours pas là, la solution !

  • Speaker #0

    Non, mais par contre... Ça a ancré en moi ce truc de je vais me donner les moyens, quoi qu'il arrive, je suis prête à tout. Et je sais que ça va être difficile, que je vais passer des soirs à pleurer après avoir mangé, que je vais détester tous ceux qui seront contents de me voir en forme, parce que pour moi être en forme ça veut dire avoir repris du poids, ça veut dire je sais pas quoi, mais c'est pas grave. En tout cas, je sais que ce ne sera pas ça toute ma vie.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est important. Et je ne sais pas trop d'où ça devenait de savoir ça, mais c'est vachement important de pouvoir en avoir conscience que la guérison, surtout d'anorexie, je dirais, parce que peut-être que pour boulimie, hyperphagie... Je ne dirais pas tout à fait la même chose parce que les symptômes sont tellement envahissants, les crises, que ça fait une grosse plus-value déjà quand ça diminue et que ça s'arrête. Et même si le chemin continue d'être un peu complexe dans l'image de soi, dans plein de trucs, tu as cette grosse plus-value. Mais d'avoir conscience que quand tu te lances dans ce chemin de guérison, que tous les trucs compliqués que tu vas vivre, ce ne sont pas les trucs que tu te coltines à de vitam aeternam.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Que oui, tu vas avoir besoin de reprendre du poids, mais que ça va s'arrêter, que tu ne vas pas grossir sans t'arrêter jusqu'à la fin de ta vie. Tu vois, qu'il y a plein de choses qui appartiennent à des phases de guérison. Mais c'est fou en fait que tu aies eu conscience de ça.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que toutes les journées passées à l'hôpital de jour, ce que disent les médecins, en fait, à un moment ça rentre. On ne les croit pas sur le coup, mais ça imprègne quand même. De voir des copines de mon âge qui en fait sont bien dans leur corps, ou en tout cas comme toutes les... Oui, en tout cas que ça n'empêche pas de vivre,

  • Speaker #1

    de ne pas toujours aimer telle ou telle partie de leur corps.

  • Speaker #0

    D'avoir des exemples autour de moi de jeunes filles et de femmes épanouies dans leur vie, je pense que ça a ancré en moi un truc de moi aussi je peux. Je ne suis pas différente, je ne suis pas plus bizarre que les autres, et donc moi aussi ça arrivera.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te souviens de... je sais pas comment... comment t'as fait... tu vois c'est un peu en mode... ouais c'est ça, qu'est-ce qui toi t'a été utile, comment t'as fait pour lutter contre cette peur de grossir ? Parce que j'imagine bien que t'avais cette envie de vivre, de retrouver une vie normale, et que tu savais que ça passerait par le fait de manger, et que ça allait passer aussi par le fait de reprendre du poids. Comment t'as fait pour gérer ça ?

  • Speaker #0

    J'ai décidé de prendre un an off, un an où je ne travaillais pas, où je ne faisais pas d'études, et où c'était ça, c'était ton job. Oui, c'était ça mon job. Un peu dur à expliquer autour de moi, mais en tout cas je sentais que ça demande tellement d'énergie et tellement d'investissement que si je devais la mettre ailleurs, je n'y arriverais pas. Donc ça a été ce premier choix, et après de reprendre tout mon parcours et de me dire ok, ça c'est pas travaillé, ça il reste un enjeu, ça machin, et de quoi j'ai besoin pour le cadrer et m'aider à avancer. Et donc j'ai repris un suivi à l'hôpital de jour à Angers. J'ai commencé un suivi avec une psychomote, qui revient. J'ai continué avec la psy que je voyais. J'ai été voir une psy qui faisait de l'EMDR. Et voilà, c'est déjà pas mal je crois. Et chaque personne que j'allais voir, je lui disais, avec toi c'est ça que je veux bosser. Avec la dame qui faisait de l'EMDR, j'ai été la voir en lui disant « Je sais que tel moment, tel moment, tel moment, ça a ancré en moi des croyances limitantes, des je sais pas quoi, donc allez, on bosse sur ça pour que moi ça me libère derrière. » J'allais voir la psychomote en lui disant « Le problème, c'est que j'ai besoin de capter comment est mon corps aujourd'hui, de capter mes émotions, comment ça marche, de machin. » Avec la psychomote, on bosse ça. Avec l'hôpital de jour, j'ai besoin d'avoir une diététicienne qui me dit Un repas complet, c'est ça, ça, ça, et je l'applique derrière. Vraiment ce truc de me dire de quoi j'ai besoin, je le mets en place et je le suis coûte que coûte. Et quand j'ai envie de lâcher, je pense à ce petit bébé qui était dans mes bras.

  • Speaker #1

    Et à la petite fille qu'elle deviendra. C'est l'exemple que tu as envie d'être pour elle.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'était hyper joyeux. Même quand je pleurais après, en rentrant d'une sortie resto avec des copines parce que j'étais en PLS d'avoir pris une boule de glace au dessert et que je me disais que ça y est, j'allais reprendre 25 kilos et que c'était dramatique. En fait, il y avait quelque chose d'assez joyeux là-dedans parce que je savais que ça m'emmènerait vers une vie, vers la vie que j'ai envie d'avoir. Et que j'étais hyper entourée par des copains, par les frères et sœurs. qui me disaient qu'ils étaient trop fiers de moi. Et voilà, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a quand même un truc fort chez toi, déjà d'un amour de la vie et d'une envie de vivre. Tu vois, un truc qui semble ne pas s'être éteint. Et aussi d'une foi en toi et dans la guérison, sans doute portée aussi par tes proches, parce que tu le disais, tes copines... des scouts te l'ont verbalisé en fait qu'elles croyaient au fait que tu allais guérir de ça et qu'elles seraient là peu importe le temps que ça prendrait et est-ce que c'est cette foi en toi communicante tu vois qui t'a permis mais en tout cas il y a comme un truc de ok je vais vers là je vais y arriver et finalement chaque pas que je fais même s'il est un peu douloureux je sais que ça m'emmène vers ça donc c'est chouette Et c'est fou, j'imagine que c'est hyper porteur, mais je trouve ça un peu fou. Tout le monde n'est pas doté de ça.

  • Speaker #0

    De fait, c'est assez souvent ce qu'on me renvoie. Quand je rencontre des gens que je discute, à chaque fois, ils sont assez étonnés de me dire, mais Camille, d'où ça vient ? Je ne sais pas trop.

  • Speaker #1

    Comme une espèce de confiance intrinsèque, en fait. Alors une confiance en toi, en la vie, dans les autres, j'en sais rien finalement. Mais comme un... Est-ce que c'est pas comme ça qu'on appelle les gens qui sont optimistes ? Est-ce que c'est pas ce mot-là qu'on met sur ce que ça va fonctionner ? Je sais pas. Je ne me considère pas du tout comme étant une personne optimiste, malheureusement. Donc j'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui le sont. Mais en tout cas, je perçois que c'est... Je pense que ça a été quelque chose de vraiment aidant, quoi.

  • Speaker #0

    pour toi. Je pense que la place de la foi dans ma vie a aussi un énorme rôle. Je ne suis pas sûre de me retrouver dans l'église d'aujourd'hui. Il y a plein de trucs qui me dérangent et qui me mettent en colère. Mais le message... Le message du Christ transmis dans la religion chrétienne avec lequel j'ai grandi, c'est vraiment un message d'espérance. Derrière la pire des misères, la pire des souffrances, il y a la vie qui peut surgir. Et je pense que, mine de rien, ça a ancré un truc en moi. Là, c'est un peu le fond du trou, mais derrière, il peut y avoir la vie. C'est quoi le chemin pour ça ? Ça peut être un peu long.

  • Speaker #1

    Ouais, mais je pense qu'effectivement, ça fait sens, le fait que c'est sûrement... C'est sûrement, j'en sais rien. En tout cas, on peut imaginer que ça vienne de là. Et tu vois, en t'écoutant, je me disais, bah ouais, je pense qu'il y a encore des tas de gens qui sont croyants, de différentes religions, mais il y en a quand même beaucoup moins qu'il y a 100, 200 ans. Et mine de rien, ça joue quelque chose aussi dans notre façon d'appréhender la vie. et ce qui nous arrive. Et je pense qu'on peut être athée, mais développer ça d'une autre manière, tu vois. Mais encore, faut-il qu'on nous l'amène aussi dans l'enfance. Et c'est vrai que quand tu nais dans une famille qui a une foi, dans une religion ou une autre, du coup, tu as la transmission de choses comme ça, je pense.

  • Speaker #0

    Je pense aussi, en fait, d'avoir eu plein de moments de... Bon allez, je me donne les moyens, ça va un peu mieux. Oui, c'est dur. Et puis d'un coup je lâche. Et du coup en fait, ce qui a été dur dans les efforts, ça n'a servi à rien. Il faut recommencer de zéro, machin. Il y a un peu eu le truc de, du coup maintenant soit j'y vais pour de bon, soit j'y vais pas quoi. Mais d'arrêter de faire ces petits allers-retours.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que tu penses quand même qu'ils t'ont aidé ces allers-retours ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, c'est sûr.

  • Speaker #1

    En termes aussi de ce que t'as pu expérimenter dans des moments où mine de rien ça allait un peu mieux.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, c'est sûr. et puis de comprendre Je pense qu'au début, je partais de « si j'arrête de manger, c'est juste que je suis pas bien dans mon corps » . La fois suivante, j'ai compris que « ok, si j'arrête de manger, c'est parce que je suis trop pleine de plein d'émotions, je sais pas quoi en faire et donc je cherche le vide ailleurs » . La fois d'après, j'ai compris que... Donc en fait, à chaque fois, ça m'a donné des clés de compréhension de pourquoi ce trouble est là. Et c'est pas juste que je suis pas bien dans mon corps, parce qu'il y a plein d'ados pas bien dans leur corps, c'est pas pour ça qu'elles arrêtent de manger, quoi. Et donc, je pense que... Une fois qu'il y avait suffisamment de bases, de compréhensions, de clés à droite à gauche, c'est ça, il y a un moment où c'était l'heure.

  • Speaker #1

    C'est cool parce qu'elle est quand même venue, enfin ça a dû te paraître long, mais elle est venue tôt quand même cette heure. Même si je comprends, on parlait quand même tout à l'heure de 4-5 ans, c'est hyper long. Mais je veux dire, moi je l'accompagne des personnes. qui se comptent des troubles alimentaires depuis 20 ans, 30 ans, tu vois.

  • Speaker #0

    Eh ben, c'est sûr. Oui, ça m'est apparu. Je pense qu'entre la toussain dont on parlait, là.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et la faim, il y a eu, je sais pas, 8 ans, peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    7-8 ans.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est long. C'est quand même... À l'échelle de ta vie, ça reste...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Enfin, je veux dire, c'est un tiers de ta vie, quand même.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Tu vois, dit comme ça... Mais dis-toi que moi, j'ai passé... Moi, je viens d'avoir 40 ans, On a les troubles alimentaires, tu vois.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Donc, bon.

  • Speaker #0

    Et en tout cas, je me sens... À chaque fois que je regarde d'où je viens et mon parcours, je suis impressionnée par tous les gens qui ont été sur ma route, quoi. Autant les copains que les inconnus du train qui te lâchent une petite phrase et ça change toute ta semaine, que les médecins, les psys qui m'ont accompagnée. Enfin, je me suis jamais retrouvée face à un con. Et en fait, je pense que... Ou alors tu les as pas entendues,

  • Speaker #1

    parce que j'ai du mal à voir qu'il n'y ait jamais eu de phrases pas ouf ou quoi, mais peut-être que ça s'est juste pas imprimé chez toi.

  • Speaker #0

    En tout cas, les autres compensaient suffisamment pour que Céline ne compte pas. Et donc de fait, je me sens hyper chanceuse de ça.

  • Speaker #1

    Moi, je me demande tout ce qui t'attend, parce que je me dis... Tu es jeune ! T'as déjà vécu beaucoup de choses, finalement. Et tu pars avec une base, je pense, quand même relativement solide de connaissances de toi que plein de gens n'ont même pas à 40 ans, je pense. Donc c'est cool. Enfin, je sais pas comment tu vois ça. Est-ce qu'aujourd'hui, t'es en mesure de te dire « Ouais, ça m'a quand même apporté. » cette maladie, même si ça t'a forcément enlevé, ça t'a ôté des choses aussi peut-être des moments de vie mais à fond

  • Speaker #0

    En tout cas, aujourd'hui, c'est ouf, là ça fait des mois que je me lève le matin en me disant en fait je suis trop heureuse d'être la femme que je suis, dans mon caractère, dans mes valeurs, dans mon corps, dans mes activités, et en fait c'est tellement reposant de ne pas avoir cette question dans la tête en permanence de est-ce qu'il faudrait que je change, qu'est-ce que machin, qu'est-ce que truc, je suis là quoi,

  • Speaker #1

    et ça c'est ouf. Non mais c'est fou, c'est incroyable, non mais en vrai pour moi ça fait la boucle aussi avec ce qu'on s'est dit au tout début sur la question de la place, en fait à plein de moments dans ton discours, dans ton récit, j'ai entendu la question de la place, tu vois, et dès toute petite en fait dans ta place dans la fratrie et ta place avec tes parents et la place que tu ne voulais pas prendre pour pas déranger, pour pas voilà, et en fait là tu dis bah aujourd'hui juste en fait je suis là.

  • Speaker #0

    il y a un truc de de fait ma place je l'ai j'ai pas à me contorsionner pour rentrer dans un truc ouais bah je suis là ça c'était marquant en début d'année parce que du coup j'ai commencé la formation en petit commode je suis revenue en septembre et donc hyper vite je capte qu'en fait je me sens pas à ma place Je me demande ce que je fais là, je passe les cours à dire que ça m'intéresse pas et à faire du coloriage. Mais ma tête, enfin donc mon cœur me dit Camille, stop, c'est pas grave. Ma tête me dit en fait t'as commencé, donc tu vas au bout et voilà. Et donc au bout de trois semaines, crise d'angoisse avant d'aller en cours le matin, en rentrant de cours le soir, parce qu'en fait je sais plus faire quoi, de pas être à ma place. Et consciemment, je me dis, mais en fait là, d'habitude, j'aurais arrêté de manger pour pouvoir continuer. Et du coup, je me dis, merde, maintenant que ça, ce n'est plus une option, comment je vais faire pour tenir dans cet environnement ? Et donc, en fait, c'est que du coup, il faut changer l'environnement. Mais c'était hyper... J'ai trouvé ça ouf d'avoir conscience de ça et de me dire... Et donc, vraiment, tous mes pas de séparatettes, de me dire, je vais devoir commencer à fumer. Je suis en plus que ça coûte cher,

  • Speaker #1

    vraiment drogue, je sais pas où je vais pouvoir la trouver.

  • Speaker #0

    C'est ça, en tout cas de me dire ok, quelle autre stratégie je vais trouver pour essayer de tenir dans un environnement dans lequel je suis bien. C'est fou. Et donc assez vite j'ai conclu qu'il fallait changer l'environnement.

  • Speaker #1

    Non mais en même temps ça venait de chercher sur le perfectionnisme quoi, je veux dire c'est pas rien. Ça venait de chercher sur la bonne élève, sur d'être à la hauteur de ce qu'on attend de toi tu vois. Parce que abandonner, j'utilise ce mot-là volontairement, alors qu'en vrai, je ne suis pas sûre qu'on puisse mettre ce mot-là sur ce qui s'est passé, mais je viens volontairement abandonner cette reprise d'études. C'était peut-être décevoir ou pas être là où on t'attendait. Franchement, je pense que ça venait de chercher sur des trucs hyper compliqués. Donc, c'est assez dingue. C'est dingue de voir les mécanismes qui se mettent en place. c'est trop intéressant, mais c'est fou aussi que tu aies pu les conscientiser et prendre ça en main enfin tu vois, te décaler et choisir une autre solution si vite c'est sûr,

  • Speaker #0

    et en appelant la décision de moi à moi était hyper paisible et très... je me suis remise à dormir et tout allait bien quand j'ai décidé que j'allais arrêter Le moment où il faut appeler les parents, les copains, aller voir le directeur, et assumer ça devant l'autre, je n'étais pas aussi paisible. Je me rappelais de ce qui est important, c'est d'être alignée avec moi, et les autres y comprendront. En tout cas, je n'ai rien à leur prouver. Mais de fait, ce n'était pas si simple.

  • Speaker #1

    Non, j'imagine bien. J'imagine bien. En fait, c'était... C'était simple et évident, mais compliqué dans la mise en œuvre finalement, ou en tout cas dans ce que tu projetais de la mise en œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, dans un truc de... Je pense que ça a aussi été, et c'est aussi parce qu'il y a plein de gens qui ne sont pas du tout au courant que j'ai arrêté, donc je vais continuer à le dire au fur et à mesure. C'est la peur que les autres se disent... ah merde mais c'est que Camille elle va pas bien et qu'elle réarrête un truc alors qu'en fait je vais bien c'est plutôt le signe inverse même ouais c'est ça mais que j'ai pas le courage d'avoir encore ce regard sur moi de les autres s'inquiètent moi je t'informe que j'ai arrêté l'école que je vais chercher un travail tout va bien c'est pas grave mais C'est normal, je pense, que les autres continuent à s'inquiéter parce qu'ils t'aiment,

  • Speaker #1

    qu'ils veulent ton bonheur et qu'on ne peut pas s'empêcher en tant qu'autre de projeter nos trucs sur les autres et donc ils projettent.

  • Speaker #0

    Et donc qu'à chaque fois que je retrouve des copains que je n'ai pas vus depuis 3-4 mois, ils me font une tape un peu prolongée dans le dos pour voir si on sent beaucoup mes omoplates ou si ça va. Enfin, plein de petits signes de... En fait, ça arrête. Moi, j'ai l'impression que c'était il y a 40 000 ans. Dans la vie des autres, ça reste un sujet d'inquiétude encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais ça ne le sera pas toute la vie.

  • Speaker #0

    J'espère.

  • Speaker #1

    Non. Non, non. Enfin, de mon expérience, non. Mais parce que je me souviens de ça et de... Moi, j'ai des souvenirs, c'est intéressant que tu parles de ça. Je me souviens de repas avec certains membres de ma famille où je me forçais à manger au-dessus de mes besoins.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    alors que en plus si tu veux c'était post-anorexie mais oula j'étais loin d'être guérie parce que finalement j'en suis sortie que très très longtemps après ça mais j'ai été longtemps dans des entre-deux, des espèces de semi-guérison puis j'ai basculé plutôt vers la boulimie, enfin bref en tout cas les personnes avaient peur de l'anorexie, de la maigreur et donc fallait que je leur montre que je mangeais et du coup je me revois manger plus que ce que j'aurais mangé juste pour dire ok ça va bien, voyez ça va bien ... Ah ouais, si je prends une toute petite part, parce que j'ai pas très faim, est-ce qu'ils vont pas se dire, oh là là c'est parti, Flavie elle ressombre ? Bon, aujourd'hui, c'est un non-sujet, mais bon, c'était il y a très longtemps, moi pour le coup, c'était vraiment il y a très longtemps l'anorexie, mais voilà, je prends une petite part ou une grosse part, les gens se disent pas, tiens, est-ce que, voilà, c'est ancré, ok pour tout le monde, mais ouais. C'est pas le même rapport au temps, effectivement, pour toi et pour eux, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et qu'en fait j'ai tellement de fois dit non mais ça y est c'est fini ça va bien alors que pas du tout mais en moi je savais que c'était pas vrai et du coup pour eux c'est la même chose il y a 3 ans et aujourd'hui en moi c'est pas du tout la même chose.

  • Speaker #1

    C'est marrant ce que tu dis ça fait faire le lien avec un truc qu'on entend souvent le rapport entre une personne qui souffre d'anorexie et une personne qui a des problèmes de toxicomanie. Et du mensonge, en fait. Et de la difficulté aussi pour les proches. Par rapport à ça. Bon, bah écoute, je pense qu'on a fait le tour de pas mal de choses. Il y a une question que j'aime bien poser. La dernière question que j'aime poser aux personnes que je reçois dans le podcast, c'est de savoir ce que tu pourrais dire aux personnes qui nous écoutent. Qu'est-ce que t'aurais envie de dire à des personnes qui sont peut-être encore en plein dans la guerre que tu as connue, dans cette détestation de soi ? Que ce... Peu importe le trouble alimentaire, quel qu'il soit. Peu importe les symptômes finalement qui s'expriment, mais dans cette difficulté.

  • Speaker #0

    Eh ben plein de choses ! Que c'est dur, enfin que c'est l'enfer à vivre. Mais que l'enfer dure pas toujours. Enfin en tout cas, peut ne pas toujours durer. J'ai l'impression qu'on m'a jamais dit que c'était dur ce que je vivais. Et donc de me dire, bah ouais juste, c'est moi le problème, enfin... Alors qu'en fait, c'est horrible, en vrai, c'est un quotidien, c'est l'enfer, quoi. Mais que c'est possible de retrouver la vie pour de vrai. Et que, je pense, moi je me sentais hyper coupable de tous ces moments de rechute, de remontée, de, en fait, c'est parce que je suis pas assez forte, parce que je me suis pas accrochée, alors qu'en fait, je pense vraiment que juste, ça fait partie du chemin. Enfin, que des fois, on a besoin de retomber un peu pour capter... Des trucs pour comprendre ce qui nous manque, ce qu'on gagne, ce qu'on achète. Et pour derrière pouvoir remonter. Que c'est en marche d'escalier. Que ce n'est pas tout d'un coup du jour au lendemain. En baguette magique.

  • Speaker #1

    Et je dirais en marche d'escalier. J'aime bien l'image de l'escalier avec des fois des gros paliers. Et puis des fois tu as l'impression de redescendre quelques marches.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que le jour... où j'ai arrêté d'avoir honte d'être malade, où j'ai capté que j'étais malade et que du coup, ce n'était pas ma faute. Ça a été assez énorme de la place du regard des autres. En fait, des fois, je me justifiais un peu en disant « Non mais je suis malade, ce n'est pas de ma faute, je n'ai pas à faire d'efforts puisque c'est comme ça. » Mais aussi, en tout cas, ça a enlevé beaucoup de culpabilité. De me dire « J'y peux rien. » J'y peux rien d'être malade, par contre c'est ma responsabilité de me donner les moyens pour en sortir. Avec plus ou moins de temps et plus ou moins de moyens à disposition, mais... Ouais, je dirais ça je crois.

  • Speaker #1

    bah écoute merci c'est très chouette ouais ça j'ai l'impression que le message en fait j'espère que ça se ressent c'est vrai que les personnes n'ont pas l'image mais mais du coup tu es rayonnante mais déjà il y a quelques mois quand je t'avais vue c'était ça aussi tu vois beaucoup de il y a beaucoup de vie chez toi en fait je ne sais pas trop comment le dire différemment tu vois dans les yeux le sourire il y a vraiment quelque chose et je pense aussi que ça s'entend dans notre échange même juste à l'oral du fait que il y a cette énergie cet élan vital, c'est ça tu vois en toi, qui est fort mais en fait ce qu'on retrouve moi j'ai l'impression chez beaucoup de personnes qui souffrent d'anorexie derrière derrière tout ce qui vient masquer ça en réalité moi je me souviens de ça au fin fond de moi et Et je sais que ça se retrouve, je sais que c'est là, en fait j'ai envie de dire, il faut vachement de courage pour souffrir d'anorexie.

  • Speaker #0

    Bah ouais, j'ai vraiment l'impression de... j'avais tellement envie de vivre mais je ne savais juste pas comment faire. Et donc c'est quand même cet élan de vie qui était le moteur, pas dans le bon sens, mais de tout derrière. Qu'en fait ça a à un moment été mon moyen de survivre. dans un environnement, dans un contexte mais oui,

  • Speaker #1

    c'est un moyen de survie, c'est sûr, le trouble alimentaire mais survie, pas de vie quand on a envie de vivre et pas juste de survivre c'est pas la bonne solution écoute,

  • Speaker #0

    merci beaucoup d'être revenue donc c'était au plus bel zèle de France c'est ça,

  • Speaker #1

    ça donne l'occasion aussi de, enfin bon, c'est plutôt t'étais sur Angers et t'en as profité pour venir me voir, je vais pas faire genre t'es venue pour moi mais en tout cas Voilà, heureusement qu'Angers est une belle ville.

  • Speaker #0

    Grâce à ça, on a pu réenregistrer cet épisode. Merci beaucoup. Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast. en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Camille

    01:24

  • Son rapport au corps et à la nourriture dans l’enfance

    05:03

  • Le moment où c’est devenu un problème

    08:44

  • La dégringolade

    26:20

  • Le switch

    49:50

  • Ce que ce parcours avec les TCA lui a apporté

    01:04:40

  • Ce que Camille aimerait vous dire

    01:12:43

Description


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Camille livre un témoignage sincère et nuancé sur son parcours face à l’anorexie.


De la danse classique à l’hospitalisation, elle revient sur les mécanismes de contrôle, le déni, la peur de grossir, et le long chemin vers plus de liberté intérieure.


Au fil de l’échange, elle revient sur les signes ignorés, le rôle de son entourage, la foi, les rechutes, et le long processus de réappropriation du corps et de la nourriture.
Son récit met en lumière les dimensions physiques, psychologiques et relationnelles de l’anorexie, et offre un regard lucide sur la réalité du rétablissement.


1000 merci Camille 🙏



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Milsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres, bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Je suis trop contente d'accueillir en direct à la maison Camille qui revient me voir parce que, mais à coups de pas, je le dis quand même au début du podcast, on a déjà enregistré toutes les deux il y a plusieurs mois. Tu te rappelles ?

  • Speaker #1

    avril-mai.

  • Speaker #0

    Et donc j'ai perdu l'enregistrement. Voilà, je m'en suis beaucoup voulue. Mais comme Camille est trop sympa et trop motivée, elle revient. Et du coup, je me dis en plus, il y a des choses qui ont forcément changé, bougé. Donc c'est trop bien. Tu vas pouvoir me raconter ça. Je te propose de commencer par te présenter.

  • Speaker #2

    Moi, c'est Camille, j'ai 23 ans. Je vis à Rouen depuis un mois et demi, ça a changé depuis la dernière fois. Je suis originaire du Nord, mais depuis le début de l'année on me dit d'où tu viens et à chaque fois je ne sais pas répondre entre Lille, Angers, Rouen, je suis perdue. Et j'ai commencé des études en psychomote à la rentrée, en mode reprise d'études, et j'ai arrêté depuis la rentrée, il y a une semaine, et c'est très cool. Je suis très contente d'avoir commencé, découvert et arrêté, j'ai envie de dire attend, de ne pas avoir cherché à continuer alors que je ne me sentais pas à ma place et voilà, fin de m'être écoutée. Et c'était un peu mon constat de début d'année de m'être dit, ça il y a 3-4 ans, même 2 ans, j'aurais juste persévéré en me disant Camille t'as commencé, tu vas au bout, alors qu'en fait c'est pas grave de se tromper quoi.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est clair. je pense que ça fera écho même pour des personnes vachement plus âgées que toi en fait c'est vachement dur en fait de s'écouter faire ce constat et dire ok j'arrête et de pas le vivre comme un échec mais au contraire et

  • Speaker #2

    puis un peu le truc dans la classe j'étais avec quand même beaucoup de filles de 18-19 ans et donc déjà pour elles j'étais une ancêtre de revenir là en première année à 23 ans et donc quand en plus je leur dis au bout d'un mois bon en fait les filles j'arrête Elle était un peu en mode, mais Camille, c'est quoi sa vie, quoi ? Et en même temps, il y en a plein qui m'ont dit... Il y en a deux qui m'ont dit, moi, j'ai trop envie d'arrêter aussi, mais je n'arrêterai pas parce que ça ne se fait pas, quoi. Parce qu'il faut aller au bout, parce que machin...

  • Speaker #0

    Alors que c'est trois ans, c'est bien ça.

  • Speaker #2

    Oui. Trois ans, c'est long, quand même.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Ah, mais sur l'ancêtre, ça me rappelle des souvenirs, parce que moi, j'ai voulu reprendre psycho quand j'avais 33, 34. Et donc... J'ai réussi à entrer directement en licence 2. Mais bon, du coup, elles avaient 19 ans au lieu de 18. C'était horrible. Je pense que c'est une des pires expériences de ma vie. Donc, j'ai vite arrêté. Et non pas parce que les études ne me plaisaient pas. Encore que je trouvais que ça me semblait très éloigné de la psycho. En réalité, un truc basique même pour de la L2. Mais l'ambiance et tout, je trouvais ça dur. Mais bon, bref. Du coup, là maintenant,

  • Speaker #2

    je suis en mode recherche d'emploi, avec des pistes qui s'ouvrent.

  • Speaker #0

    Trop bien. Et du coup, t'étais venue il y a quelques mois témoigner à mon micro pour parler d'un truc qui a occupé ta vie pas mal à un moment donné, qui a pris un peu de place.

  • Speaker #2

    J'ai presque l'impression, je me disais aujourd'hui, j'ai l'impression que c'était pas ma vie. Je sais pas comment dire. Ça me paraît tellement lointain de qui je suis aujourd'hui, de comment je vois la vie.

  • Speaker #0

    Oui, on va en parler quand même un peu. Du coup, ça peut être drôle justement de réactiver ces souvenirs-là alors qu'ils te paraissent si lointains. Généralement, ce n'est pas du tout désagréable. Au contraire, c'est plutôt trop bien de se dire c'est vrai que ma vie ressemblait à ça. Et donc il y a une question que j'aime bien poser pour commencer en préambule du podcast, c'est de savoir quel type de petite fille tu étais toi, dans le rapport à ton corps et à la nourriture. Quel souvenir tu as de l'enfance ?

  • Speaker #2

    Dans mon rapport à mon corps, j'étais une petite fille qui avait l'impression que son corps la trahissait, parce qu'il grandissait très vite. J'ai sauté une classe et pourtant j'étais quand même la plus grande de ma classe. J'ai très vite eu un corps d'ado, alors que moi dans ma tête j'étais une petite fille qui jouait à la poupée et ça lui allait très bien. Donc ce sentiment de ce que je montre et ce que mon corps montre... est complètement différent de qui je me sens à l'intérieur. Et une petite fille qui a grandi en faisant de la danse classique et qui du coup était tout le temps confrontée face au miroir de moi mon corps est un corps d'ado alors que mes copines qui sont à la barre à côté de moi ont encore des corps de petites filles, donc sans forme, tout fin. Donc ouais, plutôt pas... Enfin je pense aussi dans un environnement familial où le corps les garçons étaient très sportifs du coup... c'est pas vraiment une question, les filles plutôt enfin en tout cas avec maman pas bien dans son corps, ma grande soeur c'était aussi une question, enfin je pense que le corps féminin est un truc où de toute façon on est pas bien dans notre corps quoi ouais c'est presque,

  • Speaker #0

    ça fait partie des casques qu'on doit cocher, ouais ouais il y a presque, il y a beaucoup d'injonctions sur le corps des femmes mais c'est vrai qu'on pourrait presque se dire que c'est presque une injonction d'être mal dans sa peau quoi oui c'est ça en fait,

  • Speaker #2

    mais du coup c'était pas quand j'étais petite c'était pas une question, juste c'était bon bah je suis mal dans mon corps mais c'est comme ça quoi c'est normal entre guillemets et ça jouait sur ton alimentation ? et mon alimentation quand j'étais petite vraiment pas je pense plutôt j'ai trois grands frères et soeurs donc c'était plutôt style famille nombreuse les gros plats familiaux donc un soir lasagne, le lendemain un soir tartiflette, le lendemain un soir crêpe En tout cas, plutôt dans la famille, on aime bien manger, c'est cool. Et voilà. Et moi, je suis plutôt très gourmande. Ouais, j'adore le petit-déj et le goûter. Voilà. Et en même temps, un peu... C'est marrant, un truc qui m'est souvent revenu, c'est que papa, le matin, il partait assez tôt au travail et il nous préparait toujours le petit-déj. Donc quand on descendait, le petit-déj était prêt sur la table. Donc ils savaient, Sylvain prend trois tartines comme ça et deux tartines comme ça, Camille prend trois comme ça à la confiture. Et en fait, moi j'aimais pas le pain, mais je sais pas, au petit déj c'est du pain, donc en fait tu dis rien et tu manges ton pain. Et en grandissant, je me suis mise à cacher mon pain que je mangeais pas, parce que j'osais pas dire que j'aimais pas le pain, puisque papa il était trop mignon à me préparer ma tartine, donc j'allais pas lui dire, en fait ce que tu me prépares j'aime pas. Et en même temps, enfin, en tout cas, un truc avec du recul, je me dis, c'est pas tout à fait normal comme comportement. Enfin, en tout cas, ça peut poser des questions. De, enfin, c'est ça, des enjeux autour de l'alimentation. De, faut pas que je dise que j'aime pas parce que ça va décevoir et ils vont s'inquiéter. Et en même temps, c'est pas que je veux pas prendre de petits-déj, c'est que j'aime pas le pain. Mais y'a pas d'autre solution, enfin...

  • Speaker #0

    Peur de décevoir et peur d'inquiéter.

  • Speaker #2

    Ouais. Peur de prendre trop de place. Ouais. Peur d'être un poids.

  • Speaker #0

    C'est marrant parce que la symbolique des mots que tu utilises, la trop de place, un poids. Ouais. Ok. Donc tu dis finalement, ton rapport à l'alimentation, il était plutôt lambda. Jusqu'à quel âge tu dirais que c'est resté comme ça ? Ou si je le demandais autrement, à partir de quel âge c'est devenu compliqué ?

  • Speaker #2

    À partir de 14 ans. De l'entrée en seconde. Mi-seconde.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Et où je me souviens hyper bien du jour où je me suis dit ok, je vais perdre du poids. Et du coup, je vais diminuer, enfin, je vais arrêter de prendre un goûter. J'étais dans un lycée où tous les récrés de l'après-midi, on avait un pain au chocolat et une pomme en goûter. Ça devait être dans la scolarité quoi. À la récré, on avait tout, je cherchais notre pain au chocolat. Je me suis fait hyper bien du jour où je me suis dit, ok, je ne prendrai plus qu'une pomme. Alors que le début de l'année, je prenais un pain au chocolat comme tout le monde et...

  • Speaker #0

    Et il s'est passé un truc en particulier pour que tu te dises ça un jour ?

  • Speaker #2

    Bah je pense que le... ce truc de petite fille de je suis pas bien dans mon corps mais c'est comme ça est devenu trop fort, enfin en tout cas le c'est comme ça ne marchait plus. Et c'était plutôt un truc de je suis pas bien dans mon corps, je suis pas bien à l'école, enfin j'aime... Je n'étais pas... Enfin, ce que je te disais tout à l'heure, mais le système scolaire, ce n'était pas si facile. J'ai des copines qui sont plus fines que moi. À la danse, je comprends bien que si je maigris, j'aurai des meilleurs rôles et que j'avancerai dans les places. Donc si je m'aigris, en fait, tout va s'arranger, puisque je serai mieux dans mon corps, je serai comme mes copines.

  • Speaker #0

    Ta vie sera meilleure, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis à la danse, je comprends bien, est-ce que tu lis entre les lignes ou est-ce que ça t'est clairement dit ? On est clairement félicité quand on perd du poids et qu'on mincit. Dès petite, tu dirais, ou c'est un truc qui s'est vraiment installé à l'adolescence ? Au moment où,

  • Speaker #2

    entre guillemets, ça... peut devenir sérieux. Quand on est petit, c'est l'activité du mercredi, c'est mignon, mais on danse pour le plaisir. En grandissant, il y a toute la technique qui arrive, tout le côté performance, où du coup, soit tu veux que ça reste une activité du mercredi, va trouver une autre école de danse, soit tu veux que ça devienne limite ton métier, ou en tout cas que ça prenne une vraie grosse place dans ta vie, du coup, il faut se donner les moyens. Et ça passe aussi par l'apparence de ton corps, quoi. Par le corps que tu maîtrises. Toi,

  • Speaker #0

    t'envisageais d'en faire ton métier, à un moment donné, peut-être ?

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #2

    Ouais. En tout cas, je me souviens un peu de titre, regarder les grandes, en me disant un jour ce sera moi la grande, et un jour je serai danseuse, quoi. Pas. Finalement. Et je crois que j'aurais pas été très heureuse dans cette vie-là. Mais... Ouais, en tout cas, c'était un univers où, si la prof entend qu'en sortant du cours, on a prévu d'aller manger une pizza entre filles du cours, on se fait démonter en mode, en fait, les filles, vous allez manger une salade, quoi. Donc, c'est pas clairement dit tout en étant...

  • Speaker #0

    C'est quand même assez clair. Ça semble assez clair. Ça, plus le fait d'être félicité quand vous perdez du poids. Ouais, OK. Après, c'est quand même assez connu dans le milieu de la danse, et particulièrement de la danse classique. Je n'ai pas l'impression que ce soit parti pour évoluer, ça, pour le moment.

  • Speaker #2

    J'ai l'impression qu'il y a quand même de plus en plus de cours pour adultes qui ouvrent en mode détente, quoi.

  • Speaker #0

    Ah oui, ça, oui.

  • Speaker #2

    Mais sur ce truc, en tout cas, oui, ce qui compte dans la danse classique, c'est ce qu'on montre, ce qu'on donne à voir, que ça ait l'air beau, harmonieux. Donc en fait, de savoir que t'as les pieds en sang derrière tes pointes, on s'en fout, tant que tes pointes sont belles. Oui,

  • Speaker #0

    mais on part aussi avec un gros parti pris, qui serait que si le corps n'est pas filiforme, alors c'est moins beau, voire pas du tout, mais pas harmonieux.

  • Speaker #2

    En fait, il faut être tous pareils. On s'en fout de l'individu, quoi. Il faut que l'individu soit fondu dans la masse. Et donc, le plus facile, c'est de se dire, si vous êtes tous filiformes, vous serez toutes pareilles.

  • Speaker #0

    Oui, c'est intéressant parce qu'en fait, je n'avais jamais entendu ça comme ça par rapport aussi au pourquoi être si mince voire maigre quand on pratique ce sport. Ok, donc tu penses qu'il y a eu un cumul, tu le disais, il y avait quand même un mal-être depuis petite, dans la famille, le corps des femmes, c'était quand même un sujet.

  • Speaker #3

    Oui.

  • Speaker #0

    Bon, tu as grandi dans la même société que dans laquelle on vit actuellement, donc il y a aussi un gros sujet à plein de niveaux. La danse classique, c'est vrai que tu cumulais quelques petits trucs quand même.

  • Speaker #2

    Et puis je pense qu'on s'aime bien là comme ça, mais c'est aussi arrivé à la période où je suis la dernière de mes frères et soeurs. Et donc je me suis retrouvée toute seule, enfin mes frères et soeurs sont tous partis, je me suis retrouvée toute seule entre les parents, avec beaucoup de tension dans leur relation entre eux. Et donc moi, un peu un truc de, il ne faut pas que j'en rajoute, quoi. Il faut que je sois parfaite, que je ne prenne pas trop de place, que je ne les dérange pas. Donc, je vais faire ma vie de mon côté. Et c'est ça, un peu ce truc de, dans le cadre familial, je vais m'effacer pour ne pas déranger, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Tu disais qu'avec le recul, maintenant, tu te souviens très bien de ce jour.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Où tu as dit, ok, je ne vais plus manger que la pomme au goûter, finir le pain au chocolat. Et pour toi, c'est le début, finalement. C'est le bouton on de tout ce qui se passe derrière, des troubles alimentaires, tout ça.

  • Speaker #3

    Oui, vraiment.

  • Speaker #2

    Ça a commencé petit, en me disant, ok, j'arrête de grignoter, je ne sais pas quoi. Je pense que ça peut arriver à plein d'ados sans que ça bascule derrière. Des ados qui se disent, pendant deux semaines, je fais un régime, et en fait, c'est trop bien de manger. Ça bascule pas, mais ouais, je pense que c'est le début.

  • Speaker #0

    Ouais. Et comment ça se... Comment ça se passe ? Comment ça s'enchaîne ? Combien de temps ça prend aussi, finalement ? Avant, déjà, la première question qui me vient par rapport à cette question du temps, c'est de me dire combien de temps avant que ça devienne vraiment un truc pathologique, à ton avis ? Est-ce que tu as l'impression d'avoir vite basculé ?

  • Speaker #2

    Je ne sais pas. Parce qu'en fait, j'ai l'impression que même quand un an et demi plus tard, je me suis retrouvée à l'hôpital, pour moi, ce n'était pas pathologique. Enfin, pour moi, c'était normal. Donc, je n'avais pas du tout conscience de... Ouais, de quand c'est devenu problématique. Donc je sais pas du tout, j'essaierai pas de dire.

  • Speaker #0

    Ouais, t'as pas l'impression qu'il y a un moment où, parce que tu disais ça a commencé par des petites choses, tiens je vais pas prendre de goûter, je vais pas faire ci, à partir de quel moment t'as l'impression d'avoir mis en place des grosses restrictions par exemple, tu vois et combien de temps ça a pris ?

  • Speaker #2

    Je me souviens de l'été... L'histoire du pain au chocolat, c'était à la Toussaint de mon année de seconde. Et donc l'été, à la fin de la seconde, je me souviens qu'en scouts, du coup, à un moment où j'étais en collectivité, où ça questionnait. En tout cas, j'étais pas comme tout le monde. Je mangeais pas comme tout le monde. Et que ça a interpellé les filles autour de moi en me disant « Mais Camille, t'as rien mangé alors qu'on a couru toute la matinée. » Mais je sais pas si c'est à ce moment-là... Ou si c'était déjà avant, mais comme j'étais, entre guillemets, anonyme à la cantine ou quoi, ça ne ressortait pas forcément.

  • Speaker #0

    Et ta perte de poids n'a pas été trop flagrante et rapide ? C'est ça aussi qui peut parfois alarmer autour.

  • Speaker #2

    Je pense qu'entre la Toussaint et l'été, ça va. J'ai aussi commencé beaucoup plus de sport. Et donc je pense que mon corps s'est plus musclé, ça ne se voyait pas forcément. Entre l'été et Noël d'après, ça a été dégringolade d'un coup. Je pense que quand ça a commencé à être un peu connu, parce que du coup mes chefs scouts ont prévenu mes parents, en mode, remarquez ça chez Camille, c'est peut-être pas inquiétant, mais en tout cas on vous prévient. Du coup il y a un peu eu un truc de, maintenant que les parents sont au courant, j'ai plus à essayer de cacher ou faire dans mon coin. Et du coup, ça a été porte ouverte. Je ne fais plus d'efforts, quoi.

  • Speaker #0

    Ok. Là où ça aurait pu être l'inverse, en fait, où tu te dis « Ah non, non, non, il faut à tout prix que je les rassure, que je leur montre que non, c'est pas vrai, tout va bien. » En fait, non, là, ça a été un peu... T'as lâché, quoi.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Je pense que du coup, ça devait déjà être bien installé.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Mais oui, ça a plutôt été un truc de... Avant, je faisais... Par exemple, je mangeais pas du tout à la cantine, mais du coup, le soir, je mangeais un peu pour pas que les parents s'inquiètent, machin. Là, puisque de toute façon, ils étaient au courant et déjà inquiets, bon bah, autant qu'ils soient inquiets légitimement, quoi. Et donc, plus d'efforts, ni à la maison, ni à la cantine. Et donc là, ça a été trois mois de grosses, grosses dégringolades sur le poids, sur l'énergie, sur le moral, sur tout, quoi.

  • Speaker #0

    Ouais. Tu te souviens comment tu te sentais ? Dans les différentes étapes, tu parlais de cette première étape entre la Toussaint et l'été. Comment tu vivais la perte de poids ? Est-ce que c'était grisant pour toi de te voir perdre du poids ?

  • Speaker #2

    Je me sentais hyper puissante. Je sentais que je progressais dans tout, dans le sport, à la danse. Je me suis mise à la course à pied alors que je n'avais jamais couru de ma vie. Et comme du coup, j'allais courir hyper souvent, j'ai progressé très vite. À la danse de fête, je voyais que je passais du troisième rang au deuxième rang, du deuxième rang au premier rang. À l'école, j'avais l'impression que tout était plus facile. Je ne sais pas, je travaillais moins ou plus efficacement, je ne sais pas trop comment, mais en tout cas, un boom de mes résultats scolaires. Et oui, même dans les relations. Un truc, enfin, ouais, tout était plus simple, quoi. C'est fou, c'est étonnant même. Ouais. Bah, je pense que ça n'avait pas encore d'impact sur mon énergie. Enfin, pas trop.

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #2

    Et du coup...

  • Speaker #0

    Ouais. On peut se demander ce qui se jouait au niveau hormonal, tu vois, sur des décharges d'adrénaline aussi, un peu. Qu'est-ce qui... Enfin, malgré tout, peut-être qu'il y avait encore un... Il y avait quand même un impact. très certainement sur ton énergie, mais il y avait quelque chose qui venait prendre le... Oui,

  • Speaker #2

    qui était plus fort.

  • Speaker #0

    Oui, ou qui venait pallier, tu vois, à ça, et qui te donnait aussi peut-être cette sensation. Je sais pas, c'est vrai que c'est surprenant. Et tu dis qu'il y a eu après le moment des gringolades, où là justement, t'as eu l'impression de perdre toute ton énergie.

  • Speaker #2

    Oui, pour le coup là, trois mois vraiment très durs, trois, quatre mois, de plus d'énergie, plus on veut rien faire, plus... Enfin, hyper irascible, ça se dit.

  • Speaker #0

    Oui, en tout cas,

  • Speaker #2

    dans les relations avec les gens, du coup, c'était difficile parce que tout le monde me saoulait, parce que ce n'était pas comme je voulais que ce soit et que je n'avais pas le contrôle sur ce que les gens font, sur ce que les gens disent. Et donc, pour moi, c'était assez insupportable de ne pas pouvoir tout contrôler et où, du coup, de fait, je sentais que ça avait un impact sur mon entourage. qui s'inquiétaient pour moi, qui ne savaient pas quoi faire. Et du coup, forcément, quand tu es entre papa et maman, que tu ne manges pas grand-chose, forcément, un coup, ils essayent de rien dire, l'autre coup, ils s'énervent, l'autre coup, ils pleurent. Ils essayent de faire quelque chose.

  • Speaker #0

    Là, il y avait beaucoup d'inquiétude. Oui. Et tu continuais tout à l'heure, tu as parlé un peu des scouts. Oui. Donc là, ma question que j'allais te poser, c'est... est-ce que tu continuais d'y aller ? Mais peut-être qu'on peut faire aussi une parenthèse et parler de l'importance que ça a toujours eu dans ta vie. Parce que quand on avait enregistré la première fois, je pense que je t'avais posé plein de questions. Et je me dis, malgré tout, c'est intéressant d'en parler parce que je t'avais posé des questions aussi sur... Ah ouais, mais attends, mais en quoi ça consiste, les scouts ? J'étais tellement surprise que tu m'en parles. Et genre, mais est-ce qu'il y a un lien avec la religion et tout ça ? Toutes ces questions qu'on peut se poser. Mais en tout cas... Toi, c'est quelque chose qui est entré dans ta vie très jeune ?

  • Speaker #2

    Ouais, j'ai commencé à 7-8 ans, quand on peut commencer. Et ouais, c'est toujours resté, et encore aujourd'hui, hyper important. Je pense que les deux trucs principaux, c'est vraiment les amitiés. J'étais dans un groupe non-mix, donc on n'était qu'avec des filles. Et en gros, de mes 7 à mes 18 ans, on se voyait... Enfin, deux, trois fois par mois, tout le week-end, avec les mêmes filles avec qui on a grandi. Et donc, il y en a forcément avec qui ça passe moins bien. Mais c'est aussi des lieux où... Par exemple, par rapport au lycée, où les relations peuvent être quand même assez superficielles. Moi, je ne m'y retrouvais pas trop, quoi. Au scout, on est nature, quoi. On peut ne pas se laver pendant trois jours. Ce n'est pas ça qui fait qu'on ne va plus être copine. Et donc c'était un lieu hyper important pour moi dans cette dimension-là des relations. Et dans le côté, au scout tout est possible. On peut rêver grand, on peut faire des projets que normalement on ne fait pas à 15 ans, mais là juste on a un foulard autour du cou et on est 15, donc en fait on va le faire et ça va marcher. De se dépasser dans... Je sais pas, si on fait un camp itinérant, marcher 20 km par jour avec un sac sur le dos, on se soutient les uns les autres, on se dépasse. Si c'est, je sais pas, aller animer un truc dans une maison de retraite, c'est pas toujours facile de parler devant les gens, mais on apprend et on se dépasse. Donc ouais, un peu ce truc où tout est possible. Et du coup, même quand ça va pas, en fait, tout reste possible. Et donc, quand ça dépasse, ça restait une bulle d'air. Ouais.

  • Speaker #0

    Ouais, et finalement, il y a eu un rôle important quand même, parce que ce sont tes chefs scouts qui sont allés alerter tes parents.

  • Speaker #2

    Ouais.

  • Speaker #0

    Donc, s'il n'y avait pas eu cet espace-là, enfin, c'est pas ta prof de danse.

  • Speaker #2

    Mais non.

  • Speaker #0

    Tu aurais pu aller alerter tes parents, tu vois. Ouais,

  • Speaker #2

    ouais. Ouais, c'est sûr. En tout cas, c'était aussi un lieu où j'étais importante, enfin, où scouts chaque jeune est important pour qui il est. Sans rien approuver, c'est pas parce que t'as 18 badges que t'es plus important que le petit nouveau qui vient d'arriver. Et donc de fait, je pense que ça c'était hyper important pour moi de savoir que je compte dans un groupe pour des plus vieux qui nous accompagnent, pour des filles de mon âge. C'est génial les scouts.

  • Speaker #0

    Ouais, ça a l'air. Et du coup, tu m'avais expliqué qu'il y avait différents types de scouts.

  • Speaker #2

    Ouais. C'est ça. Il y a... En gros, il y a un peu plein de scouts selon les différentes religions, et du coup aussi des scouts laïcs. Et un peu les plus connus en France, enfin ceux dont on peut souvent entendre parler, c'est les scouts et guides de France, les SUF et les scouts d'Europe. Donc ça, c'est trois mouvements de la branche des scouts catholiques. On dit comme ça. Et donc, qui sont, à la base, c'était un seul... Enfin, il n'y avait qu'une forme de scoutisme. Et puis, au fur et à mesure des années, ça s'est un peu différencié selon les gens qui l'ont tenu à droite, à gauche. Et je dirais que ce qui différencie beaucoup, c'est la place de la foi et de la religion dans ces trois mouvements-là. Par exemple, les Scooters Guide de France, c'est un mouvement ouvert à tous. Donc, en fait, dans les faits... Je pense que plus de la moitié des jeunes ne sont pas du tout catho, enfin, ont grandi ou pas dans des familles catho, mais ça n'a pas de place dans la revue, et ils trouvent tout à fait leur place quand même. Là où, par exemple, les scouts d'Europe, c'est beaucoup plus important. Enfin, je pense que si tu as grandi dans une famille pas catho et que tu n'as pas les codes, tu ne t'y retrouves pas. Donc c'est différentes approches, ça touche différents types de jeunes. Il y a toujours une petite guéguerre entre les deux, mais je dirais pas lesquelles sont les meilleures.

  • Speaker #0

    Ok, bon, parenthèse refermée, mais c'est important d'en parler parce que je sais à quel point ça a été et c'est encore important dans ta vie. Et donc, on revient justement à cette phase-là de dégringolade et les questions qui me viennent, c'est... Ok, tu sens que ton énergie est en train de te lâcher, mais est-ce que tu continues d'aller à la danse ? Est-ce que tu continues d'aller le week-end entre scouts ? Comment ça va ? Comment ça se passe pour toi à ce moment-là ?

  • Speaker #2

    Je continue tout comme s'il ne se passait rien, voire plus. J'étais plutôt dans un rythme... Le lundi soir, j'avais danse et flûte. Le mardi, j'avais chorale. Le mercredi, j'avais danse, orchestre et badminton. Le jeudi, j'avais... Une, deux ou trois activités par soir, donc plutôt avec un rythme effréné, enfin même trop rythmé quoi. Mais je continue à tout faire et je continue à être première de classe et je continue, enfin, il y a un truc où, je sais pas, avec le recul, je sais pas comment c'est possible, mais en tout cas je continue à assumer tout de ma vie, mais en étant éteinte.

  • Speaker #0

    Oui, mais c'est le perfectionnisme à son paroxysme aussi. qu'on retrouve beaucoup dans l'anorexie. Et ce que tu dis, ça me fait penser aussi aux personnes à qui on fait des examens sanguins, alors qu'elles sont en grave sous-poids. Les examens sanguins sont nickels. Et ça, c'est hyper fréquent. C'est un peu un truc basique qu'on observe beaucoup. Et ça me fait penser à ça, à cette phase que tu traverses où tu es portée par ce truc-là, ce sentiment de puissance. Et en fait... le perfectionnisme de l'anorexie vient nourrir celui de la bonne élève et inversement enfin voilà c'est un truc de fou quoi et où je pense,

  • Speaker #2

    enfin je sens que s'il y a un petit truc du rouage qui s'arrête ou qui change, tout s'écroule donc il peut pas y avoir un changement,

  • Speaker #0

    donc il faut de la rigidité donc en fait il faut que ça tienne, donc ça tient je crois me souvenir d'un truc en discutant avec toi d'un... Peut-être que je vais un peu vite, mais si jamais tu avais d'autres choses à ajouter, c'est pas grave, on s'en fout de ne pas respecter un ordre chronologique, on reviendra en arrière. Mais je me souviens, je crois me souvenir qu'un jour, tu ne peux plus sortir de ton lit en fait.

  • Speaker #2

    Oui.

  • Speaker #0

    Et tu devais aller à la danse, je crois justement, et tu étais incapable d'y aller.

  • Speaker #2

    Oui, c'est ça. Ça, ça arrive tout début janvier et juste après.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #2

    Après des vacances de Noël, du coup, un peu vénère en famille. Tous les frères et sœurs rentrent pour les vacances, ils ne m'ont pas vu depuis 4-5 mois, donc ils tombent un peu des nues en me voyant physiquement, en me voyant moralement, donc ils ne comprennent pas ce qui se passe. Moi, je mange à peine 3 pommes par jour et rien d'autre. Je suis une dictatrice, quoi. Pendant que dans ma relation, ils ont un peu pris cher, les frères et sœurs. Ouais, donc après des vacances de Noël vraiment dures, moi je me dis la rentrée va reprendre, je vais reprendre mon rythme et tout va bien se passer, de toute façon c'est comme ça, et en fait, en fait pas, et donc ouais je me retrouve dans mon lit le matin, je dois partir à la danse et en fait je peux pas me lever, parce que mon corps tient plus debout quoi, donc je sais pas si c'est le rythme des vacances, si c'est d'avoir vu les frères et sœurs, si c'est... Le trop, c'était le bout.

  • Speaker #0

    Tu avais atteint la limite de ton corps aussi.

  • Speaker #2

    Et en même temps...

  • Speaker #0

    Moi je me dis juste, je vais faire une sieste et ce sera...

  • Speaker #1

    Et puis tout ira bien. Ah oui, mais le déni, parlons-en du déni. D'ailleurs, c'est ce que tu me disais tout à l'heure. Toi, t'avais pas l'impression d'avoir de problème finalement.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Tu voyais ton corps tel qu'il était à ce moment-là, tu penses ?

  • Speaker #0

    Je le voyais énorme. Je pense qu'il n'était pas comme ça.

  • Speaker #1

    Tu le voyais énorme. Pour toi, il était nécessaire de perdre encore du poids.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais. Ah oui, je me voyais pas... Enfin, je me souviens des frères et sœurs qui osaient pas me prendre dans les bras en me disant « Mais en fait, si on te touche, on va te casser » . Moi, je captais pas. Enfin, je me disais « Mais qu'est-ce que tu racontes ? » À la limite, c'est moi qui vais t'écraser parce que je prends trop de place, quoi. Mais de... Ouais, de vraiment pas voir. Et du coup, après cette sieste qui n'a pas... Malheureusement, pas tout résolu. J'envoie un SMS à maman parce qu'en fait je suis incapable de descendre les escaliers donc je peux pas aller la voir en vrai. Et donc c'est ça qui est assez étrange, c'est que je lui envoie un message en lui disant je crois qu'il faut m'emmener à l'hôpital. Et donc comme si, enfin à la fois je sens qu'il y a une urgence ou qu'il y a un truc qui va pas et en même temps...

  • Speaker #1

    Ouais peut-être une urgence physique, peut-être que tu pensais que c'était purement somatique quoi à ce moment-là.

  • Speaker #0

    Oui c'est ça. L'urgence de là, mon corps est très fatigué.

  • Speaker #1

    C'est bizarre, j'ai peut-être une petite carence. Et en même temps,

  • Speaker #0

    direct après lui avoir envoyé ce message, je regrette en me disant qu'il va me dire que je suis fatiguée, qu'il doit ralentir alors que je ne dois pas ralentir. Mais oui, en tout cas, un décalage énorme entre la réalité et dans ma tête.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, tu le perçois, ce décalage-là ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais aujourd'hui, c'est possible pour toi de te dire, à ce moment-là, j'étais déjà bien malade, j'étais au fin fond. Mais j'imagine qu'il t'a fallu du temps pour admettre ça.

  • Speaker #0

    Oui, il m'a fallu des mois, c'est sûr. Peut-être des années pour capter la profondeur. Ouais, sur le coup, c'est marrant parce que je me souviens, du coup j'ai été hospitalisée en urgence, et je me souviens me dire, en fait je suis juste fatiguée, je vais me reposer et je rentrerai à la maison. Et dire ça à mes copines, en mode, je suis pas là ce week-end au week-end scout parce qu'on m'oblige à rester à l'hôpital, mais en trois semaines je suis là quoi, enfin un truc... Et d'être incapable d'intégrer que c'était pas que ça. Et de me retrouver dans un service avec des filles toutes plus maigres les unes que les autres. Et vraiment, je me dis, mais qu'est-ce que je fous là ? En fait, je prends la place d'une fille qui en aurait besoin.

  • Speaker #1

    Tes copines, elles te disaient quoi, elles ? Parce qu'elles ont dû te voir changer aussi au fur et à mesure.

  • Speaker #0

    Mes copines, il y a un peu eu toutes les réactions. Les copines du lycée, ça a plutôt été de... Je ne sais pas quoi faire pour toi, je disparais de ta vie. Ça a été hyper dur sur le coup. Aujourd'hui, je le comprends. Je pense qu'elles se sont protégées et que je ne savais pas quoi faire. Elles ont continué leur vie d'ado. Les copines des scouts, je pense que dès le début, dès le jour où je suis rentrée à l'hôpital, elles m'ont fait comprendre qu'elles avaient plutôt capté ce qui se passait. Et qu'à aucun moment elle me lâcherait. Et qu'à aucun moment elle lâcherait la conviction que je m'en sortirais un jour. Et de fait, c'est assez fou. En tout cas pendant des années, ça a été des socles sur lesquels, quand moi j'y croyais pas ou plus, elles étaient là et elles y croyaient pour moi. Tous en sachant parfois dire, en fait la Camille c'est pas de notre sort, là machin, fin. En se protégeant aussi elle-même, parce que ce n'était pas mes petits.

  • Speaker #1

    Tu dis des années, donc tu nous spoiles un peu sur la suite. Ça a été long, sans blague. Comment se passe, tu parles de janvier là, où c'est un peu le début de l'autre côté, j'ai envie de dire. Ou quelque part, même si j'imagine que tu étais encore dans le déni, il y a quand même un truc physiquement qui essaie de te sortir du déni. et du coup Je ne sais pas combien de temps ça... Non, ce n'est même pas ça ma question. Je ne sais même pas comment te poser la question. C'est un peu comme toi, tu auras envie de le raconter, mais... Ça a été quoi les étapes finalement que tu pourrais nommer dans cette guérison, tu vois, cette sortie de l'anorexie ?

  • Speaker #0

    Il y en a eu beaucoup !

  • Speaker #1

    Bah ouais, j'imagine. Et puis c'est pas facile, tu te demandes de presque conceptualiser, tu vois, un truc que toi t'as vécu.

  • Speaker #0

    Je pense que l'une des premières étapes, ça a été... Du coup, j'ai été hospitalisée en urgence. Je suis restée deux mois et demi. J'ai très vite compris que pour sortir, il fallait que j'atteigne un poids, le poids qu'il voulait quoi. Et que pour reprendre du poids, il fallait manger. Donc j'ai mangé, j'ai repris du poids, je suis sortie. Et je me suis dit, du coup, il faut que je mange pour pouvoir sortir, pour pouvoir recommencer plus loin et plus fort. Parce que je n'ai pas été assez loin. Donc c'est ce qui s'est passé. Je suis sortie et ça a été encore pire. Mon corps a tenu encore plus loin. Je suis réarrivée aux urgences un mois et demi après être sortie de l'hôpital. Et en arrivant aux urgences, un médecin me dit « je ne sais pas comment c'est possible que vous soyez encore vivante » . À ce moment-là, j'ai capté que je pouvais mourir. Je pense que ça m'a sortie de ma toute-puissance. Le mec ne me connaît pas, juste il m'a vu arriver, il m'a pesé, fait trois prises de sang et pris ma tension. Et donc je pense que ça m'a emmenée dans une autre dimension, puisque ce qui est sorti direct c'est moi je ne veux pas mourir. Donc je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas comment je vais m'en sortir, mais lui il me dit je ne sais pas comment vous êtes vivante et moi je veux être vivante. Et donc je pense que ça a ancré un truc qui ensuite est toujours resté là. De, moi je veux être une vivante quoi. Et donc ça prendra des chemins pas toujours les plus directs, mais j'ai envie de vivre au fond. Et oui, ça a ensuite toujours mené mon chemin.

  • Speaker #1

    Ok. Et du coup, il y a eu plusieurs hospices comme ça, des allers-retours ?

  • Speaker #0

    Du coup, la deuxième hospice, je suis restée 5 mois.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'était long.

  • Speaker #1

    T'étais sur l'île à l'époque ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Pour le coup, dans un service hyper spécialisé, avec des professionnels vraiment... vraiment bien. C'était dur, mais c'était une prise en charge bénéfique. J'étais pas juste enfermée entre quatre murs et gavée sans accompagnement. Et en sortant... Du coup, après, j'ai redoublé mon année de première puisque je n'avais pas été en cours, enfin, quasi pas de l'année. Et donc, toute la fin de mon année lycée, j'étais à l'hôpital deux jours, trois jours par semaine et deux jours en cours. Et donc, je faisais ce qu'il fallait pour ne pas être réhospitalisée à plein temps, quoi, en gros.

  • Speaker #1

    Ouais, tu maintenais le truc, mais...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Mais parce que j'étais pesée deux fois par semaine à l'hôpital et que du coup, il fallait... Il fallait faire ce qu'il faut, quoi. Mais tout en étant...

  • Speaker #1

    Mais tout en ne voulant toujours pas grossir. Enfin, tu lâchais pas, quoi. Il y a un truc, tu lâchais pas. Non,

  • Speaker #0

    je lâchais pas. Moralement, ça allait vraiment pas. Pour le coup... Parce que du coup, j'avais plus cette possibilité de tenir par la restriction totale.

  • Speaker #1

    C'est ça. T'es dans un espèce d'entre-deux où finalement, t'es un peu nulle part, quoi. Oui, c'est ça. Oui.

  • Speaker #0

    Ouais, plus, du coup, d'être deux jours par semaine au lycée, en fait, les autres ne comprennent pas, moi je ne comprends pas non plus.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Voilà. Mais j'étais interne, en sortant du coup, je suis devenue interne, et donc du coup la journée j'étais à l'hôpital, et le soir je revenais à l'internat au lycée. Et ça c'était vraiment des chouettes moments, j'étais dans une chambre avec une très bonne copine, et je pense que c'est ce qui m'a permis de tenir à peu près, d'avoir ces moments-là.

  • Speaker #1

    L'amitié, encore.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et je suis dans ma chambre avec une copine de scout.

  • Speaker #1

    En plus ! Incroyable.

  • Speaker #0

    Donc ouais, ça passe comme ça. Et en terminale, le Covid arrive. En même temps, un mois avant mes 18 ans. Et donc à ce moment-là, le jour de mes 18 ans, je me dis Ok Camille, c'est terminé. En fait, t'as vu, ça fait 2-3 ans que ça dure. Maintenant t'as 18 ans, t'es une grande fille, c'est fini. Donc du jour au lendemain, je mange normalement, je cours un peu moins, enfin, en tout cas dans mes comportements de ce qui est visible. Ça va bien, quoi.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Et apparemment, mes prélèveurs ne comprennent pas ce qui se passe, mais...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Mais... Et ça tient un mois et demi, je pense. Ce qui est quand même pas mal.

  • Speaker #1

    Ok. Mais quand tu dis... Petite précision, parce que tu dis de l'extérieur... Voilà, de l'extérieur, c'était comme ça. À l'intérieur, c'était comment ?

  • Speaker #0

    À l'intérieur, c'était une haine de mon corps. Enfin...

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Très violente, quoi. Et en même temps, un... Un truc de... Enfin, le désir de vivre bien, enfin je sais pas comment dire. Et comme si du coup il y avait un truc de bon, en fait j'ai tellement envie de vivre et d'avoir une vie normale que pendant un temps, je mets de côté tout ce qui... Enfin si l'anorexie était là, c'est qu'elle me permettait des choses quoi. Donc je mets de côté tout ce qui est d'habitude sauvé par l'anorexie. Je sais pas trop comment dire.

  • Speaker #1

    Ouais ouais.

  • Speaker #0

    Et je pense, enfin pendant le confinement, tous les frères et sœurs sont rentrés à la maison. Je pense que ça m'a aussi aidée. Ça fait trois ans qu'on n'a pas vécu ensemble. J'ai envie que ces moments soient chouettes entre nous. Et pas que ce soit Camille n'a encore rien mangé, Camille est partie courir. Et en même temps, se retrouver en famille, ce n'est pas facile quand les grands sont partis. Et donc, dès qu'au bout d'un mois, les tensions dans la famille sont revenues un peu au grand galop, et donc moi, c'est ça qui a repris. Et donc, je me suis réarrêtée du jour au lendemain de manger. Et donc, après ça, fin du lycée, je me dis, qu'est-ce que je vais faire de ma vie ? Et je me dis, j'ai été voir une conseillère d'orientation qui me dit, ah mais vous serez une super psychomotricienne.

  • Speaker #1

    Tiens, tiens.

  • Speaker #0

    donc ok super ça on donne une voie toute tracée très bien donc je postule je suis prise et je pense qu'à ce moment là je capte, enfin en tout cas je me dis en fait je peux pas aller dans cette formation alors que moi même je suis incapable de regarder mon corps et que mes émotions c'est la tempête et ça n'existe pas pour moi enfin en tout cas je capte que c'est pas du tout le bon timing ouais Et que j'ai besoin, j'ai été prise dans une école à Lille, donc à côté de chez mes parents, et en fait j'ai besoin de partir. Je pense que je ne me le dis pas consciemment, mais que c'était j'ai besoin de partir pour ne plus être surveillée et pour pouvoir recommencer ma vie. ma course est freinée à la maigreur, au contrôle. Je pars dans une autre formation qui était très chouette à Angers, à 700 km de chez les parents.

  • Speaker #1

    Mais dans une ville magnifique.

  • Speaker #0

    Dans une ville magnifique. qui deviendra ma ville préférée voilà merci donc j'arrive à Angers où je connais rien, personne et donc liberté absolue et là ça repart de plus belle et là ça repart de plus belle liberté absolue et du coup en sécurité totale parce que je connais personne et donc qui dit en sécurité il dit besoin de contrôle et donc donc c'est ça Camille qui doit faire ses courses toute seule Non mais c'est ça.

  • Speaker #1

    C'est ça, quand tu dis liberté, liberté totale, tu avais la totale liberté de t'enfermer comme tu voulais, de t'emprisonner dans l'anorexie, parce qu'en fait, c'est ça.

  • Speaker #0

    Oui, c'est l'illusion de la liberté.

  • Speaker #1

    Oui, c'est quel enfer.

  • Speaker #0

    Et donc, oui, ça repart de plus belle. Et je crois qu'à ce moment-là, ce qui est hyper dur, c'est que j'ai conscience que ce n'est pas ce que je veux pour ma vie, mais que je ne peux rien faire contre. Et donc, je me vois aller courir 15 bornes tous les soirs. Je me vois manger pas du tout assez, enfin, quasi rien.

  • Speaker #1

    Et cette haine de ton corps, elle est toujours là ? Ou tu as l'impression qu'elle est un peu moins là dès que tu reprends le contrôle, en fait ? Oui, c'est ça qui est terrible. Non, mais c'est ça qui est terrible, effectivement. Tu disais... Il y a l'envie de revivre autrement, enfin de vivre, et en même temps si tu essaies de vivre et donc de lâcher un peu, tu as une haine féroce de toi-même qui arrive, mais qui est insupportable. portable à vivre. Après, les personnes qui nous écoutent sont majoritairement des gens qui sont passés par les troubles alimentaires et qui savent de quoi on parle. Mais quand on n'est pas passé par là, c'est difficile de décrire ce que ça peut faire.

  • Speaker #0

    C'est ça. Et en fait, j'ai hâte de mon corps. s'incarne sur mon corps mais c'est elle de moi je suis de comment je suis je voudrais être dans un autre corps, dans une autre personne quelqu'un d'autre c'est horrible et donc tu dis,

  • Speaker #1

    parce que c'est quand même hyper important parce que tu dis que t'as cette conscience et d'ailleurs c'est aussi horrible à vivre de dire je veux pas ça c'est l'enfer mais j'ai pas le choix, je sais pas comment faire autrement et ça dure combien de temps ? cette espèce d'entre-deux ?

  • Speaker #0

    Ça dure longtemps. En tout cas, quand j'arrive à Angers, je pense que ça dure 5-6 mois, le temps de reperdre suffisamment de poids pour que mon corps me dit stop. En mars-avril, l'école me renvoie chez moi en me disant qu'Amy... Pour nous, ça n'a pas de sens que tu viennes en cours et que tu sois première de classe alors que tu ne tiens plus debout. Donc viens prendre soin de toi et tu reviendras en cours quand ce sera possible pour toi. Et donc je rentre chez les parents, qui m'emmènent à l'hôpital. Et là, je refuse d'être hospitalisée. Comme j'étais majeure, mes parents n'avaient plus leur mot à dire. Et en même temps, je me dis, du coup, si je refuse, c'est ma responsabilité. Et du coup, ça va un peu mieux, mais en fait, dans un entre-deux, si l'anorexie est là, il y a une raison, donc je ne peux pas la faire disparaître du jour au lendemain. Et en même temps, il faut que ça parte, puisque je ne peux pas vivre comme ça. Et donc là, je dirais que du coup, c'est 4-5 ans de cet entre-deux où il y a plein de périodes où ça ne va pas du tout. Mais quand ça commence à vraiment ne pas aller du tout, je reprends un peu, je remonte un peu la barre. Et du coup, ça va un peu mieux pour tenir.

  • Speaker #1

    Oui, et encore quand tu dis quand ça ne va pas du tout, c'est que ton poids chute. C'est ça,

  • Speaker #0

    quand tu dis tu reprends mon poids chute ou mon énergie ne me permet plus d'avoir un quotidien normal.

  • Speaker #1

    Mais finalement, toutes les phases où tu as ce quotidien normal et que ça tient à peu près. Est-ce que pour autant ça va bien ?

  • Speaker #0

    Ah non ! C'est plus des comportements anorexiques qui prennent toute la place, mais ça va pas.

  • Speaker #1

    4-5 ans comme ça. Et qu'est-ce qui fait que... Je sais bien que c'est pas... Ah j'ai eu tel déclic tel jour à telle heure. Parfois si, il y a quand même un déclic important ou plusieurs. Mais dans ton cas, qu'est-ce qui a fait ? qu'à un moment donné, ça a été possible de sortir de ce fonctionnement-là. Est-ce que tu avais de l'aide quand même aussi, un suivi psy ou autre ?

  • Speaker #0

    Oui, j'avais un suivi psy. Avec qui, c'est marrant, je ne comprenais pas du tout sur le coup. Et en fait, aujourd'hui, je trouve ça hyper smart comme méthode. Mais je suis arrivée en lui disant, je suis anorexique, il faut m'aider. Et je crois qu'on n'a quasi jamais parlé de l'anorexie. Parce qu'en fait, c'était pas vraiment ça le problème. En tout cas, il y a des choses à aller voir là-dedans. Oui, la question c'est d'où ça vient. Donc ça, c'était des lieux hyper précieux. Et en fait, il y a eu plein de petits déclics, de rencontres avec des gens, de moments dans ma foi où ça m'aidait à avancer, deux de choses que je vive et qui me rallument dans le fait que ça vaut le coup de vivre et d'être en forme pour pouvoir vivre des choses comme ça. Plein de petits trucs. Et en fait, je finis mes études, après je bosse un an et en fait, à la fois le fonctionnement de la structure, je ne m'y suis pas retrouvée. Il y a des trucs dans la structure qui vous excèdent. que c'était pas forcément sain, moi, le fait que ça aille pas bien, bah du coup, en fait, ça se répercutait au boulot, enfin voilà. Et donc, j'arrête le travail en mode, je sais pas si on peut parler de burn-out, mais en tout cas, un peu comme à ce cours de danse où j'ai pas pu aller, quoi. Un matin, j'ai pas pu me lever pour aller au travail.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et du coup, un peu, j'ai l'impression de retoucher le fond. À ce moment-là, en fait maintenant c'est ma vie d'adulte, c'est plus Camille de 16 ans qui en fait est chez ses parents et ne gère pas trop sa vie. Là c'est Camille de 21 ans qui, si je ne fais rien pour moi, personne ne fera rien pour moi et ce n'est pas ça que je veux pour ma vie. Et donc je pense que tous les petits déclics d'avant... Cette envie de vivre pour de vrai, elle est toujours restée là. Je pense qu'au fur et à mesure, elle a pris de plus en plus de place. Au moment où j'arrête mon travail, j'ai ma première nièce qui naît. Je suis sa marraine. Et donc en fait, c'est... Enfin, tout le long de la grossesse, quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé qu'ils attendaient un bébé, ça a été incroyable. En tout cas, ça a vraiment eu un impact sur mon quotidien. De me dire, mais Camille, tu vas être la marraine de ce bébé qui, pour l'instant, fait 25 grammes dans un ventre. Et donc, tu peux pas vivre à moitié, tu peux pas...

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Enfin, tu peux pas ne pas aller bien, quoi. Et donc j'arrête le travail et Gabriel, ma nièce, naît et je me retrouve avec ce petit bébé dans les bras. Il y a vraiment un truc en moi qui s'ancre de « en fait Gabriel ne me connaîtra pas malade » . Et c'est pas pour elle, mais c'est parce que moi j'ai envie d'être une femme debout, d'être un exemple, je sais pas, mais en tout cas un modèle parmi plein d'autres de femmes épanouies pour cette petite fille qui vient de naître. Et donc, je vais me donner tous les moyens qu'il faut pour en sortir pour de bon, quoi. Je viens de passer une semaine avec elle. Trop bien. Elle a un an et demi. Je pense que ça a vraiment été ça, le switch, quoi.

  • Speaker #1

    Ouais, comme tu dis, c'est intéressant. C'est le déclic qui est venu mettre en route tous les autres, quoi. Quelque part, ça se... Ça s'est colmaté pour pouvoir faire un truc suffisamment gros pour y aller.

  • Speaker #0

    Ça n'a pas changé ma vie du jour au lendemain.

  • Speaker #1

    Tu t'es pas réveillée en mangeant normalement, en étant bien dans le bureau.

  • Speaker #0

    En regardant dans le bureau.

  • Speaker #1

    Incroyable. Il y a plein de gens qui vont arrêter l'écoute maintenant. Merde ! Toujours pas là, la solution !

  • Speaker #0

    Non, mais par contre... Ça a ancré en moi ce truc de je vais me donner les moyens, quoi qu'il arrive, je suis prête à tout. Et je sais que ça va être difficile, que je vais passer des soirs à pleurer après avoir mangé, que je vais détester tous ceux qui seront contents de me voir en forme, parce que pour moi être en forme ça veut dire avoir repris du poids, ça veut dire je sais pas quoi, mais c'est pas grave. En tout cas, je sais que ce ne sera pas ça toute ma vie.

  • Speaker #1

    Ok, ça c'est important. Et je ne sais pas trop d'où ça devenait de savoir ça, mais c'est vachement important de pouvoir en avoir conscience que la guérison, surtout d'anorexie, je dirais, parce que peut-être que pour boulimie, hyperphagie... Je ne dirais pas tout à fait la même chose parce que les symptômes sont tellement envahissants, les crises, que ça fait une grosse plus-value déjà quand ça diminue et que ça s'arrête. Et même si le chemin continue d'être un peu complexe dans l'image de soi, dans plein de trucs, tu as cette grosse plus-value. Mais d'avoir conscience que quand tu te lances dans ce chemin de guérison, que tous les trucs compliqués que tu vas vivre, ce ne sont pas les trucs que tu te coltines à de vitam aeternam.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Que oui, tu vas avoir besoin de reprendre du poids, mais que ça va s'arrêter, que tu ne vas pas grossir sans t'arrêter jusqu'à la fin de ta vie. Tu vois, qu'il y a plein de choses qui appartiennent à des phases de guérison. Mais c'est fou en fait que tu aies eu conscience de ça.

  • Speaker #0

    Oui, je pense que toutes les journées passées à l'hôpital de jour, ce que disent les médecins, en fait, à un moment ça rentre. On ne les croit pas sur le coup, mais ça imprègne quand même. De voir des copines de mon âge qui en fait sont bien dans leur corps, ou en tout cas comme toutes les... Oui, en tout cas que ça n'empêche pas de vivre,

  • Speaker #1

    de ne pas toujours aimer telle ou telle partie de leur corps.

  • Speaker #0

    D'avoir des exemples autour de moi de jeunes filles et de femmes épanouies dans leur vie, je pense que ça a ancré en moi un truc de moi aussi je peux. Je ne suis pas différente, je ne suis pas plus bizarre que les autres, et donc moi aussi ça arrivera.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te souviens de... je sais pas comment... comment t'as fait... tu vois c'est un peu en mode... ouais c'est ça, qu'est-ce qui toi t'a été utile, comment t'as fait pour lutter contre cette peur de grossir ? Parce que j'imagine bien que t'avais cette envie de vivre, de retrouver une vie normale, et que tu savais que ça passerait par le fait de manger, et que ça allait passer aussi par le fait de reprendre du poids. Comment t'as fait pour gérer ça ?

  • Speaker #0

    J'ai décidé de prendre un an off, un an où je ne travaillais pas, où je ne faisais pas d'études, et où c'était ça, c'était ton job. Oui, c'était ça mon job. Un peu dur à expliquer autour de moi, mais en tout cas je sentais que ça demande tellement d'énergie et tellement d'investissement que si je devais la mettre ailleurs, je n'y arriverais pas. Donc ça a été ce premier choix, et après de reprendre tout mon parcours et de me dire ok, ça c'est pas travaillé, ça il reste un enjeu, ça machin, et de quoi j'ai besoin pour le cadrer et m'aider à avancer. Et donc j'ai repris un suivi à l'hôpital de jour à Angers. J'ai commencé un suivi avec une psychomote, qui revient. J'ai continué avec la psy que je voyais. J'ai été voir une psy qui faisait de l'EMDR. Et voilà, c'est déjà pas mal je crois. Et chaque personne que j'allais voir, je lui disais, avec toi c'est ça que je veux bosser. Avec la dame qui faisait de l'EMDR, j'ai été la voir en lui disant « Je sais que tel moment, tel moment, tel moment, ça a ancré en moi des croyances limitantes, des je sais pas quoi, donc allez, on bosse sur ça pour que moi ça me libère derrière. » J'allais voir la psychomote en lui disant « Le problème, c'est que j'ai besoin de capter comment est mon corps aujourd'hui, de capter mes émotions, comment ça marche, de machin. » Avec la psychomote, on bosse ça. Avec l'hôpital de jour, j'ai besoin d'avoir une diététicienne qui me dit Un repas complet, c'est ça, ça, ça, et je l'applique derrière. Vraiment ce truc de me dire de quoi j'ai besoin, je le mets en place et je le suis coûte que coûte. Et quand j'ai envie de lâcher, je pense à ce petit bébé qui était dans mes bras.

  • Speaker #1

    Et à la petite fille qu'elle deviendra. C'est l'exemple que tu as envie d'être pour elle.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'était hyper joyeux. Même quand je pleurais après, en rentrant d'une sortie resto avec des copines parce que j'étais en PLS d'avoir pris une boule de glace au dessert et que je me disais que ça y est, j'allais reprendre 25 kilos et que c'était dramatique. En fait, il y avait quelque chose d'assez joyeux là-dedans parce que je savais que ça m'emmènerait vers une vie, vers la vie que j'ai envie d'avoir. Et que j'étais hyper entourée par des copains, par les frères et sœurs. qui me disaient qu'ils étaient trop fiers de moi. Et voilà, quoi.

  • Speaker #1

    Oui, mais il y a quand même un truc fort chez toi, déjà d'un amour de la vie et d'une envie de vivre. Tu vois, un truc qui semble ne pas s'être éteint. Et aussi d'une foi en toi et dans la guérison, sans doute portée aussi par tes proches, parce que tu le disais, tes copines... des scouts te l'ont verbalisé en fait qu'elles croyaient au fait que tu allais guérir de ça et qu'elles seraient là peu importe le temps que ça prendrait et est-ce que c'est cette foi en toi communicante tu vois qui t'a permis mais en tout cas il y a comme un truc de ok je vais vers là je vais y arriver et finalement chaque pas que je fais même s'il est un peu douloureux je sais que ça m'emmène vers ça donc c'est chouette Et c'est fou, j'imagine que c'est hyper porteur, mais je trouve ça un peu fou. Tout le monde n'est pas doté de ça.

  • Speaker #0

    De fait, c'est assez souvent ce qu'on me renvoie. Quand je rencontre des gens que je discute, à chaque fois, ils sont assez étonnés de me dire, mais Camille, d'où ça vient ? Je ne sais pas trop.

  • Speaker #1

    Comme une espèce de confiance intrinsèque, en fait. Alors une confiance en toi, en la vie, dans les autres, j'en sais rien finalement. Mais comme un... Est-ce que c'est pas comme ça qu'on appelle les gens qui sont optimistes ? Est-ce que c'est pas ce mot-là qu'on met sur ce que ça va fonctionner ? Je sais pas. Je ne me considère pas du tout comme étant une personne optimiste, malheureusement. Donc j'ai beaucoup d'admiration pour les gens qui le sont. Mais en tout cas, je perçois que c'est... Je pense que ça a été quelque chose de vraiment aidant, quoi.

  • Speaker #0

    pour toi. Je pense que la place de la foi dans ma vie a aussi un énorme rôle. Je ne suis pas sûre de me retrouver dans l'église d'aujourd'hui. Il y a plein de trucs qui me dérangent et qui me mettent en colère. Mais le message... Le message du Christ transmis dans la religion chrétienne avec lequel j'ai grandi, c'est vraiment un message d'espérance. Derrière la pire des misères, la pire des souffrances, il y a la vie qui peut surgir. Et je pense que, mine de rien, ça a ancré un truc en moi. Là, c'est un peu le fond du trou, mais derrière, il peut y avoir la vie. C'est quoi le chemin pour ça ? Ça peut être un peu long.

  • Speaker #1

    Ouais, mais je pense qu'effectivement, ça fait sens, le fait que c'est sûrement... C'est sûrement, j'en sais rien. En tout cas, on peut imaginer que ça vienne de là. Et tu vois, en t'écoutant, je me disais, bah ouais, je pense qu'il y a encore des tas de gens qui sont croyants, de différentes religions, mais il y en a quand même beaucoup moins qu'il y a 100, 200 ans. Et mine de rien, ça joue quelque chose aussi dans notre façon d'appréhender la vie. et ce qui nous arrive. Et je pense qu'on peut être athée, mais développer ça d'une autre manière, tu vois. Mais encore, faut-il qu'on nous l'amène aussi dans l'enfance. Et c'est vrai que quand tu nais dans une famille qui a une foi, dans une religion ou une autre, du coup, tu as la transmission de choses comme ça, je pense.

  • Speaker #0

    Je pense aussi, en fait, d'avoir eu plein de moments de... Bon allez, je me donne les moyens, ça va un peu mieux. Oui, c'est dur. Et puis d'un coup je lâche. Et du coup en fait, ce qui a été dur dans les efforts, ça n'a servi à rien. Il faut recommencer de zéro, machin. Il y a un peu eu le truc de, du coup maintenant soit j'y vais pour de bon, soit j'y vais pas quoi. Mais d'arrêter de faire ces petits allers-retours.

  • Speaker #1

    Mais est-ce que tu penses quand même qu'ils t'ont aidé ces allers-retours ?

  • Speaker #0

    Ah bah oui, c'est sûr.

  • Speaker #1

    En termes aussi de ce que t'as pu expérimenter dans des moments où mine de rien ça allait un peu mieux.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, c'est sûr. et puis de comprendre Je pense qu'au début, je partais de « si j'arrête de manger, c'est juste que je suis pas bien dans mon corps » . La fois suivante, j'ai compris que « ok, si j'arrête de manger, c'est parce que je suis trop pleine de plein d'émotions, je sais pas quoi en faire et donc je cherche le vide ailleurs » . La fois d'après, j'ai compris que... Donc en fait, à chaque fois, ça m'a donné des clés de compréhension de pourquoi ce trouble est là. Et c'est pas juste que je suis pas bien dans mon corps, parce qu'il y a plein d'ados pas bien dans leur corps, c'est pas pour ça qu'elles arrêtent de manger, quoi. Et donc, je pense que... Une fois qu'il y avait suffisamment de bases, de compréhensions, de clés à droite à gauche, c'est ça, il y a un moment où c'était l'heure.

  • Speaker #1

    C'est cool parce qu'elle est quand même venue, enfin ça a dû te paraître long, mais elle est venue tôt quand même cette heure. Même si je comprends, on parlait quand même tout à l'heure de 4-5 ans, c'est hyper long. Mais je veux dire, moi je l'accompagne des personnes. qui se comptent des troubles alimentaires depuis 20 ans, 30 ans, tu vois.

  • Speaker #0

    Eh ben, c'est sûr. Oui, ça m'est apparu. Je pense qu'entre la toussain dont on parlait, là.

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    Et la faim, il y a eu, je sais pas, 8 ans, peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais,

  • Speaker #0

    7-8 ans.

  • Speaker #1

    Non, mais c'est long. C'est quand même... À l'échelle de ta vie, ça reste...

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #1

    Enfin, je veux dire, c'est un tiers de ta vie, quand même.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est énorme.

  • Speaker #1

    Tu vois, dit comme ça... Mais dis-toi que moi, j'ai passé... Moi, je viens d'avoir 40 ans, On a les troubles alimentaires, tu vois.

  • Speaker #0

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Donc, bon.

  • Speaker #0

    Et en tout cas, je me sens... À chaque fois que je regarde d'où je viens et mon parcours, je suis impressionnée par tous les gens qui ont été sur ma route, quoi. Autant les copains que les inconnus du train qui te lâchent une petite phrase et ça change toute ta semaine, que les médecins, les psys qui m'ont accompagnée. Enfin, je me suis jamais retrouvée face à un con. Et en fait, je pense que... Ou alors tu les as pas entendues,

  • Speaker #1

    parce que j'ai du mal à voir qu'il n'y ait jamais eu de phrases pas ouf ou quoi, mais peut-être que ça s'est juste pas imprimé chez toi.

  • Speaker #0

    En tout cas, les autres compensaient suffisamment pour que Céline ne compte pas. Et donc de fait, je me sens hyper chanceuse de ça.

  • Speaker #1

    Moi, je me demande tout ce qui t'attend, parce que je me dis... Tu es jeune ! T'as déjà vécu beaucoup de choses, finalement. Et tu pars avec une base, je pense, quand même relativement solide de connaissances de toi que plein de gens n'ont même pas à 40 ans, je pense. Donc c'est cool. Enfin, je sais pas comment tu vois ça. Est-ce qu'aujourd'hui, t'es en mesure de te dire « Ouais, ça m'a quand même apporté. » cette maladie, même si ça t'a forcément enlevé, ça t'a ôté des choses aussi peut-être des moments de vie mais à fond

  • Speaker #0

    En tout cas, aujourd'hui, c'est ouf, là ça fait des mois que je me lève le matin en me disant en fait je suis trop heureuse d'être la femme que je suis, dans mon caractère, dans mes valeurs, dans mon corps, dans mes activités, et en fait c'est tellement reposant de ne pas avoir cette question dans la tête en permanence de est-ce qu'il faudrait que je change, qu'est-ce que machin, qu'est-ce que truc, je suis là quoi,

  • Speaker #1

    et ça c'est ouf. Non mais c'est fou, c'est incroyable, non mais en vrai pour moi ça fait la boucle aussi avec ce qu'on s'est dit au tout début sur la question de la place, en fait à plein de moments dans ton discours, dans ton récit, j'ai entendu la question de la place, tu vois, et dès toute petite en fait dans ta place dans la fratrie et ta place avec tes parents et la place que tu ne voulais pas prendre pour pas déranger, pour pas voilà, et en fait là tu dis bah aujourd'hui juste en fait je suis là.

  • Speaker #0

    il y a un truc de de fait ma place je l'ai j'ai pas à me contorsionner pour rentrer dans un truc ouais bah je suis là ça c'était marquant en début d'année parce que du coup j'ai commencé la formation en petit commode je suis revenue en septembre et donc hyper vite je capte qu'en fait je me sens pas à ma place Je me demande ce que je fais là, je passe les cours à dire que ça m'intéresse pas et à faire du coloriage. Mais ma tête, enfin donc mon cœur me dit Camille, stop, c'est pas grave. Ma tête me dit en fait t'as commencé, donc tu vas au bout et voilà. Et donc au bout de trois semaines, crise d'angoisse avant d'aller en cours le matin, en rentrant de cours le soir, parce qu'en fait je sais plus faire quoi, de pas être à ma place. Et consciemment, je me dis, mais en fait là, d'habitude, j'aurais arrêté de manger pour pouvoir continuer. Et du coup, je me dis, merde, maintenant que ça, ce n'est plus une option, comment je vais faire pour tenir dans cet environnement ? Et donc, en fait, c'est que du coup, il faut changer l'environnement. Mais c'était hyper... J'ai trouvé ça ouf d'avoir conscience de ça et de me dire... Et donc, vraiment, tous mes pas de séparatettes, de me dire, je vais devoir commencer à fumer. Je suis en plus que ça coûte cher,

  • Speaker #1

    vraiment drogue, je sais pas où je vais pouvoir la trouver.

  • Speaker #0

    C'est ça, en tout cas de me dire ok, quelle autre stratégie je vais trouver pour essayer de tenir dans un environnement dans lequel je suis bien. C'est fou. Et donc assez vite j'ai conclu qu'il fallait changer l'environnement.

  • Speaker #1

    Non mais en même temps ça venait de chercher sur le perfectionnisme quoi, je veux dire c'est pas rien. Ça venait de chercher sur la bonne élève, sur d'être à la hauteur de ce qu'on attend de toi tu vois. Parce que abandonner, j'utilise ce mot-là volontairement, alors qu'en vrai, je ne suis pas sûre qu'on puisse mettre ce mot-là sur ce qui s'est passé, mais je viens volontairement abandonner cette reprise d'études. C'était peut-être décevoir ou pas être là où on t'attendait. Franchement, je pense que ça venait de chercher sur des trucs hyper compliqués. Donc, c'est assez dingue. C'est dingue de voir les mécanismes qui se mettent en place. c'est trop intéressant, mais c'est fou aussi que tu aies pu les conscientiser et prendre ça en main enfin tu vois, te décaler et choisir une autre solution si vite c'est sûr,

  • Speaker #0

    et en appelant la décision de moi à moi était hyper paisible et très... je me suis remise à dormir et tout allait bien quand j'ai décidé que j'allais arrêter Le moment où il faut appeler les parents, les copains, aller voir le directeur, et assumer ça devant l'autre, je n'étais pas aussi paisible. Je me rappelais de ce qui est important, c'est d'être alignée avec moi, et les autres y comprendront. En tout cas, je n'ai rien à leur prouver. Mais de fait, ce n'était pas si simple.

  • Speaker #1

    Non, j'imagine bien. J'imagine bien. En fait, c'était... C'était simple et évident, mais compliqué dans la mise en œuvre finalement, ou en tout cas dans ce que tu projetais de la mise en œuvre.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et puis, dans un truc de... Je pense que ça a aussi été, et c'est aussi parce qu'il y a plein de gens qui ne sont pas du tout au courant que j'ai arrêté, donc je vais continuer à le dire au fur et à mesure. C'est la peur que les autres se disent... ah merde mais c'est que Camille elle va pas bien et qu'elle réarrête un truc alors qu'en fait je vais bien c'est plutôt le signe inverse même ouais c'est ça mais que j'ai pas le courage d'avoir encore ce regard sur moi de les autres s'inquiètent moi je t'informe que j'ai arrêté l'école que je vais chercher un travail tout va bien c'est pas grave mais C'est normal, je pense, que les autres continuent à s'inquiéter parce qu'ils t'aiment,

  • Speaker #1

    qu'ils veulent ton bonheur et qu'on ne peut pas s'empêcher en tant qu'autre de projeter nos trucs sur les autres et donc ils projettent.

  • Speaker #0

    Et donc qu'à chaque fois que je retrouve des copains que je n'ai pas vus depuis 3-4 mois, ils me font une tape un peu prolongée dans le dos pour voir si on sent beaucoup mes omoplates ou si ça va. Enfin, plein de petits signes de... En fait, ça arrête. Moi, j'ai l'impression que c'était il y a 40 000 ans. Dans la vie des autres, ça reste un sujet d'inquiétude encore aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais ça ne le sera pas toute la vie.

  • Speaker #0

    J'espère.

  • Speaker #1

    Non. Non, non. Enfin, de mon expérience, non. Mais parce que je me souviens de ça et de... Moi, j'ai des souvenirs, c'est intéressant que tu parles de ça. Je me souviens de repas avec certains membres de ma famille où je me forçais à manger au-dessus de mes besoins.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    alors que en plus si tu veux c'était post-anorexie mais oula j'étais loin d'être guérie parce que finalement j'en suis sortie que très très longtemps après ça mais j'ai été longtemps dans des entre-deux, des espèces de semi-guérison puis j'ai basculé plutôt vers la boulimie, enfin bref en tout cas les personnes avaient peur de l'anorexie, de la maigreur et donc fallait que je leur montre que je mangeais et du coup je me revois manger plus que ce que j'aurais mangé juste pour dire ok ça va bien, voyez ça va bien ... Ah ouais, si je prends une toute petite part, parce que j'ai pas très faim, est-ce qu'ils vont pas se dire, oh là là c'est parti, Flavie elle ressombre ? Bon, aujourd'hui, c'est un non-sujet, mais bon, c'était il y a très longtemps, moi pour le coup, c'était vraiment il y a très longtemps l'anorexie, mais voilà, je prends une petite part ou une grosse part, les gens se disent pas, tiens, est-ce que, voilà, c'est ancré, ok pour tout le monde, mais ouais. C'est pas le même rapport au temps, effectivement, pour toi et pour eux, quoi.

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça. Et qu'en fait j'ai tellement de fois dit non mais ça y est c'est fini ça va bien alors que pas du tout mais en moi je savais que c'était pas vrai et du coup pour eux c'est la même chose il y a 3 ans et aujourd'hui en moi c'est pas du tout la même chose.

  • Speaker #1

    C'est marrant ce que tu dis ça fait faire le lien avec un truc qu'on entend souvent le rapport entre une personne qui souffre d'anorexie et une personne qui a des problèmes de toxicomanie. Et du mensonge, en fait. Et de la difficulté aussi pour les proches. Par rapport à ça. Bon, bah écoute, je pense qu'on a fait le tour de pas mal de choses. Il y a une question que j'aime bien poser. La dernière question que j'aime poser aux personnes que je reçois dans le podcast, c'est de savoir ce que tu pourrais dire aux personnes qui nous écoutent. Qu'est-ce que t'aurais envie de dire à des personnes qui sont peut-être encore en plein dans la guerre que tu as connue, dans cette détestation de soi ? Que ce... Peu importe le trouble alimentaire, quel qu'il soit. Peu importe les symptômes finalement qui s'expriment, mais dans cette difficulté.

  • Speaker #0

    Eh ben plein de choses ! Que c'est dur, enfin que c'est l'enfer à vivre. Mais que l'enfer dure pas toujours. Enfin en tout cas, peut ne pas toujours durer. J'ai l'impression qu'on m'a jamais dit que c'était dur ce que je vivais. Et donc de me dire, bah ouais juste, c'est moi le problème, enfin... Alors qu'en fait, c'est horrible, en vrai, c'est un quotidien, c'est l'enfer, quoi. Mais que c'est possible de retrouver la vie pour de vrai. Et que, je pense, moi je me sentais hyper coupable de tous ces moments de rechute, de remontée, de, en fait, c'est parce que je suis pas assez forte, parce que je me suis pas accrochée, alors qu'en fait, je pense vraiment que juste, ça fait partie du chemin. Enfin, que des fois, on a besoin de retomber un peu pour capter... Des trucs pour comprendre ce qui nous manque, ce qu'on gagne, ce qu'on achète. Et pour derrière pouvoir remonter. Que c'est en marche d'escalier. Que ce n'est pas tout d'un coup du jour au lendemain. En baguette magique.

  • Speaker #1

    Et je dirais en marche d'escalier. J'aime bien l'image de l'escalier avec des fois des gros paliers. Et puis des fois tu as l'impression de redescendre quelques marches.

  • Speaker #0

    Oui. J'ai l'impression que le jour... où j'ai arrêté d'avoir honte d'être malade, où j'ai capté que j'étais malade et que du coup, ce n'était pas ma faute. Ça a été assez énorme de la place du regard des autres. En fait, des fois, je me justifiais un peu en disant « Non mais je suis malade, ce n'est pas de ma faute, je n'ai pas à faire d'efforts puisque c'est comme ça. » Mais aussi, en tout cas, ça a enlevé beaucoup de culpabilité. De me dire « J'y peux rien. » J'y peux rien d'être malade, par contre c'est ma responsabilité de me donner les moyens pour en sortir. Avec plus ou moins de temps et plus ou moins de moyens à disposition, mais... Ouais, je dirais ça je crois.

  • Speaker #1

    bah écoute merci c'est très chouette ouais ça j'ai l'impression que le message en fait j'espère que ça se ressent c'est vrai que les personnes n'ont pas l'image mais mais du coup tu es rayonnante mais déjà il y a quelques mois quand je t'avais vue c'était ça aussi tu vois beaucoup de il y a beaucoup de vie chez toi en fait je ne sais pas trop comment le dire différemment tu vois dans les yeux le sourire il y a vraiment quelque chose et je pense aussi que ça s'entend dans notre échange même juste à l'oral du fait que il y a cette énergie cet élan vital, c'est ça tu vois en toi, qui est fort mais en fait ce qu'on retrouve moi j'ai l'impression chez beaucoup de personnes qui souffrent d'anorexie derrière derrière tout ce qui vient masquer ça en réalité moi je me souviens de ça au fin fond de moi et Et je sais que ça se retrouve, je sais que c'est là, en fait j'ai envie de dire, il faut vachement de courage pour souffrir d'anorexie.

  • Speaker #0

    Bah ouais, j'ai vraiment l'impression de... j'avais tellement envie de vivre mais je ne savais juste pas comment faire. Et donc c'est quand même cet élan de vie qui était le moteur, pas dans le bon sens, mais de tout derrière. Qu'en fait ça a à un moment été mon moyen de survivre. dans un environnement, dans un contexte mais oui,

  • Speaker #1

    c'est un moyen de survie, c'est sûr, le trouble alimentaire mais survie, pas de vie quand on a envie de vivre et pas juste de survivre c'est pas la bonne solution écoute,

  • Speaker #0

    merci beaucoup d'être revenue donc c'était au plus bel zèle de France c'est ça,

  • Speaker #1

    ça donne l'occasion aussi de, enfin bon, c'est plutôt t'étais sur Angers et t'en as profité pour venir me voir, je vais pas faire genre t'es venue pour moi mais en tout cas Voilà, heureusement qu'Angers est une belle ville.

  • Speaker #0

    Grâce à ça, on a pu réenregistrer cet épisode. Merci beaucoup. Avec plaisir.

  • Speaker #1

    Un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode. Comme je te le dis souvent, ton soutien est super important. C'est même ça qui permet au podcast d'exister encore aujourd'hui. Alors, si mon contenu t'apporte de l'aide d'une quelconque manière que ce soit, sache que tu peux m'en redonner à ton tour. Pour ça, il y a plusieurs façons de faire. Tu peux tout d'abord partager le podcast. en parler autour de toi, à tes proches, mais aussi à des professionnels. Tu peux laisser 5 étoiles, notamment sur Spotify ou Apple Podcast, ou laisser ton meilleur commentaire. Mais depuis peu, j'ai aussi apporté une nouveauté qui te permet de me soutenir encore plus concrètement avec de l'argent. Effectivement, tu trouveras en description de cet épisode un lien qui te permettra de faire un don à la hauteur de ce que tu trouves que ce podcast t'a apporté. Merci, merci beaucoup. C'est grâce à ton soutien que ce travail va pouvoir continuer. Je te souhaite de prendre soin de toi autant que ce sera possible. Et je te dis à très bientôt sur un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation de Camille

    01:24

  • Son rapport au corps et à la nourriture dans l’enfance

    05:03

  • Le moment où c’est devenu un problème

    08:44

  • La dégringolade

    26:20

  • Le switch

    49:50

  • Ce que ce parcours avec les TCA lui a apporté

    01:04:40

  • Ce que Camille aimerait vous dire

    01:12:43

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