Speaker #0Designer, architecte, entrepreneur, artisan, tous ont en commun une vision, un parcours, une approche du design qui résonne avec notre époque. Alors ici, on parle d'inspiration, de matière, d'innovation, de process, mais aussi de défis, d'échecs et de réussites. Tout ce qui façonne finalement chaque projet. Ce Design Talk, c'est une plongée dans l'univers de ceux qui imaginent, transforment et réinventent notre quotidien. Alors installez-vous, ouvrez grand les oreilles, l'épisode du jour commence maintenant. Bienvenue dans The Design Talk. Alors aujourd'hui, je vous l'avais annoncé, je vous propose une parenthèse. Pas d'interview, pas de débat, juste une voix, un paysage, un instant suspendu. Tout l'été, tout le mois d'août plutôt, je vous invite à visiter des maisons rêvées. Certaines existent, d'autres non, mais toutes racontent quelque chose de l'espace, du design et du temps qui passe. Une cabane blanche au bord de l'eau, une maison pleine de rires et des longues tablées, un palais vénitien endormi ou un refuge au nord, au bord de l'ac. Alors fermez les yeux, laissez-vous guider et bienvenue dans la maison rêvée. Bienvenue dans The Design Talk pour notre série d'été. Alors nous avons découvert la maison du silence, la maison du plaisir avec ses grandes tablées, ses copains et ses cousins. Et cette semaine je vous propose de rentrer dans la maison du souvenir. Parce qu'il y a des maisons d'été qui ne sont pas faites pour la foule, des maisons qui sont silencieuses, presque effacées. Et pourtant, elles sont bien habitées. Elles sont habitées d'abord par la mémoire, par des gestes, aussi par les absents. On ne sait pas très bien depuis quand elle est là. Elle ne se donne pas d'emblée, cette maison. On la découvre par strates. Une première visite, d'ailleurs, ne suffit pas. Il faut y revenir, y prêter attention, l'écouter pour enfin l'aimer. Elle pourrait se trouver en Normandie, sur une hauteur un peu battue par le vent, ou même dans une vallée toscane, entre Cyprès et Pierre-Sèche. Elle ne cherche pas à séduire, elle ne cherche rien d'ailleurs, elle est là. Elle est immobile, presque timide. Une maison d'après. Le jardin est un peu sauvage, une portail qui grince, des volets qui sont écaillés. Mais les rosiers grimpants tiennent bon, comme une fidélité à cette maison. A l'intérieur, la fraîcheur, des murs épais, des tomettes, des rideaux en lin lavés. Et puis surtout, une vie. Pas une mise en scène, une vie. Les objets ne sont pas assortis, ils sont assemblés. Une commode empire qui voisine avec un fauteuil des années 50. Sur la cheminée, on a un coquillage énorme ramassé lors d'un voyage dont on a oublié la destination. Dans la bibliothèque, des livres dans toutes les langues. Certaines éditions déchirées, annotées, aimées. Une lampe en céramique ébréchée, un coussin trop déformé pour être neuf. Et puis partout, des signes. Une photo retournée, une carte postale punaisée. Un trousseau de clé sans serrure, des traces, des souvenirs. C'est une maison de l'intime, une maison où on se parle à voix basse, où on lit beaucoup, où l'on écoute des vinyles anciens en buvant du café noir dans une tasse ébréchée. On y retrouve quelque chose d'un parent disparu peut-être, d'un été perdu, d'un amour lointain. C'est une maison d'écrivain, pourquoi pas d'écrivain. Peut-être celle de Marguerite Duras à Neuf-le-Château, avec ses fenêtres toujours entreouvertes, ses papiers sur la table, son silence à la fois doux et dense. Ou une maison rêvée par Madeleine Castin, excentrique, baroque, pleine de velours, d'objets fétiches. Ou encore un décor plus contemporain, pensé par Studio K.O. Brut, juste, texturé, comme si chaque pièce racontait une époque différente. On n'entrit ici qu'un peu comme dans un journal intime. Les meubles sont les phrases, les tissus sont les émotions, et la lumière, les silences. Il n'y a pas d'horaire, on déjeune à 16h. On dîne à la lueur d'une lampe de chevet, on dort trop ou pas assez, on rêve un peu éveillé, on écrit, parfois sans savoir pourquoi, et quand on parle, c'est pour dire des choses importantes, ou rien du tout. C'est une maison de la beauté imparfaite, celle qui ne cherche pas à plaire, mais qui émeut. Un bouton manquant, une trace de vin sur une nappe, une porte qu'on n'arrive jamais à fermer, ben on aime tout ça, parce que tout ça, ça nous ressemble. Et parfois, il y a une pièce qui intrigue. Au bout du couloir, dans la petite salle de lecture, il y a cette chaise longue. de Miss Vandero, parfaite, presque trop. Son cuir patiné, avec sa finition remarquable, tranche avec tout le reste. On dirait qu'elle a été oubliée. Ou plutôt que quelqu'un l'a amenée discrètement pour rappeler que le design peut aussi cohabiter avec le souvenir. Elle appartenait à notre oncle, il était architecte. On dit qu'il lisait beaucoup, mais toujours allongé. Là, l'été, avec un chapeau sur le visage, les enfants l'imitent parfois. Ils y posent leurs doudous, leurs livres d'images, leurs cahiers de vacances, sans savoir ce qu'ils touchent. L'après-midi s'étire, les enfants jouent à cache-cache derrière les rideaux, les adultes somnolent, un livre ouvert sur le ventre. On prépare le dîner lentement, on épluche, on rince, on parle de choses anciennes, de souvenirs flous. On se rappelle une odeur, un prénom, une lumière. Les repas sont longs, on reste à table, on rit, doucement ou fort. On raconte des histoires que plus personne ne vérifie d'ailleurs. Et puis, alors finalement, le soir tombe. La maison, elle devient bleue. Chaque pièce prend une teinte différente. La chambre verte du rez-de-chaussée sent la cire et le linge propre. Le salon prend des airs de théâtre fermé. La cuisine est une scène de fin de film. Et puis, il y a les conversations, les vraies. Ah, enfin, celles qui arrivent quand le vin est presque fini. On parle d'amour, on parle de mort, de ce qu'on n'a pas fait. On parle de ceux qui ne sont plus là, on dit qu'on reviendra, on sait qu'on ment un petit peu, mais on va essayer de revenir. Et cette maison, elle s'en moque, parce qu'elle, elle gardera tout. Elle gardera les rires, les silences, les miettes sous la table. Elle est faite pour ça, parce que c'est une maison du souvenir, une maison qui n'a pas besoin d'être à la mode, une maison qui nous laisse tranquille et puis qui doucement, doucement, mais sans aucun doute, nous rassemble. Merci d'avoir écouté The Design Talk, la maison du souvenir, le troisième épisode de notre série d'été. Et si la semaine prochaine, on partait encore ailleurs ? Dans l'épisode 4, je vous propose de vous emmener à Venise. Pas celle des cartes postales, mais une Venise silencieuse. À la fin de l'été, on commence à entendre les hirondelles qui commencent à s'éloigner de nos latitudes, et les touristes qui s'effacent, et les palais retrouvent alors leur mystère. Nous entrerons dans une maison au bord d'un canal, un ancien palais vénitien, habité par la lenteur, le terrazzo, la lumière dorée, quelques pièces de design italien, iconiques évidemment. Et puis il y aura un dîner étrange, une musique au loin, des lampes pipistrello, un fauteuil Castiglioni un peu usé, et l'impression que le temps s'est totalement arrêté. Le palais endormi, c'est une rêverie vénitienne, une invitation à écouter ce que les lieux murmurent quand plus personne ne parle. A la semaine prochaine.