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TCA etc - Comprendre et lutter contre les troubles alimentaires

Libérée après 30 ans d’anorexie, le témoignage poignant de Muriel. TW : violence sexuelle. E.100

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57min |24/01/2025
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57min |24/01/2025
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Description

Muriel a passé 30 ans dans l’anorexie. 


Petite fille joviale pour qui l’alimentation était synonyme de plaisir et n’étais pas un sujet, elle bascule brusquement dans l’anorexie après avoir vécu une agression sexuelle.

Muriel est fière de pouvoir dire qu’elle est débarrassée de l’anorexie, et il y a de quoi.
Son parcours est jalonné de souffrance et de beaucoup de solitude.

Malgré toute la place que prenait la maladie, Muriel a fondé une famille au sein de laquelle elle a puisé l’amour et la force nécessaire pour s’en sortir.

En cours de formations, elle souhaite bientôt accompagner les femmes souffrant de troubles alimentaires afin de mettre son vécu au profit de la guérison des autres. 


C’est un parcours touchant et inspirant que Muriel nous livre avec vulnérabilité.
Merci. 



Au programme : 


Présentation Muriel

Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

Le début de l’anorexie

Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

Une sorte de semi-guérison

Ce que Muriel aimerait transmettre


Live cité : « Bed bug » de Katerine Pancol 



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Muriel dans le podcast. Je suis ravie de t'accueillir pour que tu puisses apporter ton témoignage auprès de l'auditoire de TCA, etc. Donc déjà, merci pour ça, merci d'être là. Dans un premier temps, je te propose de te présenter de la manière dont tu le souhaites pour nous dire un petit peu qui tu es.

  • Speaker #1

    Pas de souci. En tout cas, c'est moi qui te remercie Flavie pour cette invitation. Je suis ravie d'être là. Moi, je suis Murielle Pruveau. Je suis en pleine création de mon entreprise pour devenir thérapeute. Je suis en cours de formation aussi. J'ai fini praticien, j'ai fait gestion du poids. J'ai fait la formation Renaitre avec Flavie, Laura Jaubert, excuse-moi.

  • Speaker #0

    On s'appelle toutes Flavie, incroyable !

  • Speaker #1

    Avec Laura Jaubert, que j'ai terminée il n'y a pas très longtemps, il y a trois semaines. Elle a fait ça à Lille. Ça a été vraiment une super expérience. Et sinon, j'ai travaillé 18 ans dans un magasin de sport pour ensuite travailler en crèche. Mais je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais, même si ça m'a amenée, ça a été enrichissant pour moi. Je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais. Et à l'époque, je voulais être psychologue, mais avec les hospitalisations, tout ça, j'ai un peu arrêté tout ça. Et après, pas d'énergie, pas la force. Et du coup, là, je reprends les formations justement pour accompagner les femmes qui veulent bien échanger avec moi. Et j'ai plein de choses à échanger avec eux.

  • Speaker #0

    OK, donc ça, c'était plutôt une présentation axée pas mal vie pro. Mais si t'es là, c'est aussi et surtout, j'ai envie de dire, par rapport à ta vie perso et ce que tu as vécu, notamment avec les troubles alimentaires.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est tout à fait ça. Donc, ça a été une grande partie de ma vie de 11-12 ans après un trauma, comme beaucoup de personnes qui ont des TCA, jusqu'à, je dirais, 40 ans.

  • Speaker #0

    Ok, ça marche. Donc, avant qu'on rentre un peu plus dans le... Parce que ça m'intéresse beaucoup de savoir, tu vois, un peu le parcours, parce que c'est un long parcours, donc j'imagine qu'il y a plein de choses à en dire. J'aime bien poser une question à toutes les personnes qui interviennent sur TCA, etc. Qui est, en vrai, il y a deux questions. La première question, ce serait ton souvenir le plus ancien dans le rapport à ton corps. Ou en tout cas, le souvenir le plus marquant qui te vient sur le rapport à ton corps.

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu l'impression que mon cerveau a été déconnecté et que je ne supportais plus mon corps, en fait. Ça a vraiment été... Et assez rapidement, je suis tombée dans l'anorexie. Je supprimais toute alimentation, je ne mangeais plus du tout. En fait, je mettais en souffrance mon corps. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est le souvenir le plus ancien ou le plus marquant que tu aies dans la relation à ton corps ? Et tu avais quel âge à peu près ?

  • Speaker #1

    C'était 12 ans, 11-12 ans. Ouais. 11-12 ans où... Je ressentais de la honte. Vraiment, c'était une souffrance antérieure, un combat antérieur avec moi-même, sans comprendre pourquoi, au départ, quand on rentre dans les TCA, pour ma part, l'anorexie, ça a vraiment été un combat mutuel, comme s'il y avait deux personnes

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il y a une forme de dissociation qui se crée où il y a toi, ton corps de l'autre côté. Oui,

  • Speaker #1

    mais complètement. Je crois que j'ai été dissociée pendant plusieurs années.

  • Speaker #0

    Le TCA peut servir à ça aussi, d'ailleurs. C'était dans une dissociation.

  • Speaker #1

    Et je pense que c'est ce qui m'a fait vraiment rester sur pied, justement. À ce moment-là, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour survivre, en fait. Si quelque part, je voulais disparaître, parce que souvent l'anorexie, c'est ça, on veut disparaître, on se fait toute petite pour qu'on vous voit le moins possible. Mais oui, ça a été une souffrance assez puissante quand même.

  • Speaker #0

    Les bases de ton rapport au corps sont plutôt sur des bases, effectivement, de souffrance, de bataille, de mise à distance.

  • Speaker #1

    Mais c'était ça. Et en fait, même les gens qui mangeaient à côté de moi, Ça m'écœurait, j'avais envie de vomir, alors que c'est normal de manger, c'est normal d'alimenter son corps, c'est ce qui me fait avancer. Mais j'avais un dégoût complet de la nourriture, en fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et justement, là, ma question au début était sur le rapport à ton corps, mais sur le rapport à l'alimentation, même si c'est avant l'anorexie, qu'est-ce qui te vient ? Si je te pose la question, c'est quoi ton premier souvenir avec l'alimentation ? Ou en tout cas, le souvenir qui s'impose à toi ?

  • Speaker #1

    L'alimentation ? En fait, je me suis dit, s'il ne m'alimente plus, mon corps va se cacher. Parce qu'en fait, c'était vraiment ça. En fait, j'étais assez bien formée. Et du coup, je me suis dit, si je ne m'alimente plus, on ne verra plus mon corps. Et c'est ça qui a vraiment déclenché tout le reste, en fait.

  • Speaker #0

    Mais tu n'as pas de souvenirs sur le rapport à ton corps et à l'alimentation avant ça, avant tes 12 ans ?

  • Speaker #1

    En fait, je mangeais bien. J'étais même très gourmande. J'avais un corps qui me correspondait. J'étais assez joyeuse, pleine de vie, tout ça. Et oui, j'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    J'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Avant tout ça, avant tes 12 ans, tu penses que tu avais une relation, j'aime pas trop le mot normal, mais classique, intuitive à l'alimentation ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, tout à fait, tout à fait. Je mangeais quand j'avais envie, je mangeais les choses que j'avais envie. Enfin, comme tout...

  • Speaker #0

    personnes qui a 11 12 ans qui mange pleinement et donc justement pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet de tout ton parcours avec les troubles alimentaires pour toi tu dis que ça tu nous expliquer que ça a commencé par de l'anorexie qui a été déclenchée par un trauma oui Et que tu expliquais déjà en lien avec les souvenirs à rapport au corps, à l'alimentation, que finalement, c'est un traumatisme relié à ton corps, j'imagine, et que du coup, c'est parti d'une volonté de te dissocier de ton corps, de faire disparaître ton corps pour te protéger aussi. C'est de là que c'est parti et que l'alimentation a été un outil pour ça en ne te nourrissant plus. Tu me dis si je résume bien.

  • Speaker #1

    C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    Là, tu as environ 12 ans et tu commences à sombrer dans l'anorexie. Tu arrêtes de manger en fait.

  • Speaker #1

    J'arrête de manger.

  • Speaker #0

    Tu dis que tu ressentais du dégoût pour l'alimentation. Ça s'est instauré tout de suite, ça aussi, le dégoût ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a une période de ma vie où comme si mon cerveau avait amené...

  • Speaker #0

    C'est un peu flou.

  • Speaker #1

    C'est un peu flou, oui. Et en fait, c'est comme si ça avait effacé une partie de ce moment-là qui était assez douloureux pour moi.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu as des proches avec qui tu peux en reparler aujourd'hui, notamment tes parents peut-être ?

  • Speaker #1

    Alors, mon papa est parti, mais ma maman, de toute façon, on... Tu vas sûrement me poser la question de mon trauma. Je n'ai pas été du tout accompagnée par ma maman. Et ça a été un problème. Ça a été une souffrance supplémentaire.

  • Speaker #0

    OK. Donc, comme ta maman n'a pas été en mesure de t'accompagner sur le trauma que tu as vécu, elle ne t'a pas non plus accompagnée sur toutes les conséquences traumatiques, dont l'anorexie. Du tout.

  • Speaker #1

    Du tout,

  • Speaker #0

    du tout. Est-ce que tu sais ou te souviens, parce que ce n'est pas facile, effectivement, en fait, ce que tu dis, c'est typique. Quand il y a un événement traumatique, il y a aussi un peu la mémoire en gruyère autour, avec des trous, avec du flou. C'est pour ça que je te demandais si tu pouvais en parler avec d'autres gens, parce que des fois, c'est compliqué de remettre les pièces du puzzle. Est-ce que tu te souviens si ton poids a baissé rapidement à ce moment-là ? Si ça a alerté des gens autour de toi ?

  • Speaker #1

    Oui, quand même assez rapidement parce que je ne m'alimentais plus du tout. Donc j'ai rapidement perdu du poids. Je me souviens que mes parents avaient quand même appelé le médecin. Donc lui, le médecin, il m'a mis sous traitement antidépresseur. Parce que pour lui, j'étais en train de faire une dépression. Donc j'ai été mis sous traitement. J'étais... En fait, avec des traitements antidépresseurs, on est fatigué, on n'arrive plus à penser. Et à cet âge-là, je sais que je n'avais pas super bien vécu parce que je me dis, à cet âge-là, on ne doit pas prendre de médicaments antidépresseurs. C'est ce que je m'étais dit.

  • Speaker #0

    Ok. À ce moment-là, c'est ce que tu te disais, toi.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et puis, ça m'a battue. J'étais complètement abattue. et progressivement de toute façon je n'arrivais même plus à marcher je n'avais même plus de force pour marcher donc j'ai été hospitalisé parce que ben quand je suis arrivé ils m'ont mis en réa parce que j'étais à

  • Speaker #0

    ça de la mort et ça c'était au bout de combien de temps tu sais tu te souviens peut-être au bout d'un an je dirais au bout d'un an donc tu avais autour de 13 ans

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. 13-14 ans et j'étais hospitalisée pendant quelques temps. Après, j'étais gavée aussi. Mais je mettais vraiment mon corps en souffrance. Et comment je pourrais dire ça ? Je ne voulais plus de ce corps, en fait. Donc, je le mettais vraiment en danger. C'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis j'étais gavée Tu parles d'une sonde nasogastrique à l'hôpital.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Il n'est pas anodin le mot que tu utilises. Tu dis j'étais gavée C'est comme ça que tu l'as vécu ?

  • Speaker #1

    C'est comme ça que je l'ai vécu. C'est pareil, je ne l'ai pas super bien vécu parce qu'on vous met une sonde, on vous gave. À ce moment-là, je ne comprenais pas trop pourquoi, mais maintenant, avec le recul, c'était pour que je puisse survivre, parce que je ne m'alimentais pas. Je faisais beaucoup de sport aussi, parce que je me disais, plus tu feras de sport, et comme je ne mangeais pas, du coup, ça mettait encore plus en souffrance mon corps. C'était vraiment ce lien de faire souffler mon corps et le mettre en danger.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que tu tenais ton corps pour responsable de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Oui, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Mais bon, ce n'est pas facile, voire impossible de conscientiser ça quand on a 13 ans. Je ne sais pas, est-ce que tu étais accompagnée psychologiquement en parallèle de la renutrition ?

  • Speaker #1

    Alors du coup, j'avais été suivie par une psy... Enfin, j'ai vu plusieurs psychologues et psychiatres. Et en fait... Alors, est-ce que je n'étais pas prête ? Est-ce que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes ? Mais en fait, j'avais l'impression qu'on me renvoyait encore ce problème d'alimentation. Et j'avais l'impression d'avoir en face de moi quelqu'un qui ne me comprenait pas en fait. Et vite... Enfin, à chaque fois, j'arrêtais les suivis. Parce que ça ne m'apportait pas grand-chose à ce moment-là. Et du coup, j'en voyais d'autres. Et c'était toujours le même schéma, en fait.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, quand tu dis ça, c'était complètement axé sur le fait que tu ne manges pas ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et les différents soignants étaient au courant de ce que tu avais vécu, de l'expérience traumatique que tu avais vécue ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, ils étaient au courant, oui. Mais je ne sais pas, ils ne faisaient pas lien. Après, à cette époque, les psychologues, tout ça, n'étaient pas forcément formés sur les TCA.

  • Speaker #0

    Toujours pas, ça ne fait toujours pas partie de la formation de base.

  • Speaker #1

    Oui, ils font les formations après, mais...

  • Speaker #0

    Oui, les personnes qui te souhaitent font les formations après. Mais tout comme par rapport au... Enfin, j'allais dire par rapport aux violences sexuelles. C'est vrai que je présume qu'il s'agit de ça, de ce que tu as vécu. Je présume peut-être mal, mais... naturellement, j'allais partir sur ce sujet-là parce que les soignants sont quand même assez peu... Je pense qu'aujourd'hui, la société évolue par rapport à ça et au fait d'en parler. Néanmoins, pour être bénévole dans une association où on accompagne des victimes de violences sexuelles, je vois bien qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont un long parcours de soins derrière elles. qui ont dit des trucs qui étaient très clairs, dont les psychiatres, les psychologues auraient pu se saisir pour leur permettre de travailler, de tirer cette ficelle-là. Si la personne, elle le lâche en consultation, c'est qu'elle est quand même prête à l'amener. Des fois, on n'est juste pas prêt. Et il y a aussi des gens qui voient des tas de psychologues et qui ne parlent jamais du trauma. Mais quand on l'amène, même timidement, c'est aussi pour que la ficelle soit tirée. Et en fait, ce n'est pas du tout fait, parce qu'il y a... encore un gros manque de formation, il y a un tabou, c'est difficile. C'est difficile, mais c'est déplorable, ce n'est pas normal en fait. Ce n'est pas normal que la jeune fille que tu étais ait vu autant de professionnels sans qu'on t'aide sur ce sujet-là, tu vois. Enfin, moi j'ai envie de dire, ce n'est pas normal.

  • Speaker #1

    Puis du coup, en fait, j'ai avancé toute seule du coup. Et du coup, ça a mis du temps, de l'énergie. Enfin, plein de choses. Et puis en plus, sur mon chemin, il s'est ajouté d'autres traumas. Donc du coup, la guérison n'a pas été simple. Oui.

  • Speaker #0

    Et si on prend ton histoire un peu dans l'ordre, si on essayait de reconstituer, de faire le film un peu de ta vie. Donc là, tu es hospitalisée autour de 13-14 ans. Pendant combien de temps tu restes à l'hôpital ?

  • Speaker #1

    Pas mal de mois. Il y a eu plusieurs hospitalisations. Ça, ça a été la première, je dirais, 4-5 mois peut-être.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Voir plus même, parce que je faisais l'école à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Et il y a des moments où tu retournes chez toi, puis tu retournes à l'hôpital. C'est comme ça que ça se passe, ton adolescence ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme ça que ça se passe. Je sortais quand ils voyaient que mon poids était à peu près stable. Et une fois que je rentrais, je repartais dans les travers de ne pas m'alimenter, de ne pas... Alors par contre, je faisais à manger pour les autres.

  • Speaker #0

    Ouais, typique !

  • Speaker #1

    C'est ça qui est paradoxal parce qu'on adore faire à manger en plus. J'adore toujours faire à manger. Mais je pense que c'est parce qu'on contrôle ce qui... Du coup, on se dit, tiens, on sait ce qu'on va mettre dans... dans le repas. Et du coup, on a ce contrôle-là même si on ne mange pas, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a quelque chose d'obsessionnel autour de la nourriture. Il y a presque une notion de se nourrir par procuration. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, il y a des tas de personnes qui souffrent d'anorexie qui suivent des comptes de foodies, tu vois, et tu vas sur le feed Insta d'une personne qui souffre d'anorexie. Je te parie qu'il y a un mélange de... Nana Fit, sportive et tout, mais qu'il y a énormément de recettes. Des recettes, des recettes, des recettes. Moi, je me souviens quand j'ai souffert d'anorexie, je recopiais des recettes. Je passais des heures à recopier des recettes. Non, mais...

  • Speaker #1

    Mais pareil, je faisais pareil. J'avais un petit carnet et je mettais toutes les recettes.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais c'est une sorte de contrôle. Comme on n'arrive plus à contrôler notre alimentation... on s'interdit de s'alimenter. Du coup, on garde, quelque part, on garde un peu de contrôle.

  • Speaker #0

    Oui, je pense, moi, je me dis aussi que derrière ça, c'est une façon de manger par procuration, c'est une façon de répondre à l'obsession alimentaire. Parce que même si on a l'impression, à certains moments, de ne pas ressentir la faim, en fait, la faim, elle est là, elle tenaille. Et c'est pour ça qu'on pense à la bouffe H24 aussi. Et du coup, c'est une façon de répondre à cette obsession sans manger. On pense tout le temps à la nourriture. Et puis, le fait de faire à manger pour les autres, c'est hyper rassurant de faire manger les autres, voire même on a envie de gaver les autres. Il faudrait que tout le monde mange sauf nous, tu vois, dans ces phases-là.

  • Speaker #1

    Du coup, le fait de voir manger, ça nous remplit, nous.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense qu'il y a un vrai truc par procuration, vraiment. Et du coup, est-ce que tu te souviens combien de temps a duré cette phase ?

  • Speaker #1

    Cette phase sortie de l'hôpital, rentrée ?

  • Speaker #0

    Ouais, je ne sais pas, est-ce qu'il y a eu plusieurs phases ? Comment toi, tu décrirais les choses ? Est-ce que je découvre ton histoire au moment où tu la racontes ? Donc, je ne sais pas. Est-ce qu'il y a eu des phases d'anorexie, puis d'anorexie boulimie ? Est-ce qu'il n'y a eu que de l'anorexie ? Est-ce qu'au cours de tes phases d'anorexie, il y a eu des sous-phases presque ? Oui,

  • Speaker #1

    non, il n'y a vraiment eu que de l'anorexie. La troisième fois, quand je me suis fait hospitaliser, donc j'étais hospitalisée dans un centre à Camier, ils m'avaient même isolée, donc fermée la porte des toilettes. Donc, ils me ramenaient mon repas hypercalorique. Donc, j'avais un... régime hypercalorique de je sais plus combien de calories, j'avais l'impression d'être gavée aussi. Donc, il fermait la porte des toilettes parce que justement, il se disait... Et c'est un truc que j'ai... D'ailleurs, je pense que j'ai jamais réussi à me faire vomir. C'était un truc que j'avais... Et du coup, en fait, j'ai été anorexie. Enfin, j'ai toujours été que anorexie.

  • Speaker #0

    Ouais, anorexie purement restrictive.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et par la suite, après, quand j'ai commencé à me réalimenter, c'était vraiment deux biscottes le matin. Et je ne remangeais rien jusqu'au soir. Et le soir, je mangeais peut-être une soupe quand j'ai commencé à me réalimenter.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est quand, quand tu dis quand j'ai commencé à me réalimenter

  • Speaker #1

    Je dirais 14-15 ans. 14-15 ans.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps alors, ça ? Le fait de manger deux biscottes et puis une soupe ?

  • Speaker #1

    Très longtemps.

  • Speaker #0

    Ah ouais ?

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Je dirais bien un an. Ou voire plus. En fait, ouais, c'est comme si j'avais des flashs, en fait. C'est que des flashs. J'ai plus de souvenirs appropriément dits. Mais j'ai ces flashs. Et quand j'y repense, je me dis, mais comment tu faisais pour manger que deux biscottes, quoi ?

  • Speaker #0

    C'est clair. C'est clair, c'est fou. Les ressources du corps, c'est flippant presque.

  • Speaker #1

    Mais carrément. Mais carrément, parce que finalement, je tenais, même si mon corps tenait à peine debout. Mais j'étais encore là, en fait.

  • Speaker #0

    Et autour de toi, alors, comment ça se passe avec ta famille à ce moment-là ? Parce que tes parents, bon, il y a des allers-retours à l'hôpital et là, tu dis, pendant une période d'un an, tu manges deux biscottes le matin et une soupe le soir. Donc, tu devais vraiment pas être épaisse. Et donc, t'allais en cours quand tu dis je tenais c'est que t'allais au collège, au lycée ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ok. Et comment ça se passait avec ta famille ? Quel regard ils portaient là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors je sais que mon papa en a beaucoup souffert, mais comme il n'était pas au courant de la situation, il ne comprenait pas pourquoi j'avais ces troubles alimentaires alors qu'avant je n'avais pas de problème de nourriture. Enfin, je n'avais pas de problème avec la nourriture. Et du coup, je me souviens qu'une fois j'avais pesé quelque chose et il avait pris la balance, il l'avait broyée parce que... Parce qu'il n'en pouvait plus de ça. Et souvent, je mangeais à côté de lui. Alors, je ne sais pas si c'est parce que ça me rassurait de manger à côté de lui. Parce que je m'isolais pour manger. Je ne voulais pas qu'on regarde ce que je mangeais. Mais il était souvent à côté de moi. Et je pense qu'il y a un moment où il n'en pouvait plus. Et il a pris la balance, il a broyé. Il m'a dit maintenant tu n'auras plus de balance. Mais parce qu'il ne comprenait pas en fait.

  • Speaker #0

    Ben ouais.

  • Speaker #1

    Et ma maman, je pense qu'elle s'est laissée porter. Et comme je lui en ai souvent voulu, ça a été aussi un travail après à faire. Parce que quand on est parent, on est censé protéger nos enfants. C'est la base. Et là, je ne me suis pas sentie protégée du tout.

  • Speaker #0

    Pourquoi ton père n'était pas au courant de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Parce qu'il ne fallait surtout pas en parler.

  • Speaker #0

    Donc seulement ta mère était au courant ?

  • Speaker #1

    Oui, et mon frère et mes deux sœurs étaient trop petits. Mais ma maman, il ne fallait pas en parler. D'ailleurs, la personne continue à rentrer à la maison.

  • Speaker #0

    Ok. Je ne suis pas allée te poser la question frontalement parce que ce n'est pas dans mes habitudes. Par contre, il n'y a aucun problème pour en parler, de dire clairement ce qui s'est passé. Et si c'est le cas, je mettrais aussi un warning pour les personnes qui écoutent l'épisode. Parce que du coup, si j'ai bien compris... Alors... je reprécise un truc, c'est vrai que je ne l'ai pas dit au début à n'importe quel moment tu as des milliers de jokers à ta disposition et il n'y a aucune question obligatoire, c'est à dire que moi jamais je me vexerais de quoi que ce soit la base c'est le consentement, donc tu réponds si t'es ok, tu réponds dans la mesure de ce que t'as envie de répondre sans toi vraiment libre l'épisode il est autour de toi de toute façon j'ai plus de problème du tout avec ça avant c'est vrai que j'avais un peu honte donc il y a

  • Speaker #1

    Très peu de gens autour de moi qui connaissaient la situation. Maintenant, je n'ai plus de problème, je n'ai plus de honte, je n'ai plus ces sensations. Donc, en fait, c'est le mari de ma tante, la sœur de ma mère. Donc, un oncle que je connais très bien, puisque j'ai tout fait avec eux depuis que je suis petite. Je suis souvent avec eux. Et une fois que je suis formée, j'étais quand même bien formée. En fait, il a commencé à vouloir abuser de moi. Donc, comme moi, j'avais une entière confiance en lui, je pouvais aller dans sa voiture. Et ce jour-là, c'était chez lui. En fait, on avait été chercher quelque chose chez lui. Et en fait, il a commencé à me toucher, tout ça. Et moi, je me suis dit, c'est pas normal. Et il insistait tout ça. Bon, j'ai réussi à m'en sortir et à sortir de là. Et dans la voiture, il recommençait à mettre sa main en dessous de ma jupe, tout ça. Et en fait, mon corps, il s'est paralysé, en fait. Il s'est paralysé. Je ne comprenais pas ce qui se passait parce que j'avais confiance en lui. Je le connaissais. Je n'ai jamais eu de problème avec ça. Et en fait, par contre, quand je suis rentrée, j'en ai parlé tout de suite à ma maman. Mais en fait, j'ai eu l'impression de parler dans le vide, parce que je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie comprise. Et en fait, j'ai eu l'impression qu'elle faisait semblant de ne pas m'écouter. Parce que cette personne, sa sœur, continue à rentrer. C'est tant que le commentaire continue à rentrer. Et moi, j'étais là. Et du coup... en fait, je me suis demandé ce que j'avais ressenti, est-ce que je l'ai vraiment vécu en fait ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Parce que du coup, ça revenait en boucle dans mon cerveau, dans ma tête, et je me dis si ma mère ne me croit pas, est-ce que je l'ai vraiment vécu ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça qui est terrible.

  • Speaker #1

    Et du coup, en fait, je me suis sentie doublement punie en fait. Doublement punie. Et en fait, je ressentais de la... de la colère, de la révolte. Et en fait, je me suis isolée. Je me suis isolée de tout. Et je pense que là, ça a été vraiment la descente aux enfers. Oui.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il s'est arrivé quelque chose d'horrible, de grave. dans le monde des adultes en fait tu vois enfin qui concernait un adulte t'en parle à un autre adulte qui est ta maman comme tu dis qui est censé te protéger donc en fait déjà moi je trouve ça fort tu vois que tu étais capable en rentrant d'en parler à ta maman c'était un grand témoignage de confiance aussi à ta maman et et il faut aussi énormément de force pour réussir à parler de ça parce que tout à l'heure t'as parlé de honte tu vois c'est des sentiments qui suivent les victimes toute la vie quoi je veux dire derrière malheureusement enfin ou en tout cas jusqu'à ce qu'on arrive à suffisamment travailler le truc donc en fait toi de ton côté bah tu mets en place tout ce que tu peux mettre en place pour surmonter ce truc là et en fait Gros flop, t'es abandonnée, t'es seule face à ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'était complètement ça. Et j'ai une bonne relation avec mon frère et mes deux sœurs. Mais eux, ils étaient trop petits pour comprendre. Donc, j'avais quand même leur amour qui me faisait avancer quand même parce qu'ils étaient toujours là, bienveillants, à essayer, même quand j'étais à l'hôpital, à m'envoyer des petits mots parce que je n'avais pas le droit aux visites. Donc, dans le sac, il mettait toujours des petits mots gentils. Et je pense que ça, ça m'a porté quand même... Enfin, ça m'a fait avancer.

  • Speaker #0

    OK. Et j'ai envie de te poser la question, même si... Enfin, je pense que c'est important de poser cette question aussi, peut-être pour les auditeurs, auditrices. Qu'est-ce qui fait que toi, t'en as pas parlé à ton papa ?

  • Speaker #1

    Je pense que je ne voulais pas lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Ta maman t'avait explicitement dit, on n'en parle pas à papa.

  • Speaker #1

    Oui, il ne faut pas en parler.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas en parler. Donc, il y avait pas mal de gens qui étaient au courant, mais qui, en fait, comme chaque homme qui abuse tout ça, quand on les voit, ils paraissent bien, ils ont une bonne posture, ils sont gentils. Et en fait, j'ai beaucoup de tentes qui n'ont pas cru, sauf une. D'ailleurs, qui a déclenché le truc en disant, écoute, tu as abusé de Muriel. Et du coup, ma tante était venue en furie à la maison. Je me souviens, j'étais dans la chambre. Et en fait, lui m'a regardée avec un air un peu... Enfin, je ne sais pas trop l'expliquer. Il avait un air comme si j'avais fait quelque chose de mal, que maintenant tout le monde savait, même si il y en a beaucoup qui ne m'ont pas cru, sauf une tante, c'est la seule tante qui m'a cru avec mon oncle. Et du coup, on se sent seule, très seule même.

  • Speaker #0

    Comment elle l'a su, ta tante et les autres ? Comment ils avaient été mis au courant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ma mère qui avait dû lui dire. Ça, c'est assez flou. C'est vrai que je devrais lui redemander parce que je l'avoue encore. Et c'était ma mère, je pense, qui lui en avait parlé. Ou peut-être moi. Enfin, j'ai plus souvenir. Il y a vraiment des parties de ma vie qui... Comme s'ils étaient effacés.

  • Speaker #0

    Et c'était elle aussi une sœur de ta maman ? Ta maman, elle avait plusieurs sœurs ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui. C'était une sœur de ma maman, oui.

  • Speaker #0

    Et à part elle, tout le monde s'est muré dans le silence. Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu sais s'il y a eu de l'inceste plus haut dans ta famille ? Si, par exemple, ta maman a pu en subir ? Est-ce que c'est des questions que tu t'es déjà posées ?

  • Speaker #1

    Non. C'est vrai que je ne me suis jamais posé cette question et j'ai commencé à me la poser cette année parce qu'en faisant les formations, on apprend beaucoup de choses. On apprend aussi sur nous. C'est vrai que je me suis dit, est-ce qu'elle, elle n'a jamais subi ça en fait ? Et je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Vu sa réaction, ça vaut le coup de se questionner pour voir, il y a plusieurs choses, pour voir énormément de... famille incestuelle, dans le cadre de mes deux pratiques, que ce soit dans l'accompagnement des TCA ou dans ma pratique bénévole auprès des victimes de violences sexuelles, en fait, souvent, l'inceste ne débarque pas comme ça, de nulle part, dans une famille, déjà. Et puis, dans les réactions des proches, dans les réactions des femmes notamment, et sur cette loi du silence, on n'en parle pas. Et puis, tu sais, tu viens déposer ce truc-là et tu as une réaction en face à l'inverse de celle à laquelle on pourrait s'attendre d'une maman. Souvent, ça vient parler quand même de ça. Je ne dis pas, ah, c'est sûr, elle a vécu ça. Mais tu vois, ça fait penser à quelqu'un qui serait issu d'une famille dans laquelle il y a de l'inceste déjà. Ça me fait penser à un livre de Catherine Pancol qui s'appelle Bedbug. et voilà, je n'en dis pas plus parce que je ne veux pas spoiler mais si ça t'intéresse, ça intéresse les personnes qui vont nous écouter voilà, qui je trouve que c'est un roman mais ça illustre bien ça, alors c'est pas attention c'est un roman mais qui parle de violence sexuelle donc C'est... Attention. Mais ouais, en tout cas, on peut... Enfin, moi, ça me... Forcément, tout de suite, cette question est arrivée à moi. Vu la réaction de ta maman, voilà, on peut se demander ça. Et j'avais une autre question, d'ailleurs. Est-ce que d'autres personnes ont souffert de troubles alimentaires dans ta famille, proches ou éloignées ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai ma cousine. Après la mort de sa grand-mère, avec qui elle était proche. Elle a commencé, mais ça n'a pas duré très longtemps. Mais là, on a parlé cette année ensemble, parce qu'on se voit assez régulièrement, et je pense qu'elle a quand même un rapport à l'alimentation qui est compliqué quand même. Même si elle mange normalement, tout ça, je pense qu'il y a quand même cette peur de grossir qui est là quand même.

  • Speaker #0

    Et donc, on a fait un... un détour pour parler aussi de la racine, mais qui a été hyper importante, je pense, la racine de ce qui s'est passé pour toi. Quand tu regardes ton parcours, j'ai mille questions à te poser, franchement. J'aurais envie de te demander, combien de temps ça a duré, déjà ? Qu'est-ce qui t'a aidé ? Qu'est-ce que tu as compris sur le chemin ? Il y a énormément de choses. Alors, peut-être commencer par le début. Combien de temps ça a duré pour toi, du coup, l'anorexie ?

  • Speaker #1

    De 12, 13 ans. Je dirais où je me sens vraiment plus anorexie, c'est après 40 ans.

  • Speaker #0

    OK.

  • Speaker #1

    Après 40 ans. Après, ça s'est un peu amélioré quand j'ai connu mon mari. Donc, c'était à 21. J'avais 21, 22. 21, 22. Oui, quelque chose comme ça. Et oui, quand j'ai rencontré mon mari, ça a été un révélateur. Et je pense que comme il était bienveillant, enfin après ça n'a pas été simple pour lui, parce que quand on en parle ensemble, je pense que ça a été une période pas très facile pour lui, mais il était là et il ne me jugeait pas. Il n'était pas à me juger ou d'autres choses. Mais ça a été un moment pas facile parce que quand on se connaît, on a envie d'aller au restaurant, on a envie de faire plein de choses. Et moi, ce n'était pas possible d'aller au restaurant pour manger. Cette période-là, c'était encore pour moi très difficile de manger encore plus parce qu'on venait de se connaître et je mangeais toujours isolée. Donc quand il m'a invité... à manger au restaurant, je lui disais Mais non, j'ai déjà mangé. Donc lui, au départ, il le croyait. Mais après, il ne m'a plus vraiment cru. Et du coup, j'ai commencé à lui expliquer mes troubles alimentaires. Et puis après, il m'a pris comme j'étais, en fait. Oui. Mais ça n'a pas été simple. parce que même quand on s'est mis en ménage, moi, je me faisais mon petit repas parce que je commençais à m'alimenter. Enfin, je m'alimentais, mais c'était vraiment restreint. C'était restreint. Je contrôlais tout. Je mangeais par obligation. Enfin, je ne mangeais pas du tout en pleine conscience. Je mangeais vraiment par obligation. J'étais formatée, en fait.

  • Speaker #0

    Il y avait une notion de survie peut-être dans le fait de, il faut que je mange pour tenir debout.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et après, je suis tombée enceinte. Normalement, les gynécos m'avaient dit, comme j'avais été anorexie très tôt et que j'étais plus indisposée, forcément, pendant très longtemps, les gynécos m'avaient dit, de toute façon, vous n'aurez pas d'enfant. Je m'étais préparée. Et en fait, il y a eu un événement dans ma vie. J'ai perdu ma sœur dans un accident de voiture. Et en fait, elle est partie au mois de décembre. Je suis tombée enceinte au mois de janvier. Ah oui ? Donc là, je me suis dit, Muriel, t'es enceinte. T'as un enfant dans ton ventre. Enfin, tu peux pas faire n'importe quoi. Et je me suis redissociée. pour justement me dire, il faut que tu t'alimentes pour ton enfant. Et du coup, ça s'est plutôt bien passé, ma grossesse. Même si j'étais en deuil, je pleurais beaucoup. Mais je me suis mis vraiment dans le truc, tu t'alimentes pour elle. Parce que c'était une fille. Et je pense que ça a été le révélateur aussi, parce que je voulais... En fait, je ne voulais pas lui transmettre mes TCA, comme si c'était une tare qu'on transmet alors que ça ne se transmet pas du tout. Mais en fait, il y avait vraiment cette peur de me dire, je ne peux pas lui transmettre ça. Et du coup, j'ai mis en place un processus moi-même, en m'alimentant normalement. Même si c'est toujours moi qui contrôlais ce que je mangeais. Mais comme ça, elle n'a pas perçu justement mes TCA.

  • Speaker #0

    Oui, alors pas que la grossesse finalement. Quand tu dis, tu ne voulais pas qu'elle voit, qu'elle perçoive finalement ta fille que tu avais des TCA. Donc, au-delà de la grossesse, tu as continué à suivre une sorte de plan que tu t'étais fait.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Et ta fille, elle n'a pas perçu, elle n'a pas capté que tu avais des TCA du coup.

  • Speaker #1

    Alors, jusqu'à là, je pense, oui, vers 10 ans, je pense. Mais après, je lui en ai parlé. On en a parlé. Elle, elle avait bien perçu qu'il y avait quelque chose. Forcément, c'est des enfants, ils voient tout quand même. Et c'est pareil, en fait. Du coup, pour elle, c'était normal. Donc, du coup, ça n'a pas aggravé le... ça ne m'a pas atteint parce qu'elle vivait bien le truc.

  • Speaker #0

    Et toi, du coup, toute cette période-là, qui j'imagine a duré quand même pas mal d'années à partir de la grossesse de ta fille, tu étais dans un contrôle, j'imagine, quand même très rigide, mais du coup, tu te nourrissais un peu plus, ce qui, j'imagine, t'apportait quand même plus d'énergie pour toute ta vie quotidienne. Comment tu te souviens de cette période-là, toi, globalement ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est comme si j'étais formatée. Je mangeais le matin, je déjeunais le matin, je mangeais le midi, je mangeais un petit truc à 4h et je remangeais le soir. Par contre, je ne mangeais jamais entre les repas. Ou si parfois j'avais envie de manger un petit truc, je le mangeais, mais je m'en voulais tellement de l'avoir mangé. Et du coup, il y avait cette sensation de culpabilité d'avoir mangé un truc qui me faisait plaisir à la base. Et il y avait toujours cette petite voix qui me disait Pourquoi tu l'as mangé ? Pourquoi tu l'as mangé ? Et en fait, c'est un combat entre deux parties dans mon cerveau. Et à vivre, c'est assez compliqué quand même. Oui.

  • Speaker #0

    Et tu te pesais à cette période-là ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne me pesais plus trop. Par contre, ça a été un truc assez... Je pouvais me peser dix fois par jour. Je pouvais me lever la nuit pour me peser aussi. Oui. tellement... En fait, c'est comme en servicieux. J'ai commencé à maigrir et puis plus je maigrissais et plus, quelque part, je ressentais de la satisfaction. C'était ça, de la satisfaction. Et en fait, ça c'est... Le cercle continuait à tourner et je n'arrivais pas à en sortir.

  • Speaker #0

    Et finalement, dans la phase que tu décris post-grossesse, post-naissance de ta fille, J'ai l'impression que ça ressemble un peu à ce que certaines personnes me décrivent parfois, comme une sorte de semi-guérison. Ou finalement, comme tu le dis, tu es un peu formatée, un peu en mode robot. De toute façon, je fais ça, je fais ça, je fais ça. Qui peut donner l'impression d'avoir une vie normale, entre guillemets, alors qu'en fait, dans ta tête, c'est l'enfer, la culpabilité. J'imagine qu'aller au resto ou des repas imprévus, c'était hyper compliqué aussi.

  • Speaker #1

    Mais ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible pour moi.

  • Speaker #0

    Mais malgré tout, tes symptômes étaient moins bruyants, envahissants qu'une phase où tu ne mangeais que deux biscottes et une soupe où tu te pesais dix fois par jour.

  • Speaker #1

    Oui, mais intérieurement, c'était un combat mutuel, mais que je ne faisais pas percevoir. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a duré combien de temps alors, cette phase ?

  • Speaker #1

    Ouf !

  • Speaker #0

    Oui. Mais c'est souvent des phases qui sont très longues parce que justement, je trouve que ça peut donner l'illusion d'une vie normale, donner l'illusion que de toute façon, on n'aura pas mieux que ça. Tu vois, parce que tu revenais tellement loin aussi, j'ai envie de dire. Tu avais déjà quand même vachement progressé.

  • Speaker #1

    C'est ça. C'est ça. Et la satisfaction que j'ai aujourd'hui, c'est d'avoir progressé quelque part un peu pas toute seule parce qu'il y avait mon mari, il y a mes enfants. Puis après, j'ai rencontré des thérapeutes qui m'ont ouvert la porte. Ils m'ont ouvert la porte et là, j'ai commencé à découvrir l'hypnose, le coaching, tout ça. Et je me suis intéressée vraiment au développement personnel, ce qu'on ressentait. Parce qu'à la base, on a des émotions, on a envie qu'ils s'en vont, on les refoule en fait. On a envie que... Enfin, j'en veux pas, j'en veux pas. Et plus on fait ça et plus ça s'installe. Et quand j'ai compris ça, je me suis dit, en fait, ça a des émotions, il faut que tu les traverses. Tu as déjà traversé plein de choses. Si tu peux traverser ça, tu peux traverser tes émotions et les comprendre. J'ai commencé à prendre soin de mon corps, prendre mon corps comme un allié, plus comme quelque chose de je n'en veux pas

  • Speaker #0

    Oui, déjà, tu as commencé à réinvestir ton corps, à revivre dans ton corps, j'ai l'impression aussi. Puis les émotions, c'est intéressant ce que tu dis, parce que les émotions, c'est corporel. Donc déjà, de faire ce travail de, OK, je vais petit à petit me laisser plus traverser par mes émotions, ça veut dire que forcément, tu revenais un peu plus dans ton corps.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et c'est vraiment les séances d'hypnose. Une fois, ma copine, elle me dit, mais va voir une hypnothérapeute, tu verras bien. J'avais tout essayé. Je me suis dit, je ne suis plus à ça. Et... Et du coup, j'ai pris rendez-vous. Première séance assez prenante. Je fais quelques séances et vraiment, je me suis redécouverte en fait. Ah ouais ? Je me suis redécouverte. Et puis, c'était cool. C'était cool de se redécouvrir et on se dit, mes mains, j'ai perdu tout ce temps. Si j'avais rencontré ces personnes-là au moment où tu étais vraiment dans le fond du fond, peut-être tu aurais gagné du temps. Mais après, je me dis, si tu es passé par là, c'est qu'il fallait que tu passes par là et qu'il n'y a jamais rien qui se fait par hasard, en fait.

  • Speaker #0

    Et du coup, toutes ces aides extérieures et l'hypnose où tu dis, je me suis redécouverte. Ça, ça t'a permis aussi de débloquer des choses sur ton comportement alimentaire, ton rapport à ton corps ?

  • Speaker #1

    Pas au début. Pas au début. Je pense qu'il y a une petite graine que j'ai plantée et qui a poussé plus tard.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Enfin, vraiment. Là, aujourd'hui, je peux dire que je ne me sens plus anorexie. On m'aurait demandé il y a dix ans, j'étais encore anorexie, même si moi je me disais que j'étais plus anorexie, beaucoup de gens me disaient quand même, tu as quand même des problèmes avec l'alimentation.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui t'a permis d'en sortir alors, sur justement les dix dernières années là ?

  • Speaker #1

    En fait, il n'y a pas vraiment eu, je pense que j'ai fait mon petit chemin. Il y a eu le confinement où tout le monde s'est un peu redécouvert, on avait le temps pour nous, tout ça. Je faisais plus à manger, tout ça. Il m'est pris plaisir, c'était vraiment ce plaisir de faire à manger pour moi, pour mes proches. Et j'ai commencé à manger en pleine conscience. Je mangeais avec plaisir. C'était plus manger par obligation. Parce que pendant très longtemps, j'ai mangé par obligation. Même si ça ne se voyait pas, je mangeais par obligation.

  • Speaker #0

    Ok. Et du coup, ça a eu un impact sur ton corps, une prise de poids ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors pas beaucoup.

  • Speaker #0

    Et comment tu as vécu ça alors ?

  • Speaker #1

    Ben, plutôt bien. Plutôt bien. Je me suis remis à courir, tout ça. Et je pense que le sport, il aide beaucoup aussi. à faire une connexion avec son corps, son esprit. Et je pense que tout ça, j'ai mis en place sans le vouloir en fait. J'ai mis en place des choses et sans le vouloir, je m'en suis sortie comme ça, inconsciemment en fait. Mais bon, c'est un parcours d'un long... Enfin, c'est un long parcours. C'est un très long parcours. Si je disais que ça a été facile, je mentirais. Ça n'a pas été facile, mais aujourd'hui, je suis là et je suis fière de la femme que je suis devenue, en fait.

  • Speaker #0

    C'est beau d'entendre ça. Ça me donne envie de te poser la dernière question que je pose à chaque fois aux personnes et qui est très importante à mon sens, c'est de savoir ce que... tu aurais envie de transmettre aux personnes qui en sont au stade de celle que toi tu étais ? Alors, tu as été à plein de stades différents. Donc, je ne sais pas, soit tu fais une réponse globale, soit les différents stades. Mais voilà, que ce soit la petite Muriel ou aussi la Muriel maman qui mange par obligation pour ne pas transmettre à sa fille, mais qui n'est pas encore guérie. Qu'est-ce que tu pourrais dire aux personnes qui sont encore en pleine tourmente ?

  • Speaker #1

    Déjà de ne pas rester seule. Maintenant, nous à l'époque, il n'y avait pas trop ces podcasts ou Instagram, comme Toif la vie, où il y a Alizé aussi qui transmet pas mal l'hyperphagie, tout ça. Et je trouve que ça aide pas mal quand même de sentir qu'on n'est pas seul et de se faire accompagner par des gens qui vous comprennent, qui ne vous jugent pas. Et maintenant, ça s'est quand même pas mal développé. Et il y a des gens qui sont très compétents. C'est ça, très compétents parce qu'ils se sont spécialisés dans les TCA. Et puis, en tant que maman, je pense qu'on se laisse porter par ses enfants, par l'amour qu'ils vous portent. Et je pense que c'est ça. Je suis assez mue de le dire en plus. De toute façon, quand on parle des enfants, souvent, en tant que maman, on a toujours cette émotion. Mais oui, non, l'amour de mon mari et de mes enfants m'ont vraiment transportée maintenant où j'en suis. Même si j'ai fait une grosse partie du travail.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, je pense que c'est... J'entends aussi que dans ton parcours, il y a quelque chose de proactif, en fait. T'es allée... En tout cas, au moment où c'était possible pour toi, tu es allée chercher de l'aide, tu as cherché à comprendre, tu t'es intéressée sans doute à plein de choses, et puis voilà, tu es allée chercher de l'aide. Et du coup, ce travail, tu l'as mené toi, mais j'entends l'importance que ça a eu pour toi, de te sentir aimée. Et j'ai l'impression de te sentir aimée inconditionnellement. Tout à l'heure, tu disais, mon mari m'a prise comme j'étais, avec l'anorexie.

  • Speaker #1

    C'est ça. Parce que quand on a un trauma comme ça, En général, on a un rapport avec les hommes qui est un peu erroné. Enfin, j'ai vu un truc que tu as laissé passer la dernière fois, ton chemisier, tout ça. Enfin, on ne devrait pas se poser la question, ben mince, si je m'habille comme ça, le regard des hommes, comment elle va être sur moi ? On ne devrait pas se poser cette question, en fait. On devrait s'habiller comme nous, on en vit, et pas se dire, ben mince, il va y avoir un regard... Et du coup, c'est nous qui devrions être coupables de comment on est habillés.

  • Speaker #0

    Je trouve ça... Oui, on en revient à, malheureusement, ce que tu as sûrement ressenti à l'époque où tu tenais ton corps coupable, responsable en tout cas. Tu vois, il y a souvent la culpabilité inversée, en fait, quand on est victime de violences, et notamment de violences sexuelles, avec l'impression que c'est la faute du corps, c'est la faute de... Voilà, mais tu prends l'exemple du poste que j'avais fait sur mon chemisier. Pour le coup, ça illustre aussi bien la société dans laquelle on vit, parce que j'avais un chemisier qui était ouvert, mais enfin, tu vois, rien de foufou, quoi. Et il y a un type lambda dans le train qui, d'un air réprobateur, vient me dire de reboutonner mon chemisier parce que quoi, je sais pas, ça le gêne, parce que quoi, ça lui crée des pulsions. Enfin, franchement, aujourd'hui, je pense que je réagirais différemment, mais à l'époque, un peu comme dans le cadre d'une agression, j'ai été sidérée, en fait, tu vois. J'ai juste reboutonné mon truc. Oh mince, limite en lui disant pardon, c'est délirant.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est complètement délirant, mais en fait, il faut passer tout ça pour comprendre justement, se dire mais on ne devrait pas se sentir coupable en fait. On s'habille comme on a envie. Ce n'est pas pour attirer le regard des hommes, c'est parce que nous, on a envie de s'habiller comme ça en fait. Et du coup, c'est vrai que le rapport avec l'homme, était erroné et lui, il était bienveillant. Il n'était pas dans le... Et du coup, ça m'a réconciliée, justement. Je me suis dit, finalement, les hommes ne sont pas tous pareils. Et heureusement, heureusement qu'ils ne sont pas tous pareils. Mais parfois, on peut se sentir sidéré par les réactions comme ça, du regard, en fait. Et du coup, nous, on se sent coupable, alors que non.

  • Speaker #0

    Oui, je pense avoir perçu vraiment au fil de notre échange à quel point... Il a été important, mais votre relation, j'ai envie de dire plutôt, a été importante, la relation que vous avez construite tous les deux. Et puis, du coup, j'ai cru comprendre que tu avais eu plusieurs enfants.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai une fille et un garçon.

  • Speaker #0

    Et oui, j'entends à quel point l'amour de cette famille que tu as créé a été super important. Et je ne peux pas m'empêcher de faire un peu le lien avec ton histoire de base. justement c'est peut-être ce qui t'a manqué aussi tu vois dans tout ce qui s'est passé pour toi quand t'étais petite fille ce soutien inconditionnel d'une maman le fait de te sentir portée à ce moment là et bien finalement c'est quelque chose que t'as été en mesure de créer c'est ça je suis assez fière de ça tu peux je pense que c'est important de se le dire de se le répéter de regarder ce parcours court et de pouvoir être fière de ça, vraiment, il y a de quoi. Après presque 30 ans passés dans l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais ouais, je pense que l'amour de ses proches, je pense que ça aide. Quand on est seul et on a des TCA, je pense que c'est compliqué si on ne se fait pas aider. Parce qu'on s'enferme, justement. On s'enferme de corps. On n'a pas d'issue. On ne sait pas à qui en parler. Et du coup, la personne, elle s'isole.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Écoute, merci beaucoup. Je trouve que c'est un beau message d'espoir. Je trouve aussi que ton témoignage, il est super important par rapport à ce que tu as partagé sur ton trauma. Je trouve qu'il y a une valeur éducative aussi. C'est important de... J'ai envie que ce soit plus simple de parler de ça parce que le silence autour des violences sexuelles... Ce n'est pas aux victimes qu'ils rendent service, c'est aux agresseurs. Donc, il faut pouvoir en parler plus facilement. Il faut que des parents entendent aussi ton témoignage pour que peut-être si demain, leur fils ou leur fille rentre à la maison en leur parlant d'une agression, ils puissent agir différemment de ce que toi, tu as vécu. Donc, merci. J'ai envie de te dire un immense merci. Un grand bravo pour ce parcours. Et un immense merci d'être venu témoigner. avec autant d'authenticité de nous avoir livré un grand morceau de ta vie puisque encore une fois ça a pris beaucoup de place donc franchement merci beaucoup je suis sûre que ça va être vraiment riche pour les personnes qui vont l'écouter en tout cas c'est moi qui te remercie Flavie avec grand plaisir merci beaucoup un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode mon podcast te plaît ? t'apporte de l'aide ? alors partage-le, laisse un commentaire Laisse 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. Ça va te prendre quelques secondes. Et pour moi, c'est un soutien immense. Mon podcast, c'est une ressource gratuite que j'ai envie de mettre à disposition. Comme tu l'as remarqué, il n'y a pas de pub avant, pendant, après. Pouvoir me permettre de continuer à le faire, c'est hyper important de m'apporter ce soutien en le partageant, en en parlant autour de toi et en mettant ces 5 étoiles et ce petit commentaire qui permettront de valoriser et faire connaître le podcast. Je te remercie et je te dis à dans quelques jours pour un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation Muriel

    01:09

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

    03:27

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

    06:10

  • Le début de l’anorexie

    07:56

  • Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

    14:30

  • TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

    25:03

  • Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

    35:57

  • Une sorte de semi-guérison

    42:41

  • Ce que Muriel aimerait transmettre

    49:16

Description

Muriel a passé 30 ans dans l’anorexie. 


Petite fille joviale pour qui l’alimentation était synonyme de plaisir et n’étais pas un sujet, elle bascule brusquement dans l’anorexie après avoir vécu une agression sexuelle.

Muriel est fière de pouvoir dire qu’elle est débarrassée de l’anorexie, et il y a de quoi.
Son parcours est jalonné de souffrance et de beaucoup de solitude.

Malgré toute la place que prenait la maladie, Muriel a fondé une famille au sein de laquelle elle a puisé l’amour et la force nécessaire pour s’en sortir.

En cours de formations, elle souhaite bientôt accompagner les femmes souffrant de troubles alimentaires afin de mettre son vécu au profit de la guérison des autres. 


C’est un parcours touchant et inspirant que Muriel nous livre avec vulnérabilité.
Merci. 



Au programme : 


Présentation Muriel

Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

Le début de l’anorexie

Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

Une sorte de semi-guérison

Ce que Muriel aimerait transmettre


Live cité : « Bed bug » de Katerine Pancol 



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Muriel dans le podcast. Je suis ravie de t'accueillir pour que tu puisses apporter ton témoignage auprès de l'auditoire de TCA, etc. Donc déjà, merci pour ça, merci d'être là. Dans un premier temps, je te propose de te présenter de la manière dont tu le souhaites pour nous dire un petit peu qui tu es.

  • Speaker #1

    Pas de souci. En tout cas, c'est moi qui te remercie Flavie pour cette invitation. Je suis ravie d'être là. Moi, je suis Murielle Pruveau. Je suis en pleine création de mon entreprise pour devenir thérapeute. Je suis en cours de formation aussi. J'ai fini praticien, j'ai fait gestion du poids. J'ai fait la formation Renaitre avec Flavie, Laura Jaubert, excuse-moi.

  • Speaker #0

    On s'appelle toutes Flavie, incroyable !

  • Speaker #1

    Avec Laura Jaubert, que j'ai terminée il n'y a pas très longtemps, il y a trois semaines. Elle a fait ça à Lille. Ça a été vraiment une super expérience. Et sinon, j'ai travaillé 18 ans dans un magasin de sport pour ensuite travailler en crèche. Mais je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais, même si ça m'a amenée, ça a été enrichissant pour moi. Je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais. Et à l'époque, je voulais être psychologue, mais avec les hospitalisations, tout ça, j'ai un peu arrêté tout ça. Et après, pas d'énergie, pas la force. Et du coup, là, je reprends les formations justement pour accompagner les femmes qui veulent bien échanger avec moi. Et j'ai plein de choses à échanger avec eux.

  • Speaker #0

    OK, donc ça, c'était plutôt une présentation axée pas mal vie pro. Mais si t'es là, c'est aussi et surtout, j'ai envie de dire, par rapport à ta vie perso et ce que tu as vécu, notamment avec les troubles alimentaires.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est tout à fait ça. Donc, ça a été une grande partie de ma vie de 11-12 ans après un trauma, comme beaucoup de personnes qui ont des TCA, jusqu'à, je dirais, 40 ans.

  • Speaker #0

    Ok, ça marche. Donc, avant qu'on rentre un peu plus dans le... Parce que ça m'intéresse beaucoup de savoir, tu vois, un peu le parcours, parce que c'est un long parcours, donc j'imagine qu'il y a plein de choses à en dire. J'aime bien poser une question à toutes les personnes qui interviennent sur TCA, etc. Qui est, en vrai, il y a deux questions. La première question, ce serait ton souvenir le plus ancien dans le rapport à ton corps. Ou en tout cas, le souvenir le plus marquant qui te vient sur le rapport à ton corps.

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu l'impression que mon cerveau a été déconnecté et que je ne supportais plus mon corps, en fait. Ça a vraiment été... Et assez rapidement, je suis tombée dans l'anorexie. Je supprimais toute alimentation, je ne mangeais plus du tout. En fait, je mettais en souffrance mon corps. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est le souvenir le plus ancien ou le plus marquant que tu aies dans la relation à ton corps ? Et tu avais quel âge à peu près ?

  • Speaker #1

    C'était 12 ans, 11-12 ans. Ouais. 11-12 ans où... Je ressentais de la honte. Vraiment, c'était une souffrance antérieure, un combat antérieur avec moi-même, sans comprendre pourquoi, au départ, quand on rentre dans les TCA, pour ma part, l'anorexie, ça a vraiment été un combat mutuel, comme s'il y avait deux personnes

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il y a une forme de dissociation qui se crée où il y a toi, ton corps de l'autre côté. Oui,

  • Speaker #1

    mais complètement. Je crois que j'ai été dissociée pendant plusieurs années.

  • Speaker #0

    Le TCA peut servir à ça aussi, d'ailleurs. C'était dans une dissociation.

  • Speaker #1

    Et je pense que c'est ce qui m'a fait vraiment rester sur pied, justement. À ce moment-là, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour survivre, en fait. Si quelque part, je voulais disparaître, parce que souvent l'anorexie, c'est ça, on veut disparaître, on se fait toute petite pour qu'on vous voit le moins possible. Mais oui, ça a été une souffrance assez puissante quand même.

  • Speaker #0

    Les bases de ton rapport au corps sont plutôt sur des bases, effectivement, de souffrance, de bataille, de mise à distance.

  • Speaker #1

    Mais c'était ça. Et en fait, même les gens qui mangeaient à côté de moi, Ça m'écœurait, j'avais envie de vomir, alors que c'est normal de manger, c'est normal d'alimenter son corps, c'est ce qui me fait avancer. Mais j'avais un dégoût complet de la nourriture, en fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et justement, là, ma question au début était sur le rapport à ton corps, mais sur le rapport à l'alimentation, même si c'est avant l'anorexie, qu'est-ce qui te vient ? Si je te pose la question, c'est quoi ton premier souvenir avec l'alimentation ? Ou en tout cas, le souvenir qui s'impose à toi ?

  • Speaker #1

    L'alimentation ? En fait, je me suis dit, s'il ne m'alimente plus, mon corps va se cacher. Parce qu'en fait, c'était vraiment ça. En fait, j'étais assez bien formée. Et du coup, je me suis dit, si je ne m'alimente plus, on ne verra plus mon corps. Et c'est ça qui a vraiment déclenché tout le reste, en fait.

  • Speaker #0

    Mais tu n'as pas de souvenirs sur le rapport à ton corps et à l'alimentation avant ça, avant tes 12 ans ?

  • Speaker #1

    En fait, je mangeais bien. J'étais même très gourmande. J'avais un corps qui me correspondait. J'étais assez joyeuse, pleine de vie, tout ça. Et oui, j'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    J'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Avant tout ça, avant tes 12 ans, tu penses que tu avais une relation, j'aime pas trop le mot normal, mais classique, intuitive à l'alimentation ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, tout à fait, tout à fait. Je mangeais quand j'avais envie, je mangeais les choses que j'avais envie. Enfin, comme tout...

  • Speaker #0

    personnes qui a 11 12 ans qui mange pleinement et donc justement pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet de tout ton parcours avec les troubles alimentaires pour toi tu dis que ça tu nous expliquer que ça a commencé par de l'anorexie qui a été déclenchée par un trauma oui Et que tu expliquais déjà en lien avec les souvenirs à rapport au corps, à l'alimentation, que finalement, c'est un traumatisme relié à ton corps, j'imagine, et que du coup, c'est parti d'une volonté de te dissocier de ton corps, de faire disparaître ton corps pour te protéger aussi. C'est de là que c'est parti et que l'alimentation a été un outil pour ça en ne te nourrissant plus. Tu me dis si je résume bien.

  • Speaker #1

    C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    Là, tu as environ 12 ans et tu commences à sombrer dans l'anorexie. Tu arrêtes de manger en fait.

  • Speaker #1

    J'arrête de manger.

  • Speaker #0

    Tu dis que tu ressentais du dégoût pour l'alimentation. Ça s'est instauré tout de suite, ça aussi, le dégoût ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a une période de ma vie où comme si mon cerveau avait amené...

  • Speaker #0

    C'est un peu flou.

  • Speaker #1

    C'est un peu flou, oui. Et en fait, c'est comme si ça avait effacé une partie de ce moment-là qui était assez douloureux pour moi.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu as des proches avec qui tu peux en reparler aujourd'hui, notamment tes parents peut-être ?

  • Speaker #1

    Alors, mon papa est parti, mais ma maman, de toute façon, on... Tu vas sûrement me poser la question de mon trauma. Je n'ai pas été du tout accompagnée par ma maman. Et ça a été un problème. Ça a été une souffrance supplémentaire.

  • Speaker #0

    OK. Donc, comme ta maman n'a pas été en mesure de t'accompagner sur le trauma que tu as vécu, elle ne t'a pas non plus accompagnée sur toutes les conséquences traumatiques, dont l'anorexie. Du tout.

  • Speaker #1

    Du tout,

  • Speaker #0

    du tout. Est-ce que tu sais ou te souviens, parce que ce n'est pas facile, effectivement, en fait, ce que tu dis, c'est typique. Quand il y a un événement traumatique, il y a aussi un peu la mémoire en gruyère autour, avec des trous, avec du flou. C'est pour ça que je te demandais si tu pouvais en parler avec d'autres gens, parce que des fois, c'est compliqué de remettre les pièces du puzzle. Est-ce que tu te souviens si ton poids a baissé rapidement à ce moment-là ? Si ça a alerté des gens autour de toi ?

  • Speaker #1

    Oui, quand même assez rapidement parce que je ne m'alimentais plus du tout. Donc j'ai rapidement perdu du poids. Je me souviens que mes parents avaient quand même appelé le médecin. Donc lui, le médecin, il m'a mis sous traitement antidépresseur. Parce que pour lui, j'étais en train de faire une dépression. Donc j'ai été mis sous traitement. J'étais... En fait, avec des traitements antidépresseurs, on est fatigué, on n'arrive plus à penser. Et à cet âge-là, je sais que je n'avais pas super bien vécu parce que je me dis, à cet âge-là, on ne doit pas prendre de médicaments antidépresseurs. C'est ce que je m'étais dit.

  • Speaker #0

    Ok. À ce moment-là, c'est ce que tu te disais, toi.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et puis, ça m'a battue. J'étais complètement abattue. et progressivement de toute façon je n'arrivais même plus à marcher je n'avais même plus de force pour marcher donc j'ai été hospitalisé parce que ben quand je suis arrivé ils m'ont mis en réa parce que j'étais à

  • Speaker #0

    ça de la mort et ça c'était au bout de combien de temps tu sais tu te souviens peut-être au bout d'un an je dirais au bout d'un an donc tu avais autour de 13 ans

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. 13-14 ans et j'étais hospitalisée pendant quelques temps. Après, j'étais gavée aussi. Mais je mettais vraiment mon corps en souffrance. Et comment je pourrais dire ça ? Je ne voulais plus de ce corps, en fait. Donc, je le mettais vraiment en danger. C'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis j'étais gavée Tu parles d'une sonde nasogastrique à l'hôpital.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Il n'est pas anodin le mot que tu utilises. Tu dis j'étais gavée C'est comme ça que tu l'as vécu ?

  • Speaker #1

    C'est comme ça que je l'ai vécu. C'est pareil, je ne l'ai pas super bien vécu parce qu'on vous met une sonde, on vous gave. À ce moment-là, je ne comprenais pas trop pourquoi, mais maintenant, avec le recul, c'était pour que je puisse survivre, parce que je ne m'alimentais pas. Je faisais beaucoup de sport aussi, parce que je me disais, plus tu feras de sport, et comme je ne mangeais pas, du coup, ça mettait encore plus en souffrance mon corps. C'était vraiment ce lien de faire souffler mon corps et le mettre en danger.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que tu tenais ton corps pour responsable de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Oui, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Mais bon, ce n'est pas facile, voire impossible de conscientiser ça quand on a 13 ans. Je ne sais pas, est-ce que tu étais accompagnée psychologiquement en parallèle de la renutrition ?

  • Speaker #1

    Alors du coup, j'avais été suivie par une psy... Enfin, j'ai vu plusieurs psychologues et psychiatres. Et en fait... Alors, est-ce que je n'étais pas prête ? Est-ce que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes ? Mais en fait, j'avais l'impression qu'on me renvoyait encore ce problème d'alimentation. Et j'avais l'impression d'avoir en face de moi quelqu'un qui ne me comprenait pas en fait. Et vite... Enfin, à chaque fois, j'arrêtais les suivis. Parce que ça ne m'apportait pas grand-chose à ce moment-là. Et du coup, j'en voyais d'autres. Et c'était toujours le même schéma, en fait.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, quand tu dis ça, c'était complètement axé sur le fait que tu ne manges pas ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et les différents soignants étaient au courant de ce que tu avais vécu, de l'expérience traumatique que tu avais vécue ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, ils étaient au courant, oui. Mais je ne sais pas, ils ne faisaient pas lien. Après, à cette époque, les psychologues, tout ça, n'étaient pas forcément formés sur les TCA.

  • Speaker #0

    Toujours pas, ça ne fait toujours pas partie de la formation de base.

  • Speaker #1

    Oui, ils font les formations après, mais...

  • Speaker #0

    Oui, les personnes qui te souhaitent font les formations après. Mais tout comme par rapport au... Enfin, j'allais dire par rapport aux violences sexuelles. C'est vrai que je présume qu'il s'agit de ça, de ce que tu as vécu. Je présume peut-être mal, mais... naturellement, j'allais partir sur ce sujet-là parce que les soignants sont quand même assez peu... Je pense qu'aujourd'hui, la société évolue par rapport à ça et au fait d'en parler. Néanmoins, pour être bénévole dans une association où on accompagne des victimes de violences sexuelles, je vois bien qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont un long parcours de soins derrière elles. qui ont dit des trucs qui étaient très clairs, dont les psychiatres, les psychologues auraient pu se saisir pour leur permettre de travailler, de tirer cette ficelle-là. Si la personne, elle le lâche en consultation, c'est qu'elle est quand même prête à l'amener. Des fois, on n'est juste pas prêt. Et il y a aussi des gens qui voient des tas de psychologues et qui ne parlent jamais du trauma. Mais quand on l'amène, même timidement, c'est aussi pour que la ficelle soit tirée. Et en fait, ce n'est pas du tout fait, parce qu'il y a... encore un gros manque de formation, il y a un tabou, c'est difficile. C'est difficile, mais c'est déplorable, ce n'est pas normal en fait. Ce n'est pas normal que la jeune fille que tu étais ait vu autant de professionnels sans qu'on t'aide sur ce sujet-là, tu vois. Enfin, moi j'ai envie de dire, ce n'est pas normal.

  • Speaker #1

    Puis du coup, en fait, j'ai avancé toute seule du coup. Et du coup, ça a mis du temps, de l'énergie. Enfin, plein de choses. Et puis en plus, sur mon chemin, il s'est ajouté d'autres traumas. Donc du coup, la guérison n'a pas été simple. Oui.

  • Speaker #0

    Et si on prend ton histoire un peu dans l'ordre, si on essayait de reconstituer, de faire le film un peu de ta vie. Donc là, tu es hospitalisée autour de 13-14 ans. Pendant combien de temps tu restes à l'hôpital ?

  • Speaker #1

    Pas mal de mois. Il y a eu plusieurs hospitalisations. Ça, ça a été la première, je dirais, 4-5 mois peut-être.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Voir plus même, parce que je faisais l'école à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Et il y a des moments où tu retournes chez toi, puis tu retournes à l'hôpital. C'est comme ça que ça se passe, ton adolescence ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme ça que ça se passe. Je sortais quand ils voyaient que mon poids était à peu près stable. Et une fois que je rentrais, je repartais dans les travers de ne pas m'alimenter, de ne pas... Alors par contre, je faisais à manger pour les autres.

  • Speaker #0

    Ouais, typique !

  • Speaker #1

    C'est ça qui est paradoxal parce qu'on adore faire à manger en plus. J'adore toujours faire à manger. Mais je pense que c'est parce qu'on contrôle ce qui... Du coup, on se dit, tiens, on sait ce qu'on va mettre dans... dans le repas. Et du coup, on a ce contrôle-là même si on ne mange pas, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a quelque chose d'obsessionnel autour de la nourriture. Il y a presque une notion de se nourrir par procuration. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, il y a des tas de personnes qui souffrent d'anorexie qui suivent des comptes de foodies, tu vois, et tu vas sur le feed Insta d'une personne qui souffre d'anorexie. Je te parie qu'il y a un mélange de... Nana Fit, sportive et tout, mais qu'il y a énormément de recettes. Des recettes, des recettes, des recettes. Moi, je me souviens quand j'ai souffert d'anorexie, je recopiais des recettes. Je passais des heures à recopier des recettes. Non, mais...

  • Speaker #1

    Mais pareil, je faisais pareil. J'avais un petit carnet et je mettais toutes les recettes.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais c'est une sorte de contrôle. Comme on n'arrive plus à contrôler notre alimentation... on s'interdit de s'alimenter. Du coup, on garde, quelque part, on garde un peu de contrôle.

  • Speaker #0

    Oui, je pense, moi, je me dis aussi que derrière ça, c'est une façon de manger par procuration, c'est une façon de répondre à l'obsession alimentaire. Parce que même si on a l'impression, à certains moments, de ne pas ressentir la faim, en fait, la faim, elle est là, elle tenaille. Et c'est pour ça qu'on pense à la bouffe H24 aussi. Et du coup, c'est une façon de répondre à cette obsession sans manger. On pense tout le temps à la nourriture. Et puis, le fait de faire à manger pour les autres, c'est hyper rassurant de faire manger les autres, voire même on a envie de gaver les autres. Il faudrait que tout le monde mange sauf nous, tu vois, dans ces phases-là.

  • Speaker #1

    Du coup, le fait de voir manger, ça nous remplit, nous.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense qu'il y a un vrai truc par procuration, vraiment. Et du coup, est-ce que tu te souviens combien de temps a duré cette phase ?

  • Speaker #1

    Cette phase sortie de l'hôpital, rentrée ?

  • Speaker #0

    Ouais, je ne sais pas, est-ce qu'il y a eu plusieurs phases ? Comment toi, tu décrirais les choses ? Est-ce que je découvre ton histoire au moment où tu la racontes ? Donc, je ne sais pas. Est-ce qu'il y a eu des phases d'anorexie, puis d'anorexie boulimie ? Est-ce qu'il n'y a eu que de l'anorexie ? Est-ce qu'au cours de tes phases d'anorexie, il y a eu des sous-phases presque ? Oui,

  • Speaker #1

    non, il n'y a vraiment eu que de l'anorexie. La troisième fois, quand je me suis fait hospitaliser, donc j'étais hospitalisée dans un centre à Camier, ils m'avaient même isolée, donc fermée la porte des toilettes. Donc, ils me ramenaient mon repas hypercalorique. Donc, j'avais un... régime hypercalorique de je sais plus combien de calories, j'avais l'impression d'être gavée aussi. Donc, il fermait la porte des toilettes parce que justement, il se disait... Et c'est un truc que j'ai... D'ailleurs, je pense que j'ai jamais réussi à me faire vomir. C'était un truc que j'avais... Et du coup, en fait, j'ai été anorexie. Enfin, j'ai toujours été que anorexie.

  • Speaker #0

    Ouais, anorexie purement restrictive.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et par la suite, après, quand j'ai commencé à me réalimenter, c'était vraiment deux biscottes le matin. Et je ne remangeais rien jusqu'au soir. Et le soir, je mangeais peut-être une soupe quand j'ai commencé à me réalimenter.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est quand, quand tu dis quand j'ai commencé à me réalimenter

  • Speaker #1

    Je dirais 14-15 ans. 14-15 ans.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps alors, ça ? Le fait de manger deux biscottes et puis une soupe ?

  • Speaker #1

    Très longtemps.

  • Speaker #0

    Ah ouais ?

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Je dirais bien un an. Ou voire plus. En fait, ouais, c'est comme si j'avais des flashs, en fait. C'est que des flashs. J'ai plus de souvenirs appropriément dits. Mais j'ai ces flashs. Et quand j'y repense, je me dis, mais comment tu faisais pour manger que deux biscottes, quoi ?

  • Speaker #0

    C'est clair. C'est clair, c'est fou. Les ressources du corps, c'est flippant presque.

  • Speaker #1

    Mais carrément. Mais carrément, parce que finalement, je tenais, même si mon corps tenait à peine debout. Mais j'étais encore là, en fait.

  • Speaker #0

    Et autour de toi, alors, comment ça se passe avec ta famille à ce moment-là ? Parce que tes parents, bon, il y a des allers-retours à l'hôpital et là, tu dis, pendant une période d'un an, tu manges deux biscottes le matin et une soupe le soir. Donc, tu devais vraiment pas être épaisse. Et donc, t'allais en cours quand tu dis je tenais c'est que t'allais au collège, au lycée ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ok. Et comment ça se passait avec ta famille ? Quel regard ils portaient là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors je sais que mon papa en a beaucoup souffert, mais comme il n'était pas au courant de la situation, il ne comprenait pas pourquoi j'avais ces troubles alimentaires alors qu'avant je n'avais pas de problème de nourriture. Enfin, je n'avais pas de problème avec la nourriture. Et du coup, je me souviens qu'une fois j'avais pesé quelque chose et il avait pris la balance, il l'avait broyée parce que... Parce qu'il n'en pouvait plus de ça. Et souvent, je mangeais à côté de lui. Alors, je ne sais pas si c'est parce que ça me rassurait de manger à côté de lui. Parce que je m'isolais pour manger. Je ne voulais pas qu'on regarde ce que je mangeais. Mais il était souvent à côté de moi. Et je pense qu'il y a un moment où il n'en pouvait plus. Et il a pris la balance, il a broyé. Il m'a dit maintenant tu n'auras plus de balance. Mais parce qu'il ne comprenait pas en fait.

  • Speaker #0

    Ben ouais.

  • Speaker #1

    Et ma maman, je pense qu'elle s'est laissée porter. Et comme je lui en ai souvent voulu, ça a été aussi un travail après à faire. Parce que quand on est parent, on est censé protéger nos enfants. C'est la base. Et là, je ne me suis pas sentie protégée du tout.

  • Speaker #0

    Pourquoi ton père n'était pas au courant de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Parce qu'il ne fallait surtout pas en parler.

  • Speaker #0

    Donc seulement ta mère était au courant ?

  • Speaker #1

    Oui, et mon frère et mes deux sœurs étaient trop petits. Mais ma maman, il ne fallait pas en parler. D'ailleurs, la personne continue à rentrer à la maison.

  • Speaker #0

    Ok. Je ne suis pas allée te poser la question frontalement parce que ce n'est pas dans mes habitudes. Par contre, il n'y a aucun problème pour en parler, de dire clairement ce qui s'est passé. Et si c'est le cas, je mettrais aussi un warning pour les personnes qui écoutent l'épisode. Parce que du coup, si j'ai bien compris... Alors... je reprécise un truc, c'est vrai que je ne l'ai pas dit au début à n'importe quel moment tu as des milliers de jokers à ta disposition et il n'y a aucune question obligatoire, c'est à dire que moi jamais je me vexerais de quoi que ce soit la base c'est le consentement, donc tu réponds si t'es ok, tu réponds dans la mesure de ce que t'as envie de répondre sans toi vraiment libre l'épisode il est autour de toi de toute façon j'ai plus de problème du tout avec ça avant c'est vrai que j'avais un peu honte donc il y a

  • Speaker #1

    Très peu de gens autour de moi qui connaissaient la situation. Maintenant, je n'ai plus de problème, je n'ai plus de honte, je n'ai plus ces sensations. Donc, en fait, c'est le mari de ma tante, la sœur de ma mère. Donc, un oncle que je connais très bien, puisque j'ai tout fait avec eux depuis que je suis petite. Je suis souvent avec eux. Et une fois que je suis formée, j'étais quand même bien formée. En fait, il a commencé à vouloir abuser de moi. Donc, comme moi, j'avais une entière confiance en lui, je pouvais aller dans sa voiture. Et ce jour-là, c'était chez lui. En fait, on avait été chercher quelque chose chez lui. Et en fait, il a commencé à me toucher, tout ça. Et moi, je me suis dit, c'est pas normal. Et il insistait tout ça. Bon, j'ai réussi à m'en sortir et à sortir de là. Et dans la voiture, il recommençait à mettre sa main en dessous de ma jupe, tout ça. Et en fait, mon corps, il s'est paralysé, en fait. Il s'est paralysé. Je ne comprenais pas ce qui se passait parce que j'avais confiance en lui. Je le connaissais. Je n'ai jamais eu de problème avec ça. Et en fait, par contre, quand je suis rentrée, j'en ai parlé tout de suite à ma maman. Mais en fait, j'ai eu l'impression de parler dans le vide, parce que je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie comprise. Et en fait, j'ai eu l'impression qu'elle faisait semblant de ne pas m'écouter. Parce que cette personne, sa sœur, continue à rentrer. C'est tant que le commentaire continue à rentrer. Et moi, j'étais là. Et du coup... en fait, je me suis demandé ce que j'avais ressenti, est-ce que je l'ai vraiment vécu en fait ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Parce que du coup, ça revenait en boucle dans mon cerveau, dans ma tête, et je me dis si ma mère ne me croit pas, est-ce que je l'ai vraiment vécu ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça qui est terrible.

  • Speaker #1

    Et du coup, en fait, je me suis sentie doublement punie en fait. Doublement punie. Et en fait, je ressentais de la... de la colère, de la révolte. Et en fait, je me suis isolée. Je me suis isolée de tout. Et je pense que là, ça a été vraiment la descente aux enfers. Oui.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il s'est arrivé quelque chose d'horrible, de grave. dans le monde des adultes en fait tu vois enfin qui concernait un adulte t'en parle à un autre adulte qui est ta maman comme tu dis qui est censé te protéger donc en fait déjà moi je trouve ça fort tu vois que tu étais capable en rentrant d'en parler à ta maman c'était un grand témoignage de confiance aussi à ta maman et et il faut aussi énormément de force pour réussir à parler de ça parce que tout à l'heure t'as parlé de honte tu vois c'est des sentiments qui suivent les victimes toute la vie quoi je veux dire derrière malheureusement enfin ou en tout cas jusqu'à ce qu'on arrive à suffisamment travailler le truc donc en fait toi de ton côté bah tu mets en place tout ce que tu peux mettre en place pour surmonter ce truc là et en fait Gros flop, t'es abandonnée, t'es seule face à ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'était complètement ça. Et j'ai une bonne relation avec mon frère et mes deux sœurs. Mais eux, ils étaient trop petits pour comprendre. Donc, j'avais quand même leur amour qui me faisait avancer quand même parce qu'ils étaient toujours là, bienveillants, à essayer, même quand j'étais à l'hôpital, à m'envoyer des petits mots parce que je n'avais pas le droit aux visites. Donc, dans le sac, il mettait toujours des petits mots gentils. Et je pense que ça, ça m'a porté quand même... Enfin, ça m'a fait avancer.

  • Speaker #0

    OK. Et j'ai envie de te poser la question, même si... Enfin, je pense que c'est important de poser cette question aussi, peut-être pour les auditeurs, auditrices. Qu'est-ce qui fait que toi, t'en as pas parlé à ton papa ?

  • Speaker #1

    Je pense que je ne voulais pas lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Ta maman t'avait explicitement dit, on n'en parle pas à papa.

  • Speaker #1

    Oui, il ne faut pas en parler.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas en parler. Donc, il y avait pas mal de gens qui étaient au courant, mais qui, en fait, comme chaque homme qui abuse tout ça, quand on les voit, ils paraissent bien, ils ont une bonne posture, ils sont gentils. Et en fait, j'ai beaucoup de tentes qui n'ont pas cru, sauf une. D'ailleurs, qui a déclenché le truc en disant, écoute, tu as abusé de Muriel. Et du coup, ma tante était venue en furie à la maison. Je me souviens, j'étais dans la chambre. Et en fait, lui m'a regardée avec un air un peu... Enfin, je ne sais pas trop l'expliquer. Il avait un air comme si j'avais fait quelque chose de mal, que maintenant tout le monde savait, même si il y en a beaucoup qui ne m'ont pas cru, sauf une tante, c'est la seule tante qui m'a cru avec mon oncle. Et du coup, on se sent seule, très seule même.

  • Speaker #0

    Comment elle l'a su, ta tante et les autres ? Comment ils avaient été mis au courant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ma mère qui avait dû lui dire. Ça, c'est assez flou. C'est vrai que je devrais lui redemander parce que je l'avoue encore. Et c'était ma mère, je pense, qui lui en avait parlé. Ou peut-être moi. Enfin, j'ai plus souvenir. Il y a vraiment des parties de ma vie qui... Comme s'ils étaient effacés.

  • Speaker #0

    Et c'était elle aussi une sœur de ta maman ? Ta maman, elle avait plusieurs sœurs ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui. C'était une sœur de ma maman, oui.

  • Speaker #0

    Et à part elle, tout le monde s'est muré dans le silence. Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu sais s'il y a eu de l'inceste plus haut dans ta famille ? Si, par exemple, ta maman a pu en subir ? Est-ce que c'est des questions que tu t'es déjà posées ?

  • Speaker #1

    Non. C'est vrai que je ne me suis jamais posé cette question et j'ai commencé à me la poser cette année parce qu'en faisant les formations, on apprend beaucoup de choses. On apprend aussi sur nous. C'est vrai que je me suis dit, est-ce qu'elle, elle n'a jamais subi ça en fait ? Et je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Vu sa réaction, ça vaut le coup de se questionner pour voir, il y a plusieurs choses, pour voir énormément de... famille incestuelle, dans le cadre de mes deux pratiques, que ce soit dans l'accompagnement des TCA ou dans ma pratique bénévole auprès des victimes de violences sexuelles, en fait, souvent, l'inceste ne débarque pas comme ça, de nulle part, dans une famille, déjà. Et puis, dans les réactions des proches, dans les réactions des femmes notamment, et sur cette loi du silence, on n'en parle pas. Et puis, tu sais, tu viens déposer ce truc-là et tu as une réaction en face à l'inverse de celle à laquelle on pourrait s'attendre d'une maman. Souvent, ça vient parler quand même de ça. Je ne dis pas, ah, c'est sûr, elle a vécu ça. Mais tu vois, ça fait penser à quelqu'un qui serait issu d'une famille dans laquelle il y a de l'inceste déjà. Ça me fait penser à un livre de Catherine Pancol qui s'appelle Bedbug. et voilà, je n'en dis pas plus parce que je ne veux pas spoiler mais si ça t'intéresse, ça intéresse les personnes qui vont nous écouter voilà, qui je trouve que c'est un roman mais ça illustre bien ça, alors c'est pas attention c'est un roman mais qui parle de violence sexuelle donc C'est... Attention. Mais ouais, en tout cas, on peut... Enfin, moi, ça me... Forcément, tout de suite, cette question est arrivée à moi. Vu la réaction de ta maman, voilà, on peut se demander ça. Et j'avais une autre question, d'ailleurs. Est-ce que d'autres personnes ont souffert de troubles alimentaires dans ta famille, proches ou éloignées ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai ma cousine. Après la mort de sa grand-mère, avec qui elle était proche. Elle a commencé, mais ça n'a pas duré très longtemps. Mais là, on a parlé cette année ensemble, parce qu'on se voit assez régulièrement, et je pense qu'elle a quand même un rapport à l'alimentation qui est compliqué quand même. Même si elle mange normalement, tout ça, je pense qu'il y a quand même cette peur de grossir qui est là quand même.

  • Speaker #0

    Et donc, on a fait un... un détour pour parler aussi de la racine, mais qui a été hyper importante, je pense, la racine de ce qui s'est passé pour toi. Quand tu regardes ton parcours, j'ai mille questions à te poser, franchement. J'aurais envie de te demander, combien de temps ça a duré, déjà ? Qu'est-ce qui t'a aidé ? Qu'est-ce que tu as compris sur le chemin ? Il y a énormément de choses. Alors, peut-être commencer par le début. Combien de temps ça a duré pour toi, du coup, l'anorexie ?

  • Speaker #1

    De 12, 13 ans. Je dirais où je me sens vraiment plus anorexie, c'est après 40 ans.

  • Speaker #0

    OK.

  • Speaker #1

    Après 40 ans. Après, ça s'est un peu amélioré quand j'ai connu mon mari. Donc, c'était à 21. J'avais 21, 22. 21, 22. Oui, quelque chose comme ça. Et oui, quand j'ai rencontré mon mari, ça a été un révélateur. Et je pense que comme il était bienveillant, enfin après ça n'a pas été simple pour lui, parce que quand on en parle ensemble, je pense que ça a été une période pas très facile pour lui, mais il était là et il ne me jugeait pas. Il n'était pas à me juger ou d'autres choses. Mais ça a été un moment pas facile parce que quand on se connaît, on a envie d'aller au restaurant, on a envie de faire plein de choses. Et moi, ce n'était pas possible d'aller au restaurant pour manger. Cette période-là, c'était encore pour moi très difficile de manger encore plus parce qu'on venait de se connaître et je mangeais toujours isolée. Donc quand il m'a invité... à manger au restaurant, je lui disais Mais non, j'ai déjà mangé. Donc lui, au départ, il le croyait. Mais après, il ne m'a plus vraiment cru. Et du coup, j'ai commencé à lui expliquer mes troubles alimentaires. Et puis après, il m'a pris comme j'étais, en fait. Oui. Mais ça n'a pas été simple. parce que même quand on s'est mis en ménage, moi, je me faisais mon petit repas parce que je commençais à m'alimenter. Enfin, je m'alimentais, mais c'était vraiment restreint. C'était restreint. Je contrôlais tout. Je mangeais par obligation. Enfin, je ne mangeais pas du tout en pleine conscience. Je mangeais vraiment par obligation. J'étais formatée, en fait.

  • Speaker #0

    Il y avait une notion de survie peut-être dans le fait de, il faut que je mange pour tenir debout.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et après, je suis tombée enceinte. Normalement, les gynécos m'avaient dit, comme j'avais été anorexie très tôt et que j'étais plus indisposée, forcément, pendant très longtemps, les gynécos m'avaient dit, de toute façon, vous n'aurez pas d'enfant. Je m'étais préparée. Et en fait, il y a eu un événement dans ma vie. J'ai perdu ma sœur dans un accident de voiture. Et en fait, elle est partie au mois de décembre. Je suis tombée enceinte au mois de janvier. Ah oui ? Donc là, je me suis dit, Muriel, t'es enceinte. T'as un enfant dans ton ventre. Enfin, tu peux pas faire n'importe quoi. Et je me suis redissociée. pour justement me dire, il faut que tu t'alimentes pour ton enfant. Et du coup, ça s'est plutôt bien passé, ma grossesse. Même si j'étais en deuil, je pleurais beaucoup. Mais je me suis mis vraiment dans le truc, tu t'alimentes pour elle. Parce que c'était une fille. Et je pense que ça a été le révélateur aussi, parce que je voulais... En fait, je ne voulais pas lui transmettre mes TCA, comme si c'était une tare qu'on transmet alors que ça ne se transmet pas du tout. Mais en fait, il y avait vraiment cette peur de me dire, je ne peux pas lui transmettre ça. Et du coup, j'ai mis en place un processus moi-même, en m'alimentant normalement. Même si c'est toujours moi qui contrôlais ce que je mangeais. Mais comme ça, elle n'a pas perçu justement mes TCA.

  • Speaker #0

    Oui, alors pas que la grossesse finalement. Quand tu dis, tu ne voulais pas qu'elle voit, qu'elle perçoive finalement ta fille que tu avais des TCA. Donc, au-delà de la grossesse, tu as continué à suivre une sorte de plan que tu t'étais fait.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Et ta fille, elle n'a pas perçu, elle n'a pas capté que tu avais des TCA du coup.

  • Speaker #1

    Alors, jusqu'à là, je pense, oui, vers 10 ans, je pense. Mais après, je lui en ai parlé. On en a parlé. Elle, elle avait bien perçu qu'il y avait quelque chose. Forcément, c'est des enfants, ils voient tout quand même. Et c'est pareil, en fait. Du coup, pour elle, c'était normal. Donc, du coup, ça n'a pas aggravé le... ça ne m'a pas atteint parce qu'elle vivait bien le truc.

  • Speaker #0

    Et toi, du coup, toute cette période-là, qui j'imagine a duré quand même pas mal d'années à partir de la grossesse de ta fille, tu étais dans un contrôle, j'imagine, quand même très rigide, mais du coup, tu te nourrissais un peu plus, ce qui, j'imagine, t'apportait quand même plus d'énergie pour toute ta vie quotidienne. Comment tu te souviens de cette période-là, toi, globalement ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est comme si j'étais formatée. Je mangeais le matin, je déjeunais le matin, je mangeais le midi, je mangeais un petit truc à 4h et je remangeais le soir. Par contre, je ne mangeais jamais entre les repas. Ou si parfois j'avais envie de manger un petit truc, je le mangeais, mais je m'en voulais tellement de l'avoir mangé. Et du coup, il y avait cette sensation de culpabilité d'avoir mangé un truc qui me faisait plaisir à la base. Et il y avait toujours cette petite voix qui me disait Pourquoi tu l'as mangé ? Pourquoi tu l'as mangé ? Et en fait, c'est un combat entre deux parties dans mon cerveau. Et à vivre, c'est assez compliqué quand même. Oui.

  • Speaker #0

    Et tu te pesais à cette période-là ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne me pesais plus trop. Par contre, ça a été un truc assez... Je pouvais me peser dix fois par jour. Je pouvais me lever la nuit pour me peser aussi. Oui. tellement... En fait, c'est comme en servicieux. J'ai commencé à maigrir et puis plus je maigrissais et plus, quelque part, je ressentais de la satisfaction. C'était ça, de la satisfaction. Et en fait, ça c'est... Le cercle continuait à tourner et je n'arrivais pas à en sortir.

  • Speaker #0

    Et finalement, dans la phase que tu décris post-grossesse, post-naissance de ta fille, J'ai l'impression que ça ressemble un peu à ce que certaines personnes me décrivent parfois, comme une sorte de semi-guérison. Ou finalement, comme tu le dis, tu es un peu formatée, un peu en mode robot. De toute façon, je fais ça, je fais ça, je fais ça. Qui peut donner l'impression d'avoir une vie normale, entre guillemets, alors qu'en fait, dans ta tête, c'est l'enfer, la culpabilité. J'imagine qu'aller au resto ou des repas imprévus, c'était hyper compliqué aussi.

  • Speaker #1

    Mais ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible pour moi.

  • Speaker #0

    Mais malgré tout, tes symptômes étaient moins bruyants, envahissants qu'une phase où tu ne mangeais que deux biscottes et une soupe où tu te pesais dix fois par jour.

  • Speaker #1

    Oui, mais intérieurement, c'était un combat mutuel, mais que je ne faisais pas percevoir. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a duré combien de temps alors, cette phase ?

  • Speaker #1

    Ouf !

  • Speaker #0

    Oui. Mais c'est souvent des phases qui sont très longues parce que justement, je trouve que ça peut donner l'illusion d'une vie normale, donner l'illusion que de toute façon, on n'aura pas mieux que ça. Tu vois, parce que tu revenais tellement loin aussi, j'ai envie de dire. Tu avais déjà quand même vachement progressé.

  • Speaker #1

    C'est ça. C'est ça. Et la satisfaction que j'ai aujourd'hui, c'est d'avoir progressé quelque part un peu pas toute seule parce qu'il y avait mon mari, il y a mes enfants. Puis après, j'ai rencontré des thérapeutes qui m'ont ouvert la porte. Ils m'ont ouvert la porte et là, j'ai commencé à découvrir l'hypnose, le coaching, tout ça. Et je me suis intéressée vraiment au développement personnel, ce qu'on ressentait. Parce qu'à la base, on a des émotions, on a envie qu'ils s'en vont, on les refoule en fait. On a envie que... Enfin, j'en veux pas, j'en veux pas. Et plus on fait ça et plus ça s'installe. Et quand j'ai compris ça, je me suis dit, en fait, ça a des émotions, il faut que tu les traverses. Tu as déjà traversé plein de choses. Si tu peux traverser ça, tu peux traverser tes émotions et les comprendre. J'ai commencé à prendre soin de mon corps, prendre mon corps comme un allié, plus comme quelque chose de je n'en veux pas

  • Speaker #0

    Oui, déjà, tu as commencé à réinvestir ton corps, à revivre dans ton corps, j'ai l'impression aussi. Puis les émotions, c'est intéressant ce que tu dis, parce que les émotions, c'est corporel. Donc déjà, de faire ce travail de, OK, je vais petit à petit me laisser plus traverser par mes émotions, ça veut dire que forcément, tu revenais un peu plus dans ton corps.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et c'est vraiment les séances d'hypnose. Une fois, ma copine, elle me dit, mais va voir une hypnothérapeute, tu verras bien. J'avais tout essayé. Je me suis dit, je ne suis plus à ça. Et... Et du coup, j'ai pris rendez-vous. Première séance assez prenante. Je fais quelques séances et vraiment, je me suis redécouverte en fait. Ah ouais ? Je me suis redécouverte. Et puis, c'était cool. C'était cool de se redécouvrir et on se dit, mes mains, j'ai perdu tout ce temps. Si j'avais rencontré ces personnes-là au moment où tu étais vraiment dans le fond du fond, peut-être tu aurais gagné du temps. Mais après, je me dis, si tu es passé par là, c'est qu'il fallait que tu passes par là et qu'il n'y a jamais rien qui se fait par hasard, en fait.

  • Speaker #0

    Et du coup, toutes ces aides extérieures et l'hypnose où tu dis, je me suis redécouverte. Ça, ça t'a permis aussi de débloquer des choses sur ton comportement alimentaire, ton rapport à ton corps ?

  • Speaker #1

    Pas au début. Pas au début. Je pense qu'il y a une petite graine que j'ai plantée et qui a poussé plus tard.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Enfin, vraiment. Là, aujourd'hui, je peux dire que je ne me sens plus anorexie. On m'aurait demandé il y a dix ans, j'étais encore anorexie, même si moi je me disais que j'étais plus anorexie, beaucoup de gens me disaient quand même, tu as quand même des problèmes avec l'alimentation.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui t'a permis d'en sortir alors, sur justement les dix dernières années là ?

  • Speaker #1

    En fait, il n'y a pas vraiment eu, je pense que j'ai fait mon petit chemin. Il y a eu le confinement où tout le monde s'est un peu redécouvert, on avait le temps pour nous, tout ça. Je faisais plus à manger, tout ça. Il m'est pris plaisir, c'était vraiment ce plaisir de faire à manger pour moi, pour mes proches. Et j'ai commencé à manger en pleine conscience. Je mangeais avec plaisir. C'était plus manger par obligation. Parce que pendant très longtemps, j'ai mangé par obligation. Même si ça ne se voyait pas, je mangeais par obligation.

  • Speaker #0

    Ok. Et du coup, ça a eu un impact sur ton corps, une prise de poids ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors pas beaucoup.

  • Speaker #0

    Et comment tu as vécu ça alors ?

  • Speaker #1

    Ben, plutôt bien. Plutôt bien. Je me suis remis à courir, tout ça. Et je pense que le sport, il aide beaucoup aussi. à faire une connexion avec son corps, son esprit. Et je pense que tout ça, j'ai mis en place sans le vouloir en fait. J'ai mis en place des choses et sans le vouloir, je m'en suis sortie comme ça, inconsciemment en fait. Mais bon, c'est un parcours d'un long... Enfin, c'est un long parcours. C'est un très long parcours. Si je disais que ça a été facile, je mentirais. Ça n'a pas été facile, mais aujourd'hui, je suis là et je suis fière de la femme que je suis devenue, en fait.

  • Speaker #0

    C'est beau d'entendre ça. Ça me donne envie de te poser la dernière question que je pose à chaque fois aux personnes et qui est très importante à mon sens, c'est de savoir ce que... tu aurais envie de transmettre aux personnes qui en sont au stade de celle que toi tu étais ? Alors, tu as été à plein de stades différents. Donc, je ne sais pas, soit tu fais une réponse globale, soit les différents stades. Mais voilà, que ce soit la petite Muriel ou aussi la Muriel maman qui mange par obligation pour ne pas transmettre à sa fille, mais qui n'est pas encore guérie. Qu'est-ce que tu pourrais dire aux personnes qui sont encore en pleine tourmente ?

  • Speaker #1

    Déjà de ne pas rester seule. Maintenant, nous à l'époque, il n'y avait pas trop ces podcasts ou Instagram, comme Toif la vie, où il y a Alizé aussi qui transmet pas mal l'hyperphagie, tout ça. Et je trouve que ça aide pas mal quand même de sentir qu'on n'est pas seul et de se faire accompagner par des gens qui vous comprennent, qui ne vous jugent pas. Et maintenant, ça s'est quand même pas mal développé. Et il y a des gens qui sont très compétents. C'est ça, très compétents parce qu'ils se sont spécialisés dans les TCA. Et puis, en tant que maman, je pense qu'on se laisse porter par ses enfants, par l'amour qu'ils vous portent. Et je pense que c'est ça. Je suis assez mue de le dire en plus. De toute façon, quand on parle des enfants, souvent, en tant que maman, on a toujours cette émotion. Mais oui, non, l'amour de mon mari et de mes enfants m'ont vraiment transportée maintenant où j'en suis. Même si j'ai fait une grosse partie du travail.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, je pense que c'est... J'entends aussi que dans ton parcours, il y a quelque chose de proactif, en fait. T'es allée... En tout cas, au moment où c'était possible pour toi, tu es allée chercher de l'aide, tu as cherché à comprendre, tu t'es intéressée sans doute à plein de choses, et puis voilà, tu es allée chercher de l'aide. Et du coup, ce travail, tu l'as mené toi, mais j'entends l'importance que ça a eu pour toi, de te sentir aimée. Et j'ai l'impression de te sentir aimée inconditionnellement. Tout à l'heure, tu disais, mon mari m'a prise comme j'étais, avec l'anorexie.

  • Speaker #1

    C'est ça. Parce que quand on a un trauma comme ça, En général, on a un rapport avec les hommes qui est un peu erroné. Enfin, j'ai vu un truc que tu as laissé passer la dernière fois, ton chemisier, tout ça. Enfin, on ne devrait pas se poser la question, ben mince, si je m'habille comme ça, le regard des hommes, comment elle va être sur moi ? On ne devrait pas se poser cette question, en fait. On devrait s'habiller comme nous, on en vit, et pas se dire, ben mince, il va y avoir un regard... Et du coup, c'est nous qui devrions être coupables de comment on est habillés.

  • Speaker #0

    Je trouve ça... Oui, on en revient à, malheureusement, ce que tu as sûrement ressenti à l'époque où tu tenais ton corps coupable, responsable en tout cas. Tu vois, il y a souvent la culpabilité inversée, en fait, quand on est victime de violences, et notamment de violences sexuelles, avec l'impression que c'est la faute du corps, c'est la faute de... Voilà, mais tu prends l'exemple du poste que j'avais fait sur mon chemisier. Pour le coup, ça illustre aussi bien la société dans laquelle on vit, parce que j'avais un chemisier qui était ouvert, mais enfin, tu vois, rien de foufou, quoi. Et il y a un type lambda dans le train qui, d'un air réprobateur, vient me dire de reboutonner mon chemisier parce que quoi, je sais pas, ça le gêne, parce que quoi, ça lui crée des pulsions. Enfin, franchement, aujourd'hui, je pense que je réagirais différemment, mais à l'époque, un peu comme dans le cadre d'une agression, j'ai été sidérée, en fait, tu vois. J'ai juste reboutonné mon truc. Oh mince, limite en lui disant pardon, c'est délirant.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est complètement délirant, mais en fait, il faut passer tout ça pour comprendre justement, se dire mais on ne devrait pas se sentir coupable en fait. On s'habille comme on a envie. Ce n'est pas pour attirer le regard des hommes, c'est parce que nous, on a envie de s'habiller comme ça en fait. Et du coup, c'est vrai que le rapport avec l'homme, était erroné et lui, il était bienveillant. Il n'était pas dans le... Et du coup, ça m'a réconciliée, justement. Je me suis dit, finalement, les hommes ne sont pas tous pareils. Et heureusement, heureusement qu'ils ne sont pas tous pareils. Mais parfois, on peut se sentir sidéré par les réactions comme ça, du regard, en fait. Et du coup, nous, on se sent coupable, alors que non.

  • Speaker #0

    Oui, je pense avoir perçu vraiment au fil de notre échange à quel point... Il a été important, mais votre relation, j'ai envie de dire plutôt, a été importante, la relation que vous avez construite tous les deux. Et puis, du coup, j'ai cru comprendre que tu avais eu plusieurs enfants.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai une fille et un garçon.

  • Speaker #0

    Et oui, j'entends à quel point l'amour de cette famille que tu as créé a été super important. Et je ne peux pas m'empêcher de faire un peu le lien avec ton histoire de base. justement c'est peut-être ce qui t'a manqué aussi tu vois dans tout ce qui s'est passé pour toi quand t'étais petite fille ce soutien inconditionnel d'une maman le fait de te sentir portée à ce moment là et bien finalement c'est quelque chose que t'as été en mesure de créer c'est ça je suis assez fière de ça tu peux je pense que c'est important de se le dire de se le répéter de regarder ce parcours court et de pouvoir être fière de ça, vraiment, il y a de quoi. Après presque 30 ans passés dans l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais ouais, je pense que l'amour de ses proches, je pense que ça aide. Quand on est seul et on a des TCA, je pense que c'est compliqué si on ne se fait pas aider. Parce qu'on s'enferme, justement. On s'enferme de corps. On n'a pas d'issue. On ne sait pas à qui en parler. Et du coup, la personne, elle s'isole.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Écoute, merci beaucoup. Je trouve que c'est un beau message d'espoir. Je trouve aussi que ton témoignage, il est super important par rapport à ce que tu as partagé sur ton trauma. Je trouve qu'il y a une valeur éducative aussi. C'est important de... J'ai envie que ce soit plus simple de parler de ça parce que le silence autour des violences sexuelles... Ce n'est pas aux victimes qu'ils rendent service, c'est aux agresseurs. Donc, il faut pouvoir en parler plus facilement. Il faut que des parents entendent aussi ton témoignage pour que peut-être si demain, leur fils ou leur fille rentre à la maison en leur parlant d'une agression, ils puissent agir différemment de ce que toi, tu as vécu. Donc, merci. J'ai envie de te dire un immense merci. Un grand bravo pour ce parcours. Et un immense merci d'être venu témoigner. avec autant d'authenticité de nous avoir livré un grand morceau de ta vie puisque encore une fois ça a pris beaucoup de place donc franchement merci beaucoup je suis sûre que ça va être vraiment riche pour les personnes qui vont l'écouter en tout cas c'est moi qui te remercie Flavie avec grand plaisir merci beaucoup un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode mon podcast te plaît ? t'apporte de l'aide ? alors partage-le, laisse un commentaire Laisse 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. Ça va te prendre quelques secondes. Et pour moi, c'est un soutien immense. Mon podcast, c'est une ressource gratuite que j'ai envie de mettre à disposition. Comme tu l'as remarqué, il n'y a pas de pub avant, pendant, après. Pouvoir me permettre de continuer à le faire, c'est hyper important de m'apporter ce soutien en le partageant, en en parlant autour de toi et en mettant ces 5 étoiles et ce petit commentaire qui permettront de valoriser et faire connaître le podcast. Je te remercie et je te dis à dans quelques jours pour un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation Muriel

    01:09

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

    03:27

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

    06:10

  • Le début de l’anorexie

    07:56

  • Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

    14:30

  • TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

    25:03

  • Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

    35:57

  • Une sorte de semi-guérison

    42:41

  • Ce que Muriel aimerait transmettre

    49:16

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Description

Muriel a passé 30 ans dans l’anorexie. 


Petite fille joviale pour qui l’alimentation était synonyme de plaisir et n’étais pas un sujet, elle bascule brusquement dans l’anorexie après avoir vécu une agression sexuelle.

Muriel est fière de pouvoir dire qu’elle est débarrassée de l’anorexie, et il y a de quoi.
Son parcours est jalonné de souffrance et de beaucoup de solitude.

Malgré toute la place que prenait la maladie, Muriel a fondé une famille au sein de laquelle elle a puisé l’amour et la force nécessaire pour s’en sortir.

En cours de formations, elle souhaite bientôt accompagner les femmes souffrant de troubles alimentaires afin de mettre son vécu au profit de la guérison des autres. 


C’est un parcours touchant et inspirant que Muriel nous livre avec vulnérabilité.
Merci. 



Au programme : 


Présentation Muriel

Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

Le début de l’anorexie

Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

Une sorte de semi-guérison

Ce que Muriel aimerait transmettre


Live cité : « Bed bug » de Katerine Pancol 



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Muriel dans le podcast. Je suis ravie de t'accueillir pour que tu puisses apporter ton témoignage auprès de l'auditoire de TCA, etc. Donc déjà, merci pour ça, merci d'être là. Dans un premier temps, je te propose de te présenter de la manière dont tu le souhaites pour nous dire un petit peu qui tu es.

  • Speaker #1

    Pas de souci. En tout cas, c'est moi qui te remercie Flavie pour cette invitation. Je suis ravie d'être là. Moi, je suis Murielle Pruveau. Je suis en pleine création de mon entreprise pour devenir thérapeute. Je suis en cours de formation aussi. J'ai fini praticien, j'ai fait gestion du poids. J'ai fait la formation Renaitre avec Flavie, Laura Jaubert, excuse-moi.

  • Speaker #0

    On s'appelle toutes Flavie, incroyable !

  • Speaker #1

    Avec Laura Jaubert, que j'ai terminée il n'y a pas très longtemps, il y a trois semaines. Elle a fait ça à Lille. Ça a été vraiment une super expérience. Et sinon, j'ai travaillé 18 ans dans un magasin de sport pour ensuite travailler en crèche. Mais je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais, même si ça m'a amenée, ça a été enrichissant pour moi. Je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais. Et à l'époque, je voulais être psychologue, mais avec les hospitalisations, tout ça, j'ai un peu arrêté tout ça. Et après, pas d'énergie, pas la force. Et du coup, là, je reprends les formations justement pour accompagner les femmes qui veulent bien échanger avec moi. Et j'ai plein de choses à échanger avec eux.

  • Speaker #0

    OK, donc ça, c'était plutôt une présentation axée pas mal vie pro. Mais si t'es là, c'est aussi et surtout, j'ai envie de dire, par rapport à ta vie perso et ce que tu as vécu, notamment avec les troubles alimentaires.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est tout à fait ça. Donc, ça a été une grande partie de ma vie de 11-12 ans après un trauma, comme beaucoup de personnes qui ont des TCA, jusqu'à, je dirais, 40 ans.

  • Speaker #0

    Ok, ça marche. Donc, avant qu'on rentre un peu plus dans le... Parce que ça m'intéresse beaucoup de savoir, tu vois, un peu le parcours, parce que c'est un long parcours, donc j'imagine qu'il y a plein de choses à en dire. J'aime bien poser une question à toutes les personnes qui interviennent sur TCA, etc. Qui est, en vrai, il y a deux questions. La première question, ce serait ton souvenir le plus ancien dans le rapport à ton corps. Ou en tout cas, le souvenir le plus marquant qui te vient sur le rapport à ton corps.

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu l'impression que mon cerveau a été déconnecté et que je ne supportais plus mon corps, en fait. Ça a vraiment été... Et assez rapidement, je suis tombée dans l'anorexie. Je supprimais toute alimentation, je ne mangeais plus du tout. En fait, je mettais en souffrance mon corps. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est le souvenir le plus ancien ou le plus marquant que tu aies dans la relation à ton corps ? Et tu avais quel âge à peu près ?

  • Speaker #1

    C'était 12 ans, 11-12 ans. Ouais. 11-12 ans où... Je ressentais de la honte. Vraiment, c'était une souffrance antérieure, un combat antérieur avec moi-même, sans comprendre pourquoi, au départ, quand on rentre dans les TCA, pour ma part, l'anorexie, ça a vraiment été un combat mutuel, comme s'il y avait deux personnes

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il y a une forme de dissociation qui se crée où il y a toi, ton corps de l'autre côté. Oui,

  • Speaker #1

    mais complètement. Je crois que j'ai été dissociée pendant plusieurs années.

  • Speaker #0

    Le TCA peut servir à ça aussi, d'ailleurs. C'était dans une dissociation.

  • Speaker #1

    Et je pense que c'est ce qui m'a fait vraiment rester sur pied, justement. À ce moment-là, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour survivre, en fait. Si quelque part, je voulais disparaître, parce que souvent l'anorexie, c'est ça, on veut disparaître, on se fait toute petite pour qu'on vous voit le moins possible. Mais oui, ça a été une souffrance assez puissante quand même.

  • Speaker #0

    Les bases de ton rapport au corps sont plutôt sur des bases, effectivement, de souffrance, de bataille, de mise à distance.

  • Speaker #1

    Mais c'était ça. Et en fait, même les gens qui mangeaient à côté de moi, Ça m'écœurait, j'avais envie de vomir, alors que c'est normal de manger, c'est normal d'alimenter son corps, c'est ce qui me fait avancer. Mais j'avais un dégoût complet de la nourriture, en fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et justement, là, ma question au début était sur le rapport à ton corps, mais sur le rapport à l'alimentation, même si c'est avant l'anorexie, qu'est-ce qui te vient ? Si je te pose la question, c'est quoi ton premier souvenir avec l'alimentation ? Ou en tout cas, le souvenir qui s'impose à toi ?

  • Speaker #1

    L'alimentation ? En fait, je me suis dit, s'il ne m'alimente plus, mon corps va se cacher. Parce qu'en fait, c'était vraiment ça. En fait, j'étais assez bien formée. Et du coup, je me suis dit, si je ne m'alimente plus, on ne verra plus mon corps. Et c'est ça qui a vraiment déclenché tout le reste, en fait.

  • Speaker #0

    Mais tu n'as pas de souvenirs sur le rapport à ton corps et à l'alimentation avant ça, avant tes 12 ans ?

  • Speaker #1

    En fait, je mangeais bien. J'étais même très gourmande. J'avais un corps qui me correspondait. J'étais assez joyeuse, pleine de vie, tout ça. Et oui, j'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    J'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Avant tout ça, avant tes 12 ans, tu penses que tu avais une relation, j'aime pas trop le mot normal, mais classique, intuitive à l'alimentation ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, tout à fait, tout à fait. Je mangeais quand j'avais envie, je mangeais les choses que j'avais envie. Enfin, comme tout...

  • Speaker #0

    personnes qui a 11 12 ans qui mange pleinement et donc justement pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet de tout ton parcours avec les troubles alimentaires pour toi tu dis que ça tu nous expliquer que ça a commencé par de l'anorexie qui a été déclenchée par un trauma oui Et que tu expliquais déjà en lien avec les souvenirs à rapport au corps, à l'alimentation, que finalement, c'est un traumatisme relié à ton corps, j'imagine, et que du coup, c'est parti d'une volonté de te dissocier de ton corps, de faire disparaître ton corps pour te protéger aussi. C'est de là que c'est parti et que l'alimentation a été un outil pour ça en ne te nourrissant plus. Tu me dis si je résume bien.

  • Speaker #1

    C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    Là, tu as environ 12 ans et tu commences à sombrer dans l'anorexie. Tu arrêtes de manger en fait.

  • Speaker #1

    J'arrête de manger.

  • Speaker #0

    Tu dis que tu ressentais du dégoût pour l'alimentation. Ça s'est instauré tout de suite, ça aussi, le dégoût ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a une période de ma vie où comme si mon cerveau avait amené...

  • Speaker #0

    C'est un peu flou.

  • Speaker #1

    C'est un peu flou, oui. Et en fait, c'est comme si ça avait effacé une partie de ce moment-là qui était assez douloureux pour moi.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu as des proches avec qui tu peux en reparler aujourd'hui, notamment tes parents peut-être ?

  • Speaker #1

    Alors, mon papa est parti, mais ma maman, de toute façon, on... Tu vas sûrement me poser la question de mon trauma. Je n'ai pas été du tout accompagnée par ma maman. Et ça a été un problème. Ça a été une souffrance supplémentaire.

  • Speaker #0

    OK. Donc, comme ta maman n'a pas été en mesure de t'accompagner sur le trauma que tu as vécu, elle ne t'a pas non plus accompagnée sur toutes les conséquences traumatiques, dont l'anorexie. Du tout.

  • Speaker #1

    Du tout,

  • Speaker #0

    du tout. Est-ce que tu sais ou te souviens, parce que ce n'est pas facile, effectivement, en fait, ce que tu dis, c'est typique. Quand il y a un événement traumatique, il y a aussi un peu la mémoire en gruyère autour, avec des trous, avec du flou. C'est pour ça que je te demandais si tu pouvais en parler avec d'autres gens, parce que des fois, c'est compliqué de remettre les pièces du puzzle. Est-ce que tu te souviens si ton poids a baissé rapidement à ce moment-là ? Si ça a alerté des gens autour de toi ?

  • Speaker #1

    Oui, quand même assez rapidement parce que je ne m'alimentais plus du tout. Donc j'ai rapidement perdu du poids. Je me souviens que mes parents avaient quand même appelé le médecin. Donc lui, le médecin, il m'a mis sous traitement antidépresseur. Parce que pour lui, j'étais en train de faire une dépression. Donc j'ai été mis sous traitement. J'étais... En fait, avec des traitements antidépresseurs, on est fatigué, on n'arrive plus à penser. Et à cet âge-là, je sais que je n'avais pas super bien vécu parce que je me dis, à cet âge-là, on ne doit pas prendre de médicaments antidépresseurs. C'est ce que je m'étais dit.

  • Speaker #0

    Ok. À ce moment-là, c'est ce que tu te disais, toi.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et puis, ça m'a battue. J'étais complètement abattue. et progressivement de toute façon je n'arrivais même plus à marcher je n'avais même plus de force pour marcher donc j'ai été hospitalisé parce que ben quand je suis arrivé ils m'ont mis en réa parce que j'étais à

  • Speaker #0

    ça de la mort et ça c'était au bout de combien de temps tu sais tu te souviens peut-être au bout d'un an je dirais au bout d'un an donc tu avais autour de 13 ans

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. 13-14 ans et j'étais hospitalisée pendant quelques temps. Après, j'étais gavée aussi. Mais je mettais vraiment mon corps en souffrance. Et comment je pourrais dire ça ? Je ne voulais plus de ce corps, en fait. Donc, je le mettais vraiment en danger. C'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis j'étais gavée Tu parles d'une sonde nasogastrique à l'hôpital.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Il n'est pas anodin le mot que tu utilises. Tu dis j'étais gavée C'est comme ça que tu l'as vécu ?

  • Speaker #1

    C'est comme ça que je l'ai vécu. C'est pareil, je ne l'ai pas super bien vécu parce qu'on vous met une sonde, on vous gave. À ce moment-là, je ne comprenais pas trop pourquoi, mais maintenant, avec le recul, c'était pour que je puisse survivre, parce que je ne m'alimentais pas. Je faisais beaucoup de sport aussi, parce que je me disais, plus tu feras de sport, et comme je ne mangeais pas, du coup, ça mettait encore plus en souffrance mon corps. C'était vraiment ce lien de faire souffler mon corps et le mettre en danger.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que tu tenais ton corps pour responsable de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Oui, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Mais bon, ce n'est pas facile, voire impossible de conscientiser ça quand on a 13 ans. Je ne sais pas, est-ce que tu étais accompagnée psychologiquement en parallèle de la renutrition ?

  • Speaker #1

    Alors du coup, j'avais été suivie par une psy... Enfin, j'ai vu plusieurs psychologues et psychiatres. Et en fait... Alors, est-ce que je n'étais pas prête ? Est-ce que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes ? Mais en fait, j'avais l'impression qu'on me renvoyait encore ce problème d'alimentation. Et j'avais l'impression d'avoir en face de moi quelqu'un qui ne me comprenait pas en fait. Et vite... Enfin, à chaque fois, j'arrêtais les suivis. Parce que ça ne m'apportait pas grand-chose à ce moment-là. Et du coup, j'en voyais d'autres. Et c'était toujours le même schéma, en fait.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, quand tu dis ça, c'était complètement axé sur le fait que tu ne manges pas ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et les différents soignants étaient au courant de ce que tu avais vécu, de l'expérience traumatique que tu avais vécue ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, ils étaient au courant, oui. Mais je ne sais pas, ils ne faisaient pas lien. Après, à cette époque, les psychologues, tout ça, n'étaient pas forcément formés sur les TCA.

  • Speaker #0

    Toujours pas, ça ne fait toujours pas partie de la formation de base.

  • Speaker #1

    Oui, ils font les formations après, mais...

  • Speaker #0

    Oui, les personnes qui te souhaitent font les formations après. Mais tout comme par rapport au... Enfin, j'allais dire par rapport aux violences sexuelles. C'est vrai que je présume qu'il s'agit de ça, de ce que tu as vécu. Je présume peut-être mal, mais... naturellement, j'allais partir sur ce sujet-là parce que les soignants sont quand même assez peu... Je pense qu'aujourd'hui, la société évolue par rapport à ça et au fait d'en parler. Néanmoins, pour être bénévole dans une association où on accompagne des victimes de violences sexuelles, je vois bien qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont un long parcours de soins derrière elles. qui ont dit des trucs qui étaient très clairs, dont les psychiatres, les psychologues auraient pu se saisir pour leur permettre de travailler, de tirer cette ficelle-là. Si la personne, elle le lâche en consultation, c'est qu'elle est quand même prête à l'amener. Des fois, on n'est juste pas prêt. Et il y a aussi des gens qui voient des tas de psychologues et qui ne parlent jamais du trauma. Mais quand on l'amène, même timidement, c'est aussi pour que la ficelle soit tirée. Et en fait, ce n'est pas du tout fait, parce qu'il y a... encore un gros manque de formation, il y a un tabou, c'est difficile. C'est difficile, mais c'est déplorable, ce n'est pas normal en fait. Ce n'est pas normal que la jeune fille que tu étais ait vu autant de professionnels sans qu'on t'aide sur ce sujet-là, tu vois. Enfin, moi j'ai envie de dire, ce n'est pas normal.

  • Speaker #1

    Puis du coup, en fait, j'ai avancé toute seule du coup. Et du coup, ça a mis du temps, de l'énergie. Enfin, plein de choses. Et puis en plus, sur mon chemin, il s'est ajouté d'autres traumas. Donc du coup, la guérison n'a pas été simple. Oui.

  • Speaker #0

    Et si on prend ton histoire un peu dans l'ordre, si on essayait de reconstituer, de faire le film un peu de ta vie. Donc là, tu es hospitalisée autour de 13-14 ans. Pendant combien de temps tu restes à l'hôpital ?

  • Speaker #1

    Pas mal de mois. Il y a eu plusieurs hospitalisations. Ça, ça a été la première, je dirais, 4-5 mois peut-être.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Voir plus même, parce que je faisais l'école à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Et il y a des moments où tu retournes chez toi, puis tu retournes à l'hôpital. C'est comme ça que ça se passe, ton adolescence ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme ça que ça se passe. Je sortais quand ils voyaient que mon poids était à peu près stable. Et une fois que je rentrais, je repartais dans les travers de ne pas m'alimenter, de ne pas... Alors par contre, je faisais à manger pour les autres.

  • Speaker #0

    Ouais, typique !

  • Speaker #1

    C'est ça qui est paradoxal parce qu'on adore faire à manger en plus. J'adore toujours faire à manger. Mais je pense que c'est parce qu'on contrôle ce qui... Du coup, on se dit, tiens, on sait ce qu'on va mettre dans... dans le repas. Et du coup, on a ce contrôle-là même si on ne mange pas, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a quelque chose d'obsessionnel autour de la nourriture. Il y a presque une notion de se nourrir par procuration. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, il y a des tas de personnes qui souffrent d'anorexie qui suivent des comptes de foodies, tu vois, et tu vas sur le feed Insta d'une personne qui souffre d'anorexie. Je te parie qu'il y a un mélange de... Nana Fit, sportive et tout, mais qu'il y a énormément de recettes. Des recettes, des recettes, des recettes. Moi, je me souviens quand j'ai souffert d'anorexie, je recopiais des recettes. Je passais des heures à recopier des recettes. Non, mais...

  • Speaker #1

    Mais pareil, je faisais pareil. J'avais un petit carnet et je mettais toutes les recettes.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais c'est une sorte de contrôle. Comme on n'arrive plus à contrôler notre alimentation... on s'interdit de s'alimenter. Du coup, on garde, quelque part, on garde un peu de contrôle.

  • Speaker #0

    Oui, je pense, moi, je me dis aussi que derrière ça, c'est une façon de manger par procuration, c'est une façon de répondre à l'obsession alimentaire. Parce que même si on a l'impression, à certains moments, de ne pas ressentir la faim, en fait, la faim, elle est là, elle tenaille. Et c'est pour ça qu'on pense à la bouffe H24 aussi. Et du coup, c'est une façon de répondre à cette obsession sans manger. On pense tout le temps à la nourriture. Et puis, le fait de faire à manger pour les autres, c'est hyper rassurant de faire manger les autres, voire même on a envie de gaver les autres. Il faudrait que tout le monde mange sauf nous, tu vois, dans ces phases-là.

  • Speaker #1

    Du coup, le fait de voir manger, ça nous remplit, nous.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense qu'il y a un vrai truc par procuration, vraiment. Et du coup, est-ce que tu te souviens combien de temps a duré cette phase ?

  • Speaker #1

    Cette phase sortie de l'hôpital, rentrée ?

  • Speaker #0

    Ouais, je ne sais pas, est-ce qu'il y a eu plusieurs phases ? Comment toi, tu décrirais les choses ? Est-ce que je découvre ton histoire au moment où tu la racontes ? Donc, je ne sais pas. Est-ce qu'il y a eu des phases d'anorexie, puis d'anorexie boulimie ? Est-ce qu'il n'y a eu que de l'anorexie ? Est-ce qu'au cours de tes phases d'anorexie, il y a eu des sous-phases presque ? Oui,

  • Speaker #1

    non, il n'y a vraiment eu que de l'anorexie. La troisième fois, quand je me suis fait hospitaliser, donc j'étais hospitalisée dans un centre à Camier, ils m'avaient même isolée, donc fermée la porte des toilettes. Donc, ils me ramenaient mon repas hypercalorique. Donc, j'avais un... régime hypercalorique de je sais plus combien de calories, j'avais l'impression d'être gavée aussi. Donc, il fermait la porte des toilettes parce que justement, il se disait... Et c'est un truc que j'ai... D'ailleurs, je pense que j'ai jamais réussi à me faire vomir. C'était un truc que j'avais... Et du coup, en fait, j'ai été anorexie. Enfin, j'ai toujours été que anorexie.

  • Speaker #0

    Ouais, anorexie purement restrictive.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et par la suite, après, quand j'ai commencé à me réalimenter, c'était vraiment deux biscottes le matin. Et je ne remangeais rien jusqu'au soir. Et le soir, je mangeais peut-être une soupe quand j'ai commencé à me réalimenter.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est quand, quand tu dis quand j'ai commencé à me réalimenter

  • Speaker #1

    Je dirais 14-15 ans. 14-15 ans.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps alors, ça ? Le fait de manger deux biscottes et puis une soupe ?

  • Speaker #1

    Très longtemps.

  • Speaker #0

    Ah ouais ?

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Je dirais bien un an. Ou voire plus. En fait, ouais, c'est comme si j'avais des flashs, en fait. C'est que des flashs. J'ai plus de souvenirs appropriément dits. Mais j'ai ces flashs. Et quand j'y repense, je me dis, mais comment tu faisais pour manger que deux biscottes, quoi ?

  • Speaker #0

    C'est clair. C'est clair, c'est fou. Les ressources du corps, c'est flippant presque.

  • Speaker #1

    Mais carrément. Mais carrément, parce que finalement, je tenais, même si mon corps tenait à peine debout. Mais j'étais encore là, en fait.

  • Speaker #0

    Et autour de toi, alors, comment ça se passe avec ta famille à ce moment-là ? Parce que tes parents, bon, il y a des allers-retours à l'hôpital et là, tu dis, pendant une période d'un an, tu manges deux biscottes le matin et une soupe le soir. Donc, tu devais vraiment pas être épaisse. Et donc, t'allais en cours quand tu dis je tenais c'est que t'allais au collège, au lycée ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ok. Et comment ça se passait avec ta famille ? Quel regard ils portaient là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors je sais que mon papa en a beaucoup souffert, mais comme il n'était pas au courant de la situation, il ne comprenait pas pourquoi j'avais ces troubles alimentaires alors qu'avant je n'avais pas de problème de nourriture. Enfin, je n'avais pas de problème avec la nourriture. Et du coup, je me souviens qu'une fois j'avais pesé quelque chose et il avait pris la balance, il l'avait broyée parce que... Parce qu'il n'en pouvait plus de ça. Et souvent, je mangeais à côté de lui. Alors, je ne sais pas si c'est parce que ça me rassurait de manger à côté de lui. Parce que je m'isolais pour manger. Je ne voulais pas qu'on regarde ce que je mangeais. Mais il était souvent à côté de moi. Et je pense qu'il y a un moment où il n'en pouvait plus. Et il a pris la balance, il a broyé. Il m'a dit maintenant tu n'auras plus de balance. Mais parce qu'il ne comprenait pas en fait.

  • Speaker #0

    Ben ouais.

  • Speaker #1

    Et ma maman, je pense qu'elle s'est laissée porter. Et comme je lui en ai souvent voulu, ça a été aussi un travail après à faire. Parce que quand on est parent, on est censé protéger nos enfants. C'est la base. Et là, je ne me suis pas sentie protégée du tout.

  • Speaker #0

    Pourquoi ton père n'était pas au courant de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Parce qu'il ne fallait surtout pas en parler.

  • Speaker #0

    Donc seulement ta mère était au courant ?

  • Speaker #1

    Oui, et mon frère et mes deux sœurs étaient trop petits. Mais ma maman, il ne fallait pas en parler. D'ailleurs, la personne continue à rentrer à la maison.

  • Speaker #0

    Ok. Je ne suis pas allée te poser la question frontalement parce que ce n'est pas dans mes habitudes. Par contre, il n'y a aucun problème pour en parler, de dire clairement ce qui s'est passé. Et si c'est le cas, je mettrais aussi un warning pour les personnes qui écoutent l'épisode. Parce que du coup, si j'ai bien compris... Alors... je reprécise un truc, c'est vrai que je ne l'ai pas dit au début à n'importe quel moment tu as des milliers de jokers à ta disposition et il n'y a aucune question obligatoire, c'est à dire que moi jamais je me vexerais de quoi que ce soit la base c'est le consentement, donc tu réponds si t'es ok, tu réponds dans la mesure de ce que t'as envie de répondre sans toi vraiment libre l'épisode il est autour de toi de toute façon j'ai plus de problème du tout avec ça avant c'est vrai que j'avais un peu honte donc il y a

  • Speaker #1

    Très peu de gens autour de moi qui connaissaient la situation. Maintenant, je n'ai plus de problème, je n'ai plus de honte, je n'ai plus ces sensations. Donc, en fait, c'est le mari de ma tante, la sœur de ma mère. Donc, un oncle que je connais très bien, puisque j'ai tout fait avec eux depuis que je suis petite. Je suis souvent avec eux. Et une fois que je suis formée, j'étais quand même bien formée. En fait, il a commencé à vouloir abuser de moi. Donc, comme moi, j'avais une entière confiance en lui, je pouvais aller dans sa voiture. Et ce jour-là, c'était chez lui. En fait, on avait été chercher quelque chose chez lui. Et en fait, il a commencé à me toucher, tout ça. Et moi, je me suis dit, c'est pas normal. Et il insistait tout ça. Bon, j'ai réussi à m'en sortir et à sortir de là. Et dans la voiture, il recommençait à mettre sa main en dessous de ma jupe, tout ça. Et en fait, mon corps, il s'est paralysé, en fait. Il s'est paralysé. Je ne comprenais pas ce qui se passait parce que j'avais confiance en lui. Je le connaissais. Je n'ai jamais eu de problème avec ça. Et en fait, par contre, quand je suis rentrée, j'en ai parlé tout de suite à ma maman. Mais en fait, j'ai eu l'impression de parler dans le vide, parce que je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie comprise. Et en fait, j'ai eu l'impression qu'elle faisait semblant de ne pas m'écouter. Parce que cette personne, sa sœur, continue à rentrer. C'est tant que le commentaire continue à rentrer. Et moi, j'étais là. Et du coup... en fait, je me suis demandé ce que j'avais ressenti, est-ce que je l'ai vraiment vécu en fait ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Parce que du coup, ça revenait en boucle dans mon cerveau, dans ma tête, et je me dis si ma mère ne me croit pas, est-ce que je l'ai vraiment vécu ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça qui est terrible.

  • Speaker #1

    Et du coup, en fait, je me suis sentie doublement punie en fait. Doublement punie. Et en fait, je ressentais de la... de la colère, de la révolte. Et en fait, je me suis isolée. Je me suis isolée de tout. Et je pense que là, ça a été vraiment la descente aux enfers. Oui.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il s'est arrivé quelque chose d'horrible, de grave. dans le monde des adultes en fait tu vois enfin qui concernait un adulte t'en parle à un autre adulte qui est ta maman comme tu dis qui est censé te protéger donc en fait déjà moi je trouve ça fort tu vois que tu étais capable en rentrant d'en parler à ta maman c'était un grand témoignage de confiance aussi à ta maman et et il faut aussi énormément de force pour réussir à parler de ça parce que tout à l'heure t'as parlé de honte tu vois c'est des sentiments qui suivent les victimes toute la vie quoi je veux dire derrière malheureusement enfin ou en tout cas jusqu'à ce qu'on arrive à suffisamment travailler le truc donc en fait toi de ton côté bah tu mets en place tout ce que tu peux mettre en place pour surmonter ce truc là et en fait Gros flop, t'es abandonnée, t'es seule face à ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'était complètement ça. Et j'ai une bonne relation avec mon frère et mes deux sœurs. Mais eux, ils étaient trop petits pour comprendre. Donc, j'avais quand même leur amour qui me faisait avancer quand même parce qu'ils étaient toujours là, bienveillants, à essayer, même quand j'étais à l'hôpital, à m'envoyer des petits mots parce que je n'avais pas le droit aux visites. Donc, dans le sac, il mettait toujours des petits mots gentils. Et je pense que ça, ça m'a porté quand même... Enfin, ça m'a fait avancer.

  • Speaker #0

    OK. Et j'ai envie de te poser la question, même si... Enfin, je pense que c'est important de poser cette question aussi, peut-être pour les auditeurs, auditrices. Qu'est-ce qui fait que toi, t'en as pas parlé à ton papa ?

  • Speaker #1

    Je pense que je ne voulais pas lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Ta maman t'avait explicitement dit, on n'en parle pas à papa.

  • Speaker #1

    Oui, il ne faut pas en parler.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas en parler. Donc, il y avait pas mal de gens qui étaient au courant, mais qui, en fait, comme chaque homme qui abuse tout ça, quand on les voit, ils paraissent bien, ils ont une bonne posture, ils sont gentils. Et en fait, j'ai beaucoup de tentes qui n'ont pas cru, sauf une. D'ailleurs, qui a déclenché le truc en disant, écoute, tu as abusé de Muriel. Et du coup, ma tante était venue en furie à la maison. Je me souviens, j'étais dans la chambre. Et en fait, lui m'a regardée avec un air un peu... Enfin, je ne sais pas trop l'expliquer. Il avait un air comme si j'avais fait quelque chose de mal, que maintenant tout le monde savait, même si il y en a beaucoup qui ne m'ont pas cru, sauf une tante, c'est la seule tante qui m'a cru avec mon oncle. Et du coup, on se sent seule, très seule même.

  • Speaker #0

    Comment elle l'a su, ta tante et les autres ? Comment ils avaient été mis au courant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ma mère qui avait dû lui dire. Ça, c'est assez flou. C'est vrai que je devrais lui redemander parce que je l'avoue encore. Et c'était ma mère, je pense, qui lui en avait parlé. Ou peut-être moi. Enfin, j'ai plus souvenir. Il y a vraiment des parties de ma vie qui... Comme s'ils étaient effacés.

  • Speaker #0

    Et c'était elle aussi une sœur de ta maman ? Ta maman, elle avait plusieurs sœurs ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui. C'était une sœur de ma maman, oui.

  • Speaker #0

    Et à part elle, tout le monde s'est muré dans le silence. Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu sais s'il y a eu de l'inceste plus haut dans ta famille ? Si, par exemple, ta maman a pu en subir ? Est-ce que c'est des questions que tu t'es déjà posées ?

  • Speaker #1

    Non. C'est vrai que je ne me suis jamais posé cette question et j'ai commencé à me la poser cette année parce qu'en faisant les formations, on apprend beaucoup de choses. On apprend aussi sur nous. C'est vrai que je me suis dit, est-ce qu'elle, elle n'a jamais subi ça en fait ? Et je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Vu sa réaction, ça vaut le coup de se questionner pour voir, il y a plusieurs choses, pour voir énormément de... famille incestuelle, dans le cadre de mes deux pratiques, que ce soit dans l'accompagnement des TCA ou dans ma pratique bénévole auprès des victimes de violences sexuelles, en fait, souvent, l'inceste ne débarque pas comme ça, de nulle part, dans une famille, déjà. Et puis, dans les réactions des proches, dans les réactions des femmes notamment, et sur cette loi du silence, on n'en parle pas. Et puis, tu sais, tu viens déposer ce truc-là et tu as une réaction en face à l'inverse de celle à laquelle on pourrait s'attendre d'une maman. Souvent, ça vient parler quand même de ça. Je ne dis pas, ah, c'est sûr, elle a vécu ça. Mais tu vois, ça fait penser à quelqu'un qui serait issu d'une famille dans laquelle il y a de l'inceste déjà. Ça me fait penser à un livre de Catherine Pancol qui s'appelle Bedbug. et voilà, je n'en dis pas plus parce que je ne veux pas spoiler mais si ça t'intéresse, ça intéresse les personnes qui vont nous écouter voilà, qui je trouve que c'est un roman mais ça illustre bien ça, alors c'est pas attention c'est un roman mais qui parle de violence sexuelle donc C'est... Attention. Mais ouais, en tout cas, on peut... Enfin, moi, ça me... Forcément, tout de suite, cette question est arrivée à moi. Vu la réaction de ta maman, voilà, on peut se demander ça. Et j'avais une autre question, d'ailleurs. Est-ce que d'autres personnes ont souffert de troubles alimentaires dans ta famille, proches ou éloignées ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai ma cousine. Après la mort de sa grand-mère, avec qui elle était proche. Elle a commencé, mais ça n'a pas duré très longtemps. Mais là, on a parlé cette année ensemble, parce qu'on se voit assez régulièrement, et je pense qu'elle a quand même un rapport à l'alimentation qui est compliqué quand même. Même si elle mange normalement, tout ça, je pense qu'il y a quand même cette peur de grossir qui est là quand même.

  • Speaker #0

    Et donc, on a fait un... un détour pour parler aussi de la racine, mais qui a été hyper importante, je pense, la racine de ce qui s'est passé pour toi. Quand tu regardes ton parcours, j'ai mille questions à te poser, franchement. J'aurais envie de te demander, combien de temps ça a duré, déjà ? Qu'est-ce qui t'a aidé ? Qu'est-ce que tu as compris sur le chemin ? Il y a énormément de choses. Alors, peut-être commencer par le début. Combien de temps ça a duré pour toi, du coup, l'anorexie ?

  • Speaker #1

    De 12, 13 ans. Je dirais où je me sens vraiment plus anorexie, c'est après 40 ans.

  • Speaker #0

    OK.

  • Speaker #1

    Après 40 ans. Après, ça s'est un peu amélioré quand j'ai connu mon mari. Donc, c'était à 21. J'avais 21, 22. 21, 22. Oui, quelque chose comme ça. Et oui, quand j'ai rencontré mon mari, ça a été un révélateur. Et je pense que comme il était bienveillant, enfin après ça n'a pas été simple pour lui, parce que quand on en parle ensemble, je pense que ça a été une période pas très facile pour lui, mais il était là et il ne me jugeait pas. Il n'était pas à me juger ou d'autres choses. Mais ça a été un moment pas facile parce que quand on se connaît, on a envie d'aller au restaurant, on a envie de faire plein de choses. Et moi, ce n'était pas possible d'aller au restaurant pour manger. Cette période-là, c'était encore pour moi très difficile de manger encore plus parce qu'on venait de se connaître et je mangeais toujours isolée. Donc quand il m'a invité... à manger au restaurant, je lui disais Mais non, j'ai déjà mangé. Donc lui, au départ, il le croyait. Mais après, il ne m'a plus vraiment cru. Et du coup, j'ai commencé à lui expliquer mes troubles alimentaires. Et puis après, il m'a pris comme j'étais, en fait. Oui. Mais ça n'a pas été simple. parce que même quand on s'est mis en ménage, moi, je me faisais mon petit repas parce que je commençais à m'alimenter. Enfin, je m'alimentais, mais c'était vraiment restreint. C'était restreint. Je contrôlais tout. Je mangeais par obligation. Enfin, je ne mangeais pas du tout en pleine conscience. Je mangeais vraiment par obligation. J'étais formatée, en fait.

  • Speaker #0

    Il y avait une notion de survie peut-être dans le fait de, il faut que je mange pour tenir debout.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et après, je suis tombée enceinte. Normalement, les gynécos m'avaient dit, comme j'avais été anorexie très tôt et que j'étais plus indisposée, forcément, pendant très longtemps, les gynécos m'avaient dit, de toute façon, vous n'aurez pas d'enfant. Je m'étais préparée. Et en fait, il y a eu un événement dans ma vie. J'ai perdu ma sœur dans un accident de voiture. Et en fait, elle est partie au mois de décembre. Je suis tombée enceinte au mois de janvier. Ah oui ? Donc là, je me suis dit, Muriel, t'es enceinte. T'as un enfant dans ton ventre. Enfin, tu peux pas faire n'importe quoi. Et je me suis redissociée. pour justement me dire, il faut que tu t'alimentes pour ton enfant. Et du coup, ça s'est plutôt bien passé, ma grossesse. Même si j'étais en deuil, je pleurais beaucoup. Mais je me suis mis vraiment dans le truc, tu t'alimentes pour elle. Parce que c'était une fille. Et je pense que ça a été le révélateur aussi, parce que je voulais... En fait, je ne voulais pas lui transmettre mes TCA, comme si c'était une tare qu'on transmet alors que ça ne se transmet pas du tout. Mais en fait, il y avait vraiment cette peur de me dire, je ne peux pas lui transmettre ça. Et du coup, j'ai mis en place un processus moi-même, en m'alimentant normalement. Même si c'est toujours moi qui contrôlais ce que je mangeais. Mais comme ça, elle n'a pas perçu justement mes TCA.

  • Speaker #0

    Oui, alors pas que la grossesse finalement. Quand tu dis, tu ne voulais pas qu'elle voit, qu'elle perçoive finalement ta fille que tu avais des TCA. Donc, au-delà de la grossesse, tu as continué à suivre une sorte de plan que tu t'étais fait.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Et ta fille, elle n'a pas perçu, elle n'a pas capté que tu avais des TCA du coup.

  • Speaker #1

    Alors, jusqu'à là, je pense, oui, vers 10 ans, je pense. Mais après, je lui en ai parlé. On en a parlé. Elle, elle avait bien perçu qu'il y avait quelque chose. Forcément, c'est des enfants, ils voient tout quand même. Et c'est pareil, en fait. Du coup, pour elle, c'était normal. Donc, du coup, ça n'a pas aggravé le... ça ne m'a pas atteint parce qu'elle vivait bien le truc.

  • Speaker #0

    Et toi, du coup, toute cette période-là, qui j'imagine a duré quand même pas mal d'années à partir de la grossesse de ta fille, tu étais dans un contrôle, j'imagine, quand même très rigide, mais du coup, tu te nourrissais un peu plus, ce qui, j'imagine, t'apportait quand même plus d'énergie pour toute ta vie quotidienne. Comment tu te souviens de cette période-là, toi, globalement ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est comme si j'étais formatée. Je mangeais le matin, je déjeunais le matin, je mangeais le midi, je mangeais un petit truc à 4h et je remangeais le soir. Par contre, je ne mangeais jamais entre les repas. Ou si parfois j'avais envie de manger un petit truc, je le mangeais, mais je m'en voulais tellement de l'avoir mangé. Et du coup, il y avait cette sensation de culpabilité d'avoir mangé un truc qui me faisait plaisir à la base. Et il y avait toujours cette petite voix qui me disait Pourquoi tu l'as mangé ? Pourquoi tu l'as mangé ? Et en fait, c'est un combat entre deux parties dans mon cerveau. Et à vivre, c'est assez compliqué quand même. Oui.

  • Speaker #0

    Et tu te pesais à cette période-là ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne me pesais plus trop. Par contre, ça a été un truc assez... Je pouvais me peser dix fois par jour. Je pouvais me lever la nuit pour me peser aussi. Oui. tellement... En fait, c'est comme en servicieux. J'ai commencé à maigrir et puis plus je maigrissais et plus, quelque part, je ressentais de la satisfaction. C'était ça, de la satisfaction. Et en fait, ça c'est... Le cercle continuait à tourner et je n'arrivais pas à en sortir.

  • Speaker #0

    Et finalement, dans la phase que tu décris post-grossesse, post-naissance de ta fille, J'ai l'impression que ça ressemble un peu à ce que certaines personnes me décrivent parfois, comme une sorte de semi-guérison. Ou finalement, comme tu le dis, tu es un peu formatée, un peu en mode robot. De toute façon, je fais ça, je fais ça, je fais ça. Qui peut donner l'impression d'avoir une vie normale, entre guillemets, alors qu'en fait, dans ta tête, c'est l'enfer, la culpabilité. J'imagine qu'aller au resto ou des repas imprévus, c'était hyper compliqué aussi.

  • Speaker #1

    Mais ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible pour moi.

  • Speaker #0

    Mais malgré tout, tes symptômes étaient moins bruyants, envahissants qu'une phase où tu ne mangeais que deux biscottes et une soupe où tu te pesais dix fois par jour.

  • Speaker #1

    Oui, mais intérieurement, c'était un combat mutuel, mais que je ne faisais pas percevoir. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a duré combien de temps alors, cette phase ?

  • Speaker #1

    Ouf !

  • Speaker #0

    Oui. Mais c'est souvent des phases qui sont très longues parce que justement, je trouve que ça peut donner l'illusion d'une vie normale, donner l'illusion que de toute façon, on n'aura pas mieux que ça. Tu vois, parce que tu revenais tellement loin aussi, j'ai envie de dire. Tu avais déjà quand même vachement progressé.

  • Speaker #1

    C'est ça. C'est ça. Et la satisfaction que j'ai aujourd'hui, c'est d'avoir progressé quelque part un peu pas toute seule parce qu'il y avait mon mari, il y a mes enfants. Puis après, j'ai rencontré des thérapeutes qui m'ont ouvert la porte. Ils m'ont ouvert la porte et là, j'ai commencé à découvrir l'hypnose, le coaching, tout ça. Et je me suis intéressée vraiment au développement personnel, ce qu'on ressentait. Parce qu'à la base, on a des émotions, on a envie qu'ils s'en vont, on les refoule en fait. On a envie que... Enfin, j'en veux pas, j'en veux pas. Et plus on fait ça et plus ça s'installe. Et quand j'ai compris ça, je me suis dit, en fait, ça a des émotions, il faut que tu les traverses. Tu as déjà traversé plein de choses. Si tu peux traverser ça, tu peux traverser tes émotions et les comprendre. J'ai commencé à prendre soin de mon corps, prendre mon corps comme un allié, plus comme quelque chose de je n'en veux pas

  • Speaker #0

    Oui, déjà, tu as commencé à réinvestir ton corps, à revivre dans ton corps, j'ai l'impression aussi. Puis les émotions, c'est intéressant ce que tu dis, parce que les émotions, c'est corporel. Donc déjà, de faire ce travail de, OK, je vais petit à petit me laisser plus traverser par mes émotions, ça veut dire que forcément, tu revenais un peu plus dans ton corps.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et c'est vraiment les séances d'hypnose. Une fois, ma copine, elle me dit, mais va voir une hypnothérapeute, tu verras bien. J'avais tout essayé. Je me suis dit, je ne suis plus à ça. Et... Et du coup, j'ai pris rendez-vous. Première séance assez prenante. Je fais quelques séances et vraiment, je me suis redécouverte en fait. Ah ouais ? Je me suis redécouverte. Et puis, c'était cool. C'était cool de se redécouvrir et on se dit, mes mains, j'ai perdu tout ce temps. Si j'avais rencontré ces personnes-là au moment où tu étais vraiment dans le fond du fond, peut-être tu aurais gagné du temps. Mais après, je me dis, si tu es passé par là, c'est qu'il fallait que tu passes par là et qu'il n'y a jamais rien qui se fait par hasard, en fait.

  • Speaker #0

    Et du coup, toutes ces aides extérieures et l'hypnose où tu dis, je me suis redécouverte. Ça, ça t'a permis aussi de débloquer des choses sur ton comportement alimentaire, ton rapport à ton corps ?

  • Speaker #1

    Pas au début. Pas au début. Je pense qu'il y a une petite graine que j'ai plantée et qui a poussé plus tard.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Enfin, vraiment. Là, aujourd'hui, je peux dire que je ne me sens plus anorexie. On m'aurait demandé il y a dix ans, j'étais encore anorexie, même si moi je me disais que j'étais plus anorexie, beaucoup de gens me disaient quand même, tu as quand même des problèmes avec l'alimentation.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui t'a permis d'en sortir alors, sur justement les dix dernières années là ?

  • Speaker #1

    En fait, il n'y a pas vraiment eu, je pense que j'ai fait mon petit chemin. Il y a eu le confinement où tout le monde s'est un peu redécouvert, on avait le temps pour nous, tout ça. Je faisais plus à manger, tout ça. Il m'est pris plaisir, c'était vraiment ce plaisir de faire à manger pour moi, pour mes proches. Et j'ai commencé à manger en pleine conscience. Je mangeais avec plaisir. C'était plus manger par obligation. Parce que pendant très longtemps, j'ai mangé par obligation. Même si ça ne se voyait pas, je mangeais par obligation.

  • Speaker #0

    Ok. Et du coup, ça a eu un impact sur ton corps, une prise de poids ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors pas beaucoup.

  • Speaker #0

    Et comment tu as vécu ça alors ?

  • Speaker #1

    Ben, plutôt bien. Plutôt bien. Je me suis remis à courir, tout ça. Et je pense que le sport, il aide beaucoup aussi. à faire une connexion avec son corps, son esprit. Et je pense que tout ça, j'ai mis en place sans le vouloir en fait. J'ai mis en place des choses et sans le vouloir, je m'en suis sortie comme ça, inconsciemment en fait. Mais bon, c'est un parcours d'un long... Enfin, c'est un long parcours. C'est un très long parcours. Si je disais que ça a été facile, je mentirais. Ça n'a pas été facile, mais aujourd'hui, je suis là et je suis fière de la femme que je suis devenue, en fait.

  • Speaker #0

    C'est beau d'entendre ça. Ça me donne envie de te poser la dernière question que je pose à chaque fois aux personnes et qui est très importante à mon sens, c'est de savoir ce que... tu aurais envie de transmettre aux personnes qui en sont au stade de celle que toi tu étais ? Alors, tu as été à plein de stades différents. Donc, je ne sais pas, soit tu fais une réponse globale, soit les différents stades. Mais voilà, que ce soit la petite Muriel ou aussi la Muriel maman qui mange par obligation pour ne pas transmettre à sa fille, mais qui n'est pas encore guérie. Qu'est-ce que tu pourrais dire aux personnes qui sont encore en pleine tourmente ?

  • Speaker #1

    Déjà de ne pas rester seule. Maintenant, nous à l'époque, il n'y avait pas trop ces podcasts ou Instagram, comme Toif la vie, où il y a Alizé aussi qui transmet pas mal l'hyperphagie, tout ça. Et je trouve que ça aide pas mal quand même de sentir qu'on n'est pas seul et de se faire accompagner par des gens qui vous comprennent, qui ne vous jugent pas. Et maintenant, ça s'est quand même pas mal développé. Et il y a des gens qui sont très compétents. C'est ça, très compétents parce qu'ils se sont spécialisés dans les TCA. Et puis, en tant que maman, je pense qu'on se laisse porter par ses enfants, par l'amour qu'ils vous portent. Et je pense que c'est ça. Je suis assez mue de le dire en plus. De toute façon, quand on parle des enfants, souvent, en tant que maman, on a toujours cette émotion. Mais oui, non, l'amour de mon mari et de mes enfants m'ont vraiment transportée maintenant où j'en suis. Même si j'ai fait une grosse partie du travail.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, je pense que c'est... J'entends aussi que dans ton parcours, il y a quelque chose de proactif, en fait. T'es allée... En tout cas, au moment où c'était possible pour toi, tu es allée chercher de l'aide, tu as cherché à comprendre, tu t'es intéressée sans doute à plein de choses, et puis voilà, tu es allée chercher de l'aide. Et du coup, ce travail, tu l'as mené toi, mais j'entends l'importance que ça a eu pour toi, de te sentir aimée. Et j'ai l'impression de te sentir aimée inconditionnellement. Tout à l'heure, tu disais, mon mari m'a prise comme j'étais, avec l'anorexie.

  • Speaker #1

    C'est ça. Parce que quand on a un trauma comme ça, En général, on a un rapport avec les hommes qui est un peu erroné. Enfin, j'ai vu un truc que tu as laissé passer la dernière fois, ton chemisier, tout ça. Enfin, on ne devrait pas se poser la question, ben mince, si je m'habille comme ça, le regard des hommes, comment elle va être sur moi ? On ne devrait pas se poser cette question, en fait. On devrait s'habiller comme nous, on en vit, et pas se dire, ben mince, il va y avoir un regard... Et du coup, c'est nous qui devrions être coupables de comment on est habillés.

  • Speaker #0

    Je trouve ça... Oui, on en revient à, malheureusement, ce que tu as sûrement ressenti à l'époque où tu tenais ton corps coupable, responsable en tout cas. Tu vois, il y a souvent la culpabilité inversée, en fait, quand on est victime de violences, et notamment de violences sexuelles, avec l'impression que c'est la faute du corps, c'est la faute de... Voilà, mais tu prends l'exemple du poste que j'avais fait sur mon chemisier. Pour le coup, ça illustre aussi bien la société dans laquelle on vit, parce que j'avais un chemisier qui était ouvert, mais enfin, tu vois, rien de foufou, quoi. Et il y a un type lambda dans le train qui, d'un air réprobateur, vient me dire de reboutonner mon chemisier parce que quoi, je sais pas, ça le gêne, parce que quoi, ça lui crée des pulsions. Enfin, franchement, aujourd'hui, je pense que je réagirais différemment, mais à l'époque, un peu comme dans le cadre d'une agression, j'ai été sidérée, en fait, tu vois. J'ai juste reboutonné mon truc. Oh mince, limite en lui disant pardon, c'est délirant.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est complètement délirant, mais en fait, il faut passer tout ça pour comprendre justement, se dire mais on ne devrait pas se sentir coupable en fait. On s'habille comme on a envie. Ce n'est pas pour attirer le regard des hommes, c'est parce que nous, on a envie de s'habiller comme ça en fait. Et du coup, c'est vrai que le rapport avec l'homme, était erroné et lui, il était bienveillant. Il n'était pas dans le... Et du coup, ça m'a réconciliée, justement. Je me suis dit, finalement, les hommes ne sont pas tous pareils. Et heureusement, heureusement qu'ils ne sont pas tous pareils. Mais parfois, on peut se sentir sidéré par les réactions comme ça, du regard, en fait. Et du coup, nous, on se sent coupable, alors que non.

  • Speaker #0

    Oui, je pense avoir perçu vraiment au fil de notre échange à quel point... Il a été important, mais votre relation, j'ai envie de dire plutôt, a été importante, la relation que vous avez construite tous les deux. Et puis, du coup, j'ai cru comprendre que tu avais eu plusieurs enfants.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai une fille et un garçon.

  • Speaker #0

    Et oui, j'entends à quel point l'amour de cette famille que tu as créé a été super important. Et je ne peux pas m'empêcher de faire un peu le lien avec ton histoire de base. justement c'est peut-être ce qui t'a manqué aussi tu vois dans tout ce qui s'est passé pour toi quand t'étais petite fille ce soutien inconditionnel d'une maman le fait de te sentir portée à ce moment là et bien finalement c'est quelque chose que t'as été en mesure de créer c'est ça je suis assez fière de ça tu peux je pense que c'est important de se le dire de se le répéter de regarder ce parcours court et de pouvoir être fière de ça, vraiment, il y a de quoi. Après presque 30 ans passés dans l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais ouais, je pense que l'amour de ses proches, je pense que ça aide. Quand on est seul et on a des TCA, je pense que c'est compliqué si on ne se fait pas aider. Parce qu'on s'enferme, justement. On s'enferme de corps. On n'a pas d'issue. On ne sait pas à qui en parler. Et du coup, la personne, elle s'isole.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Écoute, merci beaucoup. Je trouve que c'est un beau message d'espoir. Je trouve aussi que ton témoignage, il est super important par rapport à ce que tu as partagé sur ton trauma. Je trouve qu'il y a une valeur éducative aussi. C'est important de... J'ai envie que ce soit plus simple de parler de ça parce que le silence autour des violences sexuelles... Ce n'est pas aux victimes qu'ils rendent service, c'est aux agresseurs. Donc, il faut pouvoir en parler plus facilement. Il faut que des parents entendent aussi ton témoignage pour que peut-être si demain, leur fils ou leur fille rentre à la maison en leur parlant d'une agression, ils puissent agir différemment de ce que toi, tu as vécu. Donc, merci. J'ai envie de te dire un immense merci. Un grand bravo pour ce parcours. Et un immense merci d'être venu témoigner. avec autant d'authenticité de nous avoir livré un grand morceau de ta vie puisque encore une fois ça a pris beaucoup de place donc franchement merci beaucoup je suis sûre que ça va être vraiment riche pour les personnes qui vont l'écouter en tout cas c'est moi qui te remercie Flavie avec grand plaisir merci beaucoup un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode mon podcast te plaît ? t'apporte de l'aide ? alors partage-le, laisse un commentaire Laisse 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. Ça va te prendre quelques secondes. Et pour moi, c'est un soutien immense. Mon podcast, c'est une ressource gratuite que j'ai envie de mettre à disposition. Comme tu l'as remarqué, il n'y a pas de pub avant, pendant, après. Pouvoir me permettre de continuer à le faire, c'est hyper important de m'apporter ce soutien en le partageant, en en parlant autour de toi et en mettant ces 5 étoiles et ce petit commentaire qui permettront de valoriser et faire connaître le podcast. Je te remercie et je te dis à dans quelques jours pour un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation Muriel

    01:09

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

    03:27

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

    06:10

  • Le début de l’anorexie

    07:56

  • Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

    14:30

  • TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

    25:03

  • Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

    35:57

  • Une sorte de semi-guérison

    42:41

  • Ce que Muriel aimerait transmettre

    49:16

Description

Muriel a passé 30 ans dans l’anorexie. 


Petite fille joviale pour qui l’alimentation était synonyme de plaisir et n’étais pas un sujet, elle bascule brusquement dans l’anorexie après avoir vécu une agression sexuelle.

Muriel est fière de pouvoir dire qu’elle est débarrassée de l’anorexie, et il y a de quoi.
Son parcours est jalonné de souffrance et de beaucoup de solitude.

Malgré toute la place que prenait la maladie, Muriel a fondé une famille au sein de laquelle elle a puisé l’amour et la force nécessaire pour s’en sortir.

En cours de formations, elle souhaite bientôt accompagner les femmes souffrant de troubles alimentaires afin de mettre son vécu au profit de la guérison des autres. 


C’est un parcours touchant et inspirant que Muriel nous livre avec vulnérabilité.
Merci. 



Au programme : 


Présentation Muriel

Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

Le début de l’anorexie

Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

Une sorte de semi-guérison

Ce que Muriel aimerait transmettre


Live cité : « Bed bug » de Katerine Pancol 



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Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue dans TCA, etc., le podcast qui décrypte les troubles des conduites alimentaires et tout ce qui gravite autour, parce que ça n'est jamais seulement qu'une histoire de bouffe. Je suis Flavie Mitsono, et j'accompagne les mangeuses compulsives à devenir des mangeuses libres bien dans leur basket. Alimentation, peur du manque, insatisfaction corporelle, peur du jugement, du rejet, empreinte familiale, grossophobie, les sujets abordés dans ce podcast sont très vastes, et pour ce faire, mes invités sont aussi très variés. Retrouvez-moi aussi sur Instagram où j'aborde tous ces sujets au quotidien sur flavie.mtca. Très belle écoute. Bienvenue Muriel dans le podcast. Je suis ravie de t'accueillir pour que tu puisses apporter ton témoignage auprès de l'auditoire de TCA, etc. Donc déjà, merci pour ça, merci d'être là. Dans un premier temps, je te propose de te présenter de la manière dont tu le souhaites pour nous dire un petit peu qui tu es.

  • Speaker #1

    Pas de souci. En tout cas, c'est moi qui te remercie Flavie pour cette invitation. Je suis ravie d'être là. Moi, je suis Murielle Pruveau. Je suis en pleine création de mon entreprise pour devenir thérapeute. Je suis en cours de formation aussi. J'ai fini praticien, j'ai fait gestion du poids. J'ai fait la formation Renaitre avec Flavie, Laura Jaubert, excuse-moi.

  • Speaker #0

    On s'appelle toutes Flavie, incroyable !

  • Speaker #1

    Avec Laura Jaubert, que j'ai terminée il n'y a pas très longtemps, il y a trois semaines. Elle a fait ça à Lille. Ça a été vraiment une super expérience. Et sinon, j'ai travaillé 18 ans dans un magasin de sport pour ensuite travailler en crèche. Mais je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais, même si ça m'a amenée, ça a été enrichissant pour moi. Je ne trouvais pas de sens vraiment à ce que je faisais. Et à l'époque, je voulais être psychologue, mais avec les hospitalisations, tout ça, j'ai un peu arrêté tout ça. Et après, pas d'énergie, pas la force. Et du coup, là, je reprends les formations justement pour accompagner les femmes qui veulent bien échanger avec moi. Et j'ai plein de choses à échanger avec eux.

  • Speaker #0

    OK, donc ça, c'était plutôt une présentation axée pas mal vie pro. Mais si t'es là, c'est aussi et surtout, j'ai envie de dire, par rapport à ta vie perso et ce que tu as vécu, notamment avec les troubles alimentaires.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. C'est tout à fait ça. Donc, ça a été une grande partie de ma vie de 11-12 ans après un trauma, comme beaucoup de personnes qui ont des TCA, jusqu'à, je dirais, 40 ans.

  • Speaker #0

    Ok, ça marche. Donc, avant qu'on rentre un peu plus dans le... Parce que ça m'intéresse beaucoup de savoir, tu vois, un peu le parcours, parce que c'est un long parcours, donc j'imagine qu'il y a plein de choses à en dire. J'aime bien poser une question à toutes les personnes qui interviennent sur TCA, etc. Qui est, en vrai, il y a deux questions. La première question, ce serait ton souvenir le plus ancien dans le rapport à ton corps. Ou en tout cas, le souvenir le plus marquant qui te vient sur le rapport à ton corps.

  • Speaker #1

    En fait, j'ai eu l'impression que mon cerveau a été déconnecté et que je ne supportais plus mon corps, en fait. Ça a vraiment été... Et assez rapidement, je suis tombée dans l'anorexie. Je supprimais toute alimentation, je ne mangeais plus du tout. En fait, je mettais en souffrance mon corps. Et ça,

  • Speaker #0

    c'est le souvenir le plus ancien ou le plus marquant que tu aies dans la relation à ton corps ? Et tu avais quel âge à peu près ?

  • Speaker #1

    C'était 12 ans, 11-12 ans. Ouais. 11-12 ans où... Je ressentais de la honte. Vraiment, c'était une souffrance antérieure, un combat antérieur avec moi-même, sans comprendre pourquoi, au départ, quand on rentre dans les TCA, pour ma part, l'anorexie, ça a vraiment été un combat mutuel, comme s'il y avait deux personnes

  • Speaker #0

    À ce moment-là, il y a une forme de dissociation qui se crée où il y a toi, ton corps de l'autre côté. Oui,

  • Speaker #1

    mais complètement. Je crois que j'ai été dissociée pendant plusieurs années.

  • Speaker #0

    Le TCA peut servir à ça aussi, d'ailleurs. C'était dans une dissociation.

  • Speaker #1

    Et je pense que c'est ce qui m'a fait vraiment rester sur pied, justement. À ce moment-là, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour survivre, en fait. Si quelque part, je voulais disparaître, parce que souvent l'anorexie, c'est ça, on veut disparaître, on se fait toute petite pour qu'on vous voit le moins possible. Mais oui, ça a été une souffrance assez puissante quand même.

  • Speaker #0

    Les bases de ton rapport au corps sont plutôt sur des bases, effectivement, de souffrance, de bataille, de mise à distance.

  • Speaker #1

    Mais c'était ça. Et en fait, même les gens qui mangeaient à côté de moi, Ça m'écœurait, j'avais envie de vomir, alors que c'est normal de manger, c'est normal d'alimenter son corps, c'est ce qui me fait avancer. Mais j'avais un dégoût complet de la nourriture, en fait.

  • Speaker #0

    Ok. Et justement, là, ma question au début était sur le rapport à ton corps, mais sur le rapport à l'alimentation, même si c'est avant l'anorexie, qu'est-ce qui te vient ? Si je te pose la question, c'est quoi ton premier souvenir avec l'alimentation ? Ou en tout cas, le souvenir qui s'impose à toi ?

  • Speaker #1

    L'alimentation ? En fait, je me suis dit, s'il ne m'alimente plus, mon corps va se cacher. Parce qu'en fait, c'était vraiment ça. En fait, j'étais assez bien formée. Et du coup, je me suis dit, si je ne m'alimente plus, on ne verra plus mon corps. Et c'est ça qui a vraiment déclenché tout le reste, en fait.

  • Speaker #0

    Mais tu n'as pas de souvenirs sur le rapport à ton corps et à l'alimentation avant ça, avant tes 12 ans ?

  • Speaker #1

    En fait, je mangeais bien. J'étais même très gourmande. J'avais un corps qui me correspondait. J'étais assez joyeuse, pleine de vie, tout ça. Et oui, j'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    J'aimais bien manger.

  • Speaker #0

    Avant tout ça, avant tes 12 ans, tu penses que tu avais une relation, j'aime pas trop le mot normal, mais classique, intuitive à l'alimentation ?

  • Speaker #1

    Ah oui, oui, tout à fait, tout à fait. Je mangeais quand j'avais envie, je mangeais les choses que j'avais envie. Enfin, comme tout...

  • Speaker #0

    personnes qui a 11 12 ans qui mange pleinement et donc justement pour rentrer un peu plus dans le vif du sujet de tout ton parcours avec les troubles alimentaires pour toi tu dis que ça tu nous expliquer que ça a commencé par de l'anorexie qui a été déclenchée par un trauma oui Et que tu expliquais déjà en lien avec les souvenirs à rapport au corps, à l'alimentation, que finalement, c'est un traumatisme relié à ton corps, j'imagine, et que du coup, c'est parti d'une volonté de te dissocier de ton corps, de faire disparaître ton corps pour te protéger aussi. C'est de là que c'est parti et que l'alimentation a été un outil pour ça en ne te nourrissant plus. Tu me dis si je résume bien.

  • Speaker #1

    C'est tout à fait ça.

  • Speaker #0

    Là, tu as environ 12 ans et tu commences à sombrer dans l'anorexie. Tu arrêtes de manger en fait.

  • Speaker #1

    J'arrête de manger.

  • Speaker #0

    Tu dis que tu ressentais du dégoût pour l'alimentation. Ça s'est instauré tout de suite, ça aussi, le dégoût ?

  • Speaker #1

    En fait, il y a une période de ma vie où comme si mon cerveau avait amené...

  • Speaker #0

    C'est un peu flou.

  • Speaker #1

    C'est un peu flou, oui. Et en fait, c'est comme si ça avait effacé une partie de ce moment-là qui était assez douloureux pour moi.

  • Speaker #0

    Ok. Et tu as des proches avec qui tu peux en reparler aujourd'hui, notamment tes parents peut-être ?

  • Speaker #1

    Alors, mon papa est parti, mais ma maman, de toute façon, on... Tu vas sûrement me poser la question de mon trauma. Je n'ai pas été du tout accompagnée par ma maman. Et ça a été un problème. Ça a été une souffrance supplémentaire.

  • Speaker #0

    OK. Donc, comme ta maman n'a pas été en mesure de t'accompagner sur le trauma que tu as vécu, elle ne t'a pas non plus accompagnée sur toutes les conséquences traumatiques, dont l'anorexie. Du tout.

  • Speaker #1

    Du tout,

  • Speaker #0

    du tout. Est-ce que tu sais ou te souviens, parce que ce n'est pas facile, effectivement, en fait, ce que tu dis, c'est typique. Quand il y a un événement traumatique, il y a aussi un peu la mémoire en gruyère autour, avec des trous, avec du flou. C'est pour ça que je te demandais si tu pouvais en parler avec d'autres gens, parce que des fois, c'est compliqué de remettre les pièces du puzzle. Est-ce que tu te souviens si ton poids a baissé rapidement à ce moment-là ? Si ça a alerté des gens autour de toi ?

  • Speaker #1

    Oui, quand même assez rapidement parce que je ne m'alimentais plus du tout. Donc j'ai rapidement perdu du poids. Je me souviens que mes parents avaient quand même appelé le médecin. Donc lui, le médecin, il m'a mis sous traitement antidépresseur. Parce que pour lui, j'étais en train de faire une dépression. Donc j'ai été mis sous traitement. J'étais... En fait, avec des traitements antidépresseurs, on est fatigué, on n'arrive plus à penser. Et à cet âge-là, je sais que je n'avais pas super bien vécu parce que je me dis, à cet âge-là, on ne doit pas prendre de médicaments antidépresseurs. C'est ce que je m'étais dit.

  • Speaker #0

    Ok. À ce moment-là, c'est ce que tu te disais, toi.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Et puis, ça m'a battue. J'étais complètement abattue. et progressivement de toute façon je n'arrivais même plus à marcher je n'avais même plus de force pour marcher donc j'ai été hospitalisé parce que ben quand je suis arrivé ils m'ont mis en réa parce que j'étais à

  • Speaker #0

    ça de la mort et ça c'était au bout de combien de temps tu sais tu te souviens peut-être au bout d'un an je dirais au bout d'un an donc tu avais autour de 13 ans

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. 13-14 ans et j'étais hospitalisée pendant quelques temps. Après, j'étais gavée aussi. Mais je mettais vraiment mon corps en souffrance. Et comment je pourrais dire ça ? Je ne voulais plus de ce corps, en fait. Donc, je le mettais vraiment en danger. C'est ça.

  • Speaker #0

    Quand tu dis j'étais gavée Tu parles d'une sonde nasogastrique à l'hôpital.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Il n'est pas anodin le mot que tu utilises. Tu dis j'étais gavée C'est comme ça que tu l'as vécu ?

  • Speaker #1

    C'est comme ça que je l'ai vécu. C'est pareil, je ne l'ai pas super bien vécu parce qu'on vous met une sonde, on vous gave. À ce moment-là, je ne comprenais pas trop pourquoi, mais maintenant, avec le recul, c'était pour que je puisse survivre, parce que je ne m'alimentais pas. Je faisais beaucoup de sport aussi, parce que je me disais, plus tu feras de sport, et comme je ne mangeais pas, du coup, ça mettait encore plus en souffrance mon corps. C'était vraiment ce lien de faire souffler mon corps et le mettre en danger.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu penses que tu tenais ton corps pour responsable de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Oui, en quelque sorte.

  • Speaker #0

    Mais bon, ce n'est pas facile, voire impossible de conscientiser ça quand on a 13 ans. Je ne sais pas, est-ce que tu étais accompagnée psychologiquement en parallèle de la renutrition ?

  • Speaker #1

    Alors du coup, j'avais été suivie par une psy... Enfin, j'ai vu plusieurs psychologues et psychiatres. Et en fait... Alors, est-ce que je n'étais pas prête ? Est-ce que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes ? Mais en fait, j'avais l'impression qu'on me renvoyait encore ce problème d'alimentation. Et j'avais l'impression d'avoir en face de moi quelqu'un qui ne me comprenait pas en fait. Et vite... Enfin, à chaque fois, j'arrêtais les suivis. Parce que ça ne m'apportait pas grand-chose à ce moment-là. Et du coup, j'en voyais d'autres. Et c'était toujours le même schéma, en fait.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire, quand tu dis ça, c'était complètement axé sur le fait que tu ne manges pas ?

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et les différents soignants étaient au courant de ce que tu avais vécu, de l'expérience traumatique que tu avais vécue ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, ils étaient au courant, oui. Mais je ne sais pas, ils ne faisaient pas lien. Après, à cette époque, les psychologues, tout ça, n'étaient pas forcément formés sur les TCA.

  • Speaker #0

    Toujours pas, ça ne fait toujours pas partie de la formation de base.

  • Speaker #1

    Oui, ils font les formations après, mais...

  • Speaker #0

    Oui, les personnes qui te souhaitent font les formations après. Mais tout comme par rapport au... Enfin, j'allais dire par rapport aux violences sexuelles. C'est vrai que je présume qu'il s'agit de ça, de ce que tu as vécu. Je présume peut-être mal, mais... naturellement, j'allais partir sur ce sujet-là parce que les soignants sont quand même assez peu... Je pense qu'aujourd'hui, la société évolue par rapport à ça et au fait d'en parler. Néanmoins, pour être bénévole dans une association où on accompagne des victimes de violences sexuelles, je vois bien qu'il y a un certain nombre de personnes qui ont un long parcours de soins derrière elles. qui ont dit des trucs qui étaient très clairs, dont les psychiatres, les psychologues auraient pu se saisir pour leur permettre de travailler, de tirer cette ficelle-là. Si la personne, elle le lâche en consultation, c'est qu'elle est quand même prête à l'amener. Des fois, on n'est juste pas prêt. Et il y a aussi des gens qui voient des tas de psychologues et qui ne parlent jamais du trauma. Mais quand on l'amène, même timidement, c'est aussi pour que la ficelle soit tirée. Et en fait, ce n'est pas du tout fait, parce qu'il y a... encore un gros manque de formation, il y a un tabou, c'est difficile. C'est difficile, mais c'est déplorable, ce n'est pas normal en fait. Ce n'est pas normal que la jeune fille que tu étais ait vu autant de professionnels sans qu'on t'aide sur ce sujet-là, tu vois. Enfin, moi j'ai envie de dire, ce n'est pas normal.

  • Speaker #1

    Puis du coup, en fait, j'ai avancé toute seule du coup. Et du coup, ça a mis du temps, de l'énergie. Enfin, plein de choses. Et puis en plus, sur mon chemin, il s'est ajouté d'autres traumas. Donc du coup, la guérison n'a pas été simple. Oui.

  • Speaker #0

    Et si on prend ton histoire un peu dans l'ordre, si on essayait de reconstituer, de faire le film un peu de ta vie. Donc là, tu es hospitalisée autour de 13-14 ans. Pendant combien de temps tu restes à l'hôpital ?

  • Speaker #1

    Pas mal de mois. Il y a eu plusieurs hospitalisations. Ça, ça a été la première, je dirais, 4-5 mois peut-être.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Voir plus même, parce que je faisais l'école à l'hôpital.

  • Speaker #0

    Et il y a des moments où tu retournes chez toi, puis tu retournes à l'hôpital. C'est comme ça que ça se passe, ton adolescence ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était comme ça que ça se passe. Je sortais quand ils voyaient que mon poids était à peu près stable. Et une fois que je rentrais, je repartais dans les travers de ne pas m'alimenter, de ne pas... Alors par contre, je faisais à manger pour les autres.

  • Speaker #0

    Ouais, typique !

  • Speaker #1

    C'est ça qui est paradoxal parce qu'on adore faire à manger en plus. J'adore toujours faire à manger. Mais je pense que c'est parce qu'on contrôle ce qui... Du coup, on se dit, tiens, on sait ce qu'on va mettre dans... dans le repas. Et du coup, on a ce contrôle-là même si on ne mange pas, en fait.

  • Speaker #0

    Oui, et puis il y a quelque chose d'obsessionnel autour de la nourriture. Il y a presque une notion de se nourrir par procuration. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, il y a des tas de personnes qui souffrent d'anorexie qui suivent des comptes de foodies, tu vois, et tu vas sur le feed Insta d'une personne qui souffre d'anorexie. Je te parie qu'il y a un mélange de... Nana Fit, sportive et tout, mais qu'il y a énormément de recettes. Des recettes, des recettes, des recettes. Moi, je me souviens quand j'ai souffert d'anorexie, je recopiais des recettes. Je passais des heures à recopier des recettes. Non, mais...

  • Speaker #1

    Mais pareil, je faisais pareil. J'avais un petit carnet et je mettais toutes les recettes.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Mais c'est une sorte de contrôle. Comme on n'arrive plus à contrôler notre alimentation... on s'interdit de s'alimenter. Du coup, on garde, quelque part, on garde un peu de contrôle.

  • Speaker #0

    Oui, je pense, moi, je me dis aussi que derrière ça, c'est une façon de manger par procuration, c'est une façon de répondre à l'obsession alimentaire. Parce que même si on a l'impression, à certains moments, de ne pas ressentir la faim, en fait, la faim, elle est là, elle tenaille. Et c'est pour ça qu'on pense à la bouffe H24 aussi. Et du coup, c'est une façon de répondre à cette obsession sans manger. On pense tout le temps à la nourriture. Et puis, le fait de faire à manger pour les autres, c'est hyper rassurant de faire manger les autres, voire même on a envie de gaver les autres. Il faudrait que tout le monde mange sauf nous, tu vois, dans ces phases-là.

  • Speaker #1

    Du coup, le fait de voir manger, ça nous remplit, nous.

  • Speaker #0

    Ouais, je pense qu'il y a un vrai truc par procuration, vraiment. Et du coup, est-ce que tu te souviens combien de temps a duré cette phase ?

  • Speaker #1

    Cette phase sortie de l'hôpital, rentrée ?

  • Speaker #0

    Ouais, je ne sais pas, est-ce qu'il y a eu plusieurs phases ? Comment toi, tu décrirais les choses ? Est-ce que je découvre ton histoire au moment où tu la racontes ? Donc, je ne sais pas. Est-ce qu'il y a eu des phases d'anorexie, puis d'anorexie boulimie ? Est-ce qu'il n'y a eu que de l'anorexie ? Est-ce qu'au cours de tes phases d'anorexie, il y a eu des sous-phases presque ? Oui,

  • Speaker #1

    non, il n'y a vraiment eu que de l'anorexie. La troisième fois, quand je me suis fait hospitaliser, donc j'étais hospitalisée dans un centre à Camier, ils m'avaient même isolée, donc fermée la porte des toilettes. Donc, ils me ramenaient mon repas hypercalorique. Donc, j'avais un... régime hypercalorique de je sais plus combien de calories, j'avais l'impression d'être gavée aussi. Donc, il fermait la porte des toilettes parce que justement, il se disait... Et c'est un truc que j'ai... D'ailleurs, je pense que j'ai jamais réussi à me faire vomir. C'était un truc que j'avais... Et du coup, en fait, j'ai été anorexie. Enfin, j'ai toujours été que anorexie.

  • Speaker #0

    Ouais, anorexie purement restrictive.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et par la suite, après, quand j'ai commencé à me réalimenter, c'était vraiment deux biscottes le matin. Et je ne remangeais rien jusqu'au soir. Et le soir, je mangeais peut-être une soupe quand j'ai commencé à me réalimenter.

  • Speaker #0

    Et ça, c'est quand, quand tu dis quand j'ai commencé à me réalimenter

  • Speaker #1

    Je dirais 14-15 ans. 14-15 ans.

  • Speaker #0

    Et ça a duré combien de temps alors, ça ? Le fait de manger deux biscottes et puis une soupe ?

  • Speaker #1

    Très longtemps.

  • Speaker #0

    Ah ouais ?

  • Speaker #1

    Ouais.

  • Speaker #0

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #1

    Je dirais bien un an. Ou voire plus. En fait, ouais, c'est comme si j'avais des flashs, en fait. C'est que des flashs. J'ai plus de souvenirs appropriément dits. Mais j'ai ces flashs. Et quand j'y repense, je me dis, mais comment tu faisais pour manger que deux biscottes, quoi ?

  • Speaker #0

    C'est clair. C'est clair, c'est fou. Les ressources du corps, c'est flippant presque.

  • Speaker #1

    Mais carrément. Mais carrément, parce que finalement, je tenais, même si mon corps tenait à peine debout. Mais j'étais encore là, en fait.

  • Speaker #0

    Et autour de toi, alors, comment ça se passe avec ta famille à ce moment-là ? Parce que tes parents, bon, il y a des allers-retours à l'hôpital et là, tu dis, pendant une période d'un an, tu manges deux biscottes le matin et une soupe le soir. Donc, tu devais vraiment pas être épaisse. Et donc, t'allais en cours quand tu dis je tenais c'est que t'allais au collège, au lycée ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Ok. Et comment ça se passait avec ta famille ? Quel regard ils portaient là-dessus ?

  • Speaker #1

    Alors je sais que mon papa en a beaucoup souffert, mais comme il n'était pas au courant de la situation, il ne comprenait pas pourquoi j'avais ces troubles alimentaires alors qu'avant je n'avais pas de problème de nourriture. Enfin, je n'avais pas de problème avec la nourriture. Et du coup, je me souviens qu'une fois j'avais pesé quelque chose et il avait pris la balance, il l'avait broyée parce que... Parce qu'il n'en pouvait plus de ça. Et souvent, je mangeais à côté de lui. Alors, je ne sais pas si c'est parce que ça me rassurait de manger à côté de lui. Parce que je m'isolais pour manger. Je ne voulais pas qu'on regarde ce que je mangeais. Mais il était souvent à côté de moi. Et je pense qu'il y a un moment où il n'en pouvait plus. Et il a pris la balance, il a broyé. Il m'a dit maintenant tu n'auras plus de balance. Mais parce qu'il ne comprenait pas en fait.

  • Speaker #0

    Ben ouais.

  • Speaker #1

    Et ma maman, je pense qu'elle s'est laissée porter. Et comme je lui en ai souvent voulu, ça a été aussi un travail après à faire. Parce que quand on est parent, on est censé protéger nos enfants. C'est la base. Et là, je ne me suis pas sentie protégée du tout.

  • Speaker #0

    Pourquoi ton père n'était pas au courant de ce qui t'était arrivé ?

  • Speaker #1

    Parce qu'il ne fallait surtout pas en parler.

  • Speaker #0

    Donc seulement ta mère était au courant ?

  • Speaker #1

    Oui, et mon frère et mes deux sœurs étaient trop petits. Mais ma maman, il ne fallait pas en parler. D'ailleurs, la personne continue à rentrer à la maison.

  • Speaker #0

    Ok. Je ne suis pas allée te poser la question frontalement parce que ce n'est pas dans mes habitudes. Par contre, il n'y a aucun problème pour en parler, de dire clairement ce qui s'est passé. Et si c'est le cas, je mettrais aussi un warning pour les personnes qui écoutent l'épisode. Parce que du coup, si j'ai bien compris... Alors... je reprécise un truc, c'est vrai que je ne l'ai pas dit au début à n'importe quel moment tu as des milliers de jokers à ta disposition et il n'y a aucune question obligatoire, c'est à dire que moi jamais je me vexerais de quoi que ce soit la base c'est le consentement, donc tu réponds si t'es ok, tu réponds dans la mesure de ce que t'as envie de répondre sans toi vraiment libre l'épisode il est autour de toi de toute façon j'ai plus de problème du tout avec ça avant c'est vrai que j'avais un peu honte donc il y a

  • Speaker #1

    Très peu de gens autour de moi qui connaissaient la situation. Maintenant, je n'ai plus de problème, je n'ai plus de honte, je n'ai plus ces sensations. Donc, en fait, c'est le mari de ma tante, la sœur de ma mère. Donc, un oncle que je connais très bien, puisque j'ai tout fait avec eux depuis que je suis petite. Je suis souvent avec eux. Et une fois que je suis formée, j'étais quand même bien formée. En fait, il a commencé à vouloir abuser de moi. Donc, comme moi, j'avais une entière confiance en lui, je pouvais aller dans sa voiture. Et ce jour-là, c'était chez lui. En fait, on avait été chercher quelque chose chez lui. Et en fait, il a commencé à me toucher, tout ça. Et moi, je me suis dit, c'est pas normal. Et il insistait tout ça. Bon, j'ai réussi à m'en sortir et à sortir de là. Et dans la voiture, il recommençait à mettre sa main en dessous de ma jupe, tout ça. Et en fait, mon corps, il s'est paralysé, en fait. Il s'est paralysé. Je ne comprenais pas ce qui se passait parce que j'avais confiance en lui. Je le connaissais. Je n'ai jamais eu de problème avec ça. Et en fait, par contre, quand je suis rentrée, j'en ai parlé tout de suite à ma maman. Mais en fait, j'ai eu l'impression de parler dans le vide, parce que je ne me suis pas sentie écoutée, je ne me suis pas sentie comprise. Et en fait, j'ai eu l'impression qu'elle faisait semblant de ne pas m'écouter. Parce que cette personne, sa sœur, continue à rentrer. C'est tant que le commentaire continue à rentrer. Et moi, j'étais là. Et du coup... en fait, je me suis demandé ce que j'avais ressenti, est-ce que je l'ai vraiment vécu en fait ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Parce que du coup, ça revenait en boucle dans mon cerveau, dans ma tête, et je me dis si ma mère ne me croit pas, est-ce que je l'ai vraiment vécu ?

  • Speaker #0

    Ouais, c'est ça qui est terrible.

  • Speaker #1

    Et du coup, en fait, je me suis sentie doublement punie en fait. Doublement punie. Et en fait, je ressentais de la... de la colère, de la révolte. Et en fait, je me suis isolée. Je me suis isolée de tout. Et je pense que là, ça a été vraiment la descente aux enfers. Oui.

  • Speaker #0

    Et en même temps, il s'est arrivé quelque chose d'horrible, de grave. dans le monde des adultes en fait tu vois enfin qui concernait un adulte t'en parle à un autre adulte qui est ta maman comme tu dis qui est censé te protéger donc en fait déjà moi je trouve ça fort tu vois que tu étais capable en rentrant d'en parler à ta maman c'était un grand témoignage de confiance aussi à ta maman et et il faut aussi énormément de force pour réussir à parler de ça parce que tout à l'heure t'as parlé de honte tu vois c'est des sentiments qui suivent les victimes toute la vie quoi je veux dire derrière malheureusement enfin ou en tout cas jusqu'à ce qu'on arrive à suffisamment travailler le truc donc en fait toi de ton côté bah tu mets en place tout ce que tu peux mettre en place pour surmonter ce truc là et en fait Gros flop, t'es abandonnée, t'es seule face à ça.

  • Speaker #1

    Oui, c'était complètement ça. Et j'ai une bonne relation avec mon frère et mes deux sœurs. Mais eux, ils étaient trop petits pour comprendre. Donc, j'avais quand même leur amour qui me faisait avancer quand même parce qu'ils étaient toujours là, bienveillants, à essayer, même quand j'étais à l'hôpital, à m'envoyer des petits mots parce que je n'avais pas le droit aux visites. Donc, dans le sac, il mettait toujours des petits mots gentils. Et je pense que ça, ça m'a porté quand même... Enfin, ça m'a fait avancer.

  • Speaker #0

    OK. Et j'ai envie de te poser la question, même si... Enfin, je pense que c'est important de poser cette question aussi, peut-être pour les auditeurs, auditrices. Qu'est-ce qui fait que toi, t'en as pas parlé à ton papa ?

  • Speaker #1

    Je pense que je ne voulais pas lui faire de mal.

  • Speaker #0

    Ta maman t'avait explicitement dit, on n'en parle pas à papa.

  • Speaker #1

    Oui, il ne faut pas en parler.

  • Speaker #0

    Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    Il ne faut pas en parler. Donc, il y avait pas mal de gens qui étaient au courant, mais qui, en fait, comme chaque homme qui abuse tout ça, quand on les voit, ils paraissent bien, ils ont une bonne posture, ils sont gentils. Et en fait, j'ai beaucoup de tentes qui n'ont pas cru, sauf une. D'ailleurs, qui a déclenché le truc en disant, écoute, tu as abusé de Muriel. Et du coup, ma tante était venue en furie à la maison. Je me souviens, j'étais dans la chambre. Et en fait, lui m'a regardée avec un air un peu... Enfin, je ne sais pas trop l'expliquer. Il avait un air comme si j'avais fait quelque chose de mal, que maintenant tout le monde savait, même si il y en a beaucoup qui ne m'ont pas cru, sauf une tante, c'est la seule tante qui m'a cru avec mon oncle. Et du coup, on se sent seule, très seule même.

  • Speaker #0

    Comment elle l'a su, ta tante et les autres ? Comment ils avaient été mis au courant ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est ma mère qui avait dû lui dire. Ça, c'est assez flou. C'est vrai que je devrais lui redemander parce que je l'avoue encore. Et c'était ma mère, je pense, qui lui en avait parlé. Ou peut-être moi. Enfin, j'ai plus souvenir. Il y a vraiment des parties de ma vie qui... Comme s'ils étaient effacés.

  • Speaker #0

    Et c'était elle aussi une sœur de ta maman ? Ta maman, elle avait plusieurs sœurs ?

  • Speaker #1

    Oui. Oui. C'était une sœur de ma maman, oui.

  • Speaker #0

    Et à part elle, tout le monde s'est muré dans le silence. Il ne faut pas en parler.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu sais s'il y a eu de l'inceste plus haut dans ta famille ? Si, par exemple, ta maman a pu en subir ? Est-ce que c'est des questions que tu t'es déjà posées ?

  • Speaker #1

    Non. C'est vrai que je ne me suis jamais posé cette question et j'ai commencé à me la poser cette année parce qu'en faisant les formations, on apprend beaucoup de choses. On apprend aussi sur nous. C'est vrai que je me suis dit, est-ce qu'elle, elle n'a jamais subi ça en fait ? Et je ne sais pas.

  • Speaker #0

    Vu sa réaction, ça vaut le coup de se questionner pour voir, il y a plusieurs choses, pour voir énormément de... famille incestuelle, dans le cadre de mes deux pratiques, que ce soit dans l'accompagnement des TCA ou dans ma pratique bénévole auprès des victimes de violences sexuelles, en fait, souvent, l'inceste ne débarque pas comme ça, de nulle part, dans une famille, déjà. Et puis, dans les réactions des proches, dans les réactions des femmes notamment, et sur cette loi du silence, on n'en parle pas. Et puis, tu sais, tu viens déposer ce truc-là et tu as une réaction en face à l'inverse de celle à laquelle on pourrait s'attendre d'une maman. Souvent, ça vient parler quand même de ça. Je ne dis pas, ah, c'est sûr, elle a vécu ça. Mais tu vois, ça fait penser à quelqu'un qui serait issu d'une famille dans laquelle il y a de l'inceste déjà. Ça me fait penser à un livre de Catherine Pancol qui s'appelle Bedbug. et voilà, je n'en dis pas plus parce que je ne veux pas spoiler mais si ça t'intéresse, ça intéresse les personnes qui vont nous écouter voilà, qui je trouve que c'est un roman mais ça illustre bien ça, alors c'est pas attention c'est un roman mais qui parle de violence sexuelle donc C'est... Attention. Mais ouais, en tout cas, on peut... Enfin, moi, ça me... Forcément, tout de suite, cette question est arrivée à moi. Vu la réaction de ta maman, voilà, on peut se demander ça. Et j'avais une autre question, d'ailleurs. Est-ce que d'autres personnes ont souffert de troubles alimentaires dans ta famille, proches ou éloignées ?

  • Speaker #1

    Alors, j'ai ma cousine. Après la mort de sa grand-mère, avec qui elle était proche. Elle a commencé, mais ça n'a pas duré très longtemps. Mais là, on a parlé cette année ensemble, parce qu'on se voit assez régulièrement, et je pense qu'elle a quand même un rapport à l'alimentation qui est compliqué quand même. Même si elle mange normalement, tout ça, je pense qu'il y a quand même cette peur de grossir qui est là quand même.

  • Speaker #0

    Et donc, on a fait un... un détour pour parler aussi de la racine, mais qui a été hyper importante, je pense, la racine de ce qui s'est passé pour toi. Quand tu regardes ton parcours, j'ai mille questions à te poser, franchement. J'aurais envie de te demander, combien de temps ça a duré, déjà ? Qu'est-ce qui t'a aidé ? Qu'est-ce que tu as compris sur le chemin ? Il y a énormément de choses. Alors, peut-être commencer par le début. Combien de temps ça a duré pour toi, du coup, l'anorexie ?

  • Speaker #1

    De 12, 13 ans. Je dirais où je me sens vraiment plus anorexie, c'est après 40 ans.

  • Speaker #0

    OK.

  • Speaker #1

    Après 40 ans. Après, ça s'est un peu amélioré quand j'ai connu mon mari. Donc, c'était à 21. J'avais 21, 22. 21, 22. Oui, quelque chose comme ça. Et oui, quand j'ai rencontré mon mari, ça a été un révélateur. Et je pense que comme il était bienveillant, enfin après ça n'a pas été simple pour lui, parce que quand on en parle ensemble, je pense que ça a été une période pas très facile pour lui, mais il était là et il ne me jugeait pas. Il n'était pas à me juger ou d'autres choses. Mais ça a été un moment pas facile parce que quand on se connaît, on a envie d'aller au restaurant, on a envie de faire plein de choses. Et moi, ce n'était pas possible d'aller au restaurant pour manger. Cette période-là, c'était encore pour moi très difficile de manger encore plus parce qu'on venait de se connaître et je mangeais toujours isolée. Donc quand il m'a invité... à manger au restaurant, je lui disais Mais non, j'ai déjà mangé. Donc lui, au départ, il le croyait. Mais après, il ne m'a plus vraiment cru. Et du coup, j'ai commencé à lui expliquer mes troubles alimentaires. Et puis après, il m'a pris comme j'étais, en fait. Oui. Mais ça n'a pas été simple. parce que même quand on s'est mis en ménage, moi, je me faisais mon petit repas parce que je commençais à m'alimenter. Enfin, je m'alimentais, mais c'était vraiment restreint. C'était restreint. Je contrôlais tout. Je mangeais par obligation. Enfin, je ne mangeais pas du tout en pleine conscience. Je mangeais vraiment par obligation. J'étais formatée, en fait.

  • Speaker #0

    Il y avait une notion de survie peut-être dans le fait de, il faut que je mange pour tenir debout.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et après, je suis tombée enceinte. Normalement, les gynécos m'avaient dit, comme j'avais été anorexie très tôt et que j'étais plus indisposée, forcément, pendant très longtemps, les gynécos m'avaient dit, de toute façon, vous n'aurez pas d'enfant. Je m'étais préparée. Et en fait, il y a eu un événement dans ma vie. J'ai perdu ma sœur dans un accident de voiture. Et en fait, elle est partie au mois de décembre. Je suis tombée enceinte au mois de janvier. Ah oui ? Donc là, je me suis dit, Muriel, t'es enceinte. T'as un enfant dans ton ventre. Enfin, tu peux pas faire n'importe quoi. Et je me suis redissociée. pour justement me dire, il faut que tu t'alimentes pour ton enfant. Et du coup, ça s'est plutôt bien passé, ma grossesse. Même si j'étais en deuil, je pleurais beaucoup. Mais je me suis mis vraiment dans le truc, tu t'alimentes pour elle. Parce que c'était une fille. Et je pense que ça a été le révélateur aussi, parce que je voulais... En fait, je ne voulais pas lui transmettre mes TCA, comme si c'était une tare qu'on transmet alors que ça ne se transmet pas du tout. Mais en fait, il y avait vraiment cette peur de me dire, je ne peux pas lui transmettre ça. Et du coup, j'ai mis en place un processus moi-même, en m'alimentant normalement. Même si c'est toujours moi qui contrôlais ce que je mangeais. Mais comme ça, elle n'a pas perçu justement mes TCA.

  • Speaker #0

    Oui, alors pas que la grossesse finalement. Quand tu dis, tu ne voulais pas qu'elle voit, qu'elle perçoive finalement ta fille que tu avais des TCA. Donc, au-delà de la grossesse, tu as continué à suivre une sorte de plan que tu t'étais fait.

  • Speaker #1

    C'est ça.

  • Speaker #0

    Et ta fille, elle n'a pas perçu, elle n'a pas capté que tu avais des TCA du coup.

  • Speaker #1

    Alors, jusqu'à là, je pense, oui, vers 10 ans, je pense. Mais après, je lui en ai parlé. On en a parlé. Elle, elle avait bien perçu qu'il y avait quelque chose. Forcément, c'est des enfants, ils voient tout quand même. Et c'est pareil, en fait. Du coup, pour elle, c'était normal. Donc, du coup, ça n'a pas aggravé le... ça ne m'a pas atteint parce qu'elle vivait bien le truc.

  • Speaker #0

    Et toi, du coup, toute cette période-là, qui j'imagine a duré quand même pas mal d'années à partir de la grossesse de ta fille, tu étais dans un contrôle, j'imagine, quand même très rigide, mais du coup, tu te nourrissais un peu plus, ce qui, j'imagine, t'apportait quand même plus d'énergie pour toute ta vie quotidienne. Comment tu te souviens de cette période-là, toi, globalement ?

  • Speaker #1

    En fait, c'est comme si j'étais formatée. Je mangeais le matin, je déjeunais le matin, je mangeais le midi, je mangeais un petit truc à 4h et je remangeais le soir. Par contre, je ne mangeais jamais entre les repas. Ou si parfois j'avais envie de manger un petit truc, je le mangeais, mais je m'en voulais tellement de l'avoir mangé. Et du coup, il y avait cette sensation de culpabilité d'avoir mangé un truc qui me faisait plaisir à la base. Et il y avait toujours cette petite voix qui me disait Pourquoi tu l'as mangé ? Pourquoi tu l'as mangé ? Et en fait, c'est un combat entre deux parties dans mon cerveau. Et à vivre, c'est assez compliqué quand même. Oui.

  • Speaker #0

    Et tu te pesais à cette période-là ?

  • Speaker #1

    Alors, je ne me pesais plus trop. Par contre, ça a été un truc assez... Je pouvais me peser dix fois par jour. Je pouvais me lever la nuit pour me peser aussi. Oui. tellement... En fait, c'est comme en servicieux. J'ai commencé à maigrir et puis plus je maigrissais et plus, quelque part, je ressentais de la satisfaction. C'était ça, de la satisfaction. Et en fait, ça c'est... Le cercle continuait à tourner et je n'arrivais pas à en sortir.

  • Speaker #0

    Et finalement, dans la phase que tu décris post-grossesse, post-naissance de ta fille, J'ai l'impression que ça ressemble un peu à ce que certaines personnes me décrivent parfois, comme une sorte de semi-guérison. Ou finalement, comme tu le dis, tu es un peu formatée, un peu en mode robot. De toute façon, je fais ça, je fais ça, je fais ça. Qui peut donner l'impression d'avoir une vie normale, entre guillemets, alors qu'en fait, dans ta tête, c'est l'enfer, la culpabilité. J'imagine qu'aller au resto ou des repas imprévus, c'était hyper compliqué aussi.

  • Speaker #1

    Mais ce n'était pas possible. Ce n'était pas possible pour moi.

  • Speaker #0

    Mais malgré tout, tes symptômes étaient moins bruyants, envahissants qu'une phase où tu ne mangeais que deux biscottes et une soupe où tu te pesais dix fois par jour.

  • Speaker #1

    Oui, mais intérieurement, c'était un combat mutuel, mais que je ne faisais pas percevoir. Oui.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a duré combien de temps alors, cette phase ?

  • Speaker #1

    Ouf !

  • Speaker #0

    Oui. Mais c'est souvent des phases qui sont très longues parce que justement, je trouve que ça peut donner l'illusion d'une vie normale, donner l'illusion que de toute façon, on n'aura pas mieux que ça. Tu vois, parce que tu revenais tellement loin aussi, j'ai envie de dire. Tu avais déjà quand même vachement progressé.

  • Speaker #1

    C'est ça. C'est ça. Et la satisfaction que j'ai aujourd'hui, c'est d'avoir progressé quelque part un peu pas toute seule parce qu'il y avait mon mari, il y a mes enfants. Puis après, j'ai rencontré des thérapeutes qui m'ont ouvert la porte. Ils m'ont ouvert la porte et là, j'ai commencé à découvrir l'hypnose, le coaching, tout ça. Et je me suis intéressée vraiment au développement personnel, ce qu'on ressentait. Parce qu'à la base, on a des émotions, on a envie qu'ils s'en vont, on les refoule en fait. On a envie que... Enfin, j'en veux pas, j'en veux pas. Et plus on fait ça et plus ça s'installe. Et quand j'ai compris ça, je me suis dit, en fait, ça a des émotions, il faut que tu les traverses. Tu as déjà traversé plein de choses. Si tu peux traverser ça, tu peux traverser tes émotions et les comprendre. J'ai commencé à prendre soin de mon corps, prendre mon corps comme un allié, plus comme quelque chose de je n'en veux pas

  • Speaker #0

    Oui, déjà, tu as commencé à réinvestir ton corps, à revivre dans ton corps, j'ai l'impression aussi. Puis les émotions, c'est intéressant ce que tu dis, parce que les émotions, c'est corporel. Donc déjà, de faire ce travail de, OK, je vais petit à petit me laisser plus traverser par mes émotions, ça veut dire que forcément, tu revenais un peu plus dans ton corps.

  • Speaker #1

    C'est ça. Et c'est vraiment les séances d'hypnose. Une fois, ma copine, elle me dit, mais va voir une hypnothérapeute, tu verras bien. J'avais tout essayé. Je me suis dit, je ne suis plus à ça. Et... Et du coup, j'ai pris rendez-vous. Première séance assez prenante. Je fais quelques séances et vraiment, je me suis redécouverte en fait. Ah ouais ? Je me suis redécouverte. Et puis, c'était cool. C'était cool de se redécouvrir et on se dit, mes mains, j'ai perdu tout ce temps. Si j'avais rencontré ces personnes-là au moment où tu étais vraiment dans le fond du fond, peut-être tu aurais gagné du temps. Mais après, je me dis, si tu es passé par là, c'est qu'il fallait que tu passes par là et qu'il n'y a jamais rien qui se fait par hasard, en fait.

  • Speaker #0

    Et du coup, toutes ces aides extérieures et l'hypnose où tu dis, je me suis redécouverte. Ça, ça t'a permis aussi de débloquer des choses sur ton comportement alimentaire, ton rapport à ton corps ?

  • Speaker #1

    Pas au début. Pas au début. Je pense qu'il y a une petite graine que j'ai plantée et qui a poussé plus tard.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Enfin, vraiment. Là, aujourd'hui, je peux dire que je ne me sens plus anorexie. On m'aurait demandé il y a dix ans, j'étais encore anorexie, même si moi je me disais que j'étais plus anorexie, beaucoup de gens me disaient quand même, tu as quand même des problèmes avec l'alimentation.

  • Speaker #0

    Et qu'est-ce qui t'a permis d'en sortir alors, sur justement les dix dernières années là ?

  • Speaker #1

    En fait, il n'y a pas vraiment eu, je pense que j'ai fait mon petit chemin. Il y a eu le confinement où tout le monde s'est un peu redécouvert, on avait le temps pour nous, tout ça. Je faisais plus à manger, tout ça. Il m'est pris plaisir, c'était vraiment ce plaisir de faire à manger pour moi, pour mes proches. Et j'ai commencé à manger en pleine conscience. Je mangeais avec plaisir. C'était plus manger par obligation. Parce que pendant très longtemps, j'ai mangé par obligation. Même si ça ne se voyait pas, je mangeais par obligation.

  • Speaker #0

    Ok. Et du coup, ça a eu un impact sur ton corps, une prise de poids ?

  • Speaker #1

    Oui. Alors pas beaucoup.

  • Speaker #0

    Et comment tu as vécu ça alors ?

  • Speaker #1

    Ben, plutôt bien. Plutôt bien. Je me suis remis à courir, tout ça. Et je pense que le sport, il aide beaucoup aussi. à faire une connexion avec son corps, son esprit. Et je pense que tout ça, j'ai mis en place sans le vouloir en fait. J'ai mis en place des choses et sans le vouloir, je m'en suis sortie comme ça, inconsciemment en fait. Mais bon, c'est un parcours d'un long... Enfin, c'est un long parcours. C'est un très long parcours. Si je disais que ça a été facile, je mentirais. Ça n'a pas été facile, mais aujourd'hui, je suis là et je suis fière de la femme que je suis devenue, en fait.

  • Speaker #0

    C'est beau d'entendre ça. Ça me donne envie de te poser la dernière question que je pose à chaque fois aux personnes et qui est très importante à mon sens, c'est de savoir ce que... tu aurais envie de transmettre aux personnes qui en sont au stade de celle que toi tu étais ? Alors, tu as été à plein de stades différents. Donc, je ne sais pas, soit tu fais une réponse globale, soit les différents stades. Mais voilà, que ce soit la petite Muriel ou aussi la Muriel maman qui mange par obligation pour ne pas transmettre à sa fille, mais qui n'est pas encore guérie. Qu'est-ce que tu pourrais dire aux personnes qui sont encore en pleine tourmente ?

  • Speaker #1

    Déjà de ne pas rester seule. Maintenant, nous à l'époque, il n'y avait pas trop ces podcasts ou Instagram, comme Toif la vie, où il y a Alizé aussi qui transmet pas mal l'hyperphagie, tout ça. Et je trouve que ça aide pas mal quand même de sentir qu'on n'est pas seul et de se faire accompagner par des gens qui vous comprennent, qui ne vous jugent pas. Et maintenant, ça s'est quand même pas mal développé. Et il y a des gens qui sont très compétents. C'est ça, très compétents parce qu'ils se sont spécialisés dans les TCA. Et puis, en tant que maman, je pense qu'on se laisse porter par ses enfants, par l'amour qu'ils vous portent. Et je pense que c'est ça. Je suis assez mue de le dire en plus. De toute façon, quand on parle des enfants, souvent, en tant que maman, on a toujours cette émotion. Mais oui, non, l'amour de mon mari et de mes enfants m'ont vraiment transportée maintenant où j'en suis. Même si j'ai fait une grosse partie du travail.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui, je pense que c'est... J'entends aussi que dans ton parcours, il y a quelque chose de proactif, en fait. T'es allée... En tout cas, au moment où c'était possible pour toi, tu es allée chercher de l'aide, tu as cherché à comprendre, tu t'es intéressée sans doute à plein de choses, et puis voilà, tu es allée chercher de l'aide. Et du coup, ce travail, tu l'as mené toi, mais j'entends l'importance que ça a eu pour toi, de te sentir aimée. Et j'ai l'impression de te sentir aimée inconditionnellement. Tout à l'heure, tu disais, mon mari m'a prise comme j'étais, avec l'anorexie.

  • Speaker #1

    C'est ça. Parce que quand on a un trauma comme ça, En général, on a un rapport avec les hommes qui est un peu erroné. Enfin, j'ai vu un truc que tu as laissé passer la dernière fois, ton chemisier, tout ça. Enfin, on ne devrait pas se poser la question, ben mince, si je m'habille comme ça, le regard des hommes, comment elle va être sur moi ? On ne devrait pas se poser cette question, en fait. On devrait s'habiller comme nous, on en vit, et pas se dire, ben mince, il va y avoir un regard... Et du coup, c'est nous qui devrions être coupables de comment on est habillés.

  • Speaker #0

    Je trouve ça... Oui, on en revient à, malheureusement, ce que tu as sûrement ressenti à l'époque où tu tenais ton corps coupable, responsable en tout cas. Tu vois, il y a souvent la culpabilité inversée, en fait, quand on est victime de violences, et notamment de violences sexuelles, avec l'impression que c'est la faute du corps, c'est la faute de... Voilà, mais tu prends l'exemple du poste que j'avais fait sur mon chemisier. Pour le coup, ça illustre aussi bien la société dans laquelle on vit, parce que j'avais un chemisier qui était ouvert, mais enfin, tu vois, rien de foufou, quoi. Et il y a un type lambda dans le train qui, d'un air réprobateur, vient me dire de reboutonner mon chemisier parce que quoi, je sais pas, ça le gêne, parce que quoi, ça lui crée des pulsions. Enfin, franchement, aujourd'hui, je pense que je réagirais différemment, mais à l'époque, un peu comme dans le cadre d'une agression, j'ai été sidérée, en fait, tu vois. J'ai juste reboutonné mon truc. Oh mince, limite en lui disant pardon, c'est délirant.

  • Speaker #1

    Mais oui, c'est complètement délirant, mais en fait, il faut passer tout ça pour comprendre justement, se dire mais on ne devrait pas se sentir coupable en fait. On s'habille comme on a envie. Ce n'est pas pour attirer le regard des hommes, c'est parce que nous, on a envie de s'habiller comme ça en fait. Et du coup, c'est vrai que le rapport avec l'homme, était erroné et lui, il était bienveillant. Il n'était pas dans le... Et du coup, ça m'a réconciliée, justement. Je me suis dit, finalement, les hommes ne sont pas tous pareils. Et heureusement, heureusement qu'ils ne sont pas tous pareils. Mais parfois, on peut se sentir sidéré par les réactions comme ça, du regard, en fait. Et du coup, nous, on se sent coupable, alors que non.

  • Speaker #0

    Oui, je pense avoir perçu vraiment au fil de notre échange à quel point... Il a été important, mais votre relation, j'ai envie de dire plutôt, a été importante, la relation que vous avez construite tous les deux. Et puis, du coup, j'ai cru comprendre que tu avais eu plusieurs enfants.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai une fille et un garçon.

  • Speaker #0

    Et oui, j'entends à quel point l'amour de cette famille que tu as créé a été super important. Et je ne peux pas m'empêcher de faire un peu le lien avec ton histoire de base. justement c'est peut-être ce qui t'a manqué aussi tu vois dans tout ce qui s'est passé pour toi quand t'étais petite fille ce soutien inconditionnel d'une maman le fait de te sentir portée à ce moment là et bien finalement c'est quelque chose que t'as été en mesure de créer c'est ça je suis assez fière de ça tu peux je pense que c'est important de se le dire de se le répéter de regarder ce parcours court et de pouvoir être fière de ça, vraiment, il y a de quoi. Après presque 30 ans passés dans l'anorexie.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Mais ouais, je pense que l'amour de ses proches, je pense que ça aide. Quand on est seul et on a des TCA, je pense que c'est compliqué si on ne se fait pas aider. Parce qu'on s'enferme, justement. On s'enferme de corps. On n'a pas d'issue. On ne sait pas à qui en parler. Et du coup, la personne, elle s'isole.

  • Speaker #0

    Tout à fait. Écoute, merci beaucoup. Je trouve que c'est un beau message d'espoir. Je trouve aussi que ton témoignage, il est super important par rapport à ce que tu as partagé sur ton trauma. Je trouve qu'il y a une valeur éducative aussi. C'est important de... J'ai envie que ce soit plus simple de parler de ça parce que le silence autour des violences sexuelles... Ce n'est pas aux victimes qu'ils rendent service, c'est aux agresseurs. Donc, il faut pouvoir en parler plus facilement. Il faut que des parents entendent aussi ton témoignage pour que peut-être si demain, leur fils ou leur fille rentre à la maison en leur parlant d'une agression, ils puissent agir différemment de ce que toi, tu as vécu. Donc, merci. J'ai envie de te dire un immense merci. Un grand bravo pour ce parcours. Et un immense merci d'être venu témoigner. avec autant d'authenticité de nous avoir livré un grand morceau de ta vie puisque encore une fois ça a pris beaucoup de place donc franchement merci beaucoup je suis sûre que ça va être vraiment riche pour les personnes qui vont l'écouter en tout cas c'est moi qui te remercie Flavie avec grand plaisir merci beaucoup un grand merci à toi qui est encore là à la fin de cet épisode mon podcast te plaît ? t'apporte de l'aide ? alors partage-le, laisse un commentaire Laisse 5 étoiles sur ta plateforme d'écoute préférée. Ça va te prendre quelques secondes. Et pour moi, c'est un soutien immense. Mon podcast, c'est une ressource gratuite que j'ai envie de mettre à disposition. Comme tu l'as remarqué, il n'y a pas de pub avant, pendant, après. Pouvoir me permettre de continuer à le faire, c'est hyper important de m'apporter ce soutien en le partageant, en en parlant autour de toi et en mettant ces 5 étoiles et ce petit commentaire qui permettront de valoriser et faire connaître le podcast. Je te remercie et je te dis à dans quelques jours pour un nouvel épisode. Ciao !

Chapters

  • Présentation Muriel

    01:09

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à son corps

    03:27

  • Souvenir le plus marquant dans le rapport à l’alimentation

    06:10

  • Le début de l’anorexie

    07:56

  • Le manque de formation (et de prise en charge) des traumas sexuels

    14:30

  • TW Les violences sexuelles dont elle a été victime

    25:03

  • Les 30 ans dans l’anorexie et ce qui l’a aidée à s’en sortir

    35:57

  • Une sorte de semi-guérison

    42:41

  • Ce que Muriel aimerait transmettre

    49:16

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